Table des matières


Mardi 12 décembre 2000

- Présidence de M. James Bordas, vice-président. -

Patrimoine - Archéologie préventive - Examen du rapport en nouvelle lecture

La commission a examiné le rapport, en nouvelle lecture, de M. Jacques Legendre sur le projet de loi n° 129 (2000-2001) adopté avec modifications par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture, relatif à l'archéologie préventive.

M. Jacques Legendre, rapporteur, a rappelé que la commission mixte paritaire réunie le 10 octobre n'avait pas permis d'aboutir à la rédaction d'un texte commun et il a indiqué que l'Assemblée nationale avait, en nouvelle lecture, rétabli, pour l'essentiel des dispositions du projet de loi, le texte qu'elle avait adopté en deuxième lecture.

Il a souligné que le désaccord entre les deux assemblées portait toutefois moins sur les principes du projet de loi que sur leurs modalités de mise en oeuvre, le Sénat et l'Assemblée nationale ayant été également conscients de la nécessité de remédier à l'inadaptation de la loi de 1941 aux opérations d'archéologie préventive et de clarifier les conditions de réalisation et de financement des fouilles.

Il a fait observer qu'en dépit de la perplexité que lui avaient inspirée les versions successives de la redevance, le Sénat n'avait pas remis en cause le principe du financement par l'impôt de l'archéologie préventive. Evoquant le caractère incertain des simulations réalisées par le Gouvernement, il a indiqué que l'Etat devrait éventuellement assumer les conséquences financières d'un rendement insuffisant des redevances d'archéologie.

Le rapporteur a rappelé que le Sénat avait cependant estimé incompatible avec le monopole reconnu à l'établissement public chargé de réaliser les fouilles ce système de financement, qui encourageait la confusion des genres entre l'Etat dans son rôle de gardien du patrimoine archéologique et l'opérateur chargé des opérations de terrain. Les fouilles risquent, en effet, dans un tel système d'être dictées moins par les impératifs de protection des vestiges que par des considérations liées à la nécessité pour l'établissement public d'assurer l'équilibre de son budget.

Afin de prévenir une telle dérive qui ne peut qu'être encouragée par le déséquilibre prévalant d'ores et déjà entre les services du ministère de la culture et l'association pour les fouilles archéologiques nationales (AFAN), le Sénat a refusé le principe des droits exclusifs. Quant au choix d'un statut industriel et commercial pour l'établissement public, il ne traduit pas la volonté du Sénat de livrer l'archéologie à la concurrence mais son souci d'adapter au mieux le fonctionnement de cette structure à la nature de ses missions afin de privilégier la souplesse de gestion et d'éviter dans la mesure du possible les surcoûts.

Mais si le Sénat s'est opposé au principe du monopole, c'est surtout afin de reconnaître aux services archéologiques des collectivités territoriales la place qui doit être la leur. Le texte adopté par l'Assemblée nationale ne leur reconnaît qu'une compétence subsidiaire, peu compatible au demeurant avec l'objectif de décentralisation culturelle prôné par le Gouvernement. Le Sénat avait, au contraire, conféré à ces services pleine compétence, sous la surveillance de l'Etat, pour intervenir sur les chantiers de fouilles situés sur leur territoire dès lors que les collectivités en font la demande, afin d'établir une égalité de traitement entre les opérateurs locaux et l'opérateur national.

Le rapporteur a souligné que le Sénat, s'il avait pris en compte les contraintes pesant sur les aménageurs, avait eu comme principale préoccupation d'assurer une protection efficace du patrimoine archéologique. Ainsi, le Sénat avait introduit, pour les sites les plus riches, un taux majoré de la redevance afin d'inciter autant que possible les aménageurs dotés de fortes capacités contributives à renoncer à leurs projets. L'Assemblée nationale et le Gouvernement ne l'ont pas suivi. Si ce taux n'était pas retenu, l'Etat devra assumer ses responsabilités, soit en faisant réaliser par l'établissement des fouilles dont le coût ne sera pas couvert par la redevance, soit en classant le site, situations également peu satisfaisantes. Dans le souci d'assurer un contrôle vigilant sur la politique de protection du patrimoine archéologique, le Sénat avait également souhaité, avec l'accord du Gouvernement, que soit déposé sur le bureau des assemblées un rapport bisannuel afin de rendre compte de l'application de la loi. Sur ce point non plus, l'Assemblée nationale n'a pas suivi le Sénat.

Compte tenu de ces éléments, M. Jacques Legendre, rapporteur, a proposé à la commission de revenir en nouvelle lecture au texte adopté par le Sénat en deuxième lecture, sous réserve de quelques modifications rédactionnelles, regrettant toutefois qu'un texte commun n'ait pu être élaboré dans la mesure où l'Assemblée nationale avait partagé sur bien des aspects les doutes du Sénat sur l'efficacité du système proposé par le gouvernement.

Après l'exposé du rapporteur, la commission a procédé à l'examen des articles.

Elle a adopté à l'article premier (définition de l'archéologie préventive) un amendement rétablissant le texte adopté par le Sénat en deuxième lecture.

A l'article 1er bis (rôle de l'Etat), elle a adopté un amendement rétablissant le texte adopté par le Sénat en deuxième lecture.

A l'article 1er ter (carte archéologique nationale), la commission a adopté deux amendements tendant :

- à rétablir une précision introduite par le Sénat ;

- à améliorer la rédaction des dispositions relatives à la procédure de communication de la carte archéologique.

La commission a adopté un amendement rétablissant le texte adopté par le Sénat en deuxième lecture pour l'article 1er quater (services archéologiques des collectivités territoriales).

A l'article 2, la commission a adopté deux amendements visant à rétablir le texte adopté par le Sénat en deuxième lecture.

Elle a adopté un amendement de suppression de l'article 2 bis (convention entre l'établissement et l'aménageur), par coordination avec le rétablissement de l'article 1er bis dans la rédaction du Sénat.

A l'article 2 ter (régime juridique des découvertes mobilières réalisées à l'occasion des fouilles préventives), la commission a adopté deux amendements visant à rétablir le texte adopté par le Sénat en deuxième lecture.

A l'article 4 (redevances d'archéologie préventive), la commission a adopté cinq amendements visant respectivement à :

- tirer les conséquences de la suppression du monopole sur la rédaction du paragraphe I qui définit l'assiette de la redevance et y réintroduire une précision rédactionnelle supprimée par l'Assemblée nationale ;

- rétablir le taux majoré pour les sites renfermant des structures archéologiques complexes ;

- supprimer la disposition rétablie à l'Assemblée nationale concernant le mécanisme d'exonération bénéficiant aux collectivités locales dotées de services archéologiques ;

- réintroduire l'exonération prévue par le Sénat pour les redevables ne recourant pas à l'établissement public.

A l'article 4 bis (commission de recours), la commission a adopté un amendement rédactionnel.

A l'article 5 ( coordination), la commission a adopté un amendement supprimant le paragraphe IV.

La commission a adopté un amendement de suppression de l'article 5 ter (régime des découvertes immobilières) et a rétabli l'article 5 quater (rémunération de l'inventeur d'une découverte archéologique immobilière fortuite) dans la rédaction adoptée par le Sénat en deuxième lecture.

A l'article 6 (rapport au Parlement), la commission a adopté un amendement de retour au texte adopté par le Sénat en deuxième lecture.

Puis la commission a approuvé le projet de loi ainsi modifié.

Organisme extraparlementaire - Comité d'orientation des programmes de la société nationale de programme La Cinquième - Désignation de candidats

Au cours de la même réunion, la commission a décidé de proposer à la nomination du Sénat MM. Jean-Léonce Dupont et Ivan Renar pour siéger au comité d'orientation des programmes de la société nationale de programme La Cinquième.

Nomination d'un rapporteur

Elle a également désigné M. Pierre Laffitte comme rapporteur de sa proposition de loi n° 105 (200-2001), tendant à renforcer la protection des biens mobiliers dont la conservation présente un intérêt historique ou artistique.

Mercredi 13 décembre 2000

- Présidence de M. Adrien Gouteyron, président. -

Audition de M. Michel Duffour, secrétaire d'Etat au patrimoine et à la décentralisation culturelle

La commission a entendu M. Michel Duffour, secrétaire d'Etat au patrimoine et à la décentralisation culturelle, sur les outils de la décentralisation culturelle.

En introduction à son propos, M. Michel Duffour a souhaité tirer les enseignements des déplacements qu'il avait déjà effectués, à la rencontre des artistes et des professionnels de la culture, des administrations et des élus, dans 46 départements et une quinzaine de grandes villes, qui lui ont permis de constater la " formidable appétence " de notre pays en matière artistique et culturelle, ainsi que le foisonnement de propositions nouvelles et de pratiques innovantes qui bousculent les catégories, les hiérarchies et les disciplines.

Il a souligné que sans brader un héritage envié, il convenait de repérer et de soutenir les initiatives nombreuses qui participent au renouvellement du paysage culturel et artistique.

Rappelant que la spécificité française se caractérisait par le soutien de l'Etat -et aujourd'hui de l'ensemble des collectivités publiques- par la présence de la création dans la cité et par le souci de l'accès à la culture du plus grand nombre, il a relevé que la garantie de la diversité de la création, l'équilibre de l'offre culturelle sur l'ensemble du territoire et le progrès de l'égalité d'accès à la culture n'étaient jamais acquis, ce qui avait motivé la position très ferme prise par le ministère de la culture en faveur du maintien de la règle de l'unanimité pour la détermination des positions de négociation communautaires dans les secteurs de l'audiovisuel et de la culture. Pour autant, il n'est pas possible de s'en tenir à des positions défensives, il faut aussi tenter d'" anticiper un futur qui ne nous attend pas ". Evoquant à ce sujet un récent déplacement en Lorraine, M. Michel Duffour a noté la diversité, l'ambition et l'audace de réalisations et de projets culturels qui, de la construction d'un pôle lyrique à la vitalité d'un théâtre universitaire en passant par des projets réinvestissant la mémoire et les lieux industriels, démontraient que la dimension culturelle est l'affaire de tous.

Abordant ensuite le sujet du patrimoine, le secrétaire d'Etat a souligné l'intérêt qu'il suscitait, dont témoigne le succès des journées du patrimoine, et le souci nouveau de sa protection, qui s'assortit de projets de réutilisation et fait du patrimoine, " mémoire et projet ", un domaine d'avenir, comme le démontre, dans le Nord, le sauvetage de la villa de Mallet-Stevens, rachetée par l'Etat et dont la conservation s'accompagne d'un projet élaboré par l'ensemble des collectivités concernées.

Soulignant l'importance de la valorisation du patrimoine dans les politiques locales de développement économique et touristique, et ses effets en termes d'emploi, le secrétaire d'Etat a noté que cette valorisation passait désormais par des pratiques culturelles très diverses, allant de la préservation de la mémoire sociale à l'ouverture aux expressions artistiques théâtrales, plastiques ou musicales. Les identités qui se forgent aujourd'hui autour de cette notion revisitée du patrimoine sont nécessaires à la construction des individus et appellent une évolution du rôle de l'Etat qui, au-delà de ses missions régaliennes, devra s'inscrire dans l'aide aux projets de développement culturel dont le patrimoine est le support.

A ce propos, M. Michel Duffour a évoqué le choix des sites et des thèmes retenus dans le cadre des premiers projets de protocoles de décentralisation culturelle, qui porteront, en Lorraine, en Seine-Saint-Denis et dans l'Isère, sur l'inventaire du patrimoine ; en Lozère, sur l'ensemble du champ patrimonial ; en région Provence-Alpes-Côte d'Azur -et plus précisément dans les Bouches-du-Rhône- sur les monuments inscrits ; en Aquitaine sur la numérisation des fonds patrimoniaux ; dans la région Nord-Pas-de-Calais sur les enseignements de la musique, de la danse et des arts plastiques et, pour la région Pays-de-Loire, dans le département de Loire-Atlantique, sur l'enseignement de la musique et de la danse.

Passant ensuite à la décentralisation culturelle, le ministre a indiqué que la démarche qu'il avait entreprise dans ce domaine trouvait un écho dans le récent rapport de la commission pour l'avenir de la décentralisation présidée par M. Pierre Mauroy et s'inscrivait dans la ligne tracée par le Premier ministre en Avignon au mois de juillet et à Lille en novembre dernier.

Il s'agit davantage, en effet, de prolonger la démarche engagée par les lois de décentralisation et d'épauler grâce à la décentralisation une démocratie renouvelée, que de procéder à de nouveaux transferts obligatoires de compétences.

Le rapport de la commission pour l'avenir de la décentralisation propose ainsi quelques mesures, tels le transfert aux départements de l'inventaire et la création d'établissements publics culturels. Il évoque aussi la nécessité de lever certains verrous relatifs aux emplois de la filière culturelle.

Le secrétaire d'Etat a souligné qu'il avait observé, tant lors de ses déplacements qu'à l'occasion de la mise au point du volet culturel des contrats de plan Etats-régions ou de l'élaboration des schémas collectifs des services culturels, l'importance des financements croisés. Il a affirmé sa conviction que ce mécanisme constituait la trame du développement culturel et de l'intervention des collectivités territoriales, et s'est déclaré sur ce point en décalage avec les conclusions de la mission sénatoriale d'information sur la décentralisation. En dépit des critiques dont ont pu faire l'objet les financements croisés, il semble en effet souhaitable de s'engager dans une démarche expérimentale reposant sur le développement de partenariats, plutôt que sur de nouveaux transferts de " blocs " de compétence.

Cette démarche pourrait s'appuyer, outre les protocoles de décentralisation culturelle, sur la création de l'établissement public de coopération culturelle et sur les missions territoriales d'établissements publics nationaux comme le centre des monuments nationaux et le futur établissement public d'archéologie préventive.

M. Michel Duffour a indiqué quelles pourraient être les grandes lignes du statut d'un établissement public de coopération culturelle associant l'Etat et les collectivités territoriales, dont il a souhaité qu'il puisse être soumis au Parlement au cours du premier semestre 2001 :

- l'initiative de la création d'un établissement public de coopération culturelle appartiendrait aux collectivités territoriales, qui décideraient de son statut et de sa nature administrative ou industrielle et commerciale ;

- les structures de l'établissement comporteraient, à côté du conseil d'administration, un conseil culturel associant les professionnels et les usagers ;

- le représentant de l'Etat approuverait la création de l'établissement public, dont l'Etat pourrait être membre sans en être la collectivité de rattachement.

Le secrétaire d'Etat a ensuite brièvement évoqué le centre des monuments nationaux et le futur établissement public d'archéologie préventive.

A propos du centre des monuments nationaux, il a souligné que cet établissement national aurait des relations plus claires avec l'administration du ministère de la culture que la caisse des monuments historiques et des sites à laquelle il avait succédé, et qu'il aurait vocation à soutenir les projets proposés par les collectivités territoriales en mettant à leur service aussi bien sa capacité de programmation que son expertise technique ou de régie de production.

Au sujet du futur établissement public d'archéologie préventive, le secrétaire d'Etat, sans vouloir anticiper sur le prochain débat en nouvelle lecture sur le projet de loi relatif à l'archéologie préventive, a rappelé les raisons pour lesquelles le gouvernement souhaitait instaurer un monopole d'Etat en ce domaine, réaffirmé que l'établissement public ne disposerait pas du pouvoir de prescription scientifique ni de celui de désigner le responsable des fouilles et indiqué que, lorsqu'il existerait un service archéologique local -ils ne sont actuellement qu'au nombre de 80- l'établissement public passerait avec lui une convention de collaboration l'associant aux travaux de recherche et à l'exploitation de ces travaux : le secrétaire d'Etat a par ailleurs noté que la loi sur l'intercommunalité comme le projet de création d'un établissement public de coopération culturelle étaient susceptibles de favoriser la création de services publics archéologiques communs à plusieurs collectivités territoriales.

M. Michel Duffour a enfin indiqué qu'il avait confié à un professionnel du département des Bouches-du-Rhône une mission sur les " lieux intermédiaires " destinée à engager une politique de soutien aux expressions non institutionnelles. Les lieux intermédiaires permettent de toucher de nouveaux publics, tel le nouveau théâtre qui s'est créé aux confins de Bordeaux et de Bègles, mais aussi de réinvestir des lieux de mémoire souvent industriels et quelquefois protégés au titre de la législation sur les monuments historiques.

En conclusion de son exposé, le secrétaire d'Etat a salué la réussite de l'action des directions régionales des affaires culturelles (DRAC), qui depuis quinze ans ont fait avancer l'idée de la responsabilité publique partagée en matière d'action culturelle et progresser le partenariat et la contractualisation, et il a jugé nécessaire une augmentation de leurs moyens, à laquelle contribuera le transfert de 200 postes de l'administration centrale.

Un débat a suivi l'exposé du secrétaire d'Etat.

M. Philippe Nachbar s'est inquiété de l'insuffisance des crédits budgétaires consacrés à la sauvegarde du petit patrimoine rural non protégé et a jugé indispensable qu'ils puissent être renforcés.

Il a par ailleurs souhaité avoir des informations sur l'évolution du processus de déconcentration et de la contractualisation.

M. Marcel Vidal a posé une question sur le bilan de l'action de la Fondation du patrimoine, qui lui a paru décevant au niveau de la région Languedoc-Roussillon ; il s'est déclaré très favorable à la création d'établissements publics de coopération culturelle mais il a relevé en revanche les graves dysfonctionnements qui affectaient parfois les systèmes de financements croisés et il a souhaité le développement de partenariats au niveau des pays. Il a insisté sur l'intérêt de développer la coopération culturelle internationale, prenant pour exemple celle qui s'était développée à plusieurs niveaux entre la France et l'Italie. Il a enfin évoqué les difficultés auxquelles se heurtaient souvent les opérations de restauration des orgues en raison du partage des compétences entre les directions du ministère chargées de la musique et du patrimoine.

M. Ivan Renar a corroboré l'analyse selon laquelle la politique du patrimoine doit servir de support à la fois à la mémoire et à la création et permettre de " se souvenir de l'avenir ", notant le rôle que pouvaient jouer à cet égard les nouvelles technologies de l'information. Il a approuvé la démarche expérimentale dans laquelle s'inscrivaient les protocoles de décentralisation culturelle, et s'est inquiété des moyens financiers et en personnel qui leur seraient consacrés par l'Etat. Il a observé que les relations entre les élus et les DRAC n'étaient pas toujours faciles et a relevé les effectifs insuffisants et le statut précaire du personnel de ces dernières, qui est pourtant d'une qualité souvent remarquable.

Il s'est félicité que soit " réactivé " le projet d'établissement public de coopération culturelle, qui avait suscité quelques réticences et dont il a souhaité qu'il puisse être un instrument ayant à la fois la souplesse des associations et la rigueur de gestion des établissements publics. Evoquant les auditions qu'il avait conduites dans le cadre de la préparation de son rapport sur la proposition de loi portant création d'établissements publics à caractère culturel, il s'est demandé si les projets du ministère prendraient la forme d'un projet ou d'une proposition de loi, et a soulevé le problème posé par le statut des personnels de tels établissements, dont il a souligné qu'ils devraient être créés sur la base du volontariat et pour gérer des institutions culturelles d'une certaine importance.

A propos du futur établissement public d'archéologie préventive, il a noté que beaucoup de services d'archéologie locaux avaient eu à se plaindre d'une certaine arrogance de l'association pour les fouilles archéologiques nationales (AFAN), et il a souhaité que le futur établissement public fasse prévaloir une coopération avec les services locaux qui tienne compte de leur grande qualité.

M. Pierre Laffitte, après s'être associé aux propos de M. Ivan Renar sur l'évolution de la politique patrimoniale et avoir noté que les nouvelles technologies pouvaient participer à la diffusion du patrimoine, notamment en permettant la création de " musées virtuels ", a interrogé le secrétaire d'Etat sur la diffusion de la culture scientifique et technique dans laquelle le ministère de la culture peut jouer un rôle essentiel à travers la tutelle qu'il exerce sur la Cité des sciences et des techniques de la Villette. Il a souhaité que cet établissement puisse détacher dans les régions des équipes pour soutenir des projets innovants régionaux, soulignant qu'un tel soutien bénéficierait aussi bien aux projets aidés qu'à la Cité des sciences et des techniques elle-même.

M. Ambroise Dupont a interrogé M. Michel Duffour sur le rôle que pourrait jouer la Fondation du patrimoine pour favoriser la sauvegarde du petit patrimoine rural, souvent négligé par ses propriétaires parce qu'il n'est plus fonctionnel.

Il a également posé une question sur les nouvelles procédures engagées par le ministère en matière d'inventaire général, soulignant que l'intérêt de cet inventaire ne devait pas se réduire à celui d'un catalogue, mais que sa réalisation devait également contribuer à développer l'intérêt pour la sauvegarde du patrimoine et pour son rôle dans le développement local.

Prenant l'exemple du musée Toulouse Lautrec à Albi, il a enfin plaidé pour une intensification de la " décentralisation des oeuvres d'art ", et souhaité que le château, situé dans le Calvados, qui a longtemps appartenu à la famille Riesener, puisse offrir un cadre à l'exposition d'oeuvres d'ébénisterie et à l'évocation de la présence historique de Riesener et de Delacroix.

M. André Maman a regretté que soit trop souvent ignoré et négligé le patrimoine culturel français à l'étranger que représentent les nombreuses traces de la présence française dans des pays étrangers tels, aux Etats-Unis, les bâtiments construits en Louisiane ou le monument commémorant la participation française à la bataille de Yorktown. Il a souhaité que les conseillers et attachés culturels français s'emploient à recenser et à faire connaître ce patrimoine.

Mme Hélène Luc s'est déclarée très intéressée par le bilan des déplacements du secrétaire d'Etat et l'image qu'il donnait de la variété des initiatives culturelles, soulignant que la nécessité de soutenir ces initiatives donnait de nouveaux arguments en faveur de l'augmentation des moyens du ministère de la culture et militait en faveur d'une rapide généralisation des protocoles de décentralisation culturelle.

Déplorant la destruction d'une ancienne cristallerie située dans le Val-de-Marne, elle a noté qu'outre l'intérêt architectural qui s'attachait à la conservation des bâtiments, la sauvegarde des archives industrielles présentait aussi un très grand intérêt patrimonial au regard de la mémoire sociale et de l'histoire locale.

Elle a enfin évoqué les lacunes du dispositif de protection des monuments historiques et de leurs abords, qui permet tous les excès si les monuments ne sont pas classés, et interdit toute construction nouvelle dans leur voisinage s'ils le sont, et elle a souligné l'intérêt de rechercher une solution intermédiaire.

M. Adrien Gouteyron, président, a relevé que les premiers projets de protocole de décentralisation culturelle ne concernaient que des régions ou des départements, et a suggéré que ce nouvel instrument contractuel bénéficie aussi aux structures de coopération intercommunale qui, en particulier en zone rurale, sont souvent des instruments remarquables de développement culturel.

Evoquant la réflexion déjà menée par M. Ivan Renar sur la création d'établissements publics à caractère culturel, il a en outre souhaité que la création d'un établissement public de coopération culturelle soit débattue en premier lieu au Sénat.

En réponse à ces interventions, M. Michel Duffour a notamment apporté les précisions suivantes :

- le développement des partenariats avec des communautés de communes est tout à fait possible. Au demeurant, pour le protocole de décentralisation culturelle avec le département de Loire-Atlantique, l'interlocuteur de l'Etat sera en fait la communauté de l'agglomération de Nantes, qui est en cours de constitution. Il existe en effet de remarquables réussites de la coopération intercommunale dans le domaine culturel, par exemple dans la Somme et en Lorraine ;

- le patrimoine rural non protégé devrait bénéficier d'une attention et de moyens accrus : le projet de protocole de décentralisation culturelle avec la Lozère doit d'ailleurs intégrer la protection de ce patrimoine. Il convient aussi de clarifier les responsabilités en matière de patrimoine rural non protégé et d'accroître les moyens budgétaires -37 millions de francs actuellement- qui lui sont consacrés ;

- la Fondation du patrimoine ne semble pas disposer localement de moyens suffisants pour faire connaître son action et s'inscrire dans un projet global. Cependant, si les résultats de son action paraissent encore relativement faibles, elle n'en constitue pas moins un interlocuteur important de la politique de protection du patrimoine ;

- de très nets progrès ont été réalisés dans la simplification des cadres juridiques dans lesquels peut s'organiser la coopération internationale en matière culturelle, notamment entre les régions, comme en témoignent par exemple les relations établies entre la région Rhône-Alpes et le Piémont italien. Beaucoup d'accords de coopération ont aussi été conclus avec l'Italie dans le domaine de l'architecture et de la restauration du patrimoine. Dans ce domaine, la coopération culturelle décentralisée entre les villes françaises et étrangères se développe également : c'est ainsi que des coopérations se sont établies entre Bordeaux et Hanoï, ou Aix-en-Provence et Hué ;

- l'activité des conseillers et attachés culturels français, souvent remarquablement efficace, n'est effectivement pas prioritairement dirigée vers le secteur du patrimoine. Il y a cependant des efforts de coopération internationale en ce domaine, tel le projet concernant la maison Stendhal à Vilnius en Lituanie ou la coopération dans le domaine des musées ;

- la notion de pays sera prise en compte de façon explicite dans les schémas de services collectifs culturels. Il est par ailleurs nécessaire de rechercher, pour faciliter le fonctionnement des partenariats et des financements croisés, une simplification des relations contractuelles, et il faut aussi bien cerner le rôle et les modalités de participation du ministère de la culture, qui ne peut être le " chef de file " de tous les dossiers, notamment lorsque ceux-ci ne comportent pas que des aspects culturels ;

- le projet de budget 2001 prévoit de consacrer 15 millions de francs aux protocoles de décentralisation culturelle, en plus des moyens que pourront y affecter les DRAC. Chaque protocole fera l'objet d'un contrat : il paraît raisonnable d'espérer que les premiers contrats puissent être conclus dans le courant du premier semestre 2001 ;

- les protocoles de décentralisation culturelle en sont au stade de l'expérimentation mais non encore de la généralisation ;

- le choix, pour la création de l'établissement public de coopération culturelle, entre le dépôt d'un projet de loi ou l'adoption d'une proposition de loi dépendra en partie du calendrier parlementaire. Le principal souci du gouvernement est en tout cas que le texte puisse être adopté avant 2002 et les initiatives parlementaires qui pourraient y contribuer seront les bienvenues ;

- toutes les réticences du ministère de l'intérieur à l'encontre de la définition d'un établissement public de coopération culturelle ne sont pas encore dissipées : elles procèdent essentiellement de considérations juridiques et institutionnelles et d'une prise en compte peut-être insuffisante des réalités et de la nécessité de développer des partenariats nouveaux dans le domaine culturel ;

- le futur établissement public d'archéologie préventive devra travailler en collaboration étroite avec les services locaux d'archéologie ;

- le ministère de la culture est tout à fait favorable à un développement des partenariats et des coopérations entre la Cité des sciences et des techniques de la Villette et des acteurs locaux ;

- le ministère de la culture est également tout à fait favorable au développement de la " décentralisation des oeuvres d'art " souhaité par M. Ambroise Dupont ;

- des efforts importants ont été engagés pour conforter les moyens des DRAC et leurs résultats se font déjà sentir dans beaucoup de régions, notamment au niveau des moyens en personnel ;

- le rapport Mauroy propose un transfert aux départements des compétences en matière d'inventaire du patrimoine et des personnels concernés : en ce domaine comme dans d'autres, la voie de l'expérimentation et du partenariat peut être plus productive que celle du transfert immédiat de blocs de compétences. Il convient donc d'éviter un éclatement des équipes travaillant sur l'inventaire et de favoriser une coordination leur permettant de conserver leur cohérence.