Table des matières




- Présidence de M. Jean Arthuis, président.

PJLF pour 2004 - Crédits du budget annexe des monnaies et médailles - Examen du rapport spécial

La commission a tout d'abord procédé à l'examen des crédits du budget annexe des monnaies et médailles, sur le rapport de M. Bertrand Auban, rapporteur spécial.

M. Bertrand Auban, rapporteur spécial, a tout d'abord fait savoir qu'il présentait les crédits d'une institution bien décidée à se battre pour sortir de la récession plus brutale que prévu qu'elle subissait après avoir répondu aux besoins de frappe de l'euro. Il a expliqué que la mission régalienne de frappe de la monnaie était devenue structurellement secondaire et que, de 400 millions de pièces en loi de finances pour 2003, réévaluée à 600 millions de pièces courant 2003, la commande de l'Etat pour 2004, qui s'élevait à 760 millions de pièces réparties sur les trois plus petites coupures, demeurait modeste.

M. Bertrand Auban, rapporteur spécial, a rappelé que le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie avait fixé au directeur des monnaies et médailles l'objectif de sauver le savoir-faire et l'outil industriel de la Monnaie de Paris et que celle-ci le ferait en s'enracinant dans son métier, la gravure, mais en s'éloignant de la monnaie courante et en « volant de ses propres ailes » vers des marchés concurrentiels, sachant qu'il lui faudrait pour cela bousculer ses traditions.

Il a précisé que les crédits demandés, de 86,9 millions d'euros, en diminution de 6,5 % alors que l'activité globale devait croître, étaient ceux d'une institution s'inscrivant dans la compétitivité, en ne négligeant aucune mesure d'économie, même si certaines pouvaient être douloureuses, comme la suppression de primes et d'avantages divers, et qu'il s'agissait là du prix à payer pour préserver l'emploi.

Concernant la présentation du budget, après s'être réjoui de la meilleure conformité des effectifs du « bleu » à la réalité du terrain et de la diminution du montant des reports de crédits sur le chapitre « Achats », il a regretté l'opacité de la prise en charge d'une soixantaine de fonctionnaires d'administration centrale en poste à la direction des monnaies et médailles ainsi que le niveau encore élevé des reports de crédits sur le chapitre « Investissements ».

Abordant les recettes, M. Bertrand Auban, rapporteur spécial, a expliqué que celle provenant du Trésor au titre de la cession des pièces françaises, à hauteur de 24,6 millions d'euros, croissait de 82 % en raison de l'augmentation des quantités cédées et de la réactualisation des prix de cession, dans un but de vérité des prix.

Il a observé que les recettes commerciales devaient atteindre le niveau exceptionnel de 59,6 millions d'euros et augmenter ainsi de 34 %, grâce à une « envolée » des ventes des monnaies de collection, constatée dès le courant 2003. Il a jugé ciblée et audacieuse la stratégie de la Monnaie de Paris. S'agissant de l'offre de bijoux « religieux », il a estimé qu'elle était le signe de la reconnaissance, par la République laïque, de l'ensemble des communautés religieuses, en vertu de l'article 1er de la Constitution.

Insistant sur la présentation en équilibre du budget annexe sans recours à une subvention de l'Etat, il s'est félicité de la volonté de la direction des monnaies et médailles de sortir au plus vite de la dépendance financière.

M. Bertrand Auban, rapporteur spécial, a tenu à saluer la réactivité des personnels qui s'adaptaient à la nécessaire réorganisation, à l'utilisation d'outils informatiques plus performants, à l'internalisation de certains travaux et à des transferts d'activités de Paris vers Pessac, dont l'établissement était surdimensionné.

S'agissant des conséquences induites par la mise en oeuvre de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF), il a précisé que la direction des monnaies et médailles n'avait fait l'objet d'aucune expérimentation et n'était pas raccordée au progiciel ACCORD, mais qu'elle avait participé aux travaux de mise en oeuvre d'ACCORD II. Il a annoncé la disparition probable, à terme, du budget annexe et a évoqué l'éventualité de créer un compte de commerce retraçant les activités commerciales de la Monnaie de Paris.

M. Jean Arthuis, président, a remarqué que la politique menée par la Monnaie de Paris, pour tendre vers une plus grande compétitivité et donner des gages à la bonne utilisation des fonds publics, était perceptible dans la communication de cette institution, dont le capital de savoir-faire était indéniable.

En réponse à M. Maurice Blin qui s'étonnait des conditions du retour à l'équilibre du budget annexe et s'interrogeait sur le taux de renouvellement du personnel, M. Bertrand Auban, rapporteur spécial, a confirmé que l'équilibre résultait d'une volonté ferme de réduction des dépenses conjuguée à un réel dynamisme de la politique commerciale, en ajoutant que, rompant avec la tradition, c'était désormais l'établissement parisien qui dégageait un excédent d'exploitation. Il a précisé que le personnel de la direction des monnaies et médailles était stable et très qualifié.

A l'issue de cet échange, la commission a décidé de proposer au Sénat l'adoption des crédits du budget annexe des monnaies et médailles.

PJLF pour 2004 - Crédits des comptes spéciaux du Trésor et articles 50 à 56 - Examen du rapport spécial

La commission a ensuite examiné les crédits des comptes spéciaux du Trésor et les articles 50 à 56 rattachés, sur le rapport de M. Paul Loridant, rapporteur spécial.

M. Paul Loridant, rapporteur spécial, a souhaité tout d'abord faire le point sur l'avenir des comptes spéciaux du Trésor, constatant que le rapport budgétaire qui leur était consacré présentait le caractère d'une « nécrologie », quatre comptes étant amenés à disparaître en 2004. Il a expliqué la suppression progressive de nombreux comptes spéciaux du Trésor par un fonctionnement actuel peu satisfaisant, beaucoup de comptes de commerce masquant par exemple des services de l'Etat incapables de se transformer, pour des raisons d'équilibre budgétaire, en établissements publics. Il a observé, en ce qui concernait les comptes d'affectation spéciale, que nombre d'entre eux enregistraient des reports importants ayant pu aller jusqu'à une année de crédits. Il a rappelé qu'un compte spécial du Trésor, et plus particulièrement un compte d'affectation spéciale, ne pouvait, en règle générale, constituer un bon support budgétaire pour effectuer des investissements publics, la combinaison des procédures d'engagement des autorisations de programme et de la règle relative aux comptes d'affectation spéciale, qui disposait que les dépenses engagées ou ordonnancées ne pouvaient excéder les ressources constatées, conduisant le gestionnaire du compte à attendre de disposer des recettes nécessaires pour pouvoir engager son opération d'investissement. Il a indiqué que ces modalités conduisaient mécaniquement à des reports importants. Il a noté que la majeure partie des comptes d'affectation spéciale finançait pourtant de l'investissement, comme le fonds national de développement pour le sport (FNDS). Il s'est d'ailleurs interrogé sur les raisons ayant pu conduire à doter ce fonds pour 2004 de crédits en hausse de 13,57 % malgré des reports de 2002 à 2003 de 150 millions d'euros.

M. Paul Loridant, rapporteur spécial, a conclu que les dysfonctionnements observés sur les comptes d'affectation spéciale conduisaient logiquement à la rebudgétisation progressive de certains d'entre eux, comme, pour 2004, le fonds national de développement pour les adductions d'eau et le fonds national de développement de la vie associative. Il a estimé que beaucoup de comptes spéciaux du Trésor allaient disparaître avec l'entrée en application de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF), son article 21 prévoyant que les recettes des comptes d'affectation spéciale devaient être « par nature en relation directe avec les dépenses concernées ». Il a jugé que le fonds national de développement du sport, financé par un prélèvement sur la Française des jeux, et le fonds de provisionnement des charges de retraite, financé par l'UMTS (Universal Mobile Telecommunications System) étaient, en vertu de cette disposition, condamnés.

En outre, il a précisé que l'article 21 précité de la LOLF prévoyait également que les recettes des comptes d'affectation spéciale ne pourraient plus être complétées par des versements du budget général que dans la limite de 10 % des crédits initiaux de chaque compte, contre 20 % aujourd'hui. Il a jugé en conséquence que le compte 902-15 d'emploi des taxes parafiscales affectées au financement des organismes du service public de la radiodiffusion sonore et de la télévision, dont 16 % des ressources étaient constituées par un versement du budget général, pourrait voir son fonctionnement remis en cause.

Il a expliqué que l'application de l'article 20 de la LOLF, qui précisait que chacun des comptes spéciaux dotés de crédits constituait une mission, conduisait à exclure certains comptes qui n'auraient pas la « taille critique » ou qui ne pourraient définir un champ d'activité suffisamment large ou cohérent pour constituer une mission, citant l'exemple du compte d'affectation spéciale 902-32 de soutien à la presse et à l'expression radiophonique, qu'il a qualifié de « compte fricassée du ministère de la culture ». Il a enfin estimé que l'avenir du compte n° 902-25 « fonds d'intervention pour les aéroports et le transport aérien (FIATA) », lié à celui du budget annexe de l'aviation civile dont la disparition serait annoncée d'ici 2006, n'était pas assuré.

Il a, dès lors, considéré que la physionomie des comptes spéciaux du Trésor après 2006 se limiterait aux trois comptes créés de droit par la LOLF - un compte d'affectation spéciale retraçant les opérations de nature patrimoniale liées à la gestion des participations financières de l'Etat, un compte des pensions et avantages accessoires à partir duquel seraient payées les pensions des agents publics et les charges de compensation aux régimes de retraite et un compte de la dette et de la trésorerie de l'Etat.

Pour terminer sa présentation des crédits, M. Paul Loridant, rapporteur spécial, a souhaité évoquer deux comptes d'affectation spéciale d'importance inégale, le premier étant le compte 902-24 d'affectation du produit des cessions de titres, parts et droits de société. Il s'est félicité de la création de l'agence des participations de l'Etat, dont il a indiqué avoir rencontré le directeur général le 20 mai 2003 en compagnie du Président et du rapporteur général de la commission. Il a estimé que cette agence devrait améliorer la gestion des participations publiques, ce qui profiterait à la fois à l'Etat, dont le patrimoine serait sans doute mieux valorisé, et aux entreprises, qui bénéficieraient d'un suivi plus performant. Il a salué également la publication d'un rapport sur l'Etat actionnaire, un « jaune » désormais, de bien meilleure facture que l'an passé, auquel la commission n'était pas étrangère, comme elle n'était pas étrangère aux travaux en cours sur les « comptes combinés » des 40 entités les plus significatives contrôlées par l'Etat. Il a formulé néanmoins deux remarques sur le plan budgétaire, s'interrogeant sur la cohérence de la réintégration des dotations à Réseau Ferré de France (800 millions d'euros au titre du désendettement et 675 millions d'euros au titre de la régénération des lignes) au sein du budget général, dans le fascicule des transports, et sur l'opportunité d'inscrire les recettes issues de cessions d'éléments du patrimoine immobilier de l'Etat en recettes non fiscales sur la ligne 211 du budget général, pour 500 millions d'euros. Il a observé que les cessions de patrimoine de l'Etat, plutôt qu'être traitées sur le plan budgétaire en recettes courantes, auraient pu être compensées par un désendettement à due concurrence ou par des dotations en capital à des entreprises publiques.

Il a évoqué un second compte, le fonds national pour le développement des adductions d'eau qu'il avait contrôlé dans le courant de l'année 2003 avec M. Joël Bourdin, rapporteur spécial des crédits de l'agriculture, estimant que la rebudgétisation du fonds était justifiée, que la distribution des crédits dans les départements devait se faire sur des critères actualisés et indiscutables, que l'utilisation des crédits devait être mieux évaluée et que la décentralisation des crédits vers les conseils généraux prévue dans le projet de loi sur l'eau s'imposait réellement.

Par ailleurs, M. Paul Loridant, rapporteur spécial, a présenté les articles rattachés. Il a indiqué que les articles 50, 51, 54, 55 et 56 étaient des articles de récapitulation de crédits. Il a proposé d'adopter l'article 52, modifiant la nomenclature des dépenses du compte d'affectation spéciale n° 902-24 « compte d'affectation des produits de cessions de titres, parts et droits de sociétés » pour permettre de verser des dotations en capital à des fondations de recherche reconnues d'utilité publique, et il a proposé de réserver l'article 53, modifiant la nomenclature des dépenses du compte d'affectation spéciale n° 902-25 « fonds d'intervention pour les aéroports et le transport aérien » (FIATA) pour permettre de verser des dotations aux collectivités locales d'outre-mer au titre de la continuité territoriale. Il a souligné que cette disposition constituait une construction budgétaire complexe, juridiquement incertaine et économiquement contestable, souhaitant que les débats en séance publique à l'Assemblée nationale puissent éclairer la commission.

Un large débat s'est ensuite engagé.

M. Jean Arthuis, président, a souhaité qu'un débat puisse avoir lieu sur l'intégration des recettes de cession de patrimoine aux recettes fiscales courantes.

M. François Trucy s'est interrogé sur la rebudgétisation du fonds national de développement pour les adductions d'eau et sur ses conséquences budgétaires pour les collectivités locales.

M. Jean-Philippe Lachenaud a indiqué qu'il était opposé à la suppression de l'article 53 relatif à la dotation de continuité territoriale du fonds d'intervention pour les aéroports et le transport aérien. Il a rappelé que les reports sur le fonds national de développement pour les adductions d'eau avaient souvent été provoqués par les retards de paiement de l'Etat.

En réponse, M. Paul Loridant, rapporteur spécial, a fait observer que l'article 53 n'était pas conforme aux engagements pris à l'occasion des débats sur la loi d'orientation pour l'outre-mer. Il s'est déclaré en accord avec le constat du retard pris chaque année par l'Etat quant au financement des dossiers d'adduction d'eau. Il a expliqué, pour cette raison, sa préférence pour une décentralisation du fonds national pour le développement des adductions d'eau.

M. Jean Arthuis, président, a indiqué que grâce à la décentralisation, il n'y aurait plus qu'une ligne de crédits dans le budget des conseils généraux pour le financement de la politique de l'eau.

M. Michel Moreigne a souhaité que soient préservés les conventions et les contrats en cours avec le fonds national pour le développement des adductions d'eau.

En réponse, M. Paul Loridant, rapporteur spécial, a admis qu'il faudrait veiller au suivi des contrats de plan jusqu'à leur réalisation.

A l'issue de ce débat, la commission a décidé de proposer au Sénat d'adopter le budget des comptes spéciaux du Trésor pour 2004 ainsi que les articles de récapitulation 50, 51, 52, 54, 55 et 56 dans la rédaction qui résultera du vote du Sénat en première partie. Elle a par ailleurs décidé d'adopter sans modification l'article 52 et de réserver sa position sur l'article 53 rattaché.

PJLF pour 2004 - Crédits de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer : Services communs - Examen du rapport spécial

Puis la commission a examiné les crédits de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer : I. Services communs, sur le rapport de M. Paul Girod, rapporteur spécial.

En introduction, M. Paul Girod, rapporteur spécial, a indiqué que les crédits du fascicule "services communs" du ministère de l'équipement seraient de 4,27 milliards d'euros pour 2004, soit une quasi-stabilité par rapport à 2003. Il a rappelé que ces crédits correspondaient aux dépenses de personnel et de fonctionnement de l'ensemble du ministère de l'équipement.

Puis il a présenté ses principales observations.

Il a tout d'abord indiqué que le ministère engageait un nouvel effort significatif de réduction de ses effectifs. Il a rappelé que pour 2004, le budget des services communs enregistrerait 1.021 suppressions nettes d'emplois. Il s'agissait de l'effort de réduction le plus important depuis 1996 et la troisième plus importante réduction de postes après celle du ministère de l'enseignement scolaire (3.550 emplois supprimés) et du ministère de l'économie et des finances (2.002 emplois supprimés).

Il a précisé que les 1.121 suppressions d'emplois porteraient sur 100 emplois contractuels et 1.021 emplois de titulaires et que 100 créations d'emplois concerneraient les inspecteurs du permis de conduire et de la sécurité routière, témoignant de la priorité affichée par le Président de la République et le gouvernement.

Il a ajouté que l'effort de contraction de la dépense s'expliquait par la baisse des effectifs, mais également par la modération de la revalorisation des rémunérations qui s'élèvera à 0,45 % des dépenses de personnel en 2004.

Il a rappelé, s'appuyant sur le constat de la Cour des comptes, que le budget des services communs était extrêmement rigide, le poids des services votés étant proche de 100 % des crédits et la « marge de manoeuvre » réduite, sauf à réformer l'organisation du ministère. Enfin, il a noté que le ministère faisait un effort de clarification budgétaire en 2004, puisque trois fonds de concours étaient budgétisés, pour un ensemble de crédits de 3,5 millions d'euros.

Le rapporteur spécial a ajouté que les dépenses de fonctionnement du ministère de l'équipement faisaient l'objet, depuis plusieurs années déjà, de mesures d'économies. L'an passé, les services du ministère indiquaient que les moyens de fonctionnement mis à disposition des services avaient atteint des seuils qu'il n'était plus possible de franchir. Pour 2004, les services du ministère continuaient de juger la situation préoccupante, notamment dans les services déconcentrés.

M. Paul Girod, rapporteur spécial, a indiqué que l'incontestable pression exercée sur le ministère de l'équipement concernant ses coûts de fonctionnement conduisait à développer la maîtrise de la dépense, avec des résultats certains, mais que les marges de progrès en la matière lui semblaient s'amoindrir considérablement.

Ensuite, il a précisé qu'il avait souhaité faire le point sur le suivi, par le ministère de l'équipement, des transports et du logement, des observations de la Cour des comptes sur la gestion des effectifs.

Il a précisé qu'il avait interrogé le ministère, sous forme de deux questionnaires envoyés le 27 mars et le 23 juin 2003 et qu'il avait rencontré le nouveau directeur du personnel, des services et de la modernisation du ministère.

Il a expliqué que le résultat de son contrôle faisait ressortir plusieurs points positifs, plusieurs mesures ayant été prises par l'administration pour répondre aux critiques de la Cour des comptes, comme la régularisation d'emplois contractuels, l'inscription de crédits budgétaires, la régularisation de régimes indemnitaires. Il a ajouté que des mesures étaient encore en cours de mise en oeuvre, par exemple la réduction du nombre d'emplois transférés en cours de gestion ou la prise en compte de situations particulières comme les agents de la SNCF en poste à l'Agence nationale d'amélioration de l'habitat (ANAH).

Cependant, il a expliqué que sur de nombreux points, des progrès restaient à faire notamment pour mieux distinguer les emplois des établissements publics alors que le ministère invoquait largement leur autonomie de gestion, ou pour mieux gérer les agents. Le projet « Ressources Humaines Complètes, Informatisées et Territorialisées » (REHUCIT) qui visait à améliorer la gestion des compétences et des formations et à permettre une  fongibilité des ressources ne pourrait être opérationnel, pour ses fonctions essentielles, avant 2005.

Enfin, concernant la situation des ouvriers des parcs, il a considéré que leur régime indemnitaire restait opaque et leur mode de rémunération particulier, sous la forme d'un compte de commerce, si bien que le ministère gagnerait à engager une vraie réflexion sur cette question dans la perspective de la mise en oeuvre de la loi organique du 1er août 2001 sur les lois de finances (LOLF) qui imposait de revoir la situation des comptes de commerce.

Enfin, il a expliqué que les bases de données dont disposait le ministère ne pouvaient, en leur état actuel, servir pour alimenter les indicateurs exigés par la LOLF, dans la mesure où il s'agissait plutôt d'outils statistiques que d'indicateurs de performance.

En dernier lieu, il a considéré que l'application de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF) et la décentralisation devraient être de puissants leviers de réorganisation pour le ministère.

Concernant la mise en place de la LOLF, il a précisé que les moyens du ministère seraient présentés, en 2006, autour de cinq missions. Les projets du ministère contenaient deux orientations importantes. D'une part, pour la construction de ses programmes, le ministère proposait de donner au futur responsable de programme l'ensemble des moyens humains et financiers concourant à sa politique. Chaque gestionnaire aurait ainsi à répondre de ses performances et devrait être entièrement responsable, non seulement de ses crédits d'intervention ou d'investissement, mais également de sa gestion des ressources humaines. Il faudrait simplement voir quelles seraient les conséquences de cette responsabilité. D'autre part, la mise en place des missions et des programmes devrait conduire à un regroupement de services et à une mise en cohérence de l'administration centrale du ministère, qui comportait actuellement seize directions.

Au-delà, et parce que la réforme de la LOLF était menée parallèlement à la décentralisation, M. Paul Girod a déclaré que la réorganisation des services déconcentrés du ministère paraissait inévitable.

S'agissant de la décentralisation, il a expliqué que d'importantes interrogations persistaient quant aux modalités de transfert du personnel du ministère résultant du transfert de la majorité des routes nationales aux départements. Pendant une période transitoire, une solution consisterait dans la mise à disposition des services correspondants, suivie d'une phase définitive de transfert des services.

M. Paul Girod, rapporteur spécial, a indiqué avoir interrogé les services du ministère concernant le nombre de personnes travaillant dans le domaine de la route sur le réseau national qui seraient transférées aux collectivités territoriales. Tout en soulignant que la définition du réseau transféré n'était, à ce jour, pas arrêtée, le ministère a estimé que, en prenant en compte le transfert des moyens mobilisés sur les routes départementales et sur la part de routes nationales transférées, hormis les parcs de l'équipement, 29.000 équivalent temps plein (ETP) seraient concernés. Par ailleurs, le ministère estimait que 9.160 ETP étaient mobilisés pour l'entretien et l'exploitation des routes nationales en 2001.

En conclusion, il a indiqué que budget des services communs du ministère de l'équipement serait stable en 2004 en raison d'un effort significatif de réduction des effectifs concernant 1.021 emplois. Cet effort traduisait la volonté du ministère de s'engager dans la voie de la réforme, qui ne pourrait être complète qu'avec la mise en oeuvre de deux réformes essentielles : la décentralisation d'une partie de ses activités concernant les routes, mais également le logement, et la réorganisation du ministère autour de programmes et de missions. Il a enfin indiqué à la commission être en attente d'une étude sur l'impact budgétaire de l'application de la réduction du temps de travail dans le ministère.

Un débat s'est alors ouvert.

M. Jean Arthuis, président, a souligné les importants enjeux auxquels serait confronté le ministère de l'équipement, des transports et du logement à compter de 2004, avec un transfert de personnel aux départements et une nécessaire réorganisation administrative conduite en parallèle avec la mise en place des programmes et missions prévus par la LOLF. Il a déclaré que ce serait un sujet d'interrogation pour l'audition du ministre le 18 novembre prochain.

M. Maurice Blin a interrogé le rapporteur spécial sur la manière dont le ministère parvenait à supprimer 1.021 emplois, et sur le nombre total d'emplois de ce ministère.

M. Paul Girod, rapporteur spécial, a répondu que le ministère enregistrait plus de 3.000 départs à la retraite par an et qu'un certain nombre de postes supprimés correspondaient à des emplois vacants. Il a précisé que le ministère compterait 97.298 agents en 2004.

M. Jean-Philippe Lachenaud a déclaré que le ministère de l'équipement, des transports et du logement avait toujours été « pionnier » en matière de réduction de ses effectifs et pour la réorganisation de ses services déconcentrés. Il a rappelé que le dernier mouvement de décentralisation avait conduit à des solutions très différenciées selon les départements et s'est déclaré en conséquence peu étonné du manque de précision sur le nombre de personnes à transférer aux départements. M. Paul Girod, rapporteur spécial, a répondu qu'il y avait en tout état de cause nécessité d'y voir plus clair dans les modalités du transfert aux collectivités territoriales, et que cette clarté pourrait être améliorée grâce à la réorganisation de l'administration centrale du ministère.

M. Jean Arthuis, président, a indiqué que la qualité d'expertise et l'autorité des directions départementales de l'équipement étaient aujourd'hui soumises à rude épreuve, du fait notamment de certaines difficultés de recrutement. Il a estimé que les agents étaient dans une situation délicate, ne connaissant pas le devenir de leurs services, et que cette situation temporaire ne devait pas durer trop longtemps. Il a approuvé l'idée de M. Jean-Philippe Lachenaud selon laquelle des solutions différentes devraient être trouvées en fonction des réalités locales.

M. Bernard Angels s'est déclaré en accord avec les positions du président Jean Arthuis. Il a estimé que l'articulation entre le projet de loi relatif aux responsabilités locales et le projet de loi de finances n'était pas facile à comprendre. Il a indiqué que les collectivités locales n'obtenaient parfois plus de réponse des directions départementales de l'équipement, et que certaines communes devaient, de plus en plus, recourir à des bureaux d'étude privés. Il a estimé que les pouvoirs publics n'avaient pas encore trouvé la place du ministère chargé de l'équipement dans la décentralisation. Il a enfin dit craindre la « mise sous tutelle » des communes, du fait des transferts de compétences et de moyens aux structures intercommunales et aux départements.

A l'issue de ce débat, après que M. Paul Girod, rapporteur spécial, eut exprimé un avis favorable à l'adoption de ces crédits, la commission a réservé son vote jusqu'à l'audition du ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer, le mardi 18 novembre 2003.

PJLF pour 2004 - Crédits de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer : Urbanisme et logement - Examen du rapport spécial

Puis la commission a examiné les crédits de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer : II. Urbanisme et logement, sur le rapport de M. Paul Girod, rapporteur spécial.

En introduction, M. Paul Girod, rapporteur spécial, a expliqué que pour 2004, le budget de l'urbanisme et du logement serait de 6,7 milliards d'euros en moyens de paiement, soit une diminution de près de 9 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2003, cette baisse s'expliquant pour l'essentiel par une forte réduction des crédits d'investissement.

Puis il a présenté ses principales observations.

Il a tout d'abord expliqué que le projet de loi de finances pour 2004 faisait apparaître pour le budget du logement d'importantes diminutions de crédits, jusqu'à 25 % pour les dépenses en capital, en crédits de paiement, mais il a tenu à souligner combien la comparaison traditionnelle de loi de finances initiale à loi de finances initiale avait peu de sens. Ainsi, il a rappelé que les huit premiers mois de l'exécution du budget 2003 montraient de nombreux mouvements de crédits sous forme de reports, d'annulations ou de gels, les crédits disponibles pour les investissements s'étant révélés sensiblement inférieurs en réalité aux crédits votés en 2003.

En deuxième observation, M. Paul Girod, rapporteur spécial, a abordé la question des aides personnelles au logement. Il a rappelé que depuis 1997, le nombre de bénéficiaires de ces aides s'était stabilisé et que le versement des employeurs, qui finançaient à hauteur de 60 % les aides personnelles au logement, avait fortement progressé. L'Etat avait ainsi pu financer la réforme des aides personnelles qui avait consisté en la mise en place d'une aide identique jusqu'au niveau de revenu correspondant au revenu minimum d'insertion (RMI).

Il a rappelé que dans la dernière loi de finances, des mesures d'économies sur les barèmes avaient été annoncées. Une de ces mesures consistait à créer des planchers spécifiques pour les couples d'étudiants, afin d'harmoniser leur situation avec celle des colocataires. Les décrets d'application avaient été publiés en juin et juillet 2003. Le gouvernement avait cependant suspendu cette mesure en septembre 2003 dans l'attente des conclusions d'un rapport demandé à M. Jean-Paul Anciaux, député, sur le logement et les aides aux étudiants.

Il a ajouté que, pour 2004, le gouvernement annonçait de nouvelles mesures d'économie, pour un gain budgétaire de 185 millions d'euros, mais qu'il n'avait pu en obtenir le détail, dans la mesure où les arbitrages n'étaient pas encore rendus.

Enfin, il a souhaité que se mettent rapidement en place deux réformes : la simplification du circuit de financement et la prise en compte des fichiers fiscaux pour le calcul des aides personnelles. S'agissant du premier point, il s'est réjoui de l'annonce prochaine de la fusion des deux fonds qui géraient les aides personnelles (fonds national d'aide au logement et fonds national de l'habitation). S'agissant du second point, il a souhaité que cette réforme qui visait à la simplification administrative par la suppression de cinq millions de déclarations puisse s'appliquer au 1er janvier 2005.

Puis M. Paul Girod, rapporteur spécial, a commenté l'évolution des crédits en faveur du logement locatif social.

Il a rappelé que le ministère annonçait que, malgré sa diminution, la dotation en faveur de l'investissement locatif social pour 2004 devrait permettre la réalisation de 80.000 logements.

Il a donné plusieurs explications à cet apparent paradoxe.

Il a relevé, tout d'abord, que l'objectif de 80.000 logements ne recouvrait pas les seuls logements financés grâce au budget de l'Etat. Ils comprenaient non seulement les traditionnels logements subventionnés par des « prêts locatifs à usage social » (PLUS) et des « prêts locatifs aidés d'intégration » (PLA-I) mais aussi des logements aidés par des prêts locatifs sociaux (PLS) qui ne bénéficiaient pas de subvention directe, mais d'aides fiscales, comme l'application de la TVA à taux réduit, ou l'exonération de taxe foncière sur les propriétés bâties. Il a ajouté que l'objectif de 80.000 nouveaux logements sociaux comprenait également les logements financés par la nouvelle agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU) et les logements intermédiaires de l'association foncière du 1 % logement.

M. Paul Girod, rapporteur spécial, a ensuite précisé que la deuxième explication de la baisse des crédits en matière de construction sociale, malgré les objectifs ambitieux, était la baisse du taux du livret A.

Il a, en effet, rappelé que la subvention de l'Etat représentait en moyenne entre 7 % et 14 % des plans de financement, alors que les prêts sur fonds d'épargne de la Caisse des dépôts et consignations en représentaient respectivement 67,3 % et 31,8 %. Ainsi, il a souligné que les seules évolutions du budget de l'Etat ne permettaient pas de mesurer l'ampleur des aides publiques à la construction sociale, les avantages de taux étant supérieurs aux aides budgétaires. Il a ajouté que les subventions budgétaires moyennes devraient diminuer en 2004, pour atteindre environ 3.000 euros. Cette diminution serait cependant intégralement compensée, selon le ministère chargé du logement, par l'effet de la baisse du livret A.

Enfin, rappelant la crainte des organismes de logements sociaux qu'une évolution à la hausse du taux du livret A dans les années à venir ne réduise l'avantage obtenu cette année, il a estimé que les objectifs de construction sociale ne pourraient être atteints en 2004 qu'à la condition d'une mobilisation de tous les acteurs et d'une mise en place rapide du programme de rénovation urbaine.

S'agissant des opérations de rénovation, compte tenu de la généralisation de la TVA à taux réduit sur l'ensemble des travaux d'amélioration du parc HLM et des moyens budgétaires consacrés à la prime à l'amélioration des logements à usage locatif et à occupation sociale dite « PALULOS », il a indiqué que le ministère chargé du logement estimait que les organismes disposaient de moyens suffisants pour entretenir leur parc.

Il a rappelé que l'an dernier avait été annoncée la distribution de 100.000 PALULOS. Il a estimé peu probable que cet objectif soit atteint, même s'il était reconduit pour 2004, 60.000 rénovations devant se situer en zone urbaine sensible.

Enfin, M. Paul Girod, rapporteur spécial, a rappelé qu'il avait proposé en 2003 d'améliorer la réflexion en matière d'accession sociale à la propriété, en relevant que le nombre de ventes de logements HLM au niveau national était excessivement réduit.

Il s'est félicité du fait que pour 2004, le ministère chargé du logement mettait en place un nouveau prêt, le prêt social location accession (PSLA) qui devrait permettre à 5.000 ménages d'accéder à la propriété après une phase locative de l'ordre de quatre ans.

Ensuite, M. Paul Girod, rapporteur spécial, a précisé les enjeux du programme national de rénovation urbaine défini par la loi du 1er août 2003 dans les zones urbaines sensibles.

Il a rappelé que son collègue Eric Doligé avait mis en valeur les objectifs ambitieux assignés à l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU) avec un programme moyen de 40.000 constructions, démolitions et réhabilitations par an sur la période 2004-2008. Il s'est réjoui que les objectifs associés au présent projet de loi de finances soient inférieurs à cette moyenne théorique : l'ANRU devrait démolir 20.000 logements en 2004 dans les ZUS et un nombre équivalent serait produit.

Puis M. Paul Girod, rapporteur spécial, a évoqué l'aide à la pierre dans le logement privé, avec les crédits disponibles pour le prêt à taux zéro et pour l'agence nationale d'amélioration de l'habitat (ANAH).

Il a rappelé que depuis 1997, de nombreuses mesures avaient été prises pour limiter le coût du prêt à taux zéro, leur nombre s'étant ainsi fortement réduit, passant de 123.000 prêts émis en 1997 à 102.000 en 2002, et les deux premiers trimestres de 2003 montrant une tendance à la baisse assez marquée, de l'ordre de 7 %.

Il a expliqué que de nouvelles économies étaient prévues sur le prêt à taux zéro en 2004. Tout d'abord, en positif, le gouvernement avait décidé l'allongement de la durée du différé de remboursement pour les ménages disposant des revenus les plus bas, cette disposition étant en partie compensée par le raccourcissement de la durée concernant les ménages ayant les plus hauts revenus du barème. Ensuite, en négatif, le gouvernement procédait à la modification des règles de prise en compte des ressources. Jusqu'à présent, il était tenu compte des revenus perçus les deux années précédant la demande du prêt : il avait été décidé de prendre, désormais, comme référence les revenus de l'année n-1.

Il a expliqué que cette mesure visait plus particulièrement les personnes entrant dans la vie active, qui étaient non imposables ou faiblement imposables deux ans auparavant. Il s'agissait donc d'éliminer une forme « d'effet d'aubaine », même si cet effet avait l'avantage de donner une incitation à de jeunes ménages à accéder à la propriété rapidement.

Il a en effet noté que ce « recalibrage » du prêt à taux zéro était particulièrement fort, puisque les dotations chuteraient d'environ un tiers en 2004. Il a estimé qu'il ne pourrait pas ne pas avoir d'effet sur le nombre total de prêts distribués et sur l'accession sociale à la propriété, dont un rapport de l'inspection générale des Finances et du Conseil général des ponts et chaussées avait pourtant démontré l'intérêt.

Concernant l'ANAH, M. Paul Girod, rapporteur spécial, a rappelé que depuis la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains, son intervention avait été étendue au financement des travaux réalisés par les propriétaires-occupants.

Il a ajouté que les parlementaires avaient été, à plusieurs reprises, amenés à proposer d'abonder la ligne budgétaire. Lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2003, l'Assemblée nationale avait obtenu du gouvernement un amendement pour revaloriser de 30 millions d'euros le budget de l'agence.

Cependant, il a fait valoir qu'en exécution, compte tenu des annulations et des gels de crédits, la dotation avait encore été réduite, ce qui effaçait les hausses votées en loi de finances initiale. Il a estimé que dans ces conditions, la dotation affectée à l'ANAH pour 2004 tenait plutôt de la sincérité budgétaire que de la réduction réelle de moyens.

Il a précisé que la contrainte de moyens à laquelle était soumise l'ANAH réduisait ses capacités réelles d'intervention, comme en témoignait la baisse constante de logements subventionnés par l'agence. Il a relevé que la gestion budgétaire de l'année 2003 avait été particulièrement heurtée, avec une distorsion croissante entre le nombre de dossiers éligibles à des subventions et les crédits réellement disponibles. Une modification de la réglementation concernant les travaux éligibles aux subventions de l'ANAH est en cours et devrait permettre en 2004 de diminuer cette distorsion entre les demandes et les moyens.

Il a souligné que le choix était clairement fait de réduire le périmètre d'intervention de l'agence, ceci s'expliquant sans doute par les suites du rapport de la Cour des comptes qui avait mis en cause l'efficacité de la politique menée par cet établissement public, mais aussi par la prise en compte, avec retard, de l'impact de la réduction du taux de TVA pour les travaux dans les logements d'habitation, dont le coût était significatif pour l'Etat.

En dernière observation, M. Paul Girod, rapporteur spécial, a abordé deux voies de réforme de la politique du logement : la décentralisation et l'application de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF).

Il a rappelé que la politique du logement social et celle du logement pour les étudiants seraient réorganisées par le projet de loi relatif aux responsabilités locales. En outre, la politique du logement social ferait l'objet d'une délégation de compétences aux structures intercommunales d'agglomération pour la gestion des aides à la pierre, alors que les départements se verraient confier la pleine responsabilité de tous les fonds de solidarité logement (FSL) ainsi que celle du logement des étudiants.

S'agissant de la mise en oeuvre de la LOLF, il a rappelé que le ministère avait décidé d'expérimenter, en 2003, la fongibilité des crédits du chapitre 65-48 affectés au logement locatif social, trois régions étant choisies comme terrains d'expérimentation - Rhône-Alpes, Pays de la Loire et Nord-Pas-de-Calais. En 2004, cette expérimentation serait généralisée à l'ensemble du territoire.

En conclusion, M. Paul Girod, rapporteur spécial, a indiqué que le budget du logement pour 2004 affichait une réduction sensible des crédits qui pouvait laisser à penser que l'investissement avait été délaissé. Cependant, il a observé que cette réduction de crédits s'expliquait en grande partie, pour le logement social, d'un côté, par l'impact de la réduction du taux du livret A et de l'autre, par la montée en charge de nouveaux opérateurs de la politique du logement alimentés par des contributions financières externes au budget de l'Etat.

Concernant le logement privé, il a noté la montée en charge des aides fiscales, qu'il s'agisse de la TVA à taux réduit pour la rénovation des logements ou du nouveau dispositif en faveur du logement locatif privé dit « dispositif Robien », ce qui expliquait, sans aucun doute, la contraction des aides budgétaires en faveur de l'Agence nationale d'amélioration de l'habitat. Il s'est réjoui que, pour 2004, la situation soit stabilisée, après une gestion particulièrement difficile en 2003.

S'agissant de l'évolution des crédits en faveur du prêt à taux zéro, qui avaient montré leur utilité pendant les périodes de faible conjoncture, pour « doper » l'accession à la propriété, il a estimé l'orientation plus préoccupante et il a souhaité le maintien d'une aide à l'accession à la propriété dans une période de relatif ralentissement de l'activité immobilière.

Enfin, rappelant que les crédits des aides personnelles pour 2004 connaissaient une modération certaine, il a regretté l'absence d'indications sur les économies à réaliser, et il a craint que le moindre dynamisme des cotisations employeurs conduise à devoir abonder la ligne budgétaire.

Un débat s'est alors ouvert.

M. Jean Arthuis, président, a relevé qu'un enjeu important en matière de construction sociale serait le budget consacré à l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU). A ce titre, M. Eric Doligé, rapporteur spécial des crédits de la ville, a indiqué qu'il donnerait toutes les précisions utiles lors de sa présentation du budget de la ville.

M. Jean-Yves Mano, rapporteur pour avis des crédits du logement au nom de la commission des affaires économiques, a salué la présentation faite par le rapporteur spécial, compte tenu de la difficulté à présenter le budget du logement pour 2004 sous un aspect positif. Il a estimé que les aides personnelles au logement seraient « sacrifiées » l'an prochain, alors même que la situation économique se dégradait et que l'évolution des barèmes ne suivrait pas la hausse des loyers. S'agissant du logement locatif social, il a dénoncé un effet d'affichage, puisque 80.000 nouveaux logements devaient être produits alors que les aides budgétaires chutaient de 8 %. Il a déclaré que l'Etat ne tenait pas aujourd'hui ses engagements en matière de financement de la construction sociale, les crédits de paiement ne parvenant pas aux opérateurs. Concernant l'effet de la baisse du taux du livret A, il a expliqué que l'avantage immédiat était réduit, mais qu'il s'apprécierait dans le temps, alors que les organismes sociaux devraient financer l'ANRU pour 30 millions d'euros dès 2004. Concernant les crédits affectés au prêt à taux zéro, il a relevé qu'ils chutaient de 25 % et empêcheraient de jeunes couples d'accéder à la propriété. Enfin, il s'est déclaré très inquiet sur le devenir de l'agence nationale pour l'amélioration de l'habitat (ANAH). En conclusion, il a estimé qu'il existait une vraie crise en France, et que le budget du logement proposé par le gouvernement ne permettrait pas d'y répondre.

M. Marc Massion a évoqué les déplacements du Président de la République à Valenciennes et les très importantes promesses faites en matière de rénovation urbaine. Il a estimé qu'il y avait contradiction entre ces promesses et les crédits consacrés au logement pour 2004.

M. Jean Arthuis, président, a rappelé que dans un contexte budgétaire difficile, le gouvernement cherchait à accroître ses objectifs tout en maîtrisant la dépense publique, grâce à la mobilisation des acteurs extérieurs.

A l'issue de ce débat, après que M. Paul Girod, rapporteur spécial, eut exprimé un avis favorable à l'adoption de ces crédits, la commission a réservé son vote jusqu'à l'audition du ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer, le mardi 18 novembre 2003.

Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2004 - Demande de saisine pour avis et désignation d'un rapporteur pour avis

La commission a décidé, sous réserve de son adoption par l'Assemblée nationale et de sa transmission, de se saisir pour avis du projet de loi n° 1106 (AN-XIIème législature) relatif au financement de la sécurité sociale pour 2004, et a désigné M. Adrien Gouteyron, rapporteur pour avis sur ce projet de loi.

Audition de M. Jean-Claude Trichet, Gouverneur de la Banque de France, à la veille de sa prise de fonctions à la tête de la Banque centrale européenne

- Présidence conjointe de M. Hubert Haenel, président de la délégation du Sénat pour l'Union européenne, de M. Jacques Oudin, vice-président, puis de M. Jean Arthuis, président de la commission des finances.

Au cours d'une deuxième séance tenue dans l'après-midi, la commission, ainsi que la délégation du Sénat pour l'Union européenne, ont procédé à l'audition de M. Jean-Claude Trichet, Gouverneur de la Banque de France, à la veille de sa nomination à la Banque centrale européenne.

Après avoir félicité M. Jean-Claude Trichet pour sa nomination à la présidence du Conseil des Gouverneurs et du Directoire de la Banque centrale européenne (BCE), M. Hubert Haenel, co-président, a recensé les questions qui s'adressaient aujourd'hui à la banque centrale européenne (BCE) et, plus généralement, à la politique économique de la zone euro : au-delà de sa mission de gardien de la stabilité des prix, la BCE ne devrait-elle pas soutenir les politiques économiques pour contribuer à la croissance et à l'emploi ? Comment s'assurer qu'elle soit soumise à un contrôle démocratique correspondant à l'importance de son rôle ? Quelle serait la meilleure gouvernance économique pour la zone euro, notamment au regard des propositions de la Convention ? La reprise dans la zone euro est-elle pour bientôt ? Quelles seront les conséquences de l'élargissement et, notamment, parmi les nouveaux Etats, quels sont ceux qui sont susceptibles d'adhérer à l'euro dans les meilleurs délais ? Le pacte de stabilité est-il adapté à des périodes de ralentissement de la croissance ? Une réduction drastique des déficits français et allemand, comme le souhaitent certains de nos partenaires, n'aurait-elle pas des conséquences néfastes pour ceux-ci ? La règle brute des 3 %, applicable à tout le monde, n'est-elle pas trop rigide compte tenu des différences de situations au regard du budget européen, par exemple entre l'Espagne et l'Allemagne.

De même, M. Jacques Oudin, vice-président de la commission des finances, co-président s'est félicité de ce qu'un Français prenne la présidence de la Banque centrale européenne, même s'il l'assurerait comme européen et non comme Français, puis il a souligné les trois défis auxquels M. Jean-Claude Trichet serait confronté : d'abord celui de la croissance, l'Europe restant à la traîne ; ensuite celui de l'ampleur des déficits publics ; enfin celui des réformes que tous les pays européens devaient mettre en oeuvre pour surmonter les blocages structurels qui pèsent sur la croissance.

En réponse, M. Jean-Claude Trichet a tout d'abord rappelé qu'il s'était toujours réjoui, ces dix dernières années, du fait que le Sénat avait prévu dans la loi de 1993 relative au statut de la Banque de France la faculté de demander, à tout moment, d'en entendre le Gouverneur pour qu'il s'explique sur sa politique monétaire ou sur la conjoncture, les contacts permanents entre la Banque de France et le Sénat ayant été infiniment précieux pour la Banque de France.

Il a également rappelé que les objectifs donnés à la Banque centrale européenne - comme d'ailleurs à la Banque de France et à l'ensemble des banques centrales nationales de la zone euro - avaient été longuement discutés en 1992 et en 1993 au moment de la négociation du traité de Maastricht et de la loi précitée relative à la Banque de France, et que le raisonnement des négociateurs et de ceux qui avaient ratifié ces décisions - les parlements ou les peuples - avait été le suivant : l'objectif de la stabilité monétaire ne visait pas à satisfaire une position orthodoxe ; il répondait au constat que cet objectif était bon pour la croissance et la création d'emplois et qu'il était même une condition nécessaire - mais non suffisante - de la croissance et de la création d'emplois.

Il a précisé que la confiance dans la stabilité de la monnaie permettait, en effet, de minimiser les taux d'intérêt de marché dans un système ouvert où la concurrence entre les monnaies et entre les instruments financiers était totale, ce raisonnement ayant été vérifié dans le cas français, puisque, juste avant la création de l'euro, la France était parvenue à avoir les taux d'intérêt de marché à dix ans les plus bas d'Europe, en l'espèce plus bas que les taux allemands et à égalité avec ceux des Pays-Bas.

Il a ajouté que la consommation des ménages dépendait beaucoup de la confiance qu'ils avaient dans leur monnaie et de la préservation de leur pouvoir d'achat, donc de la faible inflation, cette dernière signifiant aussi une faible progression des coûts unitaires de production, donc le maintien et la préservation de la compétitivité des entreprises.

Il a conclu qu'il n'y avait donc pas de contradiction entre la stabilité monétaire, la croissance et la création d'emplois, mais au contraire une nécessaire complémentarité.

Rappelant que l'on pouvait se demander pourquoi les Etats-Unis avaient fixé trois objectifs à leur politique monétaire, à savoir la stabilité des prix, la croissance et la création d'emplois, M. Jean-Claude Trichet a exposé, qu'en réalité, le président de la Réserve fédérale affirmerait comme lui que la stabilité des prix était une condition nécessaire de la croissance et de la création d'emplois, et que le Parlement américain avait voulu être aussi précis que possible en dressant la liste des objectifs dont la stabilité des prix facilitait l'obtention, sans fixer pour autant des objectifs contradictoires entre lesquels la Réserve fédérale aurait à arbitrer.

Il a ajouté qu'il n'était d'ailleurs pas vraisemblable qu'une grande démocratie puisse confier à une institution composée de personnalités non élues et indépendantes du pouvoir politique le soin d'arbitrer entre croissance et création d'emplois d'un côté, stabilité monétaire de l'autre, seule une autorité politique, la Maison-Blanche ou le Congrès, pouvant disposer de ce pouvoir, dans l'hypothèse où il y aurait à arbitrer entre ces deux objectifs.

Il a estimé que le raisonnement américain n'était, en fait, pas éloigné du raisonnement européen, non seulement pour la zone euro, mais aussi, notamment, pour le Royaume-Uni, qui donnait à sa banque centrale pour seul objectif celui de la stabilité des prix, ce qui ne semblait pas lui nuire en matière de croissance ou de création d'emplois.

Il a exposé que le concept adopté aussi par la politique monétaire britannique - celui du « ciblage direct de l'inflation » - confiait à la Banque Centrale l'objectif premier de la stabilité des prix et seulement celui-là, tout en précisant que la stabilité des prix était une condition nécessaire, mais qu'elle n'était naturellement pas la condition suffisante à elle seule pour obtenir croissance robuste et création d'emplois soutenue.

Il a ajouté que le Conseil des Gouverneurs avait récemment clarifié le concept de la politique monétaire de la Banque centrale européenne, en déterminant que la stabilité des prix correspondait à une évolution de l'inflation de moins de 2 %, mais de près de 2 %, l'ancrage des anticipations d'inflation à long terme, par exemple pour les obligations indexées sur l'évolution des prix à long terme, ayant d'ailleurs évolué, depuis la création de l'euro, entre 1,7 et 2 %.

Il a répété que la BCE n'avait donc pas l'obsession de l'inflation zéro ou de l'inflation aussi basse que possible, et n'avait pas de complaisance à l'égard de la déflation puisqu'elle se satisfaisait d'une inflation en-dessous de 2 %, mais proche de 2 %.

Par ailleurs, il a rappelé que, pour arrêter ses décisions, le Conseil des Gouverneurs s'appuyait sur deux piliers : d'une part, l'ensemble des indicateurs avancés d'inflation à dix-huit mois, comme le faisait la Federal Reserve ; d'autre part, l'évolution de l'agrégat monétaire M3 qui était corrélée à l'évolution des prix à long terme, indépendamment de ses fluctuations à moyen terme. Il a précisé, à cet égard, que l'on devait, en effet, se préoccuper, non seulement des taux d'intérêt à court terme, mais aussi de bien ancrer les anticipations de taux d'intérêt à long terme (de l'ordre de dix ans), voire de très long terme, puisque certains Etats émettaient des obligations à trente ans.

S'agissant du contrôle démocratique de la Banque centrale européenne, comme d'ailleurs de l'ensemble des banques centrales nationales, il a indiqué que celui-ci lui semblait en Europe au moins aussi grand qu'aux Etats-Unis. Il a observé que le président de la BCE était ainsi aussi fréquemment auprès du Parlement que le président de la Réserve fédérale auprès du Congrès des Etats-Unis, en ajoutant que, si l'image projetée était différente, cela était dû exclusivement au fait que l'Europe avait des frontières linguistiques que les Etats Unis n'avaient pas.

Il a fait valoir, en outre, que toutes les décisions de la BCE étant prises collégialement et, chaque gouverneur ne disposant que d'une voix, indépendamment de la taille de son pays, chaque membre du Conseil des Gouverneurs pouvait venir expliquer de manière complète les décisions de la BCE devant son parlement national, car les contacts avec le pouvoir législatif étaient organisés en Europe au niveau à la fois des institutions européennes et des parlements nationaux, contrairement aux Etats-Unis où les contacts étaient essentiellement assurés au niveau fédéral.

Enfin, il a estimé que les contacts avec l'exécutif étaient également plus fréquents et sans doute beaucoup plus forts en Europe qu'aux Etats-Unis, puisque le président de la Banque centrale européenne invitait à chaque Conseil des Gouverneurs, soit deux fois par mois, le président de l'Eurogroupe - qui était le représentant de l'exécutif européen - et le Commissaire compétent - qui était le représentant de l'administration européenne responsable devant le Parlement européen - alors que, aux Etats-Unis, ni la Maison-Blanche, ni le secrétaire d'Etat au Trésor ne participaient aux réunions de l'Open Market Committee.

Il a jugé que le président de l'Eurogroupe et la Commission avaient donc une parfaite connaissance des raisonnements de la Banque centrale européenne, comme c'était d'ailleurs le cas en Allemagne et en France, et que la réciprocité existait, puisque le Gouverneur de la BCE participait aux réunions de l'Eurogroupe et qu'il avait ainsi la possibilité d'y faire connaître les analyses du Conseil des Gouverneurs de la BCE.

Il a souligné, par ailleurs, que la transparence de la BCE devait également être totale avec l'opinion publique, comme avec les agents économiques et les marchés, car, en dernière analyse, dans une grande démocratie, une institution politiquement indépendante était responsable devant l'opinion publique elle-même. Il a précisé que la BCE rendait ainsi publique, depuis le 1er janvier 1999, son appréciation de la situation et les raisons pour lesquelles elle baissait ou elle augmentait les taux d'intérêt, alors que les autres banques centrales ne le faisaient que cinq à six semaines après leurs décisions. A cet égard, il a ajouté que la BCE avait d'ailleurs eu raison, plus aucune banque centrale dans le monde ne prenant désormais une décision de politique monétaire sans l'expliquer immédiatement, au moins succinctement.

M. Jean-Claude Trichet a observé que la seule critique parfois adressée à la BCE en matière de transparence était liée à sa prudence s'agissant des votes nominatifs sur les décisions de politique monétaire. Il a indiqué qu'il s'agissait ainsi de marquer que l'entité pertinente de décision était le Conseil des Gouverneurs et que ses décisions n'étaient pas une addition de décisions individuelles, d'une part, que la BCE ne voulait pas non plus donner prise à des interprétations ou à des « gloses absurdes » qui seraient tirées des différentes nationalités présentes autour de la table du Conseil, d'autre part.

A cet égard, il a rappelé que chacun des membres du Conseil des Gouverneurs était, en fait, un expert qui votait en fonction, non pas de considérations nationales, mais de l'intérêt supérieur de trois cents millions d'Européens.

S'agissant de la gouvernance économique en relation avec les travaux de la Convention sur l'avenir de l'Europe, il a fait part de sa perplexité, observant que si tout le monde disait, en France, qu'il fallait plus d'exécutif européen, plus de gouvernance économique, on pouvait se demander si la France s'était montrée, dans les faits, si désireuse d'être réellement gouvernée par un « gouvernement économique européen » et si un gouvernement économique européen aurait estimé que les « trente-cinq heures » ou les déficits budgétaires représentaient d'excellentes idées.

Au total, il a constaté une certaine contradiction entre la revendication permanente française de vouloir plus de « gouvernement économique », et l'invocation fréquente, et d'ailleurs multipartisane, d'exceptions diverses.

Il a ajouté que l'Europe n'en avait pas moins vraiment besoin d'une meilleure coordination des gouvernements de la zone euro dans le domaine économique, en rappelant que cette zone partageait un destin commun avec la monnaie commune et que la politique monétaire unique constituait un ciment extrêmement fort qui devrait progressivement la conduire à mettre en place un niveau adéquat de coopération et de coordination économique, alors même qu'elle en était loin. Ainsi, il a jugé que toute grande décision de politique économique devrait pouvoir être prise en concertation pour vérifier qu'elle était bien « euro compatible ».

En matière de conjoncture, M. Jean-Claude Trichet a exposé que la Banque de France avait observé des signes de reprise après un an de stagnation, les réponses des chefs d'entreprise dans sa dernière enquête de conjoncture laissant à penser que la croissance serait de 0,5 % au quatrième trimestre 2003 par rapport au troisième trimestre, soit 2 % en croissance annualisée. Il a également évoqué une remontée de la confiance en Allemagne et en Italie, les signaux demeurant néanmoins encore contradictoires d'un mois sur l'autre.

Il a indiqué que les raisons de cette croissance ralentie tenaient d'abord aux cycles économiques qui n'avaient pas disparu, et que cela avait été une « erreur monumentale » de croire que la nouvelle économie permettrait de supprimer les fluctuations économiques. Il a ajouté que ces raisons tenaient aussi à ce que notre taux de croissance potentielle était modique, sans doute légèrement plus de 2 %.

Il a estimé que ce potentiel de croissance pourrait être plus élevé si des réformes étaient mises en oeuvre, ce qui était « facile à dire », mais beaucoup plus difficile à faire, l'arbitrage entre plus de protection et de sécurité pour ceux qui avaient un emploi, d'une part, et plus de croissance et de création d'emplois, d'autre part, étant d'ailleurs dans une grande démocratie, en dernière analyse, le choix du peuple souverain lui-même.

Il a ajouté qu'il n'était toutefois pas inéluctable que l'Europe connaisse une croissance plus faible que les autres zones économiques, d'autres ensembles continentaux ayant connu ce même problème et y avaient répondu avec des réformes structurelles pour retrouver une croissance forte. Il a relevé que le Conseil européen de Lisbonne de mars 2000 avait parfaitement exposé les raisons du retard de croissance de l'Europe et les réformes qu'il conviendrait de mener.

En conclusion, il a déclaré qu'il fallait sans doute encore plus de pédagogie pour faire comprendre à l'opinion publique que le monde évoluait très rapidement et que, si nous ne changions pas nous-mêmes, nous passerions à côté des grandes occasions qui nous étaient offertes d'avoir plus de prospérité et plus d'emplois.

Après avoir observé que la baisse du dollar présentait des effets différents pour l'Europe et pour les Etats-Unis, M. Marcel Deneux s'est ensuite interrogé sur le cours actuel de la monnaie américaine ; sur l'absence du mécanisme de la dévaluation, qui, en son temps, avait été un système de régulation efficace ; sur le cours actuel de la monnaie chinoise ; sur le solde de la balance des transactions courantes des Etats-Unis ; enfin sur la progression continue du taux d'épargne des Français et sur les conséquences de cette progression sur le moteur de la croissance qu'était la consommation.

S'agissant de la gouvernance économique, M. Xavier de Villepin a exprimé le sentiment que ceux qui croyaient en l'Europe seraient sensibles, à l'occasion des prochaines consultations européennes, à une meilleure coopération économique dans la zone euro. Il s'est inquiété de ce que l'impression prédominante était que l'Europe attendait la reprise en provenance des autres continents et n'était pas en mesure, par elle-même, de changer le cours des choses. Enfin, il s'est demandé si la reprise ne risquait pas d'être moins forte que prévue en raison des déséquilibres de l'économie américaine, puisque le déficit de la balance commerciale équivalait à 5 % du PIB et en raison de l'augmentation importante du déficit budgétaire.

Estimant que la communication venant des États-Unis en matière monétaire semblait être d'une autre nature que celle qui s'exprimait en Europe, M. René Trégouët a demandé quelles réformes pourraient être mises en oeuvre afin qu'il n'y ait plus de mauvaises interprétations des déclarations du Président de la BCE.

M. Jean Bizet a demandé si l'on pouvait imaginer que la reprise européenne ne soit plus un jour à la « remorque » de la reprise américaine ; si les problèmes structurels, dont souffrait cruellement la France, étaient la seule explication à cette situation ; et s'il existait par ailleurs une étanchéité totale entre la BCE et la Banque européenne d'investissement (BEI), dès lors qu'il semblait en effet indispensable, pour retrouver une certaine influence, que l'Europe puisse investir dans les domaines très innovants où elle avait pris du retard vis-à-vis des États-Unis.

M. Yves Fréville a demandé comment s'articulait la politique de change - s'il en existait une en dehors des marchés - avec les objectifs de politique monétaire de la BCE, dès lors que le niveau de change influait naturellement sur les prix par l'inflation importée et que les taux d'intérêt jouaient sur les changes. Il a également souhaité savoir si, par ailleurs, dans une zone aussi diversifiée que la zone européenne, on pouvait tenir compte des disparités de prix entre les pays dans l'adoption des décisions de politique monétaire.

Après avoir relevé que M. Jean-Claude Trichet avait établi une corrélation entre croissance et stabilité monétaire, alors que les « Trente Glorieuses » avaient ignoré la stabilité monétaire, M. Aymeri de Montesquiou a observé, s'agissant des taux d'intérêt, que l'endettement semblait aussi avoir une influence sur la croissance. Puis il a estimé, dans un autre ordre d'idées, que la représentation dans le Conseil des Gouverneurs de chaque banque nationale ouvrait quelques horizons pour la composition de la Commission européenne. Enfin, il a rappelé que beaucoup de parlementaires avaient affirmé, lors de débats publics, que la création de l'euro générerait une croissance et des emplois, mais que cela ne semblait pas être le cas si on faisait une comparaison avec les trois pays qui n'avaient pas adhéré à l'euro. Il s'est demandé si cela signifiait que notre situation serait « pire » sans l'euro ou bien que l'euro n'était qu'une commodité pour les entreprises et pour ceux qui voyageaient, sans avoir véritablement d'incidences sur la croissance et l'emploi.

M. Philippe François s'est interrogé sur les raisons pour lesquelles la bourse française était toujours « à la remorque » de la bourse américaine, voire la bourse japonaise et s'est demandé si la BCE avait un rôle à jouer sur ce terrain.

M. Lucien Lanier a rappelé que, dans ses pages économiques, le journal Le Monde avait décrit plusieurs scénarii de reprise économique aux États-Unis, avec une Europe « à la traîne » du fait d'un surcroît d'épargne et de prudence de la part des ménages. Il s'est demandé si la recherche, qui était partout dans un « triste état », ne pouvait pas faire l'objet d'une relance collective en Europe si une volonté s'exprimait en ce sens, avant de demander si la BCE pouvait avoir une quelconque influence sur ces investissements innovants.

M. Jean Arthuis, co-président, a rappelé que l'audition de M. Jean-Claude Trichet, qui résultait d'une heureuse initiative prise par la délégation pour l'Union européenne, était sans doute sa dernière comme Gouverneur de la Banque de France avant sa prise de fonction comme président de la Banque centrale européenne, puisque cette nouvelle fonction ne lui permettrait plus de s'exprimer devant les parlements nationaux. Il a ensuite déclaré que cette nomination était une source de fierté pour la France, et il a salué l'autorité et la compétence de M. Jean-Claude Trichet. Observant que ce dernier serait ainsi la personnalité « la plus élevée en grade » dans les institutions européennes, puisque la BCE était une institution d'essence fédérale, il l'a interrogé sur le moyen d'arriver à trouver un gouvernement économique à sa hauteur et sur la façon de permettre à l'Europe de développer un « policy mix » qui mette en synergie le levier monétaire et le levier budgétaire. Il a également souhaité savoir dans quels délais la réussite de cette synergie était possible, en indiquant que cette réussite serait matérialisée le jour où l'Europe n'attendrait plus la croissance de l'extérieur et des Etats-Unis, et le jour où l'Europe serait capable de générer elle-même sa propre croissance.

En réponse, M. Jean-Claude Trichet a tout d'abord observé, s'agissant des relations de change, qu'un consensus s'était manifesté lors de la réunion du G7 de Dubaï sur le fait que certaines monnaies asiatiques devraient être réappréciées progressivement et de manière ordonnée, tout en rappelant qu'on se situait dans un système de changes flottants sur le plan mondial depuis l'explosion du système de Bretton Woods. Il a donc souligné que c'était la loi de l'offre et de la demande qui faisait fluctuer les monnaies sur le marché, mais que le même souci était partagé des deux côtés de l'Atlantique d'agir de manière responsable et de coopérer étroitement, le cas échéant.

Il a reconnu que les déficits de plusieurs balances des paiements courants dans le monde atteignaient des niveaux impressionnants, qui n'étaient pas soutenables dans une perspective de long terme, mais que ce constat était fait régulièrement depuis les années 80 sans que l'on ait encore observé, au contraire, une évolution plus favorable. Il a toutefois estimé qu'il était évidemment très souhaitable d'arriver à une réduction progressive de ces très grands déficits pour créer les conditions d'une stabilité convenable de l'économie mondiale.

Par ailleurs, il a jugé qu'une meilleure gouvernance économique était une nécessité, cette question relevant de la responsabilité des exécutifs et non de la BCE. Il a ajouté qu'il fallait et que l'on devait aller plus loin qu'actuellement dans la coopération et la coordination des politiques économiques, même si, en France, il y avait quelque contradiction entre une demande de « gouvernement économique » et une réserve à l'égard de ce que ce « gouvernement économique » pourrait nous imposer.

S'agissant de la communication de la BCE, il a affirmé qu'elle avait été de qualité au cours de ces dernières années et que c'était maintenant reconnu, en ajoutant qu'il ne fallait pas oublier que la BCE s'adressait simultanément à 12 cultures différentes dans neuf langues différentes tout en « devant parler » aussi au reste du monde, à New York, à Tokyo et à Londres en particulier.

Il a exposé que le différentiel de croissance entre l'Europe et les Etats-Unis tenait aussi, en partie, au fait que, en ce moment, ces derniers privilégiaient plus la croissance et sans doute moins la protection et la sécurité que nous, de sorte que les deux ensembles économiques étaient dans des univers conceptuels très différents. Il a prévu que ce constat ne devait pas empêcher de mettre en oeuvre des réformes audacieuses si l'on souhaitait être cohérent avec la volonté affichée de retrouver une croissance forte.

Il a indiqué ne pas croire que le succès des « Trente Glorieuses » ait reposé sur une monnaie faible, d'abord parce que la monnaie n'avait pas toujours été faible pendant cette période, comme en attestait le redressement monétaire et financier mené à bien par le Général de Gaulle, ensuite parce que les années allemandes équivalentes, dans un contexte de monnaie stable, avaient été encore « plus glorieuses » que les nôtres, enfin, précisément, parce que la période de monnaie très stable entre 1958 et 1969 avait été, pour la France, une longue période particulièrement brillante sur le plan économique.

Il a jugé qu'en réalité, la France n'était pas attachée à la monnaie instable, sa monnaie ayant été très stable pendant tout le XIXe siècle, puis entre les deux guerres mondiales, et, après la seconde guerre mondiale, pendant deux longues périodes (1958-1969 et 1987 à aujourd'hui), entrecoupées de deux périodes d'instabilité. Il a souligné que les « Trente Glorieuses » avaient été, elles-mêmes, le résultat, pour l'essentiel, d'une « réforme structurelle » majeure, celle du transfert massif d'une très grande partie de la population agricole vers le monde de l'industrie et des services.

Il a précisé que, ce qui était nouveau, avec l'euro, était une plus grande sécurité des investisseurs qui, dans l'espace européen, étaient désormais à l'abri des crises monétaires, des troubles de changes, tandis que pour la relation avec le dollar, on restait dans la même situation d'instabilité qu'avant l'euro.

Quant aux trois pays européens qui étaient en dehors de l'euro, il a estimé que leur succès s'expliquait largement en Grande-Bretagne, comme en Suède et au Danemark, par des réformes structurelles et non par des politiques monétaires qui seraient plus « accommodantes » que les nôtres, en ajoutant que la livre sterling avait d'ailleurs été constamment plutôt surévaluée que sous-évaluée par rapport à l'euro et que ses taux d'intérêt avaient été constamment plus élevés que les nôtres, cependant que le Danemark, suivait pour sa part, la même politique monétaire que la BCE.

En matière de recherche, il s'est déclaré convaincu qu'il fallait s'engager de manière résolue car l'effort de la France et celui de l'Europe étaient insuffisants. Il a affirmé qu'il était évident que nous avions un important retard qui se creusait, non seulement vis-à-vis des États-Unis, mais aussi probablement du Japon. Il a précisé que les Etats-Unis, en particulier, s'appuyait à la fois sur leur effort militaire, qui comprenait une énorme poussée technologique, et sur une considérable immigration de scientifiques de haut niveau venant de Chine, d'Inde et de l'ensemble de l'Asie.

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Mercredi 22 octobre 2003

- Présidence de M. Jean Arthuis, président.

Règlement définitif du budget 2002 - Examen du rapport

Au cours d'une première séance tenue dans la matinée, la commission a procédé à l'examen du rapport de M. Philippe Marini, rapporteur général, sur le projet de loi n° 5 (2003-2004), adopté par l'Assemblée nationale, portant règlement définitif du budget de 2002.

Procédant à l'aide d'une vidéo-projection,M. Philippe Marini, rapporteur général, a estimé que le projet de loi portant règlement définitif du budget 2002 constituait le quitus comptable du premier budget en euros et qu'il facilitait l'examen, en amont, du projet de loi de finances 2004, en mettant notamment en lumière les aléas de l'exécution budgétaire.

Il a rappelé que le taux de croissance effectif pour l'année 2002 avait été deux fois plus faible que la prévision initiale du gouvernement de M. Lionel Jospin (1,2 % contre 2,5 %). Cette situation française n'était cependant pas exceptionnelle en Europe et s'expliquait en partie par un recul très fort de l'investissement (-1,4 % par rapport à 2001).

Au plan budgétaire, il a mis en évidence une dégradation du solde budgétaire de près de 20 milliards d'euros entre la loi de finances initiale, qui prévoyait un déficit de 30,4 milliards d'euros, et le projet de loi de règlement, qui actait un déficit de 49,3 milliards d'euros. Il a expliqué cet écart par une diminution des recettes de l'ordre de 9,3 milliards d'euros, dont 2,5 milliards d'euros au titre de la baisse de l'impôt sur le revenu décidée par le gouvernement de M. Jean-Pierre Raffarin et dont il a regretté qu'elle n'ait pas été gagée par des économies de dépenses, et par une dérive des dépenses de l'ordre de 5,5 milliards d'euros.

Il s'est cependant félicité des orientations fixées par le nouveau gouvernement dès juillet 2002 : contenir la dépense, avec la mise en place d'une régulation budgétaire et la compensation systématique des ouvertures de crédits par des annulations dans le collectif de décembre, et engager sans délai une politique de baisse des prélèvements obligatoires, par la baisse de l'impôt sur le revenu dans le collectif d'été.

Revenant plus précisément sur la forte diminution des recettes, Philippe Marini, rapporteur général, a expliqué la surévaluation des recettes fiscales -250,4 milliards d'euros prévus en loi de finances initiale contre 240,2 milliards d'euros inscrits dans le projet de loi de règlement- par les prévisions volontaristes du gouvernement en matière, d'une part, de croissance et, d'autre part, d'élasticité des recettes fiscales à la croissance. Les recettes non fiscales avaient également été surévaluées : 37,9 milliards d'euros prévus en loi de finances initiale, contre 35,4 milliards d'euros en projet de loi de règlement.

S'agissant des dépenses, il a fait apparaître le fort dérapage de la norme de progression des dépenses en 2002 : la progression en volume fixée en loi de finances initiale était de 0,5 %, or la progression réelle avait été de 1,9 %. Pour la première fois depuis 1997, les reports de crédits sur l'exercice suivant étaient inférieurs aux reports de l'exercice précédent.

Il a estimé que le déficit budgétaire acté par la loi de règlement pour 2002, soit 49,3 milliards d'euros, était doublement historique : c'était, en valeur absolue, le déficit le plus élevé jamais enregistré depuis 1993, mais aussi celui qui s'éloignait le plus de la prévision initiale. S'agissant de la dette de l'Etat, M. Philippe Marini, rapporteur général, a mis en évidence une augmentation régulière de l'endettement de l'Etat en valeur absolue depuis 1993, quelles que soient l'équipe gouvernementale et la conjoncture.

Il a constaté que le besoin de financement des administrations publiques à la fin de l'année 2002 était, pour la première fois depuis l'entrée en vigueur du traité de Maastricht, supérieur à 3 % du PIB. Quant à la part de la dette publique dans le PIB, après quatre années de baisse, elle repartait à la hausse, s'établissant à 59 % du PIB.

En conclusion, il a estimé, au plan méthodologique, que la loi de finances initiale pour 2002 devait constituer un contre-exemple - en raison d'une prévision de croissance irréaliste, de recettes surestimées, et de dépenses mal évaluées-, ce qui consistait un utile rappel avant l'examen du projet de loi de finances pour 2004. Il a regretté que la précédente législature, favorisée par la phase haute du cycle de croissance, n'ait pas engagé d'action structurelle sur la dépense, comme le faisait courageusement l'actuel gouvernement avec des chantiers aussi importants que la décentralisation, la réforme budgétaire et la mise en place des stratégies ministérielles de réforme.

Un large débat s'est ensuite instauré au sein de la commission.

M. Roland du Luart a estimé que si le budget de l'outre-mer faisait traditionnellement apparaître de forts reports de crédits, notamment en investissement, il ne fallait pas négliger l'importance psychologique des effets d'annonce. Par ailleurs, souhaitant engager une réflexion non-partisane sur les erreurs du passé afin d'en tirer d'utiles enseignements, il a souhaité savoir si le dépassement de la norme de dépense était un « classique » de l'alternance politique.

M. Jean Arthuis, président, a ainsi estimé que les budgets pré-électoraux faisaient souvent preuve d' « exubérance irrationnelle ».

S'agissant du recul de l'investissement en 2002, M. Jacques Oudin a souhaité connaître la décomposition de cette évolution entre l'investissement privé, l'investissement de l'Etat et celui des collectivités territoriales.

M. Maurice Blin a souligné un paradoxe qu'il a demandé au rapporteur général de bien vouloir éclaircir, estimant que la France connaissait un fort endettement public et une croissance stagnante, alors que les Etats-Unis, en revanche, réussissaient à combiner endettement public fort et croissance soutenue. Il a par ailleurs rappelé que dans les années 1960 et 1970, la France s'endettait dans un contexte de forte croissance et surtout de forte inflation, ce qui rendait cet endettement public beaucoup moins douloureux.

M. Bernard Angels a estimé que la dérive des dépenses en 2002 ne pouvait être imputée à un seul gouvernement et qu'il convenait collectivement d'en tirer les leçons. Il a notamment regretté que l'Union européenne ne soit pas le cadre d'une coopération et d'une concertation économique plus intense.

M. Aymeri de Montesquiou a demandé au rapporteur général des précisions sur les reports de crédits enregistrés depuis 1993.

M. Yves Fréville a expliqué pourquoi, selon lui, l'exécution budgétaire de 2002 était différente de celle de 2001 alors que la conjoncture économique était déjà dégradée en 2001.

M. Michel Moreigne a souhaité avoir plus de précisions sur les modalités et le contenu du « gel républicain » des dépenses intervenu avant les élections de 2002.

M. Jean Arthuis, président, a dit craindre que l'exécution budgétaire 2003 ne présente autant de mauvaises surprises que celle de 2002, estimant que l'aléa principal résidait dans le niveau attendu de recettes dans la mesure où la dépense était « tenue ». Il a par ailleurs souhaité connaître le montant des opérations extérieures militaires enregistrées en 2002 et regretté qu'elles n'apparaissent pas dans la loi de finances initiale au sein du budget de la défense. Enfin, il a déploré le fait que la norme des 3 % de déficit public apparaisse de plus en plus comme un point d'équilibre alors que l'objectif vertueux devrait être 0 %.

En réponse aux différents intervenants, M. Philippe Marini, rapporteur général, a indiqué que d'autres pays raisonnaient, non pas, année budgétaire après année budgétaire, mais sur la base du cycle économique : ainsi, le gouvernement britannique s'était fixé comme objectif un solde budgétaire courant nul sur l'ensemble du cycle, ce qui commandait de dégager des marges de manoeuvre en période de conjoncture favorable.

S'agissant de la question de l'inflation, il a estimé que l'objectif d'inflation fixé dans la zone euro mériterait d'être symétrique et de jouer également un rôle d'alerte lorsque des risques déflationnistes apparaissaient. Il s'est interrogé sur les modalités de pilotage des normes de la politique monétaire qui, selon lui, ne devait pas être laissé à la seule appréciation de la Banque centrale européenne (BCE).

S'agissant de la dérive des dépenses constatée en 2002, il a indiqué que sur un total de 7,1 milliards d'euros, 5 milliards relevaient du premier semestre - gouvernement de M. Lionel Jospin- et 2,5 milliards d'euros du second semestre -gouvernement de M. Jean-Pierre Raffarin. Il a reconnu que toutes les alternances faisaient apparaître un décalage fort entre les dépenses annoncées et les dépenses réelles. Quant au « gel républicain » intervenu en février 2002, il a regretté qu'il n'ait pas pris en compte la dégradation de la conjoncture alors connue du gouvernement.

S'agissant des reports de crédits observés au budget de l'outre-mer, il a indiqué que depuis 1998, ils étaient de l'ordre de 200 millions d'euros chaque année et concernaient prioritairement les dépenses en capital. Il a assuré M. Roland du Luart de son soutien personnel à toute initiative visant à aligner les crédits proposés sur leur niveau réellement consommable. Il a ensuite invité chaque rapporteur spécial à examiner avec attention l'exécution budgétaire du département ministériel dont il avait la charge, notamment sous l'angle des reports de crédits.

Il a indiqué que la formation brute de capital fixe des administrations publiques avait augmenté de 3,1 % et que le recul global (- 2,6 %) s'expliquait essentiellement par la baisse de l'investissement privé (- 3,7 %). Quant aux opérations extérieures, il a indiqué que leur coût s'établissait, au 30 juin 2002, à 680 millions d'euros.

Il s'est réjoui que la variation de la dette de l'Etat fasse bientôt l'objet d'un vote en loi de finances, conformément aux dispositions de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF), tout en regrettant que cette innovation n'intervienne pas avant l'examen de la loi de finances pour 2006.

A l'issue de cet examen, la commission a décidé de proposer au Sénat d'adopter sans modification les articles et l'ensemble du projet de loi de règlement.

Groupe de travail sur la péréquation interdépartementale - Audition de M. Jean François-Poncet, président du groupe de travail

La commission a ensuite procédé à l'audition de M. Jean François-Poncet, président du groupe de travail sur la péréquation interdépartementale.

M. Jean François-Poncet
a indiqué que le groupe de travail avait été constitué au mois de juin 2003 à la demande conjointe de la commission des finances, de la commission des affaires économiques et de la délégation pour l'aménagement du territoire, et que M. Claude Belot en était le rapporteur. Il a ajouté que le groupe de travail avait étroitement collaboré avec l'assemblée des départements de France, ainsi qu'avec le cabinet Michel Klopfer, auquel il avait commandé une étude. Il a rappelé que, selon l'article 72-2 de la Constitution, la loi prévoyait des dispositifs de péréquation destinés à favoriser l'égalité entre les collectivités territoriales, cette péréquation concernant l'ensemble des inégalités, y compris les inégalités de charges. Il a déploré qu'aucun progrès significatif n'ait été réalisé en matière de péréquation depuis la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire du 4 février 1995.

Après avoir précisé que le groupe de travail avait examiné la péréquation des seuls départements, départements d'outre-mer et Paris exceptés, il a indiqué que celui-ci avait élaboré un indice synthétique, qui constituait un nouvel instrument de mesure des inégalités, et permettait de déterminer la marge de manoeuvre des départements. Il a expliqué que cet indice synthétique était la différence entre, d'une part, le potentiel fiscal, et, d'autre part, les dépenses de fonctionnement obligatoires des départements, évaluées, dans chaque domaine, sur la base d'un coût moyen national. Il a indiqué qu'avant versement de la dotation globale de fonctionnement, cet indice synthétique variait, selon les départements, entre - 257 euros par habitant et + 450 euros par habitant. Il a considéré que l'effet péréquateur de la dotation globale de fonctionnement était très faible.

M. Jean François-Poncet a indiqué que le groupe de travail considérait qu'il était possible de corriger les inégalités entre départements sans coût supplémentaire pour le budget de l'Etat et sans diminuer les ressources des départements les plus défavorisés. Il a rappelé que le projet de loi de finances pour 2004 proposait de réformer la dotation globale de fonctionnement, qui serait désormais constituée d'une dotation forfaitaire et d'une dotation de péréquation, l'augmentation de cette dernière constituant le solde entre celle de la dotation globale et celle de la dotation de fonctionnement. Il a estimé que le montant nécessaire pour ramener l'indice synthétique des départements les plus défavorisés au niveau médian, de l'ordre de 650 millions d'euros, pourrait être ainsi dégagé en six ans, en supposant que le comité des finances locales décide chaque année de consacrer 40 % de l'augmentation de la dotation globale de fonctionnement à celle de la dotation de péréquation.

M. Jean Arthuis, président, a félicité les membres du groupe de travail pour la qualité et l'intérêt de leurs travaux.

M. Claude Belot, rapporteur du groupe de travail sur la péréquation interdépartementale, a déploré les insuffisances de la péréquation entre départements. Il a néanmoins estimé que les réflexions du groupe de travail devraient permettre une réforme de cette dernière.

M. Jean Arthuis, président, a considéré que la réforme proposée par le groupe de travail semblait praticable, tout en soulignant la richesse des informations qui avaient été recueillies et exploitées.

M. Jean François-Poncet, président du groupe de travail, a souligné que l'indice synthétique avait été élaboré en toute objectivité, sans se préoccuper de distinguer les départements « gagnants » des départements « perdants ».

M. Adrien Gouteyron a estimé que l'amélioration de la seule péréquation interdépartementale impliquait l'attribution aux départements d'un rôle de péréquation entre les communes situées sur leur territoire.

En réponse, M. Jean François-Poncet a indiqué que l'indice synthétique prenait en compte les seules dépenses de fonctionnement obligatoires des départements, et ne supposait pas que ceux-ci jouent un rôle péréquateur.

M. Jean-Philippe Lachenaud s'est demandé s'il fallait ramener à la médiane l'indice synthétique des départements les plus défavorisés. Il a estimé qu'au renforcement de la péréquation verticale prôné par le groupe de travail il convenait d'ajouter celui de la péréquation horizontale, et que le projet de loi sur les responsabilités locales conduirait à recalculer l'indice synthétique en prenant en compte les nouvelles compétences des départements.

M. François Marc s'est interrogé sur la nécessité éventuelle de renforcer la péréquation horizontale.

M. Roger Besse a souligné l'enjeu essentiel que constituait la péréquation pour l'aménagement du territoire, et à ce titre, s'est félicité du travail ici accompli.

M. Jean Arthuis, président, a estimé que l'indice synthétique proposé par le groupe de travail pourrait être complété par la prise en compte des dégrèvements, dont M. Yves Fréville, dans une récente communication, avait montré l'importance. Il a, en outre, considéré que le Sénat devait constituer une base de données relative aux finances locales.

En réponse, M. Jean François-Poncet, président du groupe de travail, a jugé que l'information du Sénat en matière de finances locales était insuffisante. Il a précisé que, bien que préconisant, à titre personnel, que l'indice synthétique des départements les plus défavorisés soit ramené à la médiane, telle n'était pas la seule éventualité envisagée par le groupe de travail. Il a, en outre, considéré que si un renforcement de la péréquation horizontale était politiquement difficile à réaliser, tel n'était pas le cas d'un renforcement de la péréquation verticale, et que si celui-ci n'était pas effectué, cela traduirait un refus de renforcement de la péréquation.

La commission des finances a alors décidé à l'unanimité d'autoriser la publication des conclusions du groupe de travail sous la forme d'un rapport d'information.

PJLF pour 2004 - Crédits des anciens combattants et articles 73 et 74 rattachés - Examen du rapport spécial

Au cours d'une seconde séance tenue dans l'après-midi, la commission a procédé à l'examen des crédits des anciens combattants pour 2004 et des articles 73 et 74 rattachés, sur le rapport de M. Jacques Baudot, rapporteur spécial.

Dans un premier temps, M. Jacques Baudot, rapporteur spécial, a tenu à rappeler que les crédits du secrétariat d'Etat aux anciens combattants prévus dans le projet de loi de finances pour 2004 étaient de près de 3,39 milliards d'euros, en baisse de 3,1 % par rapport aux dotations de la loi de finances initiale pour 2003. Il s'est en outre félicité de la logique de concertation qui avait présidé à l'élaboration du budget des anciens combattants pour 2004.

Puis il a souhaité faire part des principales observations que lui avait inspirées l'examen du budget des anciens combattants pour 2004.

Il a d'abord indiqué que, comme chaque année, l'élaboration du budget des anciens combattants devait tenir compte d'ajustements nécessaires liés à l'évolution du monde combattant, notamment la variation des effectifs des bénéficiaires, la prise en compte de l'évolution des dépenses des années antérieures ainsi que les effets de l'application du rapport constant.

Il a ensuite indiqué que sa première observation concernait la gestion budgétaire des années antérieures et notamment de l'année 2002 pour laquelle des chiffres définitifs étaient d'ores et déjà disponibles. Il a précisé qu'en 2002, le taux global de consommation des crédits du budget des anciens combattants s'élevait à 99,41 % et que le montant des crédits reportés sur 2003 était minime, puisqu'il représentait moins de 0,2 % des crédits ouverts en loi de finances initiale. Il a rappelé que le budget des anciens combattants était, avant tout, un budget de prestations et que, par conséquent, les ouvertures de crédits en loi de finances initiale étaient toujours calibrées en fonction de l'évolution de la démographie naturelle des prestataires, ce qui laissait, in fine, peu de marge d'erreur possible. En outre, il a ajouté que les annulations de crédits en cours d'année avaient permis une régulation budgétaire efficace. Il a reconnu que le seul chapitre « problématique » était le chapitre 46-04 qui correspondait au financement de la politique de la mémoire. Il a indiqué qu'en 2002 son taux de consommation s'était élevé à 70 %, soit un taux nettement inférieur à la moyenne des autres chapitres.

M. Jacques Baudot, rapporteur spécial, a ensuite fait part des implications induites par la mise en oeuvre de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF) pour le budget des anciens combattants en 2004.

A cet égard, il a simplement observé que la mise en oeuvre de la LOLF ne s'était traduite par aucune expérimentation à compter de 2004. Toutefois, il a précisé que les services relevant de l'action du secrétariat d'Etat aux anciens combattants devraient pouvoir bénéficier des résultats apportés par les expérimentations réalisées dans d'autres structures du ministère de la défense.

Après ce point méthodologique sur les conséquences de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances pour le budget des anciens combattants, M. Jacques Baudot, rapporteur spécial, a souhaité faire part des différents points positifs du budget qui avaient retenu son attention cette année.

Il a tout d'abord noté des progrès réels en faveur des publics les plus fragiles.

Il a observé que l'harmonisation des conditions d'attribution de la carte du combattant pour les anciens combattants d'Afrique du Nord constituait une avancée remarquable et répondait à une revendication ancienne du monde combattant. Il a précisé que l'article 74 du projet de loi de finances pour 2004, rattaché au budget des anciens combattants, prévoyait une extension des conditions d'attribution de la carte du combattant à tous les militaires appelés, engagés ou de carrière, présents durant au moins quatre mois en Afrique du nord durant la guerre d'Algérie et les combats en Tunisie et au Maroc. Il a indiqué que cette disposition serait applicable à compter du 1er juillet 2004 et devrait concerner 15.000 à 20.000 bénéficiaires potentiels, pour un coût budgétaire en 2004 de 3 millions d'euros.

Il a également noté, comme un progrès indéniable du budget des anciens combattants pour 2004, l'attention particulière portée aux veuves.

Il a indiqué que l'article 73 du présent projet de loi de finances prévoyait l'application, en 2004, d'une majoration uniforme des pensions des veuves de pensionnés, et ce par dérogation aux dispositions du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre. Il a précisé que cette mesure, qui devrait concerner 130.000 veuves, aurait un coût budgétaire en 2004 de 11,84 millions d'euros. Il s'est félicité de ce qu'elle devrait permettre une forte revalorisation des pensions des veuves, de l'ordre de 192 euros par pension.

Il a ensuite salué comme un geste notable en faveur des veuves la consolidation des moyens budgétaires affectés à l'action sociale de l'ONAC (Office national des anciens combattants). Il a précisé que si, traditionnellement, les dépenses sociales de l'ONAC étaient sous-évaluées dans le projet de loi de finances initiale soumis au Parlement et toujours abondées par un amendement en cours de discussion budgétaire, cette année le gouvernement affichait d'emblée des crédits à la hauteur des besoins. Il s'est félicité de cette attitude allant dans le sens de la sincérité et de la consolidation budgétaires.

Après avoir insisté sur les points positifs du projet de budget des anciens combattant pour 2004, il a souhaité faire part de certaines de ses interrogations, voire de ses inquiétudes, en évoquant les avancées qu'il estimait devoir être concrétisées ainsi que les points méritant d'être éclaircis par le gouvernement.

S'agissant de l'indemnisation des orphelins de déportés, il a rappelé que le gouvernement avait annoncé qu'il ressortait des conclusions de la commission présidée par M. Philippe Dechartre que, dans un souci de justice et d'équité, le dispositif de réparation institué par le décret du 13 juillet 2000 en faveur des orphelins de déportés juifs, devait être étendu aux orphelins de déportés politiques et résistants, ainsi qu'aux orphelins de fusillés et massacrés. Il a indiqué que cette mesure devrait faire l'objet d'un décret spécifique. Toutefois, il a précisé qu'il était apparu au gouvernement que si le mode d'indemnisation de ces orphelins ne soulevait aucune difficulté juridique, la définition du périmètre des ressortissants éligibles à ce dispositif appelait une réflexion attentive. Il a annoncé qu'un recensement aussi précis que possible des différentes catégories de victimes de la barbarie nazie devrait dès lors être élaboré.

M. Jacques Baudot, rapporteur spécial, s'est alors réjoui de l'avancée incontestable que constituait cette décision. Il a toutefois souhaité que ce recensement fût établi dans les plus brefs délais afin que ne fussent pas pénalisées davantage les populations concernées.

Puis il a abordé la question de la mise en oeuvre de la « décristallisation » des prestations versées aux anciens combattants des anciennes colonies  qu'il a qualifiée « d'innovation majeure » du budget de l'année dernière. Il a rappelé que cette décristallisation constituait une décision historique permettant de réparer une injustice majeure faite aux ressortissants des pays autrefois placés sous souveraineté française, ayant accédé à l'indépendance.

Il a rappelé que le budget des anciens combattants pour 2003 prévoyait l'ouverture de 72,5 millions d'euros de crédits nouveaux pour engager le processus, dont 58,25 millions d'euros au titre de la décristallisation des pensions d'invalidité et 14,25 millions d'euros au titre de la décristallisation de la retraite du combattant.

D'une part, il a tenu à rappeler que ces crédits supplémentaires ne couvraient que très partiellement les besoins issus d'une « décristallisation totale » qui s'élèveraient, d'après les estimations du ministère de la défense, à près de 1,52 milliard d'euros pour les arriérés et à plus de 450 millions d'euros par an pour les revalorisations de pensions et de la retraite du combattant.

D'autre part, il a souligné que le décret d'application de l'article 68 de la loi de finances rectificative pour 2002, qui définissait la mise en oeuvre de « la décristallisation », avait été examiné par le Conseil d'Etat le 23 septembre 2003, mais n'avait toujours pas été publié au Journal Officiel. Il a également estimé que la création d'un groupe de travail chargé de réfléchir à la mise en oeuvre de la décristallisation était nécessaire.

M. Jacques Baudot, rapporteur spécial, a ensuite tenu à aborder certains points restant en suspens et méritant des éclaircissements de la part du gouvernement.

S'agissant de l'anticipation de l'âge de versement de la retraite du combattant, il a rappelé que la loi de finances pour 2002 avait prévu l'attribution à 60 ans de la retraite du combattant aux bénéficiaires d'une pension militaire d'invalidité. Il a regretté que, cette année encore, les conditions d'une généralisation de cette attribution à 60 ans ne fussent pas évoquées alors que des solutions existaient, comme l'abaissement progressif de l'âge de versement ou, alternativement, l'augmentation de l'indice de pension.

S'agissant de l'indemnisation des incorporés de force dans les formations paramilitaires allemandes, il a indiqué que les engagements pris, par alignement sur la situation des incorporés de force dans l'armée allemande, n'avaient toujours pas été tenus. Il a précisé qu'une réunion tenue à Strasbourg le 12 mai 2003, sous l'égide du secrétaire d'Etat aux anciens combattants, avait permis de relancer la réflexion quant à l'assouplissement des conditions de versements de ces indemnisations. Toutefois, il a déploré que la question ne fût toujours pas réglée à ce jour.

Au total, il a toutefois jugé qu'il s'agissait d'un budget très satisfaisant, établi dans un contexte de contrainte budgétaire.

Un large débat s'est alors instauré.

M. François Trucy a souhaité connaître les modalités de mise en oeuvre de la « décristallisation », ainsi que l'utilisation qui était faite des crédits dédiés à l'entretien des nécropoles, notamment à l'étranger, évoquant à ce titre plus précisément la situation en Algérie.

M. Yann Gaillard a également souhaité s'enquérir des modalités pratiques de mise en oeuvre de la « décristallisation ».

Mme Marie-Claude Beaudeau a d'abord regretté que le gouvernement ne profite des économies engendrées par la baisse naturelle du nombre des anciens combattants pour régler certains problèmes récurrents. Elle a reconnu que le projet de budget des anciens combattants pour 2004 comportait des mesures positives, notamment l'extension des conditions d'attribution de la carte du combattant ainsi que la majoration des pensions des veuves. S'agissant des rentes mutualistes, elle s'est étonnée qu'aucun crédit ne fût prévu en 2004 pour augmenter le plafond majorable. Enfin, s'agissant de l'indemnisation des orphelins des victimes de la barbarie nazie, elle a souhaité savoir si des crédits avaient été prévus au sein du budget pour 2004, à ce titre.

Enfin, M. Joseph Ostermann a souhaité interroger M. Jacques Baudot, rapporteur spécial, sur deux points, d'abord sur celui de la construction future du centre européen du résistant déporté au Struthof, puis celui de l'indemnisation des « RAD-KHD », c'est-à-dire les anciens incorporés de force dans les formations paramilitaires allemandes. Sur ce dernier point, il a indiqué qu'une concertation existait mais qu'elle n'avait, pour l'instant, abouti à aucun résultat.

En réponse à M. Joseph Ostermann, M. Jacques Baudot, rapporteur spécial, a indiqué que les crédits dédiés à la politique de la mémoire en 2004 comprenaient bien ceux en faveur de la construction du centre aux abords de l'ancien camp de concentration « Natzweiler-Struthof ». S'agissant des anciens RAD-KHD, il a estimé que la solution possible résidait d'abord dans la modification des statuts de la fondation de l'Entente franco-allemande et probablement dans le changement de son président.

En réponse à MM. François Trucy et Yann Gaillard, M. Jacques Baudot, rapporteur spécial, a rappelé que le processus de décristallisation avait été engagé, l'année dernière, par la loi de finances pour 2003 et la loi de finances rectificative pour 2002. Il a indiqué que certains des pays anciennement placés sous souveraineté française étaient placés dans des situations pires que d'autres. Il a cité notamment l'exemple de la Tunisie, de l'Algérie et du Maroc. Il a considéré que l'effort de la décristallisation devait porter plus spécifiquement sur la retraite du combattant.

S'agissant de l'entretien des nécropoles, il a indiqué que les nécropoles concernées se situaient en France comme à l'étranger. Il a rappelé que l'entretien des nécropoles à l'étranger relevait de la compétence des ambassades de France et a souhaité qu'une mission parlementaire pût être constituée afin de contrôler l'utilisation de ces crédits à l'étranger.

Enfin, en réponse à Mme Marie-Claude Beaudeau, M. Jacques Baudot, rapporteur spécial, a indiqué qu'aucun crédit relatif à l'indemnisation des orphelins des victimes de la barbarie nazie n'était prévu dans le projet de budget pour 2004, dans l'attente du recensement, par les services du secrétariat d'Etat aux anciens combattants, des bénéficiaires potentiels de cette mesure. Il a souligné que le nombre de bénéficiaires potentiels se situait entre 7.000 et 12.000.

La commission a ensuite procédé à l'examen des articles rattachés au budget des anciens combattants pour 2004.

Elle a adopté un amendement à l'article 73 (Majoration des pensions de veuves), présenté par M. Jacques Baudot, rapporteur spécial, visant à faire préciser dans le texte de l'article qu'un décret, contresigné par le ministre chargé des anciens combattants et victimes de guerre et le ministre chargé de l'économie et des finances, devrait déterminer le taux de la majoration uniforme qui serait appliquée aux pensions des veuves en 2004.

Elle a émis un avis favorable à l'adoption sans modification de l'article 74 (Extension de l'attribution de la carte du combattant).

Enfin, la commission a décidé de proposer au Sénat d'adopter les crédits du budget des anciens combattants pour 2004.

PJLF pour 2004 - Crédits de la culture - Examen du rapport spécial

Puis la commission a procédé à l'examen descrédits consacrés à la culture pour 2004, sur le rapport de M. Yann Gaillard, rapporteur spécial.

Renvoyant à sa note écrite pour le détail de l'évolution des dotations, le rapporteur spécial a souligné que, en dépit d'une croissance de 5,5 % de ses crédits, le ministère de la culture n'était pas à l'abri de difficultés budgétaires.

En matière de monuments historiques, il a été, pour ainsi dire, victime de son succès, puisque les cessations de paiement que l'on constatait dans certaines régions étaient la conséquence des mesures énergiques prises pour améliorer la consommation des crédits, qu'il s'agisse de la modification des clés d'attribution des crédits de paiement pour les opérations financées sur le chapitre 56-20 ou de la rédaction d'une circulaire destinée à mobiliser les conservations régionales pour une meilleure gestion des crédits.

Il a reconnu qu'il était logique, mais également quelque peu contradictoire, de réduire les dotations inscrites au budget et d'inciter les opérateurs à ouvrir de nouveaux chantiers.

La situation était d'autant plus critique que les reports faisaient l'objet d'une régulation budgétaire spécifique obligeant le ministère à reporter sur l'exercice suivant autant de crédits qu'il en avait reçus en début d'année. Il a ainsi dû accepter pour plus de 200 millions d'euros de reports, dont il s'efforçait d'obtenir le déblocage partiel pour permettre à l'Etat de régler les entreprises.

Il a évoqué le « plan patrimoine » annoncé par le ministre de la culture en septembre dernier, pour indiquer que si certaines mesures pourraient intervenir rapidement, telle la possibilité de choisir l'architecte en chef des monuments historiques sur une liste de trois noms, d'autres mettraient sans doute plus de temps à être mises en oeuvre.

Puis M. Yann Gaillard, rapporteur spécial, a traité des questions budgétaires pour faire le point des efforts de redéploiement en cours et pour insister sur la contribution du ministère de la culture à la maîtrise de l'emploi public, puisque sur les quelque 4.700 emplois supprimés au budget général, 100 étaient pris sur les effectifs de la culture.

Il a également rendu compte de la mise en oeuvre de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF) qui se déroulait de façon globalement satisfaisante, même si un certain nombre de points devaient encore être précisés, notamment en ce qui concernait les frontières du troisième programme relatif à la transmission des savoirs.

Abordant dans un deuxième temps une série de questions ponctuelles, le rapporteur spécial a d'abord développé une analyse de la crise de l'Institut national de recherches archéologiques préventives (INRAP). Il a indiqué que les causes de ce sinistre financier, qui devrait se traduire par un déficit de 27 millions d'euros en 2003 et sans doute une douzaine de millions d'euros en 2004, trouvaient d'abord leur origine dans les défauts de conception de la loi de janvier 2001 ; mais il a souligné aussi un certain nombre d'erreurs de gestion comme la création de 300 emplois de CDD supplémentaires.

Le rapporteur spécial a aussi évoqué trois autres questions ponctuelles :

- le soutien aux festivals et l'application de la nouvelle rédaction de l'article 238 bis du code général des impôts qui permettait aux organismes publics et privés qui organisaient des spectacles de bénéficier du mécénat d'entreprise ;

- la relance de la fondation du patrimoine qui l'avait amené à se demander quand devait paraître le décret lui attribuant progressivement une fraction du produit des successions en déshérence ;

- la nécessaire vigilance en matière d'emploi précaire, dont on pouvait toujours craindre, à la suite d'un rapport du contrôle d'Etat, qu'il ne recommence à se développer à terme dans les établissements publics culturels.

Enfin, M. Yann Gaillard, rapporteur spécial, s'est félicité de ce que le gouvernement ait accepté de créer un crédit d'impôt en faveur des secteurs cinématographique et audiovisuel destiné à favoriser la localisation des tournages en France et à venir en aide aux industries techniques, conformément aux suggestions du rapport qu'il avait présenté avec son collègue M. Paul Loridant au sujet des aides au cinéma.

Répondant aux questions de MM. Maurice Blin, Jean-Philippe Lachenaud, Mme Marie-Claude Beaudeau et M. Jean Arthuis, président, M. Yann Gaillard, rapporteur spécial, a d'abord rappelé que la question des intermittents du spectacle, qui avait certes donné lieu à des aides d'urgence aux festivals les plus touchés, ne concernait pas directement le budget de l'Etat, mais les comptes sociaux, et plus particulièrement l'UNEDIC.

Il a également indiqué que la réforme en cours de l'administration des monuments historiques allait conduire à des modifications dans les relations des architectes des bâtiments de France, tant avec les directions régionales des affaires culturelles qu'avec les collectivités territoriales. Il a précisé que les emplois sur crédits dits « précaires » constituaient 16 % des effectifs des établissements culturels et que, si ce pourcentage était en diminution, on ne pouvait pas écarter un risque de nouvelle augmentation. Enfin, il a admis qu'il n'était pas en mesure de chiffrer le coût des 35 heures pour le ministère de la culture et s'est étonné de ce que le déficit prévisionnel de l'Institut national de recherches archéologiques préventives ne figure pas dans le « bleu » budgétaire.

A l'issue de ce débat, la commission a décidé de proposer au Sénat d'adopter les crédits de la culture pour 2004.

PJLF pour 2004 - Crédits de l'écologie et du développement durable - Examen du rapport spécial

La commission a ensuite procédé à l'examen des crédits de l'écologie et du développement durable, sur le rapport de M. Philippe Adnot, rapporteur spécial.

M. Philippe Adnot, rapporteur spécial, a en préambule souligné le retard pris par le ministère de l'écologie et du développement durable pour répondre au questionnaire budgétaire, nonobstant les dispositions de l'article 49 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF).

Il a rappelé que les crédits pour l'écologie et le développement durable s'élevaient en 2004 à 856,14 millions d'euros, en progression apparente de 11,45 % par rapport à 2003. Il a toutefois relevé que cette progression était en grande partie due à la budgétisation du Fonds national de solidarité sur l'eau (FNSE), le ministère de l'écologie et du développement durable voyant ses crédits majorés à ce titre de 83 millions d'euros, soit l'intégralité du prélèvement effectué sur les agences de l'eau. Il a estimé que la budgétisation du FNSE était une opération positive.

Il a observé que l'exécution du budget 2002 témoignait d'améliorations sensibles, soulignant que le taux de consommation global des crédits en 2002 s'était établi à 66,6 % des crédits disponibles, contre 50 % en 2001. Il a précisé que les circonstances de l'exécution 2002 devaient être prises en compte, en particulier l'obligation de reporter 303 millions d'euros de crédits de paiement de la gestion 2002 sur l'exercice 2003. Il a salué les efforts menés par le ministère pour améliorer sa gestion, précisant que ces efforts semblaient se poursuivre en 2003.

M. Philippe Adnot, rapporteur spécial, a ensuite relevé que le budget de l'écologie et du développement durable restait globalement peu lisible, la nomenclature retenue ne permettant pas, ou mal, d'identifier la plupart des mesures financées par ce budget. Il a toutefois indiqué que des efforts avaient été réalisés afin de mettre en place la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF).

Puis il a observé que, dans le cadre de la mise en oeuvre de la LOLF, il était envisagé d'englober la section budgétaire du ministère de l'écologie et du développement durable dans une mission unique et spécifique au ministère, intitulée « les politiques de l'environnement », comprenant un programme unique composé de quatre actions, réparties en trois actions de politiques et une action support.

Il a noté qu'une réflexion interministérielle était en cours afin de savoir s'il convenait de traiter le budget civil de recherche et développement dans le cadre d'une mission interministérielle, tandis qu'un programme traiterait spécifiquement de l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) et serait intégré à la mission interministérielle « recherche ».

Il a également indiqué que le ministère de l'écologie expérimenterait en 2004 la mise en oeuvre de la LOLF dans toutes ses composantes, dans le cadre d'un budget opérationnel local, celui de la direction régionale de l'environnement de Midi-Pyrénées.

Il a d'autre part relevé que le budget 2004 traduisait un effort de maîtrise de la dépense, même si le nombre global des effectifs devait augmenter de 88 emplois. Il a toutefois mis en évidence que le ministère de l'écologie et du développement durable avait recours à des moyens « détournés » pour financer l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME) en 2004.

Après avoir mis en perspective la situation de l'ADEME, M. Philippe Adnot, rapporteur spécial, a indiqué que celle-ci voyait son budget de fonctionnement légèrement augmenter, à 29,4 millions d'euros, mais que ses crédits de paiement restaient stables, à 71 millions d'euros, tandis que les autorisations de programme diminuaient de 23,4 %.

Il a indiqué que, dans la mesure où les reports avaient précédemment été « abattus », l'année 2004 aurait dû être marquée par une croissance importante des crédits de paiement de l'ADEME pour lui permettre d'assurer ses missions, ce qui n'était pas le cas car une voie « détournée » avait été choisie pour régler ce problème.

Il a fait valoir qu'un moyen de court terme avait été trouvé pour satisfaire ce besoin de financement, qui consistait à prélever 210 millions d'euros auprès de quatre agences de l'eau disposant d'une trésorerie abondante, par le biais d'un fonds de concours constitué uniquement de crédits de paiement et ayant un caractère « temporaire », selon le ministère.

Il a précisé que 135 millions reviendraient à l'ADEME, pour faire face à ses dépenses en matière de déchets, 60 millions d'euros iraient à la lutte contre les inondations, tandis que 15 millions d'euros serviraient à financer les zones naturelles humides.

Il a d'autre part relevé que deux des missions de l'ADEME devraient être transférées l'an prochain. D'une part, l'activité de ramassage des huiles ne serait plus financée par l'ADEME mais confiée à des opérateurs privés. D'autre part, l'activité de lutte contre les nuisances sonores au profit des riverains des aéroports serait transférée, à partir du 1er janvier 2004, aux établissements de gestion de ces infrastructures.

Il a indiqué que ces deux opérations supposaient que des modifications fussent apportées à la taxe générale sur les activités polluantes, ce qui n'apparaissait pas dans le projet de loi de finances pour 2004.

M. Philippe Adnot, rapporteur spécial, s'est inquiété des conséquences du prélèvement exceptionnel de 210 millions opéré sur les agences de l'eau, mettant en garde contre le risque d'une hausse des taxes ou d'une baisse des interventions des agences à l'avenir. Il a en outre souhaité obtenir des précisions sur les raisons ayant conduit les agences de l'eau à accumuler une telle trésorerie, dont le montant global atteint plus de 871 millions d'euros.

Sous le bénéfice de ces observations, il a proposé de donner un avis favorable à l'adoption de ces crédits.

Un large débat s'est alors instauré.

M. Jean Arthuis, président, s'est félicité des efforts accomplis par le ministère de l'écologie et du développement durable pour améliorer sa gestion et a interrogé M. Philippe Adnot, rapporteur spécial, quant à l'opportunité de mener une mission de contrôle auprès des agences de l'eau.

M. Philippe Marini, rapporteur général, s'est associé aux remarques de M. Philippe Adnot, rapporteur spécial, puis s'est interrogé sur le lien existant entre la qualité de l'eau et la dépense publique, en insistant sur la problématique de l'assainissement collectif. Il a ensuite souhaité obtenir des précisions sur les difficultés posées par le courrier non adressé, évoquant à ce titre les initiatives prises par le Sénat lors de la précédente discussion budgétaire.

M. Philippe Adnot, rapporteur spécial, a relevé que certaines terres rendaient des dispositifs d'assainissement absolument nécessaires et indiqué qu'il ne disposait pas, à ce stade, d'informations précises concernant la situation du courrier non adressé, qui constituait en effet un problème incessant.

Il a ensuite relevé que le recyclage des huiles coûtait actuellement plus cher que le brûlage dans les cimenteries et a mis en garde contre le risque d'un accroissement des coûts en cas de création d'une nouvelle filière du type de celle d'Eco-emballage, souhaitant obtenir davantage d'informations sur les modalités de ce transfert.

M. Jacques Baudot a fait part de sa préoccupation en matière d'assainissement, en insistant sur la difficulté que rencontraient les départements pour suivre l'activité des agences de l'eau.

M. Yann Gaillard s'est interrogé sur le rôle du ministère de l'écologie et du développement durable à l'égard de l'office national des forêts (ONF), dont il exerçait la co-tutelle avec le ministère de l'agriculture.

En réponse, M. Philippe Adnot, rapporteur spécial, a relevé l'importance du rôle des communes dans la définition des projets d'assainissement et indiqué que la tutelle principale de l'ONF était exercée par le ministère de l'agriculture.

La commission a alors décidé de proposer au Sénat d'adopter les crédits de l'écologie et du développement durable.

Jeudi 23 octobre 2003

- Présidence de M. Jean Arthuis, président.

Collectivités territoriales - Responsabilités locales - Examen du rapport pour avis

La commission a procédé à l'examen du rapport pour avis de M. Michel Mercier sur le projet de loi n° 4 (2003-2004) relatif aux responsabilités locales.

M. Michel Mercier, rapporteur pour avis,
a rappelé à titre liminaire que la question des transferts financiers était centrale en matière de décentralisation, soulignant que les compétences confiées aux collectivités territoriales ne pouvaient être exercées convenablement que si elles bénéficiaient des ressources correspondantes. Il a souligné que si les élus avaient vocation à assurer des responsabilités locales, ils pouvaient être amenés à craindre que les moyens mis à leur disposition ne soient pas en adéquation avec leurs besoins de financement.

Il a noté que les dispositions financières relatives au présent projet de loi seraient prises dans le cadre de la loi de finances pour 2005, ce qui était susceptible de poser des difficultés dans l'examen des transferts de compétence.

M. Michel Mercier, rapporteur pour avis, a indiqué que le projet de loi sur les responsabilités locales était extrêmement attendu et serait suivi d'autres lois portant des dispositions relatives à la décentralisation. Il a considéré qu'il était utile, à l'occasion de la discussion du présent projet, de fixer un certain nombre de principes qui formeraient un cadre général pour la décentralisation.

Il a déploré l'imprécision de certaines dispositions financières, rappelant que les transferts de compétences prévus dans le présent projet de loi s'élevaient à une somme comprise entre 11 et 14 milliards d'euros.

Puis il a indiqué que ce présent projet comportait 9 titres et 126 articles et instaurait d'importantes dispositions relatives aux transferts de compétence. Il a rappelé les articles dont s'était saisie la commission des finances pour avis, et il a souligné que l'essentiel des questions financières serait traité dans le cadre du projet de loi de finances pour 2005.

En conséquence, il a estimé qu'il était nécessaire d'encadrer les transferts de compétence, et ce, dès le départ, afin de permettre aux collectivités territoriales d'exercer leurs nouvelles tâches dans les meilleures conditions, ce qui passait par une « évaluation loyale » des compensations. A ce propos, il a relevé la nécessité d'ouvrir un débat sur la commission consultative d'évaluation des charges. Il s'est également interrogé sur la justification des articles 92 et 93 du projet de loi, et en a préconisé la suppression.

Un large débat s'est alors instauré.

M. Jean-Philippe Lachenaud a noté que la commission avait à s'exprimer, pour la première fois, sur un ensemble de textes destinés à organiser le financement de la décentralisation. Il s'est interrogé sur la nécessité de poser un préalable financier à l'engagement de la décentralisation.

Mme Marie-Claude Beaudeau a évoqué les critères d'indexation des dotations de compensation.

M. Philippe Adnot a rappelé que le Premier ministre s'était exprimé sur la question des compensations et qu'il souhaitait que soit inscrite, dans la loi, la possibilité, pour les collectivités territoriales, de moduler les taux des impositions qui leur seraient transférées.

M. Eric Doligé a remarqué que l'application des règles constitutionnelles n'était pas pleinement assurée et qu'il convenait donc d'être vigilant afin de ne pas augmenter les charges déjà supportées par les collectivités territoriales.

M. Maurice Blin a souscrit aux propos tenus par M. Eric Doligé. Il s'est interrogé sur le bilan de la décentralisation engagée dans les années 80 en matière d'évolution des effectifs des collectivités territoriales et de l'Etat. Il a relevé le risque, compte tenu de l'ampleur des compétences transférées, d'une forte hausse du nombre des personnels dans les collectivités, ce qui aurait pour conséquence d'aggraver les charges, sans pour autant que cette augmentation soit compensée par une baisse significative des effectifs de ceux travaillant pour le compte de l'Etat.

M. Yann Gaillard a regretté que la commission des finances n'ait pas été saisie pour avis des dispositions concernant la gestion du patrimoine contenues dans le projet de loi.

M. Jacques Baudot a appuyé les propos tenus par M. Maurice Blin et a noté qu'il conviendrait d'être vigilant à l'avenir sur la question des effectifs.

M. Jean Arthuis, président, a rappelé, à ce propos, que le projet de loi portant décentralisation du RMI et création du RMA allait probablement faire l'objet d'amendements de la part du gouvernement afin de prévoir le transfert, aux départements, des personnels de l'Etat en charge de ces compétences. A ce propos, il s'est interrogé sur le faible nombre d'agents de l'Etat s'occupant du RMI. Il a soutenu l'idée de proposer des amendements de suppression des articles 92 et 93, exprimant à ce propos le souhait que toutes les données relatives aux collectivités territoriales soient disponibles au sein même du Sénat, afin que ce dernier puisse remplir pleinement ses missions constitutionnelles de représentant des collectivités territoriales.

En réponse à M. Jean-Philippe Lachenaud, M. Michel Mercier, rapporteur pour avis, a indiqué qu'une grande vigilance serait nécessaire afin de mener, dans les meilleures conditions possibles, les transferts de compétence.

En réponse à Mme Marie-Claude Beaudeau, il a rappelé que le gouvernement avait prévu que les transferts seraient compensés, à titre principal, par l'attribution d'impositions de toute nature.

Il a précisé que les compétences nouvelles des régions seraient financées par le transfert d'une partie de la taxe intérieure sur les produits pétroliers (TIPP) qui, après l'accord de Bruxelles, pourrait être modulée, tandis que les compétences nouvelles des départements seraient financées par une part de TIPP non modulable et par la taxe sur les conventions d'assurance. Il a tenu à souligner que le débat sur le présent projet de loi serait l'occasion de clarifier le cadre de ces transferts de fiscalité.

En réponse à M. Eric Doligé, il a indiqué que si la garantie constitutionnelle constituait un progrès important, elle ne couvrait pas l'ensemble des hypothèses, comme le soulignait, par exemple, la question de la compensation du transfert du RMI aux départements.

En réponse à M. Maurice Blin, il a reconnu que l'évolution des effectifs était un problème important. Il a relevé que le projet de loi sur la décentralisation du RMI comprenait une disposition dotant chaque bénéficiaire d'un « tuteur » chargé de l'accompagner dans sa démarche d'insertion, ce qui se traduirait, concrètement, par la création de très nombreux emplois pour les départements, qu'il serait difficile de financer.

Puis la commission a procédé à l'examen des articles.

A l'article 2 (transfert aux régions des instruments financiers déconcentrés de l'Etat au service du développement économique), la commission, après l'intervention de Mme Marie-Claude Beaudeau, a adopté un amendement tendant à spécifier que le transfert ne concernait pas les seuls crédits, mais également les compétences, incluant ainsi les personnels en ayant la charge.

A l'article 18 (éligibilité au Fonds de compensation de la TVA (FCTVA) des fonds de concours versés à l'Etat relatifs aux opérations routières sur le domaine public national) après l'intervention de M. Eric Doligé, la commission a adopté un amendement tendant à assouplir certaines des conditions d'éligibilité au FCTVA.

A l'article 88 (principes généraux applicables à la compensation de transferts de compétences prévus par le présent projet de loi), la commission, après les interventions de MM. Eric Doligé, Jean-Philippe Lachenaud et Jean Arthuis, président, a adopté deux amendements tendant respectivement à prévoir que le projet de décret prévoyant le nombre d'années pris en compte pour le calcul des compensations serait soumis, pour avis, à la commission consultative sur l'évaluation des charges, et à prévoir que les charges de fonctionnement transférées seraient compensées au regard des dépenses actualisées sur une période de trois ans.

Puis après les interventions de Mme Marie-Claude Beaudeau, de MM. Jean-Philippe Lachenaud, Adrien Gouteyron et Jean Arthuis, président, la commission a adopté à l'unanimité trois amendements insérant des articles additionnels après l'article 88, tendant, respectivement, à accompagner les créations et extensions de compétences des ressources nécessaires à leur exercice normal, à confier la présidence de la commission consultative d'évaluation des charges à un élu local, et à confier à cette commission le suivi de l'évolution des charges résultant des créations et extensions des compétences.

Aux articles 92 (création d'un Conseil national des politiques publiques locales) et 93 (transmission à l'Etat des informations nécessaires à l'évaluation des politiques locales par les collectivités territoriales et leur groupement), la commission, après l'intervention de M. Jean Arthuis, président, a adopté deux amendements de suppression.

A l'article 103 (procédure de fusion des établissements publics de coopération intercommunale) et à l'article 104 (conséquences de la fusion d'établissements publics de coopération intercommunale), la commission a adopté deux amendements rédactionnels.

A l'article 123 (assouplissement des conditions de définition et de révision des attributions de compensation versées par les établissements de coopération intercommunale à leurs communes membres), la commission a adopté deux amendements rédactionnels.

A l'article 124 (modification des conditions d'attribution de la dotation de solidarité communautaire), la commission a adopté un amendement de précision rédactionnelle.

A l'article 125 (versement des fonds de concours entre établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre et communes membres), après avoir entendu M. Adrien Gouteyron exprimer sa préoccupation quant au caractère majoritaire du financement de l'équipement par l'établissement public de coopération intercommunale ou la commune bénéficiaire de l'équipement, la commission a adopté un amendement tendant à supprimer toutes les restrictions à l'utilisation des fonds de concours entre les établissements publics de coopération intercommunale et leurs communes membres.

La commission a ensuite émis, sous réserve de l'adoption de ces amendements, un avis favorable sur l'ensemble du projet de loi.

Contrôle budgétaire - Décentralisation en matière de patrimoine monumental en Corse - Communication

La commission a ensuite entendu une communication de M. Yann Gaillard, rapporteur spécial des crédits de la culture, sur la décentralisation en matière de patrimoine monumental en Corse.

M. Yann Gaillard, rapporteur spécial, a tout d'abord indiqué qu'il lui avait paru intéressant, pour faire suite au rapport d'information de la commission sur le patrimoine monumental, d'effectuer un déplacement en Corse, au moment où le Parlement examinait un projet de loi relatif aux responsabilités locales qui comportait trois articles traitant du patrimoine, pour voir comment s'étaient déroulés les transferts de compétence prévus par le statut de 1991.

Après avoir rappelé le programme du voyage, qui lui avait permis de rencontrer le directeur des affaires régionales, le préfet de Corse, ainsi que le directeur de cabinet du président de la collectivité territoriale de Corse et le chef du service du patrimoine à la mairie de Bastia, M. Yann Gaillard, rapporteur spécial, a fait le point de l'évolution du cadre juridique régissant les interventions de l'Etat en ce qui concernait les monuments historiques.

Il a souligné que, depuis la loi de janvier 2002, l'Etat ne possédait plus que deux monuments en Corse : la Maison Bonaparte à Ajaccio qui était un musée relevant de la Direction des musées de France et la chapelle impériale qui était une donation à l'Etat.

Il a précisé que l'Etat, en tant que tuteur des monuments historiques était réduit à sa plus simple expression, puisque tant l'architecte des bâtiments de France que l'architecte en chef des monuments historiques se voyaient privés de l'essentiel des bases juridiques et financières justifiant leur intervention : plus de maîtrise d'ouvrage de l'État, plus de lignes de crédits. Quant à la conservation régionale des monuments historiques, elle se trouvait réduite à une peau de chagrin avec seulement 1,5 agent, dont la tâche consiste à délivrer des autorisations de travaux.

M. Yann Gaillard, rapporteur spécial, a signalé qu'allait également dans le sens d'un dépérissement de l'Etat-culture, le fait que l'instance consultative conditionnant en Corse la mise en oeuvre des procédures de classement et d'inscription, le conseil des sites, n'avait pas été constituée avant cet automne et qu'en conséquence aucun monument historique n'avait pu être protégé depuis 1994.

En conclusion, le rapporteur spécial des crédits de la culture a fait état des inquiétudes des personnels d'Etat, mais aussi de la volonté manifestée par les responsables de la collectivité territoriale de Corse d'agir efficacement en faveur du patrimoine comme en témoignait la création au sein de cette collectivité d'un service du patrimoine qui avait été confié à un conservateur du patrimoine ayant fait la preuve de son dynamisme dans le département de l'Isère.

Après que le rapporteur spécial eut répondu aux interventions de M. Maurice Blin, ainsi que de M. Jean Arthuis, président, pour admettre notamment qu'il était dans la logique de la décentralisation de laisser les collectivités bénéficiaires libres de l'emploi des sommes transférées, la commission a donné acte au rapporteur spécial de sa communication.

Contrôle budgétaire - Agence française pour l'Ingénierie touristique (AFIT) - Communication

La commission a ensuite entendu une communication de Mme Marie-Claude Beaudeau, rapporteur spécial, sur l'Agence française pour l'Ingénierie touristique (AFIT).

Mme Marie-Claude Beaudeau, rapporteur spécial, a tout d'abord présenté l'Agence française de l'ingénierie touristique (AFIT), groupement d'intérêt public (GIP) créé en mars 1993 et issu du regroupement de plusieurs services de la direction du tourisme, indiquant que sa vocation première consistait à maintenir une capacité d'orientation de l'Etat en matière de production touristique, et à susciter des partenariats entre secteur public et secteur privé.

Elle a rappelé que lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2003, la commission des finances du Sénat avait pris l'initiative de proposer une réduction d'environ 10 % de la subvention que lui consentait chaque année l'Etat, inscrite au chapitre 44-01 du budget du tourisme, cette initiative s'inscrivant alors dans le cadre des efforts de la commission des finances du Sénat pour réduire les dépenses de l'Etat, suite à la forte contraction des recettes fiscales alors enregistrées.

Elle a indiqué qu'à la suite du vote de l'amendement réduisant les crédits de l'AFIT, elle avait été chargée, dans le cadre de ses fonctions de rapporteur spécial des crédits du tourisme et en application de l'article 57 de la loi organique relative aux lois de finances, de réaliser un contrôle portant sur les comptes et la gestion du groupement.

Elle a exposé les conclusions de son contrôle.

Elle a, tout d'abord, estimé le fonctionnement de l'AFIT relativement complexe, du fait de sa position « d'interface » entre une multitude d'acteurs du secteur touristique aux origines diverses, l'AFIT ayant affaire à l'Etat, aux collectivités territoriales et à des partenaires privés à la fois clients et fournisseurs en tant qu'ils participaient financièrement aux études qu'ils sollicitaient de l'agence. Elle a également constaté que l'AFIT, peu connue du grand public, bénéficiait d'une forte crédibilité auprès des professionnels du tourisme du fait de la qualité de ses travaux, et a souligné que sa notoriété dépassait même le cadre de nos frontières.

Elle a déclaré que l'AFIT était aujourd'hui confrontée à un certain nombre de défis qui tenaient tant à son statut et à son mode de fonctionnement qu'aux évolutions institutionnelles du cadre juridique dans lequel elle devait inscrire son action.

Elle a indiqué que le groupement d'intérêt public serait confronté en 2005 à la question de son avenir juridique. Elle a estimé que, si la forme juridique du GIP avait permis un démarrage souple et simple de ses activités, elle n'était pas vraiment adaptée à un fonctionnement durable, et que la formule de l'établissement public industriel et commercial serait peut-être mieux adaptée.

Elle a indiqué que cette question devait aujourd'hui être appréhendée en tenant compte des réformes décentralisatrices actuellement en cours et évoqué la création éventuelle d'un collège de collectivités au sein du conseil d'administration.

Elle a souligné qu'un ancrage public s'avère nécessaire, en raison des relations étroites entretenues par l'AFIT avec l'Etat, qui lui fournissait les trois quarts de ses moyens. Elle a exposé le cadre conventionnel de leurs relations et indiqué que les conventions annuelles, qui permettaient le versement de la subvention de l'Etat à l'AFIT, étaient jusqu'alors régulièrement signées avec retard, ce qui bloquait le versement de la subvention d'Etat à l'AFIT. Elle s'est félicitée de ce que, pour la première fois en 2003, une convention provisoire a été adoptée dès le 15 janvier 2003, permettant le versement de 40 % de la subvention et, en attendant, la signature de la convention définitive qui a eu lieu en mars 2003.

Elle s'est également étonnée de ce qu'aucune des conventions constitutives de l'AFIT n'ait été régulièrement signée, tout en indiquant qu'au cours de son contrôle cette lacune avait été réparée.

Elle a déclaré que la clarification des missions de l'AFIT doit encore être poursuivie, comme doivent l'y inciter les récents propos du secrétaire d'Etat au tourisme, M. Léon Bertrand. Elle a indiqué que l'AFIT avait fait réaliser un projet stratégique par un cabinet de conseil en 2002 et que ce projet définissait le métier de base de l'AFIT comme l'appui en conseil à la décision et conception de projets touristiques. Elle a estimé que ces réflexions permettent d'avancer, mais que la réflexion sur les missions de l'AFIT était loin d'être close.

Concernant le fonctionnement de l'agence, Mme Marie-Claude Beaudeau, rapporteur spécial, a indiqué qu'en dehors des moyens fournis par le secrétariat au tourisme, l'agence faisait appel, pour financer les études que le plus souvent elle faisait réaliser par des cabinets de conseil, au partenariat, et que, bien qu'une augmentation sensible du taux de cofinancement des études soit observable depuis la création de l'AFIT, il fallait continuer à prospecter pour augmenter la participation extérieure au financement de l'AFIT.

Elle a précisé que l'Etat participait au fonctionnement de l'AFIT bien au- delà de la subvention annuelle consentie au GIP. Sur les 45 personnes actuellement employées à l'AFIT en octobre, elle a indiqué que 32 étaient mises à disposition par les ministères, dont 18 par le secrétariat d'Etat au tourisme, et que l'AFIT avait également bénéficié à partir de 1998 de la création de 7 postes d'emplois-jeunes dont trois étaient encore en cours.

Elle a indiqué que la situation financière de l'établissement a évolué depuis le vote de la réduction des crédits de l'AFIT l'année dernière. Elle a rappelé qu'en 2001, l'AFIT disposait d'un niveau élevé de trésorerie, les disponibilités s'élevant au total à 1,4 million d'euros dont 1,3 million d'euros investis en valeurs de placement et que, depuis, l'AFIT avait dû puiser dans son fonds de roulement pour maintenir son activité. Elle a estimé que ces prélèvements sur le fonds de roulement ne pouvaient pas être reconduits d'année en année, sauf à mettre en péril le bon fonctionnement de l'agence et d'autant, a-t-elle précisé, que le signal donné par la commission des finances semblait avoir été entendu par l'AFIT.

Elle a indiqué que des progrès avaient été accomplis cette année, citant l'adoption d'un tarif journalier pour les prestations rendues par l'AFIT, qui semblait déterminée à ne plus intervenir « gratuitement » comme ce fut le cas dans le passé. En ce qui concernait les stocks de publication, dont elle a indiqué qu'ils étaient surévalués dans les comptes de l'AFIT, elle a déclaré qu'un nouveau mode de comptabilisation avait été adopté, faisant suite à une dépréciation massive de la valeur des stocks existants.

Pour autant, elle a estimé que la gestion de l'AFIT devait encore progresser, et que les spécificités de l'AFIT ne la dispensaient pas de se soumettre, comme tout groupement d'intérêt public, aux règles de gestion économique et financière garantes de la bonne utilisation des fonds publics. Elle a cité le dernier rapport de la Cour des comptes, qui faisait état d'un certain nombre d'irrégularités dans la passation de commandes d'études. Elle a estimé que ces irrégularités devaient impérativement cesser si l'AFIT souhaitait se développer et se renforcer, et que l'AFIT devait s'engager à respecter scrupuleusement les règles relatives à la passation de marchés.

Elle a conclu son exposé en indiquant qu'avec les nouvelles échéances que sont les Assises nationales du tourisme, qui se tiendraient le 8 décembre, et le prochain comité interministériel sur le tourisme déjà prévu pour le printemps, le débat portant sur les acteurs de la politique du tourisme n'était pas clos.

A la suite de cette communication, un débat s'est instauré.

M. Jean Arthuis, président, a déclaré que la diligence de Mme Marie-Claude Beaudeau, rapporteur spécial, rendait service à l'AFIT. Il s'est cependant interrogé sur la valeur ajoutée d'une structure comme l'AFIT par rapport au secrétariat d'Etat au tourisme et il a estimé que l'administration devrait facturer les emplois mis à la disposition des groupements d'intérêt public.

M. Maurice Blin s'est dit choqué par les dysfonctionnements repérés par Mme Marie-Claude Beaudeau lors de son contrôle et a estimé souhaitable de sanctionner ce qu'il a appelé des « abîmes de non-gestion ».

M. Yann Gaillard s'est interrogé sur la nature des relations de l'AFIT avec la Maison de la France, autre groupement d'intérêt public dévolu à la politique du tourisme.

En réponse, Mme Marie-Claude Beaudeau, rapporteur spécial, a indiqué qu'à la différence de la Maison de la France, qui travaillait depuis quelques années à réparer, vis-à-vis des touristes étrangers, les effets, tantôt du terrorisme, tantôt des pollutions des côtes françaises, l'AFIT réalisait un travail de fond, citant des études, comme celle portant sur l'aménagement des structures touristiques en faveur des handicapés, qui avaient permis d'engager des actions concrètes. Elle s'est dite sensible aux interrogations de fond soulevées par ses interlocuteurs, indiquant que l'AFIT n'était pas la seule structure en cause, et qu'il fallait réfléchir plus globalement à la situation des groupements d'intérêt public issus du démembrement de services de l'Etat.

Puis la commission a donné acte à Mme Marie-Claude Beaudeau, rapporteur spécial, de sa communication et a autorisé la publication de ses conclusions sous forme d'un rapport d'information.

PJLF pour 2004 - Crédits de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche - I Jeunesse et enseignement scolaire et l'article 78 rattaché -Examen du rapport spécial

La commission a ensuite examiné les crédits de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche : I. Jeunesse et enseignement scolaire et l'article 78 rattaché, sur le rapport de M. Roger Karoutchi, rapporteur spécial.

Après avoir rappelé à titre liminaire que les crédits demandés s'y inscrivaient en hausse de 2,8 %, M. Roger Karoutchi, rapporteur spécial, a salué les efforts de transparence et de sincérité accomplis dans le projet de budget de la jeunesse et de l'enseignement scolaire pour 2004. Il a notamment précisé que les crédits des chapitres de fonctionnement, qui faisaient traditionnellement l'objet d'annulations en cours d'exécution, avaient été ainsi réduits dès le projet de loi de finances initiale, de sorte que celui-ci était davantage réaliste et réalisable.

Il s'est ensuite inquiété de la stagnation des performances du système éducatif depuis le milieu des années 90, en précisant que, malgré le repli des effectifs scolarisés, la proportion des élèves atteignant le niveau du baccalauréat s'était stabilisée, depuis 1995, à 69 %, loin de l'objectif de 80 % fixé par la loi d'orientation de 1989 ; que l'école ne parvenait pas à réduire la proportion des élèves -de l'ordre de 15 %- qui entraient en 6e sans maîtriser les acquis fondamentaux, enfin que le système éducatif était confronté à la déscolarisation d'élèves de collège de plus en plus jeunes, ainsi qu'à la persistance des inégalités géographiques. Au total, il a estimé que la « massification » de l'enseignement secondaire s'était accompagnée d'une démocratisation limitée par le développement de nouveaux modes de sélection et de ségrégation, notamment via la carte des options.

Il a rappelé que ces évolutions étaient d'autant plus inquiétantes qu'elles s'étaient produites dans un contexte d'augmentation continuelle des dépenses consacrées à l'enseignement scolaire, celles de l'Etat comme celles des collectivités territoriales (ces dernières finançant d'ailleurs de plus en plus de dépenses de fonctionnement), et alors même que la France consacrait, d'ores et déjà, plus de dépenses, en proportion de son PIB, que la moyenne des pays de l'OCDE, notamment parce que le ratio élèves/enseignants était relativement faible dans l'enseignement secondaire.

Il a également rappelé que la précédente législature avait connu une multiplication de réformes pédagogiques dont les effets avaient été d'autant plus limités qu'elles avaient, en fait, modérément changé les pratiques des enseignants, de sorte que le gouvernement avait raison de « calmer le jeu » en ne lançant pas de grande réforme pédagogique, tout au moins avant la conclusion du débat national sur l'école qui devrait déboucher sur l'examen par le Parlement d'une nouvelle loi d'orientation à la fin de l'année 2004.

Il a ensuite indiqué que le projet de budget de la jeunesse et de l'enseignement scolaire pour 2004 se caractérisait par des efforts de maîtrise des dépenses, avec une baisse sensible du nombre « d'adultes » dans le système scolaire (environ - 9.000), au travers notamment du non-remplacement d'un personnel administratif sur deux partant en retraite, ainsi que de la suppression de 2.400 postes de professeurs de l'enseignement secondaire stagiaires, cette dernière mesure conduisant à une réduction du nombre de postes mis aux concours.

Il a exposé que l'enseignement scolaire était désormais confronté à trois défis. En premier lieu, il a indiqué que la décentralisation de 96.000 postes de techniciens, ouvriers et de services (TOS) constituerait ainsi un défi pour les régions, qui pourraient voir leurs effectifs décupler, et il s'est interrogé sur le transfert des personnels administratifs actuellement chargés de la gestion de ces TOS.

Il a exposé que la mise en oeuvre de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF) constituait un second défi, en ajoutant que chacun, y compris dans l'administration centrale, reconnaissait que l'éducation nationale était mal administrée, que les politiques pédagogiques étaient rarement évaluées et que le ministère se caractérisait par la méconnaissance du coût de ses actions. A cet égard, il a estimé que la réforme en cours de l'administration centrale allait ainsi plutôt dans le bon sens, et il s'est notamment félicité de la re-création de la direction de l'évaluation et de la prospective. En outre, il a indiqué que l'inspection générale de l'administration de l'éducation nationale et de la recherche (IGAENR) estimait que la LOLF devrait permettre de passer d'une logique de moyens à une logique de résultats. Cependant, il a ajouté qu'il importerait de dresser le bilan des expérimentations prévues pour 2004, il s'est interrogé sur la pertinence du découpage des programmes et il a exprimé le souhait que le projet de loi de finances intègre désormais des indicateurs de satisfaction des usagers.

Enfin, il a jugé que l'enseignement scolaire public était confronté aux défis résultant de ce que les attentes des parents s'étaient accrues, d'une part, de ce que la concurrence de l'enseignement privé s'était avivée, à la suite notamment des mouvements sociaux de l'année passée, d'autre part.

En conclusion, il a souligné que le débat national sur l'école devrait soulever une question difficile : celle de l'adaptation des statuts, des obligations de service et de l'évaluation des enseignants à l'évolution de leur métier.

Puis il a exposé que l'article 78 du présent projet de loi de finances rattaché au budget de la jeunesse et de l'enseignement scolaire proposait l'intégration, sur leur demande, des huit personnels administratifs de l'ancien lycée des métiers Jean Drouant, sis rue Médéric à Paris, transformé, à la demande de l'association professionnelle des restaurateurs hôteliers et limonadiers (APHRL), en un établissement public local d'enseignement à la suite d'une délibération du conseil régional et d'un arrêté en ce sens du Préfet de région.

Un large débat s'est ensuite ouvert.

Tout en soulignant les difficultés résultant de la gestion de la fin des dispositifs emplois-jeunes, M. Jean Arthuis, président, s'est demandé si les mesures de réduction des effectifs ne pouvaient pas être plus prononcées.

En réponse, M. Roger Karoutchi, rapporteur spécial, a souligné « l'effet de signal » résultant d'ores et déjà de la forte réduction du nombre de personnels administratifs et surtout de la réduction du nombre des emplois de stagiaires, c'est-à-dire de la réduction du nombre de postes ouverts aux concours, tout en observant qu'il valait mieux réduire les recrutements de cette manière, plutôt qu'en ne pourvoyant pas les postes mis au concours.

M. Eric Doligé s'est ensuite interrogé sur le partage des responsabilités au niveau des services déconcentrés, sur la connaissance par l'administration de son patrimoine immobilier, sur le nombre de personnes mises à disposition de l'éducation nationale par les collectivités territoriales enfin, si le transfert aux départements de la réalisation de la carte scolaire des collèges s'accompagnerait du transfert des personnels qui se chargeaient aujourd'hui de sa réalisation.

En réponse, M. Roger Karoutchi, rapporteur spécial, a indiqué qu'il conduisait un contrôle de la politique immobilière de l'administration centrale du ministère, dont les premiers résultats étaient étonnants. Il a ajouté que la réorganisation du ministère était une priorité absolue, tout en soulignant que le ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche s'était engagé à réduire de 3 % par an les effectifs de son administration centrale. Enfin, il a renouvelé ses inquiétudes quant aux conditions de mise en oeuvre de la décentralisation.

M. Yann Gaillard s'est ensuite interrogé sur le déroulement et l'organisation du débat national sur l'école, ainsi que sur le caractère accablant des premières conclusions de la commission présidée par M. Claude Thélot.

En réponse, M. Roger Karoutchi, rapporteur spécial, a souligné que tous les rapports rédigés par l'inspection générale de l'éducation nationale (IGEN) et par l'inspection générale de l'administration de l'éducation nationale et de la recherche (IGAENR) étaient également très sévères quant au fonctionnement de la « machinerie » de l'éducation nationale.

M. Jean Arthuis, président, a souligné le dévoiement de la préscolarisation à deux ans dans certains départements, en précisant que les taux élevés d'enfants de deux ans scolarisés s'expliquaient, parfois, par le souci de la part de l'enseignement scolaire public de « préempter » les élèves dans un contexte de forte concurrence de la part de l'école privée.

En réponse, M. Roger Karoutchi, rapporteur spécial, a exposé que les travaux d'évaluation conduits sur la préscolarisation à deux ans n'en suggéraient d'ailleurs pas l'intérêt pour la généralité des élèves, et préconisaient également que l'on substitue des spécialistes de la petite enfance aux enseignants pour les enfants les plus jeunes.

Puis, M. Jean Arthuis, président, et M. Roger Karoutchi, rapporteur spécial, se sont interrogés sur l'efficience des instituts universitaires de formation des maîtres (IUFM).

Enfin, M. Yann Gaillard et M. Roger Karoutchi, rapporteur spécial, ont, tous deux, souligné le contraste entre les carences de la gestion globale du système éducatif et la qualité des initiatives locales.

A l'issue de ce débat, la commission a décidé de proposer au Sénat d'adopter l'article 78 rattaché au budget de la jeunesse et de l'enseignement scolaire. En revanche, elle a réservé son vote sur les crédits de ce budget dans l'attente de l'audition de M. Luc Ferry, ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche, et de M. Xavier Darcos, ministre délégué à l'enseignement scolaire, prévue pour le mercredi 29 octobre 2003.