Mercredi 29 septembre 2010

- Présidence de M. Jacques Legendre, président -

Audition de M. Pascal Rogard, directeur général de la Société des auteurs et compositeurs dramatiques (SACD)

La commission procède à l'audition de M. Pascal Rogard, directeur général de la Société des auteurs et compositeurs dramatiques (SACD).

M. Pascal Rogard, directeur général de la SACD. - Je tiens tout d'abord à saluer l'annonce du gouvernement, hier, d'une proposition de loi en faveur de la formation professionnelle des auteurs, car la France est le seul pays à ne pas en disposer.

Je constate que l'organisation du secteur du spectacle vivant ne fait pas l'objet de la même sollicitude des pouvoirs publics que le secteur audiovisuel. Aucune suite concrète très importante n'a été donnée aux entretiens de Valois, à part une série de circulaires sur les lieux conventionnés, et encore a-t-il fallu se battre pour que les centres dramatiques se voient imposer certaines obligations en matière de représentation d'oeuvres dramatiques francophones et d'auteurs vivants.

Le spectacle vivant ne dispose pas d'outils aussi performants que le cinéma et l'audiovisuel pour le financement de la création, ces secteurs bénéficiant de deux dispositifs efficaces :

- le centre national de la cinématographie et de l'image animée (CNC), qui permet la transparence ;

- un mode de financement via le compte de soutien géré par le CNC.

À l'inverse, le secteur du spectacle vivant, en particulier le théâtre public, est opaque, les informations étant parcellaires et aucune centralisation et agrégation de ces données ne les rendant utilisables. On ne sait donc pas combien de fois un spectacle ou un auteur a été joué !

Le théâtre privé, concentré à Paris - à l'exclusion d'un théâtre lyonnais -, se porte correctement mais subit quand même la crise. Il dispose d'un compte de soutien complété par des subventions de l'État et de la Ville de Paris. Il ne peut cependant pas se permettre de prendre trop de risques.

Le théâtre public dispose de deux ressources dont je doute qu'elles puissent progresser dans les prochaines années : des subventions de l'État et, surtout, des collectivités territoriales. Je rappelle que le spectacle vivant est un outil important de décentralisation, de culture et de convivialité. Il est donc essentiel de trouver les ressources pour le pérenniser et pour assurer davantage de transparence.

C'est pourquoi nous proposons la création d'un compte de soutien, avec des ressources affectées, sur le modèle de ce qui existe pour le cinéma, l'audiovisuel ou les variétés (avec le centre national des variétés). Il pourrait être partiellement financé par la taxation des jeux en ligne.

Par ailleurs, nous regrettons l'insatisfaisante diffusion et circulation des oeuvres : hors théâtre privé, une création théâtrale est représentée dix fois en moyenne. Il y a donc une déperdition d'énergie, de talents et d'emplois.

Le spectacle vivant souffre d'immobilisme et d'opacité. Il faut cesser de s'y intéresser sous le seul angle des intermittents, car cela entraîne une frilosité et une absence de réflexion de fond. Il y a un contraste entre la vitalité du secteur en termes de création et l'immobilisme des structures et des corporations. Or, dans un contexte de contrainte budgétaire, il faut réfléchir à des évolutions, donner un fil directeur à la politique du spectacle vivant et une vision en faveur de la création contemporaine. Il est également essentiel de favoriser la diffusion des spectacles et de ne pas laisser ce secteur à l'écart du mouvement de modernisation.

M. Jean-Paul Alègre, administrateur théâtre. - La très bonne nouvelle est qu'il existe un désir très fort de spectacle vivant au sein de la population. Mais ce désir est mal accueilli.

Si je prends l'exemple des pratiques amateurs, qui explosent, la France est le seul pays d'Europe où elles dépendent du ministère de la jeunesse et des sports, sans aucune passerelle avec le ministère de la culture, ce qui ne favorise pas la collaboration des amateurs avec les professionnels. Parmi les dix auteurs de théâtre les plus joués, figurent Molière et Feydeau puis huit auteurs contemporains.

Il nous semble nécessaire de disposer à la fois d'une loi d'orientation sur le spectacle vivant et d'un observatoire du spectacle vivant. Il convient, en effet, d'améliorer la connaissance du secteur. Il faut également créer un système de fonds de soutien qui ne semble pas si difficile à mettre en place.

M. Jacques Legendre, président. - Je vous rappelle que notre commission demande depuis plusieurs années la création d'un observatoire du spectacle vivant.

M. Georges Werler, premier vice-président de la SACD. - Je voudrais témoigner de la solitude dans laquelle se trouve un directeur de théâtre souhaitant créer un spectacle. Il doit se battre pour réunir des coproducteurs et des financements. Et, alors que le coût afférent s'élève en moyenne à 150 000 euros, avec un financement presque exclusivement public, il est atterrant que l'oeuvre soit aussi peu présentée devant le public.

M. Serge Lagauche. - Ce sujet a été abordé dans de nombreux rapports ; on vous a auditionnés également. Il apparaît qu'on se heurte à une certaine indifférence du ministère de la culture qui ne veut pas s'engager dans cette voie. À plusieurs reprises, il a été proposé de commencer par la création d'un observatoire du spectacle vivant que nous n'avons pas obtenu.

Lorsqu'on se tourne vers les collectivités territoriales, des difficultés se posent aussi car chacun veut produire son propre spectacle. Il n'est pas aisé de parvenir à une forme de mutualisation. Le département du Val-de-Marne est tout à fait caractéristique sur ce plan. Une concurrence se crée qui se révèle destructrice. Il n'existe pas dans les départements cette volonté de concertation préalable et de collaboration. Si vous réussissez au sein de la profession à convaincre de se réunir pour se coordonner et faciliter la circulation des représentations, cela pourrait être le déclic afin que le ministère s'y intéresse davantage.

Sur le plan financier, c'est souvent la volonté des responsables des collectivités territoriales qui donne le coup de pouce. Il n'est pas facile de convaincre certaines collectivités. L'idée d'une salle qui ne se remplit pas de manière satisfaisante est très traumatisante pour un élu local. Le spectacle vivant est moins commercial que le cinéma. Il faut se regrouper et accepter de travailler tous ensemble quelle que soit l'appartenance politique. On ne discute pas assez du spectacle vivant. Le Sénat pourrait être à l'initiative, bien entendu avec votre aide, d'une relance de ce travail, de très longue haleine, dans le prolongement des entretiens de Valois. Les professionnels du secteur et les élus peuvent aider à débloquer la situation. Il faudra mener un combat assez fort. En réalité, faire tourner les spectacles en région permettrait à chaque collectivité de réaliser des économies. C'est difficile à mettre en place car la concertation doit avoir lieu au minimum deux ans avant les représentations. L'État devrait jouer son rôle de coordinateur, or il ne le fait pas. Est-ce que les collectivités territoriales sont en mesure de créer le contact ? Vous semblez dire le contraire.

Mme Catherine Dumas. - J'adhère aux propos de notre rapporteur. Je mettrai toutefois un bémol. Ce n'est pas parce qu'on n'a pas réussi à convaincre l'État au plus haut niveau qu'il n'est pas responsable. Je pense qu'aujourd'hui il y a une réelle volonté politique. Lorsque vous nous dites qu'il n'y a pas de données chiffrées sur le spectacle vivant en France, ou pas assez puisqu'on propose la création d'un observatoire, j'estime que c'est le rôle de l'État de mettre en place ce type d'organisme. J'espère que la frilosité évoquée n'est pas que le fait de la question des intermittents, même si elle y est pour beaucoup. Il faut que notre commission de la culture joue son rôle, en continuant de manière plus persuasive à demander cet observatoire. L'État a une vraie vocation à apporter un certain nombre de réponses, pas forcément financières, mais d'impulsion et d'organisation.

Pourquoi ne pas creuser la piste du compte de soutien dont vous nous avez parlé ? Pouvez-vous nous en dire plus sur son mode de fonctionnement dans d'autres pays, notamment en Espagne ?

Le troisième point que je voulais aborder concerne les pratiques amateurs. Ces pratiques suscitent un regain d'intérêt et d'adhésion en France. Je suis intervenue sur ce sujet au Conseil de Paris lundi dernier. Pourquoi relèvent-elles d'un autre ministère que celui de la culture ? J'ai la faiblesse de penser qu'on peut y apporter des réponses.

M. Jean-Pierre Leleux. - Je partage l'idée que ce désir de spectacle vivant est en croissance très forte, à tel point qu'il faut imaginer des structures nouvelles qui sont difficiles à financer. On ressent cette impression dans d'autres secteurs de la vie culturelle, comme les musées, le cinéma. C'est extrêmement positif.

Je voudrais revenir sur la circulation des spectacles et le fonds de soutien. Vous avez dit que la création était dense. Que proposez-vous pour une diffusion des spectacles plus importante et pour les amortir davantage ? Il me semble que la France manque de théâtres. Il faudrait envisager un grand programme d'équipements.

Vous vous réjouissez de la création d'un organisme de formation pour les auteurs. Cela me laisse perplexe. Je pense que la formation des publics, notamment scolaires, est un enjeu important, ainsi que la confiance qu'il faut établir entre un lieu de représentation et son public.

Comment imaginez-vous que le fonds de soutien pourrait se financer et quelles sont vos orientations pour favoriser la circulation des oeuvres ? Enfin, l'observatoire du spectacle vivant me paraît indispensable et peu compliqué à mettre en oeuvre.

M. Claude Bérit-Débat. - Il y a d'abord un problème financier, mais aussi de moyens à mettre en place pour favoriser la diffusion de la création contemporaine. Vous avez dit, à juste titre, que les collectivités territoriales jouent un rôle important. Le problème qui se pose, au-delà de la réforme en cours qui fait débat en matière de compétences, est celui de leur situation financière. Un certain nombre de ressources ont été supprimées et remplacées par d'autres. Il y aura des problématiques majeures pour continuer à financer les actions existantes. Des régions, des conseils généraux et des communes seront obligés de revoir leur politique en fonction des priorités. Il faudra essayer de convaincre et de sensibiliser les élus locaux de l'importance du spectacle vivant dans la vie de tous les jours.

Sur le fonds de soutien, je suis d'accord avec vous ; si ce n'est que pour les pistes évoquées - le loto, les paris en ligne - on a déjà capté une partie des ressources pour aider d'autres secteurs. Trouver des recettes supplémentaires est un vrai problème. Je ne suis pas optimiste sur ce point.

La pratique amateur est essentielle, surtout en milieu rural. Ce sont des associations qui s'investissent dans la culture, dans l'animation, dans le lien social. Il y a des spectacles de grande qualité réalisés par des passionnés, souvent en tutorat avec des professionnels.

Il faut encourager la mise en place d'un fonds de soutien et d'un observatoire, d'autant que la création de ce dernier n'a pas d'incidence financière majeure.

Mme Bernadette Bourzai. - Vous avez prononcé une phrase qui mérite une nuance. Vous avez évoqué la vitalité du secteur et de l'immobilisme total des structures du spectacle vivant. Je crois que cet immobilisme n'est qu'apparent car beaucoup d'efforts sont faits au niveau local pour faire évoluer les choses. Or nous ne le savons pas car cet observatoire dont on parle n'existe pas. Je pense qu'il est nécessaire. Il faut profiter de la situation relative de crise dans laquelle les milieux culturels se trouvent pour essayer de mettre à plat tout ce qui peut aider à sortir de cet immobilisme que je considère comme apparent.

Il faut remettre en cause l'affirmation selon laquelle on ne disposerait pas de données quantitatives. Lorsque j'étais vice-présidente chargée de la culture en région Limousin, je disposais de données chiffrées pour l'attribution des subventions sur les troupes et les spectacles. Ces données doivent être agrégées au niveau régional et national pour disposer d'une vision quantitative la plus exacte possible. Mais je pense que ce n'est pas suffisant et qu'il faut avoir une vision qualitative du secteur. Dans chaque région, des actions sont engagées pour répondre à cette préoccupation de qualité des relations entre les structures, les troupes et les territoires. Dans le département de la Corrèze, se déroulent chaque année des assises de la culture qui réunissent l'ensemble des structures professionnelles, amateurs, et les élus. C'est un travail de qualité qui existe déjà et qui doit faire partie des bonnes pratiques pour ne pas être perdu.

Ces échanges nous montreront la richesse et la diversité du spectacle vivant en France. Ils permettront aussi de mieux répondre à la question posée sur l'insuffisance de la diffusion des spectacles. Elle provient souvent d'un manque de propositions de coproduction entre structures. Il y a un « tricot » à réaliser entre les structures de façon à ce que la diffusion soit encouragée.

Cela suppose aussi qu'il existe des lieux d'accueil. En milieu rural, toutes les communes disposent de salles polyvalentes. Mais elles ne sont pas équipées convenablement pour recevoir des troupes. Des programmes sont mis en place pour les qualifier. Cela relève des éléments que l'on doit pouvoir organiser dès lors qu'on a une connaissance de ce qui se passe.

Je ne sais pas ce qui peut être envisagé pour le fonds de soutien. Le système inventé par le cinéma est remarquable. J'avoue que je n'ai pas d'idée originale à vous proposer. Je suis bien consciente qu'il est nécessaire de mettre en place ce fonds.

M. Daniel Percheron. - Est-ce que vous êtes bien conscients de l'ambivalence de la notion d'observatoire ? Pour les collectivités territoriales, notamment pour la cohérence régionale, nous sommes des observateurs, nous savons exactement ce qui se passe pour le spectacle vivant. Si je suis un observateur silencieux, c'est parce que cette ambivalence me dicte ce silence. Je voudrais prendre un exemple. Nous subventionnons le football business à hauteur d'un euro par spectateur. Quand nous sommes en présence d'une scène nationale dans un arrondissement de reconversion économique avec 16 % de chômage, nous la subventionnons à hauteur de 150 euros la place.

Si l'observatoire joue son rôle, il est vraisemblable que le débat régional changera de nature. Par rapport à cet observatoire, soyez prudents. Il y a beaucoup de possibilités au niveau des régions, des départements, de la coordination des exécutifs communaux. Mais nationalement je ne pense pas que l'observatoire porte en lui une vérité positive. L'effort des collectivités territoriales est immense et consensuel. Il faut le conserver.

Comme de nombreux élus locaux, j'ai été confronté au problème de la diffusion. Face à la qualité de la création se pose la question de l'absence de la télévision régionale. Nous avons supplié notre télévision régionale pour accepter que nous la payions pour diffuser un spectacle vivant. Le refus a été catégorique. C'est catastrophique. Vous ne rencontrerez le public, le marché, le succès que si la télévision régionale est partie prenante de la diffusion. Nous demandons que dans leur cahier des charges, sans peser sur leur budget, les collectivités territoriales aient le droit d'imposer la diffusion des spectacles vivants. Le relais est dans la régionalisation de la diffusion.

M. René-Pierre Signé. - Vous avez raison de dire que le relais par la télévision procure une attraction et un succès plus grands. Je voudrais revenir sur le vide culturel qui existe dans les milieux ruraux. Nous avons une maison de la culture à Nevers qui ne veut pas s'expatrier. Il n'y a jamais de spectacles itinérants susceptibles d'ouvrir l'esprit des populations. On prétend que dans les petits chefs-lieux de canton il n'y a pas de spectateurs. Mais c'est le spectacle qui doit attirer le spectateur. S'il y a des spectacles à répétition, il y aura des spectateurs. Les populations rurales n'ont pas d'ouverture culturelle en dehors de la lecture du journal local et de la télévision.

Je crois beaucoup au théâtre amateur et à la formation des spectateurs en leur offrant des spectacles. La maison de la culture de Nevers n'apporte rien au département car elle reste figée sur la ville et prétend qu'elle n'a aucun intérêt à s'expatrier puisqu'elle n'attire pas de spectateurs. Je crois qu'on attire les spectateurs en se déplaçant régulièrement.

Mme Catherine Morin-Desailly. - Votre exposé aborde la question du spectacle vivant sous un autre angle. Je voudrais savoir si vous avez testé votre idée de compte de soutien auprès de directeurs de salles, d'auteurs, de comédiens. Comment cette idée est-elle reçue ?

On a parlé au Sénat de la loi d'orientation sur le spectacle vivant dès 2004. Cela correspond au moment où le ministre Renaud Donnedieu de Vabres avait lancé l'idée d'un grand débat sur le spectacle vivant. À l'époque, il y avait une frilosité compte tenu des enjeux autour de l'intermittence. Il ne faut pas renoncer. On a abandonné aussi un projet de loi sur la pratique amateur qui s'insère dans un dispositif plus large sur le spectacle vivant.

Vous avez évoqué la question délicate des relations entre les ministères de la culture et de la jeunesse et des sports. Cette césure qui se ressent aussi dans les collectivités territoriales empêche la création d'une dynamique et d'une reconnaissance mutuelle.

Se pose peut-être la question de la pénurie de lieux en fonction des régions mais surtout celle du partage des lieux et de l'accueil ainsi que de la mission d'accompagnement de certains lieux.

Je voudrais connaître votre point de vue sur la question des labels. Est-ce que les labels freinent l'évolution du spectacle vivant ou le figent trop ? Je sais qu'une réflexion avait été initiée lors des entretiens de Valois.

Je pense qu'une loi sur les pratiques amateurs est d'autant plus importante qu'a été votée une loi sur les enseignements artistiques qui renouvelle profondément l'offre d'enseignement et élargit le champ de la pratique. Lors du débat sur cette loi, il a semblé que le bon niveau pour coordonner et faciliter l'offre sur le territoire était la région. Je suis convaincue que les régions ont un rôle fondamental à jouer.

Je vais conclure dans la continuité du rapport que j'ai rédigé avec notre collègue Claude Belot sur le financement de France Télévisions. Il existe un vrai problème avec France 3. Alors que toutes les demandes de places n'ont pu être satisfaites, le spectacle de Bartabas à Rouen, n'a fait l'objet que d'un décrochage à 23 heures 30 sur France 3 Rouen. C'est scandaleux. Je demande aux auteurs de peser de tout leur poids pour dire que les talents existent aussi en région. Il y a un souci sur l'identité de la chaîne France 3 et sur les décrochages régionaux. Je pense que M. Rémy Pflimlin en a conscience.

Mme Maryvonne Blondin. - Lors de l'audition de M. Rémy Pflimlin, j'étais intervenue sur la nécessité pour les régions d'avoir une télévision très attachée à leur culture. Il avait souligné le fait qu'il était à la recherche de régions ayant une forte identité culturelle et ouvertes sur le monde. Évidemment, j'avais parlé de la Bretagne qui est ma région. Je voudrais insister sur cette diffusion. Peut-être avez-vous regardé la rediffusion du festival interceltique de Lorient sur France 2 ? Cela a fait venir de nombreux spectateurs.

Les pratiques amateurs sont florissantes dans les régions en matière de musique et de culture. Je me demandais où elles sont rattachées. Elles font de la création, des concerts remarquables et vont dans les villages. Ce maillage du territoire est extrêmement fort et permet le lien social, l'ouverture de nos concitoyens vers les autres.

Je voudrais rappeler le rôle essentiel de l'éducation nationale. Dans nos collèges et lycées, voire les écoles primaires, nous établissons des jumelages avec des troupes de théâtre ou de danse. Ces interventions sont financées par le conseil général, ce qui pose la question du désengagement de l'État. Cela forme les esprits, donne une ouverture et contribue à créer des envies de spectacles.

M. Serge Lagauche. - Je voudrais connaître votre avis sur la retransmission de spectacles vivants dans le cadre de la numérisation des salles.

M. Pascal Rogard, directeur général de la SACD. - Il y a eu un projet absurde de faire signer par le ministre de la culture un arrêté pour pénaliser les salles de cinéma qui diffusaient de l'opéra ou des spectacles vivants car des distributeurs avaient peur de perdre des créneaux d'exploitation. Pour le moment, ce projet ne semble plus d'actualité mais le Sénat pourrait se manifester sur ce dossier.

Si demain nous pouvions diffuser les grands opéras sur l'ensemble du territoire, je trouverais absurde que la politique publique pénalise ceux qui les diffusent. Cela me paraît relever d'un corporatisme étriqué. C'est un outil possible de diffusion du spectacle vivant grâce à la numérisation des salles. Je voudrais rappeler le travail réalisé au Sénat et à l'Assemblée nationale pour permettre de numériser les petites salles de cinéma. Cela va permettre de diversifier la programmation. Il faut simplement veiller à ce que cela n'exclut pas le cinéma. Je trouve tout à fait positif que dans un certain nombre de territoires on puisse maintenant recevoir de grandes oeuvres dramatiques qui sont inaccessibles pour le public. Le rôle du ministère de la culture est de favoriser la création et non de la pénaliser.

S'agissant du compte de soutien, la dernière fois que j'en ai parlé, j'ai commencé à avoir une légère écoute. La seule chose que j'avais demandée - et qui est en cours de réalisation - était de nommer une mission de réflexion avec des personnalités capables de réfléchir sur le financement du système. Je pense qu'une petite partie pourrait être financée par une taxe d'un faible montant sur les billets de spectacle qui permettrait par ailleurs de régler le problème de l'observatoire. J'ai cité aussi les jeux, mais ma réflexion est très ouverte. Il faudrait trouver sur le moyen terme une ressource qui pourrait progresser sachant que les financements publics ne progresseront pas. Il y a un fort intérêt pour le spectacle vivant. C'est la question de l'intermittence qui empêche les responsables politiques à s'intéresser à ce secteur.

Je pense qu'on n'a rien à perdre à la transparence. Le problème du spectacle vivant est que bien qu'il ait progressé en période de crise, on ne peut pas l'affirmer car les perceptions de la SACD ne couvrent pas la totalité du spectre. Quand on ne peut pas communiquer sur une activité en termes économiques, dans la France d'aujourd'hui on n'est pas pris au sérieux. Le spectacle vivant sera pris au sérieux le jour où il y aura des articles sur son impact économique dans les Échos ou la Tribune.

En région, il existe de nombreux observatoires mais les données ne sont pas agglomérées au niveau national.

Je n'ai pas dit que les acteurs étaient immobiles. Les acteurs sur le terrain sont dynamiques. L'immobilisme dont je parle est celui des corporatismes. Il est en train de changer sous la pression d'un fait incontestable, en l'absence de changement il y aura de moins en moins de ressources pour financer la création.

La diffusion des spectacles vivants à la télévision à des heures de forte écoute a progressé sous la présidence de Patrick de Carolis. En région, il pourrait y avoir encore plus de représentations. Il ne faut pas oublier tous les outils nouveaux, en particulier Internet, qui peuvent permettre avec des plateformes d'avoir des diffusions puissantes en termes de publics du spectacle vivant, et qui pourraient dans ce cas-là bénéficier de financements provenant du Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC). La captation de spectacles vivants ressort de financements audiovisuels.

Si, un auteur se forme ! On n'écrit pas de la même manière pour le théâtre que pour le cinéma. Inversement, comme on ne gagne quasiment pas sa vie dans le théâtre, sauf si on a chance d'être un auteur à succès dans le théâtre privé, des auteurs de théâtre peuvent s'intéresser à devenir auteurs de séries ou de films. Ce sont des formes d'écriture qui s'apprennent. L'écriture est un métier.

M. Jean-Paul Farré, président de la commission théâtre. - Les centres dramatiques ont obligation dans leur cahier des charges de se déplacer dans toutes les villes de leur région. Malheureusement, ils ne le font pas assez. L'observatoire pourrait servir à faire un état des lieux. Pourquoi n'a-t-on pas créé d'autres institutions comme les Tréteaux de France ?

Je trouve, pour faire de nombreuses tournées, que la France est aujourd'hui bien équipée en salles de spectacles.

Pour la télévision, nous partageons l'ensemble de vos propos.

M. Jean-Paul Alègre, administrateur théâtre. - Je vous remercie de votre écoute et du nombre de questions. C'est très encourageant.

S'agissant de la formation, nous sommes très inquiets de constater que des collègues écrivent des pièces de théâtre pour un ou deux personnages avec un seul décor. Pourquoi ? Il existe une réalité de la production qui fait qu'ils savent que pour être joué un minimum il faut très peu de personnages. Les amateurs, c'est le contraire. Ils recherchent des pièces avec dix personnages. Nous avons fait l'année dernière 18 900 perceptions d'exploitation à la SACD, dont 11 000 chez les professionnels et 7 900 chez les amateurs.

La marionnette qui est si vivace dans tous les pays d'Europe est très faible en France. Pourquoi ? Parce qu'il n'y a pas d'auteur pour les spectacles de marionnettes. Il faut écrire pour soixante personnages. En mettant en collaboration toutes ces volontés de nouvelles écritures, on répond partiellement à votre question sur la formation.

Il y a de nombreuses salles en France. Il faut rappeler que ces salles ne peuvent accueillir du théâtre qu'un mois ou quinze jours par an. Lorsqu'on conçoit une salle en France, il faut penser aux contraintes techniques. On pourrait envisager un organisme centralisateur des réflexions sur le spectacle vivant.

Sur la télévision, je suis entièrement d'accord avec le sénateur Daniel Percheron à une nuance près : il serait paradoxal que pour défendre le spectacle vivant on s'appuie uniquement sur l'audiovisuel. Nous avons besoin de la télévision pour inciter à aller au théâtre plus que pour reproduire l'acte théâtral.

Les labels sont indispensables à condition qu'il y ait un organisme qui les ordonne afin qu'ils soient complémentaires. À l'heure actuelle, il y a une opposition entre les labels. Il faut remettre à plat l'organisation des labels. Nous avons besoin de scènes nationales, de scènes conventionnées mais aussi de scènes territoriales. C'est peut-être à vous au Sénat de les inventer ; elles auraient cette mission de faire tourner les spectacles sur un territoire.

J'ai été très sensible au fait qu'on parle des pratiques amateurs. En Bretagne, vous avez la chance d'avoir une association, l'ADEC (art dramatique et éducation). Vous avez été nombreux à indiquer qu'on ne pouvait pas parler du spectacle vivant sans aborder l'éducation. Cette association permet un maillage exceptionnel du territoire qui fait que cette région de France est la première au niveau des pratiques amateurs pour nos perceptions à la SACD.

On n'a jamais dit dans nos propos qu'il y avait de l'immobilisme. On a parlé d'une telle opacité et d'un tel refus de constater les évolutions que cela finit par donner l'impression d'immobilisme.

Je voudrais conclure sur le mot de maillage. Le maillage du territoire est essentiel. Vous pouvez nous y aider en créant cet observatoire du spectacle vivant pour permettre de rassembler l'ensemble des chiffres disponibles.

Audition de M. Alain Seban, président du Centre Georges-Pompidou

La commission auditionne ensuite M. Alain Seban, président du Centre Georges-Pompidou.

M. Jacques Legendre, président. - Nous sommes heureux d'accueillir M. Alain Seban qui vient nous rappeler que le Centre Pompidou est certes situé à Paris mais qu'il a une vocation avant tout nationale et un rôle international.

M. Alain Seban, président du Centre Georges-Pompidou. - Nous souhaitions vous présenter le projet de Centre Pompidou mobile dont les collectivités territoriales seront les partenaires et avec lesquelles nous sommes en phase de contact. Ce projet représente une véritable innovation, un nouveau mode de diffusion de la culture contemporaine au coeur des territoires.

Le Centre Pompidou est une maison composite au service d'une mission fondamentale de diffusion de la culture contemporaine au coeur de la société. Il parvient à réconcilier un large public avec la culture contemporaine souvent réputée élitiste. Cette contradiction semble en effet surmontée puisque la fréquentation du Centre atteint 5,5 millions de visiteurs par an, soit une progression de 36 % en trois ans. Il s'agit en outre d'une mission nationale, ne devant pas être exclusivement parisienne, ce qui nous a amenés dès l'origine à nous demander comment décentraliser notre action. Cette volonté s'est traduite d'abord par une politique active de prêts et dépôts aux musées en région - avec 3 500 décisions de prêts par an, faisant du Centre Pompidou l'un des premiers prêteurs en France et dans le monde. Cela s'est également traduit par l'organisation, dans les musées en régions, d'expositions « hors les murs » et enfin par la création du Centre Pompidou Metz, institution soeur, autonome, fondée sur un partenariat entre le Centre Pompidou et les collectivités territoriales. Le 400 000e visiteur depuis son inauguration en mai 2010 marque un succès à l'ampleur inattendue. Mais le Centre Pompidou Metz ne peut se multiplier car il s'agit d'un projet de très grande ampleur : 5 000 m² de surface d'exposition, 72 millions d'euros d'investissements pour l'essentiel financés par les collectivités territoriales, 10 millions d'euros de budget annuel de fonctionnement.

Il nous fallait donc inventer de nouvelles modalités d'irrigation culturelle des territoires, plus souples et plus légères, pour tenir compte de la décentralisation culturelle et aller au devant de nouveaux publics, d'un « non-public » qui n'a pas l'habitude de fréquenter les institutions culturelles (50 % des Français n'ont jamais visité un musée). L'objectif était de cibler des territoires difficilement irrigués par l'offre culturelle traditionnelle, pour des raisons sociologiques ou géographiques, dans des zones rurales ou semi-rurales ou à la périphérie des grandes agglomérations. Pour répondre à ces enjeux, nous avons conçu le Centre Pompidou mobile sous la forme d'une structure d'exposition nomade, démontable et transportable, permettant de présenter le coeur de la collection historique du Centre Pompidou. Il s'agit avant tout d'amener dans les régions l'art moderne qui y est généralement peu présent, en privilégiant, pour la dimension contemporaine, les ressources qui existent en régions à travers notamment les Fonds régionaux d'art contemporain (FRAC). À l'heure du numérique et du virtuel, le projet vise également à faire partager à un public peu familier des musées, l'expérience fondamentale de l'oeuvre originale, son caractère unique. Cela se fera notamment grâce à un dispositif de médiation simple et accessible, avec un scénario où des comédiens, recrutés localement, guideront les visiteurs à travers une sélection resserrée de chefs d'oeuvre retraçant l'histoire de l'art depuis 1905.

Mme Emma Lavigne, conservateur au musée national d'Art moderne. - Nous avons choisi le thème de la couleur, car c'est un thème qui traverse toute l'histoire du XXe siècle. Nous souhaitons l'aborder à travers une sélection de chefs d'oeuvre de l'art moderne. Ce thème n'est pas exclusif ni complexe, et il concerne d'ailleurs l'apprentissage de chaque enfant dès le plus jeune âge. Nous avons choisi les joyaux de notre collection pour amener le public novice dans un face à face avec l'oeuvre et lui permettre d'appréhender la question « Qu'est-ce que l'art ? ». Outre la structure mobile, conçue par Patrick Bouchain, qui vient en écho à l'architecture très colorée du Centre Pompidou, nous avons sélectionné des artistes tels que Picasso, Matisse, Kupka, Dubuffet, afin d'analyser les ressorts qui les animent.

Mme Agnès Saal, directrice générale du Centre Pompidou. - Le Centre Pompidou mobile veut répondre à un triple pari à la fois architectural, financier et d'enracinement. Du point de vue architectural, la structure retenue est légère, souple et adaptable à tout type de terrain, reprenant l'idée d'un chapiteau de cirque sur une surface de 650 m² d'espace d'exposition. Le pari financier, quant à lui, définit les conditions d'accueil sur les territoires. Or le Centre Pompidou n'avait pas la capacité de financer le budget d'investissement nécessaire à un tel projet. Aussi 2,5 millions d'euros ont été levés auprès de partenaires extérieurs pour l'investissement initial, avec l'aide du Conseil de la création artistique à hauteur de 500 000 euros et trois mécènes. Chaque étape du Centre Pompidou mobile durera au moins trois mois afin de laisser le temps aux populations locales de venir à la rencontre des oeuvres, et coûtera 400 000 euros, ce coût total estimé incluant toutes les charges. Enfin, le troisième pari est celui de l'enracinement réussi dans les territoires. Pour lancer le marché de construction nous avons besoin d'un schéma d'itinérance pour les années 2011 à 2013. C'est l'enjeu des prochains mois qui vont être consacrés à un dialogue avec les collectivités territoriales potentiellement intéressées afin d'envisager les conditions d'accueil de la structure mobile. Il s'agit de favoriser une implantation intelligente et une appropriation par les populations d'accueil en nouant des partenariats denses avec les collectivités territoriales. Notre idée est de lancer une sorte d'appel à candidatures des collectivités pour définir la feuille de route du Centre Pompidou mobile à partir de laquelle sera lancé le marché de la construction qui doit durer six mois.

Mme Catherine Dumas. - Je souhaiterais rendre hommage à l'action d'Alain Seban et le féliciter pour ce projet de Centre Pompidou mobile, mais je voudrais également rappeler que le Centre Pompidou possède l'une des plus belles collections permanentes au monde qui n'est pas assez visitée.

M. Daniel Percheron. - C'est un projet formidable, et une révolution quand on songe aux difficultés que nous avions rencontrées à l'époque du projet de Lille capitale européenne de la culture. Le succès du Centre Pompidou Metz montre que la réponse à « Mainstream » est en marche. Je souhaite vous faire part dès aujourd'hui de la candidature de la région Nord-Pas-de-Calais pour l'année 2011 dans le cadre du projet de « capitale régionale de la culture » dans le bassin minier.

M. Jack Ralite. - C'est un sentiment de bonheur qui se dégage en vous entendant et c'est une formidable initiative. Je souhaite rappeler qu'à Aubervilliers nous avions installé un musée éphémère et que le Centre Pompidou nous prêtait chaque semaine une toile. Enfin il serait souhaitable d'éviter le terme « non-public ».

Mme Bernadette Bourzai. -Je me réjouis de ce projet déjà très imaginatif. Je me permets de rappeler que, dans les années 80, nous avions fait circuler des oeuvres d'art dans un train dans le Limousin. Alors que l'exposition du FRAC du Limousin avait été accueillie par le Centre Pompidou en 2001, je suis heureuse de constater un retour vers les territoires, même si l'on peut s'interroger sur la capacité des collectivités à réunir un budget de 400 000 euros.

Mme Françoise Férat. - Votre projet est particulièrement enthousiasmant et d'ailleurs je me bats depuis vingt ans au conseil général de la Marne pour que la culture trouve la place qu'elle mérite. Quelle forme pourront prendre les candidatures ?

M. Alain Seban président du Centre Georges-Pompidou. - Je suis ému et touché par vos réactions. Je prends note de la candidature du Nord-Pas-de-Calais pour l'année 2011, c'est-à-dire pour le lancement du Centre Pompidou mobile. Quant au terme de « non-public », il s'agit d'une expression que j'ai utilisée entre guillemets car il n'y a en fait que des publics à qui l'on n'a pas suffisamment tendu la main. Nous avons d'ailleurs souhaité aller vers les gens avec une structure modeste et conviviale, qui résonne avec l'imaginaire populaire du cirque. Nous allons essayer de créer un fonds de dotation avec différents mécènes afin d'alléger la facture des collectivités. Le Centre Pompidou va prochainement contacter l'ensemble des conseils régionaux et quelques communautés d'agglomération.

Mme Agnès Saal, directrice générale du Centre Pompidou. - Il faut préciser que l'accès au Centre Pompidou mobile sera gratuit, avec une priorité accordée au public scolaire en semaine et aux familles et adultes le week-end.

M. Jacques Legendre, président. - Nous vous indiquons que la commission de la culture a prévu d'effectuer un déplacement au Centre Pompidou Metz avant la fin de l'année.

Nomination de rapporteurs

La commission nomme :

- M. Pierre Bordier rapporteur sur les projets de loi n° 18 (2005-2006) ratifiant l'ordonnance n° 2005-864 du 28 juillet 2005 relative aux secteurs sauvegardés et n° 92 (2005-2006) ratifiant l'ordonnance n° 2005-1044 du 26 août 2005 relative à l'exercice et à l'organisation de la profession d'architecte ;

- Mme Catherine Morin-Desailly rapporteur sur la proposition de loi n° 702 (2009-2010) visant à assurer un financement pérenne à France Télévisions.