Table des matières




- Présidence de M. René Garrec, président.

Hommage à une fonctionnaire décédée

A la demande de M. René Garrec, président, la commission a observé une minute de silence à la mémoire de Véronique Nguyen, administrateur à la commission des lois jusqu'au 1er septembre 2002, décédée le samedi 12 octobre.

Sécurité publique - Sécurité intérieure - Saisine de la Délégation du Sénat aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes

La commission a décidé de saisir la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes sur les dispositions relatives à la prostitution du projet de loi n° 30 (2002-2003) pour la sécurité intérieure.

Constitution - Organisation décentralisée de la République - Examen du rapport

Présidence de M. Patrice Gélard, vice président.

La commission a ensuite procédé à l'examen du rapport de M. René Garrec, président, sur le projet de loi constitutionnelle n° 24 rectifié (2002-2003) relatif à l'organisation décentralisée de la République.

M. le président René Garrec, rapporteur, a indiqué que le projet de loi constitutionnelle relatif à l'organisation décentralisée de la République visait, comme l'indiquait son exposé des motifs, à « modifier profondément le cadre constitutionnel de l'action des collectivités territoriales, en métropole et en outre-mer ».

Relevant qu'il s'agissait de la première pierre d'un vaste chantier, il a précisé que le Parlement serait ensuite saisi de projets de loi organique précisant certaines des nouvelles dispositions de la Constitution, puis de projets de loi prévoyant la mise en place d'expérimentations locales, le transfert de compétences nouvelles aux collectivités territoriales et la refonte des lois relatives à l'intercommunalité, aux pays, aux agglomérations et à la démocratie de proximité.

M. le président René Garrec, rapporteur, s'est félicité que la décentralisation constitue l'un des premiers chantiers ouverts par le Gouvernement au début de la nouvelle législature, soulignant que le Sénat, fidèle à son rôle constitutionnel de représentant des collectivités territoriales, s'était fait depuis de nombreuses années le premier promoteur et l'ardent défenseur des libertés locales.

Il a ainsi rappelé que quatre missions d'information communes à plusieurs commissions avaient été créées en 1983, 1984, 1990 et 1998 afin d'apprécier la mise en oeuvre et les effets de la décentralisation, ainsi qu'une mission d'information sur l'espace rural, en 1991, et une mission sur l'aménagement du territoire, en 1994. Il a également indiqué que les commissions des lois et des finances avaient mis en place, en leur sein ou conjointement, des groupes de travail sur la responsabilité pénale des élus locaux (1995), la décentralisation (1996) et les chambres régionales des comptes (1998), soulignant que ces travaux avaient, à maintes reprises, trouvé des traductions législatives.

Enfin, M. le président René Garrec, rapporteur, a observé que, dès son élection à la présidence du Sénat, M. Christian Poncelet avait souhaité affirmer le rôle de « veilleur » de la décentralisation de la Haute assemblée et organisé des Etats généraux des élus locaux dans les régions afin de prendre, sur le terrain, la mesure de leurs attentes. Il a rappelé qu'à l'initiative de son président et sur le rapport de M. Patrice Gélard au nom de la commission des lois, le Sénat avait adopté, le 26 octobre 2000, une proposition de loi constitutionnelle relative à la libre administration des collectivités territoriales et à ses implications fiscales et financières, regrettant que ce texte, destiné à garantir l'autonomie financière, en particulier fiscale, des collectivités territoriales, n'ait pas été inscrit à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale sous la précédente législature.

M. le président René Garrec, rapporteur, a évoqué le récent dépôt par le président Christian Poncelet et plusieurs de ses collègues d'une nouvelle proposition de loi constitutionnelle relative à la libre administration des collectivités territoriales, rappelant que la commission des lois avait décidé de joindre cette proposition à l'examen du projet de loi, ainsi que la proposition de loi constitutionnelle présentée par M. Paul Girod tendant à la reconnaissance de lois à vocation territoriale et la proposition de loi constitutionnelle tendant à introduire dans la Constitution un droit à l'expérimentation pour les collectivités territoriales, adoptée le 16 janvier 2001 par l'Assemblée nationale à l'initiative de M. Pierre Méhaignerie. Il a indiqué qu'avaient également été jointes au projet de loi deux propositions de loi constitutionnelle présentées par MM. Robert Del Picchia, Georges Othily et Rodolphe Désiré sur la date des élections présidentielles outre-mer.

M. le président René Garrec, rapporteur, a fait remarquer que la convergence de ces initiatives résultait des limites du cadre constitutionnel actuel. Il a rappelé que, conçue et mise en oeuvre, voilà plus de vingt ans, dans un contexte d'épuisement du modèle jacobin, la décentralisation avait redistribué les pouvoirs, les compétences et les moyens au profit des collectivités territoriales et qu'en rapprochant les décisions des citoyens, elle avait contribué à l'amélioration de l'efficacité de l'action publique et à l'approfondissement de la démocratie.

Il a estimé que le mouvement semblait aujourd'hui irréversible, tant il faisait l'objet d'un large consensus, mais que la réforme demeurait inachevée, la logique initiale, fondée sur une répartition des compétences par blocs associée à l'absence de tutelle d'une collectivité sur l'autre, ayant été perdue de vue. Il a observé qu'une logique de cogestion et de partenariats s'était substituée à celle de clarification des compétences, aboutissant à un dévoiement des principes de la décentralisation lorsqu'elle se traduisait par la participation croissante des collectivités territoriales au financement des compétences de l'Etat ou par une tendance accentuée à la recentralisation des pouvoirs.

M. le président René Garrec, rapporteur, a déclaré que le statut constitutionnel de l'outre-mer, cloisonné dans les articles 73, 74 et le titre XIII relatif à la Nouvelle-Calédonie, ne reflétait pas pleinement les réalités ultra-marines, les évolutions amorcées et les aspirations exprimées témoignant de l'étroitesse du cadre constitutionnel de l'outre-mer français et de son inadaptation à la diversité qui le caractérise.

M. le président René Garrec, rapporteur, a ensuite présenté l'économie générale du projet de loi constitutionnelle.

Il a indiqué que les régions figureraient désormais dans la liste des collectivités territoriales de la République énumérées à l'article 72 de la Constitution, contrairement aux établissements publics de coopération intercommunale qui ne pouvaient prétendre à cette reconnaissance dans la mesure où, comme tout établissement public, ils restaient soumis au principe de spécialité et étaient administrés par des représentants désignés par les communes.

M. le président René Garrec, rapporteur, a noté que le projet de loi constitutionnelle tendait à consacrer le pouvoir réglementaire des collectivités territoriales, observant qu'en l'absence de modification de l'article 21 de la Constitution, ce pouvoir réglementaire, qui était déjà reconnu, mais encadré par les jurisprudences du Conseil d'Etat et du Conseil constitutionnel, demeurerait subordonné à celui du Premier ministre.

Après avoir observé qu'une collectivité territoriale pourrait se voir confier par la loi le rôle de « chef de file » pour l'exercice de compétences croiséesM. le président René Garrec, rapporteur, a déclaré qu'il proposerait à la commission d'inscrire dans la Constitution le principe de l'interdiction de la tutelle d'une collectivité territoriale sur une autre.

Il a observé que le projet de loi constitutionnelle ne changeait pas les missions du représentant de l'Etat, chargé des intérêts nationaux, du contrôle administratif et du respect des lois, mais précisait qu'il représentait chacun des membres du Gouvernement. Jugeant cette mention inutile et inexacte, il a indiqué qu'il proposerait de la supprimer.

M. le président René Garrec, rapporteur, a ensuite présenté les dispositions du projet de loi constitutionnelle relatives à l'autonomie financière des collectivités territoriales : existence et libre disposition de ressources ; possibilité de recevoir tout ou partie des impositions de toutes natures et, dans les limites fixées par la loi, d'en fixer l'assiette et le taux ; part déterminante des recettes fiscales, des autres ressources propres des collectivités et des dotations qu'elles reçoivent d'autres collectivités territoriales dans l'ensemble de leurs ressources ; attribution de ressources équivalentes à celles qui étaient consacrées à l'exercice des compétences transférées ; péréquation des inégalités de ressources. M. le président René Garrec, rapporteur, a indiqué qu'il proposerait de garantir l'autonomie fiscale des collectivités territoriales en reprenant certaines dispositions de la proposition de loi constitutionnelle présentée par le président Christian Poncelet et plusieurs de ses collègues.

M. le président René Garrec, rapporteur, a observé que les collectivités territoriales pourraient également, dans le cadre d'expérimentations encadrées par une loi organique et sur habilitation de la loi ou du décret selon les domaines concernés, déroger aux lois et règlements qui régissent l'exercice de leurs compétences.

Il a indiqué que, parallèlement au renforcement des pouvoirs des assemblées délibérantes, le projet de loi constitutionnelle instituait de nouveaux mécanismes de démocratie directe, par le biais du droit de pétition et du référendum local à caractère décisionnel. S'agissant du droit de pétition, il a indiqué qu'il proposerait de permettre aux électeurs de demander, et non d'obtenir, l'inscription à l'ordre du jour d'une assemblée délibérante d'une question relevant de sa compétence.

Enfin, M. le président René Garrec, rapporteur, a signalé que le Sénat serait saisi en premier lieu des projets de loi ayant pour principal objet la libre administration des collectivités locales, leurs compétences ou leurs ressources. Il a approuvé cette disposition, tout en soulignant la nécessité de préserver la qualité d'assemblée législative à part entière du Sénat et de ne pas le réduire à un rôle de chambre des collectivités territoriales. Il a proposé de le placer sur un pied d'égalité avec l'Assemblée nationale pour l'adoption de la loi organique d'application de l'article 72-2 nouveau de la Constitution relatif à l'autonomie financière des collectivités territoriales.

Abordant le cadre constitutionnel proposé pour les collectivités d'outre-mer, M. le président René Garrec, rapporteur, a indiqué que le projet de loi innovait en procédant à une désignation nominative, dans la Constitution, des différentes collectivités.

Il a estimé que la définition de deux nouvelles catégories juridiques permettrait de mieux rendre compte de la réalité de l'outre-mer, l'article 73 de la Constitution fixant le statut constitutionnel des départements et régions d'outre-mer (la Martinique, la Guadeloupe, la Guyane et La Réunion), l'article 74 consacrant une nouvelle catégorie juridique sous le vocable de « collectivités d'outre-mer » se substituant à celle des territoires d'outre-mer et à laquelle seraient rattachées la Polynésie française et les îles Wallis et Futuna, en tant qu'anciens territoires d'outre-mer, et les collectivités de Mayotte et de Saint-Pierre-et-Miquelon.

M. le président René Garrec, rapporteur, a observé que resteraient à l'écart de cette classification dualiste la Nouvelle-Calédonie, régie de façon autonome par le titre XIII, et les Terres australes et antarctiques françaises, dont le projet de loi constitutionnelle prévoit que la loi détermine son régime législatif et son organisation particulière.

Il a souligné que la répartition des différentes collectivités entre les deux catégories ne serait pas figée, le changement de régime étant possible, sous réserve de l'adoption d'une loi organique et du consentement des électeurs de la collectivité concernée.

S'agissant des départements et régions d'outre-mer, M. le président René Garrec, rapporteur, a observé que le principe de l'assimilation législative serait maintenu mais ferait l'objet de larges assouplissements.

Il a indiqué qu'en premier lieu, les possibilités d'adaptation des lois et règlements par les autorités nationales seraient désormais envisagées par rapport aux « caractéristiques et contraintes particulières » des départements et régions d'outre-mer, par référence à l'article 299-2 du traité d'Amsterdam, qui ouvre des possibilités d'adaptation plus importantes que l'article 73 actuel et fait référence à leur « situation particulière ». Il a déclaré que le projet prévoyait de confier aux collectivités la possibilité d'adapter des dispositions législatives et réglementaires dans leurs domaines de compétences. Enfin, il a souligné que le projet ouvrait la possibilité, dans les conditions définies par la loi organique, de transférer à ces collectivités, à leur demande, un véritable pouvoir normatif, afin de tenir compte de leurs spécificités, sous réserve des matières régaliennes de l'Etat.

M. le président René Garrec, rapporteur, a indiqué que le nouvel article 74 offrait un cadre constitutionnel souple permettant d'élaborer des statuts « à la carte ». Il a observé que comme c'était déjà le cas pour les territoires d'outre-mer, la définition et la modification de leur statut relèveraient de la loi organique. Il a indiqué que l'article 74 énonçait les mentions qui figureraient dans la loi organique statutaire pour chaque collectivité en distinguant un premier groupe de mentions obligatoires, puis un second groupe de mentions réservées aux collectivités d'outre-mer ayant atteint un certain degré d'autonomie.

Il a observé que ce nouveau cadre constitutionnel répondait, sur le fond, aux préoccupations de la Polynésie française et reproduisait sous une formulation impersonnelle susceptible de s'appliquer, le cas échéant, à chacune des collectivités d'outre-mer, les possibilités offertes par le projet de loi constitutionnelle adopté pour la seule Polynésie française en 1999 mais non soumis au Congrès du Parlement.

Il a indiqué que le projet de loi constitutionnelle proposait en outre deux avancées supplémentaires : la première en faveur de la protection des compétences propres de la collectivité avec une procédure de déclassement permettant à la collectivité de contrecarrer les éventuelles immixtions du législateur ; la seconde consistant dans la possibilité pour l'Etat d'associer la collectivité à l'exercice de certaines compétences régaliennes.

M. le président René Garrec, rapporteur, a indiqué que le projet de loi constitutionnelle tendait à instituer une habilitation permanente en faveur du Gouvernement pour procéder, par ordonnances, à l'actualisation du droit applicable dans les collectivités d'outre-mer soumises au principe de spécialité.

Enfin, M. le président René Garrec, rapporteur, a précisé que l'article 11 du projet de loi constitutionnelle tendait à modifier l'article 7 de la Constitution afin d'assouplir les conditions de délai pour l'organisation du scrutin présidentiel et, ainsi, de permettre la prise en compte du décalage horaire pour le vote des électeurs d'outre-mer.

Au cours du débat qui s'est instauré sur l'ensemble du texte,M. Jean-Claude Gaudin a exprimé la crainte que l'exercice du droit de pétition ne conduise à entraver le fonctionnement des conseils élus, par exemple en provoquant un référendum sur un projet municipal de construction d'une mosquée. Aussi a-t-il souhaité connaître les conditions de mise en oeuvre de ce droit.

M. le président René Garrec, rapporteur, lui a répondu qu'il proposerait à la commission de remplacer le droit d'obtenir l'inscription à l'ordre du jour d'une assemblée locale d'une question relevant de sa compétence, par le droit de demander cette inscription. S'agissant des référendums locaux décisionnels, il a précisé que l'initiative en reviendrait exclusivement aux conseils élus.

M. Jean-Paul Virapoullé a souligné la nécessité d'élaborer, conformément aux engagements du Président de la République, des « statuts à la carte » tenant compte des aspirations différentes de chacune des collectivités d'outre-mer. Il a rappelé que La Réunion, contrairement aux départements d'outre-mer des Antilles, souhaitait demeurer un département d'outre-mer régi autant que possible par le principe de l'assimilation, indiquant que cette stabilité politique constituait une condition du développement économique de l'île. Rappelant que le Sénat avait déjà accepté de ne pas créer de congrès à La Réunion, il a indiqué qu'il présenterait des amendements afin que ce département d'outre-mer ne puisse ni changer de régime ni prendre des actes relevant du domaine de la loi.

Souscrivant aux dispositions du projet de loi constitutionnelle, M. Daniel Hoeffel a cependant regretté que les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre ne figurent pas dans la liste des collectivités territoriales énumérées dans la Constitution. Il a exprimé la crainte que la possibilité offerte à la loi de désigner des collectivités « chefs de file » pour l'exercice des compétences croisées ne conduise à établir une forme de tutelle d'une collectivité territoriale sur une autre. Enfin, il a estimé que les mécanismes de démocratie directe locale ne devaient pas conduire à paralyser le fonctionnement de conseils élus au suffrage universel direct.

M. Christian Cointat a souligné la nécessité de prendre en compte, dans le projet de loi constitutionnelle, la situation des deux millions de Français vivant à l'étranger afin de ne pas les isoler du reste du pays. Il a rappelé que l'article 24 de la Constitution faisait du Sénat le représentant des collectivités territoriales de la République, mais également des Français établis hors de France. Il a indiqué qu'il présenterait des amendements tendant à indiquer dans la Constitution que les Français établis hors de France constituent une « collectivité publique », et que les projets de loi qui les concernent sont soumis en premier lieu au Sénat.

M. Christian Cointat a rappelé que trois grandes réformes avaient permis d'améliorer la situation des Français établis hors de France : l'amélioration de leur accès aux prestations sociales et à l'enseignement en 1976, à la suite des travaux de la Commission Bettencourt, l'élection au suffrage universel direct du Conseil supérieur des Français de l'étranger dans le cadre des « lois Defferre », puis la transformation de cette instance consultative en un véritable conseil du Gouvernement, sous l'impulsion de M. Daniel Hoeffel.

M. Nicolas Alfonsi a fait part de son scepticisme sur la mise en oeuvre des procédures de consultation locale au niveau régional, considérant que la participation à une consultation locale était inversement proportionnelle à la taille de la collectivité concernée.

Il a jugé nécessaire de mieux définir la notion de collectivité à statut particulier dans la Constitution afin d'éviter la confusion entre celles qui existent déjà et celles qui pourraient se substituer aux collectivités territoriales actuelles, mentionnées au premier alinéa du texte proposé pour l'article 72 de la Constitution.

M. Jean-Claude Peyronnet a souligné l'intérêt du groupe socialiste pour la décentralisation. Il a observé que les amendements proposés par le rapporteur visaient à modifier en profondeur un texte qu'il a qualifié de peu satisfaisant. Après avoir déploré les scories du projet de loi constitutionnelle et l'emploi d'expressions qu'il a jugées indignes de la Constitution, comme celle « d'organisation décentralisée de la République », il s'est inquiété des compétences restant à l'Etat et de l'inspiration fédéraliste du texte. Il a jugé dangereux le pouvoir de déroger aux dispositions législatives et réglementaires reconnu, à titre expérimental, aux collectivités territoriales. Il s'est opposé à la disposition permettant à la loi de désigner une collectivité « chef de file » pour l'exercice de compétences croisées, estimant qu'elle aurait pour effet d'instaurer la tutelle d'une collectivité sur une autre.

M. Jean-Claude Peyronnet a par ailleurs insisté sur la nécessité d'encadrer la procédure de référendum local décisionnel, afin de ne pas paralyser le fonctionnement des conseils élus, et s'est interrogé sur la possibilité d'étendre à l'ensemble des résidents le droit de participer aux consultations locales. Il a indiqué qu'il souscrivait aux observations de M. Daniel Hoeffel sur l'intercommunalité.

M. Gaston Flosse a rappelé que la Polynésie française bénéficiait d'un statut d'autonomie depuis 1984. Il a indiqué que ce statut avait été un succès pendant douze ans. Il a ajouté que la Polynésie française avait demandé et obtenu une plus grande autonomie avec le nouveau statut de 1996, lui permettant de devenir un « bon élève de l'outre-mer ».

Il a observé que la Polynésie française aurait obtenu des prérogatives supplémentaires si le projet de révision constitutionnelle de 1999 élaboré par le précédent Gouvernement et adopté par les deux assemblées avait abouti. Il a indiqué que ce projet de statut aurait transformé la Polynésie française en pays d'outre-mer se gouvernant librement et démocratiquement, institué des « lois de pays » votées par l'assemblée délibérante et reconnu une citoyenneté polynésienne fondant la protection de l'emploi local.

M. Gaston Flosse a estimé que le projet de loi constitutionnelle était en retrait par rapport à celui de 1999 dont les avancées donnaient sa pleine mesure à la notion d'autonomie. Après avoir rappelé que le projet de réforme de 1999 avait été adopté à la quasi-unanimité du Sénat, il a indiqué que la Polynésie s'accommoderait néanmoins du nouveau dispositif.

Il a salué l'importance des dispositions novatrices du projet de loi constitutionnelle en cours d'examen instituant une protection des compétences de la Polynésie française par le Conseil constitutionnel à l'encontre d'éventuelles immixtions du législateur ainsi que la possibilité pour la Polynésie française d'être associée par l'Etat à l'exercice des compétences régaliennes.

Tout en soulignant que le terme de partage lui paraissait préférable à celui d'association, il a estimé que la Polynésie pourrait ainsi être en mesure de faire respecter les règlements qu'elle édicte, par exemple en faisant procéder à la saisie des perles qualifiées, selon la réglementation locale, de mauvaise qualité.

M. Gaston Flosse a affirmé que la Polynésie française ne désirait pas l'indépendance et que les Polynésiens souhaitaient rester dans la République. Il a cependant ajouté que la Polynésie française avait besoin d'un assouplissement de son statut pour conforter son dynamisme économique et a demandé que l'on fasse confiance aux Polynésiens, comme cela avait été le cas dans le passé.

M. Jean-René Lecerf s'est opposé à l'inscription des établissements publics de coopération intercommunale dans la Constitution, estimant que la qualité de collectivité territoriale supposait une compétence générale et l'élection de représentants au suffrage universel direct.

Il a estimé que le projet de loi constitutionnelle comportait des dispositions essentielles, telles que l'inscription de la région dans la Constitution, la reconnaissance d'un droit à l'expérimentation ou la protection de l'autonomie financière des collectivités territoriales, mais également des dispositions superflues, à l'exemple du droit de pétition ou du référendum local. Il a observé que le projet de loi constitutionnelle rendait plus aisée la suppression de collectivités territoriales.

S'agissant de l'outre-mer, M. Jean-René Lecerf a indiqué qu'il avait été très sensible aux propos tenus par M. Jean-Paul Virapoullé lors des auditions de la commission des lois et à la crainte d'une remise en cause de l'indivisibilité de la République et de l'égalité des citoyens devant la loi. Il a plaidé pour un texte constitutionnel lapidaire.

Mme Josiane Mathon a estimé que les dispositions du projet de loi constitutionnelle relatives au droit de pétition et au référendum local montraient que la décentralisation ne s'accompagnait pas d'une véritable démocratisation. Elle a souhaité l'extension des dispositifs de démocratie participative à l'ensemble des habitants des collectivités territoriales, et non aux seuls électeurs.

Elle a insisté sur la nécessité de garantir la compensation intégrale des charges induites par les transferts de compétences, afin d'éviter que l'Etat ne se défausse de ses responsabilités sur les collectivités territoriales.

M. Pierre Fauchon a déclaré que le Gouvernement avait eu raison de ne pas tenir compte de l'avis négatif du Conseil d'Etat sur le projet de loi constitutionnelle, estimant que ce dernier devait jouer un rôle technique et non politique.

Il s'est dit satisfait que le projet de loi constitutionnelle permette des expérimentations pour l'Etat et non pour les seules collectivités locales, une telle possibilité pouvant ainsi être utilisée dans le domaine de la justice, notamment s'agissant des juges de proximité.

Concernant le droit de pétition, il a rappelé que les déboires de la Révolution française avaient été dus en grande partie au dessaisissement des élus par la population et a jugé très grave la possibilité offerte aux petits groupes d'obtenir automatiquement l'inscription à l'ordre du jour. En conséquence, il s'est félicité de l'amendement du rapporteur y substituant la notion de demande d'une telle inscription.

En réponse à M. Jean-Paul Virapoullé, qui souhaitait que soit précisé clairement que La Réunion est régie par l'article 73 et non par l'article 74, M. le président René Garrec, rapporteur, l'a invité à déposer un amendement afin que la ministre s'exprime sur ce sujet. Il a par ailleurs indiqué que le passage d'un statut de département d'outre-mer à celui de collectivité d'outre-mer, actuellement possible par une simple loi, serait désormais subordonné à l'adoption d'une loi organique, ainsi qu'au consentement des électeurs de la collectivité concernée.

En réponse à M. Daniel Hoeffel, M. le président René Garrec, rapporteur, a observé qu'il avait fallu attendre vingt ans pour voir la région reconnue dans la Constitution et indiqué que le choix de ne pas y faire figurer les établissements publics de coopération intercommunale résultait précisément de leur statut d'établissements publics, émanations de communes. Il a néanmoins estimé que ces établissements pourraient se voir confier le rôle de « chefs de file » pour l'exercice de certaines compétences.

S'agissant de cette notion de « chef de file », M. le président René Garrec, rapporteur, a rappelé qu'il présenterait un amendement visant à interdire la tutelle d'une collectivité sur une autre, mais qu'en raison de l'enchevêtrement des compétences, la désignation de collectivités « chefs de file » lui semblait nécessaire afin d'éviter des situations de blocage. Il a ajouté qu'elle permettrait à une collectivité de fixer les modalités de l'action commune, sur le modèle de ce qui avait été prévu pour les aides directes aux entreprises. Enfin, il a indiqué que la désignation de collectivités « chefs de file » pourrait s'opérer sur la base du volontariat.

En réponse à M. Christian Cointat,M. le président René Garrec, rapporteur, a déclaré qu'il n'était pas possible d'assimiler les deux millions de Français de l'étranger à une collectivité, cette notion renvoyant à l'idée de territoire. Il a jugé préférable de veiller à ce qu'ils soient pris en compte dans chaque loi et l'a invité à interroger le ministre à ce sujet.

En réponse à M. Nicolas Alfonsi, M. le président René Garrec, rapporteur, a indiqué que les collectivités à statut particulier étaient créées par la loi et que cette faculté serait maintenue. Il a jugé impossible de faire figurer nominativement dans la Constitution chaque collectivité à statut particulier, au risque d'en figer la situation.

En réponse à M. Jean-Claude Peyronnet,M. le président René Garrec, rapporteur, a déclaré qu'il ne proposerait pas de supprimer la référence à l'organisation décentralisée de la République, cette mention figurant dans le titre même du projet de loi constitutionnelle. Il a précisé que l'Etat conserverait la compétence de droit commun et que, contrairement aux Etats fédéraux, il n'y aurait aucune liste limitative de ses compétences, celles des collectivités territoriales étant prévues par la loi. S'agissant de la démocratie directe locale, il s'est opposé à ce que les référendums concernent les habitants plutôt que les électeurs des collectivités territoriales, en indiquant que le corps électoral habilité à participer au référendum ne devait pas être distinct du corps électoral appelé à choisir les représentants élus d'une collectivité.

En réponse à M. Gaston Flosse,M. le président René Garrec, rapporteur, est convenu de ce que certaines dispositions du projet de loi constitutionnelle de 1999 n'avaient pas été reprises. S'agissant du terme « citoyenneté », il a indiqué qu'il était lié à la nationalité, qui demeurait une compétence régalienne. Concernant la disparition des « lois de pays », il a rappelé qu'elles n'avaient qu'une valeur réglementaire. Au-delà de ces termes symboliques, il a souligné que la plupart des dispositions de fond avaient été reprises. Il a en outre précisé qu'il présenterait un amendement concernant le contrôle spécifique susceptible d'être exercé sur les actes des assemblées délibérantes des collectivités d'outre-mer, et indiqué que ces collectivités pourraient être associées à la négociation de certains accords internationaux, tout en rappelant que le terme de « politique étrangère » avait été substitué à celui de « relations extérieures ».

M. le président René Garrec, rapporteur, a déclaré souscrire aux observations de M. Jean-René Lecerf concernant les établissements publics de coopération intercommunale. Il lui a indiqué qu'une révision de la Constitution était nécessaire pour rendre les référendums locaux décisionnels. En outre, il a estimé que, si les dispositions concernant le « droit de pétition » ne devaient pas ouvrir un droit à l'inscription à l'ordre du jour d'une pétition, elles devaient cependant inciter l'assemblée concernée à entendre ces attentes.

En réponse à Mme Josiane Mathon, M. le président René Garrec, rapporteur, a réitéré son opposition à l'extension des mécanismes de démocratie directe locale aux habitants des collectivités territoriales. S'agissant des charges imposées aux collectivités territoriales par des transferts de compétences ou des décisions de l'Etat, il a indiqué qu'il présenterait un amendement visant à en assurer la compensation intégrale et permanente.

En réponse à M. Pierre Fauchon, il a confirmé la possibilité de prévoir des expérimentations en matière judiciaire, citant l'exemple de l'échevinage. Il a souscrit à ses propos sur le droit de pétition.

Puis la commission a procédé, sur le rapport de M. René Garrec, président, à l'examen des amendements.

A l'article premier (organisation de la République - article premier de la Constitution), M. le président René Garrec, rapporteur, a présenté un amendement visant à faire figurer à l'article 2 de la Constitution le principe selon lequel l'organisation de la République est décentralisée.

M. Patrice Gélard, président, s'est interrogé sur la signification de l'expression « organisation décentralisée de la République », susceptible d'impliquer une décentralisation du Président de la République, du Gouvernement et du Parlement. Il a jugé préférable de parler d'« organisation territoriale ».

M. Robert Badinter, après avoir indiqué qu'un soin tout particulier devait être apporté à la rédaction de la Constitution, a souligné l'imprécision du terme « organisation », souvent absent des manuels ou pris dans le sens d'« organisation générale des pouvoirs publics ».

Après que M. le président René Garrec, rapporteur, eut marqué sa volonté de préciser qu'il s'agissait d'une organisation « territoriale », M. Robert Badinter a souligné l'importance de l'emplacement d'une telle disposition. Il s'est ainsi élevé contre le choix de l'article premier, relatif aux principes fondamentaux de la République, ou de l'article 2, relatif aux symboles de la République, préférant soit renvoyer cette disposition à une loi organique, soit la placer au début de l'article 72 de la Constitution relatif aux collectivités territoriales.

Mme Nicole Borvo a également jugé une telle disposition inacceptable et s'est interrogée sur les arrières-pensées du Gouvernement. Elle s'est opposée, elle aussi, à un déplacement de cette disposition à l'article 2 de la Constitution.

En réponse à M. Patrice Gélard, qui rappelait que les critères d'admission au Conseil de l'Europe ou à l'Union européenne incluaient le respect de l'autonomie locale, M. Robert Badinter a jugé cette exigence pleinement satisfaite par le nouvel article 72.

M. Pierre Fauchon a, pour sa part, considéré qu'il ne s'agissait pas d'une simple question de rédaction, mais qu'il convenait de savoir si l'on voulait, ou non, la décentralisation. Après avoir réaffirmé son adhésion à cette réforme, il a indiqué qu'il ne serait pas choqué de voir figurer le principe de l'organisation décentralisée de la République à l'article premier de la Constitution, considérant parfois nécessaire d'admettre des rédactions imparfaites afin de transcrire des volontés politiques.

M. Jean-Pierre Sueur a estimé que la rectification proposée par le rapporteur ne réglait pas la confusion entre déconcentration et décentralisation.

M. Gérard Longuet s'est félicité de cette rédaction, estimant qu'elle permettait d'affirmer clairement que la France n'est pas un Etat fédéral.

Jugeant meilleure, sur un strict plan rédactionnel, la proposition de M. Robert Badinter, M. Christian Cointat, pour des raisons symboliques, a toutefois jugé préférable de consacrer la décentralisation à l'article premier de la Constitution plutôt qu'à l'article 72.

Après une suspension de séance, la commission a adopté l'amendement du rapporteur visant à faire figurer à l'article 2 de la Constitution le principe selon lequel l'organisation territoriale de la République est décentralisée.

La commission a ensuite adopté un amendement tendant à insérer un article additionnel après l'article premier afin de séparer clairement le pouvoir réglementaire des collectivités territoriales de celui du Premier ministre, par la modification de l'article 21 de la Constitution.

MM. Patrice Gélard, président, et Robert Badinter ont regretté l'emploi de l'expression de « pouvoir réglementaire » à propos du pouvoir normatif des collectivités territoriales, estimant qu'elle ne devait concerner que des normes générales et impersonnelles applicables sur l'ensemble du territoire.

La commission a adopté un amendement tendant à insérer un article additionnel après l'article premier afin de modifier l'article 34 de la Constitution en y substituant, dans un souci d'harmonisation rédactionnelle, l'expression de « collectivités territoriales » à celle de « collectivités locales ».

A l'article 2 (expérimentations prévues par la loi ou le règlement - article 37-1 inséré dans la Constitution), M. le président René Garrec, rapporteur, a présenté un amendement visant à encadrer davantage les expérimentations prévues par l'Etat.

M. Pierre Fauchon a déclaré que le texte du projet de loi constitutionnelle était effectivement un peu lapidaire.

MM. Jean-Pierre Sueur, Christian Cointat, Jean-Claude Frécon, Robert Badinter et Michel Dreyfus-Schmidt ont suggéré d'adopter une rédaction aussi concise que possible.

Rappelant que l'on oubliait trop souvent qu'aux termes de l'article 34 de la Constitution, selon les domaines, la loi devait soit fixer des règles soit déterminer des principes, M. Jacques Larché a proposé de créer à cet article une troisième catégorie de lois, relatives aux expérimentations.

Sur la suggestion de M. Patrice Gélard, président, la commission a adopté un amendement visant à insérer un article 34-1 dans la Constitution, afin de permettre à la loi d'autoriser, pour un objet et une durée limités, des expérimentations.

M. Jean-Jacques Hyest s'est interrogé sur le point de savoir si les expérimentations pourraient toujours être instituées par la voie réglementaire.

A l'article 3 (dépôt en premier lieu au Sénat des projets de loi ayant pour principal objet la libre administration des collectivités locales - article 39 de la Constitution), la commission a adopté un amendement rédactionnel.

A l'article 4 (libre administration des collectivités territoriales - article 72 de la Constitution), la commission a adopté un amendement ayant pour objet :

- de transformer explicitement en une simple faculté l'obligation faite au législateur de substituer une collectivité territoriale à statut particulier à des collectivités reconnues par la Constitution, la notion de statut particulier n'étant par ailleurs plus mentionnée, car elle est déjà reconnue par la jurisprudence du Conseil constitutionnel ;

- de regrouper dans un même alinéa, et non dans deux articles distincts, les dispositions relatives, d'une part, à la création d'une collectivité territoriale à statut particulier en lieu et place de collectivités reconnues par la Constitution, d'autre part, à la possibilité pour le législateur de soumettre cette création à la consultation des électeurs des collectivités concernées ;

- de supprimer la possibilité d'organiser une consultation locale sur la modification de l'organisation d'une collectivité territoriale à statut particulier, l'organisation interne d'une collectivité territoriale concernant en effet davantage les élus que les électeurs.

M. Nicolas Alfonsi s'est félicité de la suppression de la notion de collectivité territoriale à statut particulier, rappelant par ailleurs que cette disposition du projet de loi constitutionnelle visait à permettre de supprimer les départements de Haute-Corse et de Corse du Sud et à les fondre au sein de la collectivité territoriale de Corse au terme d'une consultation réservée aux seuls électeurs de l'île.

M. Christian Cointat a estimé que la rédaction du projet de loi était meilleure, jugeant nécessaire de conserver la notion de collectivité territoriale à statut particulier.

MM. Michel Dreyfus-Schmidt et Jean-Pierre Sueur ont souligné la portée de cette disposition du projet de loi constitutionnelle permettant de faire disparaître des départements ou des communes de certaines parties du territoire national. Ils se sont inquiétés de sa compatibilité avec le principe d'égalité.

MM. Lucien Lanier et Jean-Pierre Schosteck se sont au contraire félicités de la souplesse introduite par cette disposition, jugeant qu'elle permettrait de simplifier et d'alléger l'organisation administrative. Ils ont rappelé que la création d'une collectivité territoriale se substituant à des collectivités existantes serait encadrée, puisqu'elle serait décidée par la loi, le cas échéant après consultation des électeurs concernés.

M. Jacques Larché s'est interrogé sur le point de savoir s'il serait possible de consulter les électeurs sur la création d'établissements publics de coopération intercommunale.

M. Pierre Fauchon a suggéré de ne permettre la création de nouvelles collectivités territoriales que par la loi organique.

Sur ce même article, la commission a adopté, outre quatre amendements rédactionnels supprimant notamment la référence à la notion de ressort territorial et un amendement supprimant une mention inutile, un amendement ayant pour objet d'inscrire dans la Constitution le principe consacré par la jurisprudence du Conseil constitutionnel de l'interdiction de toute tutelle d'une collectivité territoriale sur une autre. Sur ce dernier amendement, M. Jean-Claude Peyronnet, tout en se félicitant de l'inscription dans la Constitution du principe de l'interdiction de toute tutelle, a estimé que le dispositif souffrait d'une contradiction interne puisqu'il introduisait par ailleurs la notion de « chef de file ». M. Jean-Jacques Hyest a rappelé que la notion de « chef de file » constituait déjà une réalité pratique pour les collectivités territoriales, se concrétisant dans des conventions conclues entre elles pour la mise en oeuvre de projets communs. M. Lucien Lanier s'étant interrogé sur la nécessité d'inscrire ce principe d'interdiction dans la Constitution, M. Patrice Gélard a rappelé que, figurant dans la proposition de loi constitutionnelle présentée par le président du Sénat, M. Christian Poncelet, son inscription constituait une véritable garantie. Mme Nicole Borvo ayant à son tour souligné la contradiction affectant le dispositif et M. Jacques Larché ayant estimé que l'organisation des relations entre les collectivités territoriales devait être régie par des conventions et non par la loi, M. le président René Garrec, rapporteur, a indiqué que le dispositif proposé, par sa rédaction équilibrée, imposerait au législateur de concilier les notions de « chef de file » et d'interdiction de toute tutelle d'une collectivité sur l'autre, en apparence contradictoires mais pas davantage que certains principes à valeur constitutionnelle.

La commission a enfin adopté sur ce même article 4 un amendement supprimant la mention selon laquelle le représentant de l'Etat serait le représentant de chacun des membres du Gouvernement.

A l'article 5 (renforcement de la démocratie participative locale - article 72-1 inséré dans la Constitution), la commission a adopté, outre un amendement rédactionnel, un amendement tendant à préciser que le droit de pétition consistait à émettre un voeu se traduisant par le droit de demander et non d'obtenir l'inscription d'une question à l'ordre du jour d'une assemblée délibérante. Elle a adopté sur ce même article un amendement tenant compte du regroupement à l'article 72 des dispositions relatives à la création d'une collectivité se substituant à d'autres collectivités et à la procédure corrélative de consultation des électeurs concernés, et ayant également pour objet de supprimer l'exigence d'une consultation locale pour la simple modification de l'organisation d'une collectivité territoriale.

A l'article 6 (autonomie financière des collectivités territoriales - article 72-2 inséré dans la Constitution), la commission a adopté, outre deux amendements rédactionnels, un amendement permettant d'éviter que la notion de libre administration des collectivités territoriales ne se résume à celle de libre disposition de ressources et précisant que les collectivités territoriales devaient bénéficier de ressources garanties. La commission a adopté un amendement ayant pour objet de garantir l'autonomie fiscale des collectivités territoriales en précisant que les recettes fiscales et les autres ressources propres devaient constituer, pour chaque catégorie de collectivités, une part prépondérante de l'ensemble de leurs ressources et que toute suppression d'une recette fiscale donnerait lieu à l'attribution de recettes fiscales d'un produit équivalent. M. Robert Badinter, approuvé par M. Jean-Pierre Sueur, s'étant interrogé sur la pertinence de l'inscription dans la Constitution d'adjectifs tels que « prépondérant » ou « déterminant » dont la signification donnerait lieu à des interprétations divergentes, M. Jacques Larché a estimé que l'obligation de remplacer une recette fiscale par une autre aurait pour effet d'empêcher toute baisse de la pression fiscale. Il a en outre fait valoir que, bien souvent, les petites collectivités ne disposaient pas de ressources fiscales propres.

MM. Christian Cointat et Jean-Pierre Schosteck se sont interrogés sur le point de savoir si de telles dispositions n'avaient pas pour effet d'interdire à une collectivité territoriale de supprimer un impôt. M. le président René Garrec, rapporteur, leur a répondu que les collectivités territoriales pourraient toujours baisser leurs impôts mais ne pourraient les supprimer, observant qu'elles n'avaient déjà pas ce pouvoir.

En réponse à M. Jean-Pierre Sueur qui estimait que la notion de recettes fiscales visait le produit d'impôts locaux, obligeant ainsi à compenser la suppression d'un impôt local par la création d'un autre impôt local de produit équivalent, M. le président René Garrec, rapporteur, a indiqué que cette compensation pourrait également provenir de l'attribution à la collectivité territoriale concernée d'une part du produit d'un impôt national tel que la taxe intérieure sur les produits pétroliers. MM. Jean-Pierre Sueur et Jean-Claude Peyronnet ont alors estimé qu'un tel dispositif ne permettait pas d'échapper au système décrié de la compensation par l'attribution de dotations étatiques.

Sur ce même article, la commission a adopté trois amendements ayant respectivement pour objet de garantir la compensation intégrale et permanente non seulement des transferts de compétences entre l'Etat et les collectivités territoriales mais également des charges imposées à ces dernières par des décisions unilatérales de l'Etat, de préciser que la péréquation devait permettre de compenser les inégalités de ressources et de charges entre les collectivités et de renvoyer à une loi organique votée dans les mêmes termes par les deux assemblées les conditions d'application du nouvel article 72-2 inséré dans la Constitution relatif à l'autonomie financière des collectivités territoriales.

A l'article 7 (régime des collectivités situées outre-mer - article 72-3 inséré dans la Constitution), la commission a adopté un amendement tendant à préciser qu'en cas de fusion d'un département et d'une région d'outre-mer, la collectivité ainsi créée resterait régie par l'article 73 de la Constitution.

Elle a adopté un deuxième amendement permettant à une partie d'un département ou d'une région d'outre-mer de changer de régime, sous réserve du consentement de l'ensemble des électeurs de la collectivité. MM. Jean-Jacques Hyest et Jacques Larché ont évoqué le cas de Saint-Barthélemy pour regretter que la consultation ne se limite pas aux électeurs de la partie de collectivité intéressée, estimant que l'absence d'une telle restriction priverait cette disposition de tout effet. M. le président René Garrec, rapporteur, ayant observé qu'une telle disposition pourrait également concerner d'autres territoires, comme les Marquises, M. Gaston Flosse s'est élevé contre une telle possibilité, dénonçant les risques de « balkanisation ».

M. Jean-Paul Virapoullé a, pour sa part, déploré que de telles possibilités d'évolution « sur mesure », prévues pour Saint-Barthélémy ou Mayotte, soient refusées à La Réunion. Il a rappelé que le Sénat avait entériné le refus de La Réunion de toute évolution institutionnelle en limitant le congrès aux départements français d'Amérique, et que le Président de la République en était lui aussi convenu. Il a donc annoncé son intention de sous-amender le texte afin de prévoir expressément que La Réunion n'est régie que par l'article 73, aucune évolution n'étant possible à défaut d'une révision constitutionnelle. Il a souligné qu'il importait en effet de rassurer tant la population que les investisseurs, afin de favoriser le développement économique de l'île.

M. le président René Garrec, rapporteur, a indiqué que l'amendement qu'il proposait tendait également à renforcer les pouvoirs du Parlement en lui permettant de demander au Président de la République d'organiser une consultation des électeurs de la collectivité dont le changement de régime était envisagé, et en prévoyant un débat devant chaque assemblée si cette consultation intervenait à la demande du Gouvernement.

Enfin, la commission a adopté un troisième amendement visant à faire figurer la Nouvelle-Calédonie dans le titre XII de la Constitution, cette collectivité située outre-mer et traitée au titre XIII étant la seule à ne pas y être mentionnée.

A l'article 8 (régime des départements et régions d'outre-mer - article 73 de la Constitution), M. Jean-Paul Virapoullé a souligné que si le premier alinéa de cet article affirmait tout d'abord le principe de l'assimilation législative pour les départements et régions d'outre-mer, les alinéas suivants aboutissaient à sa dénaturation, compte tenu des très importantes similitudes avec le régime prévu à l'article 74 pour les collectivités d'outre-mer. Il s'est ainsi inquiété de la nature des matières susceptibles d'être transférées aux départements et régions d'outre-mer, estimant que leur attribuer un tel pouvoir normatif pourrait leur faire perdre le statut de région ultra-périphérique du fait de contradictions entre droit local et droit communautaire. Il a d'ailleurs jugé suffisante l'expérimentation prévue pour l'ensemble des collectivités territoriales de la République et fait part de son intention de déposer un amendement tendant à exclure La Réunion du champ d'application des deuxième, troisième et quatrième alinéas de l'article 73.

M. le président René Garrec, rapporteur, l'a assuré être conscient des différences existant entre départements d'outre-mer. Il a précisé que de tels transferts de pouvoir normatif ne pourraient intervenir qu'à la demande de la collectivité, en indiquant les encadrements qu'il comptait y apporter. Il s'est déclaré disposé à s'en remettre à la sagesse du Gouvernement sur ses amendements. 

La commission a ensuite adopté quatre amendements :

- supprimant une ambiguïté, la rédaction du projet de loi semblant subordonner l'application des lois et règlements à des adaptations ;

- tendant à prévoir une habilitation par la loi permettant aux collectivités de prendre des actes dans des matières législatives relevant des compétences de l'Etat, comme le prévoit déjà le deuxième alinéa ; tendant à éviter de faire référence dans l'article 73 à un alinéa de l'article 74 ; à permettre à une loi organique de préciser et de compléter les matières régaliennes non susceptibles de transfert ; à restreindre le champ de ces dérogations à « un nombre limité de matières  », afin d'en souligner le caractère exceptionnel ;

- tendant à interdire les possibilités d'adaptation et de réglementation par les collectivités régies par l'article 73 dans le domaine de la loi lorsque sont en cause les conditions essentielles d'exercice d'une liberté publique ;

- précisant que la collectivité issue de la fusion d'un département et d'une région d'outre-mer est une collectivité territoriale et supprimant la référence aux modalités de consultation prévues à l'article 72-3 de la Constitution en cas de changement de statut d'une collectivité.

A l'article 9 (régime constitutionnel des collectivités d'outre-mer - article 74 de la Constitution), la commission a adopté un amendement de clarification supprimant la référence à la notion de statut particulier mentionnée dans plusieurs autres dispositions du projet de loi ainsi qu'un amendement de coordination avec celui adopté à l'article 8 tendant à l'inscription dans l'article 73 de la Constitution de la liste des compétences régaliennes qui ne sont pas susceptibles d'être transférées à une collectivité.

Sur ce même article, la commission a adopté outre un amendement rédactionnel, un amendement tendant à rendre optionnelles les mentions statutaires réservées aux collectivités dotées de l'autonomie et un amendement précisant que le contrôle juridictionnel spécifique sur certaines catégories d'actes pris par l'assemblée délibérante dans des matières relevant du domaine de la loi serait exercé par le Conseil constitutionnel ou par le Conseil d'Etat selon le cas. Sur cette dernière disposition, M. Gaston Flosse, approuvé par M. Jacques Larché, a estimé que les délibérations concernées, dès lors qu'elles intervenaient dans le domaine législatif, devaient être déférées au Conseil constitutionnel et en aucun cas au tribunal administratif. Sur la suggestion de M. Patrice Gélard, la commission a substitué la référence au Conseil d'Etat à la référence au juge administratif initialement proposée par le rapporteur. MM. Lucien Lanier et Christian Cointat ont souscrit à cette suggestion en faisant valoir qu'elle était cohérente avec l'autonomie caractérisant les collectivités concernées. En réponse à M. Jacques Larché qui regrettait que le projet de loi constitutionnelle n'ait pas repris le dispositif spécifique à la Polynésie française adopté par l'Assemblée nationale et le Sénat en 1999, M. le président René Garrec, rapporteur, a indiqué que le Gouvernement avait entendu éviter un émiettement du cadre constitutionnel consacré à l'outre-mer.

A l'article 10 (Habilitation permanente pour actualiser le droit applicable outre-mer par ordonnances - article 74-1 inséré dans la Constitution), la commission a adopté un amendement de réécriture du dispositif proposé précisant que les ordonnances prises en vertu de l'habilitation permanente résultant du projet de loi constitutionnelle devraient être expressément ratifiées par le Parlement dans un délai d'un an suivant leur publication, à peine de caducité.

A l'article 11 (Assouplissement des conditions de délai pour l'organisation du scrutin présidentiel ; Nomination des représentants de l'Etat dans les collectivités d'outre-mer régies par l'article 74 - articles 7 et 13 de la Constitution), la commission a adopté deux amendements tendant, le premier, à préciser que le second tour de l'élection présidentielle devrait avoir lieu le quatorzième jour suivant le premier tour et non dans les deux semaines suivant celui-ci et, le second, à éviter que le haut-commissaire en Nouvelle-Calédonie ne soit le seul représentant de l'Etat dont la nomination en Conseil des ministres ne serait pas prévue par la Constitution.

Puis elle a adopté un amendement tendant à insérer un article additionnel après l'article 11 ayant pour objet de prévoir à l'article 89 de la Constitution qu'un projet ou une proposition de révision ne pourrait désormais être soumis à la délibération et au vote de la première assemblée saisie avant l'expiration d'un délai de trente jours après son dépôt.

Enfin, la commission a adopté l'ensemble du projet de loi constitutionnelle ainsi modifié.