Travaux de la commission des affaires culturelles



Mardi 25 mai 2004

- Présidence de M. Jacques Valade, président. -

Culture - Droit d'auteur et droits voisins dans la société de l'information - Audition de Mme Christine Miller, présidente, et M. Pascal Rogard, directeur général de la Société des auteurs et compositeurs dramatiques (SACD)

La commission a tout d'abord procédé à l'audition de Mme Christine Miller, présidente, et M. Pascal Rogard, directeur général de la Société des auteurs et compositeurs dramatiques (SACD).

M. Jacques Valade, président, a indiqué que cette audition s'inscrivait dans le cadre des travaux préparatoires à l'examen du projet de loi relatif au droit d'auteur et aux droits voisins dans la société de l'information, dont le rapporteur est M. Michel Thiollière.

Mme Christine Miller, présidente de la société des auteurs et compositeurs dramatiques (SACD), a indiqué qu'elle s'attacherait à développer un point de vue global sur le projet de loi soumis au Parlement et sur l'intérêt qu'il suscite auprès des auteurs. Elle a rappelé que, dans la mesure où les auteurs vivaient de l'exploitation de leurs oeuvres, toute lacune dans la protection dont celles-ci faisaient l'objet risquait de se traduire par une diminution de leur rémunération, et de mettre en danger les auteurs, ainsi que la création elle-même. Elle a souligné que, contrairement à l'image que véhiculent parfois les médias, le droit d'auteur ne constituait pas une sorte de péage pesant indûment sur les utilisateurs, mais qu'il constituait le mode normal de rémunération des auteurs.

Elle a estimé que le projet de loi, dans sa rédaction actuelle, allait dans le bon sens, et introduisait un certain nombre de garde fous à l'égard des utilisations parfois anarchiques dont font l'objet les oeuvres, et qu'il donnait un signal positif pour un renforcement à plus long terme du droit d'auteur qui mérite une réflexion approfondie.

Elle a indiqué que le conseil d'administration de la SACD avait accepté le principe de la nouvelle exception au droit d'auteur créée par le projet de loi en faveur des personnes handicapées. Mais, rappelant que toute nouvelle exception se traduisait par une diminution de la rémunération des auteurs, elle a mis en garde contre la tentation d'élargir les exceptions existantes à d'autres types d'exploitation.

Elle a considéré que la notion de gratuité actuellement attachée au développement des échanges électroniques était dépourvue de fondement, et inéquitable dans ses effets, et a souligné que la rémunération pour copie privée contribuait à la fois à la rémunération des auteurs et des ayants droit et au financement de l'action culturelle.

M. Pascal Rogard, directeur général de la SACD, a rappelé que l'avant-projet de loi avait soulevé l'opposition générale des ayants droit, mais que les travaux et les discussions menés dans le cadre du Conseil supérieur de la propriété intellectuelle avaient permis de déboucher sur le texte actuel, qui bénéficie d'un large consensus dans le monde de la création.

Rappelant que la SACD s'était étonnée du retard pris par la France dans la transposition de la directive européenne du 22 mai 2001, retard qui a fait l'objet d'un avis motivé de la Commission, il s'est réjoui du dépôt du projet de loi, qui en assurera la transposition et qui, de concert avec le plan du Gouvernement de lutte contre la piraterie sur Internet, s'inscrit dans le cadre d'un renforcement de la protection de la propriété littéraire et artistique.

Il s'est en revanche déclaré défavorable à la proposition défendue, par certains, d'instaurer une nouvelle exception dispensant les établissements d'enseignement du paiement des droits d'auteur, exception d'ailleurs écartée à la suite d'un arbitrage rendu par le Premier ministre, au profit d'une solution négociée entre les ayants droit et le ministre de l'éducation nationale.

Il a déploré les retards pris par cette négociation, notant que si des points d'accord pouvaient assez facilement être trouvés pour l'exploitation des oeuvres audiovisuelles dans les établissements d'enseignement, les problèmes liés à l'édition risquaient, en revanche, d'être plus délicats. Il a souhaité que ces retards, notamment dus à un certain manque d'empressement de l'éducation nationale, ne soient pas exploités pour réintroduire l'exception éducative.

Il a estimé que le débat relatif à la copie privée constituerait l'autre grand débat, marqué par l'opposition forte entre les positions des artistes interprètes d'une part, et celles des producteurs d'autre part, particulièrement dans le domaine de la musique.

Un débat a suivi cet exposé.

M. Jacques Valade, président, a indiqué que les problèmes posés par le piratage constituaient un des centres d'intérêts principaux du groupe d'études sur la musique et la chanson française, dont la commission a souhaité relancer l'activité, et dont la présidence est assurée par M. André Vallet, membre de la commission.

M. Michel Thiollière, rapporteur, a rappelé que les dispositions du projet de loi qui transposent la directive du 22 mai 2001 devaient respecter un équilibre entre les objectifs que fixe cette dernière et les spécificités du droit d'auteur français. Il a déclaré partager les préoccupations exprimées par les auteurs de voir protéger leurs droits pour éviter de tarir la création culturelle à sa source. Il a estimé que l'exception en faveur des handicapés, conforme à la faculté ouverte par la directive, avait pour objet de mettre les oeuvres à la disposition de ces derniers dans de bonnes conditions, et restait dans les limites raisonnables.

Evoquant le problème général posé par le développement du « piratage », il a estimé qu'il convenait de trouver une voie équilibrée entre la pédagogie et la répression, dans la mesure où le coeur du problème résidait dans le fait que de très nombreux internautes, et en particulier ceux de la jeune génération, ont pris l'habitude de télécharger gratuitement des oeuvres musicales et cinématographiques sans avoir pour autant le sentiment d'accomplir un acte illégal.

Il a demandé aux représentants de la SACD leur sentiment sur la façon de mener cet indispensable effort de pédagogie, et sur l'équilibre à trouver entre celle-ci et des mesures de répression.

M. Jacques Valade, président, revenant sur le délicat problème posé par l'exception pédagogique, a rappelé combien la copie de documents et d'outils de travail était indispensable dans les établissements d'enseignement scolaire, et plus encore dans les établissements d'enseignement supérieur. Il a estimé que ce problème n'était pas nouveau, même s'il a pris une nouvelle dimension avec le développement de l'internet, et qu'il avait toujours été difficile de trouver une solution parfaitement satisfaisante.

M. Pascal Rogard a indiqué que le Gouvernement avait engagé une négociation sur les efforts à conduire en matière de pédagogie avec les ayants droit et les fournisseurs d'accès qui jouent, en ce domaine, un rôle central.

Il a estimé qu'il revenait en effet à ces derniers, au moment de la contractualisation d'un abonnement, d'indiquer à leurs clients clairement la frontière entre ce qui est licite et ce qui ne l'est pas. Il a indiqué qu'il étudiait actuellement, en liaison avec le ministère de la culture et celui de l'éducation nationale, la possibilité d'organiser, dans les collèges, une journée des créateurs et des auteurs, pour permettre à ceux-ci d'expliquer la nature de leur métier, et la portée du droit d'auteur.

Il a déclaré qu'il n'était pas favorable à une action exclusivement répressive, estimant que la campagne lancée par les producteurs de disques risquait de n'avoir qu'une efficacité limitée, et même, dans une certaine mesure, de produire des effets contraires à ceux qui sont recherchés.

Il a jugé que toute campagne d'information devait s'accompagner d'une offre alternative de téléchargement payant et sécurisé aux internautes pour ne pas laisser au piratage le monopole de l'accès en ligne au cinéma et à la musique.

Il a rappelé que le téléchargement des oeuvres était en effet devenu un phénomène courant avec lequel il fallait compter, comme l'illustrait une récente étude réalisée par le Centre national de la cinématographie (CNC) qui a montré que 3 millions d'internautes ont déjà téléchargé un film, en toute illégalité. Cette situation particulière qui ne se rattache pas aux formes de contrefaçon classiques demande donc d'autres méthodes de lutte.

Il a en outre indiqué que le Gouvernement envisageait, lors de la discussion du texte devant l'Assemblée nationale, de présenter un amendement relatif à la retraite des auteurs, dont la rédaction est actuellement à l'étude.

Enfin, il a relevé que l'on devrait connaître, avant le début de la discussion du texte au Sénat, le résultat des études commandées par le CNC sur le marché de la vidéo, actuellement très opaque, et sur lequel les auteurs ne perçoivent que de très faibles revenus, en contradiction avec le principe posé par la loi du 3 juillet 1985 d'une rémunération du droit d'auteur proportionnelle au prix public. Il a estimé que les conclusions de ces études étaient susceptibles d'inspirer un certain nombre d'amendements.

Mme Christine Miller a insisté sur la place centrale des fournisseurs d'accès dans la mise en oeuvre d'une politique de lutte contre le piratage, qui doit prendre en compte le fait que le téléchargement est devenu un phénomène de masse.

Elle a jugé qu'une politique répressive séparée de tout effort de pédagogie risquait d'ancrer plus encore certains jeunes internautes dans une attitude de défi au monde adulte. Elle a souhaité que le ministère de l'éducation nationale participe activement à cet effort de pédagogie, déplorant que cette administration, qui devrait jouer un rôle actif dans la compréhension de ce qu'est le droit d'auteur, soit elle-même tentée de revendiquer de nouvelles exceptions à son profit.

Mme Danièle Pourtaud a rappelé qu'elle avait présenté en 1999 un rapport au nom de la commission des affaires culturelles sur une proposition de résolution portant sur le projet de directive relative à l'harmonisation de certains aspects du droit d'auteur et des droits voisins dans la société de l'information. Elle s'est réjouie que le texte finalement adopté se soit rapproché de la conception française du droit d'auteur.

Elle a estimé qu'il était plus difficile de tracer la frontière entre piratage et copie privée dans l'univers numérique que dans le monde analogique, du fait de l'explosion des échanges de fichiers en ligne.

Elle s'est demandé si la protection des auteurs devait passer par la défense des droits exclusifs, grâce à un dosage de pédagogie, de sanctions et de mesures techniques de protection, assorti du dispositif de rémunération pour copie privée, ou s'il fallait envisager la mise en place d'un système dérivé de celui de la licence légale.

M. Michel Thiollière, rapporteur, a demandé des précisions sur les relations entretenues par la SACD avec les fournisseurs d'accès, et sur les possibilités de développer une offre légale payante nationale, dans un système Internet largement ouvert au plan mondial et marqué par la culture apparente de la gratuité.

M. Jacques Valade, président, a estimé qu'une taxation opérée sur le matériel informatique de base, dont les fonctions sont loin de se limiter à la copie de fichiers musicaux ou cinématographiques, semblait difficilement envisageable.

M. Pascal Rogard a distingué les problèmes de la copie privée et ceux de l'échange de fichiers (« peer to peer »).

Evoquant la copie privée, il a estimé que la loi du 3 juillet 1985 avait mis en place un excellent dispositif qui avait permis sans encombre de passer de la copie analogique à la copie numérique.

Il a indiqué, en outre, que la commission, naguère connue sous le nom de son ancien président, M. Brun-Buisson, était parvenue à surmonter une situation initiale marquée par l'affrontement des fabricants et des consommateurs avec les ayants droit. Elle a ainsi pris des décisions à une très large majorité, comme par exemple celles qui ont porté sur la rémunération due sur les disques durs des décodeurs numériques de Canal Plus ou de TPS, la seule opposition émanant des représentants du Syndicat des industries des matériels audiovisuels électroniques (SIMAVELEC).

Il a estimé que l'institution d'une redevance sur les ordinateurs s'inscrivait dans le cours des choses, dans la mesure où celle-ci concerne déjà les baladeurs numériques comportant un disque dur, et comme le montre l'exemple de l'Allemagne qui a déjà pris des dispositions en ce sens. Il a rappelé que la commission, dite Brun-Buisson, avait précisément pour mission de déterminer de façon forfaitaire ce qui, pour chaque support, correspondait à de la copie privée d'oeuvres protégées, et ce qui correspondait à d'autres fonctions.

Evoquant les problèmes spécifiques posés par la copie privée numérique, il a rappelé que les CD et les DVD se trouvaient dans une situation différente : contrairement au CD, le DVD et la vidéocassette analogique ont toujours bénéficié de dispositifs de protection. Il a jugé nécessaire de maintenir les dispositifs de protection du DVD, qui constitue actuellement un marché très porteur, pour interdire la copie de support à support, tout en préservant la possibilité de procéder à la copie des films télédiffusés. Il a souhaité à ce propos que le projet de loi confie au Conseil supérieur de l'audiovisuel la responsabilité de veiller à ce que les éditeurs et les distributeurs de services de télévision ne puissent mettre en place des dispositifs interdisant la copie.

Il a considéré en revanche que, s'agissant de l'échange de fichiers, la mise en place d'un système de licence légale ne devrait être envisagée qu'en dernière analyse, dans l'hypothèse où les autres voies de régulation du système auraient échoué. Soulignant que le numérique permet précisément une certaine forme de contrôle sur les échanges de fichiers, de façon à rendre plus difficile l'accès à des fichiers illicites, il a jugé que les propositions formulées par certains artistes interprètes prônant le passage à un système de licence légale paraissaient donc prématurées. Il a d'ailleurs rappelé qu'un système de licence légale ne pourrait procurer des revenus aussi importants que ceux permis par les droits exclusifs, et qu'à ce titre, il pouvait poser des problèmes de financement pour le cinéma dont les productions sont très coûteuses.

Il a observé que, dans la situation de très forte concurrence qui oppose les fournisseurs d'accès, l'offre illégale et gratuite de fichiers musicaux avait constitué un enjeu important et s'était traduite, comme l'a montré l'étude d'Olivier Bomsel, par un transfert de valeur des industries du contenu vers les industries du contenant.

Il a cependant estimé que l'attitude des fournisseurs d'accès évoluait, car ceux-ci passent actuellement d'une phase de conquête de marché à une phase de hausse de leurs factures qui impose le développement d'une offre sécurisée, et que certains d'entre eux étaient maintenant prêts à collaborer avec les ayants droit.

Culture - Droit d'auteur et droits voisins dans la société de l'information - Audition de MM. Jean-Marie Moreau, représentant du conseil syndical, responsable des variétés au sein du Syndicat national des auteurs et des compositeurs (SNAC), et Emmanuel Rengervé, délégué général du SNAC

La commission a ensuite procédé à l'audition de MM. Jean-Marie Moreau, représentant du conseil syndical, responsable des variétés au sein du Syndicat national des auteurs et des compositeurs (SNAC), et Emmanuel Rengervé, délégué général du SNAC.

M. Emmanuel Rengervé a regretté qu'aucune date définitive n'ait encore été fixée pour l'examen du projet de loi relatif au droit d'auteur et aux droits voisins dans la société de l'information par l'Assemblée nationale, alors même que la France a pris du retard dans la transposition de la directive du 22 mai 2001, que ce projet de loi est censé effectuer.

Il a estimé que ce retard était dû à la volonté du Gouvernement de modifier, par l'intermédiaire de ce texte, des dispositions du code de la propriété intellectuelle, étrangères au champ de la directive.

Soulignant que la version définitive du projet de loi soumis au Parlement suscitait moins d'inquiétudes que l'avant-projet soumis par le Gouvernement aux membres du Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique, il a néanmoins estimé que le texte du projet de loi était perfectible.

Concernant la nouvelle exception au droit d'auteur et aux droits voisins proposée par le projet de loi et visant à permettre un accès élargi aux oeuvres de l'esprit aux personnes handicapées, il a jugé contestable le principe de sa mise en place, estimant qu'il appartenait à la solidarité nationale, et non aux auteurs, de financer une telle mesure. Sur la forme, il a jugé qu'il convenait de corriger la rédaction ambiguë des dispositions du projet de loi relatives à cette exception, en revenant aux termes employés par la directive. Il s'est interrogé sur la façon de vérifier, en pratique, que la représentation ou la reproduction d'une oeuvre serait bien assurée « à des fins non commerciales », comme le prévoit le projet de loi.

Il a considéré qu'il convenait de limiter strictement le nombre des exceptions au droit d'auteur et aux droits voisins autorisées par la loi et s'est inquiété de l'éventuelle intention des parlementaires de créer de nouvelles exceptions, par voie d'amendement, lors de la discussion du projet de loi.

A cet égard, il s'est félicité de la décision du Gouvernement de ne pas faire figurer dans le projet de loi la création d'une nouvelle exception en faveur de l'éducation nationale. Il a indiqué que les modalités d'utilisation des oeuvres de l'esprit dans le cadre des activités scolaires faisaient actuellement l'objet de négociations entre les représentants des professions concernées et ceux du ministère de l'éducation nationale, sans que la volonté de ces derniers d'aboutir à un accord ne soit totalement prouvée. La création d'une telle exception permettant aux enseignants d'utiliser le travail des artistes sans contrepartie financière créerait une nouvelle zone de non-droit pour les auteurs et entrerait en contradiction avec toute action pédagogique menée dans les classes et visant à sensibiliser les élèves au respect de la propriété intellectuelle.

Abordant la création, envisagée par le projet de loi, d'un collège des médiateurs chargés du règlement des différends entre titulaires de droits et utilisateurs, au cas où ces derniers estimeraient qu'une mesure technique de protection des oeuvres constituerait un obstacle à l'exercice de l'exception de copie privée ou de celle en faveur des handicapés, il a souhaité que les membres de ce collège soient non seulement des personnalités qualifiées, mais également compétentes en matière de propriété intellectuelle et indépendantes des intérêts économiques. Il a souhaité que, par symétrie, ce collège puisse aussi être saisi par les représentants des ayants droit.

Evoquant les dispositions du projet de loi relatives au droit d'auteur des agents publics, il a regretté que le Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique ait décidé de revenir, en séance plénière, sur la position d'équilibre déterminée lors des travaux préparatoires. Les dispositions envisagées par les articles du titre II du projet de loi contribuent à diluer la notion de droit d'auteur et à pénaliser les agents publics en les privant de leur droit moral sur l'oeuvre qu'ils ont créée et en leur imposant un statut dérogatoire et amoindri s'apparentant à un copyright au profit des employeurs publics.

Affirmant que les dispositions relatives aux sociétés de perception et de répartition des droits étaient dans l'ensemble favorables à l'intérêt des auteurs, il a toutefois regretté que l'ensemble de ces sociétés soient soumises aux mêmes règles comptables, sans distinction de taille, et que les efforts de transparence qui leur sont imposés ne soient pas appliqués aux sociétés utilisant les oeuvres des auteurs.

Il a enfin déploré l'inefficacité du dispositif relatif au dépôt légal des oeuvres écrites en raison principalement de l'absence de sanctions prévues par les textes. L'inobservation des obligations réglementaires et législatives par les éditeurs et les imprimeurs est d'autant plus regrettable qu'elle prive les auteurs d'informations sûres quant au tirage effectif de leurs oeuvres.

Un débat s'est alors engagé.

M. Michel Thiollière, rapporteur du projet de loi, après s'être interrogé sur l'efficacité des mesures techniques permettant aux ayants droit de protéger leurs oeuvres dans un environnement technologique en constante évolution, a souhaité connaître le point de vue des représentants du SNAC quant à la pertinence des dispositions contenues dans le projet de loi.

Mme Danièle Pourtaud a rappelé qu'en l'état des techniques il semblait difficile de lutter efficacement contre la piraterie et que le nécessaire appel au civisme ne suffirait certainement pas à résoudre un problème sensible, déjà abordé par le Parlement au cours de la discussion du projet de loi visant à renforcer la confiance dans l'économie numérique. Elle a souhaité connaître la position du SNAC à l'égard de la mise en place éventuelle d'une licence légale concernant les oeuvres diffusées sur Internet ou d'une taxe appliquée aux fournisseurs d'accès. Elle s'est interrogée sur l'existence de simulations relatives à la mise en place d'un nouveau modèle économique fondé sur l'instauration d'une telle taxe.

M. Jacques Valade, président, a souligné la nécessité, sans pour autant remettre en cause les libertés publiques, de mettre en oeuvre un code de bonne conduite sur Internet, afin de permettre une rémunération juste et équitable du travail des auteurs.

M. Pierre Laffitte a rappelé que l'importance du problème de l'échange illicite des fichiers allait croître à mesure de l'extension de l'Internet haut débit sur l'ensemble du territoire. Il a estimé que les ayants droit devaient se mobiliser rapidement pour protéger leurs oeuvres et que la situation actuelle, nécessitant des évolutions législatives, déboucherait peut-être sur un système de protection des droits d'auteur, intermédiaire entre la conception française de la protection de ces droits et le copyright anglo-saxon.

M. Jacques Valade, président, a insisté sur la nécessité d'établir un code de bonne conduite dans ce domaine.

MM. Jean-Marie Moreau et Emmanuel Rengervé ont apporté les précisions suivantes :

- les auteurs souhaitent pouvoir identifier leurs oeuvres circulant sur Internet et ne sont pas, dans leur majorité, favorables à la création d'une licence légale sur ce support : une telle licence constituerait un véritable blanc-seing pour les internautes désirant télécharger des oeuvres protégées et rendrait la répartition des revenus entre les ayants droit extrêmement aléatoire.

Sur le plan technique, nul pour l'instant ne semble en mesure de pouvoir proposer des mesures efficaces contre l'échange des fichiers protégés par l'intermédiaire des logiciels « peer to peer ». Dans ces conditions, il convient de ne pas céder à la tentation de mettre en place une politique de répression aveugle, mais plutôt de privilégier, dans un premier temps, la voie de la pédagogie.

La principale préoccupation des auteurs réside dans la mise en place rapide de sites de téléchargement légaux permettant d'identifier les oeuvres et d'assurer la rémunération des ayants droit ;

- il ne faut pas confondre la rémunération pour copie privée, résultant, pour les auteurs, de la loi de 1985, et qui constitue désormais un complément nécessaire à leur rémunération, et la licence légale, qui aboutit à faire perdre aux auteurs tout droit sur leurs oeuvres.

Il est important de préciser que si la rémunération pour copie privée est désormais acceptée par les auteurs, les revenus qu'elle engendre ne doivent pas pour autant être appelés à constituer l'essentiel de la rémunération des créateurs : les droits d'auteur ne doivent pas se résumer à la perception d'une taxe, mais demeurer proportionnels au succès rencontré par leurs oeuvres ;

- il est de la responsabilité du système éducatif, lors des cours d'éducation civique par exemple, d'assurer l'information des élèves quant au nécessaire respect de la propriété intellectuelle et d'effectuer un véritable travail pédagogique sur les droits d'auteur.