Mercredi 9 juillet 2008

- Présidence de M. Jacques Valade, président. -

Action culturelle extérieure - Diversité culturelle - Communication

Au cours d'une première séance tenue dans la matinée, la commission a tout d'abord entendu une communication de M. Yves Dauge, sur les travaux de la commission « Diversité culturelle » qu'il préside au sein du Haut conseil de la coopération internationale (HCCI).

M. Yves Dauge a souhaité rendre compte à la commission des réflexions menées dans le cadre du HCCI relatives à l'adaptation de la politique extérieure de la France aux nouveaux enjeux de la diversité culturelle, en les inscrivant dans la continuité du rapport d'information sur les centres culturels français à l'étranger, dont il a été l'auteur en 2001.

Il a d'emblée critiqué l'insuffisance de moyens consacrés à la diplomatie culturelle qu'il considère comme un outil essentiel du rayonnement français, regrettant que les préconisations de renforcement des moyens qu'il avait formulées en 2001 n'aient pas été suivies. Il a ensuite déploré la dispersion des crédits de l'action culturelle extérieure, dans le cadre des lois de finances, au sein de trois programmes issus de trois missions différentes (programmes n° 185 « Rayonnement culturel et scientifique » de la mission « Action extérieure de l'Etat », n° 209 « Solidarité à l'égard des pays en développement » de la mission « Aide publique au développement » et n° 115 « Audiovisuel extérieur » de la mission interministérielle « Medias »). Ce découpage n'incite pas à penser globalement la question culturelle, perpétue une vision duale Nord/Sud ne correspondant plus aux enjeux de la mondialisation, et entraîne une concurrence malsaine entre les services bénéficiant des crédits de développement et ceux disposant des sommes consacrées au rayonnement culturel. M. Yves Dauge en a conclu que la diplomatie extérieure devait trouver une nouvelle cohérence autour de la diversité culturelle.

Il a salué, à cet égard, la ratification par la France de la convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles adoptée dans le cadre de l'UNESCO, estimant qu'elle pouvait être l'occasion d'une refondation globale de notre politique culturelle. En effet, cette convention crée un lien entre diversité culturelle et solidarité internationale et invite la France à penser la promotion de sa propre culture au travers le soutien au multiculturalisme. Il s'est félicité, à ce titre, de ce que les centres culturels français valorisent aussi les cultures locales, et que CulturesFrance noue des partenariats et participe à des coproductions qui permettent de conférer une légitimité renforcée à l'intervention française.

Il a aussi fait part de sa satisfaction que l'organisation internationale de la francophonie s'appuie également sur la Convention, se déclarant convaincu que la politique en faveur de la francophonie s'inscrit parfaitement dans la logique de la diversité culturelle.

M. Yves Dauge a souligné, en outre, que les instances de l'Union européenne exprimaient une volonté nouvelle de prendre davantage en compte les cultures locales dans leurs politiques de coopération au développement, citant l'exemple de la création récente du Fonds d'action culturelle dédié aux pays d'Afrique, Caraïbes et Pacifique, doté de 30 millions d'euros.

Il a enfin considéré que la révision générale des politiques publiques (RGPP) devait être l'occasion de définir une politique nouvelle et ambitieuse d'adaptation de nos structures administratives aux enjeux de la diversité culturelle. S'agissant de l'association CulturesFrance, il a souhaité qu'elle soit transformée en établissement public, conformément à la proposition de loi de M. Louis Duvernois adoptée à l'unanimité par le Sénat en 2007, et qu'elle renforce ses actions de coopération. Il a ensuite jugé nécessaire qu'une tête de réseau élargie mette en oeuvre la politique culturelle extérieure de la France, en intégrant l'intégralité des composantes de cette politique, qui doit être à la fois artistique, linguistique, universitaire et orientée vers le développement. Cette « tête de réseau » disposerait d'un conseil d'administration présidé par le ministre des affaires étrangères et européennes et ménageant une part à l'interministériel et aux collectivités territoriales, ainsi que d'un conseil d'orientation, présidé par une personnalité reconnue, et composé de membres issus de la société civile, du monde de la connaissance et de la recherche, de celui de la création, de la communication et des médias, du monde professionnel du secteur culturel, ainsi que de l'Agence française de développement. Localement, les centres culturels français, refondés en centres culturels et de coopération seraient les relais de l'établissement public, sous l'autorité de l'ambassadeur. Les complémentarités avec les politiques culturelles européennes et multilatérales devraient être recherchées.

M. Jacques Valade, président, s'est félicité des propositions de M. Yves Dauge, estimant que la RGPP était une démarche comptable et non politique et qu'il appartenait aux parlementaires de contribuer au débat relatif aux politiques publiques mises en place. Il a estimé que la participation d'artistes locaux à des manifestions organisées par les centres culturels ou CulturesFrance, bien qu'elle soit contestée, est une voie à poursuivre. Enfin, il a souligné l'intérêt du Livre blanc sur la politique étrangère et européenne de la France remis par MM. Alain Juppé et Louis Schweitzer à M. Bernard Kouchner, qui semblerait mettre en avant le fait que le rayonnement de la France passe par sa diplomatie culturelle, et valoriserait notamment les actions de la Commission nationale de la coopération décentralisée (CNCD) et de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE).

Patrimoine culturel - Secteurs sauvegardés - Auditions

La commission a procédé, ensuite, à l'audition de M. Jean-René Etchegaray, premier adjoint de la ville de Bayonne chargé de l'urbanisme et secrétaire de l'Association nationale des villes et pays d'art et d'histoire et des villes à secteurs sauvegardés et protégés, et M. Jacky Cruchon, ingénieur-urbaniste de la ville de Bayonne, ainsi que de Mme Pascale Rieu, directrice de la coordination du programme de rénovation des quartiers anciens dégradés, et M. Franck Caro, chargé de mission, à l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU).

M. Jacques Valade, président, a indiqué, au préalable, que cette audition fait suite à une première série d'auditions sur le financement de la politique du patrimoine, organisées le 18 juin à l'initiative de la commission, et conjointement avec son groupe d'études sur le patrimoine architectural, présidé par M. Philippe Richert, en réaction aux récentes annonces sur les dispositifs fiscaux concernant les monuments historiques et les secteurs sauvegardés.

M. Jean-René Etchegaray a fait part des inquiétudes suscitées par les réflexions en cours sur le devenir des « niches fiscales ». Il a estimé regrettable que le dispositif concernant les secteurs sauvegardés, adossé à la « loi Malraux », soit ainsi assimilé aux autres systèmes fiscaux dérogatoires, alors qu'il relève d'une ambition beaucoup plus large : il s'inscrit, en effet, dans le cadre des politiques publiques des villes, en matière à la fois d'urbanisme et de politique patrimoniale, pour la sauvegarde des centres et quartiers anciens.

Il a jugé inacceptables les propositions d'aménagement formulées dans le récent rapport de la mission d'information de l'Assemblée nationale : celles-ci visent à convertir ce dispositif en une réduction d'impôt, avec un taux modulé de 30 % pour les secteurs sauvegardés et 20 % pour les zones de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager (ZPPAUP), et à plafonner l'assiette de cette réduction d'impôt à 45.000 euros. Il a considéré que ces évolutions signeraient la mort du dispositif Malraux. De même, l'idée de limiter le bénéfice du dispositif dans le temps méconnaît les réalités du terrain : à Bayonne, il a fallu plus de trente ans pour aboutir aux résultats actuels.

Cependant, il a souligné l'intérêt de certaines pistes avancées par cette même mission, et relayant les propositions défendues par l'association, en vue d'ouvrir le bénéfice du dispositif aux locaux professionnels et, sous réserve d'un engagement de conservation du bien, aux propriétaires occupants pour leur résidence principale.

Puis il a suggéré une évolution des instruments juridiques, et notamment de la déclaration d'utilité publique (DUP), qui pourrait devenir un véritable outil opérationnel, renvoyant à des politiques communales telles que celles en faveur du logement, de la mixité sociale ou du tourisme.

Alors que les crédits de l'Agence nationale de l'habitat (ANAH) sont en diminution et que la TVA à 5,5 % ne s'applique que de façon limitée aux opérations dans les secteurs sauvegardés, il a conclu qu'une révision du système Malraux fragiliserait très fortement les politiques des communes en faveur de la restauration des quartiers anciens. Or, le patrimoine est un levier en termes d'attractivité touristique et exerce des retombées économiques importantes, ce qui plaide en faveur du maintien du dispositif.

M. Jacques Valade, président, a regretté, de même, que de tels sujets de société se retrouvent ainsi réduits à des questions fiscales, voire comptables. Il a relevé, en outre, qu'un amendement a été adopté par le Sénat, dans le cadre du projet de loi de modernisation de l'économie, en vue d'étendre aux monuments historiques le bénéfice de dons versés par des particuliers dans le cadre des fonds de dotation institués par ce texte. Puis il a cité l'exemple de Bordeaux, dont le secteur sauvegardé, qui s'étend sur 180 hectares, est l'un des plus grands de France.

M. Philippe Richert, président du groupe d'études sur le patrimoine architectural, a déploré que des réflexions engagées, au niveau national, par les tenants de l'orthodoxie financière et fiscale, aboutissent, en définitive, à remettre en cause des politiques sectorielles, sans que les commissions parlementaires compétentes soient associées à la préparation de ces réformes. S'il a reconnu la nécessité de réaliser des économies budgétaires et d'aboutir à certaines simplifications, il a jugé essentiel, néanmoins, de préserver les outils dédiés à notre politique du patrimoine, compte tenu de l'impact de cette dernière en termes d'attractivité touristique et donc de l'importance des retombées économiques et fiscales qu'elle génère.

M. Yves Dauge a souligné la pertinence de mettre en avant l'impact économique de la politique du patrimoine et a rappelé que le dispositif Malraux n'était que la contrepartie des contraintes architecturales très lourdes imposées aux propriétaires dans les secteurs sauvegardé et les ZPPAUP. Il a estimé qu'un plafonnement de ce dispositif à hauteur de 200.000 euros pourrait être un niveau acceptable, contribuant à éviter certaines dérives. Néanmoins, un plafonnement de l'assiette de la réduction d'impôt à 45.000 euros par an signerait, en effet, la mort du dispositif. Il ne s'est pas opposé, en outre, à d'autres aménagements tels qu'un allongement de la durée de l'engagement locatif, actuellement fixée à 6 ans, un encadrement plus étroit des déclarations d'utilité publique (DUP) ou encore une meilleure prise en compte de l'objectif de mixité sociale. Puis il a évoqué une piste visant à faire porter la déduction fiscale sur le revenu imposable et non pas sur le revenu foncier.

M. Elie Brun a insisté sur la nécessité de ne pas assimiler le dispositif Malraux à une simple « niche fiscale ». Il a jugé fondamental de préserver une politique volontariste en faveur des centres anciens, dans un souci de sauvegarde et d'équilibre social de ces quartiers, mais aussi afin d'éviter que les collectivités territoriales soient contraintes d'user de leur droit de préemption pour se substituer à l'initiative privée. Il a souligné, enfin, le travail remarquable accompli par l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU) auprès des collectivités.

Mme Pascale Rieu a précisé que l'ANRU est chargée de conduire un programme de rénovation des quartiers anciens, qui ne concerne pas seulement les centres-villes, venant ainsi en appui des communes dans le cadre d'actions de « recyclage foncier ». L'ANRU a mis à disposition des élus une « boîte à outils », concernant l'ingénierie, la requalification d'îlots d'habitats dégradés, le financement d'opérations portant sur l'espace public ou encore le financement d'équipements de proximité.

Relevant que la moitié des sites concernés par ces opérations se situent en secteur sauvegardé ou en ZPPAUP, elle a souligné que le dispositif Malraux est un outil indispensable en vue de conduire l'ensemble de ces actions. Celles-ci s'inscrivent, d'une part, dans une dimension patrimoniale et sont, d'autre part, au service de la politique publique d'offre de logements de qualité.

Elle a indiqué partager les préoccupations exprimées par M. Jean-René Etchegaray, estimant qu'un changement des règles du jeu serait très pénalisant. Puis elle a considéré qu'il ne serait pas nécessairement justifié d'établir une distinction entre les secteurs sauvegardés et les ZPPAUP, tel que le préconisent les récents rapports. Elle a constaté, en effet, que le niveau des exigences est relativement comparable et que des actions de grande qualité sont conduites dans les ZPPAUP.

M. Jacky Cruchon a précisé que trois champs sont simultanément concernés par les opérations dans les secteurs sauvegardés : la restructuration urbaine, la politique patrimoniale et la politique sociale, puisqu'il s'agit également de proposer une offre de logement mixte, à la fois en superficie et en types de loyers. A cet égard, il a estimé qu'il serait intéressant de moduler l'avantage fiscal en fonction du niveau de loyer fixé par le propriétaire. Puis il a souligné qu'une remise en cause du dispositif Malraux ne manquerait pas d'avoir des répercussions sur la fiscalité locale. Il a relevé, par ailleurs, que la rentabilité des opérations en secteur sauvegardé est très faible, puisqu'elle est de l'ordre de 1 à 2 % hors avantage fiscal et de 3 à 4 % en tenant compte de cet avantage fiscal.

M. Franck Caro a confirmé qu'un plafonnement à hauteur de 200.000 euros par an serait une piste acceptable, mais qu'un seuil de 45.000 euros viderait le dispositif de toute sa portée. Il s'est rallié, enfin, à une forme de hiérarchisation de l'avantage en fonction de critères d'intérêt général, afin notamment de mieux prendre en compte les surcoûts liés à des exigences environnementales ou les objectifs de mixité sociale, dès lors que les propriétaires acceptent des loyers maîtrisés.

M. Jacques Valade, président, a souligné l'intérêt qu'il y aurait à décliner de telles opérations en faveur de l'offre de logements destinés aux étudiants.

Architecture - Enseignement - Audition de MM. Vincent Michel, Philippe Bach, Laurent Ghilini, Jean-Michel Knop et Paul Léandri

Enfin, la commission a entendu M. Vincent Michel, président du Collège des directeurs des écoles nationales supérieures d'architecture, directeur de l'École nationale supérieure d'architecture de Grenoble, M. Philippe Bach, directeur de l'ENSA Strasbourg, M. Laurent Ghilini, directeur de l'ENSA Lyon, M. Jean-Michel Knop, directeur de l'ENSA Rouen et M. Paul Leandri, directeur de l'ENSA Clermont-Ferrand.

M. Vincent Michel, président du Collège des directeurs des écoles nationales supérieures d'architecture, directeur de l'Ecole nationale supérieure d'architecture de Grenoble, a indiqué que le Collège des directeurs des écoles nationales supérieures d'architecture avait présenté au ministre de la culture et de la communication un plan de valorisation de l'enseignement supérieur et de la recherche en architecture. Une action de sensibilisation aux enjeux de cet enseignement est menée auprès des parlementaires dans l'esprit de la loi organique relative aux lois de finances.

A titre liminaire, M. Jacques Valade, président, s'est interrogé sur la logique qui prévalait en matière de tutelle ministérielle des écoles nationales supérieures d'architecture et a souhaité connaitre la position des directeurs concernés.

M. Vincent Michel a précisé que les écoles d'architecture avaient mis en oeuvre le nouveau dispositif de formation dans l'enseignement supérieur, désigné sous le terme de LMD (licence-master-doctorat) et que la question de leur rattachement était permanente. Il a ainsi rappelé qu'elles avaient été successivement sous la tutelle du ministère de la culture dans les années 1970, puis du ministère de l'équipement avant de revenir dans le giron du ministère en charge de la culture. Il a constaté que l'exercice du métier d'architecte ne relevait pas seulement d'une dimension artistique, mais nécessitait également une culture technique.

Il a souligné que les écoles d'architecture pouvaient tout autant être rapprochées du ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche que du ministère de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de l'aménagement du territoire. Le plan proposé par le Collège des directeurs des écoles nationales supérieures d'architecture tend à solliciter un portage interministériel compte tenu des enjeux actuels et à venir de l'architecture. Il a fait remarquer que la tutelle devrait s'inscrire dans une forme de continuité prenant en charge à la fois l'architecture, la profession d'architecte, l'enseignement supérieur et la recherche, à l'image du double ancrage universitaire et professionnalisant de ces écoles. Il a noté ainsi qu'elles étaient présentes d'une part, dans les alliances des grandes écoles et, d'autre part, dans les pôles de recherche et d'enseignement supérieur en cours de constitution.

M. Vincent Michel a évoqué le discours sur l'architecture du Président de la République lors de l'inauguration de la Cité de l'architecture et du patrimoine en septembre 2007, qui mentionnait l'excellence des écoles d'architecture, leur nécessaire intégration dans les pôles régionaux d'enseignement supérieur à rayonnement international et leur capacité à répondre au défi du développement durable et de la cohésion urbaine.

M. Jacques Valade, président a souhaité des précisions sur les modalités de recrutement des étudiants en école d'architecture.

Rappelant que le recrutement devait se conformer aux dispositions actuellement en vigueur pour les universités, M. Vincent Michel a indiqué que toutes les écoles avaient élaboré un système d'orientation en amont pour les inscriptions en première année, conduisant à recruter un étudiant pour dix candidats, par le biais de tests et d'examen sur dossier. Il a souligné ainsi l'attractivité croissante des études d'architecture et un taux d'insertion professionnelle de l'ordre de 88 %, trois ans après l'obtention du diplôme.

Il a signalé qu'au sein du ministère de la culture et de la communication des marges de manoeuvre étaient disponibles à budget constant, sachant que les écoles d'architecture encadraient 75 % des étudiants de l'enseignement supérieur relevant de ce ministère avec seulement 25 % des crédits affectés à cette action. Un rapport conjoint des inspections générales des finances et de l'administration des affaires culturelles, publié en 2002, concluait déjà à des possibilités de redéploiement interne.

Il a rappelé que les écoles nationales supérieures d'architecture jouaient un rôle déterminant dans la diffusion de la culture architecturale, notamment en région, et dans le domaine de la sensibilisation à l'art en milieu scolaire.

M. Vincent Michel a insisté sur le fait qu'au sein du ministère de la culture et de la communication les écoles d'architecture avaient pleinement pris en compte les concepts d'évaluation et de performance introduits par la loi organique relative aux lois de finances.

Il a estimé que l'effort demandé au titre de la révision générale des politiques publiques avait été déjà amorcé par les écoles d'architecture, en réduisant le nombre d'écoles dans la perspective d'une meilleure lisibilité au plan international ou en mutualisant certaines compétences dans le domaine des formations spécialisées.

En réponse à une question de M. Jacques Valade, président, M. Vincent Michel a souligné le caractère hétéroclite des profils des directeurs d'écoles d'architecture, nommés par la tutelle après avis du conseil d'administration des établissements publics, qui sont soit des hauts fonctionnaires, soit d'anciens professeurs ou des architectes de rayonnement international.

Il a précisé que l'objectif de la réforme des études d'architecture est d'accompagner la mise en place du dispositif LMD par une modification du statut des enseignants et des établissements, en cohérence avec l'évolution générale de l'enseignement supérieur, les écoles devant évoluer vers le statut d'établissement public scientifique, culturel et professionnel (EPSCP). Le recrutement des enseignants, qui comprend un corps de professeurs et un autre de maîtres-assistants, relève d'un concours national. L'obligation de service est fixée à 320 heures par an. Par ailleurs, une activité de recherche s'est développée au sein de ces établissements, qui sont habilités à délivrer le titre de docteur depuis la réforme LMD dans le cadre d'écoles doctorales. Ces établissements entrent dans le cadre du processus d'évaluation par l'Agence d'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur (AERES), qui devra tenir compte du caractère spécifique de l'enseignement de l'architecture, à la fois universitaire et professionnalisant.

M. Vincent Michel a signalé que l'intégration des écoles nationales supérieures d'architecture dans les pôles de recherche et d'enseignement supérieur faisait l'objet actuellement de négociation avec le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche. Il a fait remarquer qu'en matière de coopération internationale, les établissements universitaires étrangers incluaient la dimension architecturale. Il a cité ainsi l'université de Shanghai qui dispose d'un département d'architecture particulièrement dynamique.

Il a mentionné l'effort important engagé par la nation en faveur de l'enseignement supérieur, qui s'élève à 5 milliards d'euros et qui devrait également concerner l'enseignement de l'architecture, compte tenu de l'implication de ces établissements dans la réforme actuelle des universités. Il a évoqué la possibilité de dégager 10 millions d'euros pour les écoles d'architecture selon un ratio fondé sur le nombre d'étudiants. Il a souhaité mettre en avant la question de la cohérence de l'enseignement supérieur et de la recherche en France plutôt que celle de la tutelle des écoles d'architecture.

Abordant les problématiques liées au « Grenelle de l'environnement », il a rappelé le rôle déterminant de la construction et des travaux publics en la matière et a relevé que la recherche architecturale prenait en considération la culture technique permettant de répondre à un certain nombre de questions posées à cette occasion. Il a indiqué que le ministère de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de l'aménagement du territoire disposait d'importants programmes de recherche, appelés à faire appel au potentiel de recherche des écoles d'architecture, notamment sur le plan du management de la qualité dans la construction des édifices, de la ville ou des territoires.

Il a cité le groupement d'intérêt public des grands ateliers de l'Isle d'Abeau qui regroupe cinq écoles d'architecture française, l'Ecole nationale des travaux publics de l'Etat, l'Institut national des sciences appliquées de Lyon, trois écoles d'art et le Centre scientifique et technique du bâtiment. Ce groupement constitue un outil de coopération destiné à développer l'enseignement, la recherche et l'expérimentation dans le domaine de la culture constructive.

Un large débat a suivi cette intervention.

M. Jacques Valade, président, a jugé très positives les évolutions des écoles d'architecture ces dernières années.

Partageant cet avis, M. Michel Thiollière s'est demandé si la mise en place du système LMD avait permis de faciliter les passerelles avec l'enseignement supérieur. Il a voulu savoir, en outre, s'il était envisagé de mettre en place un concours commun à l'ensemble des écoles d'architecture ou un recrutement au niveau bac + 2. Il s'est interrogé, enfin, sur les évolutions de l'accueil d'étudiants étrangers puis sur les réactions suscitées par la mise en place d'une sixième année d'études.

M. Yves Dauge a estimé, tout d'abord, que le développement de relations avec les entreprises, longtemps insuffisant, ne justifie pas, néanmoins, de multiplier les recours à des partenariats public-privé. Il a insisté sur la question centrale de la gestion de l'espace urbain et de la rénovation des centres historiques, souhaitant que les architectes soient au coeur de ces enjeux, compte tenu de l'écho que trouvent ces démarches dans des pays comme la Chine ou l'Inde. Il a indiqué que les architectes ne doivent pas limiter leur rôle au respect des normes de type « haute qualité environnementale » (HQE). Puis il a plaidé pour un développement de la formation et des travaux de recherche sur la maîtrise des outils d'urbanisme.

Soulignant les difficultés que rencontrent un certain nombre d'architectes, M. Serge Lagauche s'est interrogé sur les relations entre les écoles et les entreprises. Il s'est demandé s'il existait des structures de type fondation, permettant d'apporter aux écoles des financements complémentaires.

Mme Lucienne Malovry a souligné les difficultés des jeunes diplômés à répondre aux appels d'offre, dans la mesure où une expérience professionnelle préalable est bien souvent requise pour se présenter aux concours.

Mme Catherine Morin-Desailly s'est interrogée sur les actions menées par les écoles en matière de formation professionnelle continue.

En réponse, M. Vincent Michel a apporté les précisions suivantes :

- le système LMD a facilité les passerelles avec l'université, permettant ainsi à des titulaires d'une licence d'architecture de suivre un master en urbanisme ou sciences des territoires ; les passerelles sont néanmoins plus aisées dans ce sens que dans l'autre ; en effet, dans les écoles d'architecture, la moitié des enseignements sont des formations « au projet et par le projet », qui constituent, désormais, un critère de performance ;

- le passage au LMD et la possibilité reconnue aux écoles de délivrer le doctorat ont permis de rendre les cursus plus lisibles au plan international et ont donc simplifié l'accueil d'étudiants étrangers ;

- le collège des directeurs a renforcé sa présence au sein de l'association des écoles d'architecture européennes, qui devrait être présidée, à partir de septembre, par un Français ;

- il ne paraît pas opportun de mettre en place un système spécifique de recrutement à bac + 2, de type classes préparatoires, puisque l'objectif des écoles est au contraire de s'inscrire dans le schéma général de notre système d'enseignement supérieur ;

- le rapport d'information de M. Yves Dauge sur les métiers de l'architecture est bien connu et apprécié ; il met en avant des enjeux essentiels, en termes de cadre de vie, de politique de la ville et de cohésion urbaine ; le projet d'architecture est, en effet, indissociable du projet urbain ; or, la France manque de formations dans le domaine de la maîtrise d'ouvrage ;

- la norme HQE ne saurait résumer les enjeux qui se posent aux architectes en termes de développement durable ; il faut cesser de s'enfermer dans ces normes, car on finit ainsi par rendre le logement inaccessible à certaines catégories d'habitants, alors que l'objectif d'accessibilité de tous à un toit est un enjeu fondamental ; à cet égard, M. Jacques Valade, président, a estimé qu'il est également de la responsabilité des hommes politiques de ne pas céder à cette tentation ;

- la profession d'architecte va être confrontée, dans les années à venir, à un enjeu majeur de renouvellement des générations ; il ne saurait donc être question de fixer un numerus clausus à l'entrée des écoles ;

- la mise en place, par exemple, d'un « pôle d'innovation constructive », en lien avec de grandes entreprises des matériaux et de la construction, a permis de développer des relations avec les milieux professionnels ; par ailleurs, de nombreux appels d'offre de concours sont liés à l'industrie ;

- en parallèle, il est nécessaire pour les écoles de développer une démarche entrepreneuriale afin d'aller à la recherche de nouveaux financements, complémentaires aux recettes liées à la taxe d'apprentissage ou aux contrats d'études qui se développent avec les collectivités territoriales ; les écoles pourront avoir accès à des fondations dans le cadre des futurs PRES.

Complétant ces propos, M. Laurent Ghilini a donné les précisions suivantes :

- l'école de Lyon partage, depuis vingt ans, un campus commun avec une école d'ingénieurs ; ces deux établissements ont mis en place un double cursus d'architecte-ingénieur ; environ dix écoles d'architecture offrent à présent cette possibilité ; l'école de Strasbourg conduit une expérience originale avec une école d'ingénieurs allemande ;

- une image assez négative reste attachée aux conditions d'exercice et de rémunération de la profession d'architecte ; cependant, on constate une forte attractivité des écoles, puisqu'à Lyon, il y a eu cette année 1.800 candidats pour 115 places ; 85 % des diplômés trouvent un emploi trois mois après la sortie d'école ; par ailleurs, on note un certain rattrapage en termes de salaires, même si les diplômés des écoles d'architecture restent, sur ce plan, au dernier rang des diplômés des établissements de la Conférence des grandes écoles ;

- l'autonomie des établissements, y compris au plan pédagogique, de même que le développement d'une logique de site, sont aujourd'hui des enjeux fondamentaux.

Puis M. Jean-Michel Knop a apporté les éléments de réponse suivants :

- la question de la diversification des pratiques professionnelles des architectes est désormais centrale ; l'instauration, récente, d'un nouvel échelon d'architecte diplômé d'Etat, ouvrant l'accès aux concours de la fonction publique, devrait remédier, à terme, au déficit d'architectes chargés de conseiller les élus et les services de l'Etat ou des collectivités territoriales ;

- la formation continue est très présente dans les écoles ; cinq d'entre elles proposent un cursus spécifique aboutissant à la délivrance du diplôme d'architecte ; par ailleurs, 13 pôles de formation continue viennent d'être créés en région, le dernier étant celui de Rouen : ils permettront, d'une part, à des architectes de se former aux nouvelles thématiques comme celles du développement durable, et, d'autre part, de sensibiliser les élus aux problématiques d'urbanisme ou d'architecture contemporaine notamment ;

- les concours ouverts par les communes réservent, en général, des places aux jeunes diplômés ; néanmoins, une réflexion est à mener sur l'accès des jeunes architectes à la commande ; à la sortie des écoles, 80 % des diplômés rejoignent des agences ;

- la mise en place d'une « sixième année » a suscité des grèves dans les écoles ; cependant, les étudiants qui se trouvent dans ces formations, préparant à l'« habilitation à exercer la maîtrise d'oeuvre en son nom propre », en sont satisfaits ; celles-ci permettent, par ailleurs, de combler un réel déficit d'architectes dans notre pays, et notamment dans nos administrations.

M. Paul Léandri a ajouté que cette année d'habilitation ne constitue pas une sixième année : elle permet à des jeunes souhaitant s'installer dans le domaine spécifique de la maîtrise d'oeuvre de disposer de l'ensemble des compétences nécessaires et de consolider leur projet. Toutefois, ce n'est qu'un débouché possible parmi tant d'autres qui sont offerts aux diplômés à l'issue de leur formation.

Enfin, M. Philippe Bach a indiqué que le collège souscrirait aux propositions formulées par le groupe de travail du Sénat sur le système d'allocation des moyens budgétaires aux universités.

Enseignements artistiques - Décentralisation - Examen du rapport d'information

Au cours d'une seconde séance tenue dans l'après-midi, la commission a procédé à l'examen du rapport d'information de Mme Catherine Morin-Desailly sur la décentralisation des enseignements artistiques.

A titre liminaire, Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteur, a tenu à remercier ses collègues de lui avoir confié l'élaboration de ce rapport d'information sur un sujet majeur, tant en termes de démocratisation culturelle que de politique locale.

Elle a rappelé qu'elle avait été alertée par le retard pris dans la mise en oeuvre effective du volet « enseignements artistiques » de la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales. Celle-ci, répondant à un objectif de clarification de la répartition des compétences entre les collectivités publiques, n'organisait pas, stricto sensu, un transfert de compétences, les lois de décentralisation de 1983 ayant déjà reconnu l'initiative des collectivités territoriales dans ce domaine.

Aux termes de plus de six mois de travaux, elle a confirmé que, sur le terrain, cette réforme restait bien délicate à « orchestrer » et qu'il apparaissait urgent de sortir de l'« impasse » et de ne pas laisser s'installer plus durablement un climat d'incertitude qui serait, à terme, préjudiciable à notre système d'enseignement artistique.

Elle a souhaité que les acteurs concernés par ce dossier puissent, dans toute leur diversité, exprimer leur point de vue librement et sans tabou.

Après avoir ainsi entendu une centaine de personnes, au Sénat ou en région (à Rouen, Montpellier, Lille et Lyon ), elle a pris la mesure des attentes très fortes qui sont à la hauteur des espoirs que les professionnels du secteur ont placés dans une réforme jugée opportune pour accompagner le nécessaire renouveau des enseignements artistiques ; elles traduisent également un certain désarroi face à une réforme qui a été, dès le départ, mal engagée et qui a souffert, au-delà des problèmes financiers, d'un évident déficit de méthodologie auprès des élus.

Après avoir souligné que, derrière ses aspects « techniques », le sujet était éminemment politique, elle a indiqué que son rapport s'articulait autour de 3 axes : un volet historique et une présentation des objectifs de la loi de 2004, une analyse de la situation de blocage actuelle, puis des préconisations pour faciliter une sortie de crise.

Elle a relevé que du volet historique ressortait comment l'édification progressive de notre système d'enseignement artistique, depuis la création du Conservatoire de Paris en 1795, avait conduit à sa complexité actuelle, le réseau s'étant étoffé de par la volonté tantôt de l'Etat, tantôt des villes, et considérablement développé sous l'impulsion du Plan Malraux-Landowski de 1967.

Elle a rappelé que si les communes finançaient aux trois quarts, voire davantage, ces enseignements, l'Etat continuait d'en fixer les règles et d'en assurer le contrôle, mais en assumant une part de plus en plus réduite de leur financement (environ 7 % du budget des conservatoires classés).

Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteur, a noté que, dans ce contexte, la loi de 2004 avait répondu à l'ambition louable d'améliorer la lisibilité du dispositif et de rééquilibrer les financements.

Elle a indiqué, qu'en 2002, le protocole de décentralisation en région Nord-Pas-de-Calais avait concerné les enseignements artistiques, afin d'expérimenter une organisation territoriale plus cohérente dans les domaines de l'enseignement de la musique, de la danse et du théâtre, mais aussi des arts plastiques. Après cette première étape, dont elle a regretté que l'ensemble du bilan n'ait pas été tiré, elle a indiqué que la loi de 2004 avait procédé à un aménagement de l'exercice des compétences des acteurs publics, selon le schéma suivant :

- les communes et leurs groupements conservent les responsabilités déjà exercées en termes d'organisation et de financement des missions d'enseignement initial et d'éducation artistique des établissements ;

- le département est chargé d'adopter un « schéma départemental de développement des enseignements artistiques », dans le souci, notamment, d'améliorer l'accès à ces enseignements ;

- la région doit organiser le cycle d'enseignement professionnel initial (CEPI), dans le cadre du plan régional de développement des formations professionnelles (PRDF), et en assurer le financement ;

- l'Etat continue d'exercer ses prérogatives en matière de contrôle pédagogique des établissements, il procède à leur classement (avec des conservatoires à rayonnement régional, départemental, intercommunal ou communal), il détermine les qualifications requises pour le personnel enseignant et il conserve l'initiative et la responsabilité des établissements d'enseignement supérieur.

Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteur, a constaté qu'en parallèle, la loi avait prévu le transfert par l'Etat aux départements et régions des concours financiers qu'il accordait jusqu'alors aux communes pour le fonctionnement des 36 conservatoires nationaux de région et des 101 écoles nationales de musique, de danse et d'art dramatique.

Enfin, elle a souligné que la loi avait défini les missions des établissements, avec le souhait de les élargir, pour aller de l'éveil artistique à la formation de l'amateur et du futur professionnel, et qu'elle avait pour ambition de corriger les déséquilibres territoriaux et de remédier à l'insuffisante démocratisation de ces enseignements.

Elle a relevé que, parallèlement, le ministère avait décidé d'une réforme pédagogique, avec le nouveau cycle d'enseignement professionnel initial (CEPI), sanctionné par un diplôme national (et non plus un diplôme d'établissement), ainsi que d'une révision des conditions de classement des établissements.

Elle a insisté sur le fait que la conjonction de la loi de 2004 et de cette réforme des enseignements expliquait une partie des difficultés rencontrées. Quatre ans après, cette situation de blocage est préoccupante et la réforme est restée « au milieu du gué »...

Elle a souligné que tout n'était pas négatif cependant et qu'on pouvait se réjouir d'avancées certaines : ainsi, une dynamique s'est progressivement mise en marche, grâce notamment à la forte implication des professionnels ; ils attendent beaucoup de cette réforme, qui doit permettre une plus grande homogénéisation des cursus, encourager une diversification, une ouverture des enseignements et une mise en réseau des établissements.

Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteur, a fait part ensuite des réactions des collectivités territoriales :

- les communes ont assez peu répondu, pour l'instant, à la réforme ;

- les départements se sont réellement investis dans l'élaboration des schémas départementaux, bien que les contenus de ces derniers soient très divers et prennent souvent faiblement en compte les volets danse et théâtre, ou encore les musiques actuelles ;

- quant aux régions, un certain nombre d'entre elles ont avancé, mais seule, à ce jour, la région Poitou-Charentes a inscrit un « volet enseignements artistiques » au sein de son PRDF. En effet, certaines régions ont considéré que le CEPI, dont la loi leur confie l'organisation et le financement, ne relève pas de leur champ « traditionnel » de compétence en matière de formation professionnelle, car le diplôme national d'orientation professionnelle auquel il conduit n'apparaît pas comme ayant pour finalité première l'insertion dans l'emploi.

Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteur, a rappelé, cependant, que la vocation d'orientation du CEPI justifiait que la région ne puisse s'en désintéresser.

Elle a constaté que l'ensemble des acteurs se trouvaient donc face à une posture parfois assez largement attentiste des élus régionaux, en raison de craintes légitimes en termes d'impact financier de la réforme, mais aussi pour des motifs politiques.

Dans ces conditions, le transfert des crédits de l'Etat (soit 28,8 millions d'euros), qui devait être effectué au 1er janvier 2008, n'a toujours pas eu lieu : aux termes de la loi, il devait intervenir, en effet, dans le cadre de conventions passées avec les collectivités, au vu des schémas départementaux et des plans régionaux.

Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteur, a souligné que ce report créait un contexte financier incertain, qui freine la dynamique engagée sur le terrain et qui est source d'inquiétudes pour les directeurs de conservatoire, leurs élèves et les familles concernées. En effet, certains des conservatoires les plus dynamiques ont déjà lancé le CEPI, à titre de préfiguration, alors que de lourdes incertitudes pèsent sur son organisation et son financement.

Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteur, a regretté, par ailleurs, que le CEPI, qui ne constitue qu'un aspect d'une réforme plus globale, focalise les inquiétudes alors qu'il ne concerne qu'une minorité (environ 3 %) des élèves des conservatoires.

Elle a identifié ensuite les principales raisons de cette « panne » :

- tout d'abord, le problème financier, qui recouvre plusieurs dimensions : d'une part, le manque de transparence sur les modalités de ce transfert, en l'absence de critères de répartition des crédits de l'Etat entre régions et départements, et d'autre part, la question du différentiel entre le coût prévisionnel de mise en place des CEPI, tel qu'évalué par les régions, et les crédits susceptibles de leur être transférés ;

- ensuite, la concomitance entre les transferts prévus par la loi et la parution de textes réglementaires qui fixent des exigences plus élevées (en matière de qualification des enseignants, de structuration de la danse ou du théâtre, de diversification des disciplines...) et contribuent à renforcer ces tensions ;

- enfin, certaines carences de l'Etat ; en effet, s'il est vrai que des efforts ont été accomplis, toutes les personnes auditionnées ont insisté sur l'insuffisance de l'accompagnement de la réforme par l'Etat.

Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteur, a regretté ce déficit de méthodologie et le fait que les services déconcentrés de l'Etat, en pleine mutation, soient souvent apparus « mal à l'aise » pour accompagner les élus.

Elle est convenue également que ce dossier « technique » était apparu non prioritaire aux yeux d'un certain nombre d'élus. Très occupés par la mise en oeuvre des autres volets de la décentralisation, ils ont, le plus souvent, laissé le dossier aux mains des professionnels.

Enfin, Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteur, s'est demandé si la loi de 2004 était ou non applicable en l'état, ou s'il convenait de la modifier :

- certains, notamment l'Association des régions de France, défendent ce point de vue. Pour eux, la loi serait passée à côté de son objectif de clarification des responsabilités des différentes collectivités publiques dans le domaine des enseignements artistiques et devrait être modifiée ;

- pour d'autres au contraire, la souplesse de la loi permettrait une définition concertée des rôles entre les différentes collectivités publiques et justifierait ainsi de s'adapter à la diversité des situations locales ; ils craignent, en outre, que l'application de la loi ne soit encore différée.

Dans ce contexte délicat, Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteur, a affirmé son souhait d'établir une synthèse des différents points de vue et d'avancer les propositions les plus consensuelles possibles. Elle a souligné que l'exercice s'était révélé d'autant plus délicat que tous les niveaux de collectivités publiques avaient vocation à intervenir, à un titre ou à un autre, dans le dispositif d'enseignement artistique.

Elle a précisé que ses préconisations, guidées par un souci de pragmatisme, visaient à n'entraîner aucune prépondérance de l'un des acteurs, mais plutôt à privilégier une coordination de leurs interventions.

Tout d'abord, elle a souhaité définir une méthodologie répondant à trois objectifs, pour sortir de l'impasse :

- réaffirmer la nécessité d'un consensus national autour du caractère prioritaire des enseignements artistiques en France ;

- sensibiliser l'ensemble des acteurs éducatifs et culturels, mais aussi les élus locaux, à l'importance de cet enjeu pour leur territoire, en termes d'aménagement et de développement culturels ainsi que de cohésion sociale ;

- favoriser le recrutement de personnels compétents chargés de ces missions dans les départements et régions.

Elle a souligné, ensuite, l'urgence pour l'Etat de clarifier et de conforter le volet financier de la réforme. Elle a souhaité que soit pris acte de la nécessité de desserrer la contrainte calendaire, en prorogeant le système actuel d'au moins un an, tout en sécurisant clairement l'enveloppe des crédits à transférer.

Elle a jugé nécessaire, également, de parvenir à une évaluation partagée du coût de mise en oeuvre de la réforme par les régions, en définissant une fourchette de coût du CEPI par élève, et de définir, sur la base de critères transparents, une clé de répartition des crédits à transférer entre départements et régions.

Elle a estimé que l'Etat devrait donner un « coup de pouce », y compris budgétaire, en vue d'une application plus sereine, efficace et équitable de la réforme.

Elle a insisté, ensuite, sur la nécessité de répartir plus équitablement les charges pesant sur les communes :

- en poursuivant la structuration intercommunale des enseignements artistiques, en en faisant l'échelle de référence pour tout nouvel équipement et un moyen d'harmonisation et de mutualisation des pratiques et des enseignements ;

- en réaffirmant le rôle incitatif des conseils généraux dans le cadre des schémas (avec une « prime à l'intercommunalité » pour les aides aux écoles « ressources ») ;

- en diversifiant les sources de financement des établissements (mécénat, partenariats privés ou transfrontaliers...).

Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteur, a affirmé la nécessité de consolider la gouvernance des enseignements artistiques :

- en repositionnant l'Etat sur ses missions de pilotage et d'accompagnement ;

- en prenant mieux en compte la dimension interministérielle ;

- en renforçant notamment le partenariat avec le ministère de l'éducation nationale, pour consolider le système des intervenants musicaux (les « dumistes ») ou les classes à horaires aménagés.

Par ailleurs, elle a souhaité que soit reconnu, sous certaines conditions, un rôle de « chef de file » à la région, dans un souci d'aménagement concerté du territoire et de valorisation des complémentarités locales et que soit organisée la concertation, au niveau territorial, entre les élus et les acteurs des différents niveaux de collectivités dans le cadre de « commissions de coordination régionale ».

En outre, le rapporteur a proposé de mettre en oeuvre la réforme progressivement, avec pragmatisme et de manière consensuelle. A cet égard, elle a évoqué l'« expérimentation » de la réforme dans les régions le souhaitant, tout en étudiant, dans le cadre du Conseil des collectivités territoriales pour le développement culturel, l'opportunité d'une légère adaptation consensuelle de la loi de 2004.

Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteur, a ensuite préconisé une adaptation du cadre juridique et financier des établissements d'enseignement artistique.

Elle a proposé que soit encouragée la création d'« EPCC à géométrie variable » (établissement public de coopération culturelle) pour concrétiser la concertation entre les différents niveaux de collectivités et en vue de développer une logique de réseau entre établissements.

Elle a souhaité aussi l'assouplissement de certains critères de classement des établissements, dans le sens d'une plus grande mutualisation des moyens d'enseignement.

Enfin, elle a exposé ses propositions visant à consolider la rénovation des enseignements artistiques.

Il s'agit :

- d'accompagner les évolutions des missions des établissements d'enseignement artistique ;

- de répondre au défi de la démocratisation en réaffirmant les missions centrales des pratiques collectives et en amateur, et en démystifiant l'accès aux enseignements artistiques, dans le cadre de campagnes « Osez le conservatoire ! » ;

- d'encourager la création d'un conservatoire « pôle ressource » pour un territoire de référence en plaçant ces établissements au coeur de partenariats multiples (dans un réseau d'établissements spécialisés, avec les structures associatives telles que les Maisons des Jeunes et de la Culture (MJC), les lieux de diffusion du spectacle vivant, les établissements scolaires...) ;

- d'adapter la formation initiale et continue des directeurs d'établissement à ces mutations, en prenant acte des nécessaires compétences managériales qu'elles supposent, et de mieux reconnaître le rôle clé de ces personnels par une revalorisation de leur statut ;

- de préciser les finalités des formations professionnelles artistiques, les objectifs et la vocation des CEPI et d'informer les élèves sur les débouchés possibles.

A cette fin, Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteur, a préconisé le développement, aux niveaux régional et national, d'outils statistiques de suivi du parcours des diplômés et d'analyse des débouchés professionnels.

Enfin, elle a proposé d'assurer la continuité et la cohérence des parcours vers l'enseignement supérieur, dans le cadre des futurs « pôles » en région.

Un échange de vues a suivi cette présentation.

M. Jacques Valade, président, a félicité le rapporteur pour la qualité et l'intérêt de son rapport.

M. Jacques Legendre s'est interrogé sur la position de l'Etat dans ce domaine. Il a jugé utile la référence à la répartition des compétences entre collectivités territoriales dans le domaine de l'enseignement scolaire. Il a observé que les conservatoires à rayonnement régional, de même que les écoles d'art, avaient vocation à relever de plus en plus d'une compétence partagée entre l'Etat et les régions, compte tenu de leurs liens avec l'enseignement supérieur, les autres établissements relevant de la responsabilité des communes, des intercommunalités et des départements.

Il a souligné que le rayonnement d'un établissement d'enseignement artistique sur un territoire s'accompagnait cependant d'une charge financière importante, compte tenu notamment du grand nombre de fonctionnaires de catégorie A qu'il emploie. Il a souligné la nécessité d'une visibilité en termes de financement, au risque, sinon, de voir certaines collectivités céder à la tentation de suspendre leur financement. Il a relevé que les difficultés pour les établissements de répondre aux exigences croissantes de l'Etat pouvaient créer une situation de crise. Enfin, il a demandé comment les conservatoires pouvaient mieux contribuer à l'éducation artistique à l'école, compte tenu notamment des différences de statut des enseignants.

M. Pierre Bordier a évoqué son expérience d'élu départemental. Il a fait valoir que l'ensemble du département de l'Yonne bénéficiait d'un réseau d'écoles de musique, couronné par un conservatoire à rayonnement régional et qu'un EPCC avait été créé pour gérer l'ensemble.

Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteur, a apporté les éléments de réponse suivants :

- les intercommunalités financent 17 % des coûts des enseignements artistiques, contre 42 % pour les bibliothèques ;

- les départements devront jouer un rôle incitatif ;

- s'agissant de l'éducation artistique, il conviendra de renforcer la coopération interministérielle, afin notamment de faciliter l'action des intervenants musicaux à l'école (les « dumistes ») ;

- la réforme des enseignements artistiques passera par un pilotage interministériel et par l'ouverture sur l'enseignement supérieur ;

- la question de l'orientation professionnelle des jeunes au conservatoire doit être traitée, tout en maintenant une certaine souplesse permettant de former des amateurs éclairés ;

- le Conseil des collectivités territoriales pour le développement culturel est le lieu pertinent pour se poser collectivement la question de savoir si la loi de 2004 doit ou non être adaptée de manière consensuelle.

La commission a alors adopté le rapport d'information de Mme Catherine Morin-Desailly.