Mercredi 16 février 2011

- Présidence de M. Jacques Legendre, président -

Audition de M. Patrick André, directeur général des Messageries lyonnaises de presse

M. Jacques Legendre, président. - Mes chers collègues, nous avons le plaisir d'accueillir aujourd'hui M. Patrick André, directeur général des Messageries lyonnaises de presse. Votre audition, M. le directeur général, sera l'occasion de présenter à notre commission les missions, la philosophie et le fonctionnement de votre coopérative de presse.

Il sera également utile que vous nous apportiez des éclairages sur l'état du marché de la distribution de la presse en France, les rapports de force entre les principales messageries de presse et la situation des agents de la vente, aussi bien les dépositaires que les diffuseurs. Enfin, nous serons amenés à vous interroger sur les éléments de réforme qui vous semblent pertinents en ce qui concerne la régulation et la gouvernance du système de distribution de la presse, en particulier au travers d'un Conseil supérieur des messageries de presse rénové. M. le directeur général, je vous donne immédiatement la parole.

M. Patrick André, directeur général des Messageries lyonnaises de presse. - Nous sommes une société coopérative de messageries de presse unique et directe, très ancienne et qui a acquis son indépendance totale par rapport aux ex-Nouvelles messageries de la presse parisienne depuis la fin des années 1990. Nous ne bénéficions d'aucune aide des pouvoirs publics depuis notre création. Le jeu de la concurrence nous a conduits à faire baisser de dix points le coût de notre intervention par rapport à la valeur faciale des titres que nous distribuons.

Les Messageries lyonnaises de presse (MLP) sont pilotées par un conseil d'administration composé de douze administrateurs. En tant que directeur général, je rapporte directement devant ce conseil d'administration dont les membres sont élus par une assemblée générale des éditeurs qui se sont constitués en coopérative.

Je souhaiterais revenir, si vous le permettez, sur deux enjeux fondamentaux pour l'avenir de la distribution de la presse en France.

Tout d'abord, les États généraux de la presse écrite ont permis de faire avancer la réflexion sur le devenir de la distribution de la presse et sur les structurations qu'il convient d'envisager dans ce secteur. En matière de vente au numéro, le constat principal est celui d'une baisse régulière du volume des ventes des titres de presse. La baisse observée en 2009, comprise entre - 6 % et - 8 %, est du reste supérieure à celle qui avait été relevée avant l'ouverture des États généraux à l'automne 2008. La problématique de la situation des diffuseurs de presse, c'est-à-dire des agents de la vente du niveau 3, a fait l'objet d'analyses approfondies.

Cette baisse du volume des ventes s'explique par deux facteurs principaux. En premier lieu, il convient de rappeler que le temps moyen consacré par le lecteur à la presse écrite a considérablement diminué en raison de la multiplication de ses sollicitations par les médias audiovisuels et par d'autres supports de loisir. Cette diversification des supports de loisir a conduit, chez le lecteur, à des choix de plus en plus tendus tant du point de vue économique que du point de vue de l'organisation de son temps de loisir.

Un second facteur est à rechercher dans le coût de la distribution. Ce n'est pas tant le coût global de la distribution que le coût d'intervention cumulé du niveau 1 des messageries et du niveau 2 des dépositaires qui est en cause. Ce coût cumulé consomme de façon significative des marges qui auraient pu être dégagées par les éditeurs afin de mettre en oeuvre de nouvelles initiatives d'investissement dans le développement de leurs entreprises de presse ou consentir aux diffuseurs des revenus complémentaires. Ces points n'ont pas été résolus à la suite des États généraux de la presse écrite. Toutefois, notre groupe s'est particulièrement investi dans la réforme du niveau 2 de la distribution. Nos efforts dans ce domaine demeurent isolés, car nous sommes les seuls à avoir effectué des restructurations au sein du réseau des dépositaires. L'objectif poursuivi par ces restructurations consiste à dégager des économies destinées à rééquilibrer la situation des dépôts de presse.

Néanmoins, l'amélioration de l'efficacité du réseau des dépositaires est également subordonnée aux efforts que doit conduire, dans ce domaine, Presstalis, qui demeure de longue date l'opérateur principal de la vente au numéro. Presstalis est également propriétaire des sociétés d'agences et de diffusion (SAD) implantées dans les grandes villes qui représentent 25 % des flux du niveau 2. Or, les SAD coûtent près de 38 % plus cher qu'un dépôt indépendant, ce surcoût étant lié à des facteurs historiques et industriels. Jusqu'ici aucune réforme ne semble être envisagée pour supprimer ces trois points de surcoût.

Le second enjeu majeur concerne la situation des dépôts Soprocom, dont le groupe Presstalis a la maîtrise. Ces 42 dépôts représentent également au moins 25 % du marché national des dépositaires. Nous avons réclamé des avancées du point de vue logistique dans le fonctionnement de ces dépôts en vue d'améliorer les conditions de distribution du niveau 2 et de libérer des moyens en faveur des éditeurs et des diffuseurs. Pour l'heure, les négociations, qui se tiennent pourtant depuis 18 mois, n'ont toujours pas abouti.

Nous regrettons, au sein des MLP, que rien n'ait encore été véritablement fait en matière de complément de rémunération des diffuseurs. Le réseau des diffuseurs de presse représente environ 30 000 points de vente en France, dont 6 000 réalisent près de 60 % du chiffre d'affaires total de la diffusion, et 12 000 en totalisent 80 %. Or, les aides consenties par l'État sont réparties sur l'ensemble des 30 000 points de vente. En ne ciblant pas plus fortement les aides publiques sur les 6 000 points de vente dont le chiffre d'affaires est principalement tiré par la vente de la presse, on ne soutient pas assez les diffuseurs spécialistes. À terme, cette logique pourrait nous faire perdre des lecteurs. En effet, nous avons pu constater que lorsque nous baissions l'offre au sein des points de vente, leur fréquentation diminuait, cette baisse se répercutant sur le panier moyen et donc également sur les ventes des titres leaders. Selon nous, il est primordial de soutenir les diffuseurs spécialistes de la vente de la presse, c'est-à-dire ceux qui proposent une offre très large de titres.

Au sein du réseau des diffuseurs, on compte environ 18 000 points de vente complémentaires ou supplétifs pour lesquels la vente de la presse ne constitue qu'un service complémentaire à leurs activités commerciales principales. Ces points de vente assurent la capillarité de la diffusion des quotidiens et des hebdomadaires. Pour autant, ils ne vivent pas de la presse et pourraient, pour des questions de rentabilité ou de réorientation de leurs activités, s'arrêter à tout moment de vendre de la presse.

Le livre blanc des MLP a élaboré un plan destiné à améliorer la rémunération des diffuseurs spécialistes. Nous estimons qu'il est possible de mobiliser suffisamment de moyens afin de rémunérer à hauteur de 4,5 points de plus les diffuseurs spécialistes.

Si nous ne donnons pas au diffuseur spécialiste les moyens économiques suffisants pour se projeter dans l'avenir, c'est la viabilité de l'ensemble de notre réseau de vente qui est en danger. Nous considérons qu'il revient à la profession de réunir elle-même ces ressources. Dans cette logique, les schémas de subvention des pouvoirs publics devraient être mieux orientés vers la création de richesses et l'investissement. Les moyens importants consentis par les pouvoirs publics doivent naturellement être préservés, mais leur allocation doit être repensée et réorientée vers les éditeurs et les diffuseurs qui en ont prioritairement besoin. Je pense notamment aux quotidiens nationaux qui connaissent des difficultés majeures pour se distribuer, pour des raisons bien connues, souvent de nature historique.

Je voudrais vous donner un exemple très concret. Un diffuseur spécialiste de la vente de la presse est rémunéré sur une base de 15 points bruts et de 13 points nets. Le complément de rémunération en faveur des diffuseurs auquel les éditeurs ont consenti à l'heure actuelle n'est versé que dans la limite de 20 points maximum et avec un décalage de six à neuf mois. Comment peut-on sérieusement demander à des diffuseurs de dialoguer avec leurs organismes bancaires sur leurs projets de développement lorsqu'ils sont obligés d'indiquer que près de 40 % de leur rémunération sera encaissée de façon hypothétique, en fonction des accords décidés par les éditeurs.

J'aimerais également aborder avec vous la problématique du contrat de groupage. Un éditeur peut-il se passer d'une messagerie pour distribuer ses titres s'il le souhaite ? Chez nous, au sein des MLP, nous avons considéré, bien avant les États généraux de la presse écrite, qu'il devrait être loisible à un éditeur de se distribuer partiellement dans le cadre d'une messagerie et d'envisager d'autres modes de distribution pour certains segments de presse sur des zones déterminées. Il s'agit d'un problème contractuel, qui ne relève pas de la loi. C'est aux messageries qu'il revient de l'autoriser dans les contrats conclus avec les éditeurs qui le souhaitent. Nous considérons que la compétition constitue un moteur d'efficacité et d'amélioration de nos performances. En clair, si un éditeur refuse de nous confier la totalité de la distribution de ses titres sur l'ensemble du territoire, c'est qu'il a estimé que nous n'étions pas globalement compétitifs et que d'autres modes de distribution étaient préférables en certaines circonstances. Ce qui nous préoccupe dans la situation actuelle ce sont les freins structurels qui n'ont toujours pas été levés sur ce point et pour lesquels nous avons les plus grandes difficultés à trouver collectivement des solutions. Évidemment, cette problématique est indissociable d'enjeux d'emplois et sociaux majeurs.

Enfin, en ce qui concerne la rénovation du Conseil supérieur des messageries de presse (CSMP), je rappelle que ce sujet a été très largement débattu lors des États généraux et a été approfondi dans le rapport de M. Bruno Lasserre. Pour l'instant, les choses n'ont pas beaucoup évolué. Mais nous avons relevé les efforts significatifs conduits par le CSMP en son sein afin de trouver une autre forme de gouvernance plus efficace. Selon nous, les problèmes fondamentaux doivent être jugés de façon endogène par la profession.

La problématique de l'assortiment se résume pour le diffuseur à la question suivante : comment rendre plus performante et attractive la présentation de mon offre au client ? On se place, sur ce sujet, dans une logique d'augmentation du chiffre d'affaires. Selon nous, le principe de l'assortiment s'est traduit jusqu'ici par une proposition de référencement qui consiste à diminuer le nombre de titres assortis sur un point de vente, et donc à limiter la globalité de l'offre. La règle qui autorise les diffuseurs à retirer de leurs rayons les publications qui constitueraient moins d'un certain pourcentage de leur chiffre d'affaires favorise les titres les plus rentables et est donc préjudiciable à la diversité de l'offre. Rappelons que la vente de la presse est un marché d'offre, qui se distingue des marchés de demande dont l'offre est tendue comme le marché du pétrole. Si un diffuseur spécialiste de la vente de la presse réduit son offre, c'est la fréquentation de son point de vente qui diminuera. C'est du moins notre analyse. En matière d'assortiment, le CSMP a édicté des normes applicables aux acteurs de la distribution qui ont été contestées par nos assemblées générales d'éditeurs. Les MLP sont plutôt favorables à l'organisation envisagée par le rapport de M. Bruno Lasserre. Nous estimons, en effet, qu'il est plus sain que les décisionnaires ne soient pas en même temps juges et parties. L'indépendance de jugement, dans la régulation de la distribution de la presse, doit être garantie.

La baisse de la volumétrie des ventes posera irrémédiablement la question de la richesse de l'offre. Comment ne pas maintenir la richesse de l'offre de titres, alors que le secteur est soumis à la très forte concurrence d'Internet ? La qualité et la fidélité des lecteurs s'acquièrent parce que de nombreux centres d'intérêt sont couverts par l'offre de titres.

Si toute la presse magazine était distribuée selon les critères suivis par les MLP, nous avons évalué à 100 millions d'euros le montant des marges qui pourraient être dégagées dans le secteur de la distribution. Ce chiffre a été jugé provocateur, mais nous demeurons convaincus du réalisme de notre analyse. Sur Paris, nous sommes, avec Presstalis, les deux seules messageries à livrer des titres aux diffuseurs. Les économies générées par les MLP font qu'un éditeur paie entre trois et sept points de moins que pour Presstalis, et nous rémunérons deux points de plus les diffuseurs. Nous avons décidé, en effet, de ne pas facturer certains frais de livraison pour l'ensemble des diffuseurs parisiens.

Il est indispensable de faire sauter un certain nombre de verrous structurels. Dans le cas contraire, on continuera sur des pentes de régression de marché qui vont nuire au caractère pluriel de la presse française.

M. David Assouline. - Je suis très attaché à la multiplication et au maintien des petits points de vente qui assurent la diffusion de la presse quotidienne, notamment locale, dans des régions peu denses en commerces. Lorsque vous dites qu'il faut veiller à ne pas disperser l'aide publique en la concentrant sur quelques 12 000 points de vente, n'est-ce pas au détriment de ces petits relais de la presse quotidienne ? Certes, il faut aider les diffuseurs spécialistes qui font du chiffre d'affaires parce que la vente de la presse est leur coeur de métier. Mais nous demeurons attachés à ce qu'il y ait des petits points de vente qui mettent en vente de la presse papier au plus près des gens, sans quoi plus personne ne fera l'effort d'acheter un titre dans sa version imprimée pour lui préférer sa version numérique, instantanément accessible.

Lorsque vous parlez de la nécessité de lever des verrous structurels, j'ai le sentiment que vous privilégiez les restructurations nécessaires pour dégager des économies substantielles. Au fond, quels sont ces verrous que vous souhaitez voir sauter : s'agit-il prioritairement de verrous syndicaux qui seraient plus difficiles à contourner que des verrous artificiels ?

Nous réfléchissons, à la demande des syndicats d'éditeurs, à une réforme du CSMP. Nous n'avons pas encore entendu la position des MLP sur ce sujet : êtes-vous favorables au fait de transformer le CSMP en une véritable instance professionnelle dotée de la personnalité morale et d'un pouvoir normatif d'autorégulation du secteur ? En contrepartie, seriez-vous favorables à la création d'une Autorité de régulation de la distribution de la presse, distincte du CSMP, qui serait appelée à régler les différends que les normes édictées par le CSMP ne seraient pas parvenues à résoudre ? Nous sommes arrivés à un stade où il est devenu nécessaire de faire bouger la loi sans pour autant en modifier les équilibres fondamentaux. J'ai l'impression qu'il y a consensus, y compris du côté syndical, pour réformer le CSMP dans le sens d'une meilleure gouvernance du système de distribution de la presse en France.

M. Patrick André, directeur général des Messageries lyonnaises de presse. -La proposition qui a été faite à la suite des États généraux de la presse écrite, dans le cadre du rapport de M. Bruno Lasserre, s'inscrit dans la logique d'un CSMP indépendant. Aujourd'hui, nous pensons que c'est sans doute la meilleure solution pour surmonter les empêchements que j'ai évoqués. Sur ce sujet, il reviendra aux éditeurs de décider in fine.

En ce qui concerne le ciblage des aides aux diffuseurs de presse, je suis incapable de distinguer entre un petit et un grand vendeur de presse. Dès lors que leur chiffre d'affaires est principalement tiré par la vente de la presse, ils doivent être considérés comme des diffuseurs spécialistes. Comme je vous l'ai dit, en dehors des 12 000 points de vente spécialistes que nous avons recensés, les autres points de vente ne sont pas des spécialistes de la vente à la presse à proprement parler et leur revenu ne dépend pas de ce segment d'activité.

Alors que les 12 000 diffuseurs spécialistes enregistrent un revenu moyen annuel de 16 000 euros, le revenu presse des autres points de vente non spécialistes oscille entre 100 euros annuels jusqu'à un maximum de 8 à 10 000 euros pour la simple raison que leur position n'est pas d'être d'abord des diffuseurs de presse. Je vous rejoins lorsque vous dites que nous avons besoin de proximité en matière de vente de la presse. En Allemagne, nous avons pu constater que les diffuseurs non spécialistes ne disparaissaient pas s'ils ne disposaient pas d'aides publiques. Nous pensons qu'il est possible de continuer à créer des points de vente complémentaires dans des environnements commerciaux qui ne sont pas réservés à la presse. Les points de vente dits complémentaires ne demandent pas à être payés plus. Le véritable enjeu demeure donc l'avenir du petit kiosquier qui vit à plus de 50 % de son activité presse et qui ne reçoit pas suffisamment d'aide pour en vivre. On doit trouver le moyen de maintenir ces deux types de diffuseurs, spécialistes et complémentaires, en faisant bien la part des choses.

Il existe, bien entendu, des verrous structurels de nature sociale. Une partie des personnels des MLP est aussi représentée par le syndicat du Livre. Cependant, ce qui nous intéresse prioritairement, ce sont les verrous commerciaux et industriels. Lorsqu'un acteur comme Presstalis ne souhaite pas accélérer des réformes structurelles afin de préserver sa position majoritaire, cela constitue un frein pour l'ensemble des acteurs de la distribution. Un verrou technique majeur réside dans le système informatique applicable à la distribution de la presse. Si vous demandez à un diffuseur spécialiste de faire remonter une information à un éditeur à partir de son point de vente, vous n'avez pas l'assurance que Presstalis autorisera cet échange d'information. En effet, si un éditeur souhaite se distribuer par ses propres moyens, il sera obligé de passer par le système informatique « P2000 » centralisé par Presstalis qui seule décide de l'ouvrir ou non. Les éditeurs qui veulent passer outre le niveau 1 sont dans l'obligation structurelle de passer par cet outil informatique qui demeure la propriété de Presstalis.

M. Claude Bérit-Débat. - Vous nous avez présenté une critique de l'organisation de la distribution de la presse par le prisme de vos expériences que vous considérez comme des modèles ou des exemples à suivre. Mais la diminution du nombre des dépôts me conduit à partager l'inquiétude exprimée par notre collègue David Assouline sur la diffusion de proximité. Comment peut-on irriguer des zones vastes et très peu denses, en particulier en milieu rural comme c'est le cas de mon département, la Dordogne, quand les points de distribution de proximité de la presse reculent ?

M. Patrick André, directeur général des Messageries lyonnaises de presse. - Nous sommes intervenus sur des dépôts grossistes régionaux afin de conduire des restructurations. Dans le cas de certains dépôts, nous avions constaté qu'il y avait des charges de siège trop élevées. Pour autant, dans notre cahier des charges, nous avons précisé qu'il était hors de question que la réduction du nombre des dépôts nous conduise à ne pas livrer certains diffuseurs. Le niveau 2 des dépositaires doit continuer d'assurer la capillarité du réseau de distribution.

En ce qui concerne les diffuseurs, j'identifierais deux problématiques. D'une part, nous nous rendons en milieu rural auprès des commerçants de proximité qui ne vendent pas la presse (comme des teinturiers, des boulangers, etc.) pour y placer des publications en vue de développer la vente de proximité. Dans ce cas, nous proposons une offre très limitée et les commerçants ne nous demandent rien d'autre, leur motivation étant de proposer un service supplémentaire à leurs clients habituels afin d'améliorer leurs relations commerciales. D'autre part, nous demandons régulièrement à nos dépôts de créer des points de vente partout où cela est possible. Un des problèmes majeurs des aides à la distribution est qu'aucune partie de ces aides ne revient au dépôt lorsqu'il s'agit de livraison de quotidiens.

Comment renforcer la capillarité du réseau des diffuseurs de presse ? Cette question pose le problème des structures d'accueil : nous avons du mal, en particulier dans les hyper centres-villes, à obtenir l'appui des mairies pour trouver des locaux dans lesquels pourraient s'installer les vendeurs spécialistes de presse.

M. Jean-Pierre Leleux. - Vous avez commenté la baisse régulière du volume des ventes de la presse. Vous avez souligné l'importance de la mutation comportementale des lecteurs. Cependant, vous avez affirmé continuer à croire dans l'avenir de la presse écrite et notamment de la presse papier. Qu'est-ce qui justifie votre optimisme ? Au-delà de vos convictions, disposez-vous d'études objectives sur les évolutions sociologiques des lecteurs de la presse papier ?

M. Patrick André, directeur général des Messageries lyonnaises de presse. - Mon optimisme ne résulte pas d'une conviction abstraite. Nous sommes conscients que l'évolution de l'offre de presse partout dans le monde va dans le sens d'un renforcement d'une approche du lecteur qui considère le magazine d'abord comme un objet de loisir. Lorsqu'un lecteur recherche une information filaire sur Internet, ce n'est pas du tout le même comportement. Le comportement filaire est celui du lecteur professionnel et celui-ci tendra à aller de plus en plus vers le numérique pour rechercher son information. En revanche, d'autres lecteurs cultivent une relation particulière avec le support papier et sont même prêts à payer relativement cher une publication imprimée de qualité. Nous constatons que les titres qui perdent des lecteurs sont principalement ceux dont les lecteurs ont un comportement filaire. Les lecteurs attachés au papier continueront de constituer un marché important pour l'éditeur dans la mesure où ses lecteurs seront des prescripteurs qui confèreront une forte identité à la marque du titre.

Le portage est une solution efficace pour relancer la distribution de la presse mais il est aussi le signe que la vente au numéro ne se réalise pas dans des conditions optimales.

M. René-Pierre Signé. - Il nous faut faire une distinction claire entre la presse locale et la presse nationale. La presse quotidienne nationale analyse essentiellement des sujets politiques, dont les habitants des zones rurales profondes sont peu familiers en raison de l'absence de points de vente. Dans certaines communes, on ne compte plus aucun point de vente de la presse dès lors que les commerces disparaissent. Dans ces communes, les citoyens sont friands de presse locale mais sont privés de jugement politique de dimension nationale, ce qui joue très certainement un rôle dans l'abstention électorale en zone rurale. Les ruraux en sont parfois limités à une forme de presse locale parlée qui n'a pas le sens critique de la presse nationale écrite.

M. Patrick André, directeur général des Messageries lyonnaises de presse. - Je partage ce que vous venez de dire sur le cloisonnement des zones rurales en matière de distribution de la presse. La solution est probablement à trouver dans le développement du portage en ruralité, car le coût du transport dans ces zones est hors de proportion.

M. David Assouline. - Mon interrogation demeure. J'ai bien compris que les diffuseurs spécialistes sont ceux qui proposent une très grande diversité dans leur offre de titres. Je n'ai du reste pas de problème de principe avec le développement de comportements de loisir dans la lecture de la presse. Cependant, je suis attaché à la presse citoyenne dont la distribution doit, à mon sens, être prioritaire. L'existence même de la presse quotidienne nationale est liée à ce que cessent les fermetures de points de vente. Pourquoi dans certains pays étrangers est-il possible de mettre une pièce dans une machine pour obtenir un titre de presse ? Cette logique d'automatisation de la vente mettra sans doute en danger la pérennité de certains points de vente. Toutefois, les expériences montrent que ces distributeurs automatiques de titres de presse sont assez bien accueillis par le public et s'ils sont cassés, c'est essentiellement par vandalisme. Un diffuseur spécialiste demeurera nécessaire quoi qu'il arrive pour permettre au lecteur d'explorer librement toute la diversité de l'offre et de rechercher spontanément un contenu qui l'intéresse. Le vrai sujet est, au final, de savoir comment faire en sorte que tout le monde s'en sorte, aussi bien les éditeurs que les diffuseurs, pour continuer à faire vivre la presse citoyenne d'information.

M. Patrick André, directeur général des Messageries lyonnaises de presse. - Les points de vente qui disparaissent ne sont pas les points de vente de capillarité et complémentaires. Ceux qui disparaissent sont les points de vente spécialistes qui vivent de la vente de la presse. D'où notre inquiétude majeure pour l'avenir des diffuseurs spécialistes.

M. Jacques Legendre, président. - Je vous remercie, Monsieur le directeur général, pour cet exposé très intéressant sur la situation de la distribution de la presse en France. Nous resterons particulièrement attentifs à tous les efforts qui seront mis en oeuvre pour la dynamiser.

Mes chers collègues, nous allons maintenant procéder à l'examen des amendements extérieurs sur la proposition de loi...

Installation de panneaux d'entrée et de sortie d'agglomération en langue régionale - Examen des amendements

La commission examine les amendements sur la proposition de loi n° 136 relative à l'installation de panneaux d'entrée et de sortie d'agglomération en langue régionale dont le rapporteur est Mme Colette Mélot.

Amendement du rapporteur

Mme Colette Mélot, rapporteur. - Afin de répondre aux objections soulevées la semaine dernière, je précise, dans mon amendement de réécriture de l'article unique, que sont visés les « panneaux réglementaires d'entrée et de sortie d'agglomération ». Pour éviter de placer les communes qui ont fait le choix du bilinguisme en Alsace, Bretagne ou encore en Languedoc dans une situation d'insécurité juridique, mieux vaut renvoyer les modalités d'inscription au décret. Fixer un cadre trop contraignant serait source de contentieux, comme à Villeneuve-lès-Maguelone.

M. Claude Bérit-Débat. - Cette loi ne révolutionne rien, a-t-il bien été expliqué la semaine dernière, elle sécurise les pratiques culturelles existantes. La rédaction du rapporteur étant plus précise, un décret est-il nécessaire ? Si sa publication est tardive, et quand bien même nos panneaux sont réglementaires en pays d'Oc, contrairement à certains en Alsace, le risque est de voir se multiplier les actions devant le tribunal administratif.

M. René-Pierre Signé. - Le nom d'une agglomération en langue française serait une traduction ou une adaptation du nom en langue régionale ? Cette affirmation dans l'objet de l'amendement du rapporteur est une interprétation contraire à la réalité historique.

M. Jacques Legendre, président. - Avec l'amendement du rapporteur, la mention de traduction n'apparaît plus dans le texte...

Mme Colette Mélot, rapporteur. - ...pour être remplacée par celle de nom en langue régionale.

M. Claude Domeizel. - Un décret n'apporte rien de plus, sans compter qu'il peut retarder l'application de la loi. Que le nom en langue régionale figure au-dessous du nom en langue française me paraît important. (Marques d'approbation à droite.) Ne serait-il pas judicieux de l'écrire dans la loi pour éviter toute dérive des intégristes des langues régionales ? (M. René-Pierre Signé renchérit.)

Mme Colette Mélot, rapporteur. - Nous renvoyons les modalités d'inscription au décret. Toutefois, l'idée figure dans l'amendement, le nom en langue régionale étant un complément au panneau réglementaire, lequel est forcément en langue française selon la loi de 1994.

M. André Reichardt. - Si le décret était publié avec retard, ce qui était autorisé pourrait être interdit. (Marques d'approbation à gauche.) Inutile d'y faire référence d'autant que les règles applicables à ces panneaux se trouvent dans le code de la sécurité routière. Hormis ce point, la rédaction de l'amendement me paraît bonne : il appartient à chaque commune de déterminer son appellation. En Alsace, le nom en langue régionale préexistait souvent au nom en langue française.

M. Claude Bérit-Débat. - La situation est la même en pays d'Oc !

M. André Reichardt. - En revanche, quid des panneaux de rue ? Leur situation est similaire. N'attendons pas des actions devant le tribunal administratif pour légiférer.

Mme Françoise Férat. - Évitons les procès d'intention. Je n'ose croire que des élus auraient l'idée de placer le nom de leur agglomération en langue régionale avant son nom en langue française.

M. Jacques Legendre, président. - La référence au décret, craignent certains, signifie renvoyer l'application de la loi aux calendes grecques ; peut-être faut-il la supprimer. Quant aux places respectives du nom en langue française et du nom en langue régionale, clarifions notre position en séance publique ; le juge administratif pourra ainsi s'appuyer sur les travaux préparatoires.

Mme Lucienne Malovry. - Pourquoi pas dans l'amendement ?

M. Jacques Legendre, président. - Cela relève du pouvoir réglementaire. On nous reproche en permanence d'écrire des lois bavardes !

M. Claude Domeizel. - La solution proposée est la bonne : pas de décret et des explications dans l'hémicycle pour éclairer la rédaction retenue.

M. Jean-Pierre Leleux. - Effectivement, un décret ne s'impose pas. En revanche, la conformité des panneaux aux normes en vigueur est importante. Pourquoi ne pas prévoir un délai d'adaptation ? Quant aux panneaux de rue, leur réglementation donne davantage de liberté au conseil municipal; leur situation est différente.

Mme Colette Mélot, rapporteur. - Tenons-nous en aux panneaux d'agglomération.

M. René-Pierre Signé. - La langue officielle est le français, a rappelé le président. Il faut donc marquer la différence et utiliser l'italique ou des caractères plus petits pour le nom en langue régionale, la référence au passé.

M. Jacques Legendre, président. - C'est du réglementaire ! Nous préciserons en séance que l'appellation républicaine doit venir en premier.

M. Claude Bérit-Débat. - Cela paraît suffisant !

Mme Colette Mélot, rapporteur. - Je propose de rectifier l'amendement en supprimant « selon des modalités précisées par décret ».

La commission adopte l'amendement rectifié de Mme le rapporteur.

Amendements extérieurs

Mme Colette Mélot, rapporteur. - Les amendements nos 1 et 2 de M. Alduy sont satisfaits par mon amendement.

La commission émet une demande de retrait des amendements nos 1 et 2.

Communications diverses

M. Jacques Legendre, président. - Mme Chantal Jouanno, ministre chargée des sports, m'a demandé de désigner six membres de notre commission pour participer à la grande concertation qu'elle lance sur l'organisation et les enjeux du sport français. J'ai souhaité que soit assurée une représentation de tous les groupes politiques.

Je vous informe que j'ai désigné MM. Pierre Martin, Jean-François Humbert, Alain Dufaut, Jean-Pierre Lozach, Jean-François Voguet et Mme Sylvie Goy-Chavent.

Mission d'information en Argentine - Désignation des membres

Sont désignés membres de la délégation qui se rendra en Argentine du 2 au 10 avril prochains : MM. Jacques Legendre, Serge Lagauche, Mme Catherine Morin-Desailly, MM. Jean-Pierre Plancade, Pierre Martin, Jean-Pierre Chauveau et Mme Françoise Cartron.

Organisme extra-parlementaire - Désignation d'un candidat

La commission propose la candidature de M. Ambroise Dupont à la nomination du Sénat pour siéger comme membre titulaire de la Commission supérieure des sites, perspectives et paysages.

Questions diverses

M. Claude Domeizel. - Un lycéen a récemment tenté de s'immoler par le feu dans les toilettes de son établissement à Marseille ; la violence à l'école est en train de s'installer. J'avais compris que le ministre transmettrait des informations à la commission. Où en est-on ?

M. Jacques Legendre, président. - J'écrirai au ministre pour lui rappeler notre demande et je vous communiquerai les informations que me transmettra le ministère.