Mardi 21 juin 2011

- Présidence commune de M. Jacques Legendre, président, et de M. Jean-Paul Emorine, président de la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire -

Les investissements d'avenir - Audition de Mme Valérie Pécresse, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche

La commission procède à l'audition de Mme Valérie Pécresse, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche, sur les investissements d'avenir, conjointement avec la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire.

M. Jean-Paul Emorine, président. - Madame la Ministre, nous sommes très heureux de vous accueillir aujourd'hui pour parler d'un sujet qui nous tient à coeur, à la commission de l'économie : la recherche appliquée. Sur les 35 milliards que la loi de finances rectificative du 9 mars 2010 a ouverts pour les investissements d'avenir, la mission « recherche et enseignement supérieur » s'en est vu attribuer 21,6, soit 62,5 % du total. Aussi sommes nous très intéressés par le point que vous allez nous faire sur ce plan très ambitieux pour l'avenir de la recherche et de l'innovation dans notre pays. Quels projets, quels équipements d'excellence ont été retenus au terme de cette première tranche d'appels à projets et comment l'Agence nationale de la recherche (ANR) est-elle impliquée dans ces financements ?

Au-delà de cet aspect financier, la recherche française souffre de faiblesses structurelles, notamment d'un lien difficile entre recherche fondamentale et appliquée, d'une capacité de recherche insuffisante de nos entreprises - notamment de nos PME - et du faible attrait de la carrière de chercheur dans notre pays. Le rapport pour 2011 de la Commission européenne sur l'innovation fait état d'un écart grandissant entre l'Europe et ses concurrents, du fait du faible effort de recherche de ses entreprises. Cette situation risque-t-elle de perdurer ? Quelles réponses peut-on y apporter ? Selon vous, la mise en place des pôles de compétitivité fait-elle partie de ces réponses ?

M. Jacques Legendre, président. - Nos deux commissions attachent à la recherche une égale importance et je remercie le président Emorine d'avoir souhaité cette audition conjointe sur un sujet sur lequel on nous interroge souvent dans nos départements ou dans nos régions.

La loi définissant l'emploi des investissements d'avenir a privilégié l'économie numérique. Pouvez-vous nous en dire plus sur les appels à projet dans ce domaine et notamment dans celui de l'e-éducation ?

L'enseignement supérieur privé associatif n'a pas bénéficié de la même manne que le public, lequel s'est vu attribuer depuis 2008 une augmentation de la dépense publique de 1 710 euros par étudiant contre seulement 210 euros au privé, malgré la contractualisation. Pouvez-vous nous dire si l'enseignement privé, au-delà de l'effort budgétaire, profitera des investissements d'avenir ?

Mme Valérie Pécresse, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche. - En 2007, la France souffrait en effet d'une capacité d'innovation insuffisante. C'est surtout du côté du privé que le bât blessait puisque la recherche-développement (R&D) publique atteignait 1 % du PIB, conformément aux objectifs de Lisbonne. En revanche, la R&D privée était bien en deçà de l'objectif de 2 % puisque son pourcentage n'était que de 1,07. Depuis, le crédit d'impôt recherche (CIR) a permis d'améliorer le niveau de la recherche privée, si bien qu'en 2009 le pourcentage total atteignait 2,21 % du PIB, loin, cependant du score allemand de 2,8 %. L'enjeu est donc que les entreprises investissent davantage dans la R&D et que laboratoires publics et privés travaillent ensemble pour assurer l'indispensable continuum entre recherches fondamentale et appliquée. Nous sommes en effet au cinquième rang mondial pour la recherche fondamentale et les publications...

M. Daniel Raoul. - Merci les mathématiques !

Mme Valérie Pécresse, ministre. - ...mais seulement au douzième pour l'innovation ; et l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) comme l'Union européenne nous classent dans la catégorie des « pays suiveurs ». L'autonomie des universités, le CIR et le « grand emprunt » que nous avons décidé d'investir en majeure partie dans l'enseignement supérieur et la recherche permettent de remonter le courant. Tous ces crédits permettront également de rapprocher public et privé puisque le caractère partenarial entre les deux secteurs est un critère essentiel de sélection dans les appels à projets. A côté des universités, les pôles de compétitivité ont donc un rôle essentiel à jouer dans cette entreprise.

Nous sélectionnons les projets sur trois critères : le partenariat public/privé, l'excellence scientifique, le retour sur investissement, dans sa dimension économique et sociétale. Et nous avons défini trois axes pour notre stratégie nationale de R&D : l'agriculture, l'alimentation et la santé ; l'environnement et l'énergie ; la communication et les nanotechnologies. Chaque appel à projet est mené selon un cahier des charges rigoureux, et soumis à un jury international afin d'éviter les conflits d'intérêts. Cette démarche a suscité l'engouement du monde de la recherche et a reçu un très fort soutien des élus locaux : plus de 800 projets ont été déposés.

Nous arrivons au terme de la première vague des projets d'investissements pour l'avenir : 220 projets ont été sélectionnés et plus de 10 milliards d'euros, sur les 22 prévus pour la recherche, ont été engagés. Nous attendons pour le 15 juillet le résultat des initiatives d'excellence.

Je vous rappelle les trois objectifs des investissements d'avenir. Il s'agit d'abord de sélectionner une dizaine de pôles universitaires et de recherche à visibilité mondiale - les initiatives d'excellence. Ensuite, de relever les défis technologiques essentiels pour sortir renforcés de la crise - robotique, équipements de santé ou capacités de génotypage conformes aux standards mondiaux. Enfin, de relever les défis sociétaux de l'époque : environnement, énergies renouvelables, vieillissement, obésité, cancer, numérique.

Je n'ai pas chiffré les appels à projets numériques - qui ne relèvent pas de mon ministère - mais j'ai demandé aux universités, et Luc Chatel a fait de même pour les écoles, de présenter des projets d'e-éducation. Nous en aurons donc un qui sera à partager avec le ministre en charge de l'éducation. Il sera aussi possible de redéployer quelques crédits de la mission interministérielle « recherche et enseignement supérieur » sur des pédagogies et des diplômes d'excellence et de faire de l'e-éducation l'un des instruments de l'innovation pédagogique dans le supérieur. Ce ne sera pas le seul car il y aura aussi la possibilité de diplômes bilingues, de diplômes passerelles, de diplômes en alternance, de diplômes pluridisciplinaires - sciences, lettres, droit et gestion -, de diplômes bidisciplinaires en médecine afin que ceux qui échouent du fait du numerus clausus puissent se réorienter sans reprendre leurs études à zéro. On voit émerger dans les universités autonomes toute une série de nouveaux diplômes, surtout de premier cycle. Si on utilisait une partie du « grand emprunt » pour ces expériences pédagogiques, cela permettrait de faire émerger ces initiatives d'excellence pédagogique et de compléter la palette d'outils qui va des équipements, laboratoires et initiatives d'excellence aux instituts hospitalo-universitaires (IHU) et aux instituts de recherche technologique ou d'énergie décarbonée. Dans cette palette, manque le volet formation car il faudra aussi faire fonctionner ces nouveaux laboratoires qui ont besoin de personnels qualifiés, par exemple en informatique ou en énergies renouvelables.

Depuis 2007, nous avons augmenté de 30 % les moyens de l'enseignement supérieur privé. Mais les comparaisons entre public et privé sont difficiles à faire car la masse salariale du privé n'est pas prise en charge par l'État et ces établissements ont la possibilité de demander des droits d'inscription à leurs étudiants. Cela dit, ces établissements d'enseignement supérieur privé peuvent tout à fait poser leur candidature dans les appels à projets. Il faut toutefois reconnaître qu'ils ont très peu de laboratoires de recherche. Notre stratégie est de les intégrer dans les pôles de recherche et d'enseignement supérieur (PRES).

M. Daniel Raoul, rapporteur pour avis pour la commission de l'économie de la mission interministérielle « recherche et enseignement supérieur ». - Je suis favorable, bien sûr, au rapprochement entre entreprises et universités. Cela dit, je ne comprends pas grand-chose à la nébuleuse des investissements d'avenir, aux « équipex », « labex », IRT et autres IHU. Prenons l'exemple de l'axe « santé, agriculture, alimentations » - de la fourche à la bouche ou du génome à l'assiette : comment tout cela constituera-t-il de véritables pôles d'enseignement supérieur, éventuellement déconnectés des pôles de compétitivité qui pourtant ont fait leur preuves ? Les cloisons entre public et privé sont tombées, ainsi que les appréhensions réciproques. Les pôles de compétitivité auront au moins eu ce résultat. Dès lors que les jurys internationaux s'attachent plutôt aux aspects académiques des projets, qu'en est-il de l'aménagement du territoire ? Comment pondérez-vous les deux critères dans la sélection ?

Nous avons été déçus par la mésaventure arrivée aux crédits pour les jeunes entreprises innovantes (JEI). C'est un sale coup pour l'innovation. Et sur le CIR, je regrette qu'un amendement adopté à l'unanimité par notre commission, et orientant ce crédit impôt en direction des petites et moyennes entreprises (PME), ait été repoussé par notre éminente commission des finances. L'augmentation du montant du CIR est spectaculaire, c'est vrai, mais le résultat en termes de R&D n'est pas en corrélation avec cette augmentation ; c'est presque le contraire. Il y a là un vrai problème d'affectation ; ce crédit d'impôt devrait davantage aller vers l'innovation. Notre commission de l'économie est unanime pour penser qu'il faut faire davantage pour les PME, trop petites et sous-capitalisées. Le CIR ne peut faire que ces petites entreprises aient la taille critique suffisante pour permettre de se lancer dans la R&D.

M. Michel Houel, rapporteur pour avis pour la commission de l'économie de la mission interministérielle « recherche et enseignement supérieur ». - Le plateau de Saclay est un cluster au potentiel de recherche et de formation exceptionnel, mêlant écoles et entreprises de très haut niveau. Nous avions d'ailleurs pu en juger lors de l'examen du texte sur le « grand Paris » en nous y rendant. Il a pourtant été recalé, lors de la première vague d'appels à projets des initiatives d'excellence. Sa candidature sera réexaminée à l'automne, lors d'une deuxième vague. Comment expliquez-vous cet échec, et où en désormais est le dossier ?

M. Jean-Pierre Plancade, rapporteur pour avis pour la commission de la culture de la mission interministérielle « recherche et enseignement supérieur ». - Je reconnais, même si je ne l'ai pas votée, que votre réforme universitaire, la plus importante depuis trente ans, a engagé notre pays dans la voie du XXIe siècle, et je vous en félicite. Mais j'ai quelques inquiétudes. Je souhaiterais qu'on en revienne à l'ancien régime des JEI. Et pourriez-vous préciser le rôle des instituts Carnot ? Quels moyens y sont consacrés ? Comment et par qui sera évalué l'emploi des crédits d'investissement ?

M. Jean-Léonce Dupont, rapporteur pour avis pour la commission de la culture de la mission interministérielle « recherche et enseignement supérieur ». - J'ai le plaisir de siéger au comité de surveillance de cette grande politique que sont les investissements d'avenir. Néanmoins, ceux-ci ne doivent pas faire oublier le devenir des PME. Est-il prévu de revenir sur la réforme des JEI ? Qu'en-est-il des cofinancements et des partenariats pour la numérisation du patrimoine culturel ?

Il faut se préoccuper du problème de la couverture numérique du territoire, condition de l'accès de tous à l'e-éducation.

Même si ces investissements d'avenir n'ont pas pour but d'aménager le territoire, et même s'il convient d'éviter le saupoudrage, à la lecture des premiers projets retenus, on s'aperçoit que, du fait d'une sélection opérée sur critères strictement universitaires, des zones entières seront privées de ces investissements. Il ne faudrait pas créer de nouvelles disparités géographiques.

Mme Valérie Pécresse, ministre. - Oui, Daniel Raoul, c'est très complexe et j'aurais bien préféré être seule aux commandes, sans avoir à composer avec Bercy ni avec le Commissariat général à l'investissement (CGI). Mais, comme dans la construction d'une maison, chaque élément est nécessaire : ici les laboratoires d'excellence, leurs équipements, les laboratoires hospitaliers, l'institut de recherche technologique, celui de l'énergie décarbonée, les initiatives d'excellence... Au départ de leur réflexion, Alain Juppé et Michel Rocard avaient recherché ce qui, dans l'état actuel des choses, n'était pas financé : les cohortes de patients, par exemple, qu'il faut suivre pendant 20 ans alors que l'ANR ne finance que sur trois ans. Mais au total, ce n'est pas si complexe que cela et lorsque des candidats à appels à projet ont des problèmes, je leur conseille de venir au ministère où on les orientera, on ne les laissera pas seuls. Nous donnons le même conseil aux universités.

Il n'y a pas de déconnection avec les pôles de compétitivité. La différence, c'est que l'objectif des investissements d'avenir n'est pas d'abonder ces pôles mais de lever les verrous technologiques, de faire travailler ensemble chercheurs publics et privés et de faire dispenser les formations adéquates. C'est un rapprochement innovant, celui des PRES et des pôles de compétitivité ; c'est la vraie rencontre public-privé. Avec les PRES, nous avons consolidé le public ; avec les pôles de compétitivité, nous avons consolidé le privé ; maintenant, nous les amenons à travailler ensemble.

Sur l'aménagement du territoire, à présent. Je pensais au départ que l'excellence était partout sur le territoire et que tous sauraient se mobiliser. Je n'ai pas été déçue. Aujourd'hui, je constate que l'excellence est partout et que tous les territoires se sont effectivement mobilisés. Lorsque des universités n'avaient pas la taille critique en matière de recherche, les élus locaux ou les milieux économiques les ont épaulées. Dans le Nord, par exemple, où les structures de recherche n'ont pas toujours une taille suffisante, les milieux économiques leur ont permis de faire émerger un projet d'institut sur les énergies décarbonées, ainsi qu'un institut de recherche technologique sur le ferroviaire. En Lorraine, également, les acteurs se sont mobilisés pour faire émerger un pôle de recherche sur les matériaux de demain. Pour profiter de ces investissements d'avenir, Strasbourg et Mulhouse se sont réunies en réseau, de même que Metz et Nancy, Pau et Bordeaux, Aix et Marseille. Ces investissements ont donc un effet de cohésion et d'intégration territoriales qui a abouti à la formation d'une quinzaine de pôles universitaires de recherche et d'innovation à visibilité mondiale. On voit apparaître des projets innovants inattendus : en Picardie, à Compiègne par exemple, celui sur la chimie verte ; à Amiens, celui de la chirurgie réparatrice, unique au monde ; et celui du professeur Tarascon - sur les batteries - que l'on a ainsi dissuadé de partir à Santa Barbara. L'université de Caen a damé le pion à Lyon avec sa proposition de nouvelles thérapies contre le cancer.

L'intervention de jurys internationaux a aussi changé la donne : ce n'est pas un cabinet ministériel, Matignon ou l'Élysée qui décident. Par exemple la Guyane a récupéré un laboratoire d'excellence sur la biodiversité ; ses 250 chercheurs d'élite désespéraient de l'obtenir mais le jury international les a repérés, eux et les six brevets qu'ils avaient déjà déposés. De même pour la céramique à Limoges et la vulcanologie en Auvergne. Il se dessine ainsi la carte d'une France réindustrialisée par les investissements d'avenir et où, au total, peu de territoires sont restés vides. Contrairement à ce qu'on a prétendu, l'Ouest n'est pas oublié. Brest a un projet sur les énergies marines, Rennes le pôle de télécommunication, Nantes a gagné - contre Bordeaux, à qui Matignon et l'Élysée le destinaient - un institut de recherche technologique sur les matériaux. Chaque région se mobilise, même si certaines ont des handicaps. Le PRES normand a eu du mal à se constituer du fait de la séparation entre Haute et Basse-Normandie.

En outre, nous allons avoir une seconde phase d'appels à projet et j'ai pris l'engagement que tout bon projet non retenu serait repris par le ministère dans le cadre des contrats pluriannuels avec les universités.

Je regrette moi aussi que les contraintes budgétaires aient imposé de diminuer l'ampleur du programme des JEI, lequel a quand même un effet pervers : l'effet de seuil de sortie de ce dispositif. Le CIR est un instrument plus puissant, plus pertinent. On pourrait peut-être, en effet, l'orienter davantage vers les PME mais je suis plutôt favorable à ce qu'on rapproche CIR et JEI. Aujourd'hui, avec Oséo, nous cherchons les solutions pour qu'aucune entreprise innovante ne soit lésée. Cependant, un instrument unique est bien préférable.

Le CIR a eu trois effets. Il a empêché la délocalisation des équipes de chercheurs à l'étranger, sachant que la délocalisation de la recherche appliquée entraîne souvent celle de la production qui en résulte. Il a modifié le comportement des entreprises privées qui veulent désormais investir en France, attirées par son environnement fiscal. Enfin, il a eu un effet bénéfique sur les PME : le montant de ce crédit d'impôt en faveur de cette catégorie d'entreprises a doublé depuis 2008 et elles ont été incitées à faire de la recherche ou à la déclarer. Il faut continuer dans cette voie.

D'une façon générale, je plaide et plaiderai lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2012 en faveur de la stabilité fiscale, et j'inviterai la créativité parlementaire à faire une pause pendant au moins un an. Les entreprises qui ont des projets de R&D portant sur dix années ne peuvent supporter que la règle du jeu change à chaque loi de finances. En 2012, la stabilité fiscale présentera bien plus d'avantages que toute amélioration fiscale.

Pourquoi le plateau de Saclay a-t-il été recalé ? A cause du manque de cohérence de son projet ! Les 21 acteurs devaient se mettre d'accord. Dans un tel cas de figure, chacun doit faire passer ce qu'il croit être son intérêt propre après l'intérêt collectif. C'est la condition sine qua non pour que Saclay devienne un vrai cluster de niveau international. C'est compliqué mais nécessaire et le jury international sera sans indulgence face à ce qui lui apparaît comme une somme de laboratoires, incapables de s'intégrer dans une dynamique commune. A cet égard, il faut saluer l'évolution et la fusion de pôles universitaires que tout séparait : Aix et Marseille par exemple. De même, il faut saluer la fusion, à Lyon, des écoles normales et des universités, ou encore celles opérées à Paris. Saclay doit faire de même.

Les instituts Carnot, ces instituts de recherche partenariale associant le public et le privé, lancés dans le cadre du pacte pour la recherche, ont atteint leur objectif : leurs revenus issus de contrats de recherche partenariaux ont augmenté de 32 % depuis 2006. Nous avons lancé un nouvel appel à projet dans le cadre des investissements d'avenir : 34 instituts ont été labellisés pour la période 2011-2016, dont dix nouveaux. Ce renouvellement permet de mieux cibler certaines thématiques - logiciels, sciences de la vie... - et de rééquilibrer la couverture territoriale. Pas moins de 25 000 chercheurs travaillent dans ces instituts, pour un budget de 2 milliards d'euros, provenant à 40 % de partenariats avec des entreprises. Les investissements d'avenir ont prévu un fonds de soutien de 500 millions d'euros non consommables, dont les intérêts - 17 millions par an - s'ajoutent aux 61 millions du budget de l'ANR.

Les investissements d'avenir feront bien l'objet d'une évaluation : les conventions, conclues en général pour dix ans, prévoient toutes une évaluation à mi-parcours ; des crédits représentant 0,5 % du total y sont consacrés, ce qui permettra de réunir de bons jurys. Les critères seront les suivants : les résultats scientifiques, le retour sur investissement en termes de croissance, d'emploi et de dynamique territoriale, et l'impact sur le paysage universitaire. Ainsi, les contrats conclus avec le ministère tiendront compte des apports des investissements d'avenir et de ce qui reste à financer. Le Parlement sera évidemment tenu informé de ces évaluations.

Jean-Léonce Dupont, vous ne trouverez pas meilleure avocate de la couverture numérique que moi : c'est une condition sine qua non du développement territorial. Mais ce dossier ne dépend pas de moi.

Quant au partenariat public-privé pour la numérisation du patrimoine culturel, c'est le ministère de la culture qui en est chargé. Je puis vous dire, en revanche, que dans le cadre des investissements d'avenir, les laboratoires de recherche patrimoniale - qui s'occupent de conservation, de rénovation, de muséographie, etc. - ont su tirer leur épingle du jeu. Un laboratoire français spécialiste des « lieux de mémoire », financé au titre des investissements d'avenir, doit participer au projet de Ground zero à Manhattan, en lien avec le Mémorial de Caen et New York University. A l'École française de Rome il y a quelques semaines, j'ai eu des discussions sur un éventuel programme de recherche européen consacré au patrimoine, qui aurait d'évidentes retombées touristiques. Tous les pays européens pourraient y être associés.

M. René-Pierre Signé. - J'aimerais me joindre au concert des louanges, mais les grévistes de 2007 avaient sans doute quelques raisons de se plaindre... Je redoute les effets de l'autonomie des universités, autorisées à rechercher des financements privés. Certes, la loi Edgar Faure de 1968 leur donnait déjà ce droit, mais elles n'en ont guère tiré parti ; d'ailleurs, les fonds privés ne pouvaient dépasser 25 % du budget total. Vous avez relancé ces financements privés en les défiscalisant. Faut-il y voir un pas vers la privatisation ?

Malgré les regroupements et les fusions, je crains que l'autonomie ne favorise la concurrence plus que la coopération. Quoi que vous en disiez, l'université ne va pas bien : les inscriptions sont en baisse ; les étudiants les moins riches, qui doivent travailler pour financer leurs études, abandonnent souvent en cours de route ; les entreprises rechignent à recruter des stagiaires ; et les bons élèves s'orientent vers les grandes écoles.

Les pôles de compétitivité sont centrés sur l'industrie au sens large, y compris les services à caractère industriel. Ils ne contribuent guère à l'aménagement du territoire - qui ne relève certes pas des attributions de votre ministère. Bien loin de réduire les inégalités, ils en créent de nouvelles : tout est piloté depuis Paris, et 80 % des subventions sont distribuées à 20 % des pôles, tous situés en région parisienne. (Mme la Ministre le conteste). Je l'ai lu ! A ce que m'a dit François Patriat, il n'y a aucun pôle de compétitivité en Bourgogne.

M. François Patriat. - Vous m'avez mal compris : il y en a deux.

M. René-Pierre Signé. - Toujours est-il que certaines régions restent dépourvues, sous prétexte qu'elles ne disposeraient pas de centres de recherche de niveau européen. On assiste à la concentration des gros projets et à l'émiettement des petits.

Le financement est brouillon. Il existait jusqu'à récemment des projets de R&D collaboratifs, financés en 2005 et 2008. A présent, on dit que le financeur sera Oséo, lui-même abondé par le fonds unique interministériel. Malgré les dépenses déjà consenties - deux fois 1,5 milliard -, 17 pôles réclament une rallonge de 900 millions d'euros.

Je vous sais attachée à certaines régions du centre de la France. Eh bien, elles souffrent de n'être pas aussi bien dotées que Paris.

M. Michel Bécot. - Je sais bien que les banques et assurances sont à la pointe de l'innovation, mais j'aimerais que vous nous confirmiez, Madame la Ministre, que le CIR est prioritairement destiné aux PME et TPE.

M. Claude Léonard. - La création de la première année commune aux études de santé a eu pour effet l'arrivée de promotions de 2 000 ou 2 500 étudiants dans les facultés. Ne faudrait-il pas remettre sur la table le projet, un temps envisagé par la conférence des doyens, d'instituer une présélection à l'entrée, comme pour les brevets de technicien supérieur (BTS) et dans les instituts universitaires de technologie (IUT) ? Les étudiants admis au baccalauréat avec mention sont ceux qui réussissent le mieux.

Mme Valérie Pécresse, ministre. - René-Pierre Signé craint une privatisation des universités : nous en sommes bien loin. Les 39 fondations universitaires ont permis de récolter 70 millions d'euros : ce n'est pas négligeable, mais c'est une goutte d'eau dans le budget de l'enseignement supérieur et de la recherche - 24 milliards d'euros, dont 14 pour les universités. J'ai appris que l'hôpital universitaire de Columbia University avait reçu 1 milliard d'euros de la part de patients reconnaissants, alors même que les frais d'hospitalisation sont bien plus élevés qu'en France : il nous reste bien du chemin à faire...

J'ai parlé d'une goutte d'eau, mais je préfère dire que c'est « du beurre dans les épinards ». L'université de Clermont-Ferrand dispose ainsi de 2 millions d'euros pour financer des bourses, des équipements, des initiatives pédagogiques, etc. Mais encore une fois, l'État assure plus de 95 % du financement des universités, et si l'on y ajoute les régions, cette proportion doit se monter à 99 %.

Concurrence ou coopération ? L'autonomie stimule à coup sûr l'émulation entre les universités. Mais il est faux de dire qu'avant 2007, toutes les universités aient été sur un pied d'égalité : toutes avaient leurs spécificités, leur logique territoriale, etc. Croyez-vous que l'université de La Rochelle ait fonctionné jusque là comme celles de Jussieu ou d'Assas ? Bien loin d'avoir pénalisé les petites universités, la réforme de 2007 a favorisé celles qui ont fait résolument le choix de l'autonomie : alors que beaucoup de Rochellois partaient jusque là faire leurs études à Poitiers ou à Paris, l'université de La Rochelle, parce qu'elle paraît particulièrement dynamique et pionnière, attire aujourd'hui davantage d'étudiants.

Nous avons augmenté d'environ 13 % le volume des bourses depuis quatre ans, et relevé le plafond de ressources jusqu'à 2,7 fois le Smic pour un foyer, au lieu de 2 fois. Par suite, le nombre de boursiers a augmenté de 100 000, soit 20 %. En contrepartie, a été institué un contrôle d'assiduité : les étudiants qui ne se présentent pas aux examens du premier semestre perdent leur bourse. Cela a fait chuter de 50 000 le nombre de boursiers : certains ne s'inscrivaient sans doute que pour recevoir de l'argent.

L'objectif n'est pas d'accroître le nombre d'inscriptions, mais de faire en sorte que les bacheliers soient orientés vers les formations qui leur conviennent : c'est le principe de l'orientation active. Ceux de la filière professionnelle, par exemple, n'ont pas intérêt à s'inscrire en filière générale à l'université, à moins d'être excellents et très motivés, car ils n'ont que 5 % de chances d'y réussir, au lieu de 50 % en BTS - mais même là, ils doivent être accompagnés. Les IUT sont le débouché naturel des bacheliers technologiques : j'ai d'ailleurs accordé des crédits spécifiques aux instituts pour qu'ils les accueillent. Il faut aussi réformer le diplôme de licence, pour le rendre plus attractif et faire en sorte qu'il prépare à l'insertion professionnelle à bac + 3. La distinction entre formation académique et professionnelle est dépassée : chaque diplôme doit sanctionner la transmission de savoirs et de compétences. Depuis deux ans qu'a été mis en place le portail national de préinscription, 16 % de bacheliers de plus formulent pour premier choix de s'inscrire à l'université : c'est la preuve que le plan « Réussir en licence » est un succès, et que le bouche à oreille est positif. Je dois rencontrer demain les syndicats sur le projet de nouvelle licence.

Encore une fois, les réformes récentes renforcent la coopération entre universités plutôt qu'elles ne les rendent concurrentes. Les universités spécialisées en sciences humaines et sociales, traditionnellement sous-dotées, se trouvent ainsi réunies au sein des PRES avec celles de « sciences dures », mieux loties. De même, les facultés de droit et de santé, qui ont fait face récemment à un afflux considérable d'étudiants, sont heureuses de pouvoir coopérer avec d'autres. Les grandes écoles travaillent aussi avec les universités. Tout le monde est gagnant, car les moyens augmentent, et chaque initiative trouve son financement.

Sur le taux d'échec des étudiants les moins favorisés, le récent rapport de M. Christian Demuynck a produit des chiffres rassurants. Certes, 50 % des étudiants échouent en première année, mais seuls 20 % quittent l'enseignement supérieur sans aucun diplôme : c'est le taux le plus bas de l'OCDE ! J'y vois la preuve que la France se mobilise pour faire réussir ses jeunes, et qu'il existe des filières de rattrapage, même si des efforts restent à faire sur l'orientation et l'accompagnement en première année.

Les bons élèves s'orientent vers les classes préparatoires aux grandes écoles, dites-vous ? Il faut donc que les universités créent des diplômes qui les attirent. Ce sera l'un des objets de la nouvelle licence. Le double diplôme d'histoire et de sciences économiques de l'université Paris-I fait concurrence aux classes préparatoires ; de même, le parcours « droit, économie, gestion » de l'université de Toulouse a pour objectif de concurrencer HEC.

Vous m'avez aussi interrogée sur la répartition territoriale des projets. Vous m'accorderez que je ne pouvais pas financer des universités qui n'existaient pas... Égletons en Corrèze est sans doute un pôle très important du bâtiment - travaux publics (BTP), et l'on y a créé un laboratoire et un master professionnel. Mais Égletons n'est pas Saclay : il faut compter avec l'héritage de l'histoire. Toutefois, nous nous attachons à mettre en réseau les forces universitaires de ce pays. Le très beau projet élaboré par Dijon et Besançon au titre des initiatives d'excellence n'a pas pu être retenu, faute de masse critique, mais il doit pouvoir être financé grâce aux investissements d'avenir. Hormis cela, on compte en Bourgogne deux laboratoires d'excellence, deux infrastructures nationales dans les domaines de la biologie et de la santé - infrastructures de biobanque, de recherche clinique et d'imagerie préclinique - et une plateforme d'innovation « forêt, bois, fibres, biomasse du futur ». Toutes ces structures travaillent en réseau national, et le pôle dijonnais est particulièrement dynamique.

Pour répondre à M. Bécot, 2 % seulement du CIR bénéficie aux banques et assurances. Une erreur dans le rapport de la mission d'information de l'Assemblée nationale a fait croire que cette proportion s'élevait à 29 %, parce que l'on avait classé toutes les holdings dans le secteur financier, ce qui revenait à considérer Renault et Thales comme des entreprises financières.

Quant à la première année d'études de santé, monsieur Léonard, la réforme vient seulement d'être introduite. Rassembler toutes les études de santé au sein d'une première année commune me paraît une très bonne idée : cela permettra notamment de créer de solides diplômes de premier cycle « santé et sciences, « santé et droit » ou « santé et gestion ».

M. Daniel Raoul. - On en revient au PCB...

Mme Valérie Pécresse, ministre. - De quoi s'agit-il ?

M. Daniel Raoul. - De l'ancienne formation en physique, chimie et biologie. Mais vous êtes trop jeune pour la connaître...

Mme Valérie Pécresse, ministre. - Il est vrai que certaines facultés de médecine ont eu du mal à gérer l'afflux des étudiants en pharmacie. J'ai envoyé un questionnaire à toutes les universités concernées pour savoir concrètement quels problèmes elles avaient rencontrés, et nous réorganiserons les choses pour qu'il n'y ait plus de groupes surdimensionnés et que les heures d'enseignement nécessaires soient assurées. La réforme prévoyait aussi que les universités pourraient réorienter à la fin du premier semestre les étudiants ayant eu des notes inférieures à un certain seuil, mais pour cela il faut créer des passerelles. Je souhaite en outre que tous les concours paramédicaux soient ouverts aux étudiants en fin de première année, pour leur offrir davantage de débouchés, y compris les concours d'entrée aux écoles d'infirmières ; mais cela relève de la décision autonome de chaque université. Sans doute les formations sanitaires devraient-elles être mieux intégrées aux universités, mais elles ont été décentralisées, et je ne veux pas passer pour excessivement jacobine...

M. Jacques Legendre, président. - Madame la ministre, nous vous envions d'appartenir à une génération qui ignore ce qu'est le PCB ! Nous apprécions votre volonté de changer les choses à l'université, et saluons vos succès. Nous veillons naturellement à ce que les sommes importantes allouées aux projets d'excellence soient utilisées à bon escient, et c'est pourquoi nos deux commissions ont voulu vous entendre conjointement. Chacun ici en est convaincu : ce n'est qu'en développant sa recherche que notre pays pourra faire face à un monde en mutation.

Mercredi 22 juin 2011

- Présidence de M. Jacques Legendre, président -

Développement des langues et cultures régionales - Examen du rapport

La commission examine le rapport de Mme Colette Mélot sur la proposition de loi n° 251 rect. (2010-2011) relative au développement des langues et cultures régionales.

Mme Colette Mélot, rapporteur. - La proposition de loi rectifiée présentée par M. Navarro sur le développement des langues et cultures régionales est de vaste portée. Elle touche aussi bien à l'éducation, aux médias et au spectacle vivant qu'à la place des langues régionales dans la vie publique, la vie économique et sociale, l'onomastique et la toponymie. Nombre de ses dispositions sont communes avec celles de la proposition de loi de M. Alduy, dont on connaît l'attachement à la langue catalane. J'ai mené de nombreuses auditions : ministères de l'éducation nationale et de la culture, Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA), France Télévisions, association des régions de France (ARF), Unesco, ainsi que des linguistes et des associations. Le temps des « guerres linguistiques » est révolu ; l'inscription des langues régionales dans la Constitution l'a bien marqué. Il faut conserver un statut prééminent au français, qui est notre langue nationale commune, la langue de la vie publique et de la République, un des piliers de l'unification de notre pays. Les langues à vocation régionale n'en constituent pas moins une richesse culturelle.

Le terme générique de « langues régionales » masque une très grande variété : il y a peu en commun entre le basque, le breton, l'occitan et ses variétés, l'alsacien, le catalan, le corse, le flamand occidental, les créoles, le tahitien, les langues kanaks et amérindiennes.

M. Jacques Legendre, président. - Et le picard !

Mme Colette Mélot, rapporteur. - Impossible de les citer toutes ! Elles diffèrent par le nombre des locuteurs, par le mode de transmission, familial ou scolaire, par leurs aires d'usage, leur vitalité et les politiques de soutien menées localement. Au regard de cette hétérogénéité fondamentale, le législateur ne saurait tracer un cadre uniforme commun, par nature mal ajusté aux spécificités de chaque cas. Aux normes nationales figées, préférons les initiatives locales. J'ai pu constater la vitalité des associations de promotion des langues régionales et des délégations régionales constituées à cet effet, en Aquitaine et en Midi-Pyrénées notamment. Le cadre légal et réglementaire actuel ne freine pas les projets ! Une circulaire cependant lèverait utilement certaines ambiguïtés d'interprétation : le ministère de la culture y travaille. La responsabilité des collectivités territoriales dans la préservation des langues régionales est éminente. N'attendons pas tout de l'État, alors que les intérêts sont essentiellement locaux. L'État garde, bien sûr, sa part de responsabilité. Il s'en acquitte de façon très satisfaisante, notamment au travers de l'Éducation nationale et de l'audiovisuel public, sans qu'il soit justifié de lui imposer de nouvelles obligations. Ce sont, toutes formes d'enseignement confondues, quelque 193 500 élèves qui suivent un enseignement de langue régionale, dont 125 000 dans le premier degré. Les demandes des parents paraissent globalement satisfaites par l'offre actuelle.

Pour atteindre ces résultats, l'éducation nationale a mobilisé des ressources importantes pour le recrutement d'enseignants. Par exemple, 133 postes dits bivalents de professeurs des écoles ont été proposés par les académies en 2010. Depuis 2002, 1 339 postes ont été offerts. Mais il y a à peine deux candidats et demi pour un poste : ces concours ne semblent pas attrayants.

L'effort de l'État pour affirmer la présence des langues régionales dans les médias n'est pas moins important. La loi du 30 septembre 1986 donne mission à l'audiovisuel public d'assurer la promotion de la langue française et des langues régionales et de mettre en valeur la diversité du patrimoine culturel et linguistique de la France. La mission de production et de diffusion en langues régionales a été réaffirmée dans la loi du 5 mars 2009 réformant le service public de la télévision. Les contrats d'objectifs et de moyens de France Télévisions et de Radio France la transcrivent fidèlement. Une part non négligeable des temps d'antenne est aujourd'hui réservée à l'expression en langues régionales et à la découverte des cultures régionales. En 2010, France 3 a ainsi diffusé en métropole environ 300 heures d'émissions en alsacien, en basque, en breton, en catalan, en corse, en occitan et en provençal. La chaîne Via Stella, en Corse, a diffusé 900 heures supplémentaires de programmes en langue corse. Les « Télé-Pays » outre-mer font également beaucoup pour les créoles. En outre, pour France Télévisions comme pour Radio France, les journaux d'information et les émissions de la diffusion classique sont reprises dans l'offre en différé et à la demande. Et Internet constitue plus encore un excellent instrument de diffusion des langues.

Le législateur doit-il encore intervenir ? On peut en douter. En outre, la proposition de loi n'a pas une base juridique satisfaisante. La quasi-intégralité des titres Ier, II, III et IV, qui induisent pour l'État, les collectivités et l'audiovisuel public des coûts supplémentaires, pourrait être déclarée irrecevable au nom de l'article 40 de la Constitution. Les articles 57 et 58 de la proposition de loi proposent un gage sur les accises et les dotations budgétaires. Mais l'article 40 autorise seulement la compensation des pertes de recettes, non d'une aggravation de charge publique.

La conjonction de certaines dispositions pourrait conduire à la reconnaissance d'un droit collectif opposable à l'État par des groupes minoritaires, défini sur une base linguistique. Cela est contraire au principe d'unicité du peuple français et d'indivisibilité de la République. Je pense au statut protégé, aux obligations de formation, à l'attribution automatique de fréquences de radio et des autorisations nécessaires aux télévisions régionales, à la signalétique bilingue dans les services publics, à la présomption d'absence de discrimination dans l'organisation de toute activité éducative, sociale ou professionnelle en langue régionale.

La libre utilisation des langues régionales fait partie de la liberté d'expression et de communication, garantie par la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen. Mais elle doit être conciliée avec la primauté accordée au français par l'article 2 de la Constitution. Certaines dispositions compromettent cet équilibre. Outre les risques d'inconstitutionnalité qu'encourt le texte, il convient aussi de remarquer que le droit existant est riche de possibilités inexploitées et que plusieurs articles sont satisfaits par le droit en vigueur. Les auteurs, par des énumérations limitatives, affaiblissent même la portée générale de dispositions existantes. Les recours se multiplieront.

Certaines dispositions sont d'ordre purement réglementaire : c'est le cas de l'article 18 relatif au recrutement des enseignants, car l'organisation des concours, le détail des formations, relèvent d'un décret. Enfin, les mesures auraient un coût très élevé. Tous nos interlocuteurs lors des auditions, l'Éducation nationale, le ministère de la culture, France Télévisions ou l'ARF se sont montrés préoccupés par l'impact financier éventuel. Les efforts demandés sont excessifs, d'autant plus qu'ils visent plus à faire émerger une demande au sein de la population qu'à répondre à des besoins identifiés - eux largement satisfaits. Malgré mon attachement sincère à la préservation des langues régionales, je ne peux qu'émettre un avis défavorable à l'adoption de la présente proposition de loi.

M. Claude Bérit-Débat. - La proposition de loi va passer par pertes et profits, je le pressens. Mme la rapporteur dresse un tableau idyllique de la situation des langues régionales. Formation, information, tout va bien ; et tout ce qui est proposé peut se faire dans le cadre juridique actuel. Cette réponse est caricaturale ! En Dordogne, on a supprimé des places au Capes et des postes dans les établissements secondaires et primaires. C'est une régression. Ne dites pas que l'Éducation nationale fait des efforts pour appliquer les mesures décidées dans le passé.

Nous sommes tous des ardents défenseurs de nos langues régionales, de l'alsacien à l'occitan - lequel est un vaste ensemble comprenant le béarnais, le languedocien... Mais elles sont en train de mourir ! Quid de la biodiversité ? On protège les paysages, le biotope, les espèces, mais on laisse les langues dépérir, ainsi que les cultures. Je regrette que l'on ne puisse pas en discuter.

M. Jacques Legendre, président. - Mais on en discutera !

M. Claude Bérit-Débat. - Mais n'y aura-t-il pas une motion de procédure ?

M. Jacques Legendre, président. - Notre objectif n'est pas d'empêcher la discussion dans l'hémicycle. Simplement, comme il s'agit d'une proposition de loi émanant d'un groupe, la commission ne va pas établir de texte et c'est la rédaction des auteurs qui sera examinée en séance publique. Vous savez que j'ai désormais le pouvoir, en tant que président de commission, d'opposer l'article 40. Je ne l'ai pas fait afin que l'ensemble de la proposition vienne en discussion. Et celle-ci pourra être modifiée par des amendements en séance, même si aucun amendement n'a été déposé devant la commission dans les délais.

Je souligne qu'il s'agit d'un gros texte de 58 articles. Or le groupe socialiste en a inscrit un autre également, et les deux sont à examiner en quatre heures... Soit dit en passant, je fus rapporteur en 1994 de la loi sur la langue française et elle comptait moins d'articles. Ce sera en tout cas l'occasion de faire le point sur les langues régionales et sur ce que nous pouvons faire pour qu'elles vivent mieux.

M. Claude Bérit-Débat. - Nous sommes effectivement contraints par le temps, pour toutes les propositions de loi. Je prends acte de vos propos, Monsieur le président, mais la majorité ne présentera-t-elle pas une exception d'irrecevabilité ou une motion de renvoi en commission ? Parler des réalités, fixer des priorités, c'est très bien. Mais il faut que la discussion ait lieu, et non seulement la discussion générale.

M. Jacques Legendre, président. - Votre groupe a choisi de déposer deux textes importants pour une séance de quatre heures... Je vois mal comment la discussion sur les articles pourrait être menée à son terme. Mais, si je ne puis ici engager mon groupe, encore moins la majorité sénatoriale, à titre personnel je souhaite que le débat prospère car il est légitime. C'est un sujet qui traverse tous les groupes et, à l'UMP comme chez les socialistes, certains ont signé une proposition tandis que d'autres s'y opposaient.

Mme Colette Mélot, rapporteur. - Ce débat passionne le Parlement : le nombre de propositions de loi, de questions écrites, de questions orales, émanant de tous les groupes politiques, l'atteste. Si une motion était déposée, elle interviendrait après la discussion générale, de toute façon. Nous avons tous à coeur de préserver l'unicité de la langue française mais aussi l'existence des langues régionales.

Mme Maryvonne Blondin. - Je souscris aux propos de M. Bérit-Débat et remercie le président Legendre de veiller à ce que le texte vienne au moins jusqu'en discussion générale.

M. Jacques Legendre, président. - Et au-delà !

Mme Maryvonne Blondin. - J'espère que l'on ne brandira pas le drapeau de l'inconstitutionnalité contre les langues régionales, qui sont une richesse et non une menace pour la République et la nation. Paris, les gouvernements et la nation protègent les vins, les cuisines régionales, le patrimoine architectural ou naturel, mais ce patrimoine immatériel que sont les langues régionales survit à peine ! Depuis la loi Deixonne de 1951 les nombreuses propositions présentées depuis lors ont été systématiquement retoquées. Après la guerre, dans les années soixante-dix, dans les années quatre-vingt, il y a eu des sursauts, un renouveau de la musique, de la danse, de la culture régionales et un élan militant pour faire reconnaître la langue et les noms originels des lieux. L'article 75-1 de la Constitution a été introduit en 2002, mais il ne sert à rien, il est purement décoratif, car aucune loi n'organise son application concrète. Nous avons pourtant besoin d'un statut des langues de France. Cela donnerait un sens à la signature de la France aux documents de l'Unesco et du Conseil de l'Europe sur tout ce qui concerne les langues régionales et minoritaires.

Mme Mélot l'a dit, les collectivités se sont saisies de la question. En Bretagne, nous avons 112 000 brittophones, terme que je préfère à celui de « bretonnants ». Ils sont plus nombreux dans le Finistère qu'ailleurs. Nous avons 6 000 jeunes dans l'enseignement bilingue, dans le public et le privé, hors réseau associatif Diwan. Il existe aujourd'hui 75 000 locuteurs de 60 ans et plus : la langue est un outil d'utilité sociale, car les personnes qui souffrent d'Alzheimer retournent souvent à leur langue maternelle et ne parviennent plus à communiquer dans une autre langue. Au sein du conseil général, nous avons même créé des formations pour le personnel des établissements concernés.

La transmission familiale a fait défaut, quand la contrainte de l'État français n'a pas joué un rôle essentiel. Mes parents n'ont jamais voulu me parler en breton, par conséquent je ne le parle pas - mais je le comprends ! Les livres de Claude Hagège -L'enfant aux deux langues- et de Mona Ozouf montrent l'importance du bilinguisme pour parvenir au multilinguisme. Bref, la reconnaissance des langues régionales s'impose. Les élèves qui suivent un enseignement bilingue ont d'excellents résultats en français !

Nous avons eu à Quimper la visite de journalistes de CNN et d'Al Jazira, qui venaient étudier le problème de l'extinction des langues régionales ! Le reportage réalisé en décembre dernier était excellent. Aujourd'hui, les parlementaires ont le choix : accompagner la disparition de cette richesse en se limitant à des soins palliatifs ou accorder une réelle reconnaissance aux langues.

M. Jacques Legendre, président. - Un vieillard qui meurt, c'est une bibliothèque qui brûle, dit un proverbe africain.

Mme Marie-Christine Blandin. - La reconnaissance est inscrite dans la Constitution mais elle n'est pas d'application directe comme le principe de précaution. Or il n'y a pas de lois d'application ! Et localement, tout dépend du zèle du recteur : c'est ainsi que le flamand occidental et le picard souffrent d'un manque d'ouverture au sein des services de l'État. Sans formation des formateurs, la transmission n'est plus possible. N'importe qui ne peut enseigner n'importe quoi, évitons l'amateurisme. La proposition de M. Navarro fixe des obligations, des moyens, des outils, c'est pourquoi elle est si riche.

M. Jacques Legendre, président. - Et si coûteuse.

Mme Marie-Christine Blandin. - On peut aussi contester la façon dont elle tricote les choses. Mais on aurait pu attendre de la commission qu'elle profite de l'occasion pour donner chair à l'article 75-1. J'ai vu personnellement une proposition de loi sur les oeuvre visuelles orphelines, présentée par l'opposition, être certes érodée par la majorité, mais au moins inscrite dans le réel et en partie adoptée. Ici, on contemple le sujet comme un chef d'oeuvre en péril, on admire, on s'exclame, mais on ne fait rien de constructif. Les langues régionales sont des fenêtres sur le monde, l'acquisition de leur grammaire et de phonèmes différents forment un background précieux pour les apprentissages linguistiques ultérieurs.

M. Jacques Legendre, président. - Vous démontrez que la menace pour le français ne vient pas des langues régionales mais de l'anglo-américain !

Mme Marie-Thérèse Bruguière. - Nous sommes attachés à ces langues qui forment un véritable patchwork et expriment nos racines les plus profondes. Si l'on rompt ce cordage, le bateau sera bientôt en perdition sur l'océan... Je soutiens la proposition et cosignerai l'amendement de M. Alduy. Chacun connaît ma position.

M. Jacques Legendre, président. - Peut-être y a-t-il un terme en occitan pour patchwork ?

M. René-Pierre Signé. - On ne saurait prétendre qu'il n'y a pas eu de nombreuses tentatives pour éradiquer les patois, depuis l'abbé Grégoire en 1794 : ce dernier ne s'est pas privé de dire qu'il fallait anéantir les patois au nom de l'universalité de la langue française, de l'unilinguisme au sein de la nation. Et ceux qui parlaient « ces jargons lourds et grossiers qui défendent des idées superstitieuses » étaient culpabilisés, accusés de résister au progrès social. Les dialectes vulgaires, disait-on encore, ne se prêtent pas à traduction : on voit pourtant en Suisse que le multilinguisme fonctionne !

En France, la reconnaissance des langues régionales a été tardive et leur renaissance est intervenue au moment où, moribondes, elles ne menaçaient plus l'unité nationale - si elles ne l'avaient jamais fait... Une reconnaissance réelle, qui ne soit pas soumise à l'arbitraire d'un recteur, est indispensable. Il ne s'agit pas de remettre en cause la place prépondérante du français, mais de donner un peu d'oxygène aux langues locales, un peu de dignité aussi, après deux siècles d'arrogance francophone.

Ni Balzac ni Montesquieu n'ont écrit dans la langue de leur région d'origine mais j'apprécie aussi la lecture de Bernard de Ventadour. On peut admirer le français sans dénigrer les cultures de moindre rayonnement. Mais que l'on n'agite pas le spectre du babélisme, comme le font volontiers les opposants aux langues régionales ! Je souhaite que ce texte de loi instaure un respect plus réel et un cadre culturel et juridique adapté.

M. Jean-Pierre Plancade. - Le sens de la proposition de loi m'intéresse plus que sa conformité à la Constitution. Je peux vous le dire en occitan, sinon en béarnais : podi parla en patois ...

M. Jean-François Humbert. - Ce qui veut dire ?

M. Jean-Pierre Plancade. - Cela illustre la première difficulté que je veux soulever !

Ma grand-mère ne parlait que l'occitan. Mon grand-père, après sept ans d'armée, connaissait le français. Mes parents interdisaient à mes grands-parents de « parler en patois au petit ». En CE2, je fus mis au piquet parce que je savais parfaitement nommer les objets dessinés au tableau noir, mais seulement en occitan. Et aujourd'hui, il faudrait que je réapprenne l'occitan ! A Toulouse, dans une ville qui accueille chaque année de nouveaux habitants venus de Bretagne et de partout ailleurs en France, de Grande-Bretagne et de partout ailleurs en Europe, vais-je devoir parler en occitan ?

Il y a trente ans, jeune conseiller général, j'ai défendu le projet d'enseignement de la langue occitane et je suis attaché à ce patrimoine immatériel ; mais je suis hostile au patriotisme de terroir, qui est une régression. J'ai voulu que mes enfants apprennent l'anglais ; aujourd'hui, je veux que ma petite-fille parle le chinois, qu'elle soit mondialisée et non occitane ! Je suis un homme inscrit dans le monde avec ma culture occitane mais je refuse cette loi du retour à la terre, ce texte de régression. Mme Bruguière parlait de bateau ivre sur l'océan : peut-être à notre époque a-t-on l'impression de perdre nos repères, mais ce n'est pas en apprenant l'occitan ou le breton que nous les retrouverons. La meilleure façon de communiquer, c'est encore de parler la même langue, c'est pourquoi je prends des cours d'anglais ! La proposition de loi est un texte de régression, mais je soutiens l'enseignement des langues régionales.

M. Jean-François Humbert. - Dans la Constitution, il est écrit que la République est une et indivisible. La proposition de nos collègues est contraire à cette idée. Je dis oui à la discussion du texte, non à son adoption.

J'appartiens à une génération où existait encore le service militaire. J'ai fait mes classes à la base de Dijon, où ma promotion comptait un « redoublant » : c'est parce qu'il parlait seulement le breton à son arrivée. Nous avons une langue magnifique, quel dommage de lui porter atteinte ! Soit dit en passant, j'aurais pu vous dire tout cela... en franc-comtois ! Je remercie notre rapporteur de se prononcer contre ce texte dangereux.

M. Ivan Renar. - Ce débat intéressant en appelle d'autres. Je ne pourrai me satisfaire d'à peine deux heures de discussion. Je partage les propos tenus par Mme Blandin, M. Bérit-Débat, M. Signé, mais le débat est faussé si l'on évoque exclusivement les langues et non les cultures. Il est compliqué, aussi, car il faut revenir à l'histoire, aux contraintes imposées par la République, avec virulence voire violence. Celle qui est en danger, c'est la langue française, menacée par l'anglais, bientôt langue régionale au niveau mondial. Il faut également vivifier l'enseignement du français, facteur d'intégration des nouveaux arrivants.

Voyons la complexe histoire de France comme une richesse : les pays de langue d'oc, qui se développèrent plus rapidement que les pays de langue d'oïl autour du marché du sel -véritable or méditerranéen- et des villes qui, telle Toulouse, préfiguraient déjà, avec l'amour courtois, la Renaissance. Plutôt que d'une loi qui divise, travaillons à une loi qui rassemble les Français autour de leurs cultures régionales, dont les langues régionales font partie. Mais attention à l'enseignement par immersion qui serait source de difficultés : comment un Brestois qui aurait appris la physique en breton pourrait-il travailler à Strasbourg ?

Le français est cette superbe langue des Lumières qui a fait la France, avec ses qualités et ses défauts ; celle qui a rassemblé les Français contre l'occupant nazi au nom de la liberté. Je souhaite un débat plus vaste !

M. Claude Léonard. - L'essentiel, a bien dit M. Renar, est d'abord de consolider le socle commun de la langue française. Certes, on peut regretter l'époque où les instituteurs interdisaient de parler le patois, et aussi apprenaient aux gauchers, à coups de règle sur les doigts, à écrire de la main droite. Depuis, la science nous a appris que le cerveau compte deux hémisphères polyvalents. Les gauchers sont aussi performants que les autres : nous en avons la démonstration tous les étés à Roland-Garros.

Je viens d'un département proche de la Wallonie et donc d'un pays, francophone à sa naissance il y a 250 ans et où règne un bilinguisme officiel. Les Wallons, désormais moins nombreux, sont obligés d'apprendre le néerlandais. Mais les Flamands ne prennent pas la peine de leur répondre ! Ce bilinguisme entraîne subrepticement la Belgique vers la catastrophe politique et économique : ils n'ont plus de gouvernement pour veiller à l'équilibre budgétaire.

M. Jean-Claude Carle. - Moi qui suis savoyard et, donc, Français depuis 150 ans seulement, je suis comme les autres aussi attaché à notre histoire, à nos racines et aux langues régionales. Pour autant, je considère, comme M. Plancade, que le développement et la transmission de ces dernières doivent s'appuyer sur le volontariat et les associations. Et, ce, parce que nos programmes scolaires sont déjà trop chargés ; qu'un tiers des élèves en sixième ne maîtrisent pas la langue française et que la priorité, aujourd'hui, est d'enseigner des langues étrangères ; enfin parce que, d'après les enquêtes, l'apprentissage des langues régionales, y compris en option, n'améliore pas les résultats scolaires.

Pour finir, le 6 juillet, le comité olympique choisira la ville qui accueillera les Jeux olympiques d'hiver de 2018. Pensez-vous qu'une présentation en patois savoyard renforcera les chances d'Annecy ?

Mme Bernadette Bourzai. - Connaissant mal l'occitan, il me faudrait feuilleter le dictionnaire occitan de Lavalade pour savoir comment on dit patchwork.

M. Jean-Pierre Plancade. - Peut-être mesclat ou barreja !

Mme Bernadette Bourzai. - Plutôt que d'opposer le Français aux langues régionales, trouvons une autre voie. L'intérêt de ce texte est d'ouvrir le débat. Pour avoir vécu quelques années à Bruxelles où l'on parle un sabir européen à base d'anglais mâtiné d'allemand et de français, je crains que le français ne devienne bientôt une langue régionale, résiduelle. Montrons donc un peu plus de compassion à l'endroit des langues qui connaissent déjà ce sort !

Au reste, je suis confiante. Le 15 juin, à Quimper, Frédéric Mitterrand, ministre de la culture, déclarait avoir constaté, au cours de ses déplacements en métropole et en outre-mer, l'existence d'un « réservoir extraordinaire de langues » en France. « Il n'y a pas un combat pour la langue et une combat pour les langues. », ajoutait-il, avant de s'engager à présenter un texte à l'Assemblée nationale dans quelques semaines. Espérons que nous aurons plus de temps pour débattre de ce texte gouvernemental que nous n'en aurons pour cette proposition de loi !

M. Jacques Legendre, président. - Je propose que la commission n'établisse pas de texte. Mais nous pourrons avoir un débat intéressant en séance sur les langues régionales.

L'époque n'est plus où une langue s'opposait à une autre : le français n'est pas menacé par les langues régionales, il n'a pas vocation à les absorber. Ce serait appauvrir notre patrimoine commun.

En revanche, gardons à l'esprit que toute identification d'une langue à une communauté fragiliserait l'unité nationale. Cette conception dangereuse, qui va souvent de pair avec une vision de la nationalité fondée sur le droit du sang, existe en Europe. Je l'ai rencontrée quand j'ai siégé au Conseil de l'Europe. Ne nous y trompons pas ! Si aucun des membres de notre commission ne la partage, ayons-la à l'esprit lorsque nous discuterons de la meilleure manière de protéger notre patrimoine, qu'il soit matériel ou immatériel.

Notre prochaine réunion sera consacrée à l'examen des amendements extérieurs.

Le rapport est adopté.

Communications diverses

En application de l'article 73 quinquies du Règlement du Sénat, la commission décide de se saisir du texte n° E 6301 soumis en application de l'article 88-4 de la Constitution.