Mardi 28 juin 2011

- Présidence de M. Jean Arthuis, président -

Règlement des comptes et rapport de gestion pour l'année 2010 - Examen du rapport

La commission procède à l'examen du rapport de M. Philippe Marini, rapporteur général, sur le projet de loi n° 672 (2010-2011), adopté par l'Assemblée nationale, de règlement des comptes et rapport de gestion pour l'année 2010.

M. Jean Arthuis, président. - Cette séance est consacrée à l'examen du rapport sur le projet de loi de règlement pour 2010. Elle a été précédée par l'audition du ministre du budget, jeudi dernier.

M. Philippe Marini, rapporteur général. - Un rapport par semaine, je crains de vous lasser...

M. Jean Arthuis, président. - Bien au contraire, le risque est plutôt celui de l'addiction !

M. Philippe Marini, rapporteur général. - Une fois n'est pas coutume, la croissance constatée en 2010 fut le double de celle prévue en loi de finances initiale : 1,5 %, contre 0,75 %. Preuve, s'il en est, que nous nous portons toujours mieux lorsque les prévisions sont modestes. Néanmoins, en raison de la crise et de ses effets structurels, notre PIB reste inférieur à celui de 2007...

M. Aymeri de Montesquiou. - ...et, surtout, à celui de 2000, année où le maximum fut atteint !

M. Philippe Marini, rapporteur général. - Je commencerai par un point de méthode. L'exercice du projet de loi de règlement, pour intéressant qu'il soit, porte sur le seul budget de l'État. Nous continuons donc à vivre sous un régime assez archaïque, antérieur à l'expansion budgétaire de la sécurité sociale, quand il faudrait examiner le programme de stabilité 2010-2013 pour parvenir à une vision globale de nos finances publiques, incluant l'ensemble des administrations publiques.

De ce point de vue, il existe deux manières d'envisager une même réalité économique. Les optimistes souligneront que le déficit est de 7,1 %, contre une prévision de 8,2 %. Les réalistes, que certains qualifieront de pessimistes, rappelleront le « score » remporté par la France : fin 2010, nous enregistrions le cinquième plus fort déficit de la zone euro, après la Grèce, l'Irlande, l'Espagne et le Portugal... Quant à la dette publique, elle s'est envolée à des niveaux jamais atteints en 2010, essentiellement en raison du Grand emprunt. Toutefois, l'embellie du solde public est une réalité : on note une amélioration de 0,5 point du déficit des administrations publiques qui résulte, de surcroît, d'éléments structurels, et non conjoncturels. Si l'on se borne à regarder l'agrégat des dépenses publiques, on se prête même à rêver : la dépense publique a crû de 0,6 % en volume, contre 2,3 % en moyenne ces dix dernières années. Est-ce à dire que nous atteindrions le stade de la vertu ? Cela n'est pas certain... L'analyse détaillée de l'évolution des dépenses publiques montre que ce résultat flatteur est totalement lié à des facteurs exceptionnels. De fait, si l'on neutralise l'arrêt du plan de relance et la stabilité des dépenses locales, la croissance des dépenses publiques est légèrement inférieure à 2 %, soit un chiffre proche du trend historique. Pour tenir compte des livraisons exceptionnelles de matériels militaires en 2000 -une situation qui n'est pas propre à cet exercice-, il faut toutefois corriger ce chiffre pour le ramener à 1,5 % en volume.

Revenons-en au programme de stabilité : peut-on comparer précisément la prévision et son exécution pour l'année 2010 ? L'exercice est pour le moins délicat : le Gouvernement et son administration, culturellement, ne sont pas très enthousiastes à faire toute la transparence en la matière. En outre, les prévisions de croissance des dépenses de chaque catégorie d'administrations publiques sont indiquées à périmètre constant et hors transferts entre administrations publiques, contrairement aux données en exécution, publiées par l'Insee. D'où l'article 15 que notre commission avait introduit dans la loi de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014, prévoyant un rapport annuel du Gouvernement sur l'application des programmes de stabilité. Hélas, le Gouvernement ne consacre pas tous ses efforts à l'élaboration de ce bilan. Cette année, moins de deux pages lui sont réservées dans le rapport qui nous a été transmis à l'occasion du débat d'orientation sur les finances publiques. Ce qui nous laisse sur notre faim... Enfin, un problème spécifique à l'année 2010 : le changement de base de l'Insee. Différences notables entre la « base 2000 » et la « base 2005 », le PIB est légèrement minoré -d'où un déficit à 7,1 % en 2010, et non à 7 % comme l'avait indiqué le Gouvernement en avril dernier- ; la CADES et le Fonds de réserve pour les retraites (FRR) appartiennent désormais à la catégorie des administrations de sécurité sociale, et non à celle des organismes divers d'administration centrale. En résumé, des progrès restent à faire pour que le Parlement soit véritablement informé de l'exécution du programme de stabilité. Si celui-ci devient le cadre, ne pas suivre rigoureusement son exécution serait une lacune très lourde.

Venons-en aux chiffres. Côté recettes, les recettes fiscales connaissent une progression faciale d'un peu plus de 39 milliards. Pour autant, ce rebond s'explique surtout par des éléments circonstanciels. En raison de la réforme de la taxe professionnelle, l'État a recouvré la contribution foncière des entreprises, la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises et les impositions forfaitaires sur les entreprises de réseaux pour 14,5 milliards. L'arrêt du plan de relance, soit la cessation des mesures de soutien à la trésorerie des entreprises, se solde également par 14,5 milliards de recettes supplémentaires. Au total, seuls 8,6 milliards sont imputables à l'évolution spontanée des recettes, soit un cinquième de la hausse. Enfin, les mesures nouvelles en 2010 ont entraîné une moins-value de 1,6 milliard. Si le rythme de création de niches fiscales a été moins élevé que par le passé, la règle de gage n'a toujours pas été observée.

Côté dépenses, la norme « zéro volume » a été respectée en 2010 à condition d'une présentation flatteuse... De fait, pas moins de 70 milliards de dépenses liées à la réforme de la taxe professionnelle, au Grand emprunt et au plan de relance ont été retranchées de la norme. Notons, aussi, que le budget général a bénéficié des économies constatées sur la charge de la dette -2 milliards- et le prélèvement européen -0,8 milliard. Enfin, le remboursement des dettes de l'État envers la sécurité sociale a été débudgétisé -1,4 milliard- pour éviter d'affecter la norme. En outre, treize missions dépassent en exécution les plafonds fixés dans le budget triennal, sans compter que l'enveloppe normée des concours aux collectivités territoriales fait l'objet d'un léger dépassement. Faut-il en conclure que les règles sont faites pour être contournées ou que l'adoption d'une règle enfin contraignante s'impose ? Puissent nos débats sur le projet de loi constitutionnelle relatif à l'équilibre des finances publiques avoir une vertu pédagogique pour l'avenir !

S'agissant de la masse salariale, les suppressions d'emplois ont été moins nombreuses que prévu : 26 527 ETPT, contre 31 930. Est-ce à dire que le Gouvernement ne s'est pas tenu à sa ligne politique ? Non, ce phénomène s'explique, en grande partie, par le nombre inférieur de départs à la retraite effectifs par rapport aux prévisions : 64 058 départs, contre 67 594 estimés. Malgré l'application de la règle du « un sur deux » avec un taux de non-remplacement de 48 %, la masse salariale, à périmètre constant, a crû de 2 % : une augmentation de 0,7 % pour les dépenses de masse salariale et de 5,2 % pour les dépenses de pension. Les 807,9 millions d'économies réalisées grâce aux suppressions d'emploi ont été absorbées par les mesures catégorielles -544 millions d'euros-, la revalorisation du point d'indice -536,6 millions-, le glissement vieillesse-technicité -181,2 millions- ainsi que d'autres mesures -514 millions au titre de la garantie individuelle du pouvoir d'achat, des mesures envers les bas salaires et de mesures diverses. Les pessimistes en concluront que la politique du « un sur deux » est insuffisante ; les autres s'en réjouiront, notant qu'elle a permis de financer des mesures de revalorisation et de reclassement pour la fonction publique.

Hors masse salariale, la dynamique de dépense est partout. Les dépenses de fonctionnement augmentent de 7,2 % par rapport à 2009, essentiellement en raison de la transformation des 3,6 milliards de dépenses de personnel des universités ayant accédé à l'autonomie en dépenses de fonctionnement. La réforme des universités est une bien belle chose, mais peut conduire à des appréciations inexactes du budget... Les dépenses d'intervention, quant à elles, enregistrent une hausse de 6,7 %, en raison des 2,7 milliards de dépenses d'investissements d'avenir et de l'augmentation de 1,3 milliard des dépenses en faveur de l'emploi. Les charges de la dette de l'État ont progressé de 7,6 %, dont 1,8 milliard liés à l'effet volume et 2,2 milliards liés à l'inflation. En revanche, les dépenses d'investissement diminuent de près de 15 %, l'effort étant concentré sur la Défense, après une année 2009 exceptionnelle, du fait du plan de relance. Enfin, la progression spectaculaire des dépenses d'opérations financières, qui passent de 0,6 milliard en 2009 à 25 milliards en 2010, résulte de la dotation en fonds propres des opérateurs chargés de financer les investissements d'avenir au titre de l'emprunt national.

Plongeons maintenant dans les abîmes du déficit budgétaire : en 2010, 11 milliards de plus qu'en 2009 ! Le solde primaire, soit hors service de la dette, continue de se dégrader, pour atteindre moins 110,3 milliards contre moins 92,3 milliards en 2009. Corrigé des investissements d'avenir, qui ne donnent pas tous lieu à des décaissements, il s'établit à moins 76,3 milliards. En bref, 27 % des dépenses de l'État ont été financées par des ressources non permanentes en 2010 ; le taux de couverture des dépenses du budget général par ses recettes était de 53,3 %, contre 55,3 % en 2009. Autrement dit, l'État a vécu à crédit dès le mois de juillet.

La hausse de l'encours de la dette négociable, après la forte progression de 133,2 milliards en 2009, a ralenti en 2010 : plus 78,8 milliards pour un encours de 1 212 milliards fin 2010, soit une augmentation de 40 % depuis 2005. Ce mouvement s'est accompagné d'une recomposition de l'encours au profit des titres à moyen et long termes. Fin 2010, les bons du Trésor à taux fixe et à intérêts précomptés (BTF) ne représentaient plus que 15,44 % de l'encours total, contre 19 % un an avant.

Pour achever ce bilan, un aperçu de la situation patrimoniale de l'État. Le résultat patrimonial se dégrade de 12,1 milliards par rapport à 2009. Cette détérioration s'explique par l'augmentation des charges nettes qui équivaut presque au double de celle des produits nets. L'État présente une situation nette négative de 756,6 milliards, soit moins 92 milliards par rapport à 2009. L'actif s'apprécie de 44 milliards, du fait de la première comptabilisation des concessions hydrauliques en 2010 et de la revalorisation de la Banque de France dans les comptes de l'Etat. Le passif, quant à lui, augmente de 137 milliards, principalement du fait de la progression de la dette financière et de la trésorerie passive.

Après le bilan, le hors bilan sur lequel les informations manquent : ils ne sont pas recensés de manière exhaustive, sans compter que les données ne sont pas comparables d'une année à l'autre. Le ministre, lors de son audition du 23 juin dernier, l'a reconnu et s'est engagé à faire son possible pour permettre une meilleure utilisation de ces données et leur indispensable comparaison année après année.

L'année 2010 est maintenant derrière nous, mais ses chiffres soulignaient le handicap structurel dont souffrent nos finances publiques.

M. Jean Arthuis, président. - Merci de cet exposé dont la clarté contribuera à notre lucidité sur la situation préoccupante de nos finances publiques. A vous entendre, je songeais qu'il était regrettable de se limiter effectivement à l'examen du seul budget de l'État via la loi de règlement. Mieux vaudrait une vision consolidée incluant la sécurité sociale.

M. Philippe Marini, rapporteur général. - La commission des affaires sociales l'accepterait-elle ?

M. Jean Arthuis, président. - Nous pourrions imaginer la création d'une commission spéciale...

Mme Nicole Bricq. - Tout d'abord, un constat : le niveau historique de notre déficit est dû à la dégradation de notre déficit primaire. L'année, le rapporteur général l'a rappelé, est exceptionnelle en raison de la réforme de la taxe professionnelle, du plan de relance et du Grand emprunt. Au fait, comment le Parlement va-t-il surveiller l'affaire du Grand emprunt et des investissements d'avenir ? Nous avions déploré cette débudgétisation qui pèsera, de toute façon, sur les dépenses tout en donnant des fruits, s'il y en a, dans quelques années.

Les recettes pérennes sont faibles. Ainsi l'impôt sur les sociétés, durant ces trois dernières années, a-t-il souffert le plus : moins 2,3 milliards en 2008, moins 1,9 milliard en 2009, moins 1,8 milliard en 2010. La question de l'impôt sur les sociétés, que nous posions avec la proposition de loi de MM. Marc et Rebsamen, est donc relancée.

Un dernier sujet : les recettes non fiscales dont vous avez peu parlé malgré leur importance dans l'exécution budgétaire. Or les fortes recettes de la Banque de France et de la Caisse des dépôts et consignations ne se reproduiront pas tous les ans !

Je réserve mes autres commentaires pour la séance publique.

M. Jean-Pierre Fourcade. - Merci de cette présentation très claire. Ne faudrait-il pas prévoir un système consistant à réduire automatiquement le programme d'emprunt sur le marché international lorsque la charge de la dette diminue ? En 2010, le montant du programme s'établissait à 188 milliards. Or la charge de la dette a diminué de 2 milliards, il aurait été logique d'emprunter seulement 186 milliards. Idem pour cette année.

Ensuite, d'après le rapport annuel de performances sur les participations financières de l'Etat, nous avons accumulé, avec les participations diverses du Trésor au financement du plan Campus ou d'autres programmes d'investissement, des risques pour les années suivantes et le compte spécial « Participations financières de l'Etat » n'a pas pu, de ce fait, dégager 5 milliards d'excédents pour nous désendetter comme cela était prévu. La commission, me semble-t-il, devrait y insister ; en 2010, l'APE n'a vraiment pas fait son travail : sur 5 milliards de ressources prévues, nous avons seulement collecté 2,9 milliards d'euros et aucune de ces recettes n'a été affectée au désendettement. Outre les difficultés avec la Sovafim, nous courons des risques sur l'Etablissement public de financement et de restructuration (EPFR) ; bref, toute une série de désagréments qui nous seront préjudiciables lors de l'exercice 2012 et, surtout, celui de 2013. Il faut remettre de l'ordre dans cette affaire qui menace de déraper. Par exemple, en matière de gestion de trésorerie, nous avions prévu, en 2010, de donner un peu d'argent à l'Agence nationale de la recherche et aux universités dans le cadre des dotations non consomptibles du grand emprunt. 500 millions d'euros devaient être versés, or nous constatons que seulement 100 millions l'ont été effectivement. Par conséquent, cela signifie qu'en 2011 et 2012, nous devrons accélérer les versements, c'est-à-dire dégager des intérêts plus élevés sur ces dotations déposées au Trésor. Tant sur les engagements financiers que sur les participations financières, il me paraît important de souligner les risques que nous encourrons.

M. François Marc. - L'écart entre la France et l'Allemagne s'est singulièrement creusé : à situation comparable en 2005, nous affichons aujourd'hui un déficit de 7,1 %, contre 3,3 % outre-Rhin. J'y vois le signe d'un manque de maîtrise de nos finances publiques. D'autant qu'en 2010, si nous respectons la norme de dépense, c'est simplement en raison d'économies conjoncturelles, notamment sur la charge de la dette...

Ensuite, une question : monsieur le rapporteur général, ne pensez-vous pas que la commission devrait insister sur la « défaillance du système d'information de l'Etat » pointé par la Cour des comptes ? D'après cette dernière, cette faillite rendrait impossible le chiffrage de la réforme de la taxe professionnelle. Sommes-nous en mesure d'avoir une vision objective des comptes de l'Etat ? Cette observation rejoint notre préoccupation quant à la difficulté d'obtenir des simulations fiables sur tous les sujets touchant à la fiscalité.

M. Jean Arthuis, président. - Quant à moi, je souhaiterais un éclairage sur le passage de la progression de la dette de 79 milliards au déficit, qui est de 149 milliards. Le mécanisme des investissements d'avenir -en somme, l'inscription d'une dépense que l'on ne dépense pas- justifie 35 milliards, moins les sommes effectivement dépensées...

M. Philippe Marini, rapporteur général. - ...qui sont de 165 millions en 2010 au titre des intérêts des dépôts sur le compte du Trésor.

M. Jean Arthuis, président. - Quid du reste ? Quant à ces 35 milliards d'investissements d'avenir, qui correspondront comme par magie à de l'endettement les années suivantes sans qu'il y ait dépense budgétaire stricto sensu, ne devraient-ils pas figurer dans les engagements hors bilan ?

M. Philippe Marini, rapporteur général. - Sans doute...

M. Jean-Pierre Fourcade. - Certes ! Mais il faudrait également déduire de ces engagements les remboursements, notamment ceux des deux constructeurs automobiles pour un montant de 6 milliards. Il y aura du plus et du moins ! Et je crains que nous ne les distribuions deux fois.

M. Philippe Marini, rapporteur général. - Madame Bricq, les recettes non fiscales augmentent de 1,9 milliard en 2010.

Mme Nicole Bricq. - Cela, je le sais !

M. Philippe Marini, rapporteur général. - S'agissant de la Caisse des dépôts, le cru de 2011 sera moins bon qu'en 2010.

Mme Nicole Bricq. - Voici où je voulais en venir : en loi de finances initiale, la Caisse des dépôts, par une technique budgétaire bien connue, était inscrite pour 900 millions. Or le chiffre réel est le double.

M. Philippe Marini, rapporteur général. - Madame, il faut prendre en considération les dividendes de toutes les filiales de l'Etat. On observe un rattrapage des politiques de dividende, qui vous seront certainement plus sympathiques que celle des entreprises privées...

M. Jean Arthuis, président. - Est-ce à dire que l'Etat actionnaire est facilement glouton ?

Mme Nicole Bricq. - Il est prédateur !

M. Philippe Marini, rapporteur général. - Je dirais, par doctrine, qu'il est le plus mauvais actionnaire de la terre. C'est dans sa nature : paperassier, bureaucratique, il prélève à contre-cycle car il vit dans le temps politique qui n'est pas le temps économique !

Madame Bricq, vous portez un jugement quelque peu pessimiste sur l'impôt sur les sociétés : son produit a progressé de 57 % entre 2009 et 2010. Réjouissez-vous !

Mme Nicole Bricq. - Nous aurions pu faire mieux !

M. Philippe Marini, rapporteur général. - Le produit de l'impôt sur les sociétés s'explique par un surcroît de recettes de 10 milliards dû au contrecoup du plan de relance, une moindre recette de 2,9 milliards en raison de la prorogation du remboursement anticipé des créances de crédit d'impôt recherche et 1,7 milliard également en moins à cause de mesures nouvelles ; reste une évolution spontanée des recettes de 6,7 milliards. La réalité est donc moins préoccupante que vous ne le dites, mais reste à surveiller avec attention.

Monsieur Fourcade, vous avez infiniment raison de souligner les difficultés de l'APE et les questions de gouvernance qui s'y posent. Si l'on compare le produit des participations de l'Etat aux prévisions de cessions et de valorisation en loi de finances, les données ne sont pas significatives. De fait, la coutume est d'inscrire ces montants pour ordre afin de ne pas influencer le marché.

J'en reviens à une question de Mme Bricq sur le Grand emprunt. La loi de finances rectificative de mars 2010 prévoit des modalités précises de reporting trimestriel via le commissariat général à l'investissement transmises, après analyse de l'information, au Parlement. Nous veillerons à la bonne mise en oeuvre de ce dispositif que nous avions d'ailleurs amendé.

Pour répondre au président, la variation de l'encours n'est pas égale à la variation du déficit. De fait, il convient de prendre en compte les amortissements et les rachats. La variation de la dette totale correspond au solde des émissions nouvelles et des amortissements intervenus dans l'année. Pour éclairer ce point, peut-être faut-il un tableau de passage dans le rapport écrit. En réalité, la réponse figure dans le tableau de financement de l'Etat à l'article 2 du projet de loi de règlement...

M. Jean Arthuis, président. - Sauf erreur de ma part, les amortissements sont couverts par l'émission de nouveaux emprunts. Partant, ils ne réduisent pas la dette. Quand il y a 149 milliards de déficit, il y a automatiquement presque 149 milliards de dettes. De fait, on couvre les emprunts antérieurs avec l'émission de nouvelles dettes, l'Etat n'ayant pas les moyens...

M. Jean-Pierre Fourcade. - C'est la dette perpétuelle !

M. Philippe Marini, rapporteur général. - Nous veillerons à présenter cette question de manière pédagogique dans le rapport.

M. Jean-Pierre Fourcade. - Tout ce qui relève du court terme n'entre pas dans le calcul du déficit...

M. Philippe Marini, rapporteur général. - Effectivement, les opérations infra-annuelles sont au-dessous de la ligne...

M. Jean Arthuis, président. - Soit, mais il faut bien en assurer le financement !

M. Philippe Marini, rapporteur général. - D'autant qu'à se renouveler sans cesse, elles forment une dette consolidée.

M. Jean Arthuis, président. - À Berlin, ils parlent d'aggravation de la dette plutôt que de déficit... C'est bien plus pédagogique !

M. Philippe Marini, rapporteur général. - M. Marc a mis l'accent sur la défaillance de Chorus et du système d'information. À ce sujet, la Cour des comptes a émis une réserve significative qui relativise la certification des comptes de l'Etat. Au reste, on utilise cette terminologie issue de la comptabilité générale essentiellement pour rassurer l'environnement international et les marchés.

M. Jean Arthuis, président. - Nous marchons sur la tête ! Dans le même ordre d'idées, il ne faut pas dire que la Grèce est en défaut... Comment pouvons-nous nous accommoder de ces artifices juridiques ? Nous nous racontons des salades !

M. Philippe Marini, rapporteur général. - Dans la sainte LOLF, nous avons bien inventé des contributions volontaires obligatoires...

M. Jean Arthuis, président. - ...et des impôts remboursables.

M. Philippe Marini, rapporteur général. - Les investissements d'avenir, en dynamique, relèvent effectivement des engagements hors bilan : nous serons obligés de financer par l'emprunt. Budgétairement, tout est dépensé puisque les opérateurs sont crédités, ce qui alimente une vraie fausse trésorerie déposée au Trésor. Par réalisme économique, je dirai que ce montage juridique, qui relève d'une opération de convenance au sein de l'Etat, est de la trésorerie en attente d'usage.

M. Jean Arthuis, président. - Soit, mais la dette augmentera du montant du déficit en sus des dépenses du Grand emprunt. C'est donc du hors bilan.

M. Philippe Marini, rapporteur général. - Ce point mérite une expertise complémentaire.

M. Jean Arthuis, président. - Je proposerai un amendement. Le sujet est un peu académique, mais important pour la sincérité des comptes publics.

Mme Nicole Bricq. - Il l'est ! Pour passer sous les fourches caudines de Bruxelles, la France a ôté au Parlement les moyens de suivre les investissements d'avenir.

M. Philippe Marini, rapporteur général. - Des comptes rendus sont prévus par la loi de mars 2010 ! Mieux vaut une étude complémentaire avant d'envisager un amendement...

M. Jean Arthuis, président. - C'est de la débudgétisation caractérisée. Nous le disons depuis le début. Rien de nouveau sous le firmament budgétaire !

M. Jean-Claude Frécon. - Monsieur le rapporteur, combien de temps prendra l'expertise supplémentaire que vous demandez ?

M. Philippe Marini, rapporteur général. - Un délai raisonnable en rapport avec le délai qui nous sépare de l'examen du texte... Si vous le souhaitez, monsieur Frécon, je vous adresserai la note à ce sujet.

La commission décide de proposer au Sénat l'adoption sans modification du projet de loi n° 672 (2010-2011), adopté par l'Assemblée nationale, de règlement des comptes et rapport de gestion pour l'année 2010.

Mercredi 29 juin 2011

- Présidence commune de MM. Jean Arthuis, président de la commission des finances et Jean-Paul Emorine, président de la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire -

Contrôle budgétaire de l'action de l'agence de développement touristique Atout France et de la promotion de la « destination France » à l'étranger - Communication

La commission entend tout d'abord, lors d'une réunion conjointe avec la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire, une communication de MM. André Ferrand, rapporteur spécial, et Michel Bécot, rapporteur pour la commission de l'économie, sur l'action de l'agence de développement touristique Atout France et la promotion de la « destination France » à l'étranger.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. - Notre séance présente un caractère extraordinaire puisque nos deux commissions sont aujourd'hui réunies en formation commune pour entendre une communication dont le sujet comporte une dimension économique mais aussi budgétaire et fiscale.

M. Jean-Paul Emorine, président de la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire. - Je remercie la commission des finances d'avoir associé la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire à ce contrôle budgétaire relatif à Atout France. Je rappelle que cette agence a été créée par la loi de développement et de modernisation des services touristiques que notre commission a examinée au fond.

M. Daniel Raoul. - J'indique que Mme Bariza Khiari, qui a été rapporteure de ce texte, est excusée. Elle regrette de ne pouvoir assister à cette réunion et remercie les rapporteurs pour avoir pris le soin de l'auditionner.

M. André Ferrand, rapporteur spécial. - C'est en ma qualité de rapporteur spécial du budget du tourisme de la mission « Économie » que la commission des finances du Sénat m'a confié en 2010 une mission de contrôle et d'information sur l'action de l'agence de développement touristique Atout France et la promotion de la « destination France » à l'étranger. A ce titre, j'avais déjà procédé à quelques auditions et effectué des déplacements à l'étranger, notamment dans le cadre de mes fonctions de sénateur représentant les Français établis hors de France, afin de rencontrer les responsables des bureaux d'Atout France, en particulier à Moscou, Sydney, Madrid, Hong-Kong, Pékin et Montréal. Je me suis également rendu à Lyon pour étudier les relations entre l'office du tourisme et les comités départemental et régional du tourisme. Compte tenu de la dimension économique du sujet, j'ai le plaisir d'avoir été rejoint par mon collègue Michel Bécot, sénateur membre de la commission de l'économie et président du groupe d'études du tourisme et des loisirs.

Plusieurs excellents rapports sur le tourisme existent déjà, sur l'importance économique du secteur, sur la qualité de l'accueil, etc. D'anciens collègues tels que Bernard Plasait, Paul Dubrule ou Jean-Jacques Descamps font autorité en la matière. Par ailleurs, Gilles Pélisson, ancien PDG d'EuroDisney et d'Accor, remettra au Gouvernement un rapport sur le tourisme d'affaires dans les prochains jours.

C'est pourquoi, avec mon collègue Michel Bécot, nous avons voulu éviter les redites et avons, au contraire, pris le parti délibéré de sélectionner nos recommandations en nous concentrant sur la place de la « Destination France » à l'international et les moyens d'insuffler une politique du tourisme ambitieuse et volontariste. A travers tous les témoignages recueillis, nous avons identifié ceux, limités, qui appelaient des réponses susceptibles de générer des actions et des progrès concrets. Nos amis ultramarins ne nous en voudrons pas si nous n'avons pas approfondi ce sujet en l'étendant à l'outre-mer. Notre collègue Michel Magras vient de remettre un rapport sur le tourisme et l'environnement outre-mer, sur lequel un débat a eu lieu en séance hier après-midi.

Pour être le plus concret possible, nous avons donc lancé un cycle d'auditions et de tables rondes thématiques avec l'administration et les professionnels du tourisme sur des sujets très ciblés tels que le financement, l'organisation et la mutualisation des moyens, l'attractivité et la compétitivité de la « destination France », le renforcement de l'offre de séjours touristiques et, enfin, les nouveaux besoins de la clientèle internationale.

M. Michel Bécot, rapporteur, président du groupe d'étude sur le tourisme et les loisirs. - Tout d'abord, je me félicite que la commission des finances s'intéresse au tourisme car cette question n'est pas considérée à sa juste valeur dans notre pays. J'ai été président de « Odit France » pendant huit ans et j'ai eu l'occasion de travailler sur le sujet. Aussi, un rapport commun avec la commission des finances aura-t-il peut-être plus de poids pour obtenir les moyens d'investir. Les dépenses en matière de tourisme ne sont pas inutiles : ce sont des investissements pour l'avenir.

Je crois que l'on n'a pas suffisamment conscience en France que le tourisme constitue un volet majeur de l'économie nationale et qu'il crée des emplois non délocalisables.

Le dynamisme des flux touristiques mondiaux ne fléchit pas. La crise financière et économique a bien eu un impact en 2008 et 2009 sur les échanges touristiques internationaux, mais ceux-ci sont repartis à la hausse dès 2010. La mondialisation a pour effet une croissance rapide du nombre des touristes internationaux, sur un rythme de l'ordre de 4 % par an. A cet égard, les projections de l'Organisation mondiale du tourisme (OMT) prévoient 1,6 milliard d'arrivées de touristes internationaux à l'horizon 2020, alors qu'on n'en comptait encore qu'un milliard en 2010.

Comment se situe la France sur ce marché porteur ? A priori, on ne peut mieux puisque, avec 74,2 millions de touristes internationaux accueillis en 2009, elle peut revendiquer la première place, devant les Etats-Unis, l'Espagne, la Chine et l'Italie. Mais ce classement est moins avantageux en termes de recettes puisque, avec 49,4 milliards de dollars, la France ne se classe qu'au troisième rang, derrière les Etats-Unis et l'Espagne, qui retirent du tourisme international respectivement 93,9 milliards de dollars et 53,2 milliards de dollars. Ce classement est encore moins bon si l'on raisonne en termes de recettes moyenne par touriste. La France ne se situe alors plus qu'au septième rang avec seulement 643 dollars dépensés par touriste, contre, par exemple, 1 019 dollars pour l'Espagne ou 931 dollars pour l'Italie qui sont nos concurrents européens directs. Enfin, le premier rang affiché de notre pays recouvre une érosion de ses parts de marché, qui sont passées de 6,4 % des recettes du tourisme international en 2000 à 5,7 % en 2009.

Par ailleurs, le tourisme constitue un poste de la balance des paiements largement positif. Avec un excédent de 7,8 milliards d'euros en 2009, le solde extérieur du tourisme est supérieur à celui de l'automobile ou de l'industrie agroalimentaire. Les comptes satellites du tourisme que publie l'INSEE sont actuellement en cours de révision. Pour la dernière année connue, 2007, ils établissaient la part de la consommation touristique dans la richesse nationale à 6,2 % du PIB.

Le tourisme est aussi une source d'emplois nombreux et non délocalisables. Au 1er janvier 2008, les activités caractéristiques du tourisme employaient directement plus d'un million de personnes, soit 842 000 salariés et 178 000 non salariés, essentiellement dans le secteur de l'hôtellerie-restauration. Depuis dix ans, la croissance moyenne dans le secteur du tourisme est de l'ordre de 27 000 emplois par an. En outre, le nombre des emplois induits peut être estimé à un autre million de personnes.

Au final, je dirai que l'intérêt porté par les pouvoirs publics au tourisme ne me paraît pas à la mesure de son importance économique. Avec mon collègue André Ferrand, nous partageons cette volonté de mieux faire prendre conscience, aux citoyens mais aussi au plus haut sommet de l'Etat, des atouts de notre pays et du potentiel de développement économique.

M. André Ferrand, rapporteur spécial. - Les principaux constats que nous avons pu faire au cours de nos travaux porte sur l'action d'Atout France, notamment à l'international, sur notre politique de promotion de la « Destination France » et, enfin, sur l'adaptation de notre offre touristique. En effet, pour être efficace, il ne s'agit pas seulement de faire de la communication, il faut proposer un produit attractif.

Atout France est issu de la loi du 22 juillet 2009 de développement et de modernisation des services touristiques. Cette agence de développement touristique de la France a été constituée par la fusion d'ODIT France, groupement d'intérêt public spécialiste d'ingénierie touristique qui oeuvrait pour la structuration de l'offre touristique auprès des collectivités locales et des opérateurs privés, et du groupement d'intérêt économique Maison de la France, chargé de la promotion touristique de la France. Ce rapprochement s'inscrit dans le cadre de la rationalisation de l'intervention publique voulue par la Révision Générale des Politiques Publiques (RGPP).

Parallèlement, le Comité de modernisation des Politiques publiques du 4 avril 2008 a décidé la création d'une direction générale unique regroupant la direction générale des entreprises (DGE), la direction du tourisme (DT) et la direction du commerce, de l'artisanat, des services et des professions libérales (DCASPL). C'est donc désormais une « sous-direction du tourisme » au sein de la direction générale de la compétitivité, de l'industrie et des services (DGCIS) qui exerce la tutelle de l'Etat.

Constitué en groupement d'intérêt économique, Atout France est devenu l'opérateur unique de l'Etat pour définir la stratégie nationale de promotion de la « destination France » et mettre en oeuvre les politiques publiques en faveur du tourisme (convention d'objectifs et de moyens).

S'agissant des missions d'Atout France, il faut souligner l'éventail très large de ses attributions tant sur le territoire national qu'à l'étranger. En effet, aux deux missions principales, d'une part, d'assistance au développement et d'ingénierie, d'autre part, de promotion touristique en France et à l'international, s'ajoutent deux nouvelles missions, auparavant exercées par l'administration : l'immatriculation des agents de voyage et le classement des hébergements ; la formation continue des professionnels. Il nous a semblé que c'est sur ce dernier sujet que l'action d'Atout France semble encore à définir.

Le plan stratégique défini par la convention d'objectifs et de moyens 2010-2012 est très ambitieux puisqu'à l'horizon 2020, le Gouvernement prévoit que la France devienne la première destination européenne en recettes par touriste, donc rejoigne l'Espagne. L'enjeu est de transformer la France, qui est trop souvent une destination de passage, en destination de séjour. Pour ce faire, le plan marketing développé par Atout France semble cohérent. Il prévoit de donner une identité à la destination France pour le grand public et les nouvelles clientèles internationales issues des BRIC. Il prévoit également d'agir sur l'offre touristique en créant de nouvelles destinations et filières.

Mais ce programme pose la question des moyens. Le budget d'Atout France, d'environ 77 millions d'euros en 2010, a la particularité de se composer de dotations publiques (42 millions d'euros dont 34,5 millions d'euros de subventions pour charge de service public issus du programme « Tourisme ») et de partenariats privés dont le montant de 35 millions d'euros intègre les cotisations des adhérents et les prestations de services.

L'opérateur dispose également d'un large réseau à l'international : 36 bureaux répartis dans 32 pays. Sur les quelque 422 emplois d'Atout France, près de 220 personnes sont employées à l'étranger. Le coût de l'ensemble de ces représentations est estimé à 60 % du budget global de l'agence, soit environ 46 millions d'euros. Pourtant la comparaison avec les grands pays concurrents dans le tourisme montre que la France dispose de moyens bien inférieurs à Turespaña (201 millions d'euros) qui est l'administration du tourisme de l'Espagne. Pourtant composée de provinces plus autonomes que nos régions françaises, l'Espagne fédère davantage ses crédits au bénéfice d'une stratégie commune. Le budget de promotion du tourisme de l'Andalousie (90 millions d'euros) est par exemple supérieur à celui de la France. Même les Etats-Unis, qui jusqu'à présent ne prévoyaient aucun budget fédéral pour soutenir le tourisme ont considéré qu'il s'agissait d'un sujet stratégique ! Aussi, ont-ils créé un organisme de promotion (« Travel promotion Act » de février 2010) doté de 200 millions de dollars (100 millions issus d'une taxe sur la procédure automatisée d'autorisation d'entrée sur le territoire et 100 millions issus du privé).

Un effort de rationalisation de notre réseau international est souhaitable, notamment pour rediriger les moyens vers les nouveaux pays d'origine du tourisme (Chine, Brésil), mais il ne serait en tout état de cause pas suffisant pour dégager des moyens suffisants.

M. Michel Bécot, rapporteur. - Aujourd'hui, les grands pays d'accueil développent chacun leur marque nationale, qui peut être utilisée par tous les opérateurs touristiques pour leurs actions de promotion. Ainsi, l'Espagne a réussi à imposer mondialement l'identité visuelle de sa marque -« I need Spain » dont le visuel est le soleil de Miró- qui apporte une cohérence aux campagnes menées par ses différentes régions.

Sur ce modèle, Atout France a développé une marque « Rendez-vous en France », qui a vocation à mobiliser tous les acteurs du tourisme autour de sa nouvelle stratégie de promotion. L'objectif est de rendre la marque France suffisamment attrayante pour qu'elle séduise des partenaires tant privés qu'institutionnels. Elle doit également résoudre le problème de la multiplicité des appellations dont souffre encore notre communication. En effet, à destination des professionnels, Atout France propose un site internet à son nom. Mais ce vocable n'évoque pas grand chose aux non francophones. Pour le grand public, il existe le site « France Guide », qui ne dispose pas d'une grande notoriété. Quant au portail officiel de la France, « France.fr », il redirige les visiteurs sur le site professionnel d'Atout France, et non pas sur le site grand public.

Il faut cependant admettre que la marque « Rendez-vous en France » est demeurée jusqu'à présent plutôt confidentielle, par rapport aux marques nationales concurrentes. Cela n'a rien d'étonnant, si l'on compare les budgets de campagne promotionnelle des uns et des autres. Ainsi, Atout France a disposé de 250 000 euros pour promouvoir la marque nationale, alors que l'Espagne a consacré 40 millions d'euros à la promotion de la sienne, et l'Inde 33 millions d'euros ou la Tunisie 30 millions d'euros à la promotion des leurs. Cette dernière a même débloqué en urgence 3 millions d'euros pour conduire une campagne de communication grand public après la révolution de Jasmin. On constate que les moyens de promotion de la marque France ne se situent pas du tout dans les mêmes ordres de grandeur que ceux des marques concurrentes.

Or, ce sous-investissement se retrouve également dans d'autres secteurs du tourisme. Pour 2010, l'investissement touristique est de l'ordre de 9,7 milliards d'euros, en fléchissement depuis le milieu des années 2000, où il était supérieur à 10 milliards d'euros. Le poste principal de ces investissements est constitué par les résidences secondaires, qui en représentent 37 %, suivies par l'hôtellerie (16 %), la restauration (14 %) et les résidences de tourisme (9 %).

Toute une fraction de l'offre de bâti touristique est aujourd'hui obsolète. C'est en particulier le cas d'une partie de la petite hôtellerie indépendante, notamment en zone rurale, de certaines résidences de tourisme, de nombreux palais des congrès, et de la plupart des hébergements de tourisme à vocation sociale. Nous risquons d'assister à l'apparition de véritables « friches touristiques » dans notre pays. De fait, le secteur touristique souffre d'un sous-investissement chronique dû à la faible rentabilité des capitaux investis, en raison notamment du caractère encore trop saisonnier de l'activité.

La réforme du classement des hébergements touristiques va nécessiter un effort de mise à niveau, puis un flux d'investissement régulier afin que les hébergements puissent répondre à des normes de classement désormais évolutives, révisées au moins tous les cinq ans. De même, la mise aux normes de sécurité et d'accessibilité suscite un fort besoin d'investissements.

M. André Ferrand, rapporteur spécial. - L'accueil en France est un éternel sujet de débat dans notre pays, aussi faut-il éviter d'aligner des lieux communs. Je voudrais toutefois citer la charte pour la qualité de l'accueil signée par le secrétaire d'Etat Frédéric Lefebvre, applicable pour la période du 1er mars 2011 au 28 février 2014, avec les professionnels du secteur : aéroports de Paris, SNCF, RATP, France congrès, l'hôtellerie restauration, les artisans-taxi. Sur ce point, je tiens à signaler que l'administration des douanes est venue spontanément nous présenter les efforts quelle fournit dans le domaine. Le mérite de cette charte est de porter sur des mesures concrètes propres à la qualité de l'accueil : l'accueil et les services aux points d'entrée du territoire français ; le confort, la mobilité et l'intermodalité sur l'ensemble du « parcours visiteur » ; l'accueil de la clientèle d'affaires ; l'information et l'orientation ; la politique de développement durable ; l'accueil et les services touristiques sur le lieu de séjour ainsi que l'accueil des personnes handicapées et à mobilité réduite.

Une communication et des relations publiques soutenues ne peuvent seules assurer à la « destination France » une image positive. C'est cependant une excellente initiative, à condition que sa mise en oeuvre et son suivi soient assurés avec beaucoup de détermination. Il conviendra en particulier d'étendre cette charte à un plus grand nombre d'acteurs clés comme les douanes et l'ensemble des taxis parisiens.

S'agissant de l'adaptation de l'offre touristique de la France, il faut noter qu'à la différence d'autres pays où l'offre est géographiquement bien répartie, la France se caractérise par une excessive concentration de son offre internationale, avec un quasi monopole de Paris et de la Côte d'Azur, et secondairement des Grandes Alpes. Dans un objectif de rééquilibrage, la DGCIS et Atout France ont défini sept axes stratégiques de développement de l'offre touristique française : constituer des destinations internes « patrimoine et culture », construire une politique de tourisme d'itinéraire, structurer une politique de tourisme urbain hors Paris, formater une politique du tourisme de croisière maritime, formater une politique de tourisme de plaisance, développer une stratégie de communication et de promotion de la destination France, développer le tourisme d'affaires à Paris et en Ile-de-France.

Parmi ces projets figure la création d'une nouvelle destination à vocation mondiale : le Val de Loire ou « Loire Valley ». Le Val de Loire bénéficie depuis l'an 2000 d'une reconnaissance par l'UNESCO en tant que « paysage culturel vivant ». Mais le périmètre de la future « Loire Valley » sera étendu vers l'Ouest, jusqu'à l'Atlantique.

Les atouts de la région ainsi définie sont nombreux : qualité des infrastructures de transport, diversité de l'offre d'hébergement marchand, large éventail d'activités et de sites culturels, de loisirs et de plein air et produits de caractère. L'action de l'Etat, et de son opérateur Atout France, consistera à coordonner et fédérer les acteurs institutionnels et les structures privées du tourisme dans les départements et les deux régions concernés. L'objectif est de renforcer le tourisme international à fort pouvoir d'achat en dehors de l'Ile-de-France, en lui proposant une offre touristique à haute valeur ajoutée, qui aille au-delà de l'image traditionnelle du Val de Loire jusqu'à présent axée sur les châteaux et les vignobles. Sur le modèle de ce qui a été fait pour EuroDisney, un chef coordonnateur de projet pourrait être placé auprès du Gouvernement et au service des autorités locales concernées.

Ce projet doit être cité en exemple car il propose un développement de l'ensemble des filières, mis à part la montagne et les sports d'hiver qui ne sont pas représentatifs de cette région, à partir d'une destination essentiellement culturelle et patrimoniale (130 châteaux ouverts au public). « Loire Valley » constituerait un laboratoire test de la réussite de la destination France à l'international.

Nous en arrivons maintenant aux recommandations et à leurs modalités de mise en oeuvre et de suivi.

Parmi tous ces constats, il faut regretter que les atouts considérables de notre pays ne soient pas mieux valorisés en France et, surtout, à l'international. Si l'administration a établi des objectifs, il manque une « grande politique nationale du tourisme » pour faire venir et faire séjourner plus longtemps les touristes étrangers. Nous n'avons pas pris conscience de cette cause nationale et de son potentiel de développement et de création d'emplois non délocalisables. Pourquoi ne pas profiter du débat présidentiel de 2012 pour lancer une politique ambitieuse et volontariste de développement touristique de la France ? Cela nécessite de dégager les moyens financiers nécessaires, de réunir tous les acteurs autour d'une stratégie commune. Enfin, il faut que l'impulsion vienne du plus haut niveau de l'Etat.

S'agissant en premier lieu des moyens, il faut noter l'extrême dispersion des moyens financiers dédiés au tourisme. Les crédits du programme « Tourisme » s'établissent à 50,6 millions d'euros pour 2011 (dont 34,5 millions dédiés à l'agence de développement touristique Atout France) et ne représentent qu'une part très marginale de l'effort public en faveur de ce secteur. Selon l'administration, le montant global des crédits contribuant à la politique du tourisme, hors programme « Tourisme », s'élevait à près de 1,2 milliard d'euros en 2009 dont notamment 252 millions d'euros issus du ministère de l'intérieur et des collectivités locales au titre des diverses dotations et plus de 800 millions d'euros répartis entre les comités régionaux, les comités départementaux et les offices de tourisme et syndicats d'initiative. Or, bien que le rôle d'Atout France à l'international ne soit remis en cause par aucun des acteurs, il faut reconnaître que la multiplicité des politiques, des stratégies déployées et des acteurs n'aide pas à tirer le meilleur profit des moyens engagés.

Sur ce sujet, le Parlement a voté, en loi de finances pour 2011, l'obligation pour le Gouvernement de publier un « jaune budgétaire » sur les crédits dédiés à la politique du tourisme. Ce sera un élément appréciable d'aide à la décision. Mais il faudra aller plus loin. Nous suggérons de profiter de la réforme territoriale pour redéfinir les compétences de chaque niveau de collectivité, puis relancer les contrats de plan Etat-régions pour ce qui concerne leur volet relatif au tourisme. Naturellement, il ne s'agit pas ici d'augmenter les dépenses de l'Etat mais de mieux utiliser l'ensemble des moyens existants.

Par ailleurs, une réforme profonde de la taxe de séjour est aujourd'hui nécessaire car son rendement potentiel n'est pas suffisamment développé. Créée en 1920 au profit des communes touristiques qui le souhaitent, il faut en simplifier la structure et en sécuriser le recouvrement. Seules 2 451 communes ont voté une taxe de séjour pour un produit de plus de 150 millions d'euros. C'est trop peu car il existe en France plus de 5 000 communes touristiques. Le potentiel est donc important. Pourtant, elles hésitent à voter une taxe dont elles doivent ensuite assurer seules le recouvrement auprès des professionnels et des logeurs particuliers. Il faut donc simplifier le barème et l'adapter aux nouvelles normes de classement des hébergements (5 étoiles, Palaces) et inciter davantage de communes à voter une taxe de séjour en étudiant le transfert de son recouvrement à l'administration fiscale, comme pour les taxes pour frais de chambres de métiers ou de CCI. André Chapaveire, vice-président du conseil régional d'Auvergne, président de la fédération nationale des comités régionaux de tourisme a indiqué que l'Auvergne avait triplé les recettes de la taxe de séjour en harmonisant les taux et en incitant davantage de communes à voter cette taxe.

Son produit doit aussi contribuer à financer la promotion de la destination France. Quelques centimes additionnels, indolores pour les touristes et les professionnels, dédiés à un fonds national de promotion de la destination France permettrait de doter une politique forte dans ce domaine, entre 15 à 30 millions d'euros, sans léser les communes et les départements. Ce financement pourrait être étudié lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2012.

Il pourrait être complété par une réflexion sur l'élargissement de l'assiette de la taxe de séjour pour la transformer en taxe touristique. Cela peut être mis en débat d'autant que les restaurateurs ont bénéficié d'un abaissement de leur taux de TVA.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. - Sur ce point, je suggère que l'augmentation de la TVA soit étudiée.

M. André Ferrand, rapporteur spécial. - Enfin, des millions de véhicules transitent par nos autoroutes. Une contribution au développement touristique des territoires par les concessions autoroutières est une piste plusieurs fois évoquée dans nos auditions et tables rondes avec les professionnels.

Au cours de nos auditions, nous avons remarqué que d'autres sources de financement sont insuffisamment mobilisées pour soutenir l'investissement. Ainsi, pour la création de nouveaux villages de vacances et de grands projets de resorts, les partenariats public-privé pourraient être développés entre les départements et les promoteurs. En Espagne, les fonds européens sont sollicités par des consortiums de provinces. Il conviendrait en France de reproduire ce schéma, par exemple dans le cadre du projet « Loire Valley ». Enfin, les crédits du grand emprunt fléchés vers l'économie numérique pourraient être sollicités pour financer la future plateforme numérique mise à l'étude par Atout France. De la même manière, les fonds dédiés à la formation et à la recherche pourraient également être mobilisés.

M. Michel Bécot, rapporteur. - Je reviens sur la question de l'accueil et souhaite rappeler qu'il ne faut pas oublier que la qualité de celui-ci ne doit pas seulement faire l'objet de chartes, mais aussi répondre à des critères objectifs et à des certifications. C'est tout un « process » de l'accueil en France qui fait encore défaut. D'un bout à l'autre de cette chaîne, il faut définir comment les acteurs institutionnels et privés doivent recevoir nos hôtes étrangers.

La loi du 22 juillet 2009 de modernisation et de développement des services touristiques a confié à Atout France la responsabilité de définir la stratégie nationale de promotion de la « destination France », conformément aux orientations arrêtées par l'Etat. Deux ans après, la fusion de l'ex Maison de la France et de l'ex Odit France apparaît comme un succès. On constate une véritable synergie entre les différentes missions d'Atout France, et l'ensemble des personnes que nous avons auditionnées s'accordent sur la compétence et l'efficacité de l'agence.

Néanmoins, une limite apparaît : c'est celle des moyens financiers. Atout France fonctionne de manière partenariale. Il ne peut être crédible vis-à-vis des collectivités territoriales ou des acteurs publics et privés du tourisme qu'il conseille, qu'à la condition de pouvoir prendre en charge sa part des projets. L'adage bien connu, « le payeur est le décideur », s'applique également en matière de promotion touristique. Aussi, compte tenu de la contrainte budgétaire qui s'impose à tous et dans la mesure où il n'est pas envisageable d'augmenter la dotation d'Atout France, sauf redéploiements budgétaires, la piste évoquée de l'optimisation de la taxe de séjour pourrait apporter une solution.

Un point sur lequel notre attention a été attirée est l'empilement des acteurs publics du tourisme : comités régionaux, comités départementaux, offices de tourisme et syndicats d'initiatives communaux. Il en résulte une déperdition d'énergie et un brouillage de la communication, notamment au niveau international. La logique de ces entités, qui raisonnent dans le cadre géographique de leurs limites administratives respectives, est imparfaitement adaptée à la logique de la promotion touristique, qui raisonne d'abord par filières et par destinations. Le tourisme est, très certainement, un domaine dans lequel les collectivités territoriales gagneraient à mieux coordonner leurs moyens.

Un autre phénomène de cloisonnement institutionnel s'observe en ce qui concerne les services de l'Etat à l'étranger. Ainsi, le réseau international des bureaux d'Atout France n'apparaît pas toujours suffisamment intégré au réseau des ambassades et agences françaises à l'étranger. A un moment où le réseau d'Atout France doit s'adapter à la montée des flux touristiques en provenance des pays émergents, une meilleure synergie doit également être recherchée de ce côté-là.

Sur le plan de la prospective économique et de la formation des professionnels du tourisme, sujets sur lesquels Atout France et l'administration ne semblent pas les mieux outillés, il nous a paru intéressant de prendre en compte et de soutenir les travaux d'un cercle plus large d'acteurs, en particulier l'Institut français du tourisme créé par Paul Dubrule et Jean-Jacques Descamps.

Il nous a semblé également que les professionnels du tourisme gagneraient à se fédérer davantage et à gagner en visibilité pour mieux soutenir l'industrie du tourisme. Ainsi, nous a-t-on dit, aucune organisation professionnelle n'est membre du Medef ou de la CGPME.

Enfin, en raison de son importance économique et de son potentiel d'emplois, le tourisme nous paraît mériter d'être pris en compte au plus au niveau de l'Etat. Il faut se doter des moyens de mettre efficacement en oeuvre cette grande politique nationale.

Le tourisme mériterait un ministre qui lui soit tout entier consacré, qu'il soit de plein exercice ou délégué. Ce n'est pas faire injure au titulaire actuel de la fonction que d'observer que sa compétence en matière de tourisme se trouve noyée dans une multitude d'autres attributions. Le choix qui a été fait de rattacher l'administration en charge du tourisme, au sein de la DGCIS, aux administrations économiques et financières, apparaît pertinent. Par le passé, l'administration du tourisme a été rattachée à l'Equipement, à l'Environnement, à la Jeunesse, aux Sports et aux loisirs. La solution actuelle a le mérite de bien reconnaître le tourisme comme secteur majeur de l'économie nationale.

La dimension transversale de la politique du tourisme pourrait justifier la création d'une délégation interministérielle au tourisme, administration légère qui serait chargée de la coordination de l'action de l'Etat. Toutefois, l'existence d'un délégué à compétence générale ne doit pas porter ombrage au ministre en charge du tourisme. Aussi, la solution qui consisterait à nommer des délégués sectoriels, chargés de missions délimitées, à l'exemple du Grand Paris ou d'Eurodisney, me paraît préférable. Elle pourrait s'appliquer, notamment, pour développer le projet « Loire Valley ».

Pour conclure, je voudrais insister sur l'urgence de rénover les « friches touristiques », qui inquiètent tous les professionnels. Cela n'est pas possible sans une aide de l'Etat à l'investissement. Les dispositifs d'incitation fiscale ne visent pas à aider des particuliers, mais à favoriser la rénovation de l'offre touristique.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. - Je vois une similitude entre vos réflexions sur le tourisme et la situation de la viticulture. Comment pouvons-nous commercialiser aisément les vins français à l'étranger avec une telle multitude d'étiquettes, de châteaux ? Peut-être gagnerions-nous à développer une marque commune ? De même, historiquement, le développement de l'offre touristique a commencé de manière très décentralisée, autour des offices de tourisme et des syndicats d'initiative.

Vous avez évoqué l'appellation de « Loire Valley » pour accroître la notoriété mondiale du Val de Loire. Je constate que les marques touristiques nationales de l'Espagne et de l'Inde sont formulées en anglais. Peut-être faudrait-il aussi que la France se mette à parler anglais lorsqu'elle s'adresse au reste du monde ?

Vos propositions pour trouver des recettes fiscales nouvelles sont délicates, dans le contexte économique et budgétaire actuel. Personnellement, vous savez que je privilégie la piste d'une augmentation de la TVA.

M. Jean-Paul Emorine, président de la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire. - Le tourisme apparaît comme une activité totalement intégrée dans la mondialisation. Vous avez observé que la France se classe au troisième rang en termes de recettes du tourisme international, derrière les Etats-Unis et l'Espagne. La comparaison avec l'Espagne, qui est un pays de 45 millions d'habitants, me paraît pertinente, mais moins celle avec les Etats-Unis, qui comptent plus de 300 millions d'habitants.

Si l'on rapproche le budget d'Atout France, soit 77 millions d'euros, des recettes procurées à la France par le tourisme international, soit 49,9 milliards de dollars, le rapport apparaît disproportionné. Il y a sans doute une meilleure adéquation à trouver entre les recettes tirées du tourisme et les moyens consacrés à sa promotion.

M. Charles Guené. - Je veux féliciter les rapporteurs pour leur approche pragmatique. On devrait distinguer davantage le tourisme haut de gamme et le tourisme que je qualifierais d'ordinaire. Ce dernier a longtemps fait figure « d'économie du pauvre », et a été traité avec un certain manque de professionnalisme. On a beaucoup de difficultés à impliquer les gens sur le terrain. Il serait intéressant de savoir comment, dans les pays étrangers, on réussit à faire participer les professionnels au financement de la promotion touristique. En France, on sait combien il est difficile de collecter la taxe de séjour.

Un autre élément de réflexion concerne les 3 à 4 milliards d'euros qui ont été consacrés à la baisse de la TVA sur la restauration, qui bénéficie largement au tourisme et à la rénovation d'équipements obsolètes. Il faudra se poser la question du bilan de cette mesure, quand il sera question en 2014, à l'échéance de cet avantage fiscal, de la prolonger.

Enfin, vous avez abordé la question de la réforme territoriale. Dans le domaine du tourisme, il y aurait matière à rationaliser notre politique, car la pléthore d'organismes et la dispersion des crédits ne permettent pas de construire une promotion cohérente de nos territoires. Trop souvent, nous assistons à une juxtaposition de réclames locales qui ne se déclinent pas en fonction d'une image de marque clairement identifiée.

M. François Fortassin. - Je voudrais évoquer deux exemples de ce qui me paraît contreproductif pour le tourisme dans notre pays. Premièrement, la restauration dans les établissements d'autoroute est tout à fait médiocre, et ne peut pas donner aux nombreux touristes étrangers qui s'y arrêtent une bonne image de la gastronomie française. Il faudrait obliger les sociétés d'autoroute à imposer une charte de qualité aux restaurants qu'elles concèdent. Deuxièmement, on mange de façon correcte dans l'ensemble de mon département, les Hautes-Pyrénées, qui accueillent 5 à 6 millions de touristes par an, sauf à Lourdes, pourtant haut lieu du tourisme cultuel. Là aussi, cette négligence me paraît contreproductive.

Mme Élisabeth Lamure. - Pour éviter l'éparpillement des actions, quel devrait être l'axe principal d'une grande politique du tourisme ? Faut-il valoriser notre patrimoine, comme dans le Val de Loire ? Et pourquoi ne pas installer des hôtels dans les monuments historiques, notamment à Chambord ?

M. Gérard Bailly. - La réforme territoriale devrait être l'occasion de redéfinir les compétences des collectivités territoriales en matière de tourisme. Mais ce ne sera pas facile, car chaque niveau souhaite intervenir. Nous avons pourtant besoin de clarté.

En ce qui concerne la taxe de séjour, il faut en sécuriser le recouvrement et la rendre obligatoire. Je suis également favorable à tirer des autoroutes des recettes supplémentaires pour la promotion touristique.

Je veux aussi exprimer deux inquiétudes. La première est relative à la charge résultant pour les hôtels de la mise aux normes de sécurité et d'accessibilité pour les personnes handicapées. Beaucoup d'établissements ne peuvent pas y faire face, et ont l'intention de cesser leur activité. Il faut trouver des ressources pour les accompagner dans cet effort. Ma deuxième inquiétude concerne la qualité de l'accueil, qui est trop souvent médiocre. Ne peut-on envisager de rendre obligatoire une formation à l'accueil ?

M. Philippe Adnot. - A la différence des rapporteurs, je ne suis pas favorable au regroupement des organismes de promotion touristique, qui favoriserait exclusivement les capitales régionales. Je ne crois pas qu'il y ait vraiment de confusion : les offices de tourisme et les syndicats d'initiative s'occupent de l'accueil local, tandis que les comités départementaux et régionaux du tourisme s'occupent de la promotion nationale et internationale.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. - Ma commune, située sur le bassin d'Arcachon, double sa population en juillet et en août. Ses équipements publics doivent être dimensionnés en conséquence. Il faudrait que le calcul de la dotation globale de fonctionnement en tienne compte.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. - Je voudrais savoir ce que les rapporteurs pensent du développement des labels de sites touristiques, comme celui des plus beaux villages de France ou celui des plus beaux détours de France ? Par ailleurs, l'abaissement de la durée légale du travail à 35 heures me paraît nuire à la compétitivité du tourisme en France.

M. André Ferrand, rapporteur spécial. - Je confirme à Monsieur Guené que, dans un pays comme l'Espagne, les fédérations professionnelles du tourisme participent très largement au financement de l'effort de promotion. Nous approfondirons cette question dans le rapport écrit.

Je ne serais pas aussi critique que M. Fortassin, mais je lui accorde qu'il y a des efforts à faire pour améliorer la qualité de la restauration sur les aires d'autoroutes, notamment pour l'adapter à la gastronomie des régions traversées.

En réponse à Madame Lamure, je précise que nous ne nous sommes pas avancés à indiquer nous-mêmes quels devraient être les axes de la politique touristique. Nous soulignons fortement la nécessité d'une grande politique du tourisme. Pour le reste, nous avons, avec Atout France, un outil dont tous les opérateurs touristiques nous disent du bien : il faut lui donner les moyens de définir ces axes. En ce qui concerne les monuments historiques, pourquoi ne pas installer un hôtel dans Chambord ? N'ayons pas de tabous.

Je suis d'accord avec Monsieur Bailly sur l'importance de l'accueil. En fait, il faudrait transformer la culture des Français, pour qu'ils deviennent un peuple accueillant.

Monsieur Arthuis, les labels touristiques, qui se développent par cooptation, me paraissent utiles pour structurer l'offre. Je partage votre opinion quant aux 35 heures, qui sont bien entendu lourdes de conséquences pour une industrie de main d'oeuvre comme le tourisme.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. - Une hausse modérée de la TVA pourrait nous permettre d'alléger les charges sociales.

M. Michel Bécot, rapporteur. - Il ne suffit pas de vouloir une grande politique du tourisme, il faut aussi s'en donner les moyens. En ce qui concerne l'amélioration de l'accueil, il faut déterminer une méthodologie, recourir aux techniques de certification. Monsieur Adnot, nous ne préconisons pas le regroupement des structures locales du tourisme, mais leur mise en réseau. Madame Des Egaulx, les communes touristiques comme la vôtre bénéficient déjà de dotations spécifiques. Les labels touristiques intéressent davantage la clientèle nationale que les touristes internationaux, mais ils constituent une manière efficace pour les communes concernées de se démarquer.

A l'issue de ce débat, la commission des finances et la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire donnent acte à MM. André Ferrand et Michel Bécot, rapporteurs, de leur communication et en autorisent la publication sous la forme d'un rapport d'information.

- Présidence de M. Jean Arthuis, président -

Contrôle budgétaire du fonds pour la modernisation des établissements de santé publics et privés (FMESPP) et les missions d'intérêt général et d'aide à la contractualisation (MIGAC) - Communication

La commission entend ensuite une communication de M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur spécial, sur le fonds pour la modernisation des établissements de santé publics et privés (FMESPP) et les missions d'intérêt général et d'aide à la contractualisation (MIGAC).

M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur spécial. - Mes deux communications de ce matin portent sur deux supports de financement spécifiques des établissements de santé : les missions d'intérêt général et d'aide à la contractualisation (MIGAC) et le Fonds pour la modernisation des établissements de santé publics et privés (FMESPP).

Bien que les enjeux financiers soient différents, les problématiques soulevées sont assez proches : la transparence, l'efficience et le pilotage.

S'agissant des MIGAC, tout d'abord, elles constituent un mode de financement complémentaire de la tarification à l'activité (T2A) des établissements de santé.

En effet, la réforme de la T2A avait pour objectif de moderniser le mode de financement des établissements de santé en passant d'un financement par dotation globale à un système de rémunération fondée sur l'activité réelle des établissements sur la base de tarifs nationaux.

Néanmoins, dès la mise en oeuvre de la réforme, il a été admis que certaines missions des hôpitaux ne constituaient pas des activités productrices de soins quantifiables et devaient faire l'objet d'un mode de financement à part. De là résulte la dotation « MIGAC ».

Cette dotation recoupe un éventail très large de missions, communément regroupées en trois catégories :

- les « MERRI », les missions d'enseignement, de recherche, de référence et d'innovation, destinées à financer la recherche clinique et l'enseignement « au lit du malade » des étudiants ;

- les « autres MIG », les missions d'intérêt général à proprement parler : l'aide médicale urgente, la permanence des soins, la prise en charge des publics précaires...

- enfin, les « AC », les aides à la contractualisation destinées à accompagner les établissements de santé dans la restructuration de l'offre de soins.

Le montant de la dotation MIGAC est fixé, chaque année, par l'Etat en fonction de l'Objectif national des dépenses d'assurance maladie (ONDAM) voté en loi de financement. La dotation MIGAC « échappe » donc au contrôle du Parlement. Les ministères chargés de la santé et de la sécurité sociale procèdent ensuite à la répartition de cette dotation entre les régions et notifient ces montants aux agences régionales de santé (ARS). Celles-ci délèguent les crédits aux établissements de santé sur la base d'une contractualisation.

Les MIGAC représentent trois grands enjeux : un enjeu financier, un enjeu pour les établissements de santé du secteur public et, enfin, un enjeu pour la réussite d'autres réformes importantes du secteur hospitalier.

Les MIGAC constituent, tout d'abord, un enjeu financier puisqu'elles représentent, en 2011, 8,2 milliards d'euros, soit plus de 11 % de l'ONDAM hospitalier. Surtout, cette enveloppe a fortement progressé, enregistrant une croissance de 40 % entre 2006 et 2009, alors que les dépenses de soins sous tarifs ont augmenté de seulement 7,2 % sur la même période. La dotation connaît néanmoins une décélération quasi continue depuis 2005 : en 2010, la dotation enregistrait une progression de 5,8 % et de seulement 1,8 % en 2011.

Conséquence de son poids au sein de l'ONDAM hospitalier, la dotation MIGAC constitue également un nouvel enjeu dans le pilotage macro-budgétaire des dépenses d'assurance maladie. Les MIGAC font, en effet, partie depuis 2009 des dotations qui subissent des mises en réserve en début d'année qui ne sont « dégelées » qu'en cas de respect de l'ONDAM.

A l'échelle des établissements de santé, la dotation MIGAC constitue, ensuite, un soutien important, quasi exclusif, au secteur hospitalier public et plus particulièrement aux activités de recherche des hôpitaux. Tous les établissements de santé soumis à la T2A ont en effet théoriquement vocation à obtenir des dotations MIGAC, qu'il s'agisse des établissements publics ou privés. Cependant, compte tenu de leur nature, les activités relevant d'un financement MIGAC sont, à ce jour, encore peu prises en charge par les établissements de santé privés.

Ce soutien au secteur hospitalier est néanmoins fortement concentré. Ainsi l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris reçoit-elle, à elle seule, près de 15 % de l'enveloppe MIGAC.

Enfin, les MIGAC sont à la croisée de trois grandes réformes du secteur hospitalier au premier rang desquelles, la T2A. En effet, l'évolution très importante de l'enveloppe MIGAC - dotation dérogatoire à la T2A - a des conséquences directes sur la portée de cette réforme : à force de trop augmenter, elle risque en quelque sorte de la « dénaturer ». En tout état de cause, elle déplace la question de l'efficience de l'enveloppe sous tarifs vers les MIGAC.

La deuxième réforme sur laquelle les MIGAC ont un impact direct est la convergence tarifaire. La logique de la convergence tarifaire est d'éliminer progressivement les disparités historiques de financement entre les établissements, qu'ils soient publics ou privés, en faisant converger leurs tarifs.

Or les deux principales difficultés de la convergence intersectorielle tiennent, d'une part, aux écarts de périmètre des charges couvertes par les tarifs pratiqués dans les deux secteurs, mais aussi, d'autre part, à la nécessaire différenciation à opérer entre ce qui relève du champ tarifaire et ce qui relève d'un financement par la dotation « MIGAC ».

Enfin, les MIGAC, outil privilégié pour une allocation de moyens plus efficiente, représentent un défi majeur pour les nouvelles ARS, le pilotage par l'efficience étant au coeur de leur « feuille de route ».

Loin d'être contraire à la logique de la T2A, la dotation MIGAC constitue son complément nécessaire pour autant que son périmètre soit affiné et son volume de crédits maîtrisé.

Affiner son périmètre suppose, tout d'abord, de veiller continuellement à mieux distinguer les prestations de soins et les MIGAC, afin de vérifier la pertinence de celles-ci à demeurer en retrait du modèle T2A.

Cela impose également de clarifier l'articulation entre celles-ci et les autres supports de financement des établissements de santé. J'ai identifié plusieurs « zones » de recoupements, notamment avec le FMESPP qui constitue un levier de financement des Plans Hôpital 2007 et 2012. Or les MIGAC participent également à ces deux plans.

L'absence de support financier unique, s'agissant de l'appui à l'investissement hospitalier, nuit à sa lisibilité, ainsi qu'à sa maîtrise globale. C'est pourquoi, une clarification du périmètre de ces enveloppes s'impose, de même qu'un suivi consolidé de celles-ci.

Outre le périmètre, c'est également le volume de la dotation MIGAC qui doit être maîtrisé. La forte croissance de l'enveloppe MIGAC, et notamment de l'enveloppe AC, a été expliquée par nombre de mes interlocuteurs par l'accompagnement des établissements de santé dans la réforme de la T2A, qui a pu induire des effets revenus importants.

Près de sept ans après la mise en place de la T2A, la maîtrise de l'enveloppe MIGAC apparaît désormais indispensable au risque d'affaiblir la portée de cette réforme.

En effet, la réforme de la T2A a pour objectif d'inciter les établissements de santé à procéder aux adaptations nécessaires de la structure de leur activité et de leurs dépenses. L'aide accordée par les MIGAC ne peut donc être que transitoire.

Notre collègue Alain Vasselle proposait de fixer le montant des MIGAC dans la loi de financement de la sécurité sociale. C'est une piste de réflexion pour accroître le contrôle du Parlement en la matière.

Les efforts dans la rationalisation de la construction des enveloppes doivent ensuite être poursuivis. Au moment du passage à la T2A, les dotations MIGAC ont en effet été fixées à partir du retraitement des données de la comptabilité de 2003 des établissements qui assuraient alors des missions « finançables » par les MIGAC. Tout l'enjeu aujourd'hui est de s'éloigner progressivement d'un système de reconduction de ces budgets « historiques ». Si des réformes ont été engagées, des pistes d'amélioration sont encore largement identifiables.

Initialement valorisées de façon forfaitaire à hauteur de 13 % des dépenses de médecine, chirurgie et obstétrique (MCO), les dotations MERRI ont fait l'objet d'une réforme en 2008, visant à intégrer des indicateurs tenant compte de l'activité de recherche des établissements de santé.

Cette réforme a conduit à distinguer, au sein des MERRI, trois sous-enveloppes : le « socle fixe », la « part modulable » et la « part variable ».

Si le « socle fixe » demeure fonction de dépenses courantes de l'établissement, la « part modulable » évolue en fonction d'indicateurs de moyens et de résultats, en particulier le nombre d'étudiants, les publications scientifiques et les brevets déposés. Quant à la « part variable », elle est destinée à financer principalement les structures de référence et de recherche clinique, ainsi que les crédits non reconductibles affectés à des appels à projets.

La finalité de la réforme de 2008 était ainsi de corriger deux effets pervers du dispositif précédent. D'une part, celui-ci ne prenait pas en compte les efforts de recherche des établissements et était donc peu incitatif. Il était, d'autre part, peu équitable car ajusté sur des éléments sans rapport avec l'activité de recherche.

Tout en reconnaissant la difficulté à élaborer des critères de répartition pertinents, trois pistes d'amélioration sont envisageables :

- poursuivre le redéploiement des crédits du « socle fixe », très éloigné de la logique d'efficience puisque sans lien avec l'activité de recherche, vers la part modulable ;

- affiner les indicateurs retenus pour la fixation de la part modulable et revoir leur pondération ;

- enfin, développer autant que possible la procédure d'appels à projet, mode de sélection le plus pertinent.

A côté des MERRI, figurent les « autres missions d'intérêt général » qui recouvrent un très large éventail de missions. Le financement des services mobiles d'urgence et celui de la permanence des soins représentent les deux plus importantes.

La dotation initiale de ces enveloppes a, elle aussi, été fixée sur la base du retraitement des données comptables des établissements de 2003.

Dès 2005, les inspections générales des finances et des affaires sociales relevaient que le financement des MIG était ainsi uniquement fonction des coûts observés, précisant qu' « il n'exist[ait] aucune standardisation des coûts, et que la réalité et la pertinence de l'activité des établissements correspondant à ces missions n' [étaient] pas évaluées à ce stade ».

Un travail de « modélisation » a été lancé par le ministère de la santé, afin d'aider les ARS, à travers notamment des référentiels de coûts, à allouer de façon plus optimale les dotations.

La Cour des comptes relevait que ce travail de valorisation était encore trop lent, celui-ci n'ayant abouti que sur seize missions seulement, dont les montants ne représentaient que 12 % du montant total des MIG en 2007.

La poursuite de la modélisation des MIG est pourtant une démarche nécessaire pour la transparence, l'équité et l'homogénéisation de l'allocation des moyens. Ce travail doit en outre favoriser la contractualisation entre les ARS et les établissements de santé et, par là-même, le contrôle des agences sur les demandes des hôpitaux.

L'enveloppe « Aide à la contractualisation » constitue, quant à elle, la dotation aux contours les plus souples qui a connu la croissance la plus importante. Elle représente aujourd'hui près du tiers de l'enveloppe MIGAC dans son ensemble.

Les deux principaux postes de dépenses au titre des AC sont le financement de l'investissement et l'accompagnement des établissements déficitaires.

Une augmentation des marges de manoeuvre des ARS, par le biais des AC, n'est pas en soi illégitime, dans la mesure où les ARS ont vocation à devenir en quelque sorte « des gestionnaires régionaux ».

Cependant, il convient d'aller, là aussi, vers une plus grande transparence, la répartition de ces crédits étant souvent mal comprise par les établissements de santé.

A cet égard, on peut noter que la rubrique « Autres » constitue la troisième enveloppe de la dotation « AC ». Cette catégorie d'aides recouvrirait des mesures très hétérogènes : culture à l'hôpital, accueil des internes, compensation temporaire d'un effet revenu lié à un changement de modèle tarifaire...

Surtout, il convient de veiller à la stabilisation de cette enveloppe totalement dérogatoire au principe de la T2A.

Or, selon le ministère de la santé, l'impact du plan hôpital 2007 sur cette enveloppe va peser de façon constante jusqu'en 2023, en mobilisant des financements chaque année sur une base élevée. En effet, certaines ARS ont programmé d'importantes aides à la contractualisation sur de longues périodes, ce qui tend à figer une partie de ce support de financement, alors même que celui-ci devait constituer un dispositif d'aides transitoires.

J'en viens au pilotage de ces dotations. Dans le guide méthodologique d'aide à la contractualisation que le ministère de la santé met à la disposition des ARS, celui-ci s'adresse ainsi aux directeurs d'agences : « si le calibrage en 2005 des dotations initiales des établissements antérieurement sous dotation globale a été pris en charge par la direction de l'hospitalisation et de l'offre de soins [...] ; depuis lors, vous avez vocation à reprendre la main sur les dotations MIGAC ».

En réalité, les marges de manoeuvre des agences dans l'allocation des crédits aux établissements de santé sont réduites, en raison, notamment, de la détermination de certaines enveloppes au niveau national, de la rigidité de l'enveloppe « AC » sur le long terme compte tenu du soutien accordé dans le cadre du plan Hôpital 2007 et, enfin, des mesures de gel décidées sur l'enveloppe « AC ».

Les ARS sont certes incitées à utiliser les référentiels de coûts mis à leur disposition pour confronter les dotations demandées par les établissements à la réalité des coûts des missions.

Cette confrontation est sans doute effective à certains endroits comme j'ai a pu le constater lors de mon déplacement à Lille. Mais cette pratique est-elle généralisée ?

Comme le soulignait l'Inspection générale des affaires sociales dans un rapport récent, les ARS se heurtent à plusieurs difficultés : le manque d'informations, les contraintes politiques et la difficulté intrinsèque de l'exercice.

Surtout, l'IGAS relevait un décalage important entre les pratiques des anciennes agences régionales de l'hospitalisation et les recommandations nationales. Elle indiquait notamment : « Tout se passe comme s'il était normal que les instructions nationales ne soient pas vraiment suivies d'effet : le national soumis à des contraintes, notamment vis-à-vis du Parlement, est conduit à promouvoir des politiques formellement rigoureuses même si elles ne sont pas vraiment effectives. Aussi les directeurs d'ARH admettent ne pas gaspiller leur énergie à essayer d'infléchir les directives de l'administration centrale pour leur donner un caractère plus opérationnel. »

Mes interlocuteurs m'ont indiqué prudemment qu'il s'agissait là, sans doute, du décalage très souvent observé entre le niveau national et le niveau local.

Quelle amélioration attendre avec la mise en place des ARS ? S'il est vrai que le pilotage par l'efficience des dépenses hospitalières s'inscrit dans leurs nouvelles missions, elles auront sans doute beaucoup d'autres priorités à gérer, compte tenu de l'ampleur et de la portée des compétences qui leur ont été confiées. Je me demande d'ailleurs si l'on n'a pas fondé de trop grands espoirs sur leur création.

S'agissant des disparités régionales, le ministère de la santé entreprend un rééquilibrage progressif, mais nous sommes encore loin d'avoir atteint les objectifs.

Enfin, je souhaite insister sur les « effets pervers » que peut entraîner, au niveau des établissements, le gel - puis le dégel - de certains crédits, dont je vous ai parlé en début d'exposé. Outre les difficultés de gestion, ils « brouillent » le message managérial interne : le dégel de fin d'année discrédite le discours de rigueur qui a pu être tenu ultérieurement. Des aménagements de ce dispositif pourraient sans doute être apportés.

Les MIGAC constituent ainsi une dotation indispensable - toutes les missions des établissements de santé ne peuvent être financées par des tarifs - mais des progrès sont encore à faire dans leur pilotage, afin de s'éloigner d'une logique de reconduction de budgets « historiques ». La répartition des dotations repose encore en grande partie sur un financement a priori des moyens mobilisés, alors qu'un pilotage par l'efficience devrait permettre de s'orienter vers des modèles d'allocation davantage fondés sur la mesure des résultats obtenus au regard des résultats attendus.

J'en viens au Fonds pour la modernisation des établissements de santé publics et privés (FMESPP).

A son origine, le FMESPP ne finançait que des mesures d'accompagnement social des opérations liées à la modernisation des établissements de santé, à travers notamment des aides à la mobilité et à l'adaptation des personnels. Ses missions n'ont cessé ensuite d'être élargies ou précisées au fur et à mesure des lois de financement.

Il est d'usage de les regrouper en trois catégories :

- le volet « ressources humaines » qui regroupe l'ensemble des aides de nature sociale ;

- le volet « investissement », soit les aides à l'investissement accordées notamment dans le cadre des deux plans Hôpital 2007 et Hôpital 2012 ;

- enfin, les « autres actions de modernisation », comme l'accompagnement financier de la modernisation des équipements techniques des SAMU et SMUR.

Le FMESPP ne constitue que l'un des nombreux fonds médico-hospitaliers de l'assurance maladie qui regroupent notamment les fonds de prévention et le Fonds d'intervention pour la qualité et la coordination des soins (FIQCS). Ce fonds est chargé, comme le FMESPP, de la modernisation de l'offre de soins, mais dans le secteur des soins de ville, alors que le FMESPP est orienté vers le secteur hospitalier.

Le FMESPP ne représente qu'une part très faible de l'ONDAM. Pour 2011, sa dotation a été fixée à 347,71 millions d'euros, soit 0,2 % de l'ONDAM pour 2011.

J'articulerai mon propos en trois points : le nécessaire recentrage des missions du FMESPP, le difficile suivi de sa situation budgétaire et le défaut de pilotage des aides allouées par son biais, comme en témoignent les résultats très mitigés du Plan hôpital 2007.

L'analyse des missions du fonds met en évidence deux éléments :

- d'une part, les crédits reçus par les établissements au titre du FMESPP demeurent marginaux pour les établissements de santé. Ainsi, les financements accordés au titre du FMESPP au centre hospitalier universitaire de Lille ont représenté 1,3 million d'euros en aides à l'investissement, soit 0,5 % des ressources d'investissement de l'établissement ;

- d'autre part, le FMESPP a été amené à financer des dépenses très diverses ou très ponctuelles dont le lien avec ses missions est parfois assez éloigné.

Ces deux constats plaident, à mon sens, pour un recentrage des missions du fonds autour de ses deux principales enveloppes (les aides individuelles et collectives, et l'investissement) afin d'éviter la dispersion et le saupoudrage.

Une idée souvent avancée également consisterait à créer un Fonds d'intervention régional qui regrouperait les dotations du FMESPP, du FIQCS et des fonds de prévention.

Cette logique peut se comprendre depuis la mise en place des ARS. Celles-ci ont en effet désormais des compétences larges recoupant les champs d'action des différents fonds.

Elles ont, par ailleurs, vocation à devenir des « gestionnaires régionaux responsables », ce qui suppose de leur donner des marges de manoeuvre dans l'allocation des crédits.

Un premier pas en ce sens a été franchi cet automne. La dernière loi de financement de la sécurité sociale a, en effet, introduit le principe d'une fongibilité symétrique entre les dotations du FMESPP et du FIQCS.

Je me suis opposé à cette initiative, avec notre collègue Alain Vasselle, jugeant prématuré ce dispositif, proposé par ailleurs dans la précipitation par voie d'amendement. La fongibilité des financements risquait en effet de rendre encore plus complexe le suivi comptable déjà difficile de ces fonds. Supprimé lors du débat en séance publique au Sénat, le dispositif a été rétabli en commission mixte paritaire. Cela me permet d'aborder la question du suivi des dotations du fonds.

Le FMESPP a connu, depuis sa création, des dotations et des taux de consommation de celles-ci très heurtés.

S'il a progressé jusqu'en 2005, le taux de consommation des crédits du fonds a ainsi connu une forte baisse en 2006 et 2007, conduisant à des reports à nouveau qui sont passés de 371 à 629 millions d'euros entre 2003 et 2007, soit une multiplication par 1,7.

Cette situation a donné lieu, à partir de 2009, à des mesures de régulation fortes, mais très irrégulières, entraînant des dotations du FMESPP « en accordéon ». Des ajustements significatifs ont ainsi été proposés dans le cadre de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2009 : une annulation de 100 millions d'euros de crédits pour 2008 et une révision à la baisse de sa dotation pour 2009.

Moins de trois mois après le vote du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2009, la loi de finances rectificative pour 2009 a prévu, dans le cadre du plan de relance de l'économie, une ouverture de crédits supplémentaires de 70 millions d'euros destinés à abonder le FMESPP pour un programme d'investissement en établissements psychiatriques. La loi de financement de la sécurité sociale pour 2010 n'a pas, quant à elle, poursuivi le mouvement impulsé en 2009 : aucun gel de crédits pour 2009 n'a été proposé et la dotation du FMESPP pour 2010 a été fixée à 264 millions d'euros, soit une augmentation de 74 millions d'euros par rapport à 2009.

La loi de financement de la sécurité sociale pour 2011 se situe à « mi-chemin » entre les deux lois de financement précédentes en proposant une annulation importante de crédits pour 2010, mais une nette augmentation des crédits du fonds pour 2011, de près de 84 millions d'euros par rapport à la dotation initiale 2010.

Les causes de ce suivi difficile sont diverses. La première tient à l'addition des délais propres aux trois phases de la « chaîne de dépense » : la délégation par l'administration centrale des montants par régions aux ARS ; la notification des crédits par les ARS auprès des établissements et le paiement effectif des établissements par la Caisse des dépôts et consignations (CDC).

La phase de paiement, en particulier, est décalée dans le temps par rapport à la phase d'engagement compte tenu du délai de réalisation de l'opération, du caractère pluriannuel des actions financées, des retards dans la formulation de la demande de paiement, voire, dans certains cas, de l'abandon de l'opération.

Le défaut de gouvernance au moment de la mise en place du fonds peut aussi expliquer ces difficultés. Bien que prévue par décret, la commission de surveillance du fonds ne s'est jamais réunie jusqu'en septembre 2010, après un épisode rocambolesque de démission-reconduction de sa présidente.

Surtout, jusqu'à récemment, aucun des trois acteurs de la « chaîne de la dépense » ne disposait d'une vision globale des mesures financées, faute d'outil informatique partagé et d'une comptabilité des engagements.

Des améliorations ont depuis été apportées. Une application informatique a été créée et mis à la disposition de la nouvelle direction générale de l'offre de soins (DGOS) et des ARS. Ensuite, pour donner plus de visibilité à cette gestion, la LFSS pour 2010 a prévu, à mon initiative, une double procédure de prescription des crédits non utilisés : une prescription annuelle des engagements et une déchéance de trois ans pour l'intervention des paiements. Ce dispositif aurait permis de « récupérer » 105 millions d'euros de crédits à la fin de l'année 2009.

Mais deux points faibles demeurent : le défaut de vision pluriannuelle des aides versées alors que le FMESPP participe au financement de plusieurs plans de santé publique et l'information encore très lacunaire à destination du Parlement.

En ce qui concerne le pilotage, on retrouve la même problématique que celle rencontrée avec les MIGAC : les ARS ont peu de marges de manoeuvre. Surtout, sur le terrain, les établissements de santé m'ont fait part de trois principales faiblesses : une procédure de sollicitation dans des délais restreints ; des notifications qui interviennent en fin d'exercice ; une procédure dont les établissements de santé comprennent mal la spécificité, ces derniers devant se faire rembourser auprès de la CDC.

Le pilotage par la performance des aides financées par le FMESPP est, en outre, très réduit. Le contrôle effectué a posteriori par la CDC est un simple « contrôle sur facture ». Quant au contrôle a priori de la pertinence des projets, les « dérapages » du plan Hôpital 2007 ont témoigné d'un défaut patent de pilotage.

La relance de l'investissement hospitalier à travers le plan Hôpital 2007 a certes contribué à améliorer la qualité des infrastructures hospitalières.

Toutefois, comme l'a souligné la Cour des comptes en 2009 et comme cela m'a été confirmé par mes interlocuteurs, ce plan a fait l'objet de nombreuses difficultés : estimation approximative des besoins d'investissement ; modalités de sélection peu discriminante ; suivi axé sur le niveau de réalisation du plan cible plutôt que sur la viabilité des projets ; insuffisance des outils de suivi.

Au final, le plan Hôpital 2007 a parfois conduit à des investissements surdimensionnés et, surtout, à un recours important à l'emprunt dégradant ainsi la situation financière de nombreux établissements de santé.

En effet, ces investissements qui ont plus que doublé entre 2002 et 2008, passant de 3,1 à 6,4 milliards d'euros, ont été principalement financés par le recours à l'emprunt. Selon les données de la direction générale des finances publiques, l'encours de la dette des établissements de santé est ainsi passé entre 2002 et 2008 de 9,2 à 18,9 milliards d'euros.

Bien sûr, la dégradation des comptes des hôpitaux ne peut être imputée à une cause unique. Mais il est permis de s'interroger sur la soutenabilité de la politique d'investissement hospitalier.

La question est d'autant plus prégnante que le plan Hôpital 2012 a été lancé. Bien que de nature différente, les objectifs d'investissement demeurent élevés : 10 milliards d'euros dont 5 milliards à la charge de l'assurance maladie.

Deux principaux « garde fous » ont été proposés pour répondre à cette situation :

- d'une part, les leçons du plan Hôpital 2007 ont, selon le ministère de la santé, était tirées : le montant total des investissements est plafonné ; le diagnostic financier de l'établissement est désormais intégré à la grille d'instruction des projets ; la deuxième tranche du plan devra intégrer les contraintes de soutenabilité de l'endettement des hôpitaux ;

- d'autre part, la loi de programmation des finances publiques pour 2011 à 2014 a introduit le principe d'un encadrement du recours à l'emprunt pour les établissements publics de santé.

Un bilan du plan Hôpital 2012 pourrait être un beau sujet de contrôle pour les années à venir.

M. Jean Arthuis, président. - Cette communication aurait sans doute mérité de plus longs débats. Elle montre bien les difficultés d'un pilotage par l'efficience de ces deux types de dotations.

La commission, à l'unanimité, donne acte de sa communication à M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur spécial, et en autorise la publication sous la forme d'un rapport d'information.

Audition de MM. Michel Bouvard, président de la Commission de surveillance, et Augustin de Romanet, directeur général de la Caisse des dépôts et consignations

La commission procède à l'audition de MM. Michel Bouvard, président de la Commission de surveillance, et Augustin de Romanet, directeur général de la Caisse des dépôts et consignations, sur les résultats de 2010.

M. Jean Arthuis, président. - Conformément à notre rendez-vous annuel, nous auditionnons aujourd'hui MM. Michel Bouvard, président de la Commission de surveillance de la Caisse des dépôts et consignations (CDC) et Augustin de Romanet, directeur général, et, à l'occasion de la présentation du rapport annuel de la Caisse des dépôts au Parlement.

La CDC poursuit son repositionnement stratégique initié en 2008, qui repose à la fois sur une diversification, un renforcement de ses activités d'intérêt général et une plus grande formalisation de sa stratégie d'investisseur de long terme. Elle joue également un rôle déterminant dans l'instruction et le suivi des projets financés par le Grand Emprunt.

Après avoir connu un net redressement en 2009, le groupe Caisse des dépôts a connu une belle année en 2010, avec une hausse des fonds propres, des résultats financiers et du volume de prêts octroyés par le fonds d'épargne. Le résultat d'exploitation consolidé a ainsi augmenté de près de 70 %. Des réformes importantes ont également été négociées et mises en place, telles que le taux de centralisation et la rémunération des encours du Livret A, le cadre de gestion des fonds d'épargne et les modalités de fixation de la contribution à l'Etat.

Ce contexte ayant été brossé à grands traits, je vous passe la parole pour une intervention liminaire.

M. Michel Bouvard, président de la Commission de surveillance de la Caisse des dépôts et consignations. - La Commission de surveillance s'est réunie à vingt-deux reprises cette année. A côté d'elle et pour préparer ses travaux, je rappelle qu'il y a le comité des fonds d'épargne et le comité d'examen des comptes et des risques qui sont présidés par Arlette Grosskost, un comité de nomination et un comité d'investissement qui ont été institués dans la déclinaison des modifications apportées par la loi de modernisation de l'économie. Je voudrais brièvement revenir sur les quatre faits marquants de l'année, de mon point de vue, avant que le directeur général ne présente l'activité et les résultats du groupe d'une manière plus complète.

Premier fait marquant, la clarification des relations financières entre l'Etat et la CDC. C'est un travail que nous avons engagé à la suite de la présentation des résultats de l'exercice 2008, qui nous plaçait dans une situation qui n'avait pas été prévue par les textes alors en application. Ce travail aura abouti, au bout de plus d'un an de discussions, par une délibération prise par la Commission de surveillance le 13 octobre 2010 validant un dispositif d'ensemble établi dans la transparence démocratique et s'inscrivant dans la durée.

Le premier point qui a pu être clarifié à cette occasion a été celui de l'utilité des missions d'intérêt général, qui figurent dans la loi, je le rappelle, en leur fixant un cadre pluriannuel et en mettant un terme aux interrogations récurrentes qui existaient, de la part du Trésor, sur la pertinence et l'utilité de ces missions d'intérêt général.

Le deuxième point, sans doute le plus important, concerne la redistribution du résultat, puisque le résultat reversé au budget de l'Etat s'inscrit dorénavant dans une fraction de 50 % du résultat total, récurrent comme exceptionnel, plafonné à 75 % du résultat social permettant ainsi à la CDC - qui n'a pas d'actionnaires, et qui ne peut donc compter que sur son résultat social - de poursuivre ses investissements et de couvrir ses risques avec un niveau de fonds propres suffisant. Cette clarification constitue, bien évidemment, une étape d'autant plus importante que nous avons pu voir les uns et les autres, dans les rapports récents de la Cour des comptes, que la tentation de l'Etat d'effectuer des prélèvements importants sur les entreprises publiques s'était accrue au cours des dernières années. Par conséquent, le fait de pouvoir inscrire la CDC dans une démarche de stabilité dans sa relation financière avec l'Etat, tout en préservant ses capacités d'investissement à l'avenir, était tout à fait précieuse.

Le deuxième fait marquant que j'évoquerai est celui de l'investissement avisé dans l'ouverture du capital de La Poste. Pour mener à bien cette opération, qui représente un investissement de 1,5 milliard d'euros, c'est-à-dire quasiment une année d'investissement de la CDC, la Commission de surveillance a souhaité s'entourer de conseils extérieurs et a délégué un de ses membres, Franck Borotra, pour suivre ces travaux. Nous avons pu aboutir à une décision d'investissement validée de façon consensuelle par le comité d'investissement, sur la proposition du directeur général, qui intègre à la fois une valorisation correcte du groupe La Poste, et permet de ne pas mettre la CDC en risque d'avoir à procéder à des dépréciations. Un plan d'affaires très complet a été présenté, comprenant le développement de synergies avec l'ensemble des filiales de la CDC, à commencer bien évidemment par CNP Assurances. C'est une opération qui est maintenant engagée et le directeur général y reviendra.

Le troisième fait marquant est la mise en oeuvre des investissements d'avenir. Le Gouvernement a confié 7,5 milliards d'euros à la CDC qui est l'opérateur de huit conventions. Je veux rappeler que, dans le cadre du dispositif législatif du programme des investissements d'avenir, l'ensemble des conventions a donné lieu à une approbation par la Commission de surveillance et que, par ailleurs, un rendez-vous est prévu devant la Commission de surveillance pour l'évaluation de chacune d'entre elles. Il importe d'avoir une approche consolidée de l'action de l'Etat et de s'assurer que la Caisse des dépôts ne soit en aucun cas un outil de débudgétisation au travers de ces conventions. Pour la CDC, elles sont à la fois une chance, dans la mesure où elles interviennent dans des domaines qui sont cohérents par rapport au « Plan stratégique Elan 2020 », tel qu'il a été arrêté par le directeur général en début de mandat et avec lequel la Commission de surveillance a marqué son accord, mais aussi un défi dans la mesure où la nécessaire sélectivité dans le choix des projets créera des frustrations et que la CDC devra gérer celles-ci sans se substituer au budget de l'Etat, ni sacrifier ses propres investissements prioritaires en venant en substitution.

Dernier fait marquant, les succès remportés par un certain nombre de filiales, qui représentent maintenant une part croissante du résultat, puisqu'elles contribuent à hauteur de 67 % à la formation du résultat récurrent. Je rappelle l'aboutissement de la discussion entre Transdev et Veolia sur le processus de fusion, qui est maintenant engagé dans le respect du discours que nous avons tenu, avec le directeur général, devant les élus, c'est-à-dire un engagement pérenne de la CDC ; la fusion à parité, allant de pair avec un équilibre dans les organes de direction ; et un maintien des structures déconcentrées en termes de gestion de proximité avec les collectivités territoriales clientes. La RATP a été désintéressée par des cessions d'actifs, mais remplacée par une recapitalisation permettant à Transdev, parallèlement à la fusion, de pouvoir réinvestir. Autre opération, l'alliance entre Egis et Iosis, qui permet de conforter l'ingénierie française et ouvre, en même temps, une perspective de développement de l'actionnariat salarié qui a été engagé au sein du groupe Egis. Enfin, je rappelle que CNP Assurances reste le premier centre de résultats du groupe. Toutefois, elle arrive à un moment où elle aura à s'interroger sur les stratégies de moyen et de long terme compte tenu du plafonnement du produit de l'assurance-vie dans notre pays et d'une relative dépendance au seul marché brésilien à l'étranger, malgré l'excellence des résultats apportés par l'activité de CNP Assurances dans ce pays.

Vous trouverez dans les documents qui vous ont été remis une présentation du pôle environnement tel qu'il est aujourd'hui constitué, avec différentes filiales, ainsi que les activités de Belambra et de la Compagnie des Alpes, qui ont été tout aussi satisfaisantes et, enfin, le Fonds stratégique d'investissement (FSI). Compte tenu des auditions récentes et du rapport de Jean-Pierre Fourcade, je pense qu'il n'est pas nécessaire d'y revenir à ce stade de l'intervention.

Je voudrais dire un mot des métiers historiques du groupe, notamment les mandats qui sont exercés, qui représentent la majorité des effectifs démographiques du groupe CDC, notamment tout le secteur des retraites. A cet égard, je veux souligner à la fois la grande performance de l'activité de ce secteur, qui a permis de faire face non seulement au droit à l'information sur les retraites, mais également aux demandes soutenues et aux interrogations de nos concitoyens du fait des récentes réformes. Pour ce faire, aucun poste supplémentaire n'a été créé et, en même temps, la direction des retraites a apporté une grande vigilance sur les problématiques de fraude. J'en veux pour preuve le travail que j'ai pu constater lors d'un déplacement à Bordeaux, au niveau de la gestion de l'allocation de solidarité aux personnes âgées (ASPA). Pas mal de choses ont circulé sur Internet, vraisemblablement d'inspiration d'extrême droite, sur le fait qu'il y aurait des milliers de centenaires en Algérie qui toucheraient des prestations. J'ai pu constater que, grâce au dispositif législatif qui a été mis en place en 2008, il y avait un dossier sur deux qui était refusé et qu'il y avait un travail de contrôle très précis qui était mené.

Le directeur général présentera les résultats plus en détail. Ils sont très satisfaisants. Le résultat du Fonds d'épargne s'élève à 1,485 milliard d'euros, en progression de 27,5 % par rapport à 2009, notamment sous l'effet de la généralisation de la distribution du Livret A, qui a permis de consolider la marge d'intérêt du Fonds d'épargne. Les résultats de l'établissement public, dont 67 % sont apportées par les filiales, atteignent 2,158 milliards d'euros contre 1,980 milliard d'euros en 2009.

Avec la mise en oeuvre des nouvelles dispositions sur le prélèvement, telles que je les indiquais au début, la Caisse des Dépôts apporte au budget de l'Etat 839 millions d'euros, ce qui représente 39 % du résultat net consolidé et correspond au plafond de 75 % du résultat social. La contribution représentative de l'impôt sur les sociétés, qui est inchangée dans son mode de calcul, permet de dégager 369 millions d'euros au bénéfice du budget de l'Etat. Le prélèvement sur le Fonds d'épargne, enfin, est de 965 millions d'euros.

En 2011, nous devrons faire face trois enjeux qui nécessiteront la mobilisation de la Commission de surveillance :

- la consolidation de la capacité d'action du Fonds d'épargne dans le contexte des nouvelles règles de centralisation ;

- la réussite du Club des investisseurs de long terme, créé à l'initiative d'Augustin de Romanet et qui peut jouer un rôle très utile d'interface pour les contacts avec les grands fonds souverains étrangers et la mobilisation de ressources, y compris au profit du développement de notre pays ;

- et, enfin, la construction du modèle prudentiel de la CDC.

Je rappelle que, grâce à Christine Lagarde, la CDC n'a pas été soumise à la Commission bancaire, devenue l'Autorité de contrôle prudentiel (ACP). La loi a prévu que l'ACP remet son rapport à la Commission de surveillance et qu'il lui appartient alors de définir le modèle prudentiel ainsi que le niveau des fonds propres. Ceci nous a d'ailleurs amenés à modifier l'organisation de la Commission de surveillance, avec la création d'un secrétariat général, dirigé par Brigitte Gotti. La détermination du modèle prudentiel est un exercice tout à fait important dans la mesure où il faut à la fois ne pas trop s'écarter des règles communément admises par la communauté financière en matière de règles prudentielles pour les établissements bancaires et financiers, tout en intégrant la spécificité du modèle de long terme de la CDC. Le choix qui a été fait de donner cette responsabilité à la Commission de surveillance est, à mon avis, particulièrement opportun dans la mesure où l'on voit bien aujourd'hui que les contraintes créées pour les établissements financiers et les assurances par Solvabilité II d'une part, et par Bâle III d'autre part, peuvent être terribles en matière de mobilisation de ressources au service de l'investissement. Il nous faudra donc, à la fois, préserver nos marges d'investissement dans la définition de ce modèle et satisfaire aux exigences prudentielles.

M. Jean Arthuis, président. - Toutes ces précisions confirment en effet la bonne performance de la Caisse des dépôts pendant l'année 2010.

M. Augustin de Romanet, directeur général de la Caisse des dépôts et consignations. - En 2010, le groupe CDC a atteint tous les objectifs qu'il s'était fixés et a achevé sa phase de transformation et de modernisation qui lui permet de démultiplier son action d'investisseur de long terme. Le résultat net consolidé atteint 2,151 milliards d'euros, décomposé en 1,8 milliard de résultat récurrent et 332 millions de plus-values et facteurs non récurrents. Nous avions créé cette notion de résultat récurrent en 2008, puisqu'à l'époque nous avions une perte comptable et j'avais voulu mettre en exergue le fait que la performance intrinsèque de la Caisse des dépôts demeurait positive. Le résultat récurrent neutralise les plus-values, or pour un établissement comme le nôtre le bilan de plus-values peut aller de 1 à 10. Lorsque je suis arrivé à la CDC en 2007, nous avions 10 milliards de plus-values latentes, aujourd'hui nous en avons 2. Donc selon les plus-values réalisées, notre résultat peut varier du simple au double. Le résultat récurrent s'est accru de 25 % depuis 2007. Ce résultat provient de plus en plus des filiales, notamment en raison de la création du FSI. En 2010 l'établissement public contribue pour 604 millions d'euros au résultat et les filiales pour 1,215 milliard. Ce qui veut dire que le modèle 50/50 dont se flattait la CDC avant la création du FSI ne sera désormais plus valable dans le futur. Nous devons tenir compte du fait qu'une part de plus en plus importante du résultat de la CDC vient des filiales et vient donc abonder les résultats du groupe CDC mais pas nécessairement le « cash », ce qui veut dire que nous avons une déconnexion de plus en plus prononcée entre le résultat consolidé et le résultat social.

Le principal indicateur de la performance du groupe, c'est le niveau de ses fonds propres. Pour vous donner une illustration simplifiée : le modèle CDC c'est un passif, c'est-à-dire des ressources disponibles qui sont de trois natures :

- des fonds propres pour 20 milliards d'euros ;

- les dépôts des professions juridiques pour 30 milliards d'euros ;

- les emprunts à moyen et long terme pour 10 milliards d'euros.

Ces 60 milliards d'euros de passifs nous permettent d'investir dans des directions diverses : actions, obligations, participations stratégiques, private equity, immobilier, etc. Les résultats que nous dégageons ainsi ont, comme d'habitude, trois destinations : le prélèvement au profit de l'Etat, l'alimentation des fonds propres pour les ré-incrémenter et les dépenses d'intérêt général.

En 2010 nous pouvons dire que nous avons effacé la crise puisque nous avons retrouvé un niveau de fonds propres supérieur à celui qui existait en 2007, année historique. Ces bons résultats nous ont permis de continuer nos dépenses d'intérêt général, pour 1,1 milliard d'euros, avec comme principal poste de dépense d'intérêt général le capital développement puisque, avec le FSI, nous avons investi cette année 620 millions d'euros dans le capital développement, notamment en province. Nous avons également contribué au budget de l'Etat pour 2,5 milliards d'euros qui se décomposent en trois postes :

- le versement 2010, c'est-à-dire la contribution volontaire pour 839 millions d'euros, à laquelle il faut ajouter 339 millions au titre de 2009 conformément à un engagement pris avec le ministère des finances ;

- la contribution représentative de l'impôt sur les sociétés pour 369 millions d'euros ;

- le prélèvement sur le Fonds d'épargne pour 965 millions d'euros.

En ce qui concerne le nouveau prélèvement, je crois qu'il est positif et pour l'Etat et pour la Caisse des dépôts. Il est positif pour l'Etat parce qu'il accroît en vitesse de croisière le prélèvement qui passe de 33 % à environ 37 % - 39 % du résultat consolidé ; et il est positif pour la CDC puisque nous aurons désormais une visibilité. L'Etat ne prend plus de prélèvement sur les plus-values exceptionnelles et, surtout, il protège les fonds propres de la Caisse des dépôts.

En effet, les filiales prennent désormais une part de plus en plus importante et par conséquent - 2010 en est l'illustration -, en rythme de croisière, le résultat social est égal à la moitié du résultat consolidé. Ainsi, avec la règle antérieure d'un prélèvement égal à 33 % du résultat consolidé, nous aurions pu avoir un prélèvement quasiment égal à 100 % du résultat social. L'application de la règle de plafonnement à 75 % du résultat social permet que le versement ne s'établisse qu'à 839 millions d'euros, c'est-à-dire 39 % du résultat consolidé à comparer à l'ancienne règle qui était de 33 %.

S'agissant du Fonds d'épargne, 2010 a été une très bonne année parce que la marge d'intérêt a doublé pour être portée à 1,4 milliard d'euros. La contribution au budget de l'Etat s'est élevée à 965 millions d'euros, soit un niveau historiquement très élevé. Le coût des dépôts avait beaucoup baissé en 2010 puisque le taux du livret A est passé d'un niveau moyen de 1,92 % en 2009 à 1,46 % en 2010. Je ne reviens pas en détail sur les négociations sur le taux de centralisation du livret A, sinon pour souligner que le Fonds d'épargne c'est tout de même l'expérience macroéconomique la plus importante dans le monde de l'économie sociale et solidaire. L'économie sociale et solidaire consiste à utiliser l'épargne des Français, sans coût d'intermédiation, sans aucun frottement de quelque nature que ce soit, pour aller directement dans les emplois d'intérêt général. Le livret A n'est ainsi utilisé que pour trois destinations seulement :

- les emplois au profit des prêts décidés par le ministère des finances : le logement à titre principal, les infrastructures, les hôpitaux ou les universités ;

- les placements du livret A dont le résultat profite au ministère des finances, donc aux contribuables ;

- enfin l'alimentation des fonds propres qui est destinée à sécuriser le système.

La Caisse des dépôts ne prélève pas un seul euro de commission sur la gestion du Fonds d'épargne. En 2011, le Fonds a été alimenté par 41 milliards d'euros en provenance du livret d'épargne populaire (LEP) et 170 milliards d'euros en provenance du livret A et du livret de développement durable. La dynamique des prêts sur le livret A a persisté en 2010 puisque nous aurons prêté 16,1 milliards pour la seule politique du logement social et de la ville, ce qui signifie une progression de 49 % par rapport à 2004, soit un triplement à effectif constant dans les directions régionales. Ce triplement a évidemment conduit à ce que nous constations une hausse de l'encours subséquente. Depuis le milieu des années 1990, nous prêtions chaque année à peu près le même montant, soit environ 5 milliards d'euros, et nous avions chaque année des remboursements du même ordre de grandeur. Quand vous avez des sorties qui sont égales aux rentrées, l'encours reste stable. A partir de 2008-2009, nous avons connu une rupture, d'ailleurs mal comprise par les banquiers. Simplement, à partir du moment où, chaque année, le nombre de prêts est égal à 16 milliards d'euros et le nombre de remboursements demeure de 5 milliards d'euros, l'incrémentation annuelle est de 11 milliards d'euros là où elle était nulle auparavant. Donc, malgré des projections qui reposent sur une baisse du nombre de logements construits - 130 000 en 2010 mais nous faisons l'hypothèse que nous allons revenir à 100 000 - l'encours potentiel des prêts sur le Fonds d'épargne serait de 177 milliards d'euros en 2016. Vous comprenez pourquoi il nous semblait stratégique d'obtenir que nous ayons une centralisation minimale de 65 % à la CDC et plus si affinité. Comme vous le savez dès lors que nous n'aurons pas assez d'argent pour garder un encours de dépôt supérieur ou égal à 125 % des prêts au logement social et à la politique de la ville, les banques seront amenées à nous redonner de l'argent.

S'agissant des autres faits marquants de l'année 2010, l'investissement dans La Poste s'est révélé un investissement avisé puisque, avec 1,5 milliard d'euros, nous aurons 26,3 % d'un groupe dont j'espère que, bientôt, il connaîtra un résultat consolidé annuel après impôt de l'ordre d'un milliard d'euros. Nous sommes donc optimistes pour le redressement de La Poste, sachant que trois de nos administrateurs siègent à son conseil d'administration.

S'agissant des quatre priorités « Elan 2020 », nous avons poursuivi notre priorité « Fonds propres des PME », notamment grâce au FSI qui aura investi depuis sa création 4 milliards d'euros par trois vecteurs : 2,5 milliards d'euros d'investissements directs pour 144 d'entreprises, 523 millions d'euros via les fonds sectoriels - nous avons créé un fonds pour l'automobile, un fonds pour la biologie, un fonds bois, un fonds de retournement qui s'appelle le FCDE (fonds de consolidation et de développement des entreprises) ou « Fonds Ricol », c'est-à-dire le fonds des entreprises trop fragilisées par la crise pour pouvoir accéder aux fonds normaux - et enfin 1 milliard d'euros investis dans 670 PME via les fonds de capital développement régionaux. Enfin, la Caisse des dépôts finance le programme Nacre d'aide aux chômeurs créateurs d'entreprise : nous avons financé 41 500 TPE avec Nacre ainsi qu'avec les micro crédits.

S'agissant du logement, nous aurons contribué à la construction de 145 000 logements cette année avec les différentes branches du groupe Caisse des dépôts, dont 130 000 grâce aux prêts sur Fonds d'épargne.

S'agissant des universités, nous avons conventionné avec 132 établissements et nous sommes très attachés à pouvoir accompagner les universités dans le cadre des programmes que l'on appelle partenariat public-public. Ce sont des structures juridiques originales inventées par nous qui permettent aux universités d'avoir la maîtrise d'ouvrage de leur projet de rénovation et donc d'être autonomes de bout en bout du processus, y compris pour la maîtrise d'ouvrage. Plutôt que de créer une société de projet par programme, elles participent à une société entièrement publique, qui ensuite contracte une multitude de petits partenariats privés. Dans le système de partenariat public-privé, si une université a six projets, elle est obligée de créer six partenariats public-privé, qui pour l'auditorium, qui pour la résidence universitaire, qui pour le labo, etc. Avec notre système nous avons une société publique qui est la maîtresse d'ouvrage de l'ensemble du système. Nous avons également investi dans l'économie de la connaissance, notamment au travers de France Brevets qui va notamment utiliser les travaux réalisés par les Sociétés d'accélération du transfert de technologie. Une douzaine d'entre elles réparties sur le territoire vont aider à la valorisation et à l'éclosion des travaux des universités et des laboratoires de recherche.

S'agissant du développement durable, nous avons tenu notre objectif d'atteindre plus de 500 mégawatt installés dans notre portefeuille et nous continuons à favoriser des filières notamment dans des domaines qui sont naissants en France, en particulier la géothermie. En Allemagne il y a 5 000 stations de géothermie et seulement 10 en France : le retard est gigantesque. Enfin nous avons signé nos premiers contrats de biodiversité.

S'agissant du programme d'investissement d'avenir, comme vous le savez l'Etat nous a confié huit programmes représentant près de 7,5 milliards d'euros. Il s'agit de la priorité managériale du groupe en 2011. Si je passe rapidement en revue les différents programmes, le « Fonds pour la société numérique » représente 4,2 milliards d'euros ; le programme « Ville de demain » et ses treize éco-cités est, à mon avis, celui qui sera le plus lent parce que les projets sont les moins mûrs ; le programme « Formation professionnelle et alternance » va se dérouler avec les régions ; le « Fonds national d'amorçage » est géré par CDC Entreprises qui va diriger une trentaine d'équipes sur le territoire ; les « plateformes mutualisées d'innovation » sont des financements d'équipements structurant pour les pôles de compétitivité, en partie pour des travaux de recherche ; le programme « Economie sociale et solidaire » vise à doter en fonds propres des entreprises de l'économie sociale ; et, enfin, « France Brevets », créée par la CDC à parité avec l'Etat, avec une participation de 50 millions d'euros pour l'Etat et 50 millions d'euros pour la CDC.

Pour les perspectives 2011, nous allons continuer à creuser nos sillons dans les quatre priorités que nous nous sommes données.

S'agissant des PME, nous avons à nouveau contractualisé avec l'Etat et nous nous sommes engagés pour huit ans. Le groupe CDC va investir 625 millions d'euros chaque année et va créer un effet de levier sur le secteur privé. Nous allons accroître très fortement notre effort en région, en recrutant de nouveaux collaborateurs et en rendant ainsi plus perceptible l'offre du groupe CDC.

Pour le logement et la ville nous allons continuer dans le domaine de la valorisation du livret A et nous allons mettre l'accent sur l'hébergement des personnes âgées, des étudiants et des jeunes actifs. Nous avons une perspective de beaucoup plus grande différenciation de notre action sur le territoire. Il y a des zones où apparemment il n'y a plus rien à faire dans le logement social, mais, en réalité, il y a beaucoup à faire dans la transformation du logement social en logements pour personnes âgées. Il y a des zones où il faut mettre l'accent sur les résidences universitaires, d'autres où il faut mettre l'accent sur les jeunes actifs. C'est un point majeur de réflexion pour le groupe.

En ce qui concerne les universités, nous allons mettre l'accent sur le marché européen des brevets. Nous avons l'objectif d'investir dans vingt projets en commençant par quatre partenariats public-public - Lyon, Strasbourg, Bordeaux et AgroParisTech. Et enfin pour le développement durable, nous allons doubler notre puissance installée.

Notre ambition c'est d'accentuer encore notre déploiement dans les territoires, je réfléchis actuellement sur le renforcement du réseau, c'est-à-dire au recrutement de nouvelles personnes dans les directions régionales afin de mieux inscrire notre action suivant les spécificités des zones dans lesquelles nous sommes implantés. Nous avons le projet d'investir, sur la période 2011-2013, 1,2 milliard d'euros et de déployer sur le territoire le programme d'investissement d'avenir. En matière d'économie mixte, nous savons que la réforme territoriale va redistribuer complètement les cartes des établissements publics de coopération. Par ailleurs, je sais que la fédération des entreprises publiques locales réfléchit à la promotion d'un nouveau mode d'intervention qu'on appelle la « SEM contrat » que nous allons essayer d'accompagner.

S'agissant de nos perspectives plus globales, nous continuons évidemment à mener notre action de lobbying auprès des instances internationales. Avec mes collègues du Club des investisseurs de long terme nous avons rencontré les commissaires européens et le président de la Banque des règlements internationaux pour les sensibiliser à la nécessité de rendre les règles comptables plus amicales pour les investisseurs de long terme. Par ailleurs, nous avons pour objectif d'attirer des investisseurs étrangers et de co-investir avec eux sur le modèle des fonds InfraMed et Marguerite.

Pour conclure, je vais vous dresser la liste des sept piliers de la sagesse de l'avancée vers le bicentenaire de la Caisse des dépôts puisqu'elle va le fêter en 2016. Evidemment notre « but de guerre » c'est d'être une entreprise publique exemplaire reposant sur sept points :

- d'abord la diffusion sur tout le territoire d'une culture de développement des fonds propres des PME avec une présence humaine : un de mes objectifs serait qu'il y ait au moins dans chaque direction régionale un spécialiste de haut de bilan dont la compétence technique et les qualités humaines n'auraient rien à envier aux meilleurs banquiers d'affaires expérimentés des boutiques spécialisées ;

- aider au développement de filières industrielles françaises pour les énergies renouvelables : biomasse, micro, hydro-électricité, éolien et photovoltaïque ;

- les universités ;

- l'investissement responsable dans l'établissement public et les filiales ;

- l'attraction de fonds souverains étrangers et de fonds de pensions étrangers dans l'économie française pour qu'ils financent des actifs non délocalisables nous permettant de dégager des marges de manoeuvre pour relocaliser notre industrie en France ;

- la promotion de grands groupes à l'international ;

- la valorisation des ressources du livret A.

M. Jean Arthuis, président. - Je salue l'engagement de la Caisse des dépôts sur le long terme et dans les investissements d'avenir aux côtés des PME et des ETI. Je me réjouis de sa dimension humaine, car il faut également s'assurer que la gouvernance de ces entreprises garantisse leur pérennité. La CDC ne doit donc pas hésiter à placer des administrateurs dans les conseils d'administration de ses participations. La contrepartie de l'aide qu'elle apporte réside dans l'éthique qu'elle peut faire prévaloir et dans sa vision d'une gouvernance performante, y compris dans ses participations cotées et les fonds de capital-investissement.

M. Philippe Marini, rapporteur général. - Je me concentrerai sur quelques points. S'agissant des investissements d'avenir, le rapport au Parlement indique que « le rôle de la Caisse des dépôts doit être précisé ». Pourriez-vous nous décrypter cette formule ? De même, il est précisé que « la gestion des projets d'investissements d'avenir ne doit pas conduire la Caisse des dépôts à sacrifier ses propres investissements prioritaires ». Y'aurait-il des conflits d'intérêt dans les mandats confiés à la CDC ?

La CDC est depuis 2008 le premier actionnaire non étatique de Dexia avec 17,6 % de son capital. Le rapport au Parlement est pourtant muet sur cette participation. Où en est la restructuration de Dexia et quels sont les risques pour la Caisse des dépôts liés à cette participation ? De même, la CDC est entrée au capital de La Poste et détient 40 % de la Caisse nationale de prévoyance (CNP Assurances), la Banque postale étant actionnaire à hauteur de 18 %. Quelles sont les synergies supplémentaires attendues des relations entre La Poste, La Banque postale et CNP Assurances ?

Je m'interroge également sur ce qui empêcherait aujourd'hui le Fonds d'épargne de mettre en place un programme de prêts aux PME et ETI, et sur la rémunération des membres du conseil d'administration du FSI. Autre sujet important : quelles sont les modalités de la nouvelle convention liant la CDC à l'ACOSS, à laquelle le président Bouvard a été particulièrement attentif, et de la diversification des moyens de financement de l'ACOSS ? Je m'inquiète, en effet, de la dispersion de la signature de l'Etat ou d'entités parapubliques. Enfin, quel est l'impact du modèle prudentiel de la CDC sur ses investissements en capital non coté ?

M. Michel Bouvard. - Sur ce dernier point, la Commission de surveillance travaille actuellement sur la détermination des critères du futur modèle prudentiel, qui devra être robuste dans la durée. Concernant le programme des investissements d'avenir (PIA), les conventions passées avec l'Etat sont précises mais l'engagement de la Caisse des dépôts ne doit pas nous conduire à aller au-delà. Nous gérons de l'argent pour le compte de l'Etat et ce programme a trait à des domaines d'actions qui s'inscrivent dans notre plan stratégique pour 2020, par exemple le numérique dans lequel la CDC investit également. Il importe que le PIA soit cohérent avec la politique d'investissement de la CDC et qu'il n'y ait pas un « siphonage », par lequel la Caisse des dépôts devrait pallier l'insuffisance des moyens du PIA, au risque de déséquilibrer son modèle. Le Parlement doit donc être vigilant sur la cohérence de l'ensemble de l'action publique.

Concernant Dexia, si on ajoute la participation détenue par CNP Assurances, le groupe CDC en détient environ 20 % du capital. Son président, Pierre Mariani, a été auditionné à plusieurs reprises par la Commission de surveillance, qui est donc régulièrement informée de l'avancement du plan de restructuration et des cessions d'actifs. Nous avons d'ailleurs été attentifs à ce que Dexia ne soit pas conduite à céder ses actifs les plus performants, notamment Denizbank qu'elle a recapitalisée. Le problème de la durabilité du modèle de Dexia réside dans le coût de la ressource, dans un marché interbancaire qui se contracte à nouveau.

La nouvelle convention avec l'ACOSS répond au même souci de clarification des relations financières que le renouvellement du cadre de gestion du Fonds d'épargne, qui a abouti après six ans de travaux. Cette convention permet d'abaisser le plafond par rapport au financement accordé en 2010 et de mettre en place une rémunération qui couvre les coûts engagés par la Caisse des dépôts. La convention précédente n'était pas équilibrée puisque le coût d'opportunité pour la CDC s'était élevé à plus de 80 millions d'euros. Enfin cette convention permet de mettre en harmonie les ressources mobilisables par la CDC et les emplois de l'ACOSS, en ayant la certitude que les avances de trésorerie correspondront à un réel besoin.

M. Augustin de Romanet. - En complément sur le PIA, j'observe que nous avons mis en place une gouvernance spécifique. Le responsable du programme nous rapporte directement et s'assure qu'une doctrine précise est appliquée à chaque projet, la CDC n'étant pas la « session de rattrapage » du Grand emprunt. Le partage des actions a également été clarifié, notamment sur le numérique : la CDC continue d'investir dans le haut débit, et le PIA prend en charge le très haut débit, selon les besoins différenciés de chaque territoire. Il faut donc bien fixer la ligne de partage entre les actions de la Caisse des dépôts en tant qu'établissement public et en tant que mandataire de l'Etat.

S'agissant de Dexia, Pierre Mariani a effectivement été auditionné par la Commission de surveillance et les procès-verbaux y font référence. La Commission s'est montrée particulièrement attentive à la situation de cette banque, qui connaît des problèmes de liquidité plutôt que de solvabilité.

M. Michel Bouvard. - C'est une attention de tous les instants ! D'ailleurs la Commission de surveillance s'était déjà intéressée aux risques de Dexia avant le sinistre de fin 2008.

M. Augustin de Romanet. - Concernant La Poste, il convient de veiller à respecter la gouvernance de chaque entité. Les synergies entre la CNP et La Poste relèvent avant tout de relations de cocontractants entre un producteur et un distributeur de produits, et le fait que la CDC soit actionnaire de la Banque postale n'a pas contribué à modifier la relation complexe entre cette dernière et la CNP.

Qu'est-ce qui empêche le fonds d'épargne de financer les PME ? A la différence d'Oséo, il ne dispose pas d'équipes d'analystes-crédit et l'Etat ne lui a jamais confié cette mission. Mais on peut considérer que le fonds d'épargne finance les PME à hauteur de 6,5 milliards d'euros, via Oséo qu'il refinance pour 5 milliards d'euros et le prêt de 1,5 milliard d'euros qu'il accordera au FSI.

Sur les rémunérations accordées aux sept membres du conseil d'administration du FSI, l'enveloppe globale adoptée hier est de 350 000 euros. Ce conseil est très impliquant puisque certains administrateurs y ont siégé quarante-quatre fois en 2010, dans vingt-deux réunions de conseil et vingt-deux réunions de comités spécialisés ! Le montant individuel moyen est en tout cas très inférieur à celui octroyé dans les sociétés de taille comparable. En outre, les représentants de l'Etat et de la CDC reversent le montant de leurs jetons de présence à leur employeur.

Enfin, concernant l'ACOSS, je rappelle les limites prévues par la convention : nous ne finançons pas l'ACOSS au-delà de 33 % du plafond autorisé dans la loi de financement de la sécurité sociale, de 10 milliards d'euros sur un an et de 4 milliards d'euros pour les concours à court terme.

M. Jean Arthuis, président. - En principe, nous avons voté le transfert des déficits passés de l'ACOSS à la Caisse d'amortissement de la dette sociale (CADES)...

M. Jean-Jacques Jégou. - En effet, mais les déficits reprennent !

M. Augustin de Romanet. - C'est comme un système de crédit-revolving, qui se réalimente chaque année.

M. Michel Bouvard. - C'est d'ailleurs pour cela qu'il fallait abaisser le plafond.

M. Augustin de Romanet. - On a fait la même chose que lors de la première reprise de la dette sociale dans la loi de finances pour 1994, pour 120 milliards de francs. Lors de la renégociation de la convention avec l'ACOSS, nous avons donc acté le principe que la Caisse des dépôts n'était pas un puits sans fond. Avec 35 milliards d'euros en 2010, les concours de la CDC à l'ACOSS représentaient une part du bilan telle qu'ils devenaient un risque systémique pour la Caisse des dépôts.

M. Michel Bouvard. - Compte tenu de l'ampleur des besoins de l'ACOSS et des disponibilités de la CDC, limitées par la baisse des dépôts des notaires, il aurait fallu que la CDC recoure à l'emprunt pour financer l'ACOSS ! La Commission de surveillance s'en est alarmée, d'autant que la première demande de l'ACOSS portait sur un montant supérieur à 35 milliards d'euros. La situation est désormais clarifiée.

M. Jean Arthuis, président. - Il s'agit bien d'engagements hors-bilan de l'Etat figurant dans la loi de règlement ?

M. Philippe Marini, rapporteur général. - Il faudrait le vérifier.

Mme Fabienne Keller. - Je salue l'engagement de la Caisse des dépôts sur les investissements d'avenir. Elle a ainsi le bonheur d'investir pour la France ! Je me félicite également de la création d'une structure intermédiaire susceptible de porter sur le long terme les investissements réalisés par les universités, selon une gouvernance partagée. Ils seront ainsi plus simples à gérer. On a utilisé le savoir-faire historique de la Caisse des dépôts en matière d'économie mixte, et je sais gré à cette dernière d'accompagner les acteurs en pleine mutation que sont les universités, dont le potentiel ne demande qu'à être libéré.

M. Augustin de Romanet. - Je remercie Mme Keller de son soutien. Pour boucler ces partenariats universitaires, nous avons dû tenir compte de la disposition légale qui prévoit que les opérateurs de l'Etat, et en particulier les sociétés de partenariat « public-public », ne peuvent pas emprunter. Nous avons donc considéré que les concours du Fonds d'épargne, qui n'est pas assimilable à une banque, ne constituaient pas des prêts. Mais je regrette que les projets de valorisation du patrimoine foncier d'un certain nombre d'établissements publics soient arrêtés du fait de cette interdiction d'emprunt, comme c'est le cas à Lyon. Autant il est légitime de vouloir, par cette disposition, limiter la dérive des finances publiques, autant elle peut dans certains cas handicaper la création de richesses.

M. Jean Arthuis, président. - Ce sera pour nous un sujet de réflexion à approfondir à partir d'octobre prochain, mais à titre personnel, je ne peux pas prendre d'engagement ferme sur cette question.

La Caisse des dépôts prend des initiatives au plan international. La région du Caucase présente-t-elle des garanties suffisantes en termes de transparence, d'honorabilité et de lutte contre le blanchiment ?

M. Augustin de Romanet. - La loi dispose que la Caisse des dépôts remplit des missions confiées par les pouvoirs publics. Le Président de la République et M. Medvedev ont récemment signé un accord qui prévoit qu'elle étudie les perspectives d'aménagement dans le Caucase, dont le coût représente 15 milliards d'euros. Les Autrichiens et les Américains sont candidats, mais il y a au moins deux stations proches de la Tchétchénie qui nécessitent qu'une forte attention soit portée à la sécurité.

Dans les sept mois à venir, nous nous attacherons à fédérer les industriels français, Pomagalski par exemple. Nous évaluerons si les conditions de sécurité sont ou non réunies et présenterons nos conclusions en novembre prochain. Dès lors que la CDC est sollicitée et qu'il y a des emplois à la clef sur le territoire français, nous devons étudier ce projet. Mais si nous allons dans le Caucase, ce sera avec des garanties de sécurité optimales.

M. Jean Arthuis, président. - Évidemment. Il faut à la fois de l'audace et faire une juste application du principe de précaution.

M. Michel Bouvard. - Dans ce projet du Caucase, la Caisse des dépôts a surtout été sollicitée par les milieux économiques français, compte tenu de son expérience en matière d'aménagement de la montagne. Les pouvoirs publics étaient également intéressés. Les Russes disposent de tous les capitaux nécessaires et l'Etat apporte sa garantie ; la CDC n'investira donc pas en direct mais apportera son savoir-faire et sa capacité de coordination. Il faut bien évaluer en amont tous les risques.

M. Jean Arthuis, président. - Je vous remercie, M. le président, M. le directeur général, et vous félicite pour les excellents résultats de la Caisse des dépôts en 2010, en espérant que ceux de 2011 marquent une nouvelle progression !