Mardi 6 juillet 2010

- Présidence de M. Jean-Claude Carle, vice-président, de M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, de M. Jean-Paul Emorine, président de la commission de l'économie et de M. Jean Bizet, président de la commission des affaires européennes -

Audition de M. Jacques Attali, président de la Commission pour la libération de la croissance française

La commission procède à l'audition de M. Jacques Attali, président de la Commission pour la libération de la croissance française, conjointement avec la commission des finances, de la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire et de la commission des affaires européennes.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. - Nous entendons le président, accompagné de plusieurs membres de la commission pour la libération de la croissance française à la veille d'un débat d'orientation des finances publiques, qui sera l'occasion d'échanger avec le Gouvernement sur la trajectoire à suivre pour atteindre l'équilibre des finances publiques.

M. Jacques Attali, président de la commission pour la libération de la croissance française. - Notre commission n'ayant pas encore achevé ses travaux, c'est à une réflexion à haute voix que je vais me livrer. La commission pour la libération de la croissance française, composée de quarante-trois personnes nommées par le Président de la République et le Premier Ministre, a déjà émis des propositions, dont la moitié ont été mises en oeuvre. Nous travaillons avec l'appui d'une quarantaine de rapporteurs, et la pleine coopération de l'administration, comme des commissions parlementaires. Un rapport d'étape tire le bilan des réformes mises en oeuvre. Nous achevons un deuxième rapport, qui sera rendu public par le Président de la République fin août ou début septembre.

Nous avons travaillé avec les parlementaires, dont certains ont assisté à nos groupes de travail, entendu nombre d'experts, rencontré les partenaires sociaux. Nous avons fait travailler ensemble des think tanks de convictions différentes, auditionné ministres et personnalités diverses. Nombre des réformes que nous préconisions ont déjà été mises en oeuvre : pôles de compétitivité, pôles universitaires, rupture à l'amiable du contrat de travail, auto-entrepreneur, loi de modernisation de l'économie, grand emprunt, mesures visant à renforcer la compétitivité...

Mais il reste beaucoup à faire pour réformer l'État et les collectivités territoriales - vous connaissez notre opinion sur le sujet -, et pour améliorer l'efficacité des dépenses publiques. En matière d'emploi, il faut progresser sur la gestion du travail, la formation professionnelle, l'accompagnement des chômeurs, la réforme de certaines professions réglementées... Nous ne renions aucune de nos propositions. Nous savions à l'époque que la crise se profilait : nos propositions restent valables aujourd'hui.

La crise mondiale que nous traversons entraîne pour la France de graves dérives à court et moyen termes. À politique constante, il est impensable de faire revenir le taux de chômage en deçà des 9 % d'ici 2020, et l'endettement public dépassera 100 % du PIB, si ce n'est 120 %, à cette date. Il devrait déjà atteindre 90 % en 2012-2013...

La crise est loin d'être terminée. Malgré les perspectives de reprise, les nuages s'accumulent à l'horizon : le système chinois craque, les États-Unis sont instables, la Grande-Bretagne va très mal... Le processus cumulatif de réduction des déficits va peser sur la fragile croissance, qui s'est stabilisée à un niveau médiocre. Dans cet environnement morose, la France est largement discréditée. La confiance dans la classe politique, les médias ou les dirigeants est au plus bas ; nous sommes d'autant plus mal perçus à l'étranger que nous ne tenons pas nos engagements : cela fait cinq fois que nous violons le pacte de stabilité ! Nous ne pouvons continuer à faire des promesses que nous ne tenons pas.

La réduction des déficits passe par la croissance ; la croissance, par la réduction des déficits. L'objectif de réduction du chômage et de la dette publique exige une mobilisation générale, et ne supporte pas la moindre pause, fût-ce pour les élections. Cela suppose d'admettre que nos concitoyens sont adultes et récompenseront ceux qui prendront ou proposeront des positions courageuses. Cet effort nécessaire est possible - les exemples de l'Allemagne, du Canada, de la Suède le prouvent - à condition de reposer sur la justice. Les pays qui ont mené des réformes courageuses maîtrisent aujourd'hui leur destin. Nous devons inverser la courbe de l'endettement, non par des mesures de fin de mois mais par une action entêtée pendant sept à huit ans. Il nous faut restaurer la confiance, en nous appuyant sur la crédibilité des gouvernants, la justice sociale et la relance des investissements de croissance.

La maîtrise des finances publiques est le socle de la croissance. Les marchés, c'est-à-dire les prêteurs, nous menacent d'augmenter les taux d'intérêt. Si nous n'agissons pas, nous serons contraints de le faire : Invitus invitam dimisit ! Pour maîtriser la croissance de la dette, il faut faire des économies et/ou augmenter les prélèvements. Avec une hypothèse de croissance de 2,5 % en 2011, il nous faudrait, pour ramener le déficit à 3 % du PIB en 2013, trouver environ 90 milliards d'euros, dont 40 sous forme de recettes venant de la croissance - à supposer que l'inflation soit d'environ 2 %. Il faudrait réduire la progression naturelle des dépenses de 50 milliards sur la période 2011-2013, via des économies et la réduction de niches fiscales - ce qui revient à augmenter les impôts. Avec une croissance de 1,5 %, voire moindre, il faudrait un effort non pas de 17 milliards par an mais de 30 ! Pour ramener la dette à 65 % du PIB, il faut poursuivre l'effort jusqu'en 2017-2018. Sans une mobilisation générale et durable contre la dérive des dettes, les taux augmenteront, et le FMI risque de nous rendre une visite polie : ce qui est arrivé à la Grèce peut très bien nous arriver !

Il n'y a pas consensus sur le taux de croissance à retenir, ni sur le rythme de maîtrise souhaitable. Peut-on revenir dans les clous du pacte de stabilité en trois ans, ou faut-il prendre plus de temps - quitte à fâcher les marchés et nos partenaires ? Il faudra trouver 30 milliards supplémentaires chaque année...

Nous avons un problème de gouvernance de la dépense publique. Il faut modifier le cadre institutionnel de fixation des règles budgétaires, revoir la répartition des compétences entre État et collectivités territoriales, assurer la crédibilité des engagements. Il faut renforcer l'efficacité de nos services publics, en réviser la carte ; il faut en finir avec la distinction entre projet de loi de finances et projet de loi de financement de la sécurité sociale ; prévoir, par exemple, de transformer des subventions de l'État en investissements, l'État conservant ainsi la valeur patrimoniale de son placement. Nous proposons également que les prestations sociales et allocations diverses soient systématiquement versées sous conditions de ressources.

Il faut transformer profondément notre fiscalité archaïque en fiscalité de croissance. À prélèvements obligatoires constants, la fiscalité sur le foncier et la fiscalité environnementale pourraient être largement augmentées, la progressivité de l'impôt renforcée. Il faut s'interroger sur les niches fiscales, le bouclier fiscal, l'articulation entre ISF et impôt sur les successions... Une hausse de la TVA, en revanche, aurait un impact négatif sur la croissance. Cela dit, notre commission n'a pas encore arrêté sa position...

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. - Heureusement !

M. Jacques Attali. - Il faut des mesures sévères pour maîtriser les dépenses publiques, y compris celles des collectivités locales, qui sont à l'origine de la croissance des dépenses : cela passe soit par un pacte entre l'État et les collectivités, soit par une réappropriation par l'État du contrôle des dépenses des collectivités, ce qui serait revenir sur la décentralisation.

En matière d'emploi, nous réfléchissons au contrat unique, à un bonus-malus pour renforcer la durabilité des contrats, à une flexi-sécurité à la française, à un contrat d'évolution, à un transfert des charges sociales qui pèsent sur la compétitivité des entreprises vers la TVA ou la taxe carbone... Pour les PME, un small business act, une réduction des charges administratives, une ouverture des marchés. Pour l'emploi des jeunes, une formation d'alternance, une meilleure orientation.

Notre grande faiblesse est celle de notre système éducatif. Il faut enrayer la dérive tragique de l'école primaire : nous sommes tombés à la dix-septième place dans le classement de l'OCDE, en dépensant autant que la Finlande, qui se classe en tête ! Il faut agir dès la maternelle, en finir avec la méthode globale, lutter contre l'échec scolaire, améliorer la gestion des ressources humaines dans l'Éducation nationale, évaluer en permanence. Il faut encore renforcer l'autonomie des universités et réformer leur gouvernance. Nous sommes loin de nos partenaires, qui se réforment bien plus rapidement !

Il reste également beaucoup à faire pour les secteurs d'avenir. Nous proposons notamment de sécuriser l'accès aux matières premières, enjeu stratégique. Nous devons lancer une croissance verte par l'agriculture. La mer représente également un grand potentiel de croissance. Il faut investir dans les grandes infrastructures, notamment les ports. Il faut prendre des mesures en matière de concurrence, de brevets, de culture, de tourisme.

La France doit oeuvrer à ce que l'Europe soit le relais de la croissance. L'Union européenne n'est pas endettée : elle pourrait émettre des bons du Trésor pour financer des investissements, afin d'équilibrer l'impact des mesures de maîtrise des dépenses. Il faudrait également revenir sur des contraintes que nous avons acceptées trop rapidement, comme Bâle III ou Solvabilité II, qui pénalisent nos grandes entreprises.

La rénovation du dialogue social est en marche ; il faut aller plus loin, notamment pour les PME et les TPE. C'est la clé du pacte social, la condition de la réforme. Le pays doit se mobiliser s'il veut éviter le déclin qui le guette !

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. - Le diagnostic fait consensus. Je vous trouve même optimiste d'envisager une dette à 90 % en 2013 ! Nous entamerons les travaux pratiques dans 48 heures avec un débat sur l'orientation des finances publiques pour 2011.

La fiscalité écologique, si elle fonctionne, n'est-elle pas appelée à disparaître au fur et à mesure que changent les comportements ? Pourquoi refuser d'augmenter la TVA ? Il est temps de remettre en cause le postulat, certes politiquement correct, selon lequel certains impôts sont payés par les entreprises, d'autres par les ménages : dans une économie ouverte, tous les impôts de production ne sont-ils pas in fine payés par le consommateur ? Le poids des charges sociales est un accélérateur de délocalisations d'activité et d'emploi. Il est donc temps d'apprendre à aimer l'impôt de consommation ! Est-il juste que celui qui ne consomme que des biens importés ne participe pas au financement de sa protection sociale ?

L'idée de bons du Trésor européens est formidable, mais qui va rembourser ? Il faudrait d'abord une gouvernance européenne ! En l'état, ne serait-ce pas une fuite en avant, condamnée à l'échec ?

M. Jacques Attali. - L'impôt écologique est certes appelé à disparaître, mais de l'eau coulera sous les ponts d'ici là ! La France est l'un des pays de l'OCDE dont la fiscalité écologique est la plus faible : nous devons rattraper notre retard.

La commission n'a pas encore arrêté sa position sur la TVA. À titre personnel, j'étais plutôt favorable à une augmentation, d'autant que l'inflation est faible et qu'il faut bien trouver des recettes ! Toutefois, tous les modèles montrent qu'un point de TVA en plus, c'est un point de croissance en moins...

M. Jean Arthuis, président. - Je ne propose pas d'augmenter la TVA pour financer les retraites, mais pour compenser l'exonération de charges sociales. Si la concurrence joue, les prix sur le marché seront réduits, hors TVA, du montant des charges sociales.

M. Jacques Attali. - La question de l'impact inflationniste ne se pose pas ; le risque est celui d'une ponction sur la consommation, qui serait facteur de récession. Une hausse de TVA entamerait la croissance - et je ne parle pas de l'injustice sociale ! Hausse des recettes, baisse des prestations : de toute façon, la pilule sera amère.

Oui à une gouvernance européenne. L'Union doit pouvoir emprunter, comme elle l'a fait pour la Hongrie, la Roumanie et la Lettonie. Il y aurait fuite en avant si l'on ajoutait une dette aux dettes, mais quand une entreprise est en difficulté, elle commence par se donner de l'air ; ensuite, elle se réforme !

En 1790, les États-Unis n'avaient ni capitale, ni gouvernement stable ; les États fédérés étaient gravement endettés, au point de faire redouter une explosion... Le 26 juillet 1790, Jefferson, Madison et Hamilton décidèrent et de la capitale et de l'émission de bons du Trésor : les États-Unis étaient nés. La dette des États fut récupérée, le système rapidement assaini. Pourquoi ne serions-nous pas capables de récupérer une partie de la dette des États pour créer une puissance commune ? Il n'y aucune dette au niveau confédéral : c'est une chance !

M. Christian de Boissieu, président du Conseil d'analyse économique, membre de la commission pour la libération de la croissance française. - Nous avons déjà évoqué dans cette enceinte la « TVA sociale ». Il faut peser les avantages à long terme mais aussi les problèmes de transition. La conjoncture difficile, le brouillard ambiant poussent le taux d'épargne des ménages à la hausse. Il faut veiller à ne pas trop peser à court terme sur la croissance, alors que l'investissement productif des entreprises est toujours au point mort.

A l'instar de Jacques Attali, je considère que nous ne devons pas prendre, dans les deux ou trois ans à venir, de mesures qui risqueraient de peser sur la consommation. Quant à la structure optimale en régime permanent, la question de l'opportunité de substituer de la TVA à une part des cotisations sociales reste entière.

J'en viens maintenant à l'emprunt européen. Un consensus peut se former autour de l'idée que nous devons marcher sur deux jambes : la réduction du déficit public et une stratégie volontariste de croissance. Sans cela, nos pays iront droit dans le mur. Pour financer une telle stratégie sans création monétaire excessive, c'est-à-dire sans peser sur des concours de la BCE, nous devons utiliser l'atout de l'Europe : l'épargne. Celle-ci ne pose pas un problème de quantité, mais de qualité. En fait la question est : comment financer hors budget, si j'ose dire, une partie importante de ces dépenses afin de relever le sentier de croissance et, donc, de mordre sur le chômage ? Un emprunt européen pourrait certes avoir un impact à court terme sur le budget - cela reste à vérifier - mais le problème central est celui de la « tuyauterie » : comment canaliser l'épargne vers les dépenses d'avenir ?

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. - Nous avons déjà eu ce débat à l'occasion du Grand emprunt. Je suis frappé par le fait que les Français souscrivent seulement un tiers de la dette publique, les deux autres tiers étant respectivement portés par des investisseurs européens non français et des fonds souverains et fonds de pension extra-européens... Je n'insiste pas sur la TVA, nous en reparlerons. Pour autant, - je vous renvoie au débat sur la taxe carbone -, la fiscalité sur les entreprises n'est-elle pas toujours répercutée sur les prix aux consommateurs ?

M. Jacques Attali. - Nous pourrions discuter de ce sujet à l'infini... L'important est de trouver dès aujourd'hui entre 20 à 30 milliards d'économies ou d'impôts nouveaux par an pendant sept ou huit années.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. - D'après nos calculs, il s'agit plutôt de 40 milliards par an !

M. Jacques Attali. - La fourchette que j'indique représente déjà une somme considérable. Les mesures à prendre, que je viens de détailler, représentent un gigantesque défi. Je ne sais pas si la représentation nationale, à l'aube des vacances, a conscience que, indépendamment des circonstances électorales, la mobilisation doit être générale. Sinon, nous courons à la catastrophe. Notre rôle est de répéter qu'une telle politique est possible, chiffres à l'appui, à condition d'avoir pour souci constant la justice sociale.

M. Jean-Paul Emorine, président de la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire. - Monsieur Attali, au regard des efforts très importants des grands pays pour la recherche et développement, les moyens consacrés à cet effet dans le Grand emprunt vous semblent-ils suffisants pour libérer la croissance ?

M. Jacques Attali. - Nous travaillons étroitement avec la commission de René Ricol chargée de la mise en oeuvre du Grand emprunt. Cet instrument aura un impact intelligent sur la recherche et développement. Autres instruments efficaces, Oséo et les universités. Quant à la question de l'effort financier, la recherche privée n'est pas à la hauteur. L'État, quant à lui, joue son rôle en matière de recherche publique, malgré les difficultés, et nous nous félicitons qu'il ait suivi certaines de nos recommandations concernant le CNRS dans notre précédent rapport.

M. Jean Bizet, président de la commission des affaires européennes. - La prise de conscience est générale : chacun sait que nous ne pouvons pas continuer ainsi. En revanche, la réponse nationale à la crise ne sera pas suffisante, elle le sera moins encore demain. Ne pensez-vous pas que l'idée d'un semestre européen permettant de synchroniser l'évaluation des politiques budgétaires et structurelles des Etats membres est de bon augure pour la convergence et l'harmonie de nos gouvernances économiques ? Si nous sommes loin du fédéralisme budgétaire, une architecture a été esquissée... En outre, vous avez cité l'exemple des politiques particulièrement vertueuses menées par le Canada et la Suède, mais leurs pays voisins ne se trouvaient pas dans la même situation difficile. La France doit aujourd'hui agir dans un contexte différent.

M. Jacques Attali. - D'où l'importance d'agir avant la crise, et non sous la contrainte des événements. Par exemple, il est plus simple de réaliser des économies en période de croissance qu'en temps de crise. Quel dommage d'avoir abandonné cette très bonne idée de la cagnotte budgétaire et de l'avoir dilapidée ! Je suis très inquiet du financement de la sécurité sociale, de la manière dont les différentes caisses se financent avec des moyens dont l'orthodoxie reste à prouver.

Tant que nous n'établirons pas nos budgets nationaux en échangeant les données avec les États membres de l'Union et que nous n'aurons pas de stratégie commune avec l'Allemagne concernant le rôle de la Commission, il est difficile d'envisager une relance européenne, même si l'Europe sera l'accélérateur quand nous devrons mettre un frein au niveau national et au niveau des collectivités territoriales, principales sources de la croissance des dépenses en France.

M. Jean Bizet, président de la commission des affaires européennes. - Pour sécuriser l'approvisionnement en matières premières, n'y a-t-il pas urgence à adopter une politique européenne de l'énergie ?

Enfin, nous savons votre opposition au principe de précaution. Ne pourriez-vous pas défendre l'idée qu'il faut également inscrire le principe d'innovation dans la Constitution pour faire entrer la France dans le XXIe siècle ?

M. Jacques Attali. - L'article 5 de la Charte de l'environnement, en raison de sa rédaction trop obscure, est dramatiquement dangereux : il laisse entendre que le principe de précaution est d'application générale, collectivités territoriales comprises. Cet article ôte à l'adoption de tout principe d'innovation toute crédibilité. Je vous demande instamment de circonscrire le principe de précaution au domaine pour lequel il a été créé : l'environnement.

M. Jean Bizet, président de la commission des affaires européennes. - Nous avons observé des dérives. En réalité, l'article 5 de la Charte de l'environnement doit être lu conjointement avec ses articles 8 et 9.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. - Le premier principe de précaution, c'est l'équilibre des finances publiques !

M. Jean-Claude Carle, vice-président de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication. - Si la plupart de vos recommandations ont été suivies, avez-vous expliqué, les évolutions sont plus lentes concernant notre système éducatif si bien que nous serions aujourd'hui l'un des derniers pays européens. Pourquoi une telle inertie avec des moyens budgétaires qui ont doublé en vingt ans pour atteindre 60 milliards cette année ? S'explique-t-elle par l'organisation du système, la gestion des ressources humaines ? Ne faut-il pas accorder davantage d'autonomie aux établissements.

M. Jacques Attali. - Oui, il faut davantage d'autonomie. Les expérimentations, notamment celle menée dans la région de Grenoble, donnent des résultats formidables. Le problème majeur dont souffre notre système éducatif est de ne plus avoir l'obsession de l'égalité. Le système explose car il reproduit aujourd'hui de façon implacable les hiérarchies sociales. D'après une récente étude, les étudiants des grandes écoles viennent de quelque deux cents maternelles, les fils d'ouvriers et les autres n'y ont plus leur place. L'autonomie doit être l'instrument pour apporter aux élèves en difficulté une assistance personnalisée.

M. Jean-Pierre Fourcade. - Parmi les mesures proposées, j'aurais aimé vous entendre sur deux points importants que vous n'avez pas abordés. Premièrement, comment rendre utilisable l'épargne des ménages français - 16 à 17 % du PIB - importante, mais trop liquide et de court terme, pour financer l'investissement dans les secteurs économiques stratégiques ? Deuxièmement, comment remédier au tragique déficit de notre balance commerciale au regard des bonnes performances allemandes ?

M. Jean-Jacques Jégou. - N'y a-t-il pas contradiction entre la libération de la croissance et l'acharnement depuis de nombreuses années à maintenir la consommation via un système économique par trop redistributeur ?

M. Pierre Bernard-Reymond. - Ne devons-nous pas faire nos preuves avant d'espérer convaincre nos partenaires européens, et surtout l'Allemagne, de la nécessité d'un emprunt européen ? Durant la période de restrictions budgétaires, ne devons-nous pas craindre une hausse du niveau de chômage ? Que pensez-vous de l'abandon par le Gouvernement, à cause de l'opposition des Verts, du projet d'autoroute entre Gap et Grenoble ? Une grande entreprise de BTP française était prête à investir 2 milliards sans la moindre aide budgétaire de l'État dans ce projet créateur de richesses et d'emplois. N'était-ce pas justement la logique à promouvoir ? Enfin, mes collègues seront peut-être surpris de cette question politique, mais l'ampleur de la crise ne justifie-t-elle pas la formation d'un gouvernement de coalition ?

M. François Marc. - Après Christian de Boissieu et Jean-Pierre Fourcade, permettez-moi d'insister aussi sur la nécessité de mieux orienter l'épargne des ménages vers l'investissement productif. Ensuite, s'il faut réaliser, dites-vous, 30 milliards d'économies, prenons garde à sélectionner les dépenses à réduire en fonction du paramètre de l'emploi. Les Britanniques viennent d'annoncer que leur plan d'austérité conduira à une perte de 1,3 million d'emplois... Enfin, au nom de la justice sociale, condition nécessaire à la réussite de ce dispositif selon votre commission, vous considérez que la TVA n'est pas le meilleur levier de croissance et qu'il faut, en matière fiscale, placer l'accent sur les stocks - la rente, le foncier, l'épargne improductive -, et non sur les flux. Que préconisez-vous en matière de fiscalité sur le capital ?

M. Daniel Raoul. - Je veux, quant à moi, parler de la compétitivité de notre industrie. Le Grand emprunt ne risque-t-il pas, comme le crédit impôt recherche que les grandes entreprises ont utilisé pour faire de la recherche et développement de routine, d'être un véritable gâchis ? La recherche privée est effectivement insuffisante : elle n'atteint pas l'objectif de 1 % du PIB sur les 3 % pour la recherche que nous nous étions fixés. Pourquoi ne pas l'orienter directement vers les PME innovantes ? Autre question, la comparaison avec l'Allemagne fait apparaître un problème de structures de nos PME. Ne faudrait-il pas favoriser les regroupements pour atteindre la taille critique nécessaire à l'innovation ? Enfin, notre système éducatif. L'ascenseur social est en panne. Aujourd'hui, ni François Marc ni moi-même ne pourrions faire des études supérieures. Ce gâchis de potentiels humains pèse sur le climat social !

M. Martial Bourquin. - Les parlementaires ne sont pas en vacances... Dans mon territoire, le taux de chômage est de 13 %. Je suis assailli de problèmes sociaux. Le pire serait une croissance molle. Attention à privilégier, dans les montages, l'industrie, la recherche et développement et l'innovation trop souvent négligées depuis une décennie dans nos politiques publiques. L'épargne des ménages doit être, certes, orientée vers l'investissement. Mais quoi de plus naturel que l'épargne quand le chômage et la précarité s'accroissent ? Le mot n'a pas été prononcé mais il est sur toutes les lèvres : la confiance. L'enjeu essentiel est de la rétablir la confiance pour inciter les ménages à investir dans le secteur productif. La relance de la croissance passe aussi par l'emploi des jeunes. Les emplois-jeunes ont correspondu à un bond de croissance : une jeune au SMIC, parce qu'il doit s'équiper, consomme. L'emploi des jeunes doit donc être, pour nous, une obsession. Il y va de la justice, de l'avenir de notre pays et de la croissance. Enfin, concernant la fiscalité, une taxe carbone européenne ne permettrait-elle pas d'éviter les délocalisations ? Que pensez-vous de la fiscalité sur les mouvements de capitaux, autrement dit de la taxe Tobin ?

M. Jacques Attali. - Monsieur Fourcade, notre commission fera des propositions sur l'épargne. Je signale que la mise en oeuvre de la directive « Solvabilité II » limite la capacité des compagnies d'assurance à financer les entreprises.

Monsieur Jégou, y a-t-il trop de consommation ? Pour répondre par une boutade, tout dépend de ce que vous gagnez. Ce sujet nous renvoie à la question générale de la justice sociale.

Monsieur Bernard-Reymond, l'accent doit être mis sur les contrats d'évolution qui réduisent la durée du chômage. La flexisécurité ou la sécurité sociale professionnelle est un instrument efficace pour combattre le chômage. Concernant le dossier de l'autoroute entre Gap et Grenoble, voilà un bel exemple de ce qui manque toujours le plus en politique : le courage.

Monsieur Marc, s'agissant de l'impact des économies sur l'emploi, il faut d'abord réduire les dépenses avant de s'intéresser aux recettes. En matière d'impôts nouveaux, si notre doctrine n'est pas faite, nous pensons a priori à la taxe écologique, à la TVA appliquée au domaine social, à l'impôt sur les successions et aux impôts fonciers. Si nous en revenions à la fiscalité de 1999, nous gagnerions 5 à 6 points de PIB en recettes...

Monsieur Raoul, Mme Weissmann défend, comme vous, l'idée d'orienter les aides à la recherche et développement vers les PME innovantes.

Monsieur Bourquin, passer d'une croissance potentielle de 1,5 % à 3 % est possible. Cela est nécessaire pour l'emploi des jeunes. La confiance est la clé de la réussite. Et il n'y aura pas de confiance sans justice sociale !

M. Jean-Paul Emorine, président de la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire. - Merci de votre présence. Nous aurons le plaisir de vous auditionner une nouvelle fois lorsque votre commission rendra son rapport définitif.

Mercredi 7 juillet 2010

- Présidence de M. David Assouline, vice-président -

Mission au Brésil du 12 au 21 septembre 2009 - Présentation du rapport d'information

Au cours d'une première séance tenue dans la matinée, la commission entend la présentation de Mme Catherine Morin-Desailly sur la mission d'information effectuée au Brésil, du 13 au 20 septembre 2009 dans le cadre de l'Année de la France dans ce pays et ayant pour thème la diversité culturelle et le sport.

Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteur. - Quatre ans après le succès de « Brésil, Brésils, une année du Brésil en France », c'est la France qui a été mise à l'honneur au Brésil tout au long de l'année 2009.

En effet, le bilan de l'Année du Brésil avait été excellent. Plus de 300 manifestations ont ainsi marqué l'Année du Brésil en France en 2009, des milliers de pages dans la presse et des dizaines d'heures à la radio et à la télévision ont été consacrées à ce pays, à son peuple, à ses arts, à son histoire et à ses singularités et le public a pleinement adhéré à cette manifestation avec une participation active, témoignant d'une authentique curiosité pour cette culture et ce peuple.

Forts de ce constat, les Présidents Luiz Inácio Lula da Silva et Nicolas Sarkozy ont officiellement annoncé le 23 décembre 2008, lors de la signature du partenariat stratégique entre les deux pays, le lancement de l'Année de la France au Brésil.

L'idée était de proposer, du 21 avril au 15 novembre 2009, un ensemble d'événements culturels, scientifiques, économiques et sportifs, impliquant à la fois les institutions et la société civile, et couvrant l'ensemble du territoire brésilien, de Belem à Porto Alegre, et de Recife à Manaus, en passant par São Paulo, Rio de Janeiro, Brasilia, Belo Horizonte, Salvador de Bahia, São Luis, Macapa... Autant de noms qui font rêver, autant de villes qui ont effectivement porté, tout au long de l'année, les ambitions de l'Année de la France au Brésil.

« L'Ano da França no Brasil » avait ainsi pour objectif de montrer les différentes facettes d'un pays fort de son identité culturelle mais aussi d'un pays en mouvement : une France moderne, une France diverse, une France ouverte.

Il s'agissait d'une opération de coopération bilatérale ayant pour objet de mieux faire connaître le pays partenaire et, par cette collaboration exceptionnelle, de transformer la perception que chaque pays avait de l'autre.

Dans cet esprit, la programmation de l'Année de la France au Brésil contenait des projets couvrant les champs de la culture, de la science, de la technologie et du sport, autant de domaines qui concernent notre commission, autant de sujets sur lesquels nous nous penchons tout au long de l'année.

L'Année de la France au Brésil a aussi réuni des artistes, des responsables politiques, des entreprises, les médias et bien sûr le public.

Plus de 500 projets ont ainsi été imaginés sur tout le territoire.

Notre délégation s'est rendue au Brésil du 13 au 20 septembre dernier afin de suivre le déroulement de cette saison culturelle et d'analyser les moyens de renforcer les relations entre le Brésil et la France.

Je souhaiterais en premier lieu vous livrer un court bilan de l'Année de la France au Brésil en décrivant les modalités de son organisation et les réalisations auxquelles elle a donné lieu.

L'organisation de l'Année de la France au Brésil a incombé, en France, au ministère des affaires étrangères et européennes. Nous n'avons pu, à cet égard, que constater l'implication quotidienne des équipes de l'ambassade, sous la direction de son Excellence M. Antoine Pouilleute, ambassadeur de France au Brésil, et des services de coopération culturelle dans les villes de Rio de Janeiro et de São Paulo. Les alliances ont pris le relais là où la présence des services de l'État français est plus limité, voire absente, comme à Manaus.

Les manifestations ont été mises en oeuvre par le commissariat français de l'Année de la France au Brésil et par des équipes de CulturesFrance. Je tiens à souligner, à cet égard, le très bon travail mené par l'opérateur délégué du ministère des affaires étrangères et du ministère de la culture, dédié aux échanges culturels internationaux. Une communication de grande ampleur a sans conteste été mise en place, preuve nous en a été apportée dans chaque aéroport où nous sommes arrivés, dans les couloirs desquels des affiches de l'Année de la France au Brésil étaient très visibles.

L'organisation de l'Année de la France a été prise en charge au Brésil à la fois par le ministère de la culture et le ministère des relations extérieures. La délégation a ainsi rencontré à Brasilia les grands organisateurs de l'Année de la France, notamment le directeur des relations internationales du ministère de la culture, Bruno Melo, le responsable de la gestion des projets dans cette même direction, Rodrigo Galletti, et la directrice du département culturel du ministère des affaires étrangères, Eliane Zugaïb. Ils nous ont dit avoir été surpris par le nombre de projets à labelliser et par la montée en puissance de la manifestation au fur et à mesure de son déroulement.

Cette Année de la France a également été soutenue par d'autres structures publiques fédérales, fédérées et municipales.

Nous avons, à cet égard, eu un contact extrêmement fructueux avec l'ancien ambassadeur Roberto Soares de Oliveira, commissaire général pour l'Année de la France au Brésil dont la mission de coordination a été véritablement capitale.

Mais à chaque fois, au niveau local, nous avons aussi constaté que les collectivités étaient fortement impliquées.

Á Manaus, c'est par exemple l'État de l'Amazonie qui a soutenu des projets, notamment des concerts français au légendaire théâtre Amazonas. Roberio Braga, secrétaire à la culture de l'État, nous a ainsi relaté le succès du cycle consacré à Saint-Saëns, Berlioz et Offenbach.

Á São Paulo, c'est le très puissant « SESC Pompeia » (service social du commerce de l'État de São Paulo) qui a financé des expositions, des concerts et des spectacles français dans toute la ville et tout au long de l'année.

La municipalité de São Paulo s'est aussi fortement impliquée, comme nous l'a démontré Carlos Augusto Calil, le secrétaire municipal à la culture. Les coopérations décentralisées entre collectivités françaises et brésiliennes ont été mobilisées, notamment à São Paulo, à la plus grande satisfaction de tous.

Des institutions publiques et privées se sont également inscrites dans le mouvement.

La fondation culturelle « Palmares » à Brasilia a monté des événements ponctuels. La pinacothèque et le musée de la langue portugaise de São Paulo ont respectivement mis en place une exposition très riche sur Matisse et une exposition particulièrement originale consacrée aux mots de la langue française.

Le centre culturel « Banco do Brasil » avec l'exposition « Saint-Etienne, cité du Design » et le musée historique national avec l'exposition « Tapisserie des Gobelins » ont également pleinement joué leur rôle de mise en valeur de la culture française.

Je n'ai parlé que des quelques manifestations que nous avons eu la chance de voir, mais plusieurs centaines ont été organisées. Une liste de ces projets vous a au demeurant été transmise afin que vous puissiez constater la diversité de cette Année de la France.

La programmation a été construite par les deux commissariats autour de trois axes :

- la « France aujourd'hui » symbolisée par la création artistique, l'innovation technologique, la recherche scientifique, le débat d'idées et le dynamisme économique. Á cet égard, nous avons rencontré à Rio les participants au symposium scientifique de l'académie brésilienne des sciences et du collège de France. Ils ont été unanimes : la présence universitaire française au Brésil est riche, fructueuse et dynamique. Réciproquement, un étudiant brésilien sur quatre recevant une bourse de son gouvernement choisit la France pour poursuivre ses études supérieures. Au final, la France est ainsi le pays avec lequel le Brésil mène le plus grand nombre de projets de recherche conjoints ;

- la « France diverse » : diversité de la société française, diversité des savoir-faire, et diversité régionale. Ce sont effectivement des troupes, des orchestres et des collections de toute la France qui ont fait le voyage pour le Brésil ;

- la « France ouverte » : avec la mise en place de partenariats franco-brésiliens, et de partenariats franco-brésiliens avec d'autres pays du monde (Afrique, Caraïbes, Amérique latine).

Le foisonnement des projets a été mis pleinement au service des objectifs fixés par les organisateurs, à travers la mise en place d'une labellisation soumise à l'approbation des commissaires généraux des deux pays, les projets des opérateurs français ayant été étudiés par le commissariat français installé à CulturesFrance, et les projets émanant des structures brésiliennes ayant été étudiés par le commissariat brésilien installé à la direction des relations internationales du ministère de la culture.

Les quelques 300 projets retenus ont respecté des critères en matière de contenu et de moyens, et ont comporté, chaque fois que cela était possible, une forte dimension d'échanges et de formations, permettant une pérennisation du projet.

Le financement a été réparti de manière équilibrée entre les différents volets de la manifestation (culture, universitaire, environnemental, économique, institutionnel). Les dépenses françaises se sont élevées à environ 10,7 millions d'euros, les ressources étant issues de plusieurs entités : CulturesFrance, différents ministères, des collectivités territoriales ou des mécènes. Vous trouverez un document de synthèse sur ce sujet dans le rapport.

S'agissant de la vitalité des actions entreprises et de l'effet d'entraînement qu'elles ont pu avoir, s'agissant des constats effectués au cours de notre déplacement qui a eu lieu à la toute fin de l'Année de la France, je suis convaincue - et je pense que l'ensemble de la délégation l'est également - que l'Année de la France au Brésil a été un succès et qu'elle aura des suites.

Au-delà de ce bref état des lieux de l'Année de la France au Brésil, le déplacement de la commission dans les principales villes du pays que sont Salvador de Bahia, Manaus, Brasilia, São Paulo et Rio de Janeiro, nous ont permis de rencontrer des responsables culturels, administratifs et politiques brésiliens et d'avoir un aperçu, d'une part, du succès de l'Année de la France au Brésil, et d'autre part, de la vitalité culturelle brésilienne, laquelle constitue un point d'entrée très pertinent pour notre coopération bilatérale. Car le Brésil n'est plus seulement « un pays d'avenir qui le restera longtemps », comme l'avait dit le Général de Gaulle. Sans être forcément « le nouvel eldorado » annoncé récemment par le magazine Le Point, et au-delà de ses 190 millions d'habitants et de ses 8,5 millions de km², c'est maintenant une puissance bien réelle, une puissance émergée avec laquelle la France se doit de dialoguer et de construire un avenir.

Á cet égard, la France est déjà considérée comme un partenaire privilégié soutenant l'ambition brésilienne d'obtenir un statut international digne du rôle que le pays peut jouer. Le président de la commission de la culture, de l'éducation et du sport du Sénat brésilien, Flavio Arns, que nous avons rencontré à Brasilia, en était pleinement convaincu.

La délégation s'est demandé si ces liens étaient éphémères ou durables, si les années 2005 et 2009 constituaient des parenthèses enchantées dans les relations franco-brésiliennes ou si elles ont posé les jalons solides d'une amitié et d'une coopération prolongées.

Si la réponse ne peut encore est apportée, force est déjà de constater que les graines semées par ces années croisées trouveront un terreau favorable grâce à l'action quotidienne menées par les trois lycées français brésiliens, par un réseau d'alliances françaises le plus dense dans le monde, et par une coopération universitaire et scientifique très active.

Á cet égard, je souhaiterais saluer au nom de la mission l'ensemble des défenseurs de la culture et de la langue française que nous avons rencontrés au Brésil. La seule préconisation que nous pouvons faire est en direction de notre ministère des affaires étrangères : la diplomatie culturelle ne peut pas être le parent pauvre de nos relations bilatérales avec le Brésil, elle doit en être l'un des moteurs, l'un des leviers les plus actifs.

Plus largement, les années croisées organisées jusqu'à présent ont rencontré un réel succès. Á nous, membres de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication, de les encourager.

Vous trouverez dans le rapport d'information des développements sur le sport au Brésil dont nous avons pu mesurer l'importance, via notre visite au stade Maracaña où nous avons rencontré la secrétaire de l'État de Rio de Janeiro chargée du sport, et via la présentation qui nous a été faite de la candidature de Rio aux Jeux olympiques de 2016.

Mme Colette Mélot. - Le bilan positif de l'année de la France au Brésil constitue une bonne nouvelle. Mais quel est le poids de la langue française au Brésil et notre langue est-elle enseignée à l'école ?

Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteur. - L'enseignement du français à l'école est quasiment inexistant, sinon dans les lycées français et le pourcentage de brésiliens francophones se situe à un niveau très faible, autour de 0,5 %. La transmission de la langue française se fait principalement dans le réseau des alliances françaises.

M. Yannick Bodin. - Je remercie Catherine Morin-Desailly pour la manière dont elle a conduit la délégation. Par ailleurs, je voudrais dire qu'au-delà du succès de l'Année de la France, nous avons fait de nombreux constats et découvertes lors de ce déplacement. J'ai eu ainsi le sentiment de comprendre ce qu'est un pays émergent. Le Brésil est tourné vers l'avenir et vers l'extérieur : plus d'une cinquantaine d'ambassades brésiliennes ont été ouvertes pendant le mandat du Président Lula. La société brésilienne est multiculturelle et métissée, sans qu'aucune forme de ségrégation ne soit visible. La transformation économique et sociale est patente en dépit du nombre important de familles vivant sous le seuil de pauvreté (50 millions de Brésiliens). Le doublement du salaire minimum et la mise en place de la bourse familiale ont permis à une classe moyenne d'exister. Enfin, la culture est l'un des éléments majeurs de l'émancipation et du développement brésilien, comme le montre l'exemple des services sociaux du commerce (SESC), financés grâce à une taxe de 1,5 % prélevée sur la masse salariale des entreprises de ce secteur et dont la mission principale est de démocratiser l'accès à la culture.

Je ne peux terminer mon intervention sans parler de notre visite inoubliable au stade Maracaña de Rio de Janeiro où nous avons constaté la passion des Brésiliens pour ce sport et où nous avons assisté avec joie à la montée du club de Vasco en première division.

M. Bernard Fournier. - Le rapport présenté est de très grande qualité. En outre, je tiens à souligner la vitalité des alliances françaises, la relative bonne santé de la langue française, qui parvient à se maintenir dans ce pays d'Amérique latine, la puissance économique du pays, le courage et le dynamisme de la population, et, enfin, la sympathie qu'elle exprime à l'égard de la France.

M. Yves Dauge. - J'ai pu constater lors du Forum urbain mondial qui s'est tenu en avril 2010 que l'Année de la France a laissé des souvenirs très positifs au Brésil. Je crois qu'il faut absolument encourager l'action quotidienne de ceux qui représentent la France dans ce pays, et notamment notre culture, à savoir les services culturels des ambassades et les alliances françaises. Ils font un travail remarquable et ont besoin de notre soutien. Ils doivent également pouvoir disposer de réelles perspectives de carrière et, à cet égard, la question du statut des personnels de l'actuelle CulturesFrance n'est pas neutre.

Mme Monique Papon. - Au-delà de l'intérêt de ces déplacements pour le renforcement des relations interparlementaires, nous avons découvert un pays extrêmement riche de son métissage et de sa culture, pour lequel l'amitié avec la France n'est pas un vain mot.

Mme Françoise Cartron. - L'appétence pour la culture française, je l'ai également constatée au Chili, pays dans lequel, pour autant, l'usage de notre langue est en régression. Par ailleurs, le Chili se projette très rapidement dans l'avenir, notamment grâce aux nouvelles technologies, dont le pays est très bien équipé. Qu'en est-il de ces deux questions au Brésil ?

M. Claude Domeizel. - S'agissant de la puissance du football au Brésil, je me demandais quelle était l'action de l'État dans ce domaine, et plus largement en termes de politique sportive. Par ailleurs, avez-vous rencontré des responsables de club ?

M. Jean-Pierre Chauveau. - J'ai eu l'occasion de me déplacer au Brésil avec le groupe d'amitié et de visiter des entreprises, des exploitations agricoles, mais aussi des favelas. J'en ai tiré l'impression que le Brésil est déjà une forte puissance et que la politique sociale menée par le Président Lula, relativement bien acceptée par le patronat brésilien, est susceptible de donner une réelle solidité à ce décollage économique.

M. Pierre Martin. - Je souhaite pour ma part évoquer l'importance de l'avenir sportif brésilien puisque, d'une part, la Coupe de monde de football y sera organisée en 2014, et, d'autre part, les Jeux olympiques s'y dérouleront en 2016.

Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteur. - L'équipement en nouvelles technologies est massif dans les grandes villes brésiliennes mais l'étendue du territoire rend la tâche très complexe. S'agissant de la politique sportive, la délégation a rencontré ceux qui ont monté le dossier de Rio de Janeiro pour les Jeux olympiques et a été impressionnée, avant que le choix ait été fait, par la qualité du projet.

Enfin, la commission a autorisé, à l'unanimité, la publication du rapport de la mission sous la forme d'un rapport d'information.

Nomination d'un rapporteur

La commission nomme M. Alain Dufaut rapporteur du projet de loi n° 580 (2009-2010) ratifiant l'ordonnance n° 2010-379 du 14 avril 2010 relative à la santé des sportifs et à la mise en conformité du code du sport avec les principes du code mondial antidopage.

- Présidence de Mme Catherine Morin-Desailly, vice-présidente -

Audition de M. Louis de Broissia, président du Groupement d'intérêt public (GIP) France Télé Numérique et M. Olivier Gérolami, délégué général du GIP France Télé Numérique

Au cours d'une seconde séance tenue dans l'après-midi, la commission auditionne M. Louis de Broissia, président du Groupement d'intérêt public (GIP) France Télé Numérique et M. Olivier Gérolami, délégué général du GIP France Télé Numérique (en commun avec le groupe d'études Médias et nouvelles technologies).

M. Louis de Broissia, président du groupement d'intérêt public France Télé Numérique. - Un foyer français sur six a déjà accompli sa transition vers la télévision numérique. C'est le résultat de la loi du 5 mars 2007 relative à la modernisation de la diffusion audiovisuelle et à la télévision du futur et de la loi du 17 décembre 2009 relative à la lutte contre la fracture numérique, qui ont créé le groupement d'intérêt public « France Télé Numérique » et lui ont donné les moyens de travailler dans de bonnes conditions. Nous travaillons en étroite collaboration avec le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA), notamment avec Alain Méar qui m'a dit : « Je m'occupe du ciel, toi de la terre ». Tous les pays de l'Union européenne connaissent cette transition,  d'ores et déjà achevée en Allemagne, en Belgique, dans les pays scandinaves, et qui le sera bientôt en Espagne et au Royaume-Uni. La méthode retenue est chaque fois différente, mais l'Union a fixé pour échéance l'année 2012.

Le passage au numérique a pour avantage de libérer des fréquences, afin de permettre l'expansion de l'internet à haut débit, de la télévision en 3D, de la télévision mobile personnelle et de la radio numérique terrestre, si celle-ci voit le jour.  L'analogique occupe six fois plus d'espace.

La loi de 2007 a fixé pour date limite le 30 novembre 2011, et le CSA défini un calendrier. Le passage a d'abord concerné 20 000 personnes à Coulommiers et Kaysersberg, puis 200 000 dans la Manche, puis 2 millions en Alsace début février. Ensuite les zones concernées ont été la Basse-Normandie en mars, les Pays-de-la-Loire en mai et la Bretagne le 8 juin, à trois jours du premier match de l'équipe de France en coupe du monde... Ce sera le tour de la région Champagne-Ardenne et de la Lorraine fin septembre, du Centre et de la région Poitou-Charentes en octobre, de la Bourgogne et de la Franche-Comté en novembre, du Nord-Pas-de-Calais, de la Haute-Normandie et de la Picardie en février, de la région parisienne en mars, et enfin du Languedoc-Roussillon. Vous voyez donc que la transition s'accélère.

Je passerai rapidement sur les aspects positifs du bilan. D'après les sondages, les Français sont bien informés et équipés : 90 % d'entre eux savent que la télévision doit devenir numérique. Nous sommes très attentifs au taux de dépendance à l'analogique. Il est déjà possible d'avoir accès au numérique grâce aux paraboles, à l'ADSL, au câble ou aux premiers émetteurs installés dans toute la France, à condition d'avoir un adaptateur. Il y a deux ans, je vivais moi-même dans le quart-monde audiovisuel : je recevais tout au plus trois chaînes. Aujourd'hui, j'en capte 19 ou 20 ! Le taux de dépendance a baissé de moitié en un an, mais nous avons observé des disparités importantes entre territoires, de 5 % en Alsace à 15 % en Côte-d'Or.

Pas moins de 84 % des Français se félicitent du passage au numérique. Pour les nouveaux entrants de la TNT, on enregistre 20 % d'audience régulière. Les enquêtes de satisfaction et de mémorisation portant sur notre publicité nationale ont donné d'excellents résultats. En outre, dans chaque région, nous installons huit mois avant la transition une délégation chargée de répondre aux préoccupations des élus et des associations, puis d'animer les réunions d'information et la campagne auprès du grand public. Nous sommes particulièrement fiers des relations tissées avec les professionnels, antennistes et revendeurs, qui sont très dispersés : ceux de Basse-Normandie ne peuvent compter sur le soutien de leurs voisins de Haute-Normandie. Nous leur délivrons un agrément, et nous avons obtenu que toutes les grandes enseignes signent notre charte de déontologie.

M. Olivier Gérolami, délégué général du groupement d'intérêt public France Télé Numérique. - Pour la première fois, le groupe Leclerc a accepté de s'engager en tant que tel, alors qu'il laisse d'ordinaire ses magasins libres de leur politique. Toutes les entreprises de la grande distribution alimentaire ou spécialisée, toutes les associations de distributeurs et d'antennistes ont signé cette charte qui protège les consommateurs, notamment les personnes âgées isolées. Dans les quatre régions déjà passées au numérique, nous n'avons relevé aucun incident majeur : ni prix excessif, ni violation des droits du consommateur. Nous travaillons main dans la main avec les associations de consommateurs.

M. Louis de Broissia. - Aux commencements de la TNT, certaines entreprises encourageaient les consommateurs à jeter leurs anciens équipements : je me souviens d'un reportage de France 3 allant dans ce sens. Pourtant, tous les téléviseurs mis sur le marché après 1981 et pourvus d'une prise péritel peuvent recevoir la télévision numérique ! Depuis mars 2008, l'adaptateur est intégré.

Lors de l'extinction de l'analogique, nous n'avons pas constaté d'abus. Nous y sommes très attentifs, et alertons dans chaque département le préfet, les sous-préfets, la gendarmerie et la police.

L'extinction et le rallumage des émetteurs, sous le contrôle du CSA, n'ont pas posé de problème, sauf pour l'émetteur principal de Caen-Montpinchon où l'opérateur historique disposait d'un multiplexeur d'une puissance deux fois trop faible, ce qui pouvait empêcher les émetteurs secondaires de s'allumer. Nous lui avons fait comprendre qu'il valait mieux s'équiper de multiplexeurs de bonne qualité. Les délais ont été respectés. L'extinction a généralement lieu le lundi à minuit, le rallumage entre quatre et six heures : c'est la NEDA, nuit d'extinction de l'analogique. Dès le jour suivant, on reçoit une vingtaine de chaînes ! L'aide apportée aux foyers pour réinstaller leur antenne ou s'équiper d'une parabole s'est révélée efficace.

M. Olivier Gérolami. - Dans les quatre premières régions, nous avons mis en place progressivement divers fonds d'aide. Les foyers qui ne reçoivent plus la télévision suite au passage au numérique ont droit à 250 euros, sans conditions de ressources, pour s'acheter une parabole. Jusqu'à présent, les zones d'émetteurs non reconduits ont été rares, ainsi que les demandes. Il existe aussi une aide sous conditions de ressources, pour les foyers non assujettis à la contribution au financement de l'audiovisuel public, pour acquérir un équipement ou réaliser des travaux de réorientation ou d'adaptation des antennes râteaux. Les dossiers se multiplient, mais tout est en ordre de marche.

Nous avons également prévu une assistance technique personnalisée pour les personnes âgées de plus de 70 ans et les handicapés dont le taux d'invalidité est supérieur à 80 %. Elle est assurée par des étudiants ou des facteurs qui, six semaines avant la transition, se rendent à domicile pour brancher l'antenne, mémoriser les chaînes et expliquer comment retrouver les fréquences le jour venu. Plus de 20 000 interventions ont eu lieu au cours des six premiers mois de l'année, plus de 9 500 en Bretagne. C'est rassurant pour les intéressés et les élus. Nous formons même le personnel des associations, maisons de retraite, hôpitaux et centres communaux d'action sociale, afin qu'il puisse venir en aide à ceux qui en ont besoin.

M. Louis de Broissia. - L'assistance à domicile donne des résultats satisfaisants. En revanche, l'aide à l'équipement reste mal connue. Quant à l'aide à la parabole et à la couverture territoriale, elle vient seulement d'être définie par un décret du 30 juin 2010.

Nous travaillons en bonne intelligence avec les élus. Le président de la région Pays-de-la-Loire a même proposé que les lycéens soient sensibilisés aux questions intergénérationnelles, et le maire de Paris que des annonces soient diffusées dans le bulletin que reçoivent tous les Parisiens. Je pourrais aussi saluer l'action de Jean-François Le Grand, président du conseil général de la Manche. La presse quotidienne régionale a participé à la pédagogie, notamment le journal Ouest-France, ainsi que les chaînes de télévision publique : France 3 a été exemplaire. En revanche, je regrette que Jean-Pierre Pernaut sur TF1 et Nicolas de Tavernost sur M6 aient choisi de braquer les projecteurs sur des incidents isolés.

Je ne viens pas vous demander de l'argent : nous en rendrons même sans doute ! Mais dans plusieurs domaines, des progrès restent à faire. Il faudrait mieux identifier à l'avance les zones à problèmes : cela implique que les équipes du GIP, du CSA et des chaînes collaborent plus étroitement. Des incidents ont eu lieu à Wissembourg, à la Petite-Pierre, aux alentours de la Baule et de Saint-Nazaire, à Lisieux, dans la vallée de la Touques, la communauté de communes de la Hague... La loi oblige le CSA à publier six mois à l'avance, dans la mesure du possible, la carte des zones couvertes. Mais dans certaines régions, nous n'avons connu la couverture qu'un mois à l'avance ! Il est indispensable qu'au moins trois mois avant la transition, chaque Français sache ce qu'il en sera à son adresse.

Encore l'anticipation des risques est-elle à peu près satisfaisante. De même, immédiatement après le passage, tout se passe bien. Mais les réglages définitifs posent problème. En effet, les experts polytechniciens nous disent que le « miracle numérique » est certes dû à des lois mathématiques extrêmement fines, mais aussi à des recettes de cuisine !

Autre problème : il faut renouveler régulièrement la mémorisation des chaînes. Chez moi par exemple, France Ô a pris la fréquence d'Arte et je n'ai toujours pas réenregistré cette dernière chaîne. La manipulation paraît toute simple à un enfant de dix ans...

M. Paul Blanc. - Mais moins à une personne de soixante-dix ans !

M. Louis de Broissia. - Ou même aux gens de notre génération ! Mais nous avons mis en place des centres d'appel, et des agents se déplacent à domicile après la transition, même s'ils sont déjà venus. Il existe un numéro d'appel unique pour toutes les régions : nous avons reçu 500 000 appels depuis septembre 2009. Á plusieurs reprises, nous avons frôlé la surchauffe. Espérons que les choses se passeront bien lors du basculement simultané de deux ou trois régions ! Nos centres d'appel sont situés en France, à Gennevilliers, Châlons-sur-Saône, Strasbourg, Le Mans et bientôt Toulouse. Le centre de Gennevilliers répondra aux appels d'outre-mer à des horaires décalés.

Mais lorsqu'un problème est résolu, un autre se présente : c'est une tâche digne de Sisyphe ! Le logement collectif nous préoccupe beaucoup. La transition s'est effectuée sans difficulté dans les immeubles de logement collectif social : en Haute-Saône, toutes les antennes collectives des bailleurs sociaux ont été révisées depuis trois ou quatre mois. Nous incitons les prisons et les hôpitaux à prendre les choses en main. Partout, nous rencontrons les présidents des conseils généraux pour qu'ils veillent à l'équipement des maisons de retraite, des maisons de handicapés et des lieux qui accueillent des enfants. Á notre demande, les secrétaires d'État au logement et à l'économie numérique ont réuni les professionnels du logement pour évoquer cette question. Si la puissance augmente alors que les équipements adéquats ne sont pas installés, les filtres peuvent sauter !

Mais ce sont les brouillages d'émissions qui nous inquiètent le plus.

M. Olivier Gérolami. - Les fréquences sont un bien public rare, puisque la télévision n'est pas seule à en occuper. Pour optimiser le spectre, il a été décidé de diffuser la télévision numérique en isofréquence, alors qu'auparavant les deux émetteurs principaux de la région parisienne, par exemple, émettaient les mêmes chaînes sur des fréquences différentes. Il s'ensuit des risques de brouillages, surtout sur le multiplex R1 qui diffuse les chaînes du service public, car les émetteurs ne peuvent être pilotés par satellite à cause des programmes régionaux et locaux de France 3.

On touche là à des problèmes très complexes d'ingénierie radioélectrique, qui ne sont pas du ressort du GIP mais des chaînes et du CSA. Les brouillages observés à Wissembourg, puis à Lisieux, Pont-l'Evêque, Deauville-Trouville et dans la vallée d'Auge ont défrayé la chronique. Depuis, nous avons fait des progrès : Louis de Broissia a exigé des chaînes et du CSA une meilleure prévention des risques, et grâce à sa pugnacité et à diverses réunions d'anticipation, nous n'avons pas rencontré de problèmes aussi graves dans les Pays-de-la-Loire ou en Bretagne. Nous y veillons de très près.

M. Louis de Broissia. - Il y a eu quelques échos négatifs dans la presse. Le Journal du pays d'Auge a dénoncé notre incompétence, alors que nous n'y pouvions rien...

Je voudrais dire un mot du plan d'aide à l'installation de paraboles collectives dans les zones non couvertes par la TNT, notamment en montagne. Le décret du 30 juin 2010 prévoit une aide égale à 80 % de l'investissement, dans la limite de 100 euros par foyer et quel que soit le nombre de foyers concernés. Ainsi, pour l'équipement d'une cinquantaine de foyers à Valmanya, dans le massif du Canigou, où il vaut mieux installer une seule parabole collective que d'en hérisser les toits, l'aide atteindra 5 000 euros. Mais nous avons absolument besoin de connaître à l'avance la couverture.

Les opérateurs suivront-ils le rythme de la transition ? En Champagne-Ardenne et en Lorraine, nous n'avons obtenu que très tard les informations nécessaires. Or, trois mois à l'avance, nous lançons nos campagnes d'information ! Il serait impossible de faire durer la transition plus de deux ou trois jours : comment imaginer que l'écran reste noir une semaine entière ? Nous avons demandé ce matin même des arbitrages entre les demandes du GIP et du CSA au niveau interministériel.

Le calendrier national sera respecté : au-delà du 30 novembre 2011, nous n'aurons plus que quelques mois de travail pour suivre les dossiers et verser les aides promises. Mais les élus doivent être informés le plus rapidement possible du calendrier de la transition dans leur département. La loi du 17 décembre 2009 a rendu obligatoires les commissions départementales : c'est une très bonne chose, car la Haute-Saône n'est pas la Côte-d'Or, ni la Seine-et-Marne la Ville de Paris !

Aucune nouvelle disposition législative n'est nécessaire. Mais il faut renforcer le partenariat entre le GIP, le CSA, les diffuseurs, les chaînes et les élus : nous vous demandons d'y veiller. Nous serions heureux de revenir devant vous l'an prochain au début de l'été.

M. Paul Blanc. - Louis de Broissia et Alain Méar sont venus dans mon département, où la commission prévue par la loi s'est réunie. Il ne faut pas sous-estimer les problèmes rencontrés en montagne : sur les dix-sept relais de télévision analogique du syndicat que je préside, trois seulement diffuseront la TNT. Dans de vastes zones, on risque de se retrouver face à un écran noir : car avec le numérique, c'est tout ou rien ! Je regrette que le décret du 30 juin 2010 ne respecte pas les engagements pris par Nathalie Kosciusko-Morizet devant le Sénat : les collectivités désireuses d'installer des paraboles collectives devaient se voir rembourser une somme égale aux aides que les foyers auraient touchées séparément, mais alors que l'aide s'élève à 250 euros pour les foyers, elle n'est que de 100 euros par foyer pour les collectivités. J'y vois une forme de désengagement de l'État. Je sais bien que les temps sont durs, mais c'est vrai aussi pour les collectivités.

Pourquoi choisir des réémetteurs ? C'est bien simple : les foyers ont parfois plusieurs téléviseurs, mais une parabole ne peut en alimenter que deux, le décodeur un seul. Aucune aide n'est prévue pour les résidences secondaires ou d'accueil collectif, très nombreuses dans les montagnes. Or un réémetteur suffit pour que toute une zone soit couverte. Une fois de plus, les territoires de montagne risquent de pâtir des choix nationaux ! Il est aujourd'hui plus facile de se passer de pain que de télévision : souvenez-vous des réactions lors des tempêtes de neige... Il faudra trouver un arrangement, et sans doute reconnaître comme résidences principales les logements habités plusieurs mois de l'année, au printemps et en été.

On ne s'imagine pas les difficultés rencontrées par les personnes âgées pour utiliser la fonction recherche des chaînes par « scan ». En plus, elles ne comprennent pas que leur ancienne télécommande ne fonctionne plus mais qu'il faille utiliser celle du décodeur ! Certaines familles équipées d'un écran plat pensent pouvoir recevoir la TNT, alors que des distributeurs véreux ont continué au-delà de mars 2008 à refiler les rossignols !

M. Jean-Claude Carle. - Je n'ai pas entendu Louis de Broissia évoquer la date du passage de la région Rhône-Alpes au numérique.

Je rejoins les propos de Paul Blanc : dans les montagnes, la desserte hertzienne est difficile et coûteuse. Des collectivités ont dû financer des réémetteurs pour une quinzaine de familles lorsqu'on a voulu diffusé France 3 et M6 : alors, la diffusion hertzienne était seule possible. Mais aujourd'hui on peut diffuser la télévision par satellite, ce qui revient généralement moins cher. Il faudrait évaluer zone par zone le coût des diverses solutions. J'ai interrogé le Gouvernement lors des questions orales de mardi dernier sur l'aide accordée aux collectivités qui participent aux installations, et Nathalie Kosciusko-Morizet doit adresser une circulaire aux préfets pour qu'ils réunissent les acteurs. Dans mon département, des problèmes de fréquences pourraient se poser près de la frontière suisse.

Mme Marie-Agnès Labarre. - La Corse est-elle comprise dans la région Provence-Alpes-Côte-d'Azur pour le passage au numérique ?

M. Olivier Gérolami. - C'est une région distincte, mais la transition aura lieu au même moment, en mai 2011.

M. Yves Dauge. - Si vous venez en visite préparatoire en Indre-et-Loire, j'aimerais être prévenu et rencontrer avec vous le préfet.

M. Louis de Broissia. - En réponse à Paul Blanc, je dirai que nous avons voulu le décret le moins rigide possible. Les collectivités toucheront 100 euros par foyer, sans que le nombre de foyers soit limité. D'ailleurs, ces dépenses peuvent être couvertes par le fonds national d'aménagement et de développement du territoire (FNADT).

M. Paul Blanc. - En effet. J'étais ce matin même au ministère de l'agriculture, et j'ai obtenu la création d'un pôle d'excellence rurale pour la TNT et le haut débit.

M. Louis de Broissia. - La région Rhône-Alpes fera l'objet d'un soin particulier puisque la transition aura lieu le 14 juin 2011 dans le Rhône et le 20 septembre 2011 dans les Alpes. Nous continuerons d'ici là à allumer des émetteurs, par exemple ce 27 juillet à Chambéry.

M. Paul Blanc. - L'inconvénient est que si l'on maintient en même temps la télévision analogique, la qualité des images est moins bonne.

M. Louis de Broissia. - En effet : l'analogique bride le numérique en occupant beaucoup de place sur les réseaux.

Je suis d'accord pour dire qu'il faut évaluer le coût respectif des divers modes de réception de la télévision numérique : le Gouvernement vient de publier une étude à ce sujet, que nous réclamions auprès du comité stratégique pour le numérique.

Nous travaillons en partenariat avec l'Association des élus de la montagne (ANEM) ; je serai bientôt en Haute-Savoie et le 30 août à Aurillac.

Je tiens à rassurer Yves Dauge : nous irons prochainement en Indre-et-Loire, car la région Centre doit très bientôt basculer. Certains préfets acceptent que la commission départementale se réunisse plusieurs fois, au-delà de ce qui est prévu par le décret. Les députés et sénateurs sont systématiquement associés à nos travaux, ainsi que les présidents des conseils régional et généraux, l'association des maires et, autant que possible, les antennistes, les syndics, les bailleurs sociaux et les associations d'aide intergénérationnelle. Tous les élus reçoivent cinq ou six mois à l'avance une boîte à outils, contenant diverses informations et la mention d'un numéro de téléphone qui leur est dédié. Au moment du basculement, nous installons sur place notre quartier général et restons environ une semaine.

En outre-mer, la transition est un défi. C'est France Télécom qui en a la charge et assumera les dépenses. Nos locaux sont prêts, et nous recruterons des équipes dans chaque grande zone géographique.

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente. - Cher Louis de Broissia, nous vous remercions de ces éclaircissements.

Contrat d'objectifs et de moyens pour 2010-2014 de Radio France - Communication

La commission entend une communication de Mme Catherine Dumas sur le projet de contrat d'objectifs et de moyens entre l'État et Radio France pour la période 2010-2014.

Mme Catherine Dumas, rapporteur. - Le projet de contrat d'objectifs et de moyens (COM) entre Radio France et l'État pour la période 2010-2014 doit permettre au service public de la radiophonie de stabiliser, voire d'augmenter, ses audiences, malgré un contexte général d'érosion de l'audience du média radio, en particulier auprès des jeunes.

Grâce à la qualité et à la diversité des programmes diffusés par ses sept chaînes, Radio France constitue, aujourd'hui, le premier groupe radiophonique français avec 13,5 millions d'auditeurs quotidiens et 23,7 millions d'auditeurs sur une période de trois semaines. Le service public de la radiophonie est chargé d'assurer, au bénéfice du plus grand nombre, une série de missions historiques, résumées par le triptyque « informer, éduquer et distraire » qui fonde depuis toujours la philosophie de Radio France.

Le projet de COM qui a été soumis à notre commission s'appuie sur une stratégie ambitieuse et responsable. Il est assorti de nombreux indicateurs cibles et de suivi qui devraient permettre de contrôler efficacement l'utilisation des ressources publiques consenties au groupe. La facture de ce document tranche, ainsi, avec le projet de COM pour 2006-2009 que notre commission avait examiné il y a quatre ans et dont l'imprécision nous avait conduits à demander aux parties contractantes de revoir leur copie.

La signature de ce document stratégique revêt une importance particulière pour l'avenir de Radio France, à un double titre :

- d'une part, ce COM servira de base à la négociation avec les organisations syndicales représentatives d'un nouvel accord d'entreprise appelé à se substituer aux conventions collectives en vigueur. La direction et les représentants du personnel de Radio France auront pour mission de s'accorder sur un nouveau contrat social prenant en compte les nouvelles réalités de l'information et du divertissement radiophoniques dans un environnement numérique de plus en plus concurrentiel, en mettant l'accent sur les efforts de formation et de renforcement de la polyvalence des salariés ;

- d'autre part, ce COM prépare Radio France à affronter, en termes de moyens humains et techniques, le défi posé par le lancement de la radio numérique terrestre (RNT). À ce titre, je rappelle que notre groupe d'études « Médias et nouvelles technologies », présidé par notre collègue Catherine Morin-Desailly, a porté récemment une attention toute particulière au dossier de la RNT, dont le lancement devrait faire l'objet d'un moratoire à la demande des grandes radios. Pour autant, la réflexion doit se poursuivre pour garantir au service public radiophonique une diffusion la plus large possible couvrant l'ensemble du territoire.

Après avoir réussi à stabiliser son niveau moyen d'audience sur la période 2006-2009, Radio France s'est fixé pour objectif, dans le cadre de son deuxième COM, de maintenir, sur la période 2010-2014, une audience cumulée supérieure ou égale à celle enregistrée sur l'année 2009, soit 25,8 %.

À mon sens, le défi essentiel en termes d'audience pour Radio France consiste à lutter contre la désaffection du public jeune à l'égard du média radio. En effet, les nouvelles technologies multimédias ont bouleversé le rapport des jeunes aux médias. Traditionnellement, la radio a eu pour fonctions de proposer un traitement rigoureux de l'actualité en continu et de distraire son public en diffusant de la musique ou des émissions de divertissement. Or, ces fonctions sont de plus en plus assumées à titre gratuit par Internet, qui offre l'avantage de permettre à son public de sélectionner l'information qu'il souhaite consulter (au travers des fils de dépêches) ou la musique ou les émissions qu'il souhaite entendre.

Pour rendre son offre plus attractive auprès des jeunes, Radio France a donc pris soin de diversifier ses supports de diffusion numérique en développant des applications pour la téléphonie mobile et l'ordinateur personnel qui permettent d'écouter les stations de Radio France en streaming ou en différé par le téléchargement de podcasts ou d'audio à la demande. Le groupe public a également mis l'accent sur la refonte de sa plateforme web en modernisant les portails respectifs de ses chaînes.

Pour poursuivre une stratégie offensive de séduction du public jeune je vous propose :

- que nous recommandions à Radio France de mieux identifier les attentes de ses publics par tranches d'âge. Radio France a récemment constitué un panel d'auditeurs représentatifs de ses publics qui devrait le conduire à établir un baromètre de satisfaction de ses auditeurs. Nous devrions donc appeler Radio France à s'appuyer sur ce baromètre pour renseigner des indicateurs d'audience qualitatifs évaluant le niveau de satisfaction des jeunes vis-à-vis de programmes d'actualité et de divertissement diffusés sur des chaînes comme Le Mouv'. En effet, Le Mouv' va s'engager dans un virage éditorial significatif puisqu'à la programmation musicale s'ajoutera la diffusion de programmes d'actualité et de débats. Il faut donc étudier de près l'impact qu'aura ce virage éditorial sur l'écoute des jeunes ;

- d'encourager Radio France à renforcer le caractère multimédia de ses portails web. Lorsqu'un auditeur effectue une recherche sur le site web d'une des sept chaînes de Radio France, il devrait pouvoir disposer d'une grande variété de documents sur le sujet concerné, mêlant tous les supports, à la fois son, vidéo, image et texte. Afin d'évaluer les efforts en termes de contenus multimédias disponibles sur ses portails web, il serait ainsi utile que Radio France renseigne un indicateur de suivi mesurant la proportion de sujets traités de façon pluri-média.

Par ailleurs, les chaînes de Radio France seront appelées à soutenir la création musicale et culturelle, ainsi que les nouveaux talents, au travers de spécificités de programmation et de l'organisation de concerts et d'événements. C'est pourquoi je vous propose de recommander que le nombre de concerts enregistrés et diffusés sur France Musique et le nombre d'éditions et de coéditions fassent désormais l'objet d'indicateurs cibles et non plus d'indicateurs de suivi, afin que soient respectés des objectifs ambitieux dans ces domaines. L'accent doit en particulier être porté sur la mise à disposition en différé et sur des supports multimédias de concerts et d'événements culturels retransmis.

En outre, il est, selon moi, indispensable que soit inséré dans le COM un indicateur de suivi destiné à évaluer le rôle de Radio France comme vecteur de l'identité européenne, en mesurant le cas échéant le nombre de programmes consacrés à des sujets européens ou issus de la création européenne.

J'aimerais également insister sur le rôle que Radio France serait susceptible de jouer dans l'apprentissage des langues étrangères. Le groupe se rapproche ainsi de ses homologues européens, en particulier la Deutschlandradio et la BBC, pour multiplier les projets bilingues. Dès lors, je vous propose d'encourager Radio France dans ce sens, en introduisant dans le COM un indicateur cible fixant un objectif en nombre de programmes bilingues diffusés chaque année.

Aujourd'hui, Radio France a achevé la numérisation totale de ses moyens de production. Le défi actuel réside désormais dans la numérisation de sa diffusion et la mise en oeuvre du projet de radio numérique terrestre prévue par la loi du 9 juillet 2004 relative aux communications électroniques et aux services de communication audiovisuelle. Radio France et l'État ont indiqué, toutefois, que le calendrier de déploiement de la RNT est encore trop incertain et les coûts en jeu trop importants pour que le COM fixe avec certitude une trajectoire financière concernant la RNT.

En 2009, Radio France a poursuivi ses tests de diffusion numérique terrestre. Néanmoins, les débats se poursuivent sur le choix de la norme de diffusion et sur le coût que représenterait une double diffusion analogique et terrestre que les grands groupes de radio privés ne sont pas encore prêts à supporter.

En conséquence, le projet de COM prévoit que, pendant la première phase de développement, le financement de la double diffusion analogique et numérique s'effectuera par redéploiement au sein du budget de diffusion de Radio France. L'État et Radio France ont fixé une clause de rendez-vous pour réétudier ensemble en 2013 les besoins de financement additionnels qui seraient rendus nécessaires par le développement de la RNT.

Dès lors, je vous propose de demander à l'État que soit présenté au Parlement à la mi-2013 un rapport précisant le choix de la norme de diffusion ainsi que les phases de mise en oeuvre de la RNT par Radio France, en détaillant le montant prévisionnel des investissements devant être engagés.

En matière de gestion des personnels, Radio France s'est engagée à garantir la stabilité de ses effectifs tout en cherchant à développer des activités nouvelles, en mettant l'accent sur les redéploiements et les gains de productivité. À cet égard, le projet de COM table sur un objectif cible de la part cumulée de collaborateurs formés au multimédia et au numérique dans l'effectif total d'au moins 50 % à la fin de 2014.

À mon sens, il serait souhaitable que cet objectif soit plus ambitieux compte tenu de l'ampleur des défis qui se posent à Radio France, notamment en matière de diffusion numérique. D'ailleurs, je rappelle que l'Institut national de l'audiovisuel (INA) dispose d'une offre de formation aux technologies du numérique extrêmement performante ; il serait donc intéressant que les deux entreprises publiques poursuivent leurs partenariats dans ce domaine.

Par conséquent, je vous propose d'appeler Radio France et l'État à se fixer un objectif plus ambitieux en termes de formation des effectifs aux technologies multimédias et à la diffusion numérique, de l'ordre d'au moins 60 % des effectifs formés en cumulé sur la période 2010-2014.

Je vous propose de recommander également à Radio France de s'attacher à consolider ses ressources propres, en étudiant les pistes suivantes :

- le renforcement de ses ressources publicitaires sur Internet, dans les limites du respect de l'identité du service public de la radiophonie. À ce titre, un indicateur de suivi mesurant les recettes issues de la publicité sur Internet devrait être renseigné dans les rapports d'exécution du COM ;

- le développement des ressources issues du mécénat, pour lesquelles un indicateur de suivi devrait également être renseigné dans les rapports d'exécution du COM.

Enfin, nous pouvons nous féliciter des performances enregistrées par France Bleu, une des seules chaînes de Radio France dont l'audience a augmenté de façon significative sur la période du premier COM. Radio France portera ainsi une attention particulière au développement de France Bleu en complétant le nombre et le maillage des implantations pour offrir au plus grand nombre d'auditeurs un service public radiophonique de proximité. Une station de France Bleu a ainsi été ouverte le mois dernier au Mans et une autre verra le jour en 2011 à Toulouse.

Toutefois, afin que nous puissions avoir une idée plus précise de la gestion du coût des grilles régionales et pour mieux identifier et expliquer les éventuelles disparités entre les différentes antennes régionales de France Bleu, il serait utile, selon moi, de demander que soit renseignée chaque année dans les rapports d'exécution du COM la répartition du coût global des grilles régionales de France Bleu et des heures de diffusion. Nous serions ainsi en mesure de mieux évaluer le coût horaire de chaque grille régionale et la productivité respective des différentes antennes régionales.

En conclusion, je vous propose de donner un avis favorable à la signature du projet de COM entre Radio France et l'État pour la période 2010-2014, en l'assortissant des recommandations que j'ai formulées précédemment.

M. Jean-Claude Carle. - En ce qui concerne la publicité, comment cela fonctionne t-il ?

Mme Catherine Dumas, rapporteur. - Ce sujet a été évoqué lors des auditions. Sur France Inter, il n'y a que très peu de publicité journalière : 11 minutes contre 128 minutes sur RTL. La publicité reste par contre possible sur les sites Internet des antennes mais il faut veiller au respect de l'identité du service public radiophonique.

M. Jack Ralite. - Je reconnais la qualité de vos observations. Néanmoins, j'ai assisté à la manifestation qui a rassemblé 2 000 personnes devant Radio France à propos du licenciement des deux humoristes de France Inter et, pour cette raison, je ne voterai pas pour le présent rapport. Ce licenciement est une décision inacceptable. L'ambiance à Radio France est d'ailleurs devenue assez médiocre depuis cet événement. Bien que ce ne soit pas l'objet du rapport, on ne peut pas ne pas l'évoquer car quand on parle d'audience, le droit de rire et sourire existe bel et bien.

Mme Catherine Dumas, rapporteur. - Je comprends votre émotion et je respecte votre position. J'aimerais ajouter, en revanche, en ce qui concerne le climat social de Radio France, que les négociations collectives se passent malgré tout plutôt bien.

M. Jack Ralite. - Je tenais à évoquer ce sujet car je pense qu'il est utile de rappeler que Radio France n'est plus indépendante. Les conditions de nomination influent les pensées. Il n'y plus de discussion entre les journalistes. L'autorité se transforme en autoritarisme de la direction.

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente. - Nous prenons acte de votre remarque. J'ai, pour ma part, une question : qu'est-ce qui a été dit sur l'orchestre ? Il est financé en effet par la contribution à l'audiovisuel public et, comme cela se fait à la BBC, il serait intéressant de les voir plus souvent sur les écrans des chaînes publiques de télévision.

Mme Catherine Dumas, rapporteur. - Un travail de rénovation a été engagé et un auditorium de classe internationale devrait être opérationnel à partir de 2013 à la Maison de la Radio. Il y a un réel souci par rapport aux orchestres de les associer de plus en plus. Par ailleurs, France Musique développe des podcasts pour retransmettre en différé des concerts.

Suivant les conclusions de son rapporteur, la commission donne un avis favorable au projet de COM sous réserve de l'adoption de ses recommandations et en autorise la publication sous la forme d'un rapport d'information (les groupes socialiste et communiste républicain, citoyen et des sénateurs du parti de gauche s'abstenant).