Mercredi 12 avril 2006

- Présidence de M. Jacques Valade, président. -

Culture - Droit d'auteur et droits voisins - Examen du rapport

La commission a tout d'abord examiné le rapport de M. Michel Thiollière sur le projet de loi n° 269 (2005-2006), adopté par l'Assemblée nationale, après déclaration d'urgence, relatif au droit d'auteur et aux droits voisins dans la société de l'information.

M. Michel Thiollière, rapporteur, a précisé que le projet de loi issu de l'Assemblée nationale avait été examiné à l'aune de trois principes fondamentaux : le respect des droits d'auteur, l'accès du public aux oeuvres et la garantie d'une véritable interopérabilité entre les différents moyens techniques.

Précisant le contexte juridique dans lequel s'inscrit la problématique des droits d'auteur, il a fait remarquer que contrairement à certains pans de la législation faisant l'objet de réaménagements incessants, la réglementation relative à la propriété littéraire et artistique jouissait d'une certaine stabilité en France.

Il a indiqué, d'une part, que les notions autour desquelles cette réglementation s'articule ont été posées par les lois de janvier 1791 et de juillet 1793. Ses principes ont été quant à eux dégagés par une série de lois échelonnées tout au long du XIXe siècle, contribuant ainsi à dessiner le profil original du droit d'auteur « à la française », face au modèle du copyright anglosaxon, initié par la loi fédérale américaine de 1790.

Il a rappelé, d'autre part, que cette construction législative codifiée depuis 1992 dans la première partie du code de la propriété intellectuelle avait trouvé en France son aboutissement avec l'adoption de la loi du 11 mars 1957, complétée par les dispositions de la loi du 3 juillet 1985.

Après avoir précisé qu'il convenait également de tenir compte d'un grand nombre de traités internationaux et de plusieurs directives européennes, il a rappelé que le projet de loi permettait d'assurer la transposition de deux d'entre elles en droit français :

- la directive n° 2001/29 du 22 mai 2001 relative à l'harmonisation de certains aspects du droit d'auteur et des droits voisins dans la société de l'information ;

- la directive n° 2001/84 du 27 septembre 2001 relative au droit de suite au profit de l'auteur d'une oeuvre d'art originale.

Abordant le contenu même du projet de loi, il a indiqué qu'il comportait cinq titres suffisamment autonomes pour faire l'objet d'une présentation distincte.

S'agissant du titre 1er, il a indiqué que l'Assemblée nationale avait enrichi les quinze articles du texte initial d'une quinzaine d'articles additionnels, dont la moitié à peine entretient de véritables liens avec le texte européen.

Il a précisé que l'harmonisation de la durée des droits voisins, fixée à cinquante ans par une directive de 1993, ne faisait l'objet d'aucune remarque particulière. Alors que la directive de 2001 se contente d'apporter une modification ponctuelle au point de départ des droits des producteurs de phonogrammes pour se conformer au traité de l'OMPI de 1996, l'article 5 du projet de loi réalise cet ajustement dans l'article L. 211-4 du code de la propriété intellectuelle et procède à une refonte d'ensemble de l'article pour le rendre plus clair.

Il a estimé que l'harmonisation de la définition des droits ne soulevait pas non plus de difficultés. Si la directive distingue trois droits patrimoniaux là où le droit français n'en connaît que deux, les définitions données par le code de la propriété intellectuelle sont suffisamment synthétiques pour que les prérogatives délimitées par la directive s'y fondent sans difficulté.

En revanche, il a affirmé que l'épuisement communautaire du droit de distribution faisant l'objet de l'article 4 du projet de loi méritait un ajustement. En effet, si la directive de 2001 donne à la jurisprudence « Deutsche Gramophon » une traduction législative, le projet de loi transpose celle-ci avec une fidélité faussement littérale présentant une ambiguïté qu'il convient de lever.

S'agissant de l'harmonisation des exceptions au droit d'auteur et aux droits voisins, il a rappelé que la directive imposait à tous les Etats d'introduire dans leur droit une nouvelle exception obligatoire en faveur de certaines reproductions provisoires indispensables à l'acheminement des oeuvres numérisées sur les réseaux.

Après avoir regretté que la rédaction du paragraphe 1 de l'article 5 de la directive qui s'y rapporte soit parfaitement absconse pour le non-initié, il a noté que la totalité des Etats ayant déjà assuré la transposition de la directive s'étaient contentés de la reprendre mot pour mot. Il a remarqué que le projet de loi la reproduisait lui aussi littéralement dans les articles L. 122-5 et L. 211-3 du code de la propriété intellectuelle énumérant les exceptions au droit d'auteur et aux droits voisins.

Pour le reste, il a constaté que la directive avait renoncé à uniformiser les exceptions présentes dans les divers systèmes juridiques et se contentait de dresser une liste des exceptions facultatives que les Etats sont autorisés à prévoir. Il a précisé que cette liste limitative et exhaustive n'était en aucune façon une incitation adressée aux Etats pour compléter leurs exceptions et que si certains d'entre eux, tels que le Luxembourg, s'étaient empressés de s'approprier toutes les exceptions autorisées, la plupart avaient en revanche fait preuve de mesure.

De toutes les exceptions facultatives, il a souligné que seule l'exception en faveur des handicapés avait été reprise dans la quasi-totalité des États. Les articles 1er, 2 et 3 du projet de loi l'ajoutent eux aussi à la liste des exceptions reconnues au droit d'auteur, aux droits voisins et aux droits des producteurs de bases de données.

Considérant que le dispositif proposé, qui confie la réalisation des supports adaptés à des personnes morales spécialisées ainsi qu'à certains établissements documentaires agréés, paraissait adéquat, il a en revanche estimé que l'obligation introduite par l'Assemblée nationale afin d'améliorer son efficacité en invitant les éditeurs à procéder au dépôt systématique du fichier numérique pour tous les documents imprimés semblait inutilement lourde et devait être remplacée par une obligation de fournir à la demande le fichier numérique.

Sur le plan des principes, il a affirmé que la volonté de défendre le droit d'auteur devait rendre le législateur circonspect face aux demandes de nouvelles exceptions. Pour cette raison, il a proposé la suppression d'un certain nombre d'entre elles adoptées par l'Assemblée nationale et notamment :

- celle de l'article 4 bis proposant d'étendre le régime de la licence légale de l'article L. 214-1 aux reproductions de phonogrammes du commerce nécessaires à la sonorisation des programmes de télévision, alors qu'il est actuellement réservé à la radiodiffusion ;

- celle de l'article 4 ter instaurant une exception en faveur des actes nécessaires aux procédures parlementaires de contrôle ;

- celle de l'article 15 bis exonérant les ensembles d'habitations du paiement de droit de représentation lors de l'acheminement d'un signal télévisé reçu au moyen d'une antenne collective.

Dans le même ordre d'idée, il a proposé de supprimer l'article 5 quater, qui dispense du paiement de la rémunération pour copie privée les organismes utilisant des supports d'enregistrement vierges à des fins d'imagerie médicale. Bien que l'extension de l'assiette de cette rémunération aux supports numériques, dont les fonctions ne se résument pas à la copie privée, pose un vrai problème, il a fait savoir que l'on ne pouvait y répondre par des dérogations qui auraient vite fait de mettre à mal le principe de mutualisation sur lequel repose tout le système.

En contrepartie, M. Michel Thiollière, rapporteur, a estimé que la commission pouvait se montrer plus ouverte sur un certain nombre de points.

Il a ainsi proposé de conserver, moyennant de menus aménagements, l'exception créée par l'Assemblée nationale en faveur des bibliothèques publiques, des musées et des archives, ainsi que celle concernant la reproduction fugitive ou accessoire des oeuvres graphiques, plastiques ou architecturales par voie de presse.

Il a également proposé d'instituer une exception en faveur de l'enseignement et de la recherche. Il a rappelé que, dans un premier temps et en accord avec le président Jacques Valade, il avait accepté de se rallier à la démarche du Gouvernement consistant à privilégier une démarche contractuelle définissant les usages utilisés.

Il a toutefois estimé que les accords signés ne paraissaient pas pleinement satisfaisants. D'une part, il a affirmé que la conclusion des négociations semblait avoir été précipitée, ce qui explique sans doute l'absence de consultation de la Conférence des présidents d'université. D'autre part, il a estimé que le contenu de ces accords paraissait parfois exagérément restrictif. Prenant, pour exemple, la limitation de l'utilisation d'une oeuvre musicale enregistrée, dans le cadre de la classe ou pour un sujet d'examen, à 30 secondes, il s'est demandé comment les professeurs de musique pourraient expliquer dans ces conditions à leurs élèves la construction d'une symphonie de Beethoven, ou, pire, de Mahler.

Il a expliqué que ces raisons conduisaient donc à recommander l'introduction en droit français, dans des termes mesurés, d'une exception pédagogique existant déjà chez nos partenaires allemands, autrichiens, anglais, belges, portugais et luxembourgeois.

Avant d'aborder le thème de la consécration juridique des mesures techniques de protection, il a évoqué les conséquences de la révolution numérique sur la diffusion des oeuvres et de la culture.

Il a rappelé tout d'abord que la numérisation des oeuvres les rendait infiniment reproductibles et que le coût marginal de la reproduction ne cessait de se réduire. De ce fait, la consommation par un agent économique ne diminue plus celle d'un autre et les biens perdent leur « propriété de rivalité », perturbant les modèles économiques traditionnels.

Il a indiqué ensuite que la compression numérique démultipliait les capacités de stockage et facilitait, grâce au développement parallèle du haut débit, leur transmission facile, rapide et peu coûteuse à travers les réseaux numériques ; l'essor des réseaux de « peer to peer » profite de ses nouvelles potentialités.

Face à cette révolution numérique, il a relevé deux attitudes antagonistes. La première consiste à considérer comme vaine la volonté de mettre un terme aux pratiques existantes, et plutôt que de tenter de réprimer des pratiques massives et incontrôlables, propose de les légaliser et d'instaurer, en contrepartie, une « licence globale » assurant aux créateurs et aux auxiliaires de la création une compensation financière reposant sur un régime de gestion collective obligatoire.

M. Michel Thiollière, rapporteur, a estimé que si cette solution était séduisante, elle soulevait toutefois deux difficultés. Au niveau juridique d'abord, si l'intégration de l'acte par lequel on va copier une oeuvre sur l'ordinateur d'autrui (download) au sein du champ de l'exception pour copie privée pose peu de problème, la légalisation de la mise à disposition d'autrui de fichiers contrefaits (upload) suppose en revanche une réforme juridique plus traumatisante pour la physionomie du droit d'auteur à la française, réforme qui, au demeurant ne serait très vraisemblablement pas conforme à nos engagements internationaux, et en particulier aux exigences de « triple test » que la directive européenne nous contraint d'ailleurs d'intégrer dans le code de la propriété intellectuelle. Au plan économique ensuite, la rémunération forfaitaire ne suffirait pas à soutenir le monde de la création et sa redistribution se heurterait à de grandes difficultés.

La seconde consiste à faire le pari que les formidables potentialités offertes par la révolution numérique pour la diffusion des oeuvres sont conciliables avec le respect de la propriété intellectuelle grâce aux mesures techniques de protection et aux plateformes de téléchargement légales. Les tenants de cette position considèrent que ces mesures permettraient aux ayants droit de reprendre le contrôle de l'accès à leurs oeuvres et de leur diffusion et que, dans le combat inégal qui les oppose aux dispositifs de contournement, il convient de donner à ces mesures l'avantage d'une protection juridique.

Il a précisé que ce dernier choix avait été celui opéré, dès 1996, par les deux traités de l'organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI) relayés cinq ans plus tard par la directive européenne du 22 mai 2001 que le chapitre III du projet de loi transpose en droit français.

Concernant la transposition de ces dispositions, il a proposé de distinguer celles que le législateur était tenu de transposer littéralement et celles pour lesquelles celui-ci disposait d'une marge de manoeuvre.

Indiquant que la définition et la consécration juridique des mesures techniques proposées par l'article 7 du projet de loi appartenaient à la première catégorie, il a estimé qu'aucune modification n'était envisageable. Tout au plus, l'Assemblée nationale les a-t-elle assorties de deux alinéas de précision : le premier pour préciser que la protection des mesures techniques n'entraîne pas nécessairement celle des composants dont elle est formée, la seconde, pour ajouter que cette précision n'a pas vocation à remettre en question la protection des chaînes de télévision cryptées.

M. Michel Thiollière, rapporteur, a déclaré que, bien qu'il ne soit pas persuadé de la nécessité de ces deux précautions, il proposait de les maintenir tout en suggérant une rédaction mieux articulée sur les dispositions en vigueur.

Il a souligné que le législateur retrouvait en revanche une marge d'appréciation dans trois domaines où la directive est moins précise : l'interopérabilité des mesures techniques, la conciliation de ces dernières avec le bénéfice effectif des exceptions (et en particulier de l'exception pour copie privée) et, enfin, les sanctions qui punissent leur contournement.

Pour garantir le bénéfice effectif des exceptions, il a rappelé que le projet de loi initial s'en remettait aux titulaires de droit et confiait à un collège de médiateurs, composé de trois magistrats, le soin de régler a posteriori d'éventuels différends avec les consommateurs.

S'agissant de la garantie du bénéfice des exceptions, il a proposé de conserver le dispositif proposé par le projet de loi initial et complété à l'Assemblée nationale par plusieurs dispositions tendant à garantir l'information du consommateur et le maintien de la copie à partir d'une source télévisuelle.

Il a proposé, en revanche, d'ériger le collège des médiateurs en autorité administrative indépendante dénommée « autorité de régulation des mesures techniques de protection », composée de sept membres, de façon à intégrer à côté des trois magistrats, trois personnalités qualifiées, et d'y associer le président de la commission de la copie privée.

Après avoir indiqué qu'il semblait nécessaire de prendre un minimum de précautions procédurales pour que les missions de conciliation quasi juridictionnelles de cette autorité n'interfèrent pas avec ses missions quasi réglementaires, il a proposé de confier à celle-ci la responsabilité de statuer sur la fourniture des informations essentielles à l'interopérabilité, d'en limiter la saisine aux éditeurs de logiciels, aux fabricants de systèmes techniques et aux exploitants de services et de leur imposer en contrepartie de garantir la préservation de l'efficacité de la mesure technique et le respect des conditions d'accès et d'usage du contenu partagé.

Abordant ensuite le thème des sanctions, il a précisé que la directive invitait les Etats membres à garantir les mesures techniques de protection et les informations nécessaires à l'identification des oeuvres par des sanctions « efficaces, proportionnées et dissuasives ».

S'agissant des sanctions pénales, M. Michel Thiollière, rapporteur, a considéré que le niveau établi par l'Assemblée nationale paraissait comparable à celui pratiqué par d'autres pays européens. L'Assemblée nationale a non seulement abaissé sensiblement le niveau des sanctions pénales, mais a aussi opéré une distinction entre le pourvoyeur de moyens de contournement, qui s'expose à six mois de prison et 30.000 euros d'amende et l'internaute individuel, qui serait menacé de 3.750 euros d'amende.

Concernant l'article 14 bis qui soustrait au champ de la contrefaçon les actes de téléchargement pour les assimiler à des contraventions dont la classe doit être précisée par décret en Conseil d'Etat, il a indiqué son intention de rappeler au ministre, en séance publique, la nécessité de consacrer des moyens suffisants à la mise en oeuvre de ces sanctions pour garantir leur efficacité et d'assurer le nécessaire respect, par les dispositions réglementaires envisagées, des garanties offertes par la procédure pénale.

Séduit par les dispositions permettant d'engager la responsabilité des éditeurs de logiciels de « peer to peer » adoptées par l'Assemblée nationale, il a toutefois précisé que ces derniers ne devaient pas être tenus pour systématiquement responsables de l'usage illicite que font les internautes d'une technologie neutre indispensable au développement de l'Internet.

Plus précisément, il a affirmé que les précautions entourant l'article 12 bis relatif à la responsabilité pénale le rendaient acceptable, moyennant un léger toilettage.

Il s'est, en revanche, déclaré plus réservé sur le dispositif civil institué par l'article 14 quater, qui permet au président du tribunal de grande instance, statuant en référé, d'enjoindre à l'éditeur d'un logiciel qui serait largement utilisé à des fins de téléchargement illicites de prendre des mesures pour y remédier. Considérant que les éditeurs de logiciel, et notamment de logiciels libres, dont le code source est ouvert, risquent d'être assez démunis face aux usages qu'en font leurs utilisateurs, il a proposé la suppression de cet article.

Concernant les articles consacrés au droit d'auteur des agents publics, M. Michel Thiollière, rapporteur, a rappelé que le texte proposait de renverser l'économie juridique de l'avis rendu par le Conseil d'Etat en novembre 1972 en reconnaissant aux agents publics un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous sur les oeuvres créées dans l'exercice de leur fonction.

Il a précisé que si le projet de loi faisait désormais naître les droits d'auteur sur la tête des agents publics, il proposait toutefois d'encadrer l'exercice de ces droits afin de les concilier avec les nécessités du service public.

Quant à l'exploitation des oeuvres créées par les agents, il a précisé que le projet de loi instituait un mécanisme de cession légale au profit de l'administration pour l'exploitation non commerciale des oeuvres créées dans le cadre du service ainsi qu'un droit de préférence dont les contours seraient précisés par décret en Conseil d'Etat pour l'exploitation commerciale de ces mêmes oeuvres.

Il a souligné que, dans les deux cas, l'agent public pourrait être intéressé au produit tiré de l'exploitation de son oeuvre, cet intéressement permettant de récompenser l'auteur mais également de rétablir les conditions de la concurrence entre les entreprises privées et les personnes publiques en obligeant ces dernières à grever le prix de vente des oeuvres exploitées de la rémunération due au créateur.

Il a surtout précisé que l'Assemblée nationale avait pris l'heureuse initiative de corriger une des principales faiblesses de ce dispositif, à savoir son application aux agents publics jouissant d'une certaine indépendance. Aux termes de l'article 16 du projet de loi, ces agents, au premier rang desquels les enseignants du supérieur et les chercheurs, ne se verront appliquer aucune de ces dispositions susceptibles de brider leurs travaux et leur créativité.

S'agissant de l'extension de l'obligation de dépôt légal aux contenus diffusé sur Internet, M. Michel Thiollière, rapporteur, a estimé que le texte permettait de garantir la sauvegarde du patrimoine numérique tout en préservant les intérêts des ayants droit.

Il a précisé que le projet de loi proposait, conformément aux voeux de la Bibliothèque nationale de France (BnF) et de l'Institut national de l'audiovisuel (INA), d'instituer un régime de collecte mixte. Il habilite, d'une part, les organismes dépositaires à collecter eux-mêmes les documents selon des procédures automatiques et prévoit, d'autre part, la possibilité de recourir au dépôt des sites afin de remédier aux insuffisances de la collecte automatique liées aux restrictions d'accès, aux obstacles techniques éventuels et d'avoir ainsi un accès direct au « web profond ».

Il s'est félicité du fait que tous les éditeurs ou producteurs de documents diffusés sur Internet soumis au dépôt légal seraient informés des procédures de collecte mises en oeuvre par les organismes dépositaires. Cette information est d'autant plus nécessaire pour les opérations de collecte automatique que le travail du robot est susceptible d'entraîner des dysfonctionnements du service en raison de la consommation de bande passante.

Il a souligné que ce dispositif permettrait de dépasser la phase d'expérimentation menée en ce domaine par les organismes dépositaires depuis plusieurs années en créant un cadre juridique pérenne permettant de collecter et de conserver la mémoire de ce nouveau patrimoine.

Concernant l'INA mais sans rapport direct avec le dépôt légal, il a proposé d'adopter une nouvelle disposition permettant à l'Institut d'exploiter plus efficacement les archives qu'il a mission de numériser.

Il a précisé qu'il s'agissait de mettre en place un régime simplifié d'autorisation, de calcul et de versement des compléments de rémunération des artistes-interprètes afin de permettre l'exploitation des archives les plus anciennes pour lesquelles les contrats de travail des artistes-interprètes ont disparu.

Evoquant enfin l'article 28 A du texte adopté à l'Assemblée nationale tendant à transposer la directive du 27 septembre 2001 relative au droit de suite, M. Michel Thiollière, rapporteur, a précisé qu'il ne bouleversait pas l'esprit du droit de suite tel que défini par le législateur de 1920. S'inspirant très largement des dispositions de la directive, mais également de celles de l'article 14 ter de la Convention de Berne pour la protection des oeuvres littéraires et artistiques, il se contente d'en rappeler le principe, le domaine et les modalités d'application au sens le plus large du terme.

Il a souligné que si ce nouvel article ne proposait qu'une transposition a minima de la directive, la plupart des détails relatifs aux seuils, aux taux et aux délais devant être fixés par un décret en Conseil d'Etat, il permettait toutefois d'acter vis-à-vis des instances communautaires la transposition formelle d'un texte applicable depuis le 1er janvier 2006, ce qui constitue en soi une satisfaction compte tenu des délais moyens de transposition des textes communautaires dans notre pays.

Au terme de cette présentation, M. Jacques Valade, président, a souligné que les auditions réalisées par la commission avaient permis d'éclairer chacun sur les enjeux du texte et les intérêts défendus par les différentes parties en présence.

Soulignant la vitesse des évolutions technologiques, il a insisté sur l'impact de ces dernières en matière d'information du citoyen et d'intervention de celui-ci dans le débat démocratique.

Affirmant que, dans ce contexte, le législateur devait se contenter de fixer des principes clairs et cohérents, il s'est félicité de la transformation du collège des médiateurs en véritable autorité de régulation susceptible de proposer l'adaptation de la réglementation aux évolutions technologiques.

La commission a ensuite procédé à l'examen des articles du projet de loi.

A l'article premier bis (exceptions au droit d'auteur relatives au dispositif technique provisoire ou au bénéfice des personnes handicapées), la commission a adopté neuf amendements.

Le premier amendement tend à créer une exception encadrée en faveur de l'enseignement et de la recherche.

Mme Marie-Christine Blandin s'est demandé s'il n'était pas envisageable d'étendre cette exception rédigée de manière extrêmement restrictive aux colloques scientifiques.

M. Louis de Broissia, rappelant que des accords relatifs à l'utilisation des oeuvres dans le cadre scolaire et universitaire avaient été signés le 6 mars 2006, s'est interrogé sur la nécessité d'inscrire cette exception dans la loi.

M. Michel Thiollière, rapporteur, a indiqué que ces accords avaient été signés de manière précipitée et paraissaient, en l'état, inapplicables.

M. Jacques Valade, président, a souligné que cette exception prévoyait une rémunération négociée sur une base forfaitaire permettant de préserver les intérêts des parties concernées.

Après avoir constaté que cette nouvelle exception posait problème à une partie des auteurs, M. Jack Ralite a affirmé qu'elle devait néanmoins être reconnue dans la loi afin de devenir opposable à tous.

M. Jean-Léonce Dupont a affirmé que cette exception était essentielle pour la compétitivité de l'enseignement supérieur et de la recherche française à l'échelle européenne et internationale. Il a estimé qu'en l'absence d'exception législative, les chercheurs et les étudiants français seraient malheureusement contraints de trouver sur les réseaux numériques anglo-saxons les documents de travail dont ils ont besoin.

Le deuxième amendement est un amendement de coordination.

Le troisième amendement actualise la définition des personnes handicapées et renvoie à un décret en Conseil d'Etat la fixation du taux d'incapacité ouvrant droit au bénéfice de l'exception concernant ces personnes.

Le quatrième amendement est un amendement rédactionnel.

Le cinquième amendement substitue à l'obligation de dépôt numérique obligatoire de l'ensemble de la production éditoriale et journalistique française, l'obligation, pour les éditeurs, de répondre dans les meilleurs délais, aux demandes de dépôt formulées par les associations de handicapés.

Après avoir précisé que 50.000 livres étaient publiés chaque année en France M. Jacques Valade, président, a estimé qu'il n'était pas raisonnable d'obliger les éditeurs à les numériser tous.

Le sixième amendement a pour objet de faire bénéficier les établissements documentaires d'une nouvelle exception au droit d'auteur.

Le septième amendement institue au bénéfice de la presse une exception pour la représentation des oeuvres graphiques, plastiques et architecturales dans un but exclusif d'information.

M. Louis de Broissia a soutenu cet amendement capital permettant d'éviter aux organes de presse des procès souvent injustifiés. Après avoir pris fermement position en faveur du droit à l'information et du droit à l'accès à la culture pour tous, il s'est toutefois interrogé sur la pertinence du mot « fugitive », s'agissant de la représentation d'une oeuvre.

M. Michel Thiollière, rapporteur, a rappelé à cette occasion les circonstances de l'affaire « Utrillo » jugée par la Cour de cassation le 13 novembre 2003. Il a estimé, à cet égard, que l'annonce d'une exposition par un journal télévisé ne visait pas à pénaliser l'auteur, mais au contraire à assurer la promotion de ses oeuvres et l'information du public.

Après avoir a affirmé qu'il comprenait la position des éditeurs et des chaînes à l'égard des abus de certains ayants droit, M. David Assouline a toutefois souhaité que cette exception ne se retourne pas contre les dizaines de milliers d'artistes plasticiens peinant à vivre de leurs oeuvres. A cet égard, il a affirmé que ceux-ci ne devaient pas être dépourvus de recours contre les abus manifeste de la presse, notamment magazine.

Mme Marie-Christine Blandin a rappelé qu'aux termes de la jurisprudence de la Cour de Cassation, la notion d'oeuvre d'art graphique concernait également la photographie. Estimant qu'une photo publiée par la presse n'était ni fugace ni accessoire, elle a proposé de rédiger un amendement distinguant les oeuvres des photographes publiées dans la presse écrite des autres oeuvres d'art graphique.

Le huitième amendement est un amendement rédactionnel.

Le neuvième et dernier amendement propose de supprimer l'obligation faite au Gouvernement de transmettre au Parlement dans les six mois suivant la promulgation de la loi un rapport relatif aux modalités de mise en oeuvre d'une plateforme publique de téléchargement favorisant la diffusion des jeunes créateurs.

M. Jack Ralite a regretté cette suppression. Il a estimé que cet amendement symbolique devait être maintenu dans le texte du projet de loi.

M. Michel Thiollière, rapporteur, a précisé qu'il était d'accord sur le principe de la création d'une plateforme publique de téléchargement permettant de promouvoir les jeunes artistes. Il a toutefois déclaré qu'il souhaitait obtenir de la part du ministre, en séance, un complément d'information sur les modalités pratiques de mise en oeuvre et de financement de cet outil permettant de favoriser l'émergence de nouveaux talents.

M. Ambroise Dupont a proposé que cette question soit réglée par le collège des médiateurs.

L'article 1er a été adopté ainsi modifié, les groupes socialiste et communiste républicain et citoyen ayant indiqué qu'ils ne prendraient pas part au vote sur l'ensemble des articles du projet de loi, se réservant pour la séance publique.

A l'article 2 (exceptions aux droits voisins relatives aux dispositifs techniques provisoires ou au bénéfice des personnes handicapées), la commission a adopté un amendement ajoutant à la liste d'exception aux droits voisins celles relatives aux bibliothèques ainsi qu'à l'éducation et à la recherche, et l'article ainsi modifié.

A l'article 3 (exceptions au droit d'auteur des producteurs de bases de données), la commission a adopté un amendement intégrant l'exception en faveur de l'enseignement et de la recherche, et l'article ainsi modifié.

A l'article 4 (conditions d'épuisement des droits d'auteurs et des droits voisins exclusifs portant sur les diffusions matérielles au sein de l'Union européenne), la commission a adopté un amendement tendant à ajuster la portée géographique de la règle posée et modifiant l'emplacement du dispositif dans le code de la propriété intellectuelle. Elle a adopté l'article ainsi modifié.

Elle a supprimé l'article 4 bis (radiodiffusion des phonogrammes du commerce), qu'elle a jugé contraire à la directive européenne.

Elle a également supprimé l'article 4 ter (exceptions au droit de reproduction pour les procédures parlementaires), qu'elle a jugé inutile.

M. David Assouline s'est déclaré réservé quant à l'opportunité de cette suppression.

A l'article 5 bis (assiette de la rémunération pour copie privée), la commission a adopté un amendement rédactionnel permettant de prendre en compte les conséquences des mesures techniques de protection sur la rémunération pour copie privée bénéficiant à certains ayants droit, puis l'article ainsi modifié.

Elle a supprimé l'article 5 quater instituant une exception à la copie privée en faveur de l'imagerie médicale, afin de ne pas ouvrir la voie à d'autres demandes d'exonération.

Elle a adopté l'article 6 (création d'une nouvelle section au sein du code de la propriété intellectuelle relative aux mesures techniques de protection et d'information) sans modification.

Puis la commission a procédé à une refonte de l'article 7 (définition et régime des mesures techniques de protection des utilisations autorisées par les titulaires des droits), supprimant les dispositions relatives à l'interopérabilité afin de les rassembler dans un article spécifique. Elle a adopté l'article ainsi modifié.

Puis elle a inséré un article additionnel avant l'article 7 bis, intégrant le dispositif substitué à celui de l'Assemblée nationale permettant de garantir l'interopérabilité des mesures techniques.

M. Jacques Valade, président, a souligné l'importance des nouvelles dispositions relatives à l'interopérabilité. Le souhait de la commission étant d'assurer les conditions d'une interopérabilité raisonnée compatible avec les droits d'auteur, il a insisté sur la nécessité de clarifier le dispositif proposé par l'Assemblée nationale.

M. David Assouline a affirmé que le projet de loi devait expressément garantir l'interopérabilité afin de préserver la liberté des internautes. A cet égard, il a déclaré qu'il veillerait à ce que la rédaction de ce nouvel article soit claire et permette effectivement aux internautes de lire sur leurs baladeurs numériques la musique téléchargée légalement sur les différentes plateformes.

La commission a ensuite supprimé l'article 7 bis ayant pour objet de soumettre à déclaration préalable l'importation, la fourniture ou l'édition d'un certain nombre de logiciels permettant le contrôle à distance d'une ou plusieurs fonctionnalités d'un ordinateur ou donnant accès à des données personnelles.

Mme Marie-Christine Blandin a estimé qu'il était important d'éviter que les mesures techniques de protection ne contiennent des « chevaux de Troie » susceptibles d'altérer le disque dur et les logiciels des particuliers.

A l'article 8 (mesures volontaires pour la protection des exceptions au droit d'auteur au regard des mesures techniques de protection), la commission a adopté un amendement proposant une nouvelle rédaction de cet article afin d'éviter que la mise en oeuvre des mesures techniques de protection ne prive les bénéficiaires de celles-ci de leur bénéfice effectif. Le rapporteur a indiqué qu'il s'agissait de confier à l'autorité de régulation le rôle de déterminer, par ses recommandations, le nombre de copies autorisées en matière de copie privée, en fonction des types d'oeuvres et des supports.

Mme Annie David s'est demandé si la nouvelle autorité de régulation pouvait fixer à 0 le nombre de copies autorisées dans le cadre de l'exception pour copie privée. Elle a estimé qu'il serait injuste de ne pouvoir faire aucune copie d'un support particulier, dans la mesure où tous les supports vierges sans distinction de nature sont grevés d'une taxe au titre de la copie privée.

M. Michel Thiollière, rapporteur, a précisé qu'il appartenait à l'autorité de fixer le nombre de copies autorisées en fonction des supports. Il a rappelé que l'économie du DVD reposait sur un nombre de copie égal à 0 et qu'une éventuelle modification de cet équilibre présentait un danger pour la chronologie des médias.

M. David Assouline a souhaité que soit établie une distinction entre le film et la musique, afin que les producteurs ne puissent pas revenir sur la libre copie des phonogrammes. Il s'est également interrogé sur le lien entre la copie privée et la chronologie des médias.

L'article 8 a été adopté ainsi modifié.

A l'article 9 (procédures de conciliation par un collège de médiateurs dans le cas d'un différend portant sur une mesure de protection), la commission a adopté un amendement portant création d'une autorité de régulation des mesures techniques de protection se substituant au collège de trois médiateurs, ainsi que l'article ainsi modifié.

Les articles 10 (protection des informations électroniques permettant l'identification d'une oeuvre), 11 (extension des procédures de saisie-contrefaçon aux cas d'atteintes aux mesures techniques de protection et d'information) et 12 (extension de la procédure de saisie spéciale applicable en matière de droits voisins aux cas d'atteintes aux mesures techniques de protection et d'information) ont été adoptés sans modification.

A l'article 12 bis (responsabilité pénale des éditeurs de logiciels), la commission a adopté un amendement procédant à une correction d'erreurs matérielles et supprimant le dernier alinéa de l'article paraissant superflu, ainsi que l'article ainsi modifié.

A l'article 13 (assimilation au délit de contrefaçon des atteintes aux mesures techniques de protection et d'information dans le domaine des droits d'auteur), la commission a adopté un amendement intégrant dans le champ des sanctions prévues par cet article les personnes contournant les mesures techniques de protection afin de rendre leurs appareils de lecture interopérables avec un système auquel elles n'ont pas l'accès. Elle a adopté l'article ainsi modifié.

A l'article 14 (sanctions pénales applicables en cas d'atteinte aux mesures de protection et d'information relatives aux droits voisins), la commission a adopté un amendement intégrant dans le champ des sanctions prévues par le présent article les personnes contournant les mesures techniques de protection afin de rendre leurs appareils de lecture interopérables avec un système auquel elles n'ont pas l'accès, puis l'article ainsi modifié.

A l'article 14 bis (coordination), la commission a adopté un amendement de précision rédactionnelle ayant pour objet de ne maintenir dans le champ de la contravention que la copie d'une oeuvre protégée opérée sur un réseau de pair à pair. Elle a adopté l'article ainsi modifié.

Puis la commission a supprimé l'article 14 quater visant à instituer une responsabilité civile des éditeurs et fournisseurs de logiciels.

A l'article 14 quinquies, la commission a adopté un amendement renvoyant à un décret en Conseil d'Etat les modalités de diffusion des messages d'information adressés aux internautes, puis l'article ainsi modifié.

A l'article 15 bis (définition de la représentation), la commission a adopté un amendement tendant à la suppression de cet article.

La commission a adopté les articles 16 (droit de l'auteur agent public), 17 (limites du droit moral des auteurs agents publics), 18 (conditions d'exploitation des droits des auteurs agents publics), 19 (contrôle public des règles et du fonctionnement des sociétés de gestion collective de droits) et 20 (arrêté d'homologation des règles comptables spécifiques aux sociétés de perception et de répartition des droits d'auteurs) sans modification.

A l'article 20 bis (création d'un crédit d'impôt pour dépenses de production d'oeuvres phonographiques), la commission a adopté six amendements rédactionnels, puis l'article ainsi modifié.

Après l'article 20 ter, la commission a adopté un amendement tendant à insérer un article additionnel visant à instaurer une procédure d'extension des accords collectifs relatifs à la rémunération des auteurs.

La commission a adopté les articles 21 (extension du dépôt légal à la communication publique en ligne) et 22 (application de la législation sur la propriété intellectuelle aux organismes dépositaires du dépôt légal) sans modification.

A l'article 23 (organisation du dépôt légal des informations communiquées publiquement en ligne), la commission a adopté un amendement de précision rédactionnelle, puis l'article ainsi modifié.

Elle a maintenu la suppression de l'article 24 (substitution de l'appellation « Bibliothèque nationale de France » à celle de « Bibliothèque nationale »).

Elle a adopté les articles 25 (conditions de consultation des fonds du dépôt légal) et 25 bis (contrôle de la réception des signaux émis par le fournisseur des services de radio et télévision par voie hertzienne) sans modification.

Après l'article 25 bis, la commission a inséré un article additionnel permettant à l'INA de conclure avec les organisations représentatives de salariés de chaque catégorie d'artistes interprètes des accords collectifs d'entreprises autorisant l'exploitation des archives les plus anciennes.

Elle a adopté les articles 26 (rôle de l'Institut national de l'audiovisuel en matière de dépôt légal des documents sonores et audiovisuels), 26 bis (coordination rédactionnelle) et 27 (rôle du Centre national de la cinématographie en matière de dépôt légal des documents cinématographiques) sans modification.

A l'article 28 A (droit de suite), la commission a adopté un amendement de précision rédactionnelle.

Elle a adopté l'article 28 (application de la loi outre-mer) sans modification.

A l'article 29 (coordination), la commission a adopté un amendement de coordination avec les modifications introduites par l'Assemblée nationale aux articles 16 et 18 du présent projet de loi relatives aux agents de la Banque de France. Elle a adopté l'article ainsi modifié.

La commission a adopté l'article 30 (coordination rédactionnelle) sans modification.

Après l'article 30, la commission a adopté un article additionnel tendant à prévoir le dépôt par le Gouvernement, dans les 18 mois suivants la promulgation de la présente loi, d'un rapport au Parlement sur la mise en oeuvre des dispositions des titres I et IV.

A l'issue de cet examen, M. David Assouline a regretté la transposition tardive de la directive, qui rend plus complexe le débat du fait de l'apparition des nouveaux problèmes liés à Internet. Il a, à cet égard, critiqué la méthode du gouvernement qui a voulu les régler dans la précipitation, de surcroît en déclarant l'urgence sur un projet adopté en conseil des ministres en 2002.

M. Jack Ralite a partagé ce point de vue et regretté que les questions techniques prennent le pas sur la réflexion de fond, s'agissant d'un problème de société.

M. Alain Dufaut s'est déclaré frappé par les divergences d'approche des acteurs économiques concernés par le texte du projet de loi. Après avoir souligné la difficulté de trouver un équilibre acceptable par tous, il a précisé que la crédibilité de ce projet dépendrait de la fiabilité des contrôles et de l'effectivité des sanctions.

M. Ambroise Dupont a souligné la diversité des métiers concernés par le projet de loi. Il a souhaité que la composition de l'autorité de régulation soit évolutive afin de s'adapter aux évolutions technologiques.

M. Ivan Renar a affirmé qu'il était de la responsabilité du législateur de dépasser les intérêts particuliers pour aboutir à un texte équilibré.

La commission a enfin adopté l'ensemble du projet de loi ainsi modifié, les groupes socialiste et communiste républicain et citoyen ne prenant pas part au vote.

Mission d'information - Chine - Examen du rapport d'information

La commission a ensuite entendu la présentation par M. Jacques Valade, président de la mission effectuée en Chine du 24 septembre au 2 octobre 2005.

Après avoir indiqué que les mutations étaient perceptibles dans tous les secteurs auxquels la délégation s'était intéressée, M. Jacques Valade, président, a abordé successivement les trois grands domaines suivants :

- l'organisation de l'enseignement en Chine, caractérisée à la fois par un système très sélectif et une évolution pragmatique ;

- l'évolution du système de recherche, qui fera peut-être de la Chine le futur laboratoire de recherche du monde ;

- et enfin, le paysage contrasté que l'on observe dans les domaines des médias, de l'architecture et de la culture.

Evoquant le parcours éducatif exigeant du jeune Chinois, il a indiqué que l'éducation en Chine était traditionnellement fondée sur une sélection sévère et une concurrence acharnée, l'admission au collège, puis l'accès à l'enseignement supérieur, s'effectuant sur la base de concours.

Il a relevé que le Gaokao (équivalent du baccalauréat) avait vu son taux d'admission diminuer (55 % en 2005, contre 60,6 % en 2002), alors même que la croissance économique du pays requiert une population de mieux en mieux formée.

Il a souligné que l'organisation même de cette épreuve contribuait au caractère inéquitable de cette sélection, moins sévère pour les jeunes urbains que pour les élèves en milieu rural.

M. Jacques Valade, président, a indiqué que le système chinois d'éducation faisait l'objet d'une réforme de très grande ampleur, qui porte sur tous les volets de l'enseignement préscolaire à l'enseignement supérieur, en passant par l'enseignement professionnel et la formation continue.

Cette réforme s'appuie sur une planification ambitieuse et la mission de la délégation s'est déroulée entre la fin du 10e plan quinquennal (2000-2005) et le lancement en début d'année, du 11e plan quinquennal (2006-2010), qui marque un effort particulier en faveur de l'enseignement professionnel.

Le président a souligné le caractère tentaculaire du défi de la formation dans un pays d'1,3 milliard d'individus. Les réformes menées ont permis une augmentation considérable du nombre de jeunes formés et le faible taux d'illettrisme pourrait couvrir de honte plus d'un pays développé.

La mise en oeuvre du 10e plan s'est traduite par d'importants progrès, notamment dans la généralisation de l'enseignement obligatoire, le développement de l'éducation dans les zones rurales, celui de l'enseignement secondaire professionnel et l'essor de l'enseignement supérieur et le budget consacré à l'éducation a enregistré une hausse considérable.

M. Jacques Valade, président, a estimé que le système d'enseignement chinois posait néanmoins question aux visiteurs étrangers. Outre le caractère inéquitable de l'accès à l'enseignement, il faut notamment relever le niveau parfois élevé des frais de scolarité.

La contrepartie positive de ce système tient à l'extrême motivation des jeunes Chinois qui arrivent à poursuivre leurs études. Leurs efforts personnels, tout comme ceux de leurs parents, les incitent naturellement à s'engager entièrement dans leurs études. En outre, la concurrence et la sélection, auxquelles ils sont soumis, conduisent à un excellent niveau académique. Il n'est pas certain, en revanche, que le système encourage la créativité et la réflexion personnelle...

M. Jacques Valade, président, a noté les progrès sensibles de la coopération éducative et universitaire entre nos deux pays. Ceux-ci se traduisent notamment par une hausse de la mobilité étudiante (avec neuf fois plus d'étudiants chinois en France en 2003 qu'en 1998 et une amélioration qualitative des populations d'étudiants concernés), la mise en place de programmes de formation d'excellence et le développement de l'apprentissage de la langue française par les Chinois.

M. Jacques Valade, président, a ensuite présenté le secteur de la recherche en Chine, certains estimant que ce pays pourrait devenir le futur laboratoire de recherche du monde. Il a brièvement présenté l'organisation du système de recherche chinois, globalement centralisé et contrôlé par le sommet de l'Etat, même s'il comporte des services déconcentrés dans le pays et si les provinces disposent de compétences propres dans ce domaine.

Il a précisé que l'un des vice-premiers ministres du Conseil des affaires d'État - correspondant au Gouvernement central - était à la tête du dispositif de recherche et d'éducation et avait compétence sur deux ministères : celui des sciences et des technologies (MoST) et celui de l'éducation. Parallèlement, certaines Académies ou fondations dépendent directement du Conseil des affaires d'Etat, et non du MoST, tandis que d'autres, plus sectorielles, dépendent de ministères techniques.

Le MoST occupe un rôle central dans l'organisation du système de recherche chinois : il définit et met en oeuvre les priorités de la politique scientifique chinoise et détermine la stratégie et les grandes orientations scientifiques du pays ; il agit comme une agence d'objectifs de la recherche appliquée, mais aussi en tant que plus grande agence de moyens du pays ; en revanche, il n'exerce pas de tutelle sur les instituts de recherche. Le ministère finance les projets sur appel d'offres et labellise les projets prioritaires, ainsi que les « laboratoires clés d'Etat ».

L'Académie des sciences (CAS), qui regroupe 89 instituts, joue, quant à elle, un rôle primordial dans la recherche fondamentale de haut niveau, l'innovation et le transfert technologique vers l'industrie.

M. Jacques Valade, président, a ensuite indiqué que la recherche chinoise connaissait un nouvel élan.

Après avoir rappelé que la Chine était à l'origine de nombreuses inventions (de la boussole à l'imprimerie, en passant par l'horloge mécanique) et que la Révolution culturelle semblait avoir à la fois ralenti et accéléré la recherche, selon les domaines, il a évoqué un véritable « réveil » de la recherche du pays, depuis une vingtaine d'années.

Il a indiqué que l'impérieuse nécessité pour la Chine de poursuivre un développement économique durable contribuait à rendre prioritaire la politique de recherche et d'innovation technologique.

Puis le président a apporté les précisions suivantes :

- la Chine est désormais la troisième puissance scientifique du monde ;

- en 2004, elle a consacré 18 milliards d'euros à la recherche-développement, contre 15 milliards en 2003 et 13 milliards en 2002 ;

- elle compte aujourd'hui environ 810.000 chercheurs, soit plus que le Japon (680.000) et presque autant que l'Union européenne (1 million) ; les étudiants et chercheurs poursuivant une activité à l'étranger sont fortement incités à revenir au pays, via une politique d'aides directes.

M. Jacques Valade, président, a ensuite présenté les deux axes de développement qui caractérisent la politique scientifique du pays :

- l'un, à visées stratégiques, concerne surtout la recherche fondamentale ;

- l'autre poursuit une rentabilité économique rapide et relève, par conséquent, de la recherche appliquée. Ce second axe semble avoir été jusqu'ici privilégié. En effet, hormis certains secteurs tels que l'espace par exemple, la recherche fondamentale est faible (avec environ 6 % des dépenses).

M. Jacques Valade, président, a ensuite évoqué le rapport annuel sur les investissements internationaux présenté en septembre 2005 par la Conférence des Nations Unies pour le commerce et le développement (Cnuced), qui étudie la mondialisation des activités de R&D conduite par les entreprises multinationales. Selon cette étude, la Chine compterait d'ores et déjà 700 centres de recherche implantés par le secteur privé, alors qu'elle n'avait accueilli son premier centre qu'en 1993. Elle en conclut que la Chine deviendrait, d'ici à 2009, le premier lieu d'implantation de leurs activités de recherche.

Le président a insisté sur l'insuffisant respect par la Chine de la propriété intellectuelle. En effet, le pays dispose de textes législatifs et réglementaires en la matière et les pouvoirs publics font preuve d'une relative volonté au niveau national, mais l'application de ces textes pose problème, notamment au niveau local.

Après avoir indiqué que 70 % des contrefaçons mondiales provenaient de Chine et que ce problème touchait l'ensemble des produits, le président a estimé qu'il constituait une menace réelle pour la recherche et l'innovation des pays qui en sont victimes. Il a relevé qu'il concernait désormais également les entrepreneurs chinois, et jugé, par conséquent, que la Chine devra mettre en place une politique de protection des brevets, ne serait-ce que pour répondre à la demande des industriels chinois eux-mêmes ; si le pays échouait sur ce front, il freinerait l'innovation et le développement de nouvelles technologies et de nouveaux produits par ses propres entreprises.

M. Jacques Valade, président, s'est ensuite réjoui du dynamisme croissant de la coopération scientifique franco-chinoise, caractérisée par la multiplication des partenariats (avec 350 projets conjoints franco-chinois) : la France est le septième partenaire scientifique de la Chine et les relations se sont beaucoup développées en 2004-2005.

Evoquant la visite par la délégation de l'Institut Pasteur de Shanghai, récemment créé en collaboration avec l'Académie des sciences de Chine (CAS), le président a cependant regretté que la montée en puissance de l'institut soit freinée, notamment pour des raisons de lenteur administrative. En effet, alors qu'il devrait disposer d'un statut juridique propre et d'une autonomie de gestion, il est toujours rattaché à la CAS et n'est donc pas formellement un laboratoire commun franco-chinois. Cette situation est regrettable, car elle retarde d'autant l'avancement des recherches dans un domaine pourtant crucial.

M. Jacques Valade, président, a ensuite brossé un tableau contrasté de la situation des médias, de l'architecture et de la culture en Chine.

Relevant le caractère très contrôlé de l'accès à l'information dans ce pays, le président a indiqué que les médias étaient en effet sous tension et sous contrôle, qu'il s'agisse des organes de presse, comme des médias audiovisuels ou d'Internet. Ils sont confrontés à l'ambiguïté d'un régime en transition. En effet, parallèlement aux réformes et à l'ouverture qu'ont connues ces secteurs, les autorités politiques contrôlent et censurent les informations diffusées.

Le nombre d'internautes a littéralement explosé (100 millions), ouvrant à la société civile de nouveaux espaces de liberté, avec notamment le développement des « blogs » et des forums de discussion, mais les autorités chinoises ont mis en place un système de censure en ligne et de blocage.

M. Jacques Valade, président, a rappelé que les médias occidentaux s'étaient d'ailleurs émus de l'engagement des grandes sociétés mondiales du secteur, comme Google, Microsoft et Yahoo! à pratiquer l'autocensure sur leur portail.

Il a ensuite estimé que le secteur de l'édition se situait entre mirage et mutation :

- mirage, parce qu'une grande partie de la population chinoise ne lit pas et que la Chine achète un nombre limité de droits de traduction ;

- mutation, parce que le potentiel de développement est important.

Il a présenté les facteurs dont semble dépendre l'avenir du livre étranger en Chine : l'efficacité de la lutte contre le piratage, l'évolution du prix public du livre (2 euros seulement en moyenne aujourd'hui), l'amélioration de la distribution et les progrès en matière de traduction.

S'agissant du secteur de la musique, le plus touché par le piratage, il a indiqué que l'avenir passerait sans doute par le numérique (téléchargement payant et sonnerie de téléphone portable).

M. Jacques Valade, président, a souligné que le domaine de l'architecture avait beaucoup retenu l'attention de la délégation, sans doute parce qu'il s'agit du secteur pour lequel les transformations sont les plus visibles, qu'elles soient négatives ou positives :

- côté négatif, il a évoqué les destructions massives et rapides des anciens quartiers de Pékin et de Shanghai ;

- côté positif, il s'est réjoui du récent souci de préserver certains quartiers de « hutong ». Ces réhabilitations - malheureusement peu nombreuses - sont inspirées à la fois par des considérations de salubrité publique et d'apaisement social, les mouvements de contestation se multipliant contre les expulsions d'habitants liées aux démolitions, mais aussi par un intérêt touristique bien compris.

Le président s'est ensuite déclaré séduit par l'architecture ultra-moderne qui se développe dans les « villes-vitrines » que sont Pékin et Shanghai, la « fièvre » immobilière laissant quand même place à une véritable politique urbanistique et architecturale.

Il a indiqué que l'organisation des Jeux olympiques de 2008, à Pékin, contribuait à la transformation de cette ville.

Il a relevé que les autorités chinoises n'hésitaient d'ailleurs pas à confier la construction d'un certain nombre d'édifices publics (musées, théâtres et opéras) à des architectes étrangers, dont certains Français (tels que M. Paul Andreu pour l'Opéra de Pékin et M. Jean-Marie Charpentier pour celui de Shanghai).

Si les autorités attachent de l'intérêt au domaine muséographique, l'expression artistique lui a semblé être en revanche le parent pauvre de cette société.

M. Jacques Valade, président, s'est enfin réjoui du « grand bond en avant » des relations culturelles franco-chinoises.

Le bilan des « Années croisées » entre les deux pays est globalement positif, même si la France a du mal à se départir de son image imperturbablement « romantique ».

Le président a estimé néanmoins possible, et souhaitable, de valoriser au mieux nos atouts culturels -ceci passe aussi partiellement par cette image- et de transmettre une vision plus moderne de la réalité de la France d'aujourd'hui. Ces deux visions sont d'ailleurs proposées par le biais de notre cinéma, qui s'exporte de mieux en mieux en Chine.

M. Jacques Valade, président, a conclu ainsi : « la Chine est bel et bien éveillée. Il appartient à la France de ne pas s'endormir ! ».

La commission a ensuite donné un avis favorable à la publication du rapport d'information sur la mission effectuée en Chine du 24 septembre au 2 octobre 2005.

Mission d'information - Etats-Unis - Désignation des membres

Au cours de la même réunion, la commission a procédé à la désignation des membres de la mission d'information qui se rendra aux Etats-Unis du 16 au 24 septembre 2006.

Ont été désignés : MM. Jacques Valade, président, Pierre Bordier, Jean-Claude Carle, Ambroise Dupont, David Assouline, Yannick Bodin, André Vallet, Ivan Renar et Pierre Laffitte en qualité de membres titulaires, et Mmes Colette Mélot et Lucienne Malovry, MM. Serge Lagauche, Jean-Marc Todeschini, Mme Catherine Morin-Desailly et M. Jean-François Voguet, en qualité de membres suppléants.