Jeudi 12 janvier 2012

- Présidence de M. Serge Larcher, président -

Programme de travail - Echange de vues

M. Serge Larcher, président. - Je vous remercie de votre présence qui m'est avant toute chose l'occasion, en cette nouvelle année, de vous souhaiter santé, harmonie et réussite dans votre mission au service de nos concitoyens. Tous mes voeux vont aussi à la réussite de notre délégation : elle suscite de nombreuses attentes qui nous obligent au succès.

Je veux dire à Jean-Etienne Antoinette, qui devait être parmi nous aujourd'hui, mais que la disparition brutale de son père a rappelé d'urgence en Guyane, que notre sympathie l'accompagne dans son deuil.

Nous sommes réunis aujourd'hui pour définir nos méthodes et notre programme de travail. Je suggère que nous nous inspirions de l'expérience du Comité de suivi de la mission commune d'information sur la situation des départements d'outre-mer que j'ai présidé au cours des deux dernières années et dont nous avions voulu qu'il fonctionne main dans la main avec les commissions permanentes et la commission des affaires européennes. C'est ainsi qu'avait été désigné sur décision de la Conférence des présidents, parmi nos membres, un référent dans chaque commission, généralement le rapporteur budgétaire, afin de créer des synergies, et pour que le Sénat s'exprime d'une même voix sur les questions relatives à l'outre-mer. Je suggère que dans le cadre de cette délégation, nous formions des binômes, en retenant le principe démocratique d'une double parité, entre majorité et opposition, d'une part, sénateurs de l'hexagone ou représentant les Français établis hors de France et sénateurs de l'outre-mer, d'autre part.

M. Georges Patient. - Autant je suis favorable à une égale représentation de la majorité et de l'opposition, autant l'idée d'associer par principe un sénateur de l'hexagone à un sénateur de l'outre-mer me laisse réticent. J'aurais l'impression d'être placé sous surveillance hexagonale...

Mme Catherine Procaccia. - Ou réciproquement !

M. Serge Larcher, président. - Je pensais que cette association serait plutôt source d'enrichissement et de complémentarité. De même, prévoir des référents dans les commissions permanentes vise à enrichir réciproquement nos travaux et à diffuser une meilleure connaissance et reconnaissance des réalités ultramarines.

M. Claude Domeizel. - Il faudrait cependant ménager un peu de souplesse à ce principe de double parité, y compris dans la désignation des rapporteurs. Car dans l'hypothèse, qui pourrait bien se vérifier, où les représentants élus outre-mer seraient tous de la majorité, il faudrait ne choisir que des membres de l'opposition parmi les hexagonaux...

M. Serge Larcher, président. - J'entends bien, mais il est aussi, pour l'heure, des sénateurs de l'opposition originaires de l'outre-mer...

Sont désignés référents de la Délégation :

MM. Éric Doligé et Georges Patient au sein de la commission des finances.

MM. Christian Cointat et Félix Desplan au sein de la commission des lois.

Mme Catherine Procaccia et M. Michel Vergoz au sein de la commission des affaires sociales.

M. Maurice Antiste et Mme Jacqueline Farreyrol au sein de la commission de la culture.

MM. Jean-Marie Bockel et Richard Tuheiava au sein de la commission des affaires étrangères.

MM. Michel Magras et Thierry Repentin au sein de la commission de l'économie.

Mme Karine Claireaux et M. Jean Bizet au sein de la commission des affaires européennes.

M. Serge Larcher, président. - Nous pouvons à présent ouvrir la discussion sur notre programme de travail, en retenant un double principe : les sujets qui retiendront notre attention gagneront à être transversaux et il conviendra d'éviter les débats interférant dans les situations locales particulières. Certains d'entre vous m'ont fait part, par écrit, de leurs pistes de réflexion. Celles de Jean-Marie Bockel portent sur la présence militaire et le service militaire adapté ainsi que sur les transports, celles de Thierry Repentin sur le logement et le foncier, tandis que Richard Tuheiava privilégie la question de l'intégration régionale des collectivités d'outre-mer et de ses enjeux géopolitiques.

M. Jean-Marie Bockel. - Ce ne sont là que pistes de réflexion, étant entendu que la question du service militaire ne concerne pas l'ensemble de l'outre-mer.

M. Michel Magras. - Les collectivités d'outre-mer sont inscrites dans notre Constitution comme terres françaises : voilà qui appelle une réflexion de long terme sur la continuité territoriale. Autre enjeu de la continuité : le numérique. Ainsi du très haut débit, dont la gageure est tout autre chez nous que sur le territoire continental. Je suis convaincu que la réussite de l'outre-mer passe par sa capacité à transformer ses handicaps en atouts. Les nouvelles technologies font partie des moyens qui nous aideront à rompre l'isolement.

Notre futur économique passe aussi, indiscutablement, par la zone économique exclusive, notre richesse côtière et marine à laquelle la France doit son rang mondial en ce domaine. Je l'ai évoqué au sein de la délégation à la prospective : il faut anticiper sur l'économie de demain. Comment exploiter intelligemment cette zone ? Quelles relations entre la France et les territoires qui lui en ouvrent l'accès ? Autant de questions qui appellent une réflexion à long terme.

Mme Aline Archimbaud. - L'outre-mer souffre d'ores et déjà des effets des dérèglements climatiques - je pense notamment à la montée des eaux, qui menace bien des îles - et d'autres sont à venir - violence aggravée des cyclones, sécheresse. La biodiversité est menacée - coraux, faune, flore, forêts... En même temps, l'outre-mer est riche d'un potentiel d'énergies renouvelables - je pense au solaire, à l'éolien - qui pourrait aider son économie à engager la transition, répondre aux besoins, créer de l'emploi. Si d'autres collègues étaient intéressés, je serais prête à m'engager avec eux dans un travail commun.

M. Claude Domeizel. - J'ai été amené à traiter de la question de la fonction publique et de celle des retraites. Sans qu'il soit question de trouver la solution miracle à ce problème complexe et sensible, ne serait-il pas bon que notre délégation dresse un bilan de la situation outre-mer, qui diffère non seulement de celle de l'hexagone mais d'un département d'outre-mer à l'autre ? J'espère que le sujet n'est pas tabou !

M. Serge Larcher, président. - Nous travaillons ici sans tabou.

M. Christian Cointat. - Je rejoins Michel Magras sur la question de la continuité territoriale. Le monopole des compagnies aériennes plombe l'économie de l'outre-mer. Se pose du même coup la question de la formation des prix : l'insularité peut expliquer un niveau plus élevé, mais pas celui qui est le leur. Certains d'entre nous siègent à la Commission nationale d'évaluation des politiques de l'État outre-mer, la CNEPEOM, qui s'est saisie pour analyse de cette double question de la continuité territoriale et de la formation des prix : il pourrait être utile que notre président prenne l'attache de celui de la CNEPEOM, notre collègue député Gaël Yanno, pour faire avancer nos travaux de concert.

Mme Catherine Tasca. - Retenir des thèmes transversaux, d'accord sur le principe. Mais il faudrait pouvoir y déroger dans certains cas. Je pense à Mayotte, où le difficile processus de départementalisation appellerait un suivi, ainsi qu'à la Nouvelle Calédonie, engagée dans une évolution statutaire à plusieurs échéances, qui mérite notre attention. Voilà, à mon sens, deux situations locales dont nous ne pouvons nous désintéresser.

M. Charles Revet. - Pour avoir été rapporteur de la loi de modernisation de l'agriculture et de la pêche, je puis confirmer que si la France dispose d'une zone économique maritime équivalente à celle des États-Unis, c'est grâce à l'outre-mer. Les enjeux alimentaires de demain passent par la mer. C'est là un grand potentiel, et une question économique centrale pour l'ensemble des régions ultramarines. Il serait bon d'avancer là-dessus.

M. Jacques Gillot. - Faut-il considérer la coopération régionale décentralisée comme une question locale ou globale, sachant qu'elle intéresse non seulement la Caraïbe, mais aussi la Guyane et La Réunion... ?

M. Serge Larcher, président. - Elle peut entrer dans le vaste chantier de l'intégration régionale.

M. Paul Vergès. - Le propre du Sénat est de voir loin, sans se focaliser sur les seuls problèmes du jour. Si je souscris aux propositions qui ont été avancées, je crois qu'il faut savoir les replacer dans une perspective d'avenir, rendue sensible par la situation des territoires d'outre-mer. La question démographique, au premier chef, est aiguë. La Réunion comptait 240 000 habitants en 1946, nous sommes 850 000 aujourd'hui et serons un million en 2025. Face à nous, Madagascar : 4 millions d'habitant en 1946, 21 millions aujourd'hui, près de 40 en 2025. Et si l'on considère la côte orientale de l'Afrique, les chiffres flambent encore davantage.

Vient ensuite la question climatique : c'est dans nos océans que se posent la plupart des problèmes. Les villes se trouvent, sur la plupart de nos îles, au niveau de la mer, sur le rivage. Elles assurent aussi les liaisons aériennes. Qu'arrivera-t-il si la mer monte ? Quant aux cyclones, leurs dégâts seront de plus en plus dévastateurs au Antilles et chez nous. Et je ne parle pas du dégel de l'Arctique, qui pourrait être ravageur pour La Réunion : la route du nord ouest fait gagner 10 000 kilomètres sur celle du canal de Suez. Cela veut dire, à terme, pour nous, l'isolement total.

La ressource maritime ? La zone d'exclusion maritime des membres de la Commission de l'Océan indien, qui regroupe La Réunion, Madagascar, les Comores, l'île Maurice et les Seychelles est aussi grande que la Méditerranée et l'Atlantique. Or, 97 % des prises de pêche sont effectuées par les flottes de pays non riverains (M. Revet le confirme).

Autant de problèmes considérables pour l'avenir, qui appellent une réflexion de long terme : 9,5 milliards d'habitants sur la planète à l'horizon 2050 ; un changement climatique qui aura produit des perturbations sans précédent entre 2050 et 2100 ; une biodiversité toujours plus menacée, avec son cortège de désastres, comme les incendies qui se sont produits à La Réunion.

Cette réflexion doit aussi s'articuler avec le passé. À La Réunion, département français, nous nous sommes battus cinquante ans pour l'égalité sociale, notamment en matière d'allocations familiales. Or, je constate aujourd'hui que les décisions s'accélèrent : à Mayotte, le gouvernement annonce le SMIC sous trois ans. Il convient de réfléchir aux conséquences de cette accélération vertigineuse de l'intégration. Et que dire de la question des revenus ? À La Réunion, ils sont tous décidés par le gouvernement. Voyez le statut des fonctionnaires : 53 % de majoration de traitement, 35 % pour les pensions, un congé familial annuel et trois années de séjour valant quatre annuités, sans parler du droit annuel au congé familial dans l'hexagone. Or, l'augmentation du nombre des fonctionnaires sous la pression démographique est inévitable. Le même problème se pose ailleurs, avec les conventions collectives, négociées par le gouvernement : 30 % de plus qu'en France pour les banques et les assurances, 42,5 % pour la sécurité sociale, 70 % pour la radio et la télévision, 90 % pour l'institut d'émission des DOM.

Nous vivons pourtant dans une société de déclin : en l'absence de développement, 52 % de la population vit sous le seuil de pauvreté. Un tel déchirement ne peut conduire qu'à l'explosion. Le Sénat doit y réfléchir. Après les émeutes de la Guadeloupe, et leur extension à la Martinique, La Réunion et la Guyane, en 2009, c'est au tour de Mayotte d'entrer en tension.

Nous devons décrypter l'avenir, dire où nous allons. Les contrats de plan courent sur cinq ans, mais ce n'est pas à une telle échéance que se résoudront les contradictions : il faut réfléchir à dix, vingt voire trente ans.

M. Jean-Marie Bockel. - Merci au doyen Vergès de ce discours lucide, courageux, prémonitoire, qui a élevé le débat. Je n'interviendrai, après lui, que sur des questions de méthode. Je pense, avec Jacques Gillot, que la question de la coopération décentralisée peut entrer dans un travail transversal ; je suis Catherine Tasca sur la nécessité d'intégrer certaines thématiques territoriales, selon des modalités qu'il vous reviendra, monsieur le président, de préciser. Il est clair que nous aurons à gérer des sujets transversaux, mais le principe du travail « en délégation », tel que vous l'avez posé, est propre à nous éviter l'isolement. Dernière remarque, enfin : il est, parmi nous, de bons généralistes, ainsi que de bons spécialistes, pour certains territoires ou certaines thématiques, mais sans doute serait-il utile de prévoir pour nous tous, peut-être en liaison avec les services ministériels, des séquences liminaires de mise à niveau sur les sujets que nous entendrons aborder. (Catherine Tasca approuve).

M. Serge Larcher, président. - C'est une des missions de la délégation, qui a vocation à mieux faire connaître l'outre-mer aux parlementaires. Car derrière les images d'Épinal se cachent bien des souffrances et bien des dangers ; bien des talents aussi, une jeunesse en attente...

M. Maurice Antiste. - Au risque de vous choquer, je pense que cette délégation devrait tout faire pour être originale. Nombreux sont les organismes et les institutions qui ont travaillé sur l'outre-mer. Il importerait de dresser l'inventaire de ce qui est ressorti de ces travaux et de jeter, de là, un regard nouveau. Car à ne pas changer le point de vue - au sens propre - nous prendrions le risque de ne produire que quelques rapports de plus, à classer aux archives.

Nous sommes à la veille d'évolutions institutionnelles : profitons de la réflexion encore vivace des populations pour casser le regard traditionnellement porté sur l'outre-mer. Ce nouveau regard doit pouvoir trouver sa portée dans la notion, revisitée, de continuité territoriale, qui ne doit pas se résumer à la question de la distance géographique, mais englober bien d'autres thématiques, qui ont ici été évoquées : fonction publique, économie, formation des prix. C'est ainsi que nous donnerons sens à cette notion.

Autre thématique à mon sens incontournable : l'Europe. Je l'illustrerai d'un exemple. Pour avoir été responsable, dans mon conseil général, puis au conseil régional, de l'activité pêche, je me suis souvent rendu à Bruxelles. Qu'y ai-je constaté ? Que chaque fois que l'on y parle de la pêche, l'outre-mer compte pour rien (Charles Revet le confirme). Face à la perte de ressource, l'Europe réagit en supprimant ses subventions à l'armement de nouveaux bateaux. Mais c'est nous interdire, du même coup, alors que nous avons des fonds au conseil régional, d'aider nos marins pêcheurs à s'installer. C'est ignorer la différence entre les gros navires de pêche et leurs petites embarcations, qui sont autant de micro-entreprises. Il manque, sur ces questions, un vrai regard : nous sommes toujours fondus dans le collectif.

Il faut donc, dans notre travail ici, repartir de zéro. Je suis heureux d'être membre d'une délégation qui reflète la composition de la nation. Nous apprendrons du regard hexagonal dont nous voulons aussi qu'il considère notre point de vue. Si nous parvenons à croiser les regards, nous ferons des merveilles.

M. Richard Tuheiava. - Il est pour moi essentiel que l'on ne distingue pas, dans nos travaux, entre départements et collectivités d'outre-mer, qui méritent un traitement égal. Il fallait que ce fût dit.

Si j'ai proposé une réflexion sur les enjeux géopolitiques de l'intégration régionale des collectivités d'outre-mer dans leur bassin, c'est qu'elle me semble pouvoir rassembler beaucoup des thématiques qui ont été évoquées.

Je rejoins Michel Magras sur la richesse du milieu marin, et le fort potentiel qu'il représente pour l'outre-mer et l'ensemble de la nation. Car le bénéfice doit être égal pour la France et l'ensemble des collectivités qui abritent ces richesses.

La nation est à un virage, notamment dans sa relation financière à l'outre-mer. C'est le moment d'ouvrir une réflexion prospective. Je rejoins Paul Vergès. Il faudra répondre à une question fondamentale : la nation a-t-elle les moyens de son outre-mer actuel, et sinon, comment faire ? Cela engage les questions de la continuité territoriale et numérique, de celle des niveaux de vie. Pour faire des propositions originales, il faut que nous nous donnions, que le Parlement se donne les moyens de la prospective.

M. Georges Patient. - Je partage le point de vue qu'a exprimé Maurice Antiste, en ajoutant que l'on ne peut passer sous silence la question récurrente des finances et de la fiscalité locale outre-mer, qui nous préoccupe tous - à l'exception, peut-être, de Saint Barthélemy...

M. Éric Doligé. - Il a beaucoup été question de l'avenir, mais il ne doit pas nous faire oublier le présent. Repartir de zéro, comme le suggère Maurice Antiste, c'est passer notre travail de deux années, au sein du Comité de suivi, par pertes et profits. Or, nous avons beaucoup proposé, beaucoup avancé. L'outre-mer vit des situations d'urgence, les secousses liées à la vie chère y sont récurrentes. Cette question des prix peut en englober bien d'autres qui ont été ici abordées : fonction publique et retraites, pêche, vie dans les bassins économiques... C'est aux causes qu'il faut s'attacher, sinon, l'urgence reviendra.

Il est aussi d'autres urgences, auxquelles nous avions réfléchi. Le problème de la continuité territoriale appelle des réponses claires. Celui de la jeunesse, en expansion, aussi, qui exige éducation et formation. Celui du logement, très lié au foncier. Certes, il est utile d'engager une réflexion prospective sur le climat, les nouvelles technologies, pour ouvrir des pistes d'avenir mais il faut aussi proposer des réponses législatives claires à des problèmes brûlants, comme celui du logement, pour éviter de nouvelles explosions.

L'outre-mer est riche d'un potentiel énorme, qui passe aujourd'hui par pertes et profits. Notre travail, depuis deux ans, a consisté à changer le regard des parlementaires de la métropole et à intéresser tout le monde aux problèmes ultramarins. Faute de susciter cet intérêt, nous n'avancerons pas.

M. Maurice Antiste. - Je ne voudrais pas voir mon propos résumé en une expression. J'ai dit qu'il fallait partir de zéro, mais pour dresser un inventaire : il ne s'agit donc nullement d'ignorer ce qui a été fait.

M. Jacky Le Menn. - Parmi les questions transversales, n'oublions pas la santé publique. Le dynamisme de la natalité, l'habitat indigne, la pollution des eaux appellent un vrai travail de prévention, ainsi que l'a constaté la délégation de notre commission des affaires sociales qui s'est rendue en Guyane et en Martinique. La médecine doit aussi faire face à des maladies spécifiques. Même si des efforts ont été faits, des établissements construits, la spécificité des pathologies requiert un accompagnement thérapeutique important. Se pose également le problème de la formation médicale, qui n'est assurée sur place que pour les quatre premières années. Il faut donc prendre le problème à bras le corps. D'autant qu'il se complique parfois de questions frontalières : on ne peut se contenter de réexpédier chez eux ceux qui passent un fleuve pour se faire soigner.

M. Jean-Jacques Hyest. - Ce problème s'illustre dans la question des accouchements à Mayotte.

M. Paul Vergès. - Vous pointez bien là, avec la question de la santé, le lien entre urgence du présent et perspectives d'avenir. Les Malgaches approcheront les 50 millions dans quatre décennies. Comment résoudre cette quadrature ? Madagascar est francophone. Quand on voit les efforts que déploient la Chine, les États-Unis et le Canada à Madagascar, on comprend que l'enjeu, non seulement économique, mais culturel, est de taille. Allons-nous répéter les erreurs du passé, quand on a décidé, depuis Paris, de laisser partir le Canada ou la Louisiane ?

M. Claude Domeizel. - Je vous suis : la situation géographique des départements et collectivités d'outre-mer est une chance pour la France ; cette vérité doit être mise en exergue de nos travaux. Du temps que je présidais le Centre de formation du personnel communal, j'ai voulu que la délégation régionale de Guyane devienne un centre de formation international, ouvert à l'Amérique centrale et à l'Amérique du Sud toutes proches. Il s'y est mené des formations pour les Équatoriens, et cela n'a rien d'anecdotique (Serge Larcher, président, le confirme) : c'est le moyen de rayonner dans les territoires proches des DOM.

M. Serge Larcher, président. - Nous le disons depuis longtemps !

Vous avez évoqué beaucoup de thèmes ; certains se recoupent. Il n'est pas possible de décider dans l'instant ; je vous soumettrai prochainement des propositions et vous invite à y réfléchir. Nous devons être ambitieux, mais réalistes : nous ne pouvons traiter tous les sujets en une seule fois !

J'envisage une réunion mensuelle ainsi que des conférences pour assurer la mise à niveau souhaitée par certains d'entre vous. À la fin du prochain mois, nous arrêterons la liste des thèmes et le calendrier.

J'ai à vous informer, dans le cadre des États généraux de la démocratie territoriale, lancés à l'initiative du président Bel, de la tenue à l'automne d'un débat spécifique sur la démocratie territoriale dans les outre-mer.

Vos propositions sont nombreuses. Éric Doligé a soulevé le problème de la vie chère. La résurgence des troubles, notamment en Martinique doit nous interpeller. La population n'est pas dupe. Il faudra voir si les réponses ont été pertinentes.

M. Christian Cointat. - On n'a rien changé ! Parce qu'on n'ose pas changer...

M. Serge Larcher, président. - La question de la jeunesse est, elle aussi, centrale. Elle est liée à celles de l'éducation, du marché du travail et de la continuité territoriale. L'Europe est incontournable, Maurice Antiste en a fait la démonstration, comme la question des finances locales, mise en avant par Georges Patient.

Nous allons travailler à mettre en ordre toutes vos pistes de réflexion et je vous proposerai une prochaine réunion pour retenir les thèmes de l'année et désigner les rapporteurs.

L'essentiel, c'est que nous travaillions en bonne intelligence et également en lien étroit avec les commissions permanentes et la commission des affaires européennes. J'irai à la rencontre de leurs présidents dans les prochains jours.