Mardi 29 juin 2010

- Présidence de M. Jean Arthuis, président -

Régulation bancaire et financière - Audition de M. François Drouin, président du conseil d'administration d'OSEO

Au cours d'une première séance tenue dans la matinée, la commission procède à l'audition de M. François Drouin, président du conseil d'administration d'OSEO, dans la perspective du renouvellement de son mandat et sur le projet de loi n° 555 (2009-2010), adopté par l'Assemblée nationale, de régulation bancaire et financière.

M. Jean Arthuis, président. - Nous auditionnons ce matin François Drouin, président du conseil d'administration d'Oseo, pour examiner sa candidature à sa propre succession et pour évoquer le projet de loi de régulation bancaire et financière dont nous débattrons bientôt. Le poste de président du conseil d'administration d'Oseo figure dans la liste annexée à la loi relative à l'application du cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution : les commissions compétentes des deux assemblées sont invitées à émettre un avis sur les nominations envisagées par le Président de la République. La loi organique définissant les modalités d'application de ces dispositions n'a pas encore été promulguée, le Conseil constitutionnel ne s'étant pas prononcée sur sa conformité à la Constitution, mais le Premier ministre a souhaité que l'éventuel renouvellement de votre mandat se déroule conformément à la nouvelle procédure. L'audition ne sera toutefois suivie d'aucun vote. La commission des finances a déjà entendu dans ces conditions, en octobre 2009, Christophe Blanchard-Dignac et Christian Noyer, pour le renouvellement de leurs mandats de président-directeur général de la Française des jeux et de gouverneur de la Banque de France.

Tout le monde mesure l'importance qu'a acquise Oseo, établissement public issu de la fusion de l'Agence nationale pour la valorisation de la recherche (ANVAR) et de la Banque de développement des petites et moyennes entreprises (BDPME). Ses activités se divisent en trois grandes branches : le soutien à l'innovation dans les PME ou les entreprises de taille intermédiaire (ETI) au travers de sa filiale Oseo Innovation, par l'octroi de subventions ou d'avances remboursables aux meilleurs projets et la gestion du Fonds unique interministériel (FUI) d'appui aux pôles de compétitivité ; le financement des PME par des prêts « classiques » ; l'octroi de garanties en faveur des PME afin de faciliter l'obtention de prêts auprès d'autres banques. Nous savons aussi que, dès le début de la crise, l'Etat s'est beaucoup appuyé sur Oseo pour tenter de limiter son impact sur les PME.

Monsieur le Président, vous pourriez nous rappeler d'abord l'action que vous avez conduite à la tête d'Oseo lors de votre premier mandat, et les principes qui vous ont guidés dans un contexte économique très difficile. Le rapporteur général et les autres membres de la commission pourront ensuite vous interroger sur la façon dont vous envisagez votre second mandat dans l'hypothèse où votre nomination serait confirmée, et sur le projet de loi de régulation bancaire et financière qui contient des dispositions relatives à Oseo ; celles-ci figuraient déjà dans le projet de loi relatif à l'entrepreneur individuel à responsabilité limitée, mais ont été censurées par le Conseil constitutionnel au motif qu'elles constituaient un cavalier législatif.

M. François Drouin, président du conseil d'administration d'Oseo. - Oseo a pour mission l'aide à la croissance des entreprises, qui passe par le soutien à l'innovation, la garantie d'emprunts et le cofinancement. Nous travaillons toujours en partenariat avec d'autres bailleurs - banques, incubateurs, conseils régionaux - et recherchons un effet d'entraînement. De nouvelles tâches nous ont été confiées dans le cadre du plan de relance : nous sommes venus en aide à 22 000 entreprises, et le volume des prêts s'est élevé à 4,8 milliards d'euros. L'Etat nous a également chargés de gérer le fonds unique interministériel (FUI) d'appui aux pôles de compétitivité, où nous aimerions jouer un rôle plus actif. Enfin, des moyens importants nous ont été consentis dans le cadre du programme d'investissements d'avenir. En 2009, nous avons réalisé 107 209 interventions auprès de 80 000 entreprises, qui ont reçu au total 25 milliards d'euros de prêts.

Notre activité s'est accrue d'environ un tiers alors que nos effectifs sont restés constants depuis 2007, si l'on tient compte de la fusion d'Oseo et de l'Agence de l'innovation industrielle. Nos dépenses ont toujours été inférieures au budget voté par le conseil d'administration, comme l'a souligné la Commission interministérielle d'audit salarial du secteur public (CIASSP). C'est encore le cas cette année, malgré l'extension de notre périmètre d'intervention.

Nous sommes appelés à prendre des risques pour le compte de l'Etat, mais ces risques sont maîtrisés. La commission bancaire, devenue l'Autorité de contrôle prudentiel (ACP), a mené dans nos murs une inspection pendant plusieurs mois et, fait très inhabituel, elle n'a demandé de provision complémentaire sur aucun dossier. Elle considère qu'étant donné notre bonne connaissance du marché, nos décisions d'entrée en portefeuille n'appellent aucune réserve particulière. C'est le résultat d'un travail de longue haleine, entamé par mes prédécesseurs. Nous avons le souci du bon emploi des fonds publics, et sur les 25 milliards d'euros investis, seul 1 milliard provient du budget de l'Etat.

Oseo est une entreprise. Ses salariés, qui évoluent dans ce monde, savent que les entrepreneurs ont besoin de réponses rapides. Nous avons cherché à nous moderniser pour obtenir des gains de productivité : d'importants investissements informatiques nous ont permis de mettre en place des sites extranet bancaires et un autre destiné aux pôles de compétitivité, afin de renforcer la sécurité du dispositif du point de vue de l'intelligence économique. Nous avons aussi équipé le médiateur du crédit en systèmes informatiques.

Nous demandons depuis 2007 la fusion des structures existantes au sein d'Oseo, prévue par la loi de sécurité bancaire. Le maintien d'entités distinctes, issues de l'ANVAR, de la BDPME et de Sofaris, nous fait perdre du temps et de l'argent : les divers statuts du personnel obligent à tenir des comptabilités séparées, et l'intrication de nos activités à mener des opérations de refinancement interne, dont certaines sont soumises à la TVA... Je me refacture ainsi 45 millions d'euros par an ! C'est une tâche évidemment improductive. Il faut y ajouter la présence de 135 administrateurs, d'un grand nombre de délégués syndicaux, de trois comités d'entreprise... Tout le monde s'accorde à dire que cette situation est stérile.

M. Philippe Marini, rapporteur général. - Quelles économies annuelles attendez-vous d'une fusion, et combien y aurait-il de salariés protégés et de représentants du personnel en moins ?

M. François Drouin. - A terme, nous en attendons 4 millions d'euros d'économies par an, 2,5 millions si l'on déduit les frais occasionnés par l'ajustement des salaires et des conditions de travail. Si la loi était appliquée strictement, le nombre de salariés protégés passerait de 130 à 60, mais nous prévoyons une phase intermédiaire où il serait de 90.

Je ne doute pas que cette fusion intervienne sous peu : le Conseil constitutionnel n'a censuré cette disposition que pour la forme, non sur le fond. Elle a été réintroduite dans le projet de loi de régulation bancaire et financière que l'Assemblée nationale a déjà voté et que le Sénat examinera en septembre. Je souhaite que la fusion ait lieu avant le mois de novembre, pour qu'elle soit prise en compte dans l'exercice 2010. Le personnel est las d'attendre. Tous les salariés n'ont pas la même rémunération ni les mêmes conditions de travail. Certes, nous pourrions harmoniser les statuts par avance, mais dans le cadre de la fusion les termes de la négociation seront plus favorables. Celle-ci sera facilitée par le fait que les salariés les moins bien payés sont aussi ceux qui ont droit aux plus longs congés.

Aujourd'hui, notre premier objectif est de favoriser la reprise. Nos principes d'intervention peuvent se résumer par les « trois I » : investissement, international, innovation. Nous cherchons en particulier à favoriser le développement international des PME et ETI ; nous faisons d'ailleurs partie de « l'équipe de France de l'export », sous la houlette d'UbiFrance. Nous avons aussi conclu des partenariats avec l'étranger. Oseo est devenu un modèle : nous recevons de nombreuses délégations étrangères qui nous demandent parfois de l'aide pour monter un organisme semblable dans leur pays.

M. Philippe Marini, rapporteur général. - Quels sont les pays concernés ?

M. François Drouin. - Les pays du Maghreb, l'Afrique du Sud, le Liban, Madagascar, le Japon, l'Allemagne, la Jordanie, la Roumanie, le Congo, le Gabon, la Bulgarie et la Corée du Sud. Nous avons également signé des partenariats avec la Russie, le Canada, le Brésil, Israël et le Mexique, et nous le ferons bientôt avec le Japon, la Chine et les Etats-Unis. Le système de garantie des prêts est précieux mais long à mettre en place ; l'aide à l'innovation intéresse de plus près nos partenaires.

De nouveaux outils financiers pourraient être créés. J'ai fait l'expérience du succès des obligations foncières sécurisées créées par le législateur en 1999 ; un produit du même ordre pourrait être créé pour financer les PME et les ETI. Nous pourrions prendre exemple sur l'Allemagne et sur l'Espagne, en veillant toutefois à fixer un cadre légal suffisamment robuste. A la demande de Christine Lagarde, Oseo encourage également les entreprises moyennes à se regrouper pour émettre des obligations et obtenir des prêts aux mêmes conditions que les grands groupes.

M. Jean Arthuis, président. - Quel est exactement le montage juridique de telles obligations groupées ?

M. François Drouin. - Plusieurs ETI se constituent en syndicat pour émettre des obligations et présenter ainsi une offre plus alléchante aux investisseurs, dont l'aversion au risque est bien connue. Les entreprises concernées sont parfois une cinquantaine. Après avoir analysé les risques et défini des tranches - junior, senior, etc. -, Oseo garantit la part la plus sécurisée de ces obligations. Leur prix varie naturellement en fonction des risques qu'elles présentent. Oseo a déjà mené sept opérations de ce type.

En ce qui concerne les obligations sécurisées pour les PME, Oseo pourrait dans un premier temps en acheter, avant de passer la main à d'autres banques. La création des obligations foncières sécurisées en 1999 a permis de sauver le Crédit foncier de France et d'en faire le septième émetteur mondial : il lève aujourd'hui près de 20 milliards d'euros par an, principalement en Asie. De tels produits permettent ainsi de drainer l'épargne mondiale. Certes, des obligations sécurisées destinées au financement des PME ne seraient pas aussi populaires que les obligations foncières sécurisées, adossées à un riche patrimoine immobilier, mais elles pourraient constituer une source de financement non négligeable.

M. Philippe Marini, rapporteur général. - Vous avez été président du directoire d'une caisse d'épargne régionale, puis du Crédit foncier de France, et c'est à ce titre que je m'adresserai d'abord à vous. L'article 20 du projet de loi de régulation bancaire et financière prévoit de créer, en plus des anciennes obligations foncières sécurisées, un nouveau produit destiné aux sociétés de financement de l'habitat. Quel est votre avis d'expert sur cette nouveauté qui ne me paraît pas anodine ? Peut-être pourriez-vous nous faire parvenir par écrit une contribution.

Vous êtes aujourd'hui président du conseil d'administration d'Oseo, dont je ne sais si c'est une entreprise ou un guichet de distribution. Comment créer des obligations sécurisées destinées au financement des PME ? Dans le domaine foncier, les obligations sont adossées à des actifs dont la valeur est estimée par des tiers indépendants. La loi prescrit en outre un surdimensionnement, puisque la valeur des obligations émises ne peut excéder une certaine fraction de la valeur des biens qui les garantissent. Des obligations destinées aux PME pourraient-elles être soumises à de telles sûretés ?

Je suis à la recherche d'idées neuves. Le projet de loi que nous allons bientôt examiner s'intitule bravement « projet de loi de régulation bancaire et financière », mais pour l'heure ce n'est guère qu'un texte portant diverses dispositions d'ordre économique et financier (DDOEF)... Il contient des mesures utiles, comme la fusion des organes internes à Oseo qui permettra d'économiser 2,5 millions d'euros par an, mais il est très insuffisant pour répondre à une crise aussi fondamentale de notre système financier. Quelles sont selon vous ses dispositions les plus importantes ?

Oseo est financé en partie par des crédits de fonctionnement et d'intervention qui compensent les pertes inhérentes à certaines activités. Le groupe a perçu, en 2009, 159 millions d'euros pour Oseo Innovation et 850 millions d'euros pour Oseo Garantie. Mais l'Etat réduit aujourd'hui ses dépenses. Quelles ressources escomptez-vous l'année prochaine, et comment entendez-vous contribuer à l'effort de rééquilibrage des comptes publics ?

M. François Drouin. - Je n'ai pas examiné l'article 20 du projet de loi, mais je vous ferai connaître mon appréciation par écrit. Quoi qu'il en soit, les obligations foncières n'ont rencontré un tel succès depuis 1999 que parce qu'elles sont encadrées par la loi et offrent ainsi une grande sécurité aux investisseurs. Mme Wu Xiaoling, ancienne vice-gouverneur de la banque centrale chinoise, disposait chaque jour d'un milliard de dollars à investir ; quand elle voulut diversifier ses placements en se réorientant vers la zone euro, au lieu de n'acheter que des obligations d'Etat, elle rechercha des emprunteurs privés dotés de la notation AAA. Elle se tourna alors vers le Crédit foncier, où elle promit d'investir 1 milliard d'euros par an, car ce placement lui paraissait très sûr : les souscripteurs d'obligations sécurisées jouissent du statut de créanciers privilégiés et se font payer avant les salariés et les autres créanciers en cas de faillite. Le Crédit foncier émit ainsi en février 2006 des obligations d'une durée de cinquante ans au taux de 3,86 %, pour un montant de 2 milliards d'euros ! En contrepartie, il a dû se soumettre à des contraintes pénibles, puisque des experts indépendants, qui travaillent dans ses murs, sont chargés de vérifier la valeur des garanties. En outre, comme l'a rappelé le rapporteur général, une règle de surdimensionnement lui est imposée.

Des obligations sécurisées pourraient être créées à destination des PME, à condition que des contraintes sévères leur soient imposées. Peu importe si le surdimensionnement est encore plus important !

Pendant quelque temps, on a pu douter de l'efficacité du système. En 2005, la BNP émit depuis Londres des covered bonds à peu près équivalentes aux obligations sécurisées françaises, mais moins encadrées ; les investisseurs ne semblaient y voir aucune différence, et l'écart de prix entre les titres est resté faible jusqu'en 2007, d'environ cinq points de base. Mais sitôt la crise venue, l'écart atteignit 35 points de base ! Les investisseurs cessèrent de souscrire des covered bonds, alors que les obligations foncières continuèrent à être émises jusqu'au 8 septembre 2008, quasiment à la veille de la faillite de Lehman Brothers.

M. Philippe Marini, rapporteur général. - Ce qui nous est proposé à l'article 20 du projet de loi de régulation bancaire et financière, c'est donc un ersatz d'obligation foncière... Comment envisagez-vous de sécuriser des obligations destinées aux PME ?

M. François Drouin. - Sur ce point, je puis vous faire parvenir dès aujourd'hui une note que j'ai rédigée en février 2008 à l'attention du ministère.

Nous avons été généreusement dotés en 2009 pour faire face à la crise, et nous sommes bien conscients qu'il n'en sera plus de même l'an prochain. Nous cessons peu à peu de soutenir la trésorerie des entreprises, et les marchés prennent le relais. Mais nous aimerions avoir le droit de garantir les emprunts des ETI, qui contribuent le plus à l'emploi et à la croissance. Dans le domaine du soutien à l'innovation, nous pâtissons du développement du crédit d'impôt recherche, dont les effets sont appréciables, mais qui coûte si cher que l'Etat ne peut augmenter les moyens d'Oseo. Note budget d'innovation ne représente pourtant qu'une goutte d'eau par rapport au coût du crédit d'impôt recherche : 159 millions d'euros contre plusieurs milliards ! En corrigeant certains abus liés à cette incitation fiscale, l'Etat pourrait peut-être dégager quelques fonds pour des aides « discernantes ».

M. Philippe Marini, rapporteur général. - A quels abus songez-vous ?

M. François Drouin. - Un banquier de mes amis fut un jour surpris d'apprendre qu'il avait droit au crédit d'impôt recherche pour mener des travaux dans sa salle des marchés : il avait été contacté par une de ces officines souvent créées par d'anciens fonctionnaires du fisc, qui lui proposait d'accomplir à sa place les formalités nécessaires, en contrepartie de 35 % du gain obtenu... Si un établissement avait demandé à Oseo un prêt pour améliorer les conditions de travail de ses traders, il aurait été éconduit ! Nous accordons des prêts d'un montant limité, mais nous le faisons avec discernement et à condition qu'ils aient un fort impact sur l'activité des entreprises.

M. Jean Arthuis, président. - Quand viendra le temps de limiter les niches fiscales, nous n'oublierons pas le crédit d'impôt recherche, qui s'est révélé admirablement efficace puisqu'en 2009 son assiette a augmenté de 150 millions d'euros et la dépense fiscale de 2,5 milliards...

M. Philippe Adnot. - Avec le recul, que pensez-vous des tentatives faires par des PME pour se regrouper et émettre ensemble des obligations ? Que se passe-t-il si une entreprise veut s'exclure de l'association ?

Oseo est souvent aux avant-postes du soutien à l'innovation et aide de jeunes entreprises à démarrer. Pensez-vous disposer à l'avenir des moyens nécessaires ?

Contribuez-vous au financement des démonstrateurs d'innovations ?

M. Joël Bourdin. - Comment votre comité d'engagement fonctionne-t-il, et de quelle autonomie jouit-il ?

Oseo prend naturellement des risques. Quels furent, au cours de votre mandat, vos principaux sujets de gloire et de tristesse ?

J'ai été chargé de plusieurs rapports relatifs au secteur agricole et notamment à l'Institut national de la recherche agronomique (Inra). Il existe un fort potentiel de recherche dans ce domaine. Oseo soutient-il l'innovation agro-alimentaire ?

M. Jean Arthuis, président. - Lorsque l'ANVAR, la BDPME et Sofaris auront fusionné avec Oseo, quel sera le capital social de l'entreprise, et suffira-t-il à faire face aux exigences de l'accord dit « Bâle III » ?

M. François Drouin. - Lorsque plusieurs entreprises se regroupent pour lever des fonds, elles sont en mesure d'émettre des obligations à dix ans et obtiennent souvent un différé de remboursement. Je ne puis vous dire précisément ce qu'il advient si une entreprise veut racheter ses obligations par avance, mais je suppose que les conditions sont les mêmes que pour les obligations ordinaires : le rachat anticipé est subordonné au versement de pénalités.

Notre dotation destinée à soutenir l'innovation reste stable alors que nos missions se sont élargies suite à la fusion d'Oseo et de l'Agence de l'innovation industrielle et depuis que le Gouvernement nous a confié la gestion du FUI. Pourtant l'innovation est indifférente à la crise. Prenons l'exemple de l'inventeur d'un nouveau traitement contre le diabète : crise ou non, il cherchera à le diffuser.

Nous ne participons pas au financement des démonstrateurs : l'Ademe et d'autres institutions s'en chargent.

M. Philippe Marini, rapporteur général. - A fonds perdus !

M. François Drouin. - Comme vous, je n'ai jamais été très enthousiaste à ce sujet. La recherche consiste à transformer de l'agent en idées : c'est un processus technology push. L'innovation au contraire consiste à transformer une idée en argent : processus market pull. Le problème est de raccorder les deux. Si aucun chef d'entreprise ne perçoit l'intérêt commercial d'une découverte, on crée un démonstrateur et l'on embauche quelques publicitaires, mais cela ne suffit pas ! Il faut rapprocher le monde de la recherche du monde de l'entreprise : la France avait à cet égard un retard considérable qu'elle est en train de combler. Nous investissons 30 milliards d'euros par an dans la recherche, mais nous devrions faire un effort supplémentaire pour stimuler l'innovation !

M. Philippe Adnot. - Je suis en désaccord avec M. Drouin sur ce point, mais cela ne m'empêche pas de souhaiter que son mandat soit renouvelé.

M. François Drouin. - Je vous en remercie.

Nos décisions d'engagements sont prises de manière autonome et décentralisée : 85 % d'entre elles sont prises par nos organes régionaux. En 2008 et 2009, nous avons fait face à un afflux considérable de demandes, mais personne ne nous force la main.

Notre exposition au risque est maîtrisée, comme l'a reconnu la commission bancaire. J'en veux pour preuve qu'après la crise financière terrible et la crise économique sévère que nous avons traversées, nos pertes restent inférieures à celles de 1993, malgré un grand nombre de faillites. Certes, nous serons encore confrontés à des risques dans les années à venir.

Vous m'avez interrogé sur mon plus grand sujet de gloire. J'ai déjeuné hier avec les responsables d'une entreprise de Bernay qui fabrique des films plastiques entourant des bouteilles et compte plus de 200 salariés.

M. Joël Bourdin. - Elle a évité de peu la faillite il y a quelques années !

M. François Drouin. - En effet, mais elle se porte aujourd'hui très bien et fait partie de la communauté Oseo-Excellence, qui regroupe les 2 000 entreprises les plus performantes de nos clientes, celles qui stimulent la croissance du pays et que nous voulons encourager.

L'un de mes sujets de tristesse, c'est que l'insuffisance de nos dotations nous contraigne parfois à reporter des projets. Je regrette aussi qu'il ait fallu si longtemps pour mettre en oeuvre la décision, prise par le Président de la République en décembre 2007, de fusionner les entités internes à Oseo, et que dans la gestion du FUI notre rôle soit encore subalterne. Ce fonds, qui accorde des subventions de 200 millions d'euros par an, fonctionne aujourd'hui de manière très laborieuse.

M. Philippe Marini, rapporteur général. - D'où viennent les résistances à la fusion ?

M. François Drouin. - Ce ne sont pas des individus mais le système qui freine les réformes, car chacun défend sa chapelle.

Sur nos interventions dans le secteur agro-alimentaire, dont l'importance est grande dans notre pays, je vous propose, monsieur Bourdin, de vous faire parvenir une brochure. Nous travaillons en collaboration avec l'Inra, dont la présidente directrice générale, Mme Marion Guillou, est membre du conseil d'orientation d'Oseo.

Nos fonds propres s'élèvent aujourd'hui à 1,5 milliard d'euros, ce qui ne nous permet même pas de respecter les normes « Bâle I ». L'ACP nous a d'abord accordé jusqu'au 30 juin pour atteindre le taux de 8 % des risques de crédits, et le Parlement a voté une rallonge de 500 millions d'euros dans le cadre du grand emprunt. La Caisse des dépôts et consignations, en revanche, n'envisage pas de contribuer à cette recapitalisation. Dans ces conditions, l'ACP a reporté l'échéance au 31 décembre.

M. Philippe Marini, rapporteur général. - Cela laisse des doutes sur l'indépendance de la Banque de France : l'ACP aurait-elle accordé le même délai à un établissement privé ?

M. Jean Arthuis, président. - Combien manque-t-il à Oseo ?

M. François Drouin. - Dans le cadre du grand emprunt, il est prévu de nous accorder 140 millions d'euros en plus du produit de la taxe sur les bonus bancaires, dans la limite de 360 millions d'euros. Mais cette taxe ne devrait en fait rapporter qu'environ 300 millions : le total ne s'élèvera donc qu'à 440 millions. Dans ces conditions, nous atteindrons vite le seuil de 8 %.

M. Philippe Marini, rapporteur général. - Oseo peine donc à respecter des règles qui n'existent plus !

M. François Drouin. - Si l'on exigeait de nous un taux de fonds propres de 10 %  - ce qui pourrait être légitime étant donné que nous n'intervenons que sur un seul marché, qui plus est risqué, celui des PME -, l'Etat devrait doubler la mise.

M. Jean Arthuis, président. - Il manque donc 1 milliard d'euros. Vous pourriez conditionner votre candidature à l'octroi d'une enveloppe supplémentaire !

M. François Drouin. - La CDC finance traditionnellement la moitié des prêts que nous consentons, mais refuse d'entrer dans notre capital.

M. Philippe Marini, rapporteur général. - Lorsque je siégeais à la commission de surveillance de la CDC, je fus témoin d'une forme de schizophrénie : la CDC détenait une partie du capital de la BDPME sans vouloir à aucun prix être actionnaire de référence, et développait concomitamment des produits en partenariat avec cette banque !

M. François Drouin. - La CDC finance, je l'ai dit, la moitié de nos prêts, mais nous devons trouver le reste ailleurs. Nous souhaitons émettre sur les marchés financiers, et nous avons besoin de fonds propres respectables pour recevoir la notation AAA et obtenir des financements à des conditions avantageuses. C'est dans l'intérêt de notre actionnaire, l'Etat, car nous serons alors plus efficaces.

M. Jean Arthuis, président. - Je ne crois pas trahir l'opinion de mes collègues en disant que nous avons tous été impressionnés par l'action d'Oseo au cours de la crise, sous votre autorité. Nous avons bien noté que vous seriez mieux satisfait si les fonds propres de votre établissement étaient renforcés. Enfin, nous sommes à l'écoute de vos suggestions au sujet du projet de loi de régulation bancaire et financière.

- Présidence de MM. Jean-Jacques Jégou, vice-président, et Jean Arthuis, président -

Règlement des comptes et rapport de gestion pour l'année 2009 - Examen du rapport

Au cours d'une seconde séance tenue dans l'après-midi, la commission procède tout d'abord à l'examen du rapport de M. Philippe Marini, rapporteur général, sur le projet de loi n° 585 (2009-2010), adopté par l'Assemblée nationale, de règlement des comptes et rapport de gestion pour l'année 2009.

M. Philippe Marini, rapporteur général. - En 2009, la croissance a été de - 2,6 points ; cette récession, certes moins forte que dans d'autres États européens, est toutefois la pire qu'ait connue la France depuis la Seconde Guerre mondiale. Elle se traduit par un taux de chômage de 10 %, contre 11,7 % en 1994. Sur le long terme, notre taux de chômage fluctue entre 7 % et 12 %.

Comparons l'exécution aux prévisions. Le premier programme de stabilité 2009-2010, transmis en novembre 2007, anticipait un déficit de 1,7 point de PIB. Le projet de loi de finances pour 2009, déposé dix jours après la faillite de la banque Lehman Brothers, prévoyait un déficit de 2,7 points ; le deuxième programme de stabilité pour 2009-2012, transmis à la commission européenne le 22/12/08, tablait sur 3,9 points ; la loi de programmation des finances publiques du 9 février 2009, sur 4,4 points ; in fine, l'Insee a établi le déficit pour 2009 à 7,5 points de PIB.

En 2009, le besoin de financements de l'État est passé, au sens du traité de Maastricht, de 55,5 à 117,6 milliards d'euros. Celui de la sécurité sociale, de 0,9 à 24 milliards ! Seules les administrations locales voient leur besoin de financement consolidé baisser, de 8,5 à 5,5 milliards. Cette situation est plutôt à mettre sur le compte du plan de relance, et notamment de la mesure d'accélération des versements du FCTVA. La Cour des est excessive en voyant dans ce dispositif un simple effet d'aubaine : cela relativise d'autres appréciations exagérément sévères de son dernier rapport ! L'impact de la gestion des collectivités territoriales sur le déficit global est donc inférieur à celui de 2007. Mais, il est vrai qu'elles ne vivraient pas sans les transferts de l'État...

Le plan de relance était initialement de 26 milliards d'euros. Le Parlement l'a porté à 26,6 milliards. Le plan définitif est de 37 milliards, voire de 38 milliards en exécution. Le président Arthuis y reviendra en tant que rapporteur spécial... En décembre 2008, le Gouvernement disait attendre du plan de relance 0,6 points de PIB supplémentaires ; selon des économistes indépendants, son impact réel serait de la moitié... Les mesures keynésiennes de soutien à l'activité ne représentent que 15 milliards sur 38 ; le reste est consacré au soutien à la trésorerie des entreprises. De fait, les défaillances d'entreprises ont été moins fréquentes qu'en 1993-1994, et moins nombreuses qu'on pouvait le craindre. La comparaison intra-européenne est à notre avantage, grâce aux mesures du plan de relance et à la réforme de la taxe professionnelle, qui a abondé la trésorerie des entreprises de 12 milliards d'euros - mesure autrement plus puissante que le médiateur du crédit ou autres procédures d'urgence !

L'impact de la crise sur l'exécution de la loi de finances pour 2009 a conduit à une dégradation sans précédent du solde budgétaire de l'Etat. Les recettes nettes de son budget n'ont couvert que 56 % de ses dépenses nettes, contre 80 % en 2008. L'effondrement des recettes fiscales - de 46 milliards d'euros - est imputable pour moitié à la dégradation de la conjoncture, pour un tiers au volet fiscal du plan de relance et pour 15 % à des mesures discrétionnaires. Sauvegarder les recettes et contrôler la dépense fiscale sera l'un des grands enjeux des mois à venir !

Le plan de relance s'est révélé sensiblement plus coûteux que prévu. Le coût des mesures fiscales est évalué à 16,7 milliards d'euros, bien plus que les 10,3 milliards prévus. L'allègement d'impôt sur le revenu en faveur des contribuables relevant de la première tranche du barème représente 0,9 milliard supplémentaire ; le relèvement du crédit d'impôt recherche coûte 4,2 milliards, et non 3,8 milliards comme prévu. Le crédit d'impôt pour le report en arrière des déficits, 5 milliards - on est loin de la prévision de 1,8 milliard ! Le remboursement des crédits de TVA, 6,5 milliards, alors que la prévision était de 3,6... Ces écarts entre les estimations et la réalité posent une fois de plus la question des moyens dont dispose le Parlement, appelé à voter sur la base d'éléments fournis par le Gouvernement : il faudrait que le Parlement se dote d'une base de données indépendante, de moyens d'expertise pour relativiser ces incertitudes !

M. Jean-Jacques Jégou, vice-président. - C'est une réflexion récurrente. Si cela ne dépend que du Parlement, que ne le faisons-nous ?

M. Philippe Marini, rapporteur général. - Si le Parlement le voulait vraiment, il le pourrait !

M. Philippe Dallier. - Nous avions voulu doter la commission d'outils informatiques pour simuler l'impact de différentes mesures sur les collectivités locales, avant de conclure, après avoir pris attache avec les ministères concernés, que c'était impossible...

M. Philippe Marini, rapporteur général. - Nous n'avions pas été au bout de la démarche !

M. Philippe Dallier. - Cela supposerait des moyens très importants en personnel et en matériel...

M. Jean-Jacques Jégou, vice-président. - Il faudrait déjà une volonté politique !

M. Philippe Marini, rapporteur général. - Nous avons beaucoup de mal à obtenir des réponses, par exemple sur l'impact de la réforme de la taxe professionnelle.

Par rapport à 2008, le coût des dépenses fiscales associées à l'impôt sur le revenu a augmenté de 3,6 milliards : 600 millions pour le crédit d'impôt développement durable, 800 millions pour le crédit d'impôt sur les intérêts d'emprunt, 1 milliard pour l'exonération d'impôt sur le revenu sur les heures supplémentaires. Cette « mauvaise herbe fiscale » ne cesse de s'étendre : hors plan de relance, les dépenses fiscales ont augmenté de 6 % par rapport à 2008.

En matière de dépense, la règle du zéro volume est à peu près tenue : d'exécution à exécution, la dépense de l'État progresserait de 0,4 % en valeur et de 0,3 % en volume, hors plan de relance. Paradoxalement, la très faible inflation n'a pas aidé... La comparaison entre prévision et exécution montre toutefois que la gouvernance de la dépense de l'État n'a pas été aussi efficace qu'anticipé.

Divine surprise, la charge de la dette a été inférieure de 5,3 milliards d'euros aux prévisions. Preuve une nouvelle fois de « l'insoutenable légèreté » de la dette de l'Etat, alors que celle-ci explose ! Cette aubaine a permis de compenser la hausse des prélèvements sur recettes à hauteur de 1,2 milliard, de rembourser 2 milliards à la sécurité sociale, de compenser des sous-budgétisations dans le domaine social : aide médicale d'Etat (AME), allocation parent isolé (API), allocation adulte handicapé (AAH), etc. Il faut ajouter quelques 400 millions pour la grippe A - dont les finances publiques auront été la principale victime ! -, 110 millions pour le plan exceptionnel de soutien à l'agriculture, 19 millions pour l'Office national des forêts, des dépenses en vue de la construction du nouveau Palais de justice de Paris...

Mme Nicole Bricq. - Cela fait vingt ans que nous l'attendons !

M. Philippe Marini, rapporteur général. - Les mêmes économies permettent de respecter les plafonds de la loi de programmation du 9 février 2009.

La diminution des effectifs de l'État est moindre que ce qui était prévu en loi de finances initiale. Si, en année pleine, les suppressions de poste doivent produire une économie budgétaire de 800 millions d'euros, la masse salariale progresse dans le même temps de 1,7 milliard d'euros, entre mesures catégorielles, mesures générales, glissement vieillesse-technicité et autres. Les dépenses sont donc en progression nette de 860 millions d'euros.

Le pourcentage d'objectifs atteints sur l'ensemble des missions du budget général diminue, de 47 % en 2008 à 44 %. En outre, 12 % des indicateurs de performance ne sont pas renseignés, et donc inexploitables. Quatorze missions, représentant 69 % des crédits, remplissent entre un quart et la moitié de leurs objectifs ; quinze, représentant 31 % des crédits, entre la moitié et les trois quarts de leurs objectifs. Au tableau d'honneur, les missions « Relations avec les collectivités territoriales », « Médias », « Action extérieure de l'État » et « Sport, jeunesse et vie associative ». Au contraire, les missions « Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales » et « Sécurité » voient leur performance se dégrader le plus. La mise en oeuvre des indicateurs de performance est-elle bien conforme à l'esprit de la LOLF ? Ne revient-on pas à une mécanique purement formelle ?

Le besoin de financement de l'État, estimé à 179,6 milliards d'euros en loi de finances initiale pour 2009, s'est finalement établi à 246,2 milliards en exécution, soit une augmentation de 37 %. Cette augmentation sans précédent trouve son pendant dans les révisions opérées en cours d'année sur le programme de financement à moyen et long terme de l'Agence France Trésor - une première depuis 1993.

L'encours de dette négociable a augmenté dans un contexte de taux d'intérêt historiquement bas, avec un taux moyen à l'émission des bons du Trésor à taux fixe (BTF) de 0,70 % en 2009, contre 3,61 % en 2008, et des taux moyens et longs stabilisés à un très bas niveau. L'inflation a également été extrêmement faible : M. Trichet peut être satisfait.

M. Jean Arthuis, président. - Il n'y est pas pour grand-chose !

M. Philippe Marini, rapporteur général. - Ces éléments ont contribué à un phénomène d'« apesanteur financière ». La charge nette de la dette négociable s'établit à 37,6 milliards d'euros en exécution, contre 44,5 milliards en 2008, soit une baisse de 15,5 %.

La valeur nominale de l'encours de la dette négociable atteint 1 133,48 milliards d'euros fin 2009. La structure de cette dette a également évolué : fin 2009, la dette à court terme représentait 18,9 % du total, contre 7,6 % de 870 milliards fin 2006 ! Nous ne cessons de nous sensibiliser à un éventuel retournement des taux.

M. Jean Arthuis, président. - Cette proportion a du évoluer avec le grand emprunt ?

M. Philippe Marini, rapporteur général. - À supposer qu'il soit concrétisé ! Il y a eu émission pour une dizaine de milliards.

M. Jean-Pierre Fourcade. - Les taux des bons du Trésor à un an ont encore baissé, à 0,57 % contre 0,70 % l'année dernière.

M. Jean Arthuis, président. - En fin d'année, le taux était de 0,40 % !

M. Jean-Pierre Fourcade. - Sur le total des obligations assimilables du Trésor (OAT) et des bons du Trésor à intérêts annuels (BTAN), on a fait environ 126 milliards d'euros au cours du premier semestre, dont un emprunt à cinquante ans.

M. Jean Arthuis. - Remboursable dans cinquante ans : c'est de l'intergénérationnel !

M. Philippe Marini, rapporteur général. - Le résultat patrimonial de l'État s'établit à - 98 milliards d'euros, contre - 69 milliards en 2008. Il est imputable à la chute des recettes fiscales et à l'augmentation des transferts, notamment au profit des opérateurs de l'État dont les subventions augmentent de 7 milliards, traduction de la réforme des universités ou du Grenelle de l'environnement. La situation nette de l'État s'est dégradée de 17 % en un an.

Les engagements hors bilan de l'État progressent de 13 %, ce qui traduit notamment la progression spectaculaire de la dette garantie, ainsi que le renforcement de la garantie de protection des épargnants. Les engagements de l'État en matière de retraite atteignent 60 % du PIB, à 1 143 milliards d'euros : le besoin de financement actualisé du régime de retraite des fonctionnaires de l'État et des militaires à l'horizon 2109 est estimé à 556 milliards d'euros, celui des régimes spéciaux à 198 milliards, celui du Fonds spécial des pensions des ouvriers des établissements industriels de l'État, à 33 milliards à l'horizon 2050.

Quels enseignements tirer de cette situation pour 2011 ? Un déficit public structurel de 3 points de PIB est dangereux pour la soutenabilité des finances publiques : certes, il stabilise la dette entre 50 et 100 points de PIB, mais peut en cas de crise majeure atteindre 8 points, ce qui stabilise la dette à 200 points de PIB. C'est parce que nous n'avions pas suffisamment réduit le déficit structurel que nous avons été exposés à un tel dérapage !

Il est impossible de suivre précisément l'exécution des programmes de stabilité : la croissance des dépenses est définie selon la comptabilité nationale et à périmètre constant, alors que l'Insee ne publie les chiffres qu'à périmètre courant. Il faudra y remédier.

Enfin, en ce qui concerne le budget de l'État, il faut mieux exploiter les gisements d'économies « de constatation » liées à la baisse de la charge de la dette, tenir plus fermement les dépenses de rémunération et mieux sauvegarder les recettes, en soumettant, autant que possible, la dépense fiscale à une norme contraignante d'évolution. Nous reviendrons sur tous ces sujets lors du débat d'orientation des finances publiques !

M. Jean Arthuis, président. - Je remercie le rapporteur général pour sa communication qui était fort éclairante, à défaut d'être rassurante. Je partage votre observation sur le formalisme de certains indicateurs de performance.

J'ai appris hier sur les ondes que les primes des préfets leur étaient attribuées en fonction de divers indicateurs de performance, dont le nombre de contrats d'accompagnement dans l'emploi placés auprès des maires - que l'on accuse de trop créer d'emplois dans leur mairie...

M. Philippe Marini, rapporteur général. - Ces questions seront abordées systématiquement par chaque rapporteur spécial.

M. Jean Arthuis, président. - Un rendez-vous important nous attend la semaine prochaine : nous ne pourrons nous contenter d'indications générales. Il est de notre responsabilité de flécher les économies, de préciser quelles dépenses d'intervention, quelles niches fiscales offrent matière à économies.

M. Philippe Marini, rapporteur général. - Je proposerai une « boîte à outils » composée de rabots de toute forme, d'instruments contondants de toute taille, de tondeuses et de cisailles de tout type...

M. Jean-Jacques Jégou. - Mes collègues maires peuvent témoigner de l'empressement des sous-préfets chargés de placer auprès d'eux toute une panoplie de contrats - quitte ensuite à contester notre gestion !

Le rapporteur général a montré là où le bât blesse. Selon Eric Woerth, dont je salue par ailleurs le sérieux, le déficit structurel ne représenterait que la moitié du déficit actuel, et la situation devrait se rétablir. Mais la crise n'aurait-elle pas aggravé l'aspect structurel du déficit ? On voit que les emplois détruits pendant la crise ont du mal à renaître, notamment dans la production.

M. Jean Arthuis, président. - Le rapporteur général s'est en effet demandé si la crise n'avait pas altéré le potentiel de croissance.

M. Jean-Jacques Jégou. - La prévision de 2,5 % de croissance pour 2011 est trop optimiste. Le déficit structurel a été durablement aggravé. Il est urgent de raboter des dépenses fiscales et sociales dont l'efficacité est quasi-nulle !

M. Jean Arthuis, président. - Ce matin, François Drouin, président du conseil d'administration d'OSEO, nous a donné un exemple d'optimisation du crédit d'impôt recherche.

M. Philippe Marini, rapporteur général. - Un de ses confrères a en effet été approché par une officine spécialisée dans l'optimisation qui lui proposait d'imputer sur le crédit d'impôt recherche des dépenses de logiciels et d'organisation des salles de marché ! Il n'y a pas que des niches occupées par des chiens, mais aussi des anfractuosités dans la roche où se cachent des crabes !

M. Jean Arthuis, président. - Cette officine proposait ses services moyennant une rémunération représentant 35 % du crédit d'impôt recherche ! C'est ce type de pratique qui permet de dire que l'assiette du crédit d'impôt recherche augmente : effrayant !

M. Philippe Marini, rapporteur général. - Nous y reviendrons lors du débat d'orientation des finances publiques. Une hypothèse extrême serait de situer la croissance potentielle à son niveau d'avant-crise, en estimant que la part structurelle du déficit est limitée ; l'autre, de considérer que la perte de PIB due à la crise est définitive, et que la totalité de l'aggravation du déficit est structurelle. La réalité se situe probablement entre les deux.

Au sein du groupe Camdessus, d'illustres économistes plaidaient pour que la notion de déficit structurel soit utilisée comme fondement de la nouvelle norme d'équilibre des finances publiques.

Les parlementaires s'y sont tous opposés, quelle que soit leur formation politique. Comme le président Cahuzac, nous avons considéré qu'on ne pouvait pas fonder une norme de droit sur une notion économétrique aussi complexe.

La Commission européenne estime que les déficits structurels doivent être combattus. Elle demande aux États de faire des efforts structurels chaque année. Si l'on considère que les pertes dues à la crise sont importantes, les économies structurelles à réaliser le seront d'autant plus.

M. Jean-Jacques Jégou. - C'est tout le débat pour 2011

M. Philippe Marini, rapporteur général. - C'est effectivement un des aspects centraux du débat d'orientation que nous aurons dans quelques jours.

M. Jean Arthuis, président. - La crise n'a-t-elle pas déplacé le déficit structurel ?

M. Philippe Dallier. - Je voudrais revenir sur les remarques assez déplacées de la Cour des comptes sur le comportement des collectivités locales qui ont bénéficié des remboursements anticipés du FCTVA l'année dernière. Dispose-t-on des chiffres définitifs sur le nombre de collectivités qui ont, et qui n'ont pas, respecté les engagements pris ? Ces remarques sont d'autant plus malvenues qu'il s'agit de recettes d'investissement.

M. Jean Arthuis, président. - Entre le moment où une commune décide de construire une ligne à haute tension et le moment où le projet sort de terre, les contraintes se sont multipliées et la réalisation des travaux devient quasiment impossible.

M. Philippe Marini, rapporteur général. - La Cour n'a pas bien mesuré que le plan de relance avait pour but d'accélérer la réalisation des projets. Il ne s'agissait pas de créer des programmes nouveaux, puisque pour en bénéficier, il fallait que les dossiers soient prêts. Au lieu de faire une seule rue en 2009, on en a fait deux ! C'est aussi simple que cela.

M. Jean Arthuis, président. - Ce qui veut dire que l'on en fera une de moins en 2011 ou 2012.

M. Philippe Marini, rapporteur général. - Pas nécessairement.

En ce qui concerne le pourcentage de communes ayant atteint les objectifs fixés, je demanderai à la DGCL de me communiquer les données. A mon avis, seule une faible proportion n'a pas respecté les engagements pris.

M. Jean-Pierre Fourcade. - Je félicite notre rapporteur général pour son exposé.

On se gargarise un peu trop du retour à un déficit à 3 %, car un tel seuil n'a pas de signification financière précise. Nous devrions donc dire que dans le retour à une meilleure maîtrise des finances publiques, il y a une première étape qui consiste à équilibrer en dépenses et en recettes les opérations de fonctionnement. Une deuxième étape permettrait de retrouver l'équilibre du solde primaire intégrant les dépenses d'investissement. Ce n'est qu'à ce moment-là qu'on pourra envisager la réduction de la dette. Nous avons connu en 2006 et en 2007 le retour à l'équilibre du solde primaire et le déficit budgétaire n'était dû qu'à la charge de la dette.

Il faut donc d'abord se fixer comme objectif l'équilibre des opérations de fonctionnement, puis le retour au solde primaire. Ce n'est qu'à partir de ce moment qu'il sera possible d'envisager la réduction de la dette.

M. Jean Arthuis, président. - Les 3 % ne sont qu'une gare intermédiaire.

Avec la réforme de la taxe professionnelle, nous allons avoir en 2011 6 à 7 milliards de charges en moins par rapport à 2010. Nous allons donc connaître un petit soulagement budgétaire.

M. Philippe Marini, rapporteur général. - Il s'agit en quelque sorte de la sortie de la deuxième phase du plan de relance.

Les méthodes et les instruments d'analyse issus des vieilles théories des finances publiques pourraient être considérées comme plus pédagogiques que les actuelles méthodes que l'on dit plus fines et plus intelligentes.

Mme Nicole Bricq. - Le ministre de l'économie nous avait annoncé 1,4 milliard de cessions immobilières. Or, elles ne s'élèveront qu'à 475 millions !

M. Jean Arthuis, président. - Mais nous avons gardé notre patrimoine immobilier !

Mme Nicole Bricq. - Cela fait trois exercices que je fais les mêmes remarques, en vain...

M. Jean Arthuis, président. - Tout gouvernement est naturellement optimiste.

Mme Nicole Bricq. - A partir du moment où vous avez accepté que le contrôle sur le crédit impôt-recherche soit du ressort du ministère de la recherche et non plus de celui du budget, il ne faut pas vous étonner qu'on y trouve n'importe quoi. Le cas que vous avez cité tout à l'heure est tout à fait éclairant.

J'en viens à mes questions : j'ai relu l'audition du Premier président de la Cour des comptes, notamment ses remarques sur l'évolution de notre dette à court terme qui expose notre pays à une éventuelle remontée des taux. Il nous avait dit que la LOLF nous accordait des droits d'information sur la dette à moyen et long terme. Comment peut-on faire pour obtenir plus d'informations sur la dette à court terme ?

Quand Didier Migaud est venu nous présenter son rapport sur l'exécution budgétaire, il nous a dit qu'il faudrait anticiper le débat et le vote sur le projet de loi de finances rectificative de la fin de l'année afin qu'au 31 décembre nous disposions d'une vision de l'exécution budgétaire de l'année en cours. Est-ce possible, est-ce souhaitable ? Franchement, l'exécution budgétaire n'intéresse personne, mis à part nous. Si l'on arrivait à tout faire en une année, cela donnerait un peu plus de visibilité à nos travaux.

M. Jean Arthuis, président. - Il faudrait que chaque trimestre le Gouvernement nous rende compte de l'exécution budgétaire.

M. Philippe Marini, rapporteur général. - S'agissant de la dette, j'ai beaucoup de considération pour l'agence France Trésor mais je me demande parfois si elle est vraiment sous contrôle. Je ne remets pas en cause son professionnalisme, qui doit être considéré comme un atout, pour arriver à tirer profit des marchés tels qu'ils sont, et s'il est excellent d'utiliser l'opportunité des prêts à très court terme, c'est aussi prendre un risque structurel sur la dette à partir du moment où un retournement des taux n'est pas à exclure. Or, je me demande si ce risque a été arbitré politiquement. Y a-t-il eu une décision stratégique pour fixer un seuil de dette à très court terme par rapport aux autres composantes de la dette ? Je ne sais pas.

Mme Nicole Bricq. - La question est inquiétante !

M. Philippe Marini, rapporteur général. - Second aspect de la question : le taux de détention de la dette française par des agents nationaux. Y a-t-il eu une décision stratégique sur la baisse tendancielle de ce taux ? Depuis que les marchés se sont diversifiés, le taux de détention par des agents économiques nationaux n'a cessé de baisser inexorablement.

M. Jean-Pierre Fourcade. - Lors de la préparation du budget pour 2010, le ministre du budget a demandé de réduire sensiblement le recours aux bons du Trésor. Nous en étions à 214 milliards à la fin 2009 et l'objectif était de passer en-dessous de 200 cette année. Comme les taux ont baissé en 2010, les opérateurs ont préféré ne pas trop réduire les engagements sur le court terme. Nous sommes aujourd'hui à 205 milliards et nous ne passerons sans doute pas en-dessous de 200 milliards, comme le voulait le Gouvernement.

Notre dette à moyen et long terme est répartie en trois tiers à peu près égaux : le premier est détenu par des résidents français, le second par des résidents de pays européens dont la grande majorité appartient au groupe euro. Le troisième tiers est constitué d'opérateurs internationaux, tels que des fonds de pension ou des banques centrales. Cela fait deux ans que je demande à ce que cette répartition soit modifiée : nous devrions arriver à au moins 50 % de placement chez les résidents nationaux. Les Japonais ont une dette énorme, mais qui est détenue dans sa très grande majorité par ses résidents.

En ce qui concerne la structure de notre dette, aucune décision stratégique n'a été prise. Il faudrait voir comment l'épargne longue de nos concitoyens pourrait s'investir dans des opérations de cette nature. Les banques estiment que c'est impossible sans avantage fiscal, mais le droit communautaire nous l'interdit.

M. Jean Arthuis, président. - Il est stupéfiant qu'il faille des avantages fiscaux pour placer des produits, dans ce pays !

M. Philippe Marini, rapporteur général. - Le contenu de la réponse du Gouvernement à cette observation de la Cour des comptes est éclairant.

J'en viens aux questions de madame Bricq : je ne sais pas s'il y a une bonne date pour avoir un débat sur la gestion de l'année passée. On ne peut pas techniquement procéder comme une collectivité locale qui, dans la même séance, vote les comptes administratifs et le budget de l'exercice. Pour l'État, on ne peut procéder aussi vite et je ne suis pas persuadé que la suggestion de M. Migaud soit réaliste car cela tendrait à accroître l'écart entre l'exercice clos et la discussion du rapport de gestion. Or, plus le temps passe, moins c'est intéressant. En outre, il ne serait pas possible de dégager du temps durant l'automne, à moins de nous contenter d'un débat symbolique.

M. Jean Arthuis, président. - Nous ferons parler les ministres avant le début du débat budgétaire, car nous allons essayer d'organiser les débats thématiques qui avaient place dans la première partie de la loi de finances au cours des semaines précédentes réservées au contrôle sénatorial : ainsi en serait-il des débats sur la contribution aux Communautés européennes, sur l'emploi dans la sphère étatique, sur le niveau d'endettement. Nous soulagerions d'autant l'emploi du temps des trois semaines consacrées à la loi de finances. Pour les collectivités territoriales, ce serait le moment de la clause de revoyure et nous pourrions y passer une journée entière si nécessaire. J'espère que les groupes politiques accepteront d'anticiper sur la discussion de la loi de finances. Enfin, la loi de finances de fin d'année s'appuie sur des évaluations réalisées en septembre.

La commission décide de proposer au Sénat l'adoption sans modification du projet de loi n° 585 (2009-2010), adopté par l'Assemblée nationale, de règlement des comptes et rapport de gestion pour l'année 2009.

Contribution économique territoriale et situation des finances locales - Communication

Puis la commission entend une communication de M. Philippe Marini, rapporteur général, sur les travaux de la commission des finances relatifs à la mise en oeuvre de la contribution économique territoriale et à la situation des finances locales.

M. Philippe Marini, rapporteur général. - Pour ceux qui ont assisté à l'excellent débat d'hier soir, bien des aspects de cette présentation leur sont déjà connus.

Chacun sait que les obligations prévues par la loi de finances pour 2010 n'ont pas toutes été satisfaites. L'absence de données chiffrées fiables en début d'année explique le report d'une échéance législative qui ne pouvait prendre place en cours d'année.

La commission des finances a réuni divers ateliers de travail, a commandé une étude et a procédé à des auditions pour préparer les débats à venir.

Le coût de la réforme se précise : l'impact sur le solde structurel est évalué à 5,3 milliards en régime de croisière, soit un milliard de plus que les estimations accompagnant le projet de loi de finances. Pour l'essentiel - 800 millions - cette augmentation est due à la décision du Conseil constitutionnel censurant le dispositif d'assujettissement à la cotisation foncière des entreprises (CFE) des titulaires de bénéfices non commerciaux (BNC) de moins de cinq salariés. Ces évaluations restent provisoires car nous ne disposons pas des recouvrements effectifs. L'ensemble des curseurs peut donc encore bouger, notamment le coût pour les finances publiques.

Par rapport à la présentation qui a été faite de la réforme en loi de finances pour 2010, il est manifeste que les dotations de compensation de la taxe professionnelle ont beaucoup augmenté. L'évaluation initiale était de 800 millions mais reposait sur des données de 2008. L'actualisation de ces chiffres conduirait à doubler l'évaluation, sans que je comprenne vraiment pourquoi. En outre, un transfert à été opéré de l'État au bloc communal de la taxe sur les surfaces commerciales (TaSCom). Les dotations aux fonds départementaux de péréquation de la taxe professionnelle justifient une augmentation des dotations de 500 millions.

S'agissant des 800 millions résultant de la censure du Conseil constitutionnel, il faut distinguer 400 millions au titre du dégrèvement de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) et 400 millions qui seront pris en charge par la dotation de compensation de la réforme de la taxe professionnelle (DCRTP).

Le passage de 800 millions à 2,5 milliards est important car il modifie sensiblement l'équilibre global de la réforme en la rigidifiant davantage, puisqu'il s'agit d'une assiette plus large qui n'évoluera pas. Nous attendons des éléments plus précis pour comprendre ces chiffres.

Pour les collectivités, cette réforme aura plusieurs conséquences. Le rapport Durieux, qui tient lieu de réponse du Gouvernement à nos questions, indique que l'efficacité des dispositifs de péréquation créés par la réforme pour les départements et les régions serait limitée. Il faudra en débattre. Le vote du Sénat sur la répartition de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises proposait une solution beaucoup plus simple pour les départements. Je doute cependant que nos collègues députés se déjugent en revenant à nos préconisations.

Le rapport Durieux pose également la question des retouches à apporter au fonds de péréquation des droits de mutation à titre onéreux. Nous avons aussi traité avec Christine Lagarde du statut de la compensation : nous devons être certains que cette dotation ne deviendra pas une variable d'ajustement au sein de l'enveloppe fermée. C'est notre principale crainte. A ce stade, le Gouvernement a répondu que c'était hors enveloppe fermée, mais comment est-ce compatible avec le plafonnement du montant total des transferts de l'État aux collectivités territoriales ? Quoi que nous dise Christine Lagarde, il y a là une forte contradiction.

La question de la péréquation au sein du bloc communal sera bien entendu un enjeu important. Faut-il arbitrer entre péréquation par les flux, par les stocks ou faut-il prévoir un système mixte ? Je n'ai pas à ce stade de réponse définitive.

La notion de potentiel financier devra être définie. Je souhaite qu'elle soit la plus large possible, de telle sorte que l'on cesse de faire des distinctions artificielles et que ce soit bien l'ensemble des ressources des collectivités qui soient intégrées à ce calcul, ce qui permettrait de tenir compte des injustices de la dotation globale de fonctionnement (DGF).

Il y a quelques années, j'ai essayé de traiter le cas d'un chef lieu de département de la région du grand sud-ouest, ville centre, ville touristique, ayant des services publics assez lourds et ayant des activités culturelles développées, mais ville ayant une faible population et ayant une DGF objectivement décrochée par rapport aux villes de sa catégorie et de sa strate démographique. Cette ville était gérée par une municipalité de droite et de centre droit et elle s'est efforcée d'obtenir que soient reconsidérées les modalités de calcul de sa DGF, mais cela a été strictement impossible.

M. Jean-Jacques Jégou. - Cela fait vingt-cinq ans que j'essaye d'y parvenir, en vain !

M. Philippe Marini, rapporteur général. - Naturellement, en 2008, la majorité de cette ville a basculé, ce qui n'a d'ailleurs fait changer en rien le montant de la DGF et les contradictions auxquelles elle doit faire face.

Le débat sur la péréquation doit tenir compte de l'ensemble des ressources. Mais c'est au niveau des charges que le sujet devient beaucoup plus complexe. Si on peut introduire une typologie quand il s'agit de dépenses de guichet, il n'en va pas de même pour tout ce qui fait partie de l'autonomie de gestion de la collectivité. Que doit-on prendre en compte ? Au nom de quoi peut-on contester à une collectivité le droit d'être relativement dépensière et de faire appel à l'impôt ? On ne peut sortir de cette contradiction. Comment prendre en compte la dépense dans les indicateurs qui vont servir à calculer des dispositifs de péréquation, si l'on ne veut pas qu'elle soit un « pousse au crime », qu'elle récompense celles et ceux qui auront été les moins attentifs à la maîtrise de leurs dépenses ? Je ne sais pas s'il existe une méthode incontestable pour aborder ce type de problème.

J'en viens aux conséquences de cette réforme pour les redevables. L'industrie y a gagné, même si la répartition par secteurs et par entreprises est encore inconnue. Nous rencontrons surtout des entreprises qui considèrent qu'elles sont maltraitées, malgré l'importance du transfert en leur faveur. Les effets sont encore plus mal appréhendés sur l'investissement et sur la localisation des activités et de l'emploi.

Nous allons certainement devoir lutter contre l'optimisation des bases de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises. Il faut que nous arrivions à convaincre l'administration qu'il y a encore beaucoup d'incertitudes. Je ne suis pas sûr qu'elles soient correctement prises au sérieux à l'heure actuelle.

M. Jean Arthuis, président. - Les sociétés d'intérim, par exemple !

M. Philippe Marini, rapporteur général. - Tout à fait ! La déclaration des effectifs salariés est sans incidence sur le montant des impôts acquitté globalement par l'entreprise, mais elle a beaucoup d'incidence sur la répartition de cet impôt entre les collectivités. Le dispositif de contrôle des déclarations doit être considéré comme un élément déterminant de la mise en place de la nouvelle imposition. Or, rien n'est fait pour faire face à cette nécessité.

M. Jean Arthuis, président. - Pour contrôler, il faut que ce soit contrôlable.

M. Philippe Marini, rapporteur général. - C'est vrai. Il y a encore beaucoup de travail à faire en ce sens. S'agissant de l'intérim et des travaux publics, il faudra sans doute trouver des solutions ad hoc pour définir de manière un peu forfaitaire la répartition des bases, parce qu'on ne pourra manifestement pas suivre chaque salarié sur chaque chantier.

M. Jean Arthuis, président. - Il va falloir simplifier tout cela !

M. Philippe Marini, rapporteur général. - Si on ne fait pas cela, la masse imposable sera prise au seul niveau du siège de l'entreprise, ce qui est contraire au principe de territorialisation.

D'autres questions restent en suspens : la répartition de la valeur ajoutée produite par un établissement pluri-communal, l'imposition des bénéfices non-commerciaux

M. Jean Arthuis, président. - Est-ce vraiment un problème ? Je vois mal sur quel principe cette disposition peut être remise en cause.

M. Philippe Marini, rapporteur général. - Il s'agit quand même de 400 millions de manque à gagner pour le bloc communal !

M. Jean Arthuis, président. - Certes, mais il suffisait au titulaire de BNC de se mettre en société soumise à l'impôt sur les sociétés pour échapper à cet impôt. C'est une situation absurde qui poussait à l'optimisation. Le Conseil constitutionnel a fait son travail. On part du principe que parce qu'il s'agit de BNC, l'entreprise gagne de l'argent. Ce n'est pas toujours vrai !

M. Philippe Marini, rapporteur général. - Je souscris à ce raisonnement, mais cela reviendrait à démontrer que l'estimation de 400 millions est fausse.

M. Jean Arthuis, président. - Ce que je croirais volontiers.

M. Philippe Marini, rapporteur général. - Or, nous la prenons pour vérité d'évangile. Si les données qui sont entrées dans le modèle sont mauvaises, les chiffres ne peuvent qu'être faux. Mais ils ne sont pas remis en cause. S'agit-il ou non d'un manque à gagner de 400 millions pour le bloc communal ? Nous ne pourrons ajuster cette réforme que lorsque nous disposerons de résultats réels.

M. Jean Arthuis, président. - Cette imposition n'avait pas de fondement, et le Conseil constitutionnel a eu raison de la censurer.

M. Philippe Marini, rapporteur général. - Cela coûte quand même 400 millions au bloc communal ! Mais ce chiffre correspond-il à la réalité ?

M. Jean Arthuis, président. - Quoi qu'il en soit, cette décision est compensée par l'État, et il s'agit d'un déficit structurel.

M. Philippe Marini, rapporteur général. - Tout à fait.

Quant à la mise en oeuvre du dispositif de révision des bases des valeurs foncières locatives, le texte voté au titre de la clause de revoyure prévoyait la possibilité d'analyser « la faisabilité d'une évolution distincte de l'évaluation des bases de la taxe foncière sur les propriétés bâties pour les entreprises, d'une part, et pour les ménages, d'autre part ». Mais le rapport Durieux est muet sur ce point.

J'en viens aux différentes difficultés à propos de l'IFER. Le rapport Durieux se permet d'émettre une opinion d'opportunité sur les éoliennes, ce qui n'est pas du ressort d'un rapport administratif. Il estime en effet que l'intéressement des communes rurales à l'implantation de nouveaux parcs éoliens n'est pas suffisant eu égard aux objectifs du Gouvernement. Nous avons voté la répartition entre communes, intercommunalités et départements en toute connaissance de cause. Sans doute est-il nécessaire de revaloriser un peu les tarifs des IFER éoliennes et des installations photovoltaïques, mais sans créer des situations trop favorables. Par ailleurs, il existe des installations importantes qui échappent à l'IFER. Il faudra probablement prévoir des transitions pour des installations décidées sous le régime de la taxe professionnelle et qui engendreraient un déséquilibre des budgets des collectivités concernées. Tous ces détails figurent dans le rapport.

J'en ai terminé de ma communication.

M. Jean Arthuis, président. - Vous avez fidèlement rendu compte des propos tenus lors des diverses tables rondes que nous avons organisées. Toutes ces questions en suspens sont autant de rendez-vous pour la prochaine loi de finances. Il faudra attendre l'exécution budgétaire 2010 pour disposer de tous les indicateurs sur la base desquels nous pourrons réagir et corriger en tant que de besoin. Charles Guené a demandé la parole : il a été chargé d'une mission temporaire par la ministre de l'économie et il a accepté de nous exposer, le 7 juillet prochain, la contribution qu'il apportera au ministre et qu'il présentera devant le Comité des finances locales le 6 juillet.

M. Charles Guené. - Je souscris à l'exposé que vient de nous faire le rapporteur général.

En ce qui concerne le différentiel d'un milliard qui existe au niveau de la DCRTP, il s'explique par le montant de la taxe professionnelle perçue en 2008, qui n'avait pas subi les effets de la crise, et était relativement élevé, et par la valeur ajoutée déclarée en 2009 qui, elle, a subi de plein fouet la crise et est donc beaucoup plus faible qu'espéré. Le différentiel est donc maximal. Ainsi, les collectivités locales sont donc surcompensées cette année, ce qui pénalise le budget de l'Etat. Nous n'aurons la réponse qu'à la fin de ce mois puisque nous disposerons des véritables données, et non pas d'estimations.

Quant à l'évolution de la DCRTP, elle fait partie intégrante du Fonds national de garantie individuelle des ressources (FNGIR) et elle doit évoluer de la même manière. Elle est cependant figée pour l'instant. Mme la ministre a confirmé qu'elle ne serait pas incluse dans l'enveloppe normée et qu'elle serait indexée comme les autres dotations.

En ce qui concerne la péréquation, je rappelle qu'il s'agit d'une péréquation horizontale. Il nous reviendra donc d'en fixer les règles, l'État ne pouvant être que le garant de l'intérêt général dans cette opération.

Je souscris aussi à l'idée de vérifier les imperfections de la CVAE, notamment les risques d'optimisation.

Ne devrions-nous pas imaginer un barème médian qui pourrait inclure ceux qui sont en BNC et ceux qui sont en société pour tenter de récupérer une partie du manque à gagner ? Pour l'instant, l'aubaine est trop belle ! Si je suis tout à fait d'accord avec le Conseil constitutionnel, il faut quand même bien voir que pour ceux qui ne sont pas en BNC, la réforme est intéressante mais qu'elle l'est encore plus pour ceux qui sont en BNC ! Il faut imaginer un système qui évite ces distorsions.

M. Jean Arthuis, président. - Cela n'a plus de sens de distinguer les BNC, les bénéfices industriels et commerciaux (BIC) et même les bénéfices agricoles (BA). S'il n'y avait pas des régimes spécifiques à l'agriculture, les agriculteurs investiraient moins quand ils gagnent un peu d'argent et ils ne seraient pas le lendemain surendettés parce qu'ils sont suréquipés. Il arrive que les spécificités fiscales se retournent contre ceux que l'on voudrait protéger. Il faudrait que la FNSEA se mette cela dans la tête !

Mme Nicole Bricq. - Je ne comprends pas bien le sens de cette communication. Hier, en séance publique, nous avons examiné une proposition des groupes UMP et centriste. Nous nous sommes exprimés sur la forme et sur le fond. Il ne faudrait pas que cette communication passe ce débat par pertes et profits.

Sur la forme, il s'agit de l'enterrement de première classe des engagements pris lors de la loi de finances pour 2010. Le rapporteur général vient de nous dire que ce report était « totalement prévisible ». C'est ce que nous avons dit hier et j'aurais aimé l'entendre de la part de ceux qui ont défendu la proposition de résolution !

Sur le fond, les explications de la ministre le 22 juin devant la commission élargie et celles qu'elle a données hier en séance ont été laborieuses, même si ce mot ne vous a pas plu, monsieur le rapporteur général. Dans laborieux, il y a le mot travail, ce qui prouve que ce n'est pas totalement négatif. Il n'empêche, ses réponses n'étaient pas convaincantes si bien que la prévisibilité offerte aux collectivités locales est réduite à zéro. Pour 2011, le système de la compensation va donc se poursuivre. Je ne vois pas comment on va résoudre la quadrature du cercle durant cette année là. Il n'y aura donc pas plus de péréquation qu'aujourd'hui même au moment où l'on disposera du produit réel des rentrées fiscales émanant des entreprises. Ce n'est donc pas la peine de faire des plans sur la comète. Il faut nous dire sur quelles bases se feront ces compensations pour les collectivités : c'est la seule question qui reste à trancher. Les bases seront-elles identiques, oui ou non ?

Je veux bien que nos collègues UMP proposent des solutions alors qu'elles n'ont jamais été abordées de front par le Gouvernement, mais ils le font alors que les dépenses locales vont être comprimées au maximum.

M. Philippe Marini, rapporteur général. - Il y a eu coïncidence entre deux exercices distincts qui portent sur le même sujet.

La commission a estimé utile de récapituler l'ensemble de ses travaux sur ce thème avant la fin de la session et elle vous propose le rapport que je viens de vous présenter. Simultanément, il s'est trouvé que l'on a voulu faire coïncider l'examen du projet de loi sur la réforme des collectivités territoriales avec un débat sur la proposition de résolution discutée hier. Je n'ai d'ailleurs pas tenu hier soir un discours fondamentalement différent de cet après-midi, puisqu'il était fondé sur le même travail. Mais ce sont des exercices bien différents.

M. Jean Arthuis, président. - La communication que vous venez de nous présenter est le recueil de tous les travaux de la commission : auditions, tables rondes, simulations, études confiées à l'institut Thomas More et à Public Evaluation System. Ce rapport permettra à chacun d'entre vous d'alimenter sa réflexion et de se préparer aux futures discussions.

M. Bernard Angels. - Cette réforme sera difficile à appliquer. Pensez-vous, monsieur le rapporteur général, qu'il sera possible d'appliquer la loi l'année prochaine ou serait-il plus judicieux de nous mettre tous d'accord pour trouver une compensation pas trop dure à mettre en oeuvre, compte tenu du gel des dotations ?

M. Philippe Marini, rapporteur général. - Mon sentiment est que 2011 sera une deuxième année de transition. Il y aura néanmoins des dispositions législatives que nous devrons prendre : ainsi en sera-t-il de la répartition et du contrôle de l'assiette des cotisations sur la valeur ajoutée. Même chose pour la répartition et le mode de calcul des IFER et du FSRIF. La loi de finances pour 2011 présentera sans doute un second train de dispositions complexes. Une seconde année de transition ne sera pas de trop. Dans une période de crise, une année de stabilisation des ressources n'est probablement pas une mauvaise chose.

M. Jean Arthuis, président. - Lorsqu'on fera des simulations sur la péréquation, il faudra y mettre l'ensemble de la dotation globale de fonctionnement car il y a des injustices insupportables.

M. Philippe Dallier. - A chaque jour suffit sa peine, mais deux autres dossiers inquiètent les communes. La taxe locale sur l'électricité sera remplacée par une formule magique dont la portée, pour ma collectivité, m'a échappé. Or, il ne s'agit pas d'une recette mineure. Et voilà que le secrétaire d'État au logement nous annonce qu'il se lance dans une réforme des taxes d'urbanisme, ce qui pourra avoir un impact sur les ressources des collectivités. Pourrait-on mesurer les conséquences de ces mesures ?

M. Philippe Marini, rapporteur général. - La commission a récemment organisé une table ronde sur la question de la taxe locale sur l'électricité. Elle m'a désigné comme rapporteur pour avis sur le projet de loi relatif à la nouvelle organisation du marché de l'énergie (NOME). J'ai la conviction qu'il faut maintenir les ressources des collectivités, en intégrant le coût attendu au titre de l'éclairage public. Il convient en effet de prendre en compte le produit antérieur et le produit net, déduction faite de ce qu'il faudra payer au titre de l'éclairage public.

M. Jean Arthuis, président. - Vous serez encouragés à réduire la consommation électrique en diminuant l'éclairage public.

M. Philippe Marini, rapporteur général. - C'est ce que nous faisons en changeant les ampoules, mais cela nécessite des investissements sur plusieurs années.

M. Charles Guené. - Nous sommes dans une période contrainte : réforme ou pas, les collectivités locales auraient eu des problèmes de ressources, sauf à augmenter la fiscalité.

Deux années d'utilisation de la clause de revoyure ne seront pas de trop. Cette année, nous arriverons à régler certains problèmes. En revanche, pour d'autres, nous serons déjà bien contents si nous parvenons à nous accorder sur quelques grands principes, notamment en ce qui concerne les clauses de péréquation dans le bloc communal. On ne verra les effets réels de la réforme qu'en 2011. Il est donc normal que tout cela se fasse progressivement.

M. Jean Arthuis, président. - Nous sommes condamnés quelques mois encore à vivre des situations éprouvantes, mais il n'est pas douteux que la crise financière nous permettra de trouver des solutions innovantes. Même quand on parle de dépenses de guichet, comme l'allocation personnalisée d'autonomie (APA), il serait sans doute possible de dépenser un peu moins en donnant des instructions plus claires à nos propres services.

M. Charles Guené. - L'opposition fera-t-elle des propositions dans le cadre de cette clause de revoyure ?

Mme Nicole Bricq. - Lorsque nous disposerons de données fiables. Pour l'instant, nous tirons à blanc. Attendons de pouvoir tirer à balles réelles ! On ne peut parler de fiscalité économique sans parler de la fiscalité des ménages.

M. Jean Arthuis, président. - C'est vrai : la fiscalité économique est payée par les ménages.

M. Jean-Jacques Jégou. - Je suis de plus en plus mélancolique lorsque je constate les disparités entre les communes.

M. Jean Arthuis, président. - Et entre les départements !

M. Jean-Jacques Jégou. - Depuis vingt-huit ans que je suis maire, j'entends dire qu'il y a des communes qui dépensent trop. Quand on n'a pas beaucoup d'argent, on essaye de faire des économies. Quand on vous demande un coup de rabot supplémentaire, on atteint l'os et on ne peut plus s'en sortir. L'État a taxé ma ville parce que je n'augmentais pas assez mes impôts. L'inégalité est encore pire que ce que l'on peut imaginer. Ceux qui ont beaucoup d'argent pourront facilement faire des économies. Ceux qui vivent avec rien depuis vingt-cinq ans ne peuvent faire plus. Dans mon département, il y a des communes équivalentes dont la dotation forfaitaire va de un à trois pour des raisons historiques.

Depuis que je suis parlementaire, j'ai vu passer une quinzaine de ministres de l'intérieur qui m'ont tous dit qu'il n'était pas possible de prendre aux plus riches pour donner aux plus pauvres. En Île-de-France, les différences vont de un à soixante-dix ! Dans l'ouest parisien, il y a des communes qui ne savent pas quoi faire de leur argent pendant que nous ne nous en sortons pas.

M. Jean Arthuis, président. - Ce débat a été extrêmement riche. Nous serions très égoïstes de ne pas publier cette communication et les pièces jointes.

A l'issue de ce débat, la commission donne acte à M. Philippe Marini, rapporteur général, de sa communication et en autorise la publication sous la forme d'un rapport d'information.

Mercredi 30 juin 2010

- Présidence de M. Jean Arthuis, président -

Coût du passeport biométrique - Audition pour suite à donner à l'enquête de la Cour des comptes

Au cours d'une première séance tenue dans la matinée, la commission procède tout d'abord à l'audition pour suite à donner à l'enquête demandée à la Cour des comptes, en application de l'article 58-2° de la LOLF, sur le coût du passeport biométrique.

M. Jean Arthuis, président. - Nous sommes aujourd'hui réunis pour réfléchir aux suites à donner à l'enquête de la Cour des comptes sur le coût du passeport biométrique, réalisée à la demande de la commission des finances et à l'initiative de Michèle André, rapporteure spéciale de la mission « Administration générale et territoriale de l'Etat », en application de l'article 58-2° de la loi organique relative aux lois de finances. Mme André était déjà l'auteur d'un rapport d'information du 24 juin 2009 sur la nouvelle génération de titres d'identité sécurisés par l'usage de la biométrie.

Nous recevons, pour la Cour des comptes, M. Alain Pichon, président de la 4ème chambre, ainsi que MM. Philippe Geoffroy, conseiller référendaire, et Olivier Touvenin, rapporteur.

Le ministère de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales est représenté par MM. Jean-Benoît Albertini, directeur de la modernisation et de l'administration territoriale, Patrick Levaye, directeur de projet « titres sécurisés », Patrice O'Mahony, inspecteur général de l'administration, et Jacques Quastana, directeur de la police générale à la Préfecture de police de Paris.

Pour l'Agence nationale des titres sécurisés (ANTS), nous entendrons M. Raphaël Bartolt, directeur général.

Pour l'Imprimerie nationale, interviendra M. Didier Trutt, président directeur général de l'Imprimerie nationale SA.

Pour le ministère des affaires étrangères et européennes, nous entendrons M. François Saint Paul, directeur des français à l'étranger.

Enfin, pour le ministère du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat, c'est M. Eric Querenet, sous-directeur du budget, qui interviendra.

Mme Michèle André. - La France, depuis quelques années, a choisi de renforcer la sécurisation de ses titres d'identité grâce à l'apport des nouvelles technologies, notamment de la biométrie, afin de lutter contre la falsification et la contrefaçon et de garantir ainsi sa souveraineté. Les délinquants font appel à des techniques de plus en plus sophistiquées pour usurper l'identité des gens ; leurs victimes, qui subissent parfois de graves dommages, sont de plus en plus nombreuses. L'Etat français se conforme ainsi aux normes internationales et européennes devenues plus contraignantes depuis le 11 septembre 2001 et l'aggravation du risque terroriste. Le règlement européen du 13 décembre 2004 impose aux Etats de ne plus délivrer que des passeports à puces électroniques, comprenant une photographie et des empreintes digitales numérisées.

Le passeport biométrique fut introduit en France il y a un an, le 28 juin 2009. Malgré quelques ratés inévitables, son lancement a été une réussite technique. Mais au plan budgétaire et financier, la refonte de la production a modifié la structure du coût des passeports ; le droit de timbre a considérablement augmenté puisqu'il est passé de 60 à 89 euros pour les majeurs, de 30 à 45 euros pour les mineurs de plus de quinze ans, et de 30 à 20 euros pour les mineurs de moins de quinze ans. Lors de la discussion du projet de loi de finances pour 2009, Christine Lagarde imputait cette hausse au coût de la technologie biométrique, des composants électroniques et des stations d'enregistrement dans les mairies. Mais au cours d'une mission de contrôle budgétaire entreprise l'an dernier, je n'ai pu obtenir de l'Agence nationale des titres sécurisés (ANTS), malgré mes demandes répétées, une décomposition du coût des nouveaux passeports.

C'est ce qui m'a conduit à demander que la Cour des comptes mène une enquête à ce sujet, en application de l'article 58-2° de la LOLF. Je remercie Alain Pichon, président de la quatrième chambre, ainsi que ses équipes, pour la qualité de leurs travaux.

M. Alain Pichon, président de la quatrième chambre de la Cour des comptes. - L'analyse du coût d'un produit administratif n'est pas chose facile, mais notre travail fut facilité par l'excellent accueil que nous avons reçu aux ministères de l'intérieur et des affaires étrangères, à l'ANTS, à l'Imprimerie nationale et dans les consulats. L'estimation à laquelle nous sommes parvenus - 55 euros pour un passeport biométrique - n'est qu'approximative, à un ou deux euros près.

M. Jean Arthuis, président. - C'est déjà très précis.

M. Alain Pichon. - Elle a été établie sur le fondement des données de 2008 et 2009. Or l'année 2009 n'est sans doute pas très représentative, puisque l'administration n'a reçu qu'environ 2 millions de demandes de passeport, moins qu'habituellement : on ne sait si ce reflux est dû à la méfiance vis-à-vis d'une nouvelle technologie ou à la crise économique ; d'ailleurs le passeport n'est plus nécessaire pour voyager dans l'espace Schengen. Or le coût moyen d'un passeport est en raison inverse du nombre de passeports délivrés, car il existe des frais fixes. Nous avons enquêté auprès des préfectures, des deux mille communes qui disposent de locaux destinés à recevoir les demandes et à délivrer les titres, de la préfecture de police de Paris et des consulats.

Comme vous le savez, le droit de timbre est un impôt et non une redevance : l'Etat n'est donc pas obligé d'en faire correspondre le montant au coût du passeport. La nouveauté est que les enfants ne peuvent plus figurer sur le passeport d'un de leurs parents ; pour eux, le droit de timbre est inférieur au prix de revient.

Pour information, nous avons fait figurer dans le rapport des statistiques, tirées du site internet du Home Office, sur le prix du passeport dans différents pays ; comparativement, ce prix est assez élevé en France, mais il faut tenir compte de la durée de validité du titre.

Le passeport électronique, quant à lui, avait un coût réel de 38 euros. Si le passeport biométrique revient plus cher, c'est à cause des investissements technologiques que l'Imprimerie nationale et l'ANTS doivent amortir, et d'un allongement d'environ trente minutes de la durée de travail exigé par chaque document. Mais on peut espérer dans l'avenir des gains de productivité, la suppression des doubles emplois et les effets de l'apprentissage.

L'écart entre le coût réel du passeport biométrique et le droit de timbre est important, et supérieur à l'écart constaté pour le passeport électronique. Si les progrès que je viens d'évoquer se concrétisent, le coût réel ne sera plus que de 47 euros, voire de 40 euros si la carte d'identité électronique est créée. Il est à noter que dans ce cas, l'augmentation du nombre de titre électroniques délivrés diminuera leur coût unitaire, mais non le coût total pour l'Etat.

M. Jean Arthuis, président. - Cette enquête illustre parfaitement l'un des rôles constitutionnels de la Cour des comptes, qui est d'assister le Parlement dans l'exercice de sa mission d'évaluation. Le ministère de l'intérieur a-t-il fait les mêmes estimations que la Cour ?

M. Jean-Benoît Albertini, directeur de la modernisation et de l'administration territoriale (DMAT) au ministère de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales. - Je sollicite votre indulgence, car je ne suis en poste que depuis deux jours. Le ministère préfère faire référence au droit de timbre moyen pondéré, qui s'établit à 69 euros. L'écart par rapport au prix de revient est donc de 14 euros, voire de 12 ou 13 dans les cas où les demandeurs apportent eux-mêmes leurs photographies. En outre, nous n'avions pas prévu une économie de 5 euros, due à l'amélioration du processus de production.

M. Jean Arthuis, président. - Est-ce un effet de la RGPP ?

M. Jean-Benoît Albertini. - Sans doute. Le ministère est très attentif à la dérive des coûts. L'écart se réduit donc à 7 euros, ce qui est minime. D'ailleurs, lors du lancement du projet, nous ne savions pas combien coûterait la fabrication des passeports, ce qui justifiait de prévoir une marge : en réponse à l'appel d'offres, les fabricants ont proposé des prix variant du simple au double !

M. Jean Arthuis, président. - Le coût moyen pondéré est-il calculé en tenant compte du nombre de titres émis pour des adultes, des mineurs de plus et de moins de quinze ans ?

M. Jean-Benoît Albertini. - En effet.

M. Alain Pichon. - La Cour est parvenue au même résultat, mais le calcul se fonde sur les données de 2009.

M. Jean-Benoît Albertini. - Comme l'a dit M. le Président Pichon, le droit de timbre est inférieur au prix de revient pour les mineurs. Le système actuel favorise donc une sorte de compensation entre les générations.

M. Jean Arthuis, président. - Est-il dans la culture de l'ANTS d'évaluer le coût de production des titres ? Comment l'Agence estimait-elle le coût du passeport biométrique avant son lancement ?

M. Raphaël Bartolt, directeur général de l'Agence nationale des titres sécurisés. - Lorsque l'ANTS fut créée en 2007, le passeport électronique était facturé à 19,05 euros TTC ; il fallait y ajouter les frais de transport, que nous cherchions à abaisser en regroupant les envois.

L'économie de 4 ou 5 euros évoquée par M. Albertini est le résultat de gains de productivité, et notamment de la baisse de 8 % à 3 % du taux de gâche de façonnage, et de 3,5 % à 1,2 % du taux de gâche de personnalisation, c'est-à-dire de projection électronique de données sur la puce. Or, en 2008, pas moins de 3,2 millions de passeports ont été émis, et une puce gâchée représente une perte de 2 euros : le gain est donc appréciable. Lors de la dernière convention, le prix a été fixé à 11 euros HT et les frais de transport à environ 1,5 euros. L'ANTS a lancé un appel d'offre auprès des transporteurs, et le coût moyen du transport diminuera encore si la carte d'identité électronique est créée. Dans ce dernier cas, les communes réaliseront aussi des économies puisqu'il sera possible d'effectuer avec le même formulaire CERFA une demande de passeport et de carte d'identité.

La baisse du nombre de demandes observée en 2009 est sans doute due à la crise, qui a affecté le transport aérien, comme dans tous les pays européens ; elle résulte également de la hausse du droit de timbre et du fait que les enfants ne peuvent plus figurer sur le passeport de leurs parents. Une baisse semblable a été constatée en 2006 lors de la création du passeport électronique : seules 2,4 millions de demandes ont été déposées cette année-là.

Nous avons reçu 330 000 demandes au mois de juin - ce qui s'approche du record de 340 000 observé en juillet 2007 - et 1,567 million au cours des six premiers mois de l'année. On peut donc s'attendre à un total de 3 ou 3,1 millions de demandes en 2010, soit à peu près le niveau habituel.

M. Patrice O'Mahony, Inspecteur général de l'administration coauteur du rapport de l'IGA sur les passeports biométriques dans les commerces. - La mission de l'Inspection générale différait de celle de la Cour des comptes, puisqu'elle consistait à s'assurer que l'indemnisation forfaitaire de 5 000 euros versée pour chaque station aux communes équipées correspond bien au coût occasionné par les demandes effectuées par des personnes ne résidant par dans la commune, conformément à l'exposé des motifs de l'article 136 de la loi de finances pour 2009.

Mme Michèle André. - Le ministère de l'intérieur avait d'abord proposé un forfait de 3 200 euros, mais nous l'avions convaincu de le porter à 5 000 euros. Le coût des demandes des résidents est quant à lui intégré à la dotation globale de fonctionnement.

M. Jean Arthuis, président. - Il fallait en effet éviter l'enrichissement sans cause des communes non équipées.

M. Patrice O'Mahony. - Or la subvention est largement supérieure au coût, quel que soit le mode de calcul retenu. Nous estimons la dépense supplémentaire occasionnée par chaque demande à 7,20 euros, la Cour des comptes à 10,80 euros ; mais l'indemnisation est supérieure à 20 euros. A moins que le nombre de demandes n'augmente extraordinairement, elle devrait rester d'au moins 17 ou 18 euros.

Mme Michèle André. - La création de la carte d'identité électronique permettra, je l'espère, d'équilibrer l'activité des stations : comme le relève M. O'Mahony dans son rapport, certaines fonctionnent très peu, d'autres sans arrêt.

M. Patrice O'Mahony. - En effet : 60 % des stations délivrent moins de 200 passeports par an.

Mme Michèle André. - On pourrait envisager d'indemniser a posteriori les communes en fonction du nombre de titres émis.

M. Patrick Levaye, directeur du projet « titres sécurisés » au ministère de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales. - Le ministère de l'intérieur souhaite que la carte d'identité électronique soit créée rapidement.

M. Jean-Benoît Albertini. - Au plan technique, le ministère est prêt.

Mme Michèle André. - Il faut se concerter préalablement avec les maires. Le contentieux qui a suivi le transfert aux communes de la délivrance des cartes d'identité sans support législatif a coûté cher.

M. Jean-Benoît Albertini. - Le maillage du territoire est aujourd'hui satisfaisant : il existe environ 3 500 stations dans 2 100 communes. Nous continuons à équiper de nouvelles communes.

M. Jean Arthuis, président. - Je conclus de cette discussion que les communes équipées ne sont pas perdantes, même si celles qui délivrent beaucoup de titres sont moins bien indemnisées.

M. Patrice O'Mahony. - D'après nos calculs, seules 69 communes perdent de l'argent. Mais le montant du forfait a été fixé en concertation avec l'Association des maires de France, et personne ne souhaite aujourd'hui revenir sur l'indemnisation forfaitaire.

M. Jean Arthuis, président. - Il pourrait y avoir une indemnisation de base sous forme de forfait, et une part proportionnelle, fonction du nombre de titres émis.

Mme Michèle André. - Il est difficile de définir une juste indemnisation. De grandes villes ont refusé de s'équiper, tandis que des petites communes l'ont accepté. Le forfait correspond de plus près au coût réel dans les communes qui émettent un grand nombre de passeports ; peut-être faudra-t-il mettre en place à l'avenir une indemnisation proportionnelle au nombre de titres émis.

M. Alain Pichon. - Pour l'instant, presque aucune commune n'est lésée. Mais si la carte d'identité électronique est créée, il faut s'attendre à un afflux de demandes bien plus considérable : environ 6 millions de cartes d'identité sont délivrées chaque année. Certaines communes exigeront alors que le mode d'indemnisation soit redéfini.

M. Jean Arthuis, président. - Nous avons affaire à une nouvelle organisation de l'administration, où l'Etat, soumis à la RGPP, sous-traite aux communes certaines tâches. Leur coût peut être chiffré et correctement compensé.

M. Patrice O'Mahony. - Cependant il est difficile de mesurer le transfert de charges qui s'opère entre les communes : les résidents des communes non équipées déposent leur demande dans les communes équipées, et jusqu'à 30 % des résidents de communes équipées le font ailleurs que chez eux !

M. Jean Arthuis, président. - C'est l'intercommunalité qui se développe : une même personne peut vivre dans une commune, travailler dans une autre et accomplir ses démarches administratives dans une troisième ! Il serait sans doute plus facile de répartir la dotation globale de fonctionnement entre 3 000 intercommunalités qu'entre 36 000 communes...

Mme Michèle André. - J'ai effectué une visite de contrôle à la préfecture de police de Paris : on n'y avait pas anticipé le nombre de demandes. Certains accomplissent cette formalité dans la commune où ils travaillent, car là où ils vivent la mairie n'est ouverte que quelques heures par semaine. Il faudra peut-être en tenir compte dans la répartition de la DGF : plusieurs maires l'ont demandé. Mais le dialogue est nécessaire.

M. Patrice O'Mahony. - La Cour a souligné dans son rapport que le coût brut unitaire du passeport biométrique baisserait beaucoup si la carte d'identité électronique était créée : il ne serait plus que de 10,80 euros, contre 10,07 euros pour le passeport électronique. Le transfert de charges est sensible entre les communes, puisque toutes délivraient des passeports électroniques alors que certaines seulement délivrent des passeports biométriques.

M. Jean Arthuis, président. - Ce débat, je le répète, apporte un éclairage particulier sur ce que l'on peut appeler l'intercommunalité.

Mme Michèle André. - Le problème dépasse le cadre de l'intercommunalité, puisque tout citoyen peut déposer sa demande dans n'importe quelle commune.

M. Charles Guené. - Le coût brut diminue, mais le coût net augmente. Ne faudrait-il donc pas modifier la subvention versée aux communes en cas de lancement de la carte d'identité électronique ?

M. Patrice O'Mahony. - Les calculs de la Cour diffèrent des nôtres : la Cour a divisé la subvention de 5 000 euros par le nombre de titres émis, tandis que le ministère considère que cette subvention doit correspondre au surcoût occasionné par la délivrance de titres à des non-résidents.

M. Jean Arthuis, président. - Deux problèmes se posent à nous : l'un concerne le rapport entre le prix de revient des passeports biométriques et le montant du droit de timbre, l'autre l'indemnisation des communes auxquelles l'Etat a confié la tâche de délivrer ces titres.

M. Philippe Dallier. - Les calculs de la Cour et du ministère tiennent-ils compte de la qualité de service ? Autrement dit, les gens en ont-ils pour leur argent ? En Seine-Saint-Denis, le délai d'obtention d'un passeport dépasse parfois deux mois. Les maires subissent des bordées d'injures de leurs administrés qui ne comprennent pas pourquoi ils doivent payer plus cher pour un service certes automatisé, mais plus lent. Les inégalités entre les territoires sont criantes. Est-ce dû au fait que certaines préfectures manquent de personnel, ou à la mauvaise répartition des moyens du ministère de l'intérieur ?

M. Raphaël Bartolt. - Nous pouvons désormais calculer précisément le délai de retour à l'usager, grâce à une application informatique, alors qu'auparavant seul le délai de validation en préfecture était pris en compte et non la durée du transport depuis la mairie. Ce mois-ci, où les demandes ont été nombreuses, le délai a été inférieur à quinze jours dans quatre-vingt-six départements métropolitains ; au début de l'année, en dehors d'une période de pointe, il était même inférieur à sept jours dans soixante-dix à soixante-quinze départements. D'après l'enquête publiée en avril par la revue Que choisir ?, le délai d'obtention varie entre deux et huit semaines selon les départements.

Donc, même en période difficile le délai est bien plus rapide qu'auparavant. Dans la Somme par exemple, où seize communes sont agréées, il est de huit jours. Bien sûr il y a des points critiques où il peut atteindre, pour des raisons diverses, quarante-cinq jours. Depuis vendredi, la Seine-Saint-Denis a rattrapé son retard. En été, dix à douze départements, en région parisienne et dans les zones très urbanisées, très sollicités, recrutent des vacataires ; il arrive aussi qu'une sous-préfecture vienne aider la préfecture. Dans l'ensemble la performance progresse. Certains coûts - ceux de l'envoi par courrier ou du transport par camionnette - n'existent plus. Tout est désormais télématique et pris en charge par l'ANTS, laquelle dispose d'un système qui renseigne à tout moment sur toute étape de la procédure. Avec le Quai d'Orsay et les stations mobiles, nous compterons plus de 4 200 stations. C'est donc un système gigantesque qui se met en place.

Nous avons calculé le temps-machine sur un panel de mairies, toujours les mêmes, et nous en sommes à 9 minutes 17 secondes. C'est le temps passé au guichet en mairie pour l'enregistrement d'une demande. Il faut voir là l'effet de la circulaire de simplification. La prise d'empreinte biométrique interdit toute usurpation d'identité. Lorsqu'il y a fraude, elle ne peut porter que sur les documents justificatifs fournis. Nous disposons de la traçabilité parfaite du passeport et de la cartographie complète d'un système moderne qui est mis à jour et renseigné en permanence.

M. Philippe Dallier. - Nous sommes bien convaincus de tout cela. Mais avez-vous, dans tous les départements, les moyens suffisants pour faire tourner ce système ? J'aimerais être certain que cette République, une et indivisible, accorde les mêmes moyens à tous les départements. En Seine-Saint-Denis, ils sont bien insuffisants, en matière de passeport biométrique comme en bien d'autres domaines. En témoigne l'effroyable situation du service des étrangers dans ce département... Je voudrais donc connaître le nombre d'agents affectés à ce service là.

M. Raphaël Bartolt. - En Seine-Saint -Denis, 12 personnes sont affectées au passeport biométrique. Mais il y a dans ce département 15 % à 20 % de retours en mairie pour dossiers incomplets.

M. François Fortassin. - Comment nos concitoyens peuvent-ils savoir quelles mairies délivrent ce passeport biométrique ? Par ailleurs, en cas de fraude où se situent les responsabilités ?

M. Raphaël Bartolt. - On a choisi les communes, parmi celles qui se sont portées volontaires, en fonction du nombre de titres délivrés - cartes d'identité et passeports - des problèmes de liaison etc. Nos propositions ont ensuite été validées par l'Association des maires de France et par les préfets. Si vous désirez en connaître la cartographie, il vous suffit d'aller sur le site de l'ANTS, d'indiquer votre lieu de résidence et le site vous donnera la mairie la plus proche ainsi que ses heures d'ouverture.

M. François Fortassin. - Je ne sais pas quelles sont, dans mon département, les mairies qui délivrent ces titres et je n'ai lu dans la presse aucune information à ce sujet !

M. Raphaël Bartolt - La décision d'agréer une mairie pour délivrer ces passeports biométriques, faisant l'objet d'un arrêté préfectoral, vous pouvez également consulter le site de la préfecture.

La responsabilité en cas de fraude ? C'est le préfet qui, juridiquement, délivre ces titres. La commune ayant pour rôle de compléter les dossiers, elle se doit d'être vigilante mais, en cas de fraude, la mairie n'est pas responsable. En revanche, il est utile, lorsque quelque chose lui semble bizarre, d'en prévenir la préfecture, laquelle est chargée d'aller plus loin dans l'investigation. Dans ce cas, lorsque le dossier arrive chez le préfet, il y arrive avec le précédent passeport et le fichier des personnes recherchées peut être consulté.

Mme Marie-France Beaufils. - J'appelle votre attention sur le fait que les communes ont pris la responsabilité de délivrer cartes d'identité et passeports sans aucune indemnisation et, cela, depuis des dizaines d'années. Alors, je m'inquiète un peu lorsque j'entends parler de transfert de l'établissement de ce passeport biométrique d'une commune à une autre... D'autre part, le délai que vous constatez ne prend pas en compte le nécessaire temps d'explication en amont avec les usagers.

M. Jacques Quastana, directeur de la police générale à la Préfecture de police de Paris. - La préfecture de police accomplit à la fois les missions qui incombent aux communes - l'accueil des demandeurs - et celles qui incombent à l'État - le contrôle des dossiers. Autre de ses particularités : située au centre d'une agglomération importante, elle fait face à d'importantes migrations pendulaires. Le libre choix du lieu de dépôt de la demande modifie les habitudes ; il n'y a plus couplage avec le lieu de résidence et la demande peut se faire sur le lieu de travail à Paris. Cela impose de réfléchir au mode d'accueil - rendez-vous pris par téléphone ou par internet - et de prévoir des créneaux horaires suffisants. Actuellement, les rendez-vous sont pris par téléphone ; à la rentrée, ils se feront par internet.

Entre 2008 et 2009, le nombre de passeports délivrés a chuté de 200 000 à moins de 150 000. Mais cette année, la reprise est forte, 90 000 passeports ayant été demandés à la mi-juin, ce qui fait supposer une demande annuelle de 180 000 à 200 000.

M. François Saint Paul, directeur des Français à l'étranger au ministère des affaires étrangères et européennes. - En 2009, les consulats ont délivré 140 817 passeports biométriques, soit 5,8 % du total et 12,4 % de moins qu'en 2008. Le coût moyen de ce passeport est de près de 39 euros, coût calculé par les Affaires étrangères à partir d'échantillons. La Cour des comptes estime que ce coût surestime quelque peu les charges de personnel. En revanche, elle y ajoute des coûts communs, de transport par exemple, qui porte le prix de revient du passeport biométrique à 61,9 euros, à comparer avec les 55,4 euros de la Préfecture de police et les 54 euros des communes. L'écart, de 13%, est satisfaisant compte tenu du volume limité de passeports traités et de la rémunération des agents titulaires à l'étranger. La mise en place de la carte nationale d'identité (CNI) électronique devrait diminuer encore ce coût.

Le coût d'acheminement vers les consulats est estimé à 2 euros, contre 1,88 pour les mairies. Entre 2008 et 2009, le délai d'obtention est passé de 17,5 à 11,2 jours, soit une diminution de 36 %. Ce résultat s'explique par la mise en place du système TES (Titres électroniques sécurisés) qui permet de fabriquer un titre en 2,5 jours, auxquels s'ajoutent 8,6 jours de transport.

La déterritorialisation est maintenant possible et un Français de l'étranger peut désormais faire établir son passeport en France. Toutefois, certaines mairies limitrophes de nos frontières ne sont pas encore habituées à cette idée.

Nous sommes pressés d'aller vers la CNI électronique car le système actuel est encore trop lourd.

Autre grave problème pour les Français de l'étranger : la double comparution qui, si elle ne pose pas de problème dans l'Hexagone, est la critique la plus fréquente portée à l'établissement des passeports par nos consulats. L'obligation de s'y déplacer deux fois pose d'énormes problèmes aux Français résidant au fin fond du Canada ou de l'Australie. C'est pourquoi nous saisissons le Conseil d'État d'une modification des dispositions réglementaires actuelles afin que les passeports puissent être remis lors des tournés consulaires ou par le consul honoraire. Je me suis demandé quelle était la pratique de nos partenaires étrangers : nous sommes les seuls, avec les Tchèques, à imposer la double comparution à nos communautés à l'étranger.

M. Jean Arthuis, président. - La double comparution sert à empêcher la fraude. Mais peut-être est-elle superflue pour les Français de l'étranger...

M. François Saint Paul. - Elle est si gênante qu'au Canada, les consuls font remonter l'intention de certains de nos compatriotes de ne plus demander de documents d'identité français.

Mais, globalement, nous sommes satisfaits des délais réalisés par les consulats. La qualité de ce service est essentielle pour maintenir les liens avec la communauté française à l'étranger qui augmente de 4 % chaque année.

M. Didier Trutt, président directeur général de l'Imprimerie nationale SA. - L'imprimerie nationale exerce trois activités en lien avec l'établissement des passeports biométriques : l'authentification des personnes, la chaîne graphique, la gestion des documents électroniques. Nous choisissons la meilleure des technologies et des entreprises qui s'imposent dans chacune de ces activités, en privilégiant si possible les françaises, si bien qu'au total, nous obtenons la meilleure performance tant économique que qualitative et nous avons multiplié les gains de productivité.

Nous avons voulu maîtriser la personnalisation du passeport via le passage au passeport biométrique. C'est un pari réussi. Nous avons fabriqué 9 millions de passeports électroniques et 1,5 millions de passeports biométriques et, à 90 %, nous les délivrons en deux jours. Nous recevons de 5 000 à 25 000 demandes par jour.

Nos services sont entièrement sécurisés. Nous réalisons ces titres, eux-mêmes entièrement sécurisés, dans notre centre de Douai, maintenant classé OIV (Opérateur d'importance vitale).

M. Jean Arthuis, président. - Où en sont les comptes de l'Imprimerie nationale en fin d'année ?

M. Didier Trutt. - Je suis fier de pouvoir dire qu'en 2009, les comptes sont à l'équilibre, encore fragile, mais à l'équilibre. Nos activités régaliennes ne représentent que 40 % de notre chiffre d'affaires et 5  % de nos profits - contre 10 % chez nos concurrents.

M. Jean Arthuis, président. - Cela vous oblige-t-il à des investissements réguliers ?

M. Didier Trutt. - L'arrivée de nouvelles technologies nous oblige à évoluer et à faire régulièrement de nouveaux investissements.

M. Jean Arthuis, président. - Cela ne compromet-il pas l'équilibre des comptes ?

M. Eric Querenet, sous-directeur à la direction du Budget. - Nous sommes d'accord avec le constat de la Cour des comptes. Le surcoût, par rapport au passeport électronique, s'explique pour moitié par la technologie supplémentaire et pour moitié par le service. A l'origine, à l'été 2008, nous avions, par prudence, anticipé un coût légèrement supérieur. Nous avons eu ensuite deux bonnes surprises : dans nos négociations avec l'Imprimerie nationale ; et avec le marché TES, lequel est amorti avec le seul passeport. Les différentes offres étaient intéressantes et on ne pouvait préjuger que le moins-disant, Atos Sagem, l'emporterait ainsi. Le tarif était calculé au départ avec l'option d'amortir l'investissement sans la CNI électronique ; celle-ci étant gratuite, on ne peut en attendre d'économie d'échelle.

Je ferai une réserve sur l'appréciation de la Cour des comptes quant à la comparaison internationale des coûts. Le nôtre est au même niveau que celui de l'Allemagne et est inférieur aux coûts anglais, italien ou belge. Il dépend aussi du nombre de passeports délivrés, passé de 3,2 à 2,8 millions. Cela s'explique par un phénomène conjoncturel - la crise - et par une évolution structurelle : le recentrage du passeport - qui avait auparavant une fonction hybride - sur sa fonction de titre de voyage, d'ailleurs de moins en moins indispensable puisqu'on peut s'en dispenser pour entrer dans de nombreux pays et qu'un enfant de moins de douze ans n'en a pas besoin. La prolongation des effets de l'évolution structurelle m'amène à penser que la Cour des comptes est un peu optimiste...

M. Albertini a fait état d'un écart de 12 euros. Si le tarif n'est pas revalorisé, les coûts - notamment de personnels - augmentant, cet écart se réduira mécaniquement.

M. Jean Arthuis, président. - Il n'y a aucune urgence à revoir à la baisse le droit de timbre...

M. Denis Badré. - Les demandes de passeports en urgence aboutissent toujours chez le maire... Avec le passeport électronique, on pouvait les satisfaire en 24 heures. Ce n'est plus possible avec le passeport biométrique car, nous dit-on, les délais matériels sont incompressibles. Est-ce vrai ?

Les gains de productivité et les économies d'échelle permettront-ils de diminuer le prix du timbre ou profiteront-ils à la collectivité ?

Dans ses comparaisons internationales, la Cour des comptes cite essentiellement des pays non communautaires. Or, c'est l'Union européenne qui nous intéresse.

On nous dit que, pour les procédés de fabrication, nous sommes les meilleurs et les moins chers. Lorsque nous aurons, un jour, un passeport Schengen, il faudra utiliser nos procédés, et la mutualisation des moyens des consulats des différents Etats membres de l'UE permettra d'énormes économies ; il y là une ressource propre qui pourrait rapporter à l'Europe de 500 millions à 1 milliard d'euros.

M. François Saint Paul. - La fonction consulaire a certains aspects de stricte compétence nationale - l'état-civil par exemple - et dans ce cas, une mutualisation serait difficile. Pour ce qui est de l'externalisation, la France est en avance, certains autres ont à peine commencé dans cette voie. Donc, oui à une mutualisation, mais l'idée de remplacer 27 consulats par un seul nécessite encore une étude plus fine car nous distribuons des produits différents.

M. Raphaël Bartolt. - Depuis janvier les passeports d'urgence ne sont plus acceptés par les États-Unis parce qu'ils sont sans puce. Nous avons donc mis en place une procédure d'établissement de vrais passeports biométriques en trois jours pour ce pays et les préfectures continueront à délivrer des passeports d'urgence sans puce. Certaines d'entre elles distinguent un classement entre dossiers simples et dossiers compliqués. Des gains de productivité seront possibles dès lors que les 2 082 mairies pourront s'envoyer les certificats de naissance. Nous préparons aussi une vague de dématérialisation des CERFA. Monsieur Fortassin, nous travaillons à une meilleure information du public par la mise en ligne sur les sites des mairies. Et nous travaillons aussi sur un timbre fiscal dématérialisé, payé en ligne par carte bancaire. Tout cela augmentera la productivité et diminuera les délais de production des titres.

Dans l'Union européenne, seuls vingt États disposent maintenant du passeport biométrique et le procédé français est le mieux sécurisé. Les autres pays, notamment du Proche et du Moyen-Orient, d'Afrique et d'Asie, basculent vers ce passeport biométrique et la France est la mieux placée pour conquérir ces marchés extérieurs. GEMALTO, spécialiste des cartes à puce, THALES ou SAGEM représentent des milliers d'emplois et 60 % du marché mondial des documents informatiques.

M. Jean Arthuis, président. - Merci, madame André d'avoir été à l'initiative de cette demande à la Cour des comptes. Celle-ci a déterminé un prix de revient de 55 euros. Son travail a été unanimement salué et ce prix n'est pas contesté. Quant au prix de 89 euros, il est élevé mais le prix pondéré n'est que d'environ 69 euros. Il y a donc là une marge dont nous verrons ce qu'il est opportun de faire : la transformer en recettes pour l'État, la restituer aux municipalités ou bien aux demandeurs de passeport.

Il nous faudra légiférer pour permettre la délivrance de cartes d'identité biométriques. Services de l'État et mairies doivent dialoguer, et ces dernières être assurées d'une équitable rémunération pour leur participation à la délivrance des titres.

Mme Michèle André. - Je me suis régalée à découvrir l'intégralité du dispositif de fabrication des titres. L'ANTS a déployé une grande énergie pour rendre un service de qualité. J'ai été très bien accueillie, dans le blockhaus qu'est l'Imprimerie nationale comme dans les préfectures. Je vous renvoie à mon rapport n°486, La nouvelle génération de titres d'identité : bilan et perspectives, pour plus d'informations.

La suppression dans les préfectures de deux mille postes affectés à ces tâches fera l'objet d'un contrôle dont je vous communiquerai les conclusions à l'automne. Une troisième vague de suppressions risque d'être insupportable pour nombre de préfectures...

Dans nos consulats, les choses commencent à prendre tournure. Enfin, je salue le magnifique service de la préfecture de police, qui facilite les démarches des citoyens.

A l'issue de ce débat, la commission autorise la publication de l'enquête de la Cour des comptes ainsi que du compte rendu de la présente audition sous la forme d'un rapport d'information.

Présidence de M. Jean Arthuis, président, et de M. Jacques Legendre, président de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication -

Contrôle budgétaire sur les comptes de France Télévisions - Communication

La commission entend, conjointement avec la commission de la culture, de l'éducation et de la communication, une communication de M. Claude Belot, rapporteur spécial, et Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteur pour avis, sur les comptes de France Télévisions.

Mme Catherine Morin-Desailly, co-rapporteur. - Claude Belot et moi-même travaillons à ce rapport depuis février. Il fallait laisser France Télévisions s'adapter à la nouvelle donne et mesurer les effets culturels et financiers de la suppression de la publicité après 20 heures ; le projet de loi relatif au nouveau service public de la télévision, dont j'étais co-rapporteur, a ainsi été assorti d'une « clause de revoyure ». Faute de décret, le comité de suivi prévu par la commission de la culture n'a pas vu le jour, non plus que le groupe de travail sur la redevance. D'où cette mission commune avec la commission des finances. Nous avons auditionné une soixantaine de personnes pour mesurer l'adéquation des financements de France Télévisions à ses missions et dresser un bilan d'étape de la réforme.

Le grand chantier de l'entreprise unique est en bonne voie. Face à la concurrence de la télévision numérique terrestre (TNT) et des nouveaux supports, il fallait que la stratégie de bouquet bénéficie d'une structure juridique adéquate, afin de renforcer la visibilité de la marque France Télévisions. La fusion des divers conseils d'administration facilite la prise de décision et la construction d'une stratégie lisible. Dans un souci de transparence, le nouveau conseil d'administration unifié s'est doté d'un règlement intérieur qui renforce notamment le rôle des comités spécialisés. Il faut poursuivre dans cette voie afin que les engagements financiers les plus lourds soient systématiquement approuvés par le conseil d'administration.

L'organisation en tuyaux d'orgue cède la place à une organisation transversale de grands services définis par leur fonction - marketing, gestion, fabrication, etc. -, ce qui rend les arbitrages plus nombreux et délicats et nécessite une coordination des responsabilités croisées. La direction de France Télévisions en est consciente. Un renforcement de la fonction d'audit interne serait bienvenu.

Les auditions ont montré que l'unification des programmes consolide l'identité du groupe et renforce sa capacité d'achat et de négociation. Les antennes gardent la maîtrise de la ligne éditoriale de leur grille. Elles dialoguent avec le secteur programmes pour éviter une uniformisation des programmes au détriment de la diversité culturelle. L'unité Jeunesse a ainsi construit avec « Ludo » une offre cohérente sur l'ensemble du bouquet et sur Internet, évitant les redondances et les concurrences. C'est un modèle à suivre.

La réorganisation territoriale passe par la création de quatre pôles de gouvernance chargés de la coordination éditoriale des antennes de proximité et de l'allocation des moyens, afin d'éviter les doublons, de faciliter les mutualisations et de rationaliser l'offre. Mais la mise en ordre de marche de la nouvelle organisation est délicate : les responsabilités hiérarchiques se croisent, et le nécessaire rééquilibrage entre régions se heurte au refus légitime des mobilités géographiques contraintes. Enfin, gare à la recentralisation : les acteurs de proximité doivent conserver l'initiative éditoriale.

M. Claude Belot, co-rapporteur. - Hier, lors de notre dernière audition, l'actuel patron de France Télévisions estimait avoir mené à bien la mutation de son entreprise, en cette période de révolution du paysage audiovisuel.

La commission des finances a longtemps plaidé pour une augmentation de la redevance, qui n'est intervenue que l'année dernière. Ce matin, le ministre du budget disait intégrer dans ses prévisions une hausse de 2 euros par an.

Après une année 2008 difficile, 2009 a réservé de bonnes surprises : audience en hausse et reprise économique, avec un surplus de recettes publicitaires par rapport à la prévision de 144,9 millions, ce qui permet au groupe de réaliser un bénéfice net de 23,6 millions. En conséquence, la dotation budgétaire a été réduite de 450 à 415 millions. La trajectoire de charges a été maîtrisée, même s'il faut poursuivre les efforts. Il faudra tenir compte de l'aléa judiciaire, sachant que la cour d'appel de Paris a refusé la fusion des conventions collectives.

France 3 représente la moitié des dépenses de personnel. On constate une grande disparité de coût selon les grilles régionales : il y a là des marges de progression.

L'exercice 2010 sera sans doute bénéficiaire. Nous sommes loin de la situation du groupe à la fin des années 1990... Les synergies devraient permettre de réaliser 200 à 350 millions d'euros d'économies, mais la réorganisation sociale risque d'être source de coûts imprévus. Le passage au média global entraînera également des coûts d'organisation et de production. France Télévisions doit se préparer activement ! Bref, en cette période de mutation, la maison est tenue. Les pistes annoncées sont crédibles, les méthodes pour y parvenir aussi. L'état des lieux est globalement rassurant.

Mme Catherine Morin-Desailly, co-rapporteur. - La BBC, souvent citée en exemple, consacre 250 millions d'euros au développement du média global ; France Télévisions, 60 millions. Il lui faut réaffecter une partie des économies réalisées à ce secteur stratégique car source de recettes futures.

Maupassant, Tosca, multiplication des émissions culturelles : le virage éditorial est net. Il doit se décliner pour chaque antenne. L'identité de chaque chaîne du bouquet doit être renforcée, afin de différencier l'offre pour tous les publics. Bref, si son périmètre est adéquat, le bouquet manque encore de couleurs ! France 4 a connu une hausse d'audience de 60%, la plus forte de toutes les chaînes dédiées à la jeunesse. La différenciation réussie par rapport aux chaînes privées résulte aussi de la suppression de la publicité après 20 heures...

Le développement du média global sera un chantier majeur pour France Télévisions, qui doit être sur tous les supports : demain, la télévision sera hybride ! La France compte 18,5 millions d'internautes, qui passent autant d'heures sur la Toile que devant leur téléviseur. Il faut anticiper les mutations technologiques. Ainsi, après l'accord exclusif avec Orange, France Télévisions annonce le lancement de la plateforme de télévision de rattrapage Pluzz, dont l'offre sera distribuée sur tous les supports.

Les nouveaux pôles Marketing et Fabrication suivent les évolutions des modes de consommation des médias et les évolutions technologiques. Reste à assurer la cohérence des initiatives au sein d'une stratégie lisible. Ce sera la tâche de la coordonnatrice du média global fraîchement nommée. France Télévisions ne compte pas moins de 913 sites internet ! Il faut une porte d'entrée commune, pour une consommation efficace.

Au risque de brouiller son image, France 3 adopte une programmation proche de celle de France 2 et touche le même public. Elle n'assume pas pleinement sa vocation de chaîne des régions. On justifie les horaires des décrochages régionaux par leurs faibles audiences, alors que les horaires sont précisément la cause de cette faiblesse !

Les contours du projet de Web TV régionales sont encore incertains. Cette télévision d'hyper-proximité devrait offrir un véritable service : il suffira d'un clic pour voir, par exemple, tous les reportages sur le festival des Vieilles charrues, présents et passés ! Il faudra toutefois veiller à l'articulation des Web TV avec la chaîne premium. France Télévisions doit renforcer l'identité propre des chaînes qui la composent.

M. Claude Belot, co-rapporteur. - Les moyens dont bénéficie France Télévisions doivent lui permettre de réussir sa mutation. Son financement doit reposer sur des bases juridiques solides. Or la taxe sur les opérateurs de télécoms risque fort d'être mise en cause par Bruxelles... Une solution serait d'augmenter la redevance, et d'en élargir l'assiette : la France est le seul pays à exonérer les résidences secondaires !

Il n'y a pas eu de débat sur l'opportunité de supprimer la publicité avant 20 heures. Si celle-ci est effectivement complètement supprimée, il faudra des recettes de substitution. Augmenter les crédits budgétaires n'est guère dans l'air du temps... A titre personnel, j'aurais souhaité que la publicité reste un pilier du financement de France Télévisions. En tout état de cause, après 20 heures, la publicité a été remplacée par les « parrainages », essentiellement de la grande distribution, qui représentent 20% des recettes publicitaires !

Il faut un financement responsable, assis sur des recettes commerciales et une redevance adéquate. Soit l'on supprime totalement la publicité en 2012, en ce cas il faudra soumettre les terminaux informatiques et les résidences secondaires à la redevance, soit on maintient la publicité en journée. Vous avez compris quelle solution a ma préférence...

Mme Catherine Morin-Desailly, co-rapporteur. - En ce qui concerne le financement de France Télévisions, nous avons dégagé plusieurs principes intangibles : la réforme ne doit pas avoir d'impact négatif sur le budget de l'État, le périmètre de France Télévisions doit rester inchangé, et les économies être consacrées à la modernisation, au média global et à la négociation sociale.

Si la suppression totale de la publicité est mise en oeuvre, la décision devra être prise avant la fin du premier trimestre 2011. Il faut six mois à France Télévisions pour organiser ses programmes et vendre sa régie publicitaire. Le Parlement ne doit pas être à nouveau pris de court ! Notre rapport consacre un chapitre aux comparaisons internationales en matière de redevance. Pour combler le manque à gagner, il faudrait en élargir l'assiette à l'ensemble des terminaux et réintégrer les résidences secondaires. Une nouvelle revalorisation paraît difficile dans le contexte actuel. Supprimer le parrainage améliorerait la lisibilité de la réforme - à condition que la taxe sur les opérateurs de télécommunication ne soit pas remise en cause.

Autre hypothèse, le maintien de la publicité en journée, avec éventuellement un élargissement de la contribution à l'ensemble des terminaux et une modulation de sa clé de répartition. Le taux de la taxe sur la publicité des chaînes de télévision devrait alors être revu à la baisse, afin d'ajuster son montant aux besoins. Il peut s'agir d'un simple moratoire, le temps que l'indexation de la contribution compense une suppression totale de la publicité.

Nos propositions sont donc les suivantes : redonner des couleurs au bouquet : assumer la vocation territoriale de France 3 ; développer une vraie stratégie du média global ; choisir l'une des deux hypothèses crédibles de financement ; renforcer les synergies ; charger un organisme indépendant, par exemple le CSA, de contrôler de façon permanente les besoins de financement ; mettre en phase le contrat d'objectifs et de moyens et le mandat du président.

M. Jacques Legendre, président de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication. - Nous disposons enfin d'un état des lieux précis. Notre commission a toujours souhaité dégager le service public de l'audiovisuel de la dictature de l'audimat. Toutefois, veillons à ce que la publicité, chassée par la porte, ne rentre pas par la fenêtre sous la forme des « parrainages » : le Parlement ne se grandirait pas en tolérant une telle hypocrisie.

Je félicite nos deux rapporteurs : le débat est ouvert sur des bases claires.

M. David Assouline. - Cet état des lieux était attendu. La question du financement pérenne de l'audiovisuel public est au coeur de nos débats.

France Télévisions avait retrouvé une gestion saine et équilibrée, accompagnée d'un renouveau éditorial perceptible, avant la réforme ! Les programmes de qualité se sont multipliés, même si je regrette le peu de place accordée aux émissions politiques et au documentaire...

La gauche n'est pas pour la publicité à tout va : nous voulons un service public émancipé de la tutelle étatique ou commerciale, car c'est la garantie de sa liberté de ton. Le gouvernement Jospin avait proposé une augmentation progressive de la redevance, permettant à terme de se passer de publicité. Mais à partir de 2002, son montant a été gelé.

Les recettes compensant la suppression de la publicité ne sont pas sûres : Bruxelles va vraisemblablement retoquer la taxe sur les opérateurs de télécoms. C'est 200 millions qu'il faudra rembourser !

Dans le contexte budgétaire actuel, le service public ne doit pas dépendre du budget de l'État. Supprimer aujourd'hui la publicité avant 20 heures, en se privant de 400 millions de recettes, n'est ni juste, ni tenable politiquement !

Oui à une extension de la redevance aux résidences secondaires, d'autant que la ponction serait faible. D'accord pour une hausse étalée de la redevance, avec un moratoire : il faut établir un calendrier, et des objectifs. L'idée d'une taxe sur l'ensemble les terminaux est séduisante, mais me paraît difficile à mettre en place.

Mme Catherine Morin-Desailly, co-rapporteur. - Elle existe en Grande-Bretagne et en Allemagne.

M. David Assouline. - Quel en est le taux ? Comment est-elle perçue ? Là encore, il faudrait un état des lieux.

Il n'y a pas lieu de baisser à nouveau la taxe sur la publicité sur les chaînes de télévision, d'autant que si la redevance couvre l'intégralité des besoins de financement, la publicité se reportera sur les chaînes privées !

Quelle est la part des économies consacrée au développement du média global ? Enfin, où en est le plan social, négocié avec les syndicats, et quid des conventions collectives ?

M. Adrien Gouteyron. - Je me réjouis de la situation de France Télévisions, que je souhaite voir consolidée et pérennisée. Nous ne devons pas pour autant perdre de vue celle des chaînes privées : il faut suivre les évolutions du marché de la publicité dans son ensemble.

Je ne comprends pas la perpétuelle inquiétude des personnels de France 3 en région. Où est le péril ? Par ailleurs, comment expliquer les importantes différences de coûts entre antennes régionales ?

M. Jean-Pierre Leleux. - Le conseil d'administration de France Télévisions, dont je suis membre, est fier des progrès effectués. La fin de la publicité après 20 heures accentue la différenciation avec les chaînes privées et est appréciée des téléspectateurs. Faut-il à terme supprimer complètement la publicité ? L'exemple espagnol montre un effet positif sur l'audimat. D'autres jugent la publicité utile pour des raisons économiques, et redoutent qu'une dépendance à l'égard du budget de l'État n'altère l'esprit de l'entreprise...

Reste le problème du financement : en temps de crise, on ne peut demander 450 millions supplémentaires au budget général de l'État. Une solution serait d'augmenter la redevance, d'y soumettre les résidences secondaires et de l'asseoir sur le nombre d'écrans réel. Financer France Télévisions coûte aujourd'hui seulement 20 centimes par jour au contribuable, le prix d'un texto ! Sur les 50% de contribuables qui ne payent pas la redevance, combien sont abonnés à Canal Plus ?

Combien ont rapporté les taxes sur la publicité sur les chaînes de télévision et sur les opérateurs de télécoms ? Quelles économies permettra le passage au tout numérique ? Enfin, attention au retour de la publicité via les parrainages !

M. Jack Ralite. - Nous avons débattu de ces questions le 5 mai en commission de la culture, en séance publique le 10, puis le 20 mai, et encore le 4 juin. Nous n'avons rien appris de nouveau aujourd'hui. Le gain constaté témoigne de l'attachement des publicitaires à la télévision publique, et de la qualité du personnel de la régie publicitaire. La situation demeure fragile. Lors de la fusion, le mécanisme comptable de revalorisation des actifs a été calculé pour atteindre 100 millions ! La synergie a déjà rapporté 67 millions. Reste que le résultat positif de 50 millions est à saluer.

Google est en train de percer dans la télévision : ce sera un sacré concurrent ! Or les nécessaires investissements de France Télévisions dans le media global ne sont pas chiffrés.

Ma position sur la publicité est claire. Ma proposition de loi de 1999, élaborée avec une cinquantaine de professionnels, prônait un financement croisé, pour préserver l'indépendance de France Télévisions. Saisissons la clause de rendez-vous prévue dans la loi du 5 mars 2009 pour en rester là ! Certes, la télévision « formate » le téléspectateur, mais celui qui regarde l'image n'en est pas esclave !

La régie publicitaire doit rester dans le giron de France Télévisions, a fortiori vu les activités parallèles de l'acquéreur potentiel, M. Courbit. Il faut rétablir les résidences secondaires dans l'assiette de la redevance. Les comptes de TF1 restent florissants : il n'y a pas lieu baisser leur taxe. Je demande enfin une étude sur la redevance.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. - J'estime pour ma part qu'un pôle public ne devrait pas être financé par de la publicité ou le parrainage, mais par des moyens publics. La chaîne publique doit se caractériser par son mode de financement. Pourquoi les gens du voyage, par exemple, sont-ils exonérés de redevance ?

Mme Catherine Morin-Desailly, co-rapporteur. - La redevance a été rebaptisée « contribution à l'audiovisuel public ». Elle fait l'objet d'une étude détaillée dans le rapport, sur la base de comparaison avec les pays voisins. Ainsi, l'Allemagne a mis en place une taxe sur les terminaux informatiques de 5,75 euros, mais envisage de l'aligner sur la redevance.

Les recettes publicitaires sont certes en hausse, mais la situation des comptes prend en en compte la surcompensation de l'État via la dotation budgétaire... La situation est certes stabilisée, mais l'équilibre structurel reste à trouver.

Le passage au tout numérique devrait dégager une économie de 80 millions d'euros, déjà réaffectés à la modernisation. Les taxes ont rapporté 214 millions au budget de l'État, loin des 450 millions à compenser. La prévision pour 2010, en année pleine, n'est que de 366 millions. Nous n'avons pas, par ailleurs, les 200 millions nécessaires pour compenser la suppression de la publicité avant 20 heures. Si nous voulons une télévision dégagée de la contrainte de l'audimat, il faut avoir le courage d'augmenter la redevance, en travaillant sur les pistes que nous proposons.

M. Jean Arthuis, président. - Bref, seul le financement ne fait pas consensus.

A l'issue de ce débat, la commission de la culture, de l'éducation et de la communication et la commission des finances donnent acte à Mme Catherine Morin-Desailly et Claude Belot, rapporteurs, de leur communication, et en autorisent la publication sous la forme d'un rapport d'information.

Débat d'orientation des finances publiques - Audition de M. François Baroin, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat

Au cours d'une seconde séance tenue dans l'après-midi, la commission procède à l'audition de M. François Baroin, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat, préalable au débat d'orientation des finances publiques.

M. Jean Arthuis, président. - Nous entendons M. François Baroin, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat, qui va nous éclairer sur les modalités de mise en oeuvre de la trajectoire de retour à l'équilibre des finances publiques, telle que définie dans notre programme de stabilité 2011-2013.

M. François Baroin, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat. - Merci Monsieur le Président. J'ai voulu que ce débat d'orientation des finances publiques (DOFP) soit un véritable débat, car il est d'une importance capitale et que la situation l'exige. Ce débat me permet de faire un bilan de l'état de nos comptes publics, de vous exposer nos choix pour le futur proche et de réaffirmer les engagements que nous avons pris au niveau européen par notre programme de stabilité.

La crise économique que nous venons de vivre a fortement secoué l'économie mondiale. Mais ses effets ne se sont pas limités au secteur privé puisqu'ils se sont étendus au secteur public, avec comme apogée la crise grecque, venant nous rappeler avec violence la nécessité de veiller à la maîtrise des finances publiques.

Dès maintenant, nous devons privilégier une extrême attention dans la gestion des ressources publiques. C'est dans cette perspective que les nouvelles mesures, dès 2011, marqueront une très forte inflexion de la dépense publique. Nous le savons tous, les ressources publiques ne sont pas inépuisables. C'est notre responsabilité que d'inverser la tendance et de dépenser de façon plus raisonnée. Je crois sincèrement qu'une prise de conscience et un changement des mentalités vis-à-vis de la dépense publique sont en cours.

Pour l'année 2010, les objectifs seront tenus. Notre préoccupation est d'accompagner la reprise tout en étant au rendez-vous de nos objectifs de finances publiques. Il s'agit tout d'abord de tenir notre objectif de déficit public à 8,0 % du produit intérieur brut (PIB), ce que devraient notamment permettre les recettes d'impôt sur les sociétés et de TVA, qui se rétablissent progressivement. Il s'agit ensuite de tenir la dépense de l'Etat au niveau prévu par la loi de finances, c'est-à-dire le « zéro volume ». Enfin l'objectif national de dépense d'assurance maladie (ONDAM), tel qu'il a été voté par le Parlement, sera respecté.

Dès 2011, et pour trois ans, notre stratégie vise à infléchir les déficits publics par un nouvel élan dans la maîtrise de la dépense. Cette stratégie triennale nous permettra de ramener les déficits publics à 3% du PIB en 2013, conformément aux engagements pris devant nos partenaires européens. Notre programme de stabilité prévoit une réduction du déficit public d'environ cinq points de PIB sur la période, soit environ 100 milliards d'euros. Une partie proviendra du rattrapage des recettes fiscales après la crise. Une autre partie correspond à la non-reconduction de mesures 2010 qui n'avaient pas vocation à être pérennes, comme les mesures de relance et le surcoût de la taxe professionnelle.

Au-delà de ce rattrapage attendu, notre stratégie repose sur de nouvelles mesures d'économies sur 2011-2013. Cela devrait nous permettre d'aboutir à une évolution en volume de 0,6 % seulement de la dépense publique au cours de la période. La réduction de la croissance de ces dépenses faisait déjà partie des engagements du Gouvernement en 2007, elle n'en devient que plus cruciale aujourd'hui. J'ai eu maintes fois l'occasion d'expliquer en ces lieux pourquoi nous choisissons le levier de la dépense : notre pays atteint déjà l'un des niveaux de prélèvements obligatoires les plus élevés au monde. Toute hausse généralisée d'impôts nuirait à la compétitivité de notre économie et compromettrait la reprise : nous l'écartons.

J'insiste vivement sur ce point : nous ne gagnerons pas notre pari sans l'implication de tous les acteurs publics. Pour l'Etat tout d'abord, dans le cadre du budget pluriannuel, nous avons décidé une réelle inflexion dans la croissance de la dépense. C'est un objectif véritablement courageux et sans précédent : même pour la « qualification » pour l'euro, l'effort n'avait pas été tel. Les dépenses de l'Etat seront stabilisées en valeur pour les trois prochaines années, hors pensions et charges de la dette. Le Gouvernement consentira un effort à hauteur de 10 % sur toutes les dépenses de fonctionnement et d'intervention d'ici 2013. C'est une inflexion de la dépense qui n'a jamais été réalisée en France.

Précisément, pour réduire les dépenses de fonctionnement de l'Etat de 10 % en trois ans, nous souhaitons réduire son train de vie, grâce aux outils de la révision générale des politiques publiques (RGPP) comme les chantiers interministériels.

La première vague de la RGPP a déjà permis, grâce au non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux partant à la retraite, de supprimer 100 000 emplois depuis le début de la législature. Les économies globales issues de la RGPP en trois ans sont de 7 milliards d'euros. La deuxième vague est plus ambitieuse : ce sont également de l'ordre de 100 000 suppressions d'emplois qui interviendront jusqu'en 2013. L'Etat aura ainsi retrouvé le nombre d'agents qu'il avait en 1990. Sur la période 2011-2013, cela représente près de 5 % des effectifs de l'Etat, soit un gain brut annuel proche de 1,5 % qui correspond aux gains de productivité observés dans le secteur des services. Cela représente un gain brut total de plus de 3 milliards d'euros. Je souligne que le principe de faire bénéficier les agents de 50 % des économies induites par ledit « 1 sur 2 », sous forme de l'amélioration de leur situation financière, sera naturellement reconduit dans le prochain triennal 2011-2013.

Nous souhaitons également un réexamen de toutes les dépenses d'intervention, qui atteignent 66 milliards d'euros, pour dégager des économies à hauteur de 10%. J'y reviendrai. Et pour la première fois, nous demanderons aux 655 opérateurs de l'Etat un effort équivalent à celui de l'Etat.

Pour la sécurité sociale, nous procédons de la même façon que pour l'Etat, en associant réformes et maîtrise serrée de la dépense. En ce qui concerne les dépenses d'assurance-maladie, je m'engage à ramener la progression de l'ONDAM à moins de 3 % tout au long de la période.

Nous renforcerons l'efficacité de l'assurance maladie grâce à des innovations récentes comme les agences régionales de santé qui doivent permettre d'améliorer le lien entre ville, hôpital et médico-social, ou bien les projets de performance des hôpitaux.

Au-delà des réformes de structure, afin de trouver des outils permettant de respecter l'ONDAM, nous avons largement repris les conclusions du rapport Briet. Le seuil d'alerte, fixé à 0,75 % aujourd'hui, sera progressivement abaissé à 0,5 % d'ici 2012-2013 et le rôle du comité d'alerte sera étendu : il se prononcera désormais ex ante sur la construction de l'ONDAM et son rôle de veille sur l'exécution de l'ONDAM sera renforcé. Ensuite une fraction des dotations sera mise en réserve en début d'année.

La réforme majeure au sein de notre stratégie est indéniablement la réforme des retraites, qui vient de vous être présentée. Cette réforme devrait permettre aux régimes de retraite d'atteindre l'équilibre dès 2018. Elle génèrera un gain de 1,2 point sur le déficit structurel à horizon 2020 et d'environ 9 points de PIB sur la dette publique au même horizon.

Comme je l'ai évoqué précédemment, nous ne réussirons pas notre pari sans le partage des efforts. C'est la raison pour laquelle nous avons souhaité que les transferts de l'Etat aux collectivités territoriales soient stabilisés en valeur au cours des trois prochaines années.

La réforme des collectivités locales, en cours de discussion au Parlement, doit aider à rendre plus efficace la dépense locale. Un moratoire sur les normes réglementaires, hors normes européennes, que l'Etat impose aux collectivités locales, est aussi prévu car ces normes pèsent sur les dépenses des collectivités locales. Le Gouvernement souhaite parallèlement renforcer la péréquation à l'intérieur de l'enveloppe des concours de l'Etat. C'est une mesure à laquelle je tiens particulièrement.

Pour renforcer dans la durée la maîtrise des dépenses, il est indispensable de réfléchir en commun à une nouvelle gouvernance des finances publiques. La Commission créée par la Conférence nationale sur le déficit public du 28 janvier 2010 et présidée par M. Michel Camdessus a rendu son rapport sur la règle constitutionnelle d'équilibre des finances publiques. Le rapport de la Commission Camdessus est remarquable. Il aborde chaque question technique en soulignant les différentes réponses possibles et indique des préférences.

Nous sommes tous d'accord sur un certain nombre de points. Je pense en particulier à la proposition visant à confier le monopole des dispositions relatives aux recettes fiscales et sociales aux lois de finances et aux lois de financement de la sécurité sociale. Cette règle est extrêmement utile pour conserver une approche cohérente de l'évolution des recettes de l'Etat et de la sécurité sociale. C'est la raison pour laquelle nous l'avons d'ores et déjà mise en oeuvre grâce à la circulaire du Premier ministre du 4 juin dernier.

Quant au contenu de la règle constitutionnelle d'équilibre, c'est un enjeu majeur. Le sujet mérite d'être approfondi et discuté. C'est tout le sens des consultations que j'engagerai prochainement, auprès du Premier ministre, pour déterminer plus précisément les contours d'une réforme consensuelle, au service d'une croissance durable. Le consensus sur cette réforme est atteignable d'ici à l'été 2011.

Je vous ai décrit notre stratégie générale pour les trois années à venir. Dès l'année prochaine, en 2011, le redressement de nos finances publiques est impératif. En 2011, nous avons pour objectif de ramener les déficits publics à 6 % du PIB. Cet objectif est pour moi et pour l'ensemble du Gouvernement intangible ; c'est le coeur de notre stratégie. La prévision de croissance est parfois qualifiée d'ambitieuse, mais nous sommes confiants et nous adapterons, le cas échéant, le pilotage budgétaire à la croissance observée.

Notre stratégie, pour passer d'un déficit public à 8 % du PIB en 2010 et à 6 % en 2011, représente une réduction du déficit public de l'ordre de 40milliards d'euros. Cela ne signifie nullement que les dépenses doivent diminuer de 40 milliards d'euros sur une année : le solde correspond à la différence entre les recettes et les dépenses publiques. Ce qui compte avant tout, c'est que les recettes progressent plus vite que les dépenses pour que le déficit public puisse diminuer dans le temps.

Trois leviers vont nous permettre de respecter notre trajectoire. Une partie de l'effort, environ 15 milliards d'euros, correspond à la non-reconduction de mesures 2010 qui n'avaient pas vocation à être pérennes, comme les mesures de relance et le surcoût de la taxe professionnelle cette année.

11 milliards d'euros proviendront du rattrapage des recettes fiscales après la crise en lien avec le retour de la croissance. Avec la crise, une grande majorité des recettes a en effet suivi la contraction de l'activité économique. Pour certaines recettes, la baisse a même été plus importante que celle de l'activité, en raison de la nature plus volatile de leur assiette. Par exemple, l'impôt sur les sociétés a vu son rendement baisser de près de 60 % ; la chute du marché immobilier a entraîné une baisse des droits de mutation de 30 %.

Le reste, soit 14 milliards d'euros, proviendra d'un effort partagé de l'ensemble des acteurs de la dépense publique.

Le gel en valeur des dépenses de l'Etat et des concours aux collectivités territoriales rapportera environ 7 milliards d'euros. Près de 1 milliard d'euros sera lié au gel des concours de l'Etat aux collectivités locales. 1 milliard d'euros sera économisé sur le fonctionnement de l'Etat et des opérateurs. Une meilleure maîtrise de la masse salariale, notamment le non remplacement d'un départ sur 2 à la retraite, permettra d'économiser 1 milliard d'euros supplémentaire. Enfin, un effort d'environ 4 milliards d'euros sera effectué sur les dépenses d'intervention de l'Etat.

La sphère sociale contribuera également pour l'autre moitié à l'effort de redressement. La réforme des retraites rapportera 4,5 milliards d'euros. La reprise de la dette sociale par la CADES permettra de contribuer à hauteur de 3,2 milliards d'euros à l'effort de consolidation. Enfin, la fixation de l'ONDAM à 2,9 % sera l'occasion de mettre en oeuvre environ 2,5 milliards d'euros d'économies.

Comme vous pouvez le constater, le total de l'effort de redressement sur la sphère sociale dépasse 10 milliards d'euros. Ceci pour une raison simple : si l'on ne rien fait, les dépenses sociales évoluent avec une dynamique supérieure à la croissance du PIB. Il faut donc un total de mesures supérieur à 7 milliards d'euros pour contrecarrer cette dynamique.

Nous voulons nous concentrer sur les dépenses fiscales et les « niches » sociales qui sont les plus favorables à la croissance et à l'emploi, sans remettre en cause celles qui concernent les personnes les plus en difficulté. C'est un objectif auquel je suis particulièrement attaché.

J'ai déjà parlé d'un potentiel de suppressions qui peut atteindre 8,5 à 10 milliards d'euros. Pour atteindre cet objectif, nous savons que nous pouvons compter sans aucun doute sur le concours du Parlement. Vous connaissez les deux pistes sur lesquelles nous travaillons et les noms très poétiques qui les désignent. Le « bouquet » est la suppression pure et simple de certaines niches qui n'ont pas prouvé leur efficacité. Le « rabot » donne la possibilité de procéder à une réduction uniforme du taux de ces dépenses fiscales. Nous aurons l'occasion d'en reparler de manière plus approfondie.

Pour l'Etat, 2011 sera la première année d'un budget triennal 2011-2013 caractérisé par une rupture dans la progression de la dépense. Le « zéro valeur hors dette et pensions » suppose en effet un effort sans précédent. Je tiens tout d'abord à rappeler que cet effort sans précédent doit être partagé. Il doit être partagé par les collectivités locales. J'ai déjà parlé de la stabilisation en valeur des concours de l'Etat qui leur sont destinés, hors FCTVA. Cette stabilisation s'appliquera en 2011 comme elle s'appliquera sur l'ensemble du triennal, conformément à ce qu'a annoncé le Président de la République à l'occasion de la conférence du 20 mai dernier.

Cet effort doit être partagé ensuite par l'Union européenne, à laquelle nous contribuons par un prélèvement sur les recettes de l'Etat. Alors que les Etats européens mènent des politiques courageuses de maîtrise des dépenses, alors qu'ils ont répondu eux-mêmes à l'exigence de solidarité vis-à-vis des pays en difficulté comme la Grèce et qu'ils en assument les conséquences financières, je ne trouve pas acceptable que la Commission demande pour 2011 un budget en hausse de plus de 6 %. Nous l'avons déjà exprimé et nous l'exprimerons à nouveau avec force à Bruxelles, aux côtés des autres Etats membres soucieux de modération budgétaire. Les efforts demandés à nos concitoyens doivent permettre de réduire les déficits, pas de financer une dépense européenne galopante.

J'ai déjà évoqué les règles transversales qui nous ont servi de matrice pour la construction de ce budget. Elles seront mises en oeuvre sans faiblesse car ce ne sont pas des principes généraux, mais bien un plan d'action immédiat. La poursuite du « 1 sur 2 » nous permettra d'économiser plus de 30 000 emplois dès 2011. L'effort d'économie de 10 % sur trois ans pour les dépenses de fonctionnement et d'intervention suppose d'envoyer un signal crédible dès la première année : la moitié du chemin sera donc fait dès l'année 2011.

Mais que veut dire concrètement ce plan d'action ? Va-t-on, comme je l'ai souvent entendu, réduire les minimas sociaux ? Remettre en cause, par exemple, le RSA ? Non. Nous ne le remettrons pas en cause et nous ne réduirons pas globalement les allocations versées, car nous ne faisons pas un budget de rigueur. Nous voulons un budget juste, un budget équitable. Mais cette équité doit être conciliée avec les impératifs de maîtrise de nos finances publiques.

Le résultat des discussions budgétaires, sous la forme des plafonds de dépenses par mission, vous sera présenté à l'occasion du débat en séance plénière, une fois les arbitrages rendus et formalisés par les lettres-plafonds qu'adressera le Premier ministre à chacun des ministres.

Sans attendre cette échéance, je veux toutefois dire que le budget 2011-2013 sera un budget de choix et d'exigence. Même pour les dépenses d'investissement, nous devrons envoyer un signal fort de maîtrise budgétaire, car le redressement de nos finances publiques vient en premier pour soutenir la confiance et la croissance. C'est pourquoi je souhaite que le budget 2011-2013 prévoit notamment un moratoire sur le lancement de tous les nouveaux grands équipements culturels pendant cette période. C'est un choix difficile, mais responsable. De la même manière, le contexte économique et financier nous conduit à revisiter nos engagements pluriannuels.

Le budget 2011 prévoira ainsi une stabilisation en valeur des moyens de la défense, avec une légère remontée en 2012-2013, soit un total de ressources inférieur d'environ 1,3 milliard d'euros à ce que prévoyait la loi de programmation militaire sur 2011-2013, après prise en compte du report sur cette période d'un certain nombre de ressources extra-budgétaires attendues en 2009-2011.

Notre plan d'action est ambitieux. Les mesures ne se limiteront pas à ces quelques exemples, car la baisse des dépenses concernera tous les secteurs d'intervention de l'Etat. C'est à cette seule condition que nous pourrons, dans le respect de nos objectifs de finances publiques, continuer à financer les politiques qui nous tiennent à coeur et à leur donner un peu plus que le strict « zéro valeur ». Je pense en particulier au budget de la recherche et de l'enseignement supérieur, qui demeure la priorité du Gouvernement. Il s'agit pour nous de réussir le pari de l'autonomie pour les universités, qui bénéficieront à cette fin de moyens de fonctionnement renforcés, et échapperont, comme les organismes de recherche, à toute suppression d'emploi en 2011, mais également dans les deux autres années du budget triennal.

Notre débat débouchera sur la présentation à l'automne d'une nouvelle loi de programmation des finances publiques, du projet de loi et du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2011.

C'est la soutenabilité future de nos finances publiques que nous avons entre nos mains. Face à ce défi, notre stratégie vise à créer les conditions d'un choc de confiance en agissant principalement sur les dépenses de l'Etat, tout en poursuivant parallèlement les réformes structurelles. Je vous remercie.

M. Jean Arthuis, président. - Merci, Monsieur le Ministre, pour ces éléments, de nature à donner du crédit à la trajectoire annoncée par le Gouvernement. L'exercice demandera de la détermination. Certaines orientations du rapport Camdessus pourront être mises en oeuvre sans attendre la réforme constitutionnelle, et notamment le monopole fiscal des lois de finances et de financement de la sécurité sociale.

Sur les niches fiscales, les mesures en matière d'impôt sur le revenu ne produiront d'effets budgétaires qu'en 2012. Il faudra donc songer à des mesures en matière de TVA.

Enfin, 2011 sera l'année la plus « facile », puisque des économies automatiques seront enregistrées grâce à la fin de plan de relance et des effets de la réforme de la taxe professionnelle.

M. Philippe Marini, rapporteur général. - Nous allons nous efforcer, dans le débat qui vient, d'éclairer les termes des choix. Pour ce faire, je vous inviterai à partir d'un contexte macroéconomique plus réaliste et à déflater quelque peu l'hypothèse de croissance du Gouvernement. Depuis un certain nombre d'années, les hypothèses gouvernementales de croissance ont souvent été optimistes, et parfois plus proches de la réalité que les hypothèses prudentes que notre commission - c'est son rôle - formule. Mais dans une très nette majorité des cas, les hypothèses volontaristes ont rarement été réalistes.

Le Gouvernement utilise la bonne méthode, en termes de dépenses budgétaires et fiscales, ainsi que pour les comptes sociaux. Néanmoins, pour les dépenses de l'Etat, comment infléchir les dépenses d'intervention ? Beaucoup de ces dépenses obéissent à des logiques de guichet et sont fortement contraintes. Les ministres « dépensiers », entendus dans le cadre de l'examen du projet de loi de règlement, nous ont souvent dit qu'ils disposaient de peu de marges de manoeuvre... C'est une attitude vieille comme la construction des budgets, mais nous aimerions vous entendre sur ce point.

S'agissant des collectivités territoriales, le relevé de conclusions de la deuxième conférence sur le déficit indique que « les concours financiers de l'Etat aux collectivités locales, hors FCTVA, seront gelés en valeur à partir du budget triennal 2011-2013 ». Faut-il comprendre que l'on aura d'un côté des dotations sous enveloppe stabilisées en valeur, et de l'autre les attributions du FCTVA augmentant librement ? Faut-il comprendre au contraire que l'enveloppe comprendra des variables d'ajustement destinées à neutraliser l'augmentation des attributions du FCTVA ? Par ailleurs, quelles seront les conséquences de ce gel sur la compensation aux collectivités territoriales de la réforme de la taxe professionnelle ?

La commission fera des propositions de réduction de niches fiscales et sociales qui iront un peu plus loin que ce qu'il est, à son sens, nécessaire de faire. Il est arrivé que le Gouvernement refuse certaines de ses propositions pour les reprendre ensuite à son compte. Ainsi, à l'initiative de notre collègue Jean-Jacques Jégou, elle adopté dans le cadre de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2010 un amendement relatif à l'annualisation des allégements généraux de cotisations sociales, auquel le Gouvernement s'était opposé mais qu'il prévoit désormais de mettre en oeuvre dans le cadre de la réforme des retraites.

M. Jean Arthuis, président. - On peut également évoquer la suppression partielle par l'article 85 de la loi du 30 décembre 2009 de finances pour 2010, inséré à l'initiative de la commission des finances de l'Assemblée nationale, de l'exonération d'impôt sur le revenu dont bénéficiaient jusqu'alors les indemnités journalières allouées aux victimes d'accidents du travail, demandée depuis plusieurs années par la commission.

M. Philippe Marini. - Pour être légitimes, les réductions de « niches » doivent être générales, et porter non seulement sur la fiscalité, mais aussi sur les cotisations sociales. Il faut cependant épargner les publics les plus fragiles, ainsi que les retraités et les personnes âgées, afin notamment de ne pas compliquer la réforme des retraites.

M. François Baroin, ministre. - Le Gouvernement pourrait revoir sa prévision de croissance après avoir pris connaissance en août prochain des résultats économiques du deuxième trimestre. En ce qui concerne les dépenses de l'Etat, jamais un ministre en charge du budget n'a été aussi précis lors d'un débat d'orientation des finances publiques. Je devrais être en mesure d'adresser à mes collègues ministres les « lettres-plafond » dès la semaine prochaine. Si la croissance du PIB était inférieure à 2 %, il y aurait de 5 à 10 milliards d'euros de mesures supplémentaires à prendre, et le Gouvernement les prendrait.

M. Jean Arthuis, président. - Michel Camdessus, président du groupe de travail sur la mise en place d'une règle d'équilibre des finances publiques, propose d'instaurer un plafond de dépenses et un plancher de recettes.

M. François Baroin, ministre. - Le Gouvernement a décidé de mettre l'accent sur la maîtrise de la dépense. Les niches fiscales et sociales sont des dépenses, et il est politiquement plus aisé de supprimer ou de réduire une niche, que d'alourdir globalement les prélèvements obligatoires. Reconnaître aux lois de finances et aux lois de financement de la sécurité sociale le monopole des mesures fiscales devrait contribuer à limiter l'inflation législative. Le FCTVA sera bien maintenu à l'extérieur de l'enveloppe fermée des dotations de l'Etat aux collectivités territoriales, et la compensation aux collectivités territoriales des pertes de recettes suscitées par la récente réforme de la taxe professionnelle sera préservée. J'ai donné l'instruction à mes services de passer en revue l'ensemble des allégements fiscaux, y compris ceux qui ne constituent pas des dépenses fiscales stricto sensu.

M. Serge Dassault. - La réduction du nombre d'emplois de l'Etat est inutile, dès lors que les collectivités territoriales doivent recréer les emplois supprimés. Les allégements généraux de cotisations sociales patronales doivent être réduits et recentrés sur les salaires inférieurs à 1,2 SMIC. Les cotisations sociales patronales doivent en outre être supprimées.

M. Pierre Bernard-Reymond. - Pourquoi l'hypothèse de croissance associée au programme de stabilité 2010-2013 est-elle de 2,5 % ? S'il est légitime d'appliquer aux dotations de l'Etat aux collectivités territoriales la même norme d'évolution qu'aux autres dépenses de l'Etat, cette mesure risque de se traduire par le simple transfert d'une partie du déficit de l'Etat vers les collectivités territoriales. Le ministre peut-il dire quelle est son analyse de la situation financière des départements ?

M. François Marc. - Je ne vois pas comment un « coup de rabot » pourrait être juste. Selon une étude réalisée par le Trésor britannique et publiée hier par le quotidien « The Guardian », le plan de consolidation britannique pourrait entraîner la destruction de 1,3 million d'emplois. Des études analogues ont-elles été faites pour la France ? Le président des Etats-Unis a mis en garde les Etats européens contre les conséquences d'une rigueur excessive.

M. Alain Lambert. - Je me réjouis que le débat d'orientation budgétaire soit désormais intitulé débat d'orientation des finances publiques. Il faut fusionner les lois de finances et lois de financement de la sécurité sociale.

M. Joël Bourdin. - Je me félicite de la volonté du Gouvernement de réaliser 40 milliards d'euros d'économies. Cependant, a-t-on pris en compte l'impact récessif d'une telle politique, en particulier dans le cas des dotations de l'Etat aux collectivités territoriales, qui réalisent 70 % de l'investissement public ?

M. Philippe Dallier. - Il sera difficile de réduire les dépenses d'intervention de 10 % dans le cas de la politique de la ville.

M. Jean Arthuis, président. - La réduction du nombre de fonctionnaires depuis plusieurs années n'a pas empêché une forte augmentation de la masse salariale, ce qui montre que celle-ci obéit à d'autres déterminants. La loi de programmation militaire 2009-2014 devra être révisée.

M. François Baroin, ministre. - Il ne s'agit pas de mettre les collectivités territoriales en « coupe réglée », mais il faut qu'elles maîtrisent leurs dépenses. La politique du Gouvernement n'est pas une politique de « rigueur », si on la compare à celle menée, notamment, par la Grèce ou le Royaume-Uni. L'évolution du point fonction publique constitue un enjeu important.

M. Philippe Marini, rapporteur général. - Est-il prévu de geler le point fonction publique en 2011 ?

M. François Baroin, ministre. - Je ne peux me prononcer à ce sujet, alors que les négociations sont en cours, même si, en tant que ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat, j'ai bien entendu mon avis sur ce qu'il conviendrait de faire. Le Gouvernement ne proposera pas de « coup de rabot » sur la TVA. On pourrait instaurer un taux intermédiaire au niveau communautaire. La TVA sociale concerne non la réduction de notre déficit public, mais le financement de notre protection sociale. Il s'agit d'un débat plus large. La question d'une éventuelle augmentation de la TVA pourra être abordée dans le cadre de la future campagne présidentielle, ainsi qu'à l'occasion du débat d'orientation des finances publiques pour 2011. La maîtrise de la dépense locale n'est pas incompatible avec la préservation de l'investissement des collectivités territoriales. En recommandant aux dirigeants de l'Union européenne de ne pas mener de politique de réduction rapide de leurs déficits publics, le président des Etats-Unis défend les intérêts de son pays, mais pas ceux des Etats européens. La taxe bancaire me semble devoir être mise en oeuvre, dès lors que la France et l'Allemagne le demandent.

M. Philippe Marini, rapporteur général. - Elle existe déjà ! C'est la taxe sur les salaires !

M. François Baroin, ministre. - L'Allemagne en attend 6-7 milliards d'euros, dans le cas de la France ce sera moins. Je ne suis pas hostile à la fusion de la loi de finances et de la loi de financement de la sécurité sociale, mais on a tellement de sujets !

M. Jean Arthuis, président. - Le groupe de travail présidé par Michel Camdessus n'a pas écarté l'éventualité d'une fusion de la loi de finances et de la loi de financement de la sécurité sociale. Il faut étatiser les recettes des branches santé et famille.

M. Philippe Marini, rapporteur général. - On peut fusionner les parties recettes !

M. François Baroin, ministre. - L'exemple de la Grèce montre qu'à terme la soutenabilité des finances publiques est une question de souveraineté. La réduction du déficit public aura des « effets collatéraux » sur le plan économique, mais les conséquences de l'absence d'une telle réduction seraient bien pires.

M. Jean Arthuis, président. - Selon l'article 5 de la Constitution, le Président de la République « est le garant de l'indépendance nationale, de l'intégrité du territoire et du respect des traités ». Il est donc constitutionnellement tenu de réduire la dette publique dont l'expansion constitue bien une menace pour l'indépendance nationale !