Travaux de la commission des affaires culturelles



Mercredi 2 février 2005

- Présidence de M. Jacques Valade, président. -

Patrimoine - Auditions sur les métiers de l'architecture et du cadre de vie

Au cours d'une première réunion tenue dans la matinée, la commission a organisé deux tables rondes sur « Les métiers de l'architecture et du cadre de vie ».

Table ronde n° 1 - Améliorer les conditions d'exercice des professions de la maîtrise d'oeuvre.

Etaient présents : Mme Ann-José Arlot, directrice, adjointe au directeur de l'architecture et du patrimoine, chargée de l'architecture, au ministère de la culture et de la communication, M. Christian Lévy, sous-directeur des métiers de l'aménagement à la Direction générale de l'urbanisme, de l'habitat et de la construction au ministère de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer, Mme Sylvie Weil, chargée de mission auprès du secrétaire général de la Mission interministérielle pour la qualité des constructions publiques (MIQCP), M. François Pélegrin, président de l'Union nationale des syndicats français d'architecture (UNSFA), M. Patrick Colombier, président du syndicat de l'architecture, M. Jean Félix, délégué général de Syntec-ingénierie, M. Pierre-Marie Tricaud, président de la Fédération française du paysage, M. Michel Rousset, président de l'association des aménageurs et urbanistes dans l'Etat.

M. Jacques Valade, président, a indiqué que ces tables rondes faisaient suite au rapport d'information que la commission avait confié à M. Yves Dauge, publié en décembre dernier, et qui avait rencontré un succès certain chez les professionnels du secteur.

M. Yves Dauge a, à cet égard, indiqué que Le Moniteur avait publié son rapport sous forme d'un cahier détaché et a remercié le représentant de l'hebdomadaire pour cet écho ainsi donné aux travaux du Sénat.

Mme Ann-José Arlot, directrice, adjointe au directeur de l'architecture et du patrimoine, chargée de l'architecture, s'est réjouie de l'intérêt porté par la commission et son rapporteur aux professions de la maîtrise d'oeuvre et du cadre de vie, dont elle est convaincue qu'elles sont souvent méconnues et mal connues.

Elle a rappelé que le ministre de la culture et de la communication, M. Renaud Donnedieu de Vabres, avait clairement affirmé son intérêt pour l'architecture en nommant un directeur spécialement en charge de ce domaine, et, dans le cadre de la réforme de la direction de l'architecture et du patrimoine, en constituant une sous-direction de l'architecture et du cadre de vie, ainsi qu'une sous-direction de l'enseignement, de la formation et de la recherche.

Evoquant plus particulièrement la réforme des études d'architecture, destinée à unifier le rythme des cursus à l'échelle européenne, elle a rappelé que le Gouvernement s'était attaché à la mettre à profit pour offrir aux 18.600 étudiants en architecture des débouchés plus diversifiés. Elle a en effet insisté sur le fait qu'à côté de la maîtrise d'oeuvre, qui constituait jusqu'à présent le débouché naturel des études d'architecture, la maîtrise d'ouvrage devait à son tour être considérée comme un champ intéressant de diversification de leur activité pour les architectes.

Elle a noté que cette réforme des études avait été conduite en concertation avec les professionnels, et a souhaité que ceux-ci lui apportent l'aide et le soutien dont elle a besoin pour aboutir, et qui constitue une des réponses que l'Etat peut apporter aux difficultés rencontrées par les architectes.

Elle a précisé qu'aux termes de cette réforme, les études d'architecture s'articuleraient autour de trois niveaux de diplômes : la licence correspondant à trois années d'études, un diplôme équivalent au grade de « master » sanctionnant cinq années d'études, et enfin, un doctorat en architecture au terme de huit années d'études, dont elle s'est réjouie qu'il soit enfin reconnu par l'enseignement supérieur.

Elle a indiqué que le diplôme d'architecture couronnant cinq années d'études devait notamment permettre de se présenter aux concours de l'administration, ainsi que de travailler pour le compte des collectivités territoriales.

Elle a estimé qu'il n'y avait pas trop d'architectes en France, mais qu'une partie des difficultés rencontrées tenait à une définition trop étroite de leurs débouchés.

M. François Pélegrin, président de l'Union nationale des syndicats français d'architecture (UNSFA), a souligné que la table ronde se déroulait un an après la publication du « Livre blanc des architectes ». Il y a vu le signe que le Sénat avait entendu l'appel lancé par les représentants de cette profession et a souhaité que la Haute assemblée continue de leur apporter son appui auprès des pouvoirs publics.

Abordant les thèmes de discussion assignés à la table ronde, il a estimé que dans la pratique, les différentes professions de la maîtrise d'oeuvre parvenaient à bien travailler ensemble, et que le problème de la complémentarité des métiers était donc, à ses yeux, moins crucial que celui de la juste rémunération.

Quant à la nécessité de procéder à la moralisation des relations entre maîtres d'ouvrage et professions de la maîtrise d'oeuvre, il a relevé qu'elle s'inscrivait dans un contexte culturel plus large, qui est celui d'un manque d'appétit pour l'architecture : c'est parce que la demande d'architecture est faible, en France, que les architectes et les professions de la maîtrise d'oeuvre sont souvent maltraités. Il a souhaité que tous les décideurs publics qui sont attentifs au développement durable, à l'amélioration du cadre de vie, aujourd'hui largement reconnu comme un facteur de paix sociale, soient également bien conscients de la nécessité d'investir à la fois dans la programmation, la conception et la réalisation d'un projet.

M. Patrick Colombier, président du Syndicat de l'architecture, a indiqué que les réflexions conduites par celui-ci depuis sa création, il y a huit ans, l'avaient amené à considérer que de nombreuses et profondes réformes devraient être envisagées dans les conditions d'exercice du métier d'architecte. Evoquant la réforme des études d'architecture, il a jugé indispensable l'instauration d'une licence d'exercice, permettant de compléter la formation dispensée dans les écoles par l'accomplissement d'une période de formation professionnelle encadrée, que l'on ne doit pas limiter à une année si l'on veut véritablement garantir le niveau d'excellence requis.

Abordant ensuite les conditions d'exercice de la profession et ses dérives, il a d'abord déploré les difficultés rencontrées par les architectes pour accéder à la commande, puis, pour ceux qui avaient eu la chance d'être retenus, les conditions inéquitables dans lesquelles ils sont amenés à accepter de traiter les marchés du fait de la situation d'extrême concurrence dans laquelle ils sont placés.

Il a regretté que la réforme du permis de construire actuellement en cours ne corresponde pas à la réforme en profondeur qu'il attendait, et se contente d'ajustements se traduisant par un allongement de la procédure, sans apporter aux usagers la garantie de leurs droits.

Estimant enfin que les architectes parvenaient à bien travailler avec les autres professions dans le respect de leurs compétences mutuelles, il s'est opposé à la création d'agences transversales, souhaitant au contraire que les architectes restent fidèles à leur vocation première sans chercher à se transformer en hommes d'affaires.

M. Michel Rousset, président de l'association des aménageurs et urbanistes dans l'Etat, a indiqué qu'il avait été chargé de représenter M. Alain Cluzet, président du Conseil français des urbanistes.

Il a précisé que la qualification des urbanistes avait constitué une avancée significative pour la reconnaissance et la légitimité de la profession.

Il a souhaité un rapprochement de l'ensemble des professions du cadre de vie, et non des seules professions de la maîtrise d'oeuvre, afin de leur permettre d'être à l'avenir mieux entendues.

Soulignant la responsabilité que les collectivités territoriales ont, au même titre que l'Etat, en matière de qualité architecturale, il a souhaité que, comme le préconise le rapport de M. Yves Dauge, une plus grande diversité de professionnels soit présente dans les services des collectivités territoriales et des établissements publics qu'elles sont amenées à constituer.

Il a préconisé un renforcement de la place des Conseils d'architecture, d'urbanisme et de l'environnement (CAUE), jugeant essentiel leur rôle de conseil. Il a en outre estimé que l'évolution de la décentralisation et l'intercommunalité plaidaient en faveur du développement de structures d'observation des phénomènes urbains et d'aide à la décision du type « agences d'urbanisme ».

Evoquant ensuite la réforme des formations imposée par l'harmonisation européenne des diplômes, il a souhaité que celle-ci soit mise à profit pour renforcer la place de l'urbanisme dans les formations initiales des principaux métiers du cadre de vie.

Il a également plaidé en faveur de la création d'une véritable filière de formation à l'urbanisme, permettant différentes spécialisations, articulées autour de trois niveaux de formations universitaires correspondant respectivement à la licence, au « master » et au doctorat.

M. Jean Félix, délégué général de Syntec-ingénierie, a souhaité mettre l'accent sur quatre aspects essentiels :

- valoriser les complémentarités entre les ingénieurs et les architectes, au cours de leur formation initiale et continue ; il a regretté que les propositions en ce sens, rendues en octobre 2001, à la suite des travaux d'un groupe de travail, n'aient jamais été suivies d'effet ;

- parvenir à un plus grand regroupement des forces, notamment en vue de trouver des financements ;

- améliorer les relations entre les maîtres d'ouvrage et les maîtres d'oeuvre. A cet égard, il a dénoncé le recours parfois abusif par les maîtres d'ouvrage à des prestations non rémunérées, dans le cadre de procédures de marchés publics. Après avoir indiqué que la dépense de maîtrise d'oeuvre devait être considérée comme un investissement sur le futur, il a cité l'exemple d'une loi fédérale américaine interdisant la sélection de prestations intellectuelles sur le critère du prix, dès lors que des crédits fédéraux sont engagés ;

- passer de la prise en compte de la qualité architecturale à une approche en termes de qualité globale. Il a proposé, à cette fin, la création d'une « mémoire des ouvrages », qui serait un guide de référence, élaboré à partir du suivi de la qualité de certains ouvrages.

M. Christian Lévy, sous-directeur des métiers de l'aménagement à la Direction générale de l'urbanisme, de l'habitat et de la construction au ministère de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer, a orienté son propos autour de deux thèmes. Il a tout d'abord noté l'absence d'opposition entre les missions de maîtrise d'oeuvre et celles de maîtrise d'ouvrage, qui requièrent l'une et l'autre la qualité. Selon lui, la complexité de la maîtrise d'ouvrage nécessite, tant au sein des collectivités territoriales que chez leurs prestataires de service, des compétences particulières et de nouveaux professionnels, au rang desquels ceux de l'espace et du cadre de vie occupent la première place. Il a fait part de sa crainte qu'en application du nouveau code des marchés publics, la recherche de la sécurité juridique se traduise par une approche privilégiant le moins-disant au détriment de la qualité.

Il a ensuite insisté sur la grande chance qu'offre la mise en place du système LMD (Licence-Master-Doctorat) pour l'organisation de passerelles entre les différentes professions de l'urbanisme et du cadre de vie. Il a dénoncé le caractère actuellement illisible de l'organisation des formations dont le nombre atteint 250. Il a souhaité que cette réforme permette aux étudiants français et européens de mieux identifier les formations à ces différentes professions, ainsi que les lieux de leur enseignement. Il a fait part de la crainte de son ministère que cette opportunité ne soit pas ainsi mise à profit et que l'on se « réfugie » dans des formations historiques, dont le cadre de vie et l'urbanisme ne seraient que des variantes, ainsi que cela a été constaté à l'étranger dans certains pays européens.

Il a enfin rappelé l'importance de la faculté désormais offerte aux collectivités territoriales, par la loi « urbanisme et habitat » du 2 juillet 2003, d'inscrire leurs dépenses en matière d'urbanisme au sein de la section investissement de leur budget. Il a ajouté qu'une circulaire de son ministère affirmait la place majeure du critère de la qualité pour l'application du code des marchés publics.

Mme Sylvie Weil, chargée de mission auprès du secrétaire général de la Mission interministérielle pour la qualité des constructions publiques (MIQCP), a indiqué qu'elle remplaçait M. François Kosciusko-Morizet, président, souffrant. Elle a tout d'abord brièvement présenté la Mission, créée en 1977 pour aider la maîtrise d'ouvrage publique dans l'organisation de sa commande et dans la définition des conditions de réalisation de projets de qualité. Son équipe a rapidement identifié le fait que la qualité des constructions dépendait largement des professionnels intervenant en amont ; en effet, les études liminaires et les premières esquisses, bien que n'engageant que 5 % du budget d'un projet, conditionnent sa finalité à hauteur de 80 %. Ceci rend nécessaire le développement d'un dialogue entre donneur d'ordre et maître d'oeuvre ainsi que l'amélioration de la connaissance de leurs métiers respectifs, en particulier à travers leur formation initiale et permanente.

Mme Sylvie Weil a estimé nécessaire d'améliorer la formation aux métiers du cadre de vie et de valoriser ces derniers, dans la mesure où ces professionnels sont les seuls à pouvoir assurer la coordination et la synthèse, de la conception à la réalisation du projet.

Elle a enfin insisté sur l'importance des actions d'évaluation, tant pendant qu'après l'opération concernée, aujourd'hui trop rarement mises en place. Le nécessaire développement de cette culture d'évaluation devrait, en outre, avoir un impact positif sur le coût global des projets ainsi qu'en termes de développement durable et d'évolution des contrats dans la durée.

M. Pierre-Marie Tricaud, président de la fédération française du paysage, a rappelé que la profession de paysagiste avait émergé au cours des deux ou trois dernières décennies et que les relations qu'elle entretenait avec les autres professions s'étaient clarifiées. Il a estimé que la pratique habituelle de projets conçus en équipe, où chacun était un concepteur à part entière, ne soulevait pas de difficultés, mais que les problèmes se posaient précisément là où aucune équipe n'était constituée. Il a souhaité que les paysagistes soient plus systématiquement associés aux projets sans revendiquer pour autant que ce recours soit obligatoire.

Estimant que les architectes, les urbanistes et les architectes paysagistes partageaient, au sein de l'ensemble des professions de la maîtrise d'oeuvre, une culture commune et la conscience de leurs complémentarités, justifiant qu'on les regroupe parfois sous le terme de « spatialistes », il a exprimé son intérêt pour l'idée d'une confédération des métiers de la maîtrise d'oeuvre. Il a indiqué que celle-ci pourrait prendre soit la forme d'une confédération regroupant l'ensemble des professions, soit d'une juxtaposition de confédérations dont l'une regrouperait précisément les « spatialistes ».

Il a jugé nécessaire de moraliser les relations entre les maîtres d'ouvrage et les maîtres d'oeuvre estimant que les architectes et les autres « spatialistes » étaient trop souvent corvéables à merci, et que la qualité n'était pas rémunérée. Il a déploré que ceux-ci soient trop souvent invités à produire de véritables éléments de projets dans des phases de négociation non rémunérées. Il a plus particulièrement regretté que la loi de 1985 sur la maîtrise d'ouvrage publique ne prenne pas en compte le paysage et souhaité qu'elle soit modifiée en ce sens.

Evoquant les moyens à employer pour favoriser la qualité architecturale, il a d'abord prôné le développement d'une culture de la beauté et de l'espace, apportant son plein soutien aux propositions formulées en ce sens par le rapport de M. Yves Dauge.

Il a en outre jugé nécessaire la présence de « spatialistes » auprès de la commande, regrettant que les paysagistes ne puissent accéder à la fonction publique territoriale qu'à travers le corps des ingénieurs territoriaux, et qu'aucun corps ne leur permette d'accéder à la fonction publique nationale. Il a souhaité qu'il soit remédié à cette situation, soit en ouvrant davantage le corps des ingénieurs territoriaux, soit en créant un nouveau corps territorial sur le modèle du corps des architectes et urbanistes de l'Etat (AUE) au niveau national, ou encore de celui des « architectes voyers » de la ville de Paris. Pour permettre l'accès des paysagistes à la fonction publique nationale, il a proposé d'élargir aux paysagistes le corps des AUE.

Abordant enfin le volet « paysage » du permis de construire, il a estimé que les compétences manquaient pour son instruction et que les catalogues de règles ne sauraient les remplacer.

A l'issue de ces interventions, M. Jacques Valade, président, a indiqué que pour un responsable local il était souvent difficile de choisir entre les 150 projets présentés par les architectes répondant à un appel d'offres. Il a souligné la difficulté pour les élus, soucieux de sécurité juridique, de se détacher de l'examen technique des dossiers pour apprécier la qualité architecturale des projets.

Cette table ronde a donné lieu à des échanges de vues approfondis avec la salle, dont le compte rendu sera publié ultérieurement.

Table ronde n° 2 : Promouvoir une commande renouvelée.

Etaient présents : M. Philippe Grand, chef du service de la stratégie et de la législation à la Direction générale de l'urbanisme, de l'habitat et de la construction au ministère de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer, Mme Ann-José Arlot, directrice, adjointe au directeur de l'architecture et du patrimoine, chargée de l'architecture, au ministère de la culture et de la communication, M. Jean-Marie Galibourg, secrétaire général adjoint de la Mission interministérielle pour la qualité des constructions publiques (MIQCP), Mme Laurence Croslard, vice-présidente du Conseil national de l'ordre des architectes, M. Jean-Michel Doré, délégué général adjoint de l'Union sociale pour l'habitat, M. Marc Pigeon, président de la Fédération nationale des promoteurs constructeurs, M. Bernard Roth, président de l'Association architecture et maîtres d'ouvrage (AMO).

Tout en reconnaissant qu'à l'instar des collectivités territoriales, l'Etat avait un devoir d'exemplarité dans la formulation de la commande, Mme Ann-José Arlot, directeur, adjointe au directeur de l'architecture et du patrimoine, chargée de l'architecture au ministère de la culture et de la communication, a souligné la prédominance croissante de la commande privée, dont la grande autonomie ne pouvait garantir le respect des recommandations et directives édictées par les services de l'Etat.

Reconnaissant que la formule du « marché de définition » pouvait être qualifiée de « mauvaise bonne solution », elle a tenu à en rappeler l'objectif de départ, qui visait à instaurer un dialogue préalable entre le maître d'ouvrage et les architectes.

Estimant qu'il était temps de « rendre la parole » aux architectes, elle a indiqué que, comme ils avaient eu l'occasion de le faire à l'occasion des discussions sur la directive « services », les services des ministères de l'équipement et de la culture travaillaient de concert pour défendre auprès des instances européennes le caractère de prestation intellectuelle attaché à la prestation de l'architecte, dont elle a rappelé qu'il restait une spécificité française.

M. Jean-Marie Galibourg, secrétaire général adjoint de la Mission interministérielle pour la qualité des constructions publiques (MIQCP), a tout d'abord tenu à remercier le président Jacques Valade d'avoir évoqué une « culture de la commande ».

Il a indiqué avoir constaté une dégradation de la qualité de la commande publique, dont la complexité, due, selon lui, à l'intervention croissante des techniciens auprès des décideurs publics, reflétait la sur-administration des collectivités.

Il a estimé qu'il était temps de changer de culture, pour passer d'une logique de coût à une logique de qualité.

Il a souligné que cette logique devait prévaloir en amont, dès le début de la relation entre le maître d'ouvrage et le maître d'oeuvre, et regretté, à cet égard, que tout le travail intellectuel préalable fourni par l'architecte soit, à l'heure actuelle, si peu reconnu et, par voie de conséquence, sous-évalué.

Il a donc jugé nécessaire l'intensification des actions de sensibilisation et de formation des maîtres d'ouvrage, et tenu à saluer la qualité du travail réalisé en ce sens par l'association de la maîtrise d'ouvrage (AMO).

Il a souhaité, en premier lieu, que la présence d'architectes conseils auprès des décideurs locaux soit généralisée et que leur activité puisse s'exercer directement avec les élus, et, non, comme à l'heure actuelle, par le biais d'assistants. Il a estimé nécessaire, en second lieu, que l'ensemble des services de maîtrise d'ouvrage s'adjoignent les services d'un architecte. Il a demandé, enfin, que soient mises en place des formations ciblées, à l'intention des hauts fonctionnaires et des cadres ingénieurs notamment.

Réfutant l'idée selon laquelle la qualité ne coûterait pas plus cher, il a regretté que, dans 70 % des cas, les enveloppes financières qui leur sont consacrées ne soient pas en cohérence avec les ambitions des projets.

Il a tenu pour responsable des divers « dérapages » dont on accuse trop souvent les architectes la confusion opérée par les maîtres d'ouvrage entre la valorisation des travaux, à proprement parler, et la valorisation de l'opération, qui comprend l'ensemble des prestations, y compris préparatoires.

Prenant pour exemple les sessions de sensibilisation dispensées par la MIQCP, à l'intention des décideurs publics, sur la nécessité de prendre en compte dans leurs décisions la qualité environnementale, il a déploré la réticence des élus à assumer le coût de leurs décisions, relevant que ces derniers étaient tous d'accord pour améliorer la qualité environnementale, mais par pour en supporter les conséquences financières.

M. Bernard Roth, président de l'Association architecture et maîtres d'ouvrage (AMO), a présenté quelques enseignements, tirés de 21 ans d'expérience au sein de l'AMO, dont il a rappelé que la mission consistait à réunir les maîtres d'ouvrage et les architectes, à l'occasion de colloques, de voyages et autres conférences.

S'il a reconnu que chacun avait son langage propre, il a estimé que l'absence de sensibilisation, tant des décideurs publics que des architectes, au cours de leurs cursus respectifs, aux codes architecturaux, pour les premiers, aux arcanes du management public, pour les seconds, les prédisposait à coexister dans une incompréhension mutuelle.

Il s'est néanmoins montré résolument optimiste, constatant que chacune des rencontres organisées par l'association avait été l'occasion de constater le rapprochement des sensibilités, les maîtres d'ouvrage comme les professionnels se rendant à l'évidence de leur intérêt commun à s'écouter et à se comprendre.

Il a insisté sur la nécessité de faire émerger une langue commune, qui passera par un apprentissage de la « profondeur » de l'espace architectural, au sein duquel l'homme évolue non en deux, mais en trois dimensions, pour combattre la vision simplificatrice de l'architecture, réduite à la conception de plans et de façades.

Il lui a donc semblé, et c'est ainsi qu'il a conclu son propos, qu'il s'agissait aujourd'hui de faire renaître la flamme de l'architecture, considérée avant tout comme une passion, et en un mot, de la faire aimer.

M. Marc Pigeon, président de la Fédération nationale des promoteurs constructeurs, s'est étonné des propos tenus par les précédents intervenants relatifs aux relations entre maîtres d'ouvrage et architectes. Il a précisé qu'à titre personnel, il travaillait en bonne entente avec ces derniers et qu'il veillait à les associer le plus étroitement possible à la définition et à l'exécution des projets.

Il a ajouté qu'un maître d'ouvrage ne pouvait ignorer ni son partenaire architecte ni ses autres partenaires techniciens, l'échec ou la réussite d'un projet reposant avant tout sur une véritable équipe.

Il a souligné qu'il ne fallait pas caricaturer le maître d'ouvrage : le présenter comme un ingénieur ou un financier insensible aux problèmes environnementaux et multipliant les projets dans le seul but d'accumuler les honoraires était forcément réducteur.

Après avoir affirmé qu'il était inacceptable de n'accorder aucun honoraire aux architectes lors de la commande, il a déclaré que les relations contractuelles entre maître d'ouvrage et architecte variaient en fonction des projets tant au niveau des tarifs qu'au niveau des objectifs.

Concernant les objectifs fixés par le maître d'ouvrage aux architectes, il a noté que les attentes de ces derniers variaient en fonction des situations : si certains souhaitent une maîtrise d'ouvrage très directive afin de ne pas avoir à refaire les travaux, d'autres, en revanche, se plaignent de la complexité des cahiers des charges qui leur sont imposés. Considérant qu'il était sans doute préférable de déterminer contractuellement des objectifs quantitatifs et qualitatifs précis, il a avoué qu'il était délicat de trouver un équilibre en ce domaine et a invité l'ensemble des promoteurs à s'engager dans des démarches de certification.

Il a enfin dénoncé la pratique consistant à écarter, lors des concours, les dossiers des maîtres d'ouvrage présentant des jeunes architectes dans leurs listes et a estimé, à cet égard, qu'une action devait être entreprise.

Mme Laurence Croslard, vice-présidente du Conseil national de l'ordre des architectes, tout en reconnaissant le rôle essentiel d'une formation initiale qui doit préparer à l'ensemble des missions susceptibles d'être confiées à un architecte, a insisté sur le fait que l'apprentissage du métier devait se poursuivre tout au long de la vie professionnelle, et notamment à l'occasion du suivi des chantiers. Elle a estimé qu'il ne fallait pas, dans ces conditions, dissocier les missions de conception de celles de réalisation, et a invité les maîtres d'ouvrage à confier des missions complètes aux architectes. C'est à cette seule condition que les architectes pourront se doter de structures susceptibles de répondre à la totalité de ces missions.

M. Jean-Michel Doré, délégué général-adjoint de l'Union sociale pour l'habitat, a indiqué qu'il remplaçait M. Paul-Louis Marty, délégué général. Il a rappelé qu'une longue tradition de collaboration existait entre les acteurs du logement social et les architectes. Il a toutefois précisé que depuis les années 1980 les liens s'étaient distendus en raison de la réduction du nombre de programmes et de leur taille. L'objectif actuel de construction de 100.000 nouveaux logements sociaux par an, ainsi que les programmes de rénovation et de réhabilitation urbaine, devraient permettre de relancer durablement l'activité de ce secteur.

Evoquant une préoccupation nouvelle des maîtres d'ouvrage qui porte sur l'amélioration de la qualité du service rendu aux habitants, il a indiqué que les organismes HLM se montraient attentifs à ce que les architectes partagent ces objectifs. La prise en compte d'éléments nouveaux relevant du cadre de vie a entraîné une complexité croissante de la commande publique en matière de logement social. Il a estimé que sa définition devait être actualisée.

M. Jean-Michel Doré a également jugé que la multiplication des normes techniques dans le secteur de la construction était tout autant préjudiciable à l'architecte qu'au maître d'ouvrage. Il a ainsi plaidé pour un allégement de cette réglementation.

Rappelant la nécessité d'une mise en commun des savoir-faire, il a émis le voeu que les jeunes architectes puissent effectuer des stages au sein des organismes HLM afin de se former au métier de la maîtrise d'ouvrage.

M. Philippe Grand, chef du service de la stratégie et de la législation à la Direction générale de l'urbanisme, de l'habitat et de la construction au ministère de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer, s'est, quant à lui, interrogé sur le rôle de l'Etat.

Après avoir évoqué la défense des préoccupations françaises au niveau européen, la formation et la promotion des bonnes pratiques parmi les missions dévolues à la puissance publique en matière d'architecture, il a considéré que le rôle principal de celle-ci consistait à fixer les règles du jeu.

Prenant pour exemple la loi Robien ou le plan de cohésion sociale et ses 500.000 logements sociaux à réaliser au cours des cinq prochaines années, il a estimé que l'Etat devait de mettre en place des outils susceptibles d'assurer le développement de la construction.

En ce domaine, il a affirmé qu'un enjeu essentiel résidait dans la possibilité pour l'Etat de trouver un nombre de maîtres d'oeuvre et de conducteurs de projet suffisant pour mener à bien les nombreuses opérations de renouvellement urbain projetées au cours des années à venir sur l'ensemble du territoire national. Les professions concernées devront donc se mobiliser afin de développer un savoir-faire spécifique leur permettant de répondre aux attentes de la puissance publique.

Il a souligné que l'Etat était également chargé de fixer la réglementation. A cet égard, il a estimé qu'en matière d'urbanisme le résultat était plutôt satisfaisant. La loi « urbanisme et habitat » a ainsi atténué certaines scories de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains (SRU), la loi sur la simplification administrative a contribué à faire évoluer les modalités d'instruction des permis de construire et le rapport de M. Pelletier permettra d'explorer les voies visant à limiter les contentieux en matière d'urbanisme. Il a affirmé que ces initiatives, en réduisant l'insécurité juridique, contribueraient à remettre la qualité des projets au coeur des préoccupations des maîtres d'ouvrage.

Affirmant que la substitution des Plans locaux d'urbanisme (PLU), réalisés le plus souvent par des architectes ou des urbanistes, aux plans d'occupation des sols permettait à la profession de définir elle-même la réglementation applicable, il a appelé les professionnels à établir des documents simples.

Concernant la réglementation en matière de construction, il a dressé un bilan plus mitigé. Sans remettre en cause la pertinence des différents textes en discussion devant le Parlement, il a estimé que cette accumulation législative et règlementaire conduirait à un empilement dommageable pour les professions concernées. Il a souhaité que cette « inflation » soit maîtrisée afin que la réglementation ne devienne pas un obstacle à la création architecturale.

Un débat a suivi ces interventions, dont le compte rendu sera publié ultérieurement.

En conclusion, M. Jacques Valade, président, s'est félicité des échanges fructueux de la matinée et a souhaité qu'ils se poursuivent au-delà des tables rondes, demandant à M. Yves Dauge de rester attentif aux suggestions que pourraient formuler les acteurs du secteur.

Mission commune d'information sur le bilan et les conséquences de la contamination par l'amiante - Désignation des membres de la commission

La commission a ensuite procédé à la désignation des membres appelés à représenter la commission au sein de la mission commune d'information sur le bilan et les conséquences de la contamination par l'amiante. Ont été nommés : Mme Marie-Christine Blandin, MM. Ambroise Dupont, Jean-Léonce Dupont et Jean-Marc Todeschini.

Nomination de rapporteurs

La commission a enfin désigné M. Jean-Léonce Dupont, rapporteur sur le projet de loi n° 142 (2004-2005) ratifiant l'ordonnance n° 2004-1174 du 4 novembre 2004 portant transposition pour certaines professions de la directive 2001/19/CE du Parlement européen et du Conseil du 14 mai 2001 concernant la reconnaissance de diplômes et de qualifications professionnelles, et M. Jean-Claude Carle, rapporteur sur le projet de loi n° 2025 (AN) d'orientation pour l'avenir de l'école.

Audiovisuel - Télévision numérique terrestre - Présentation par M. Jean-Pierre Elkabbach, président de Public Sénat, et les membres du groupement « Télévision numérique pour tous »

Au cours d'une seconde réunion tenue dans l'après-midi, sous la présidence de M. Jacques Valade, président, la commission a parrainé une présentation de la télévision numérique terrestre (TNT) effectuée par M. Jean-Pierre Elkabbach, président de Public Sénat, et les membres du groupement « Télévision numérique pour tous ».

M. Jacques Valade, président, accueillant les différents intervenants au nom du Président du Sénat, a souligné le caractère historique de cette présentation. Il a tenu à rappeler le lien existant entre la création de Public Sénat et le lancement de cette technologie permettant de multiplier par trois le nombre de services proposés gratuitement aux téléspectateurs. Affirmant que les créateurs de la chaîne parlementaire souhaitaient faire bénéficier un jour celle-ci d'une audience nationale, il s'est félicité que cette ambition se concrétise grâce au lancement de la TNT.

M. Dominique Baudis, président du Conseil supérieur de l'audiovisuel, a souligné que, depuis la promulgation de la loi du 1er août 2000 définissant le cadre juridique de la télévision numérique terrestre, le Conseil supérieur de l'audiovisuel avait fait face à un certain scepticisme à l'égard d'un projet permettant de mettre gratuitement à disposition des téléspectateurs des services diffusés en numérique sur le réseau hertzien.

Après avoir précisé que la date exacte de lancement des émissions serait définitivement arrêtée dans les prochains jours, il s'est félicité de l'organisation de cette manifestation au Sénat et du soutien constant apporté par les chaînes parlementaires au projet. Il a d'ailleurs rappelé que Public Sénat avait retransmis, au cours de l'été 2002, l'intégralité des auditions effectuées par l'autorité de régulation en vue d'attribuer les différents canaux de la TNT.

Il a rappelé que le principal mérite de la TNT était de proposer aux téléspectateurs une offre de programmes considérablement élargie. A partir de la fin du mois de mars, une quinzaine de programmes seront ainsi disponibles sans abonnement sous réserve de l'acquisition, par chaque foyer, d'un adaptateur numérique et, éventuellement, d'un réglage de l'antenne-râteau.

Il a ajouté qu'il appartenait désormais aux opérateurs et aux pouvoirs publics de promouvoir ce nouveau support. A cet égard, après avoir souligné le travail accompli en ce domaine par le groupement « Télévision numérique pour tous », il s'est déclaré satisfait par les résultats des récentes enquêtes d'opinion menées par Médiamétrie faisant apparaître que 6 Français sur 10 âgés de plus de 18 ans connaissaient d'ores et déjà la télévision numérique terrestre et qu'un nombre important d'entre eux se déclarait prêt à s'équiper dans les meilleurs délais.

Il a souligné que cette phase était relativement facile à gérer, les réticences relatives au lancement de ce support appartenant désormais au passé et les réclamations des téléspectateurs mécontents n'ayant pas encore débuté. Il a en effet indiqué que seuls 35 % des foyers seraient couverts par la TNT au 1er avril 2005, 50 % en septembre, 85 % en 2007, cette initialisation progressive, mais néanmoins rapide, impliquant un important travail de pédagogie à l'égard des téléspectateurs ne pouvant bénéficier immédiatement des avantages offerts par cette nouvelle technologie.

Il s'est ensuite félicité du respect global du calendrier fixé par M. Michel Boyon en septembre 2002 dans son rapport remis au premier ministre et prévoyant une mise en route effective des émissions, dans le meilleur des cas, en décembre 2004. Compte tenu de l'ampleur du projet, il a estimé qu'un décalage d'à peine trois mois était tout à fait satisfaisant et qu'un tel résultat n'avait pu être obtenu qu'en raison du volontarisme d'un certain nombre d'acteurs convaincus qu'une telle révolution rencontrerait l'adhésion du public.

Il a déclaré, pour conclure, qu'il appartenait désormais aux différents éditeurs de chaînes d'assurer le succès de la TNT en incitant les téléspectateurs à acheter le démodulateur et à procéder au réglage de leur antenne-râteau.

Après la diffusion d'une bande annonce relative aux modalités de lancement de la télévision numérique terrestre, les membres du groupement « Télévision numérique pour tous » ont présenté successivement les différents services proposés aux téléspectateurs sur ce nouveau support. Sont ainsi intervenus : Mme Michèle Cotta, présidente du groupement « Télévision numérique pour tous » et présidente du conseil de surveillance d'ABsat, M. Marc Tessier, président de France Télévisions, M. Philippe Labro, conseiller pour les médias du groupe Bolloré, M. Gérald-Brice Viret, directeur général adjoint, directeur des programmes et de l'antenne de TMC Monte Carlo, M. Jean Rozat, directeur général d'Arte France, M. Marc Pallain, vice-président du directoire d'NRJ, M. Jean-Pierre Elkabbach, président de Public Sénat, M. Richard Michel, président directeur général de LCP-Assemblée nationale.

A l'issue de cette présentation, M. Jacques Valade, président, a déclaréqu'il convenait d'élargir le plus rapidement possible la zone de diffusion de la TNT à l'ensemble du territoire.

Mme Catherine Tasca, après s'être félicitée du lancement effectif de la télévision numérique terrestre, a encouragé les éditeurs à multiplier les présentations de ce type, tant à destination des parlementaires que du grand public.

Insistant sur le fait que la TNT confortait le pluralisme en permettant l'entrée de nouveaux acteurs dans le paysage audiovisuel national, elle a souhaité que les éditeurs proposent au téléspectateur des services audacieux et novateurs se démarquant des chaînes existantes.

A cet égard, elle s'est interrogée sur la place donnée à l'Europe dans le cadre des futures grilles de programmes, sur la volonté des opérateurs de tester de nouveaux formats ainsi que sur l'éventuelle mise à l'antenne d'émissions consacrées aux jeunes dans lesquelles ceux-ci pourront enfin se reconnaître.