Mercredi 17 février 2010

- Présidence de M. Jacques Legendre, président -

Numérisation du patrimoine écrit - Audition de M. Marc Tessier

Au cours d'une première séance tenue dans la matinée, la commission a procédé à l'audition de M. Marc Tessier sur son rapport sur la numérisation du patrimoine écrit remis au ministre de la culture et de la communication.

M. Marc Tessier a présenté les grandes lignes de son rapport en abordant les points suivants :

- la mission est née de la question de l'opportunité d'un engagement avec un partenaire américain - Google - pour la numérisation du patrimoine. Cet objet initial, qui visait à réfléchir au type d'accord souhaitable, a ensuite évolué avec la confirmation de la décision du Président de la République d'accorder des financements extrêmement significatifs à la numérisation de l'ensemble du patrimoine. La réflexion s'est donc orientée vers la question de la meilleure organisation possible pour saisir cette opportunité de financement et sur l'intérêt ou non à poursuivre les contacts engagés avec le moteur de recherche américain ;

- le rythme qu'a imposé Google à l'ensemble de ses partenaires a bouleversé la vision de la Bibliothèque nationale de France (BnF) qui, partie d'un processus long et très élaboré visant le monde universitaire et de la recherche et ayant débouché sur la création du site Gallica, a été confrontée à la logique de l'accès au grand public et donc de la numérisation de masse. Cette évolution a fait apparaître des enjeux techniques, comme celui du référencement des ouvrages de Gallica qui ne sont pas repérables par Google, n'apparaissant pas dans la première couche de contacts de ce moteur de recherche ;

- de nombreux accords passés avec les bibliothèques d'universités américaines sont similaires à celui de la bibliothèque de Lyon prévoyant vingt-cinq ans d'exclusivité en faveur de Google en contrepartie de la numérisation. Malgré les réserves du président de la librairie de l'université de Harvard, le processus a été ainsi lancé aux Etats-Unis d'Amérique, l'essentiel pour les bibliothèques concernées étant de permettre aux étudiants et chercheurs de trouver tous les ouvrages depuis les terminaux mis à disposition. La numérisation concerne 800 000 ouvrages en langue française, et 1,5 million en incluant les ouvrages de bibliothèques francophones telles que celle de Gand, en Belgique. Le défi du ministère de la culture et de la communication aujourd'hui est d'offrir aux étudiants un accès rapide et facile à ces ouvrages dans leur version française d'origine, le risque étant de laisser aux traductions américaines une place prépondérante dans les moteurs de recherche et en particulier Google ;

- la proposition de la mission vise, tout en confiant l'acte de numérisation à la BnF, à créer une plateforme commune de référence du livre français consultable sur une base mondiale, des accords avec tous les partenaires permettant de prévoir une indexation sur tous les moteurs de recherche, afin d'en optimiser l'accessibilité. Cette plateforme devrait concerner l'ensemble des ouvrages, qu'ils soient sous droits ou hors droits. Les ouvrages épuisés, les oeuvres orphelines - dont les recettes iraient à un fonds spécial - ou en début de commercialisation chez les libraires seraient traités selon des modalités différentes. Cette plateforme regrouperait tous les acteurs qui pourraient parallèlement avoir leur propre site, et devrait être pilotée par une structure mixte (public-privé), la BnF n'ayant pas l'expérience nécessaire pour en assurer la gestion.

M. Jacques Legendre, président, a indiqué qu'un texte était en préparation sur le sujet des oeuvres orphelines.

M. Marc Tessier a poursuivi en abordant la deuxième question clé de la mission que sont les partenariats avec Google. La mission a considéré qu'une discussion devait être entamée afin de proposer à cette société une autre forme de partenariat, fondé sur l'échange équilibré de fichiers numérisés, sans clause d'exclusivité. L'optimisation de la présence des ouvrages français reste une priorité pour Google Livres dans la mesure où ce moteur de recherche est utilisé par 50 % de la population mondiale hors Chine et par 90 % des Français. Un échange sur la base d'un fichier numérisé par la BnF contre un fichier numérisé par Google permettrait la diffusion de 500 000 à 600 000 ouvrages supplémentaires. Google n'aurait pas l'exclusivité d'accès aux livres de la BnF, qui resteraient la propriété de cette dernière ; cela permettrait de les proposer aussi aux autres moteurs de recherche.

Les autres bibliothèques européennes recherchent un accord avec Google car le manque de financements publics ne leur laisse pas d'alternative. Il est donc important de créer une plateforme multilingue et de nouer des partenariats avec ces bibliothèques. Il pourrait également leur être proposé de faire appel à la chaîne de numérisation de la BnF.

En acceptant ce type de partenariat, Google aurait ainsi l'occasion de prouver qu'il ne cherche pas à être hégémonique et à accaparer notre patrimoine ; à défaut, la France pourrait continuer à développer sa plateforme.

M. Marc Tessier a ensuite évoqué la question de la commercialisation des ouvrages numérisés, sachant qu'il existe trois façons de les valoriser :

- la lecture sur tablette ;

- l'impression à la demande, à domicile ou dans une librairie, lorsque l'ouvrage est épuisé ;

- la commande en version papier.

Après avoir souligné que l'oeuvre écrite (presse ou livre) est très adaptée à la numérisation, compte tenu de sa structuration, M. Marc Tessier a évoqué la question essentielle du rôle des éditeurs dans la fixation du prix du livre numérique, selon qu'il est sous droits ou dans le domaine public.

Dans le cas d'un livre sous droits, il existe différents cas de figure :

- Amazon met une forte pression sur les éditeurs et fixe le prix des fichiers numérisés ;

- Apple prélève 30 % du prix de vente mais ne le fixe pas lui-même, ce rôle étant joué par l'éditeur, ce qui est plus conforme à la logique française ;

- Google s'est engagé à commercialiser exclusivement les fichiers numérisés de livres dont les versions papier ne sont plus en librairie.

S'agissant de la politique de prix, pour un ouvrage tombé dans le domaine public, il semblerait logique que la consultation et le feuilletage d'un livre numérique accessible par la plateforme soient gratuits, comme l'est aujourd'hui la consultation d'un livre papier en bibliothèque. En revanche, il paraîtrait logique de facturer une demande d'impression, ce qui permettrait d'ailleurs de rémunérer les fonds issus de l'emprunt national. Le débat n'est cependant pas clos.

M. Marc Tessier a également relevé qu'il conviendra de s'interroger sur la question du stockage des oeuvres.

M. Jacques Legendre, président, a indiqué que, au cours du débat du 16 février 2010 sur le collectif budgétaire, M. Eric Woerth, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'État, a confirmé -ainsi que M. Jean-Claude Etienne, rapporteur de la commission, l'a demandé- que 750 millions d'euros seront bien consacrés à la numérisation des contenus culturels, éducatifs et scientifiques. La commission de la culture s'est cependant interrogée sur le cadre très strict fixé pour l'allocation de ces crédits, 25 % seulement étant consomptibles, c'est-à-dire versés notamment sous forme de subventions.

Mme Catherine Dumas a rappelé qu'il ne fallait pas résumer le livre à un « stock écrit ». Il représente également des métiers d'art auxquels il faut apporter une attention particulière, sous peine de laisser le mouvement en faveur de la numérisation balayer le patrimoine qu'il incarne.

M. Jean-Pierre Leleux a noté que le débat lancé en 2004 semblait apaisé par le rapport de M. Marc Tessier tout en rappelant que la crainte de la commission de la culture du Sénat est relative à la question de la pérennité du patrimoine écrit et de l'accès à la culture, l'indexation étant un élément crucial pour accompagner le lecteur vers les bons résultats. Il s'est demandé ce qu'aurait été la solution proposée par la mission si le Gouvernement n'avait pas opté pour un financement d'un montant de 140 millions en faveur de la politique de numérisation de la BnF dans le cadre du grand emprunt. Cette dotation permet aujourd'hui de trancher la question entre exhaustivité et pertinence en faveur de la première dimension. Il a abordé le thème de la défaillance de l'OCRisation en estimant qu'il appartient aujourd'hui à la BnF d'exiger de Google des caractéristiques techniques acceptables sur le long terme, et en saluant la proposition d'échanges de fichiers qui favorisera la qualité de la numérisation. Enfin, il a demandé quels seraient les délais pour atteindre des objectifs de numérisation de masse, où en est l'idée de changement du nom de Gallica et comment les travaux actuellement menés par Mme Christine Albanel s'articulent avec la mission de M. Marc Tessier.

Après avoir appelé à la vigilance sur l'utilisation des crédits du grand emprunt dont les règles sont particulièrement complexes, M. Jack Ralite a rappelé la nécessité d'agir pour résoudre le problème de la fiscalité dans le cas de Google qui court-circuite les législations nationales. Il a également jugé que Google, en raison de sa situation de monopole, est un problème spécifique qu'il convient d'aborder avec beaucoup de vigilance et de rigueur parallèlement au sujet de la numérisation par ailleurs souhaitable.

M. Jacques Legendre, président, a annoncé que la commission approfondirait sa réflexion à travers l'organisation d'une table ronde sur la numérisation du livre, le 28 avril 2010.

Après avoir félicité l'intervenant, M. Jean-Claude Etienne lui a demandé d'évaluer le coût de la politique de numérisation du livre, selon qu'elle serait conduite avec ou sans un partenariat avec Google. Puis, relayant les propos du président de la commission, il a souhaité connaître l'avis de M. Marc Tessier sur la capacité de conduire les projets envisagés dans un tel cadre budgétaire.

M. Serge Lagauche a estimé les propositions avancées très intéressantes mais les moyens modestes, compte tenu de l'importance de la part non consomptible des crédits et de l'étalement des financements dans le temps, ce qui rendra le rôle de suivi de la commission d'autant plus important.

Il a regretté le manque de réaction de l'Union européenne sur le dossier de la numérisation et a souhaité qu'elle s'engage davantage, y compris par le biais d'une contribution financière.

Puis il a évoqué la crise très importante que subissent les libraires et a appelé la commission à la vigilance sur cette question.

M. Jacques Legendre, président, a indiqué qu'un déplacement d'une délégation de la commission à Bruxelles serait organisé au début du mois d'avril.

M. Marc Tessier a apporté aux orateurs les éléments de réponse suivants :

- en cas d'absence de crédits dans le cadre de l'emprunt national, le rapport en aurait invoqué la nécessité, au moins pour lancer la plateforme et numériser les livres en commençant par les oeuvres sous droits ;

- il ne faut pas résumer la politique de numérisation à une politique d'exhaustivité et à cette plateforme. Outre Gallica, il conviendra de développer des logiciels plus élaborés, tel qu'un site francophone dédié à la philosophie ;

- il convient de cesser l'auto-flagellation et de se rappeler que la France a démarré la numérisation de son patrimoine avant Google ;

- la question de l'utilisation des crédits de l'emprunt national est complexe. 140 millions d'euros devraient être consacrés au livre, dont 40 millions au stockage et à l'entretien. Il convient de conduire cette politique intelligemment et la BnF dispose d'un plan de numérisation ;

- la seule bibliothèque publique disposant du dépôt légal et ayant négocié avec Google est celle de Bavière ;

- la proposition de la BnF de laisser Google accéder aux oeuvres en doublon est étrange ;

- il conviendrait de numériser prioritairement les oeuvres du vingtième siècle, qui sont les plus consultées. En outre, cela permettrait d'atteindre assez vite le seuil de pertinence et de susciter une rémunération de nature à satisfaire aux conditions de l'emprunt, la numérisation des oeuvres tombées dans le domaine public relevant, quant à elle, plutôt de la subvention car étant peu susceptible de procurer des ressources significatives ;

- il est important de trouver le moyen de faire vivre le patrimoine car on découvre sans cesse des pépites dont il faut éviter la disparition ;

- s'agissant de la fiscalité applicable à Google, il faut distinguer le cas de la presse de celui du livre :

. Google news est dans une situation de concurrence anormale avec ceux qui lui apportent l'information, ce qui entraîne une forme d'intégration verticale pouvant aboutir à un monopole de l'information intolérable ;

. pour ce qui concerne le livre, Google exerce une activité commerciale que l'on peut encadrer plus aisément. De ce point de vue, la ligne est plutôt tracée par les instances américaines compétentes en matière de concurrence, même si leurs homologues européennes peuvent intervenir.

M. René-Pierre Signé a souhaité faire partager son analyse du danger que représentent les méthodes telles que celle de Wikipédia dont les contenus contiennent de nombreuses erreurs.

M. Marc Tessier a reconnu que Google devra faire appels à des correcteurs professionnels et renforcer ainsi ses standards dans la mesure où les problèmes d'OCRisation entraînent de très nombreuses fautes qui rendent difficile une impression des livres en ligne.

Audition de M. Antoine de Clermont-Tonnerre, président d'Unifrance

Au cours d'une seconde séance tenue dans l'après-midi, la commission a procédé à l'audition de M. Antoine de Clermont-Tonnerre, président d'Unifrance.

À titre liminaire, M. Antoine de Clermont-Tonnerre, président d'Unifrance, a rappelé que cet organisme avait été créé il y a près de soixante ans avec pour objectif de soutenir la présence du film français à l'étranger. Il repose aujourd'hui sur une structure légère comprenant trente-quatre personnes et disposant de trois bureaux à l'étranger, à New York, Tokyo et Pékin. Dotée d'un budget annuel de 9 millions d'euros, cette organisation professionnelle associe tous les acteurs de l'industrie cinématographique, les producteurs, les exportateurs comme les artistes, et intervient aussi bien en matière de longs métrages que de courts métrages. Cette logique de concertation permanente garantit une convergence des intérêts de toutes les parties prenantes de la profession.

Les activités d'Unifrance se déclinent selon deux volets distincts, qui n'excluent pas des interactions multiples : l'organisme exerce des activités strictement commerciales, d'une part, et assure des missions de diffusion culturelle et linguistique, d'autre part.

En ce qui concerne sa vocation commerciale, Unifrance fait en sorte que le cinéma français soit présent sur tous les grands marchés du monde, en accompagnant la représentation des films français aux grands festivals commerciaux à Cannes, à Berlin, à Toronto, mais aussi à Hong-Kong et aux États-Unis d'Amérique (« American Film Market »). Depuis sept ans, Unifrance organise un rendez-vous annuel, au mois de janvier à Paris, auquel tous les acheteurs potentiels sont conviés à visionner des films français. Cette manifestation connaît un succès qui ne se dément pas, puisque des représentants de plus de cinquante pays ont participé à l'édition 2010, plus de 350 distributeurs étrangers y étaient présents, 75 films y ont été exposés et les artistes français ont accordé plus de 700 entretiens.

Tout au long de l'année, Unifrance poursuit son action de promotion du film français à l'étranger, en aidant les acheteurs étrangers à distribuer des films français sur leurs marchés nationaux. À ce titre, l'organisme prend notamment en charge les déplacements de l'équipe du film, en particulier des artistes, pour accompagner la sortie de leur oeuvre à l'étranger.

Unifrance, dont la vocation est aussi culturelle, s'attache à garantir la présence de films français lors de grands événements culturels, en particulier des festivals, dont certains sont directement organisés par Unifrance elle-même. À titre d'exemple, elle a mis en place la « Semaine du film français » au Lincoln Center de New York, mais également à Tokyo, et développe des activités similaires en Chine, au Brésil, en Russie et en Inde. L'ensemble de ces manifestations est organisé en liaison avec les services des ambassades françaises. Unifrance garantit ainsi la présence de films français dans plus de quatre-vingts festivals dans les plus grandes capitales du monde.

Elu il y a seulement un an à la tête d'Unifrance, M. Antoine de Clermont-Tonnerre a indiqué qu'une des principales qualités de l'organisme résidait dans la constance de ses interventions sur les différents marchés internationaux et la mémoire de ses chargés de mission géographiques.

Les priorités que la direction renouvelée entend donner à Unifrance sont de deux ordres :

- d'une part, l'organisme étudie, en concertation avec les exportateurs, l'extension de ses activités à de nouveaux pays, comme le Kazakhstan et le Viêtnam, tout en consolidant la présence, encore balbutiante, du cinéma français sur les marchés de pays émergents comme l'Inde ;

- d'autre part, il porte une attention toute particulière à l'adaptation des circuits de distribution à la diffusion numérique. Il est indispensable d'aller à la rencontre du public là où il se trouve, non pas uniquement dans le cadre de salles de projection (qui demeurent la priorité de diffusion), mais en soutenant également la diffusion du film français sur d'autres supports comme la vidéo en ligne. À cet égard, Unifrance étudie la possibilité de développer un festival du film français « en ligne », dans le cadre d'un groupe de travail associant les exportateurs et les distributeurs, compte tenu des problèmes posés par la question de la protection des droits d'exploitation.

Mme Régine Hatchondo, directrice générale d'Unifrance, a souligné que le festival du film français à Cuba était celui qui rencontrait le plus de succès. Il permet au cinéma français de pénétrer un marché latino-américain où il dispose encore d'une grande marge de développement, en réunissant des exportateurs français et des acheteurs provenant de l'ensemble de l'Amérique latine qui peuvent découvrir une trentaine de films français.

M. Jean-Pierre Chauveau a interrogé le président d'Unifrance sur l'évolution de la demande de films français en Asie et en Amérique latine.

M. Antoine de Clermont-Tonnerre, président d'Unifrance, a indiqué que l'objectif était, en Amérique latine, de maintenir les positions du cinéma français dès lors qu'une partie de la population y est traditionnellement demandeuse de films français. Néanmoins, le public francophone dans ce continent a tendance à vieillir et à diminuer, au profit d'une génération plus jeune et plus sensible au cinéma d'expression anglo-saxonne.

En revanche, à l'exception du Japon, l'Asie ne nourrit aucune attente historique particulière vis-à-vis du cinéma français. Le défi principal réside donc dans la capacité des films français à susciter l'intérêt des publics jeunes. On observe un début de reconnaissance du cinéma français en Chine, mais encore limité compte tenu du contingentement dont fait l'objet le marché national (seule une quarantaine de films étrangers obtiennent une autorisation de diffusion en Chine tous les ans).

M. Jean-Jacques Pignard a demandé des éléments d'information concernant les critères sur la base desquels les films français sont sélectionnés pour être présentés lors de festivals et l'équilibre envisagé par Unifrance entre la consolidation des positions du cinéma français sur les gros marchés et l'ouverture aux pays émergents.

M. Antoine de Clermont-Tonnerre, président d'Unifrance, a souligné que, en dépit d'un marché fortement concurrentiel, la France continue de soutenir efficacement l'exportation de son cinéma à l'étranger. À ce titre, le système français de soutien financier à la promotion du cinéma français à l'étranger, mêlant crédit d'impôt et contribution des chaînes de télévision nationales, est régulièrement copié par nos partenaires étrangers, notamment en Europe de l'Est. Dans ces conditions, nos concurrents étrangers sont parvenus à augmenter de façon significative les parts de marché de leur propre cinéma sur leur marché national. Aussi la France est-elle conduite à renforcer ses efforts pour maintenir ses positions sur les marchés nationaux de ses concurrents étrangers, en particulier sur des marchés traditionnels comme l'Europe, qui sont devenus très concurrentiels. À titre d'exemple, en Allemagne, la part des films allemands sur le marché national a progressé de 15 à 27 % et, compte tenu du maintien de l'attrait du public européen pour le cinéma américain, cela signifie un effet de ciseaux préoccupant pour le film français.

La Chine produit entre cinq cents et six cents nouveaux écrans de cinéma par an, ce qui en fait un marché immense dans lequel nos concurrents directs, comme l'Allemagne, l'Espagne et l'Italie, veulent investir.

Mme Régine Hatchondo, directrice générale d'Unifrance, a indiqué que, parmi les soixante-quinze films français présentés au rendez-vous annuel d'Unifrance à Paris au mois de janvier 2010, quarante-quatre étaient inédits, les autres ayant déjà été diffusés en salle. Ces films ne font pas l'objet d'une sélection éditoriale particulière, leur présentation lors de la manifestation étant essentiellement le résultat d'une sollicitation directe par les exportateurs.

Elle a rappelé que le premier marché d'exportation du cinéma français demeurait les Etats-Unis d'Amérique. Les marchés européens prioritaires se concentrent principalement en Allemagne et au Royaume-Uni et, dans des pays comme l'Espagne et l'Italie, le cinéma français continue d'être perçu, dans une certaine mesure, comme un cinéma d'auteur. La Russie, qui constitue traditionnellement le deuxième marché d'exportation du film français, a été durement touchée par la crise.

Mme Maryvonne Blondin a souhaité des précisions concernant :

- les ressources budgétaires d'Unifrance et notamment la part de la subvention consentie par le ministère des affaires étrangères ;

- l'articulation d'Unifrance avec le réseau d'instituts et centres culturels français à l'étranger, notamment dans la perspective d'une mutualisation de nos instruments d'action culturelle extérieure au sein d'une grande agence culturelle.

M. Antoine de Clermont-Tonnerre, président d'Unifrance, a indiqué que toutes les opérations d'Unifrance à l'étranger étaient conduites en coordination avec le réseau diplomatique. Dans la mesure où il ne s'agit pas d'une administration d'État du fait du caractère professionnel de ses activités, l'organisme privilégie la connaissance approfondie de la géographie des marchés qu'il a accumulée au cours des ans, le support des équipes diplomatiques étant variable selon les pays. Il a souligné la nécessité de préserver un poste d'attaché audiovisuel dans la plupart des ambassades.

Le réseau culturel de la France à l'étranger assure traditionnellement une mission de promotion du patrimoine cinématographique français à l'étranger, distincte des activités d'exportation exercées par Unifrance. Cependant, ces actions, complémentaires, sont efficacement combinées au sein des différents instituts et centres culturels français.

Mme Régine Hatchondo, directrice générale d'Unifrance, a indiqué que le budget d'Unifrance s'appuyait sur une subvention du Centre national du cinéma et de l'image animée, de l'ordre de 6,5 millions d'euros, issue de son fonds de soutien, et sur une participation du Quai d'Orsay, à hauteur de 590 000 euros (contre 950 000 il y a deux ans). À cela s'ajoutent des partenariats conclus avec des acteurs publics, comme Ubifrance, pour un montant de 570 000 euros, et des acteurs privés.

Mme Françoise Férat a souhaité savoir si le soutien à l'exportation était ouvert à tout le cinéma français ou limité à des films sélectionnés.

M. Antoine de Clermont-Tonnerre, président d'Unifrance, a souligné qu'Unifrance privilégiait, en priorité, l'exportation des films qui ont déjà été achetés par des distributeurs étrangers. Il est proposé, en général, à l'acheteur étranger d'inclure son film dans des festivals. Ce contingent est ensuite complété par des films non encore vendus et pour lesquels il est fait appel à des sélectionneurs étrangers.

M. Ivan Renar a salué le travail remarquable réalisé par Unifrance. Il s'est ensuite interrogé sur le nombre d'attachés audiovisuels encore présents au sein du réseau culturel et sur l'implication d'Unifrance dans leur formation. Il a également sollicité des précisions sur les mécanismes de réciprocité entre l'exportation de films français dans des pays étrangers et la facilitation de l'accueil des films de ces pays par le marché français.

M. Antoine de Clermont-Tonnerre, président d'Unifrance, a rappelé qu'Unifrance se montrait particulièrement attentive à la production cinématographique de ses partenaires étrangers. Afin de pénétrer un marché étranger, il est indispensable d'assurer une certaine réciprocité dans l'échange. Il convient donc de veiller au maintien, en France, d'un réseau d'accueil des films étrangers, notamment du parc de salles indépendantes d'art et d'essai, en accompagnant leur numérisation. L'expansion des salles multiplex au détriment des petites salles freine la diffusion des films étrangers et nuit donc à la qualité des échanges avec les partenaires étrangers.

Unifrance est intervenue auprès du ministère des affaires étrangères pour maîtriser la baisse du nombre des attachés audiovisuels au sein du réseau diplomatique, en particulier en Europe. Les attachés audiovisuels et culturels sont indispensables aux démarches d'Unifrance dans la mesure où l'organisme ne dispose pas de représentations à l'étranger.

Mme Régine Hatchondo, directrice générale d'Unifrance, a souligné que les échanges entre les marchés français et étrangers se font généralement spontanément et non pas sur un mode contractuel.

M. Jacques Legendre, président, s'est interrogé sur le degré de pénétration du film français sur le marché russe ainsi que sur le marché des pays africains francophones, notamment en Algérie.

M. Antoine de Clermont-Tonnerre, président d'Unifrance, a rappelé qu'il n'y avait pratiquement plus de salles de projection en Algérie et que le marché du cinéma y était marqué par le piratage.

Mme Régine Hatchondo, directrice générale d'Unifrance, a indiqué qu'il serait possible de conduire en Algérie une opération itinérante en plein air pour créer au sein de la population une demande de film français en attendant la reconstruction des salles de cinéma.

M. Jean-Pierre Chauveau a souligné que, dans de nombreux départements, les collectivités territoriales étaient engagées dans la construction de salles de cinéma numériques.

M. Ivan Renar a souhaité obtenir des précisions sur la coopération entretenue par Unifrance avec les écoles de cinéma, notamment l'École nationale supérieure des métiers de l'image et du son (la « Fémis ») et le Studio national des arts contemporains du Fresnoy.

Mme Régine Hatchondo, directrice générale d'Unifrance, a relevé que les relations d'Unifrance avec les établissements d'enseignement artistique n'étaient pas encore très développées. En revanche, Unifrance organise des « leçons de cinéma » dispensées par des professionnels dans des écoles de cinéma à l'étranger.

M. Antoine de Clermont-Tonnerre, président d'Unifrance, a estimé qu'il convenait de développer les échanges dans le domaine de l'enseignement artistique et cinématographique en s'appuyant sur les nouveaux médias, et notamment Internet.

Jeudi 18 février 2010

- Présidence de M. Jacques Legendre, président -

Service civique - Examen du rapport et élaboration du texte proposé par la commission en deuxième lecture

La commission a examiné le rapport de M. Christian Demuynck et élaboré le texte qu'elle propose pour la deuxième lecture de la proposition de loi n° 268 (2009-2010), modifiée par l'Assemblée nationale, relative au service civique.

M. Christian Demuynck, rapporteur, s'est félicité de pouvoir présenter devant la commission de la culture un texte issu d'une proposition de loi sénatoriale adoptée à la quasi-unanimité par le Sénat, puis dans les mêmes conditions à l'Assemblée nationale.

Il a considéré que la qualité du travail parlementaire devrait permettre de lancer efficacement le dispositif du service civique dont l'importance est majeure pour l'engagement et l'intégration des jeunes. Toutefois, l'Assemblée nationale ayant modifié le texte du Sénat, il appartient à la commission de la culture, de l'éducation et de la communication d'analyser sereinement s'il reste conforme aux orientations que la commission, puis le Sénat, avaient définies.

A cet égard, le rapporteur a constaté que l'Assemblée nationale, si elle a profondément modifié le texte sur la forme, ne l'a pas bouleversé sur le fond.

Des clarifications ont tout d'abord été apportées sur la nature des organismes susceptibles d'accueillir des volontaires et sur les conditions d'accès au service civique pour les étrangers.

Par ailleurs, il est désormais prévu que c'est l'État qui indemnisera directement les volontaires. Toutes les associations auditionnées sont très favorables à cette disposition de nature à assouplir considérablement leurs formalités administratives et à renforcer la solennité du service civique. Il s'agit d'une réelle avancée et la question majeure doit ensuite porter sur les montants d'indemnisation prévus. A cet égard, M. Christian Demuynck, rapporteur, a précisé que M. Martin Hirsch, haut-commissaire à la jeunesse, lui avait fait part de quelques pistes qu'il devrait rendre publiques en séance et a estimé que la réussite du service civique passait par une indemnisation au moins égale à celle prévue actuellement dans le cadre du service civil volontaire.

Il a ensuite observé que, sur proposition du Gouvernement, l'Assemblée nationale a retenu un montage administratif ambitieux pour le service civique en créant un groupement d'intérêt public (GIP) dénommé « Agence du service civique », qui serait responsable de l'ensemble du pilotage du dispositif, de l'amont (définition des missions prioritaires, gestion des agréments) à l'aval (évaluation du dispositif, animation du réseau), ainsi que de la politique de communication de l'établissement. Ce GIP réunirait l'État, l'Agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances (ACSÉ), l'Institut national de la jeunesse et de l'éducation populaire (INJEP) et l'association France Volontaires.

M. Christian Demuynck, rapporteur, a souligné que cette solution permettra de donner une efficacité et une notoriété réelles au dispositif. La création de ce GIP devrait toutefois s'accompagner d'un redéploiement des effectifs de ses membres fondateurs pour éviter de créer une nouvelle structure coûteuse s'empilant sur les autres.

Au-delà des approfondissements des orientations sénatoriales, dont il s'est réjoui, l'Assemblée nationale est toutefois revenue sur certaines dispositions que le Sénat avait adoptées :

- la Journée d'appel de préparation à la défense (JAPD) serait transformée en « Journée défense et citoyenneté », plutôt qu'en « Journée d'appel de préparation au service national ». La mutation de cette journée dans le sens d'un renforcement de l'information citoyenne est donc maintenue conformément à la volonté du Sénat ;

- plus fondamentalement, l'Assemblée nationale a introduit une distinction nouvelle entre l'engagement de service civique et les autres formes de service civique : l'engagement de service civique correspondant au cas où l'État prend en charge l'indemnisation des volontaires serait réservé aux jeunes de 16 à 25 ans. Il devra être exercé de manière continue, la possibilité de fractionnement prévue par le Sénat ayant été supprimée, et être limité à 12 mois au lieu de 24. Ces modifications sont certes à rebours des souhaits du Sénat mais restent très minimes. Sont par ailleurs exclus du dispositif les associations cultuelles, politiques, congrégations, fondations d'entreprise et les comités d'entreprise, ce qui va dans le sens souhaité par le Sénat en première lecture.

En outre M. Christian Demuynck, rapporteur, a noté que deux modifications plus importantes ont été adoptées :

- l'une porte sur la possibilité de cumuler un service civique avec l'exercice d'une activité professionnelle ou la poursuite d'études, qui a été supprimée par l'Assemblée nationale. Il s'agit d'une rigidification réelle du dispositif qui pourrait nuire à l'objectif de mixité sociale poursuivi, les jeunes travailleurs et les étudiants souhaitant continuer leurs études en parallèle risquant d'être exclus du service civique. Cependant, l'analyse juridique du texte conduit à considérer que l'autorisation du cumul entre l'activité de service civique et une autre activité serait laissée à l'appréciation de l'organisme délivrant les agréments. A cet égard, une clarification du haut-commissaire en séance suffira à lever les inquiétudes ;

- l'autre modification tend à revenir sur un assouplissement de la durée minimale d'activité, fixée à 24 heures hebdomadaires, alors que le Sénat avait choisi d'autoriser un jeune à avoir une activité moins intense pendant une période du service civique, si elle était compensée par un investissement plus grand sur d'autres périodes, tant que la moyenne de 24 heures hebdomadaires d'activité minimum était respectée sur l'ensemble du contrat. Ce souhait de rigidifier le cadre du service civique n'est pas une garantie de son succès, dans la mesure où il risque d'écarter certains jeunes du dispositif du service civique. Il reste que le texte issu de l'Assemblée nationale prévoit très utilement la possibilité de dérogations qui pourraient être largement autorisées.

Le rapporteur a ensuite mentionné l'inclusion du volontariat international en entreprise (VIE) dans le dispositif du service civique. Il s'agit d'une disposition dérogatoire au principe selon lequel le service civique doit s'exercer en faveur de l'intérêt général. Toutefois, le VIE participe fortement au rayonnement de la France à l'étranger et son caractère marginal ne devrait pas remettre en cause la philosophie profonde du service civique. Une « attestation de service civique senior » pourra également être délivrée aux personnes qui contribuent à la formation civique et citoyenne ou au tutorat des personnes effectuant un engagement de service civique.

Enfin, des dispositions transitoires intéressantes ont été introduites par l'Assemblée nationale.

M. Christian Demuynck, rapporteur, s'est déclaré convaincu que, en dépit de quelques imperfections subsistant encore dans le texte, il était indispensable d'adopter cette proposition de loi rapidement, afin que la jeunesse française puisse bénéficier du nouveau dispositif dès 2010.

En outre, le bilan qui sera établi par le comité de suivi prévu à l'article 11 ter devrait permettre d'apporter les améliorations nécessaires au dispositif pour l'avenir.

Mme Françoise Laborde s'est réjouie de la mise en place, dans des délais rapides, du dispositif de service civique proposé par le groupe du Rassemblement démocratique et social européen (RDSE) et qui s'inscrit dans la ligne des préconisations de la mission commune d'information du Sénat sur la politique en faveur des jeunes. A ce titre, elle a considéré que les modifications apportées à la proposition de loi par l'Assemblée nationale ne remettaient pas en cause l'esprit du texte initial. Elle a indiqué, par ailleurs, que les débats en séance publique seraient l'occasion pour son groupe de demander des précisions au haut-commissaire à la jeunesse sur deux points particuliers : d'une part, le cadre dérogatoire de la durée hebdomadaire du contrat de service civique et, d'autre part, la suppression de la possibilité de son cumul avec une activité professionnelle ou la poursuite d'études.

M. Louis Duvernois a souhaité connaître l'articulation proposée entre le volontariat international en entreprise et le service civique.

M. Christian Demuynck, rapporteur, a précisé que le volontariat international en entreprise donnerait lieu à la délivrance d'une attestation de service civique et que cet engagement ferait l'objet d'une formation à la citoyenneté.

Après avoir rappelé la position favorable du groupe socialiste, au Sénat comme à l'Assemblée nationale, qui l'a conduit à voter, en première lecture, cette proposition de loi, M. Yannick Bodin s'est déclaré satisfait du texte résultant des travaux de l'Assemblée nationale, qui a pris en compte certains amendements présentés par les membres du groupe socialiste. Il a estimé, toutefois, que quelques interrogations pourraient donner lieu au dépôt d'amendements ou à des questions précises posées directement au haut-commissaire à la jeunesse.

Puis M. Yannick Bodin a estimé que l'ajout d'un article 3 ter, confiant au service public de l'orientation une nouvelle mission en direction des jeunes âgés de seize à dix-huit ans sortis sans diplôme du système scolaire, constituait un cavalier législatif. S'interrogeant sur l'opportunité de cette mesure, alors même que des discussions sont en cours sur la mise en place d'un véritable service de l'orientation, il a rappelé les carences du système d'orientation en France à l'égard de la population scolaire. Il a souhaité obtenir également des garanties sur les critères de délivrance des dérogations relatives à la durée hebdomadaire du contrat de service civique pour les personnes âgées de dix-huit à vingt-cinq ans. Enfin, il a regretté la suppression de la disposition prévoyant la remise par le Gouvernement d'un rapport au Parlement sur la possibilité d'un service civique obligatoire.

Il a souhaité que le dispositif de service civique puisse être mis en oeuvre très rapidement.

M. Christian Demuynck, rapporteur, a confirmé que l'ensemble des questions soulevées pourraient être posées dans le cadre du débat en séance publique. Il a indiqué qu'il interrogerait lui-même le haut-commissaire à la jeunesse sur le montant des indemnités versées aux volontaires. Il a considéré que la question du caractère obligatoire du service civique devrait être étudiée dans le cadre du comité stratégique de l'Agence du service civique.

M. Jacques Legendre, président, a insisté à son tour sur la mise en place d'un comité de suivi, composé de deux sénateurs et de deux députés, qui permettra de formuler des propositions en vue d'améliorer l'efficacité du dispositif voté. Soulignant l'intérêt de tels comités pour le contrôle de l'application des lois, il a appelé l'ensemble des commissaires à être vigilants sur ce point, tout particulièrement lors du prochain examen en séance publique du projet de loi relatif à l'action extérieure de l'Etat.

Enfin, il a précisé que l'adoption conforme, par la commission, des dispositions votées par l'Assemblée nationale ne devait pas devenir la norme. Il a exhorté au respect de l'esprit du bicamérisme, et a rappelé le rôle législatif essentiel qui incombe au Sénat.

Tout en approuvant ces propos, M. Yannick Bodin a dénoncé la dérive actuelle de l'adoption conforme d'un plus grand nombre de projets ou propositions de loi. Il a encouragé le président de la commission à dénoncer une telle tendance.

M. Christian Demuynck, rapporteur, a précisé que plusieurs dispositions adoptées à l'Assemblée nationale avaient fait l'objet d'un accord préalable entre les deux rapporteurs de la proposition de loi.

Conformément à la proposition du rapporteur, la commission a adopté le texte sans modification à l'unanimité.

Communications diverses

M. Jacques Legendre, président, a indiqué que, au cours de sa dernière réunion, le bureau de la commission a décidé de se rendre au Canada du 10 au 18 avril 2010 pour étudier le secteur de l'économie numérique et la politique éducative.

En outre, dans le cadre du groupe de travail sur l'avenir du Centre des monuments nationaux, une délégation se rendra en Italie au printemps 2010 pour étudier les conditions de valorisation du patrimoine historique.