Mercredi 14 décembre 2005

- Présidence de M. Jacques Valade, président. -

Audition de M. Edouard de Royère, président de la Fondation du patrimoine, de M. Frédéric Néraud, directeur général, et de Mme Audrey Guérin, chargée de la communication de la Fondation

La commission a procédé à l'audition de M. Edouard de Royère, président de la Fondation du patrimoine, ainsi que de M. Frédéric Néraud, directeur général, et de Mme Audrey Guérin, chargée de la communication de la Fondation.

M. Edouard de Royère a rappelé le rôle majeur qu'avait joué le Sénat dans l'adoption de la loi du 2 juillet 1996 qui a créé la Fondation du patrimoine, conformément aux préconisations du rapport parlementaire de M. Jean-Paul Hugot, sénateur. Il a précisé que les principales missions assignées par la loi à la Fondation du patrimoine consistaient dans la sauvegarde et dans la mise en valeur du patrimoine bâti de proximité, dans la mise en oeuvre d'actions visant à la préservation du patrimoine naturel, dans la participation financière aux projets de restauration conduits par les propriétaires et dans l'organisation de partenariats publics/privés autour de projets de sauvegarde.

Il a décrit les étapes qui ont conduit à la mise en place de la Fondation en 1997 : la constitution du capital de la Fondation grâce aux apports de 13 membres fondateurs à hauteur de 40 millions de francs ; la reconnaissance d'utilité publique par le décret du 18 avril 1997 approuvant ses statuts ; l'installation en juillet 1997 du conseil d'administration, la nomination de conseillers régionaux ; enfin, en décembre 1997, le lancement officiel en présence du Président de la République.

Il a rappelé que l'année 1998 avait cependant constitué une année difficile du fait des obstacles rencontrés dans les discussions engagées avec le ministère de l'économie et des finances sur la mise en oeuvre des déductions fiscales liées au label de la Fondation. Il a souligné, en outre, que la Fondation n'avait pas reçu de l'Etat les ressources prévues à l'origine pour compléter l'effort consenti par les membres fondateurs. Il a cependant noté, qu'en dépit de cette situation, la mise en place des délégations régionales et départementales s'était poursuivie à un rythme soutenu, et que la Fondation avait mis en oeuvre des outils de gestion et de contrôle permettant de garantir la rigueur et la transparence de son action.

Il a indiqué qu'en 1999, la Fondation avait lancé une première série de 36 projets en libérant environ le tiers de son capital. Cette initiative lui a permis de se faire connaître, de tisser les premiers liens avec les collectivités territoriales et de contribuer à mettre en oeuvre le label de la Fondation du patrimoine.

Il a relevé, ensuite, que la multiplication des conventions conclues avec les départements et les régions à partir de 2001, avait permis aux conseils généraux et régionaux d'apporter une aide importante à la Fondation, tant pour son fonctionnement que pour la mise en oeuvre du label et le cofinancement des projets de sauvegarde du patrimoine public. Il a noté que, dans le même temps, la Fondation du patrimoine avait initié une politique de partenariats avec les grandes associations nationales de sauvegarde du patrimoine tout en apportant son soutien aux projets des associations locales.

Au vu des expériences réussies mises en oeuvre depuis 1999, la Fondation du patrimoine avait lancé en juin 2002 une campagne de souscription publique afin de mobiliser l'effort des Français en faveur du patrimoine de proximité.

M. Edouard de Royère a ensuite rappelé qu'à l'initiative du sénateur Yann Gaillard la loi de finances pour 2003 avait prévu l'attribution à la Fondation, à titre pérenne, d'une fraction du produit des successions en déshérence. L'année 2004 avait vu le développement du mécénat d'entreprise grâce aux dispositions de la loi du 1er août 2003 relative au développement du mécénat et aux fondations ; celle-ci permet aux sociétés de déduire de leurs impôts 60 % des dons faits à la Fondation du patrimoine par des entreprises dans la limite de 5 %o de leur chiffre d'affaires. Il a observé que cette disposition avait permis à la Fondation de recevoir notamment le mécénat d'Hermès ainsi que le soutien de la Fondation Bettencourt-Schueller, du Crédit agricole, de la Fondation Véolia et la Fédération des parcs naturels régionaux.

Il a ensuite indiqué que la Fondation du patrimoine avait lancé en 2005 une campagne nationale d'adhésion des communes de France, afin de renforcer son ancrage local et d'être au plus près des projets de sauvegarde du patrimoine.

Enfin, il a précisé que l'année 2006 constituerait une nouvelle étape importante dans le développement de la Fondation grâce à la signature d'un accord triennal de mécénat avec Total.

M. Edouard de Royère a également annoncé que la Fondation du patrimoine consacrerait une action particulière à la réhabilitation des patrimoines de la culture juive et protestante et que deux comités avaient été constitués à cette fin avec des personnalités issues de ces deux confessions. Il a estimé que, d'une façon générale, le secteur privé et le secteur public pourraient travailler en partenariats à la réalisation d'opérations d'intérêt public.

Il a présenté la structure des dépenses, insistant sur le fait qu'elles privilégiaient l'investissement, car grâce au bénévolat, les frais de personnel n'en représentaient qu'une part très réduite. Quant à la structure des ressources, il a insisté sur le fait que des financements apportés par la Fondation ne devaient constituer qu'une ressource complémentaire. Enfin, il a indiqué que M. Charles de Croisset lui succéderait prochainement à la tête de la Fondation du patrimoine.

Un débat a suivi l'exposé de M. Edouard de Royère.

M. Jacques Valade, président, a rappelé l'intérêt porté par la commission des affaires culturelles à la Fondation du patrimoine et aux modalités de son action. Il a relevé que la commission avait contribué à faire évoluer l'encadrement législatif des fondations pour développer l'apport que le mécénat et les financements privés pouvaient apporter à l'action culturelle.

Mme Catherine Morin-Desailly s'est félicitée de ce que l'audition du président de la Fondation du patrimoine, qu'elle avait suggérée, ait permis à ce dernier de présenter à la commission un premier bilan de son activité.

Elle a jugé remarquable le travail accompli pour la Fondation depuis sa création, estimant que celle-ci était devenue un élément incontournable de la politique de sauvegarde du patrimoine.

Elle a précisé que la région Haute-Normandie, qui est l'une des plus actives dans ce domaine, en était depuis peu à la centième opération labellisée par la Fondation.

M.  Philippe Richert a jugé très positive la dynamique lancée par la Fondation du patrimoine qui a permis une multiplication des initiatives et a contribué au développement du mécénat et du financement privé. Il a estimé cependant que, dans les départements qui conduisent déjà depuis longtemps une politique active de réhabilitation du petit patrimoine non protégé, les modalités d'intervention de la Fondation gagneraient à être clarifiées de façon à rendre plus perceptible la contribution qu'elle est susceptible d'apporter à un projet.

Il a demandé des précisions sur les principes qui guident la Fondation dans la péréquation géographique de ses interventions. Il a souhaité, d'une façon générale, que la Fondation affiche plus clairement ses priorités de façon à ce que ses interventions obéissent davantage à une politique suivie plutôt que de paraître résulter d'initiatives dispersées. Il a également demandé des précisions sur la part respective du patrimoine bâti et du patrimoine naturel dans les interventions de la Fondation.

M. Philippe Nachbar a interrogé M. Edouard de Royère sur la perception qu'il avait de l'évolution des crédits consacrés au mécénat dans le contexte fiscal présent, ainsi que sur la façon dont la Fondation définissait son champ d'intervention en matière de protection du patrimoine architectural.

M. Ambroise Dupont s'est interrogé sur les modalités d'intervention de la Fondation dans les espaces naturels. Il a également demandé quelle était la stratégie mise en oeuvre par la Fondation pour mieux mobiliser les communes en associant, par exemple, la réhabilitation du patrimoine communal à des objectifs d'ordre social comme la réhabilitation de l'habitat.

M. Edouard de Royère et M. Frédéric Néraud ont apporté aux différents intervenants les compléments d'information suivants :

- les modalités d'intervention de la Fondation du patrimoine privilégient d'une façon générale les initiatives venant du terrain ; les programmes d'action sont élaborés sur cette base en début d'année par les responsables régionaux après consultation des responsables départementaux de la Fondation ; ils font l'objet d'une révision en milieu et en fin d'année ; même si la Fondation définit le cadre de son action, elle n'entend pas se substituer aux initiatives locales ;

- la situation de l'Alsace est en effet particulière, dans la mesure où ce département mène depuis longtemps une politique active de sauvegarde de son patrimoine ; cependant, même dans ce contexte, le label de la Fondation conserve son intérêt pour un projet dans ce département : c'est ainsi que la Fondation a participé à une dizaine d'opérations de restaurations portant sur le patrimoine cultuel catholique, protestant et juif ;

- dans de nombreux départements, la Fondation a pu mobiliser des entreprises locales autour d'opérations de proximité susceptibles d'assurer un bon retour d'image ; au niveau national, la Fondation a passé des accords avec de grandes entreprises comme Total ou Hermès qui mobilisent leur personnel autour des projets qu'elles soutiennent ;

- la Fondation du patrimoine a pâti, lors de son lancement, d'une présentation qui tendait à la placer sur le même plan que le National trust britannique, alors qu'elle était très loin de disposer des mêmes moyens que ce dernier ; elle s'est attachée avec les moyens qui étaient les siens, à susciter un intérêt pour le mécénat qui était à l'origine peu répandu dans notre pays, en partant de la réhabilitation de petits monuments et en impliquant autant que possible les actionnaires et le personnel des entreprises partenaires ;

- la protection du patrimoine naturel figurait bien parmi les missions assignées à la Fondation du patrimoine par la loi du 2 juillet 1996, mais la faiblesse de ses moyens l'a conduite à se concentrer d'abord sur le patrimoine bâti ; elle s'efforce aujourd'hui de diversifier ses interventions dans cette direction en développant des partenariats avec les parcs naturels régionaux et avec les conservatoires des espaces naturels ; lors du dernier congrès des maires, une convention tripartite a été signée par la Fondation avec Veolia et la Fédération des parcs naturels régionaux, et des discussions sont également en cours avec les conservatoires des espaces naturels ;

- la loi de 1996 avait prévu de doter le ministère de l'environnement d'une fondation orientée vers les espaces naturels, mais celle-ci n'a jamais été créée et la Fondation du patrimoine doit donc assurer elle-même ces missions ;

- la Fondation s'efforce de développer depuis 2005 un partenariat avec les communes à partir de l'expérimentation conduite dans le Limousin ; les actions qu'elle mène en direction du patrimoine communal peuvent comporter une dimension d'amélioration de l'habitat ;

- le conseil d'administration de la Fondation, qui définit ses priorités, a choisi de privilégier dans un premier temps le petit patrimoine non protégé de proximité, puis des projets susceptibles de susciter une adhésion populaire et enfin le développement d'un partenariat avec les collectivités territoriales ; dans le cadre de ces priorités, la Fondation privilégie toutefois les opérations qui font l'objet d'une réelle mobilisation de ses partenaires.