Travaux de la commission des affaires culturelles



MERCREDI 13 AVRIL 2005

 - PRÉSIDENCE DE M. JACQUES VALADE, PRÉSIDENT. - 

VOLONTARIAT ASSOCIATIF ET ENGAGEMENT ÉDUCATIF - EXAMEN DU RAPPORT

La commission a examiné le rapport de M. Bernard Murat sur le projet de loi n° 237 (2004-2005) relatif au volontariat associatif et à l'engagement éducatif.

M. Bernard Murat, rapporteur, a tout d'abord indiqué que le projet de loi comprenait deux titres : le premier offrant un statut adapté aux volontaires engagés dans les associations et les fondations reconnues d'utilité publique et le second clarifiant et sécurisant le statut des animateurs, directeurs et formateurs occasionnels dans les centres de vacances et de loisirs, plus connus sous le nom de « colonies de vacances ».

Il a cependant souligné la cohérence d'objectifs poursuivis par les deux volets du texte, en apparence bien distincts l'un de l'autre.

Il a en effet indiqué qu'il s'agissait, d'une part, de reconnaître et de sécuriser deux formes d'engagement existant dans le secteur associatif, à savoir le millier de volontaires potentiels oeuvrant au sein du secteur associatif et les 250.000 animateurs, directeurs et formateurs dans les centres d'accueil des mineurs ; et d'autre part, d'encourager les jeunes qui décident de s'investir, pendant un moment de leur vie, dans un service citoyen.

Il a ensuite présenté le dispositif.

Abordant, en premier lieu, le contrat de volontariat associatif, il a indiqué qu'il s'agissait de la forme la plus aboutie du volontariat civil, dont il a rappelé qu'il avait été institué en mars 2000 après la suppression du service national décidée en 1996, afin de maintenir la possibilité pour les jeunes citoyens de s'engager volontairement au service du pays, dans des missions d'intérêt général à caractère civil accomplies alors par des appelés.

Il a constaté que le statut alors proposé aux associations, le volontariat de cohésion sociale et de solidarité, avait été largement ignoré, tant par les candidats au volontariat (400 à l'heure actuelle, chiffre qu'il a estimé dérisoire au regard des 50.000 engagés dans un service civil avant 1996) que par les associations.

Il a expliqué cet échec par l'exclusion d'un trop grand nombre de candidats, la lourdeur des formalités administratives et le montant dissuasif de l'indemnité versée au volontaire.

Après avoir rappelé que les volontaires internationaux disposaient, depuis l'adoption de la loi du 23 février 2005, d'un statut adapté, il a estimé qu'il était temps de proposer un statut analogue aux jeunes souhaitant accomplir un service citoyen en France, au sein du secteur associatif.

Tel est l'objet du contrat de volontariat associatif, qui vise les personnes qui décident de consacrer une partie de leur vie -parfois quelques mois, parfois quelques années- à l'intérêt général, en s'investissant à titre exclusif auprès d'une association.

Il a précisé les caractéristiques de l'engagement volontaire, qu'il a qualifié de réciproque et formalisé : limité dans sa durée (deux ans au maximum, trois ans cumulés), mais permanent pendant cette période ; librement choisi tant par le volontaire que par l'organisme d'accueil ; désintéressé, les avantages en nature ou le défraiement dont bénéficie le volontaire ne remettant pas en cause ce caractère ; en faveur d'une action collective au sein d'un organisme sans but lucratif et au service de la collectivité.

Répondant à un certain nombre de critiques formulées à son encontre, il a souligné que le volontariat n'était ni un programme ou un stage, ni une façon de déroger au droit du travail ou de se substituer à l'emploi public et encore moins une voie d'insertion.

Il a insisté, à cet égard, sur l'importance d'en interdire la compatibilité avec la perception du revenu minimum d'insertion (RMI), d'autant que d'autres dispositifs étaient précisément destinés aux allocataires du RMI, tels les contrats aidés mis en place dans le cadre du plan de cohésion sociale de M. Jean-Louis Borloo.

Relevant la profonde différence de nature entre le volontariat et le salariat, d'une part, le bénévolat, d'autre part, il a affirmé que le volontariat n'avait pour but d'être ni une nouvelle forme de sous-emploi, ni du bénévolat indemnisé.

Il a rappelé à cet égard, que, contrairement au bénévole qui peut rompre sa collaboration à tout moment, le volontaire devra respecter un préavis d'un mois au moins à partir de la dénonciation du contrat, s'il souhaite mettre un terme à son engagement.

Il a ensuite présenté les garde-fous prévus par le dispositif pour protéger d'une part, l'emploi associatif, d'autre part, le bénévolat.

En ce qui concerne le premier, il a indiqué qu'il était interdit aux organismes d'accueil non seulement de substituer des personnes volontaires à leurs salariés ayant été licenciés ou ayant démissionné durant les six derniers mois, mais, de surcroît, de recourir au volontariat quand ils ont procédé à un licenciement économique dans les six mois précédant la date d'effet du contrat.

S'agissant du second, il a justifié l'exclusion des retraités du champ du contrat de volontariat associatif par le fait que, bénéficiant à la fois d'un revenu et d'une protection sociale, ils pouvaient assurer des activités d'intérêt général à titre purement bénévole : leur inclusion dans le dispositif risquant de constituer un choix d'opportunité aurait été en contradiction avec l'esprit du texte.

Relevant l'insécurité juridique où se trouvaient, à l'heure actuelle, la grande majorité des volontaires qui s'investissent aux côtés des associations, faute de statut adapté, il a indiqué qu'ils ne couraient pas seulement le risque d'une requalification de leur collaboration en salariat, mais menaçaient également de mettre en jeu la responsabilité pénale des responsables des associations qui les accueillent, à l'instar du président de la communauté de l'Arche de Lyon, condamné à verser une amende de 1.500 euros avec sursis pour emploi d'étranger en situation irrégulière et de 3.000 euros ferme pour travail dissimulé.

Il a estimé que le choix d'un contrat de droit privé, dérogatoire au droit du travail, dont l'essentiel des stipulations faisait l'objet d'une négociation entre l'association d'accueil et le candidat au volontariat, permettrait d'éviter les écueils de la loi du 14 mars 2000.

Il s'est dit satisfait, par ailleurs, que le volontaire bénéficie d'une affiliation obligatoire au régime de sécurité sociale et d'une indemnité, en souhaitant que ce dispositif permette aux personnes qui n'auraient pas eu les moyens de s'investir à titre gratuit de franchir le pas.

Enfin, il a proposé à la commission quelques modifications du texte, tendant à :

- rendre son application plus explicite, notamment en précisant que l'indemnité de volontariat ne sera pas soumise aux contributions sociales et qu'elle pourra prendre la forme d'avantages en nature ;

- assouplir certaines rigidités qui rendent la mise en oeuvre du dispositif discriminatoire, en supprimant l'interdiction de cumuler l'indemnité de volontariat avec la perception de l'allocation de parent isolé (API) ;

- améliorer la situation du volontaire, en proposant de lui accorder un congé de deux jours par mois de volontariat lorsque la mission est d'une durée au moins égale à six mois, ou de reculer l'âge d'accès aux concours de la fonction publique.

Il a ensuite abordé le second volet du texte, consacré à l'engagement éducatif.

Il a indiqué qu'au début de l'année 2005, on comptait 36.000 directeurs occasionnels et plus de 200.000 animateurs occasionnels dans les centres de vacances (CV) et les centres de loisirs sans hébergement (CLSH), auxquels il fallait ajouter les 7 500 formateurs non professionnels qui intervenaient de façon occasionnelle lors des sessions destinées aux stagiaires voulant obtenir le brevet d'aptitude à la fonction d'animateur (BAFA) ou le brevet d'aptitude à la fonction de directeur (BAFD).

Il a expliqué que leur situation juridique, régie par l'annexe II à la convention collective de l'animation, était remise en cause, d'une part, par une jurisprudence qui visait à banaliser leurs contrats de travail, en alignant leurs salaires et cotisations sociales sur les minima sociaux et, d'autre part, depuis l'adoption de la loi portant réduction du temps de travail, par les nouvelles règles d'équivalences des temps de travail.

Il a estimé que les conditions particulières d'exercice de leur activité, qui impose une présence permanente auprès des enfants et rend la notion de temps de travail effectif inopérante, justifiaient une adaptation aux règles du code du travail, ce sur quoi s'accordent les différents acteurs qui ont réfléchi à la rénovation de leur statut, et notamment le Conseil économique et social, saisi en 2000.

Rappelant qu'un jeune âgé de 4 à 9 ans paye 49 euros par jour en pension complète dans un centre de vacances, il a considéré que l'accès démocratique de 4,5 millions de jeunes à des loisirs éducatifs, durant les congés scolaires et en dehors des heures de classe, dépendait de la sécurisation de la situation juridique des animateurs et des directeurs occasionnels des centres.

Il lui a semblé que le dispositif proposé, calqué sur le statut des assistants maternels, des éducateurs et des aides familiaux, dont les conditions de travail se rapprochent de celles des animateurs et directeurs occasionnels, était adapté.

Soulignant la très grande spécificité de ces conditions, puisque les personnels concernés ne travaillent, en tout état de cause, que 80 jours dans l'année, il a précisé leur statut tel que proposé dans le dispositif : une rémunération forfaitaire journalière fixée par décret et le renvoi à la négociation collective pour la fixation de leur temps de travail, dans la limite de 80 jours par an et six jours par semaine, un repos hebdomadaire de 24 heures leur étant en effet garanti.

Estimant que ces dispositifs permettraient de mieux prendre en compte le désir d'engagement des jeunes, il a proposé à la commission d'adopter le projet de loi.

M. Jacques Valade, président, a souligné que les échanges fructueux qui avaient eu lieu avec le ministre de la jeunesse, des sports et de la vie associative, M. Jean-François Lamour, avaient permis de clarifier les intentions des auteurs du texte et qu'il s'agissait bien, suite à la suppression du service national, de permettre aux jeunes de mettre leurs talents au service de la solidarité.

Un large débat a suivi.

M. Serge Lagauche, sceptique après l'adoption conforme du texte sur le droit des malades et la fin de vie en séance publique, la veille, s'est inquiété de la liberté d'amendement des parlementaires sur le projet de loi de volontariat.

M. Jacques Valade, président, a indiqué qu'en l'absence de déclaration d'urgence et compte tenu du fait que ce texte, contrairement à la proposition de loi sur la fin de vie, avait été déposé en premier lieu sur le Bureau du Sénat, les sénateurs avaient toute latitude pour le modifier et l'améliorer.

Il a rappelé, à ce propos, que la commission des affaires sociales s'était saisie du projet de loi pour avis.

Mme Françoise Férat a souhaité obtenir des précisions sur la durée du volontariat et sa limitation dans le temps.

Mme Annie David s'est étonnée du recours à la notion de préavis, s'agissant de la rupture du contrat de volontariat, générateur de confusion entre le volontariat et le salariat, et s'est inquiétée des lourdeurs engendrées par l'obligation de renouveler annuellement le contrat de volontariat, en particulier pour des associations importantes, comme « Les Restaurants du coeur ».

M. David Assouline a estimé que, si les dérogations au droit du travail prévues au titre II trouvaient une justification dans la spécificité du secteur de l'éducation populaire, celles du titre Ier étaient beaucoup plus problématiques, en particulier s'agissant de la concurrence exercée par les volontaires, au détriment de l'emploi associatif.

Il a considéré que l'impossibilité de remplacer un salarié ayant démissionné ou ayant été licencié dans les six mois précédents par un volontaire ne constituait pas une garantie suffisante et n'empêcherait pas les associations d'avoir recours au volontariat pour des postes nouveaux qu'elles auraient confiés à des salariés en l'absence de ce dispositif.

Relevant, par ailleurs, que l'emploi du mot « contrat » pour le volontariat était source de confusion avec le salariat, il a indiqué que son groupe déposerait des amendements tendant à sécuriser le dispositif.

Il s'est enfin interrogé sur la compatibilité du dispositif avec les règles de la concurrence européenne.

M. Pierre Laffitte s'est interrogé sur les modifications éventuelles qu'engendrerait l'adoption du dispositif sur la possibilité, reconnue aujourd'hui aux associations et aux fondations, de faire apparaître les bénévoles « seniors » au sein de leur « actif », avec les conséquences fiscales mais aussi juridiques, notamment en termes d'assurance, que cela implique.

M. http://www.groupe-crc.org/Jean-François Voguet a, à cet égard, soulevé la question du statut des bénévoles, qu'il a estimé nécessaire de mettre en place.

Concernant le volontariat associatif, il s'est inquiété de la mise en oeuvre concrète du dispositif, dont il a craint le détournement en une nouvelle catégorie de « sous-salariat », au détriment des jeunes, contraints d'accepter ces « petits boulots ».

S'agissant des centres de vacances, il a regretté que les personnes y travaillant servent de variable d'ajustement à un équilibre qu'il a reconnu précaire, particulièrement à un moment où la professionnalisation des fonctions d'animateur et de directeur devait conduire à une réintégration dans le droit commun.

M. Christian Demuynck a demandé des précisions sur la procédure d'agrément prévu par le dispositif.

En réponse à ces interrogations, M. Bernard Murat, rapporteur, a apporté les précisions suivantes :

- le contrat de volontariat peut durer deux ans maximum, sachant que le volontaire qui aurait accompli ces deux années, puis repris d'autres activités ensuite, pourrait s'engager de nouveau pour un an en tant que volontaire, cumulant ainsi trois années en tout de volontariat ;

- le volontaire est engagé pour une mission, pour laquelle on le forme, et à l'issue de laquelle son poste n'est pas automatiquement reconduit ;

- au-delà des problèmes de sémantique, le préavis prévu pour la rupture du contrat doit permettre à l'association de faire face à une éventuelle défection du volontaire ;

- la contrainte de renouveler le contrat et l'agrément pour chaque mission est justifiée par la spécificité de l'acte d'engagement, démarche qui doit être manifestée dans un acte concret ;

- l'extension du périmètre du ministère de la jeunesse et des sports à la vie associative et la forte implication de M. Jean-François Lamour en faveur du secteur associatif donnent à ce ministère toute sa légitimité pour porter le projet de volontariat associatif ;

- les retraités n'ont pas accès au contrat de volontariat et, par conséquent, la question de leur éventuelle prise en compte juridique ou fiscale ne se pose pas ;

- les bénévoles et les associations, interrogés dans le cadre des auditions de la mission sur le bénévolat confiée à la commission des affaires culturelles, ont fait savoir leur hostilité à l'adoption d'un statut ;

- enfin, il n'y a pas de contradiction entre la professionnalisation des fonctions d'animateur et de directeur de centre de vacances et le dispositif du titre II, puisque ce dernier ne concerne que les personnels occasionnels, à savoir ceux qui travaillent moins de quatre-vingts jours par an et sont actuellement régis par l'annexe II à la convention collective de l'animation.

La commission a ensuite procédé à l'examen des articles.

Elle a adopté sans modification les articles 1er et 2.

A l'article 3 (Nationalité du volontaire et diverses incompatibilités), elle a adopté un amendement tendant à supprimer l'interdiction de cumuler l'indemnité de volontariat avec la perception de l'allocation de parent isolé.

Les articles 4 et 5 ont été adoptés sans modification.

Après l'article 5 (Harmonisation des dispositions du code de l'éducation), la commission a adopté un article additionnel tendant à élargir le champ des compétences professionnelles qui peuvent être prises en compte au titre de la validation des acquis de l'expérience aux activités exercées dans le cadre du volontariat associatif, afin d'harmoniser les dispositions du code de l'éducation avec le dispositif.

A l'article 6 (Contenu du contrat de volontariat), elle a adopté un amendement tendant à accorder au volontaire associatif mobilisé pour une période d'au moins six mois un droit à congés de deux jours par mois de mission.

A l'article 7 (Indemnisation de la personne volontaire), elle a adopté deux amendements tendant respectivement à indiquer clairement que l'indemnité de volontariat n'est pas soumise aux cotisations et contributions sociales et que les conditions dans lesquelles cette indemnité est versée sont fixées dans le contrat.

Après l'article 7, elle a adopté un article additionnel afin de repousser l'âge d'accès aux concours de la fonction publique de la durée du volontariat effectivement accomplie par le candidat.

Les articles 8 à 12 ont été adoptés sans modification.

La commission a adopté l'ensemble du projet de loi ainsi modifié, les groupes socialiste et communiste républicain et citoyen ne prenant pas part au vote.