Travaux de la commission des affaires culturelles



Mardi 24 février 2004

- Présidence de M. Jacques Valade, président. -

Laïcité - Enseignement - Application du principe de laïcité, le port de signes ou de tenues manifestant une appartenance religieuse, dans les écoles, collèges et lycées publics - Audition d'une délégation du Bureau du Conseil français du culte musulman (CFCM)

La commission a tout d'abord entendu une délégation du Bureau du Conseil français du culte musulman (CFCM).

Accueillant la délégation, M. Jacques Valade, président, a indiqué que cette réunion s'inscrivait dans le cadre de la série d'auditions organisées par la commission dans la perspective de la discussion prochaine devant le Sénat du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, encadrant, en application du principe de laïcité, le port de signes ou de tenues manifestant une appartenance religieuse dans les écoles, collèges et lycées publics.

Il a rappelé que la commission avait déjà eu l'occasion, le 11 février dernier, d'entendre M. Dalil Boubakeur, en qualité de président du CFCM et que c'était à sa demande qu'elle avait décidé de rencontrer aujourd'hui une délégation du bureau de ce conseil, représentative de ses différentes sensibilités.

M. Dalil Boubakeur a indiqué que la délégation était constituée de M. Fouad Alaoui, vice-président du CFCM, représentant l'Union des organisations islamiques de France (UOIF), de M. Haydar Demiryurek, secrétaire général, représentant le Comité de coordination des musulmans turcs de France, ainsi que de M. Larbi Marchiche, membre du bureau, représentant de la fédération nationale des musulmans de France.

M. Dalil Boubakeur a ensuite présenté le texte de synthèse élaboré par le bureau du CFCM, en précisant que celui-ci ne reflétait pas sa position personnelle, mais avait été adopté par consensus par les 17 membres du bureau.

Ce texte déplore, en préambule, que les musulmans de France se trouvent actuellement dans une situation difficile et mesure la montée de l'islamophobie et du racisme exprimée par les médias, reflets de l'opinion publique. Le CFCM constate que le discours du Président de la République du 17 décembre 2003 sur la laïcité n'a été suivi jusqu'à présent que de deux mesures concrètes : le dépôt du projet de loi sur le port des signes religieux à l'école et la nomination d'un préfet d'origine maghrébine dont il a observé qu'elle était sans relation avec le libre exercice du culte musulman.

Dans ce texte, le CFCM rappelle qu'il s'est toujours opposé au principe d'une loi, mais prend cependant acte de son existence et de la souveraineté du Parlement qui est compétent pour la voter et, le cas échéant, pour l'amender.

Le CFCM insiste pour que la loi ne stigmatise pas les musulmans, et plus particulièrement les femmes susceptibles de porter ce « signe », qui est considéré comme une prescription religieuse par les musulmans pratiquants, ainsi que l'a confirmé le conseil d'administration du CFCM réuni les 11 et 12 octobre 2003.

Le CFCM souhaite que l'application de cette loi ne puisse aboutir à interroger une jeune fille sur les motivations qui l'ont conduite à adopter le port d'une coiffure lui couvrant les cheveux, dès lors que celle-ci est de même nature qu'une coiffure portée par une non musulmane. Il estime que le fait d'interroger une jeune fille portant un prénom musulman sur les raisons qui l'ont conduite à adopter une semblable coiffure constituerait une discrimination à caractère raciste et xénophobe.

Le texte adopté par le CFCM regrette ensuite qu'aucune mesure concrète d'application n'ait été prise, sur un certain nombre d'autres sujets, pourtant abordés par le Président de la République, qu'il s'agisse de la construction ou de l'acquisition de lieux de culte, de la mise en place d'une Haute autorité indépendante chargée de lutter contre toutes les formes de discrimination, y compris la discrimination à l'embauche, de la vocation et de la composition d'un Observatoire de la laïcité, ou encore de l'ouverture de carrés confessionnels dans les cimetières.

Le CFCM rappelle, pour finir, qu'il avait recommandé aux Conseils régionaux du culte musulman (CRCM) de ne pas participer aux manifestations organisées contre le projet de loi sur les signes religieux, dans le souci d'éviter la montée du racisme et de l'islamophobie, et de ne pas faire le jeu des extrémistes de tous bords. Il a cependant jugé nécessaire que le monde politique adresse des signes positifs forts pour démontrer que les Français musulmans sont des citoyens à part entière.

M. Larbi Marchiche a indiqué que la fédération qu'il représentait adhérait totalement à ces propos.

M. Haydar Demiryurek a estimé, pour sa part que, si la grande majorité des musulmans n'avait pas manifesté contre le projet de loi, elle s'était cependant sentie stigmatisée par le dépôt de celui-ci. Il a jugé indispensable d'apporter les apaisements nécessaires à ces cinq millions de musulmans qui attendent des marques de la volonté de réconciliation du pays avec sa composante musulmane. Il a souhaité que soient proposés aux femmes des moyens de substitution acceptables au sein des établissements scolaires, leur permettant de cacher leurs cheveux sans être identifiées nécessairement comme musulmanes. Il a estimé que la détermination de ces signes ne pouvait relever du CFCM lui-même, sauf à leur conférer une dimension religieuse. Il a jugé que l'adoption du projet de loi ne suffirait pas à faire disparaître le problème, mais que sa résolution dépendrait largement de l'interprétation qui sera donnée de la notion de « signes discrets ».

Rappelant que le projet de loi adopté par l'Assemblée nationale prévoyait un dialogue avec l'élève avant la mise en oeuvre d'une procédure disciplinaire, M. Dalil Boubakeur a exprimé le souhait complémentaire que le CFCM soit associé à la rédaction de la circulaire d'application de la loi et que les CRCM puissent intervenir dans le dialogue entre l'établissement scolaire et la famille de l'élève passible d'une sanction disciplinaire.

M. Jacques Valade, président, a estimé, à titre personnel, qu'il serait naturel d'associer le CFCM à la réflexion qui conduira à la rédaction de la circulaire d'application de la loi. Il a d'ailleurs rappelé que l'exposé des motifs du projet de loi prévoyait de mettre à profit le délai précédant la prochaine rentrée scolaire pour procéder à un important travail d'explications, d'échanges et de médiation, notamment avec les autorités religieuses de notre pays.

M. Fouad Alaoui a rappelé que l'Union des organisations islamiques de France était initialement opposée au principe d'une loi sur ce sujet, mais qu'elle prenait acte de sa prochaine adoption et souhaitait, surtout, éviter que son entrée en vigueur ne conduise à l'exclusion de jeunes filles des établissements scolaires.

M. Jacques Valade, président, a observé qu'une semblable sanction disciplinaire serait le résultat de l'échec du dialogue avec l'élève, prévu par la loi.

M. Fouad Alaoui a souligné que, dans le texte qu'elle a adopté, l'Assemblée nationale n'avait pas proscrit le port de signes visibles, mais celui de signes manifestant ostensiblement une appartenance religieuse. Déclarant vouloir éviter que la composante musulmane ne se sente rejetée et atteinte dans sa pratique religieuse, il a souhaité qu'un dialogue s'établisse entre le CFCM et le ministère de l'éducation nationale pour la rédaction de la circulaire d'application de la loi et celle du règlement intérieur des établissements scolaires. Il a également souhaité que les CRCM soient associés à cette concertation préalable.

Un débat a suivi les interventions des membres du CFCM.

M. Jacques Legendre a rappelé que l'objectif du projet de loi n'était en aucun cas de stigmatiser une partie de la communauté musulmane, mais de fixer une règle équilibrée précisant l'attitude générale des établissements publics scolaires à l'égard de l'ensemble des signes religieux quels qu'ils soient.

Partageant le souci que le dispositif de la loi donne lieu à une large concertation, il a estimé que celle-ci était plus utile dans la phase préalable au vote de la loi, que dans celle qui suivra son adoption. Il a jugé indispensable que les parlementaires puissent, au travers d'auditions comme celle d'aujourd'hui, recueillir les différents points de vue, de façon à se prononcer en connaissance de cause. En revanche, la rédaction de la circulaire, qui ne doit pas s'écarter de la volonté exprimée par le législateur, se prête moins à ce type d'exercice. En outre, et sauf à vouloir revenir à la situation antérieure, on ne pourra admettre que la loi reçoive des interprétations différentes d'une académie à l'autre.

Mme Brigitte Luypaert a estimé que la loi devait permettre aux élèves de vivre côte à côte dans les établissements scolaires, quelles que soient leurs origines culturelles et religieuses. Elle a souhaité savoir si le CFCM recommandait le port du voile, ou s'il laissait à chacun le soin de déterminer sa conduite.

M. Dalil Boubakeur a précisé que le Coran se contentait de recommander que les femmes aient la tête couverte, sans préciser la nature du voile utilisé.

M. André Vallet a insisté sur le fait que le projet de loi n'avait, en aucune façon, pour intention de stigmatiser les musulmans de France. Il a rappelé que l'exclusion des élèves des établissements scolaires devait être précédée d'un dialogue expressément prévu par le projet de loi et a estimé que, sauf à priver celui-ci d'emblée de toute portée, on ne pouvait exclure a priori l'application de ces sanctions disciplinaires. Il a cependant espéré que le bon sens l'emporterait et que les exclusions seraient les plus rares possibles. Il a ensuite jugé que la rédaction de la circulaire d'application du projet de loi relevait exclusivement de la compétence du ministre, le Parlement conservant cependant, dans le cadre de son pouvoir de contrôle, la possibilité d'interpeller le Gouvernement sur les dispositions de cette dernière qui lui paraîtraient s'écarter de l'esprit de la loi.

Mme Danièle Pourtaud a également estimé que le projet de loi ne devait pas être considéré comme relevant d'une volonté de stigmatiser la communauté musulmane. Considérant que la crise actuelle trouvait largement son origine dans les discriminations dont pâtissent en pratique les Français d'origine étrangère, elle a souhaité que ces dernières fassent l'objet d'une meilleure prise en compte.

Elle a indiqué qu'elle souhaitait que le Parlement reste dans son rôle en ayant sur le projet de loi un débat de principe sans se laisser entraîner dans la définition des signes qui sont acceptables et de ceux qui ne le sont pas, ajoutant que, pour sa part, elle aurait préféré que, contrairement au dispositif adopté par l'Assemblée nationale, le projet de loi proscrive tout signe « visible », de façon à couper court à toute ambiguïté.

Rappelant que les situations conflictuelles débouchant sur l'exclusion d'un élève restaient encore rares, M. Michel Guerry s'est interrogé sur les effets qu'aurait l'entrée en vigueur de la loi. Il a rappelé que la Turquie, qui est un pays laïc à population musulmane, n'était pas confrontée au problème du port des signes religieux à l'école.

Se réjouissant de la confirmation apportée par de nombreux commissaires que le projet de loi n'avait pas vocation à stigmatiser la communauté musulmane, M. Dalil Boubakeur a indiqué que le CFCM souhaitait la paix scolaire et qu'il ne contestait ni la loi ni son interprétation. Il a estimé que l'intervention du CFCM ou des CRCM serait utile dans le dialogue entre les établissements scolaires et les jeunes filles désirant porter le voile, de façon à mieux déterminer l'authenticité de la motivation religieuse de ces dernières. Il a souhaité qu'en tout état de cause, les exclusions soient les moins nombreuses possibles et ne pénalisent pas des jeunes filles qui seraient animées par une motivation religieuse profonde. Il n'a pas jugé opportun que le CFCM donne des recommandations particulières quant à la nature des signes religieux « discrets ». Il a également appelé à une attitude conciliante à l'égard d'une population immigrée qui n'était pas nécessairement au courant, au moment de son arrivée en France, de l'ensemble des codes de conduite en vigueur et a souhaité une pédagogie de la laïcité.

M. Fouad Alaoui a relevé que le texte adopté par l'Assemblée nationale ne proscrivait que le port de signes ostensibles, sans toutefois définir ceux-ci. Il a regretté que les débats de l'Assemblée nationale aient été centrés sur la religion musulmane, alors que le projet de loi est censé concerner l'ensemble des religions, et qu'il apparaisse de ce fait davantage comme un texte relatif au voile, que comme un texte relatif aux signes religieux. Il a espéré que les débats du Sénat éviteraient cet écueil.

M. Jacques Legendre a souhaité rectifier cette impression, observant qu'au cours des débats auxquels ils ont participé dans leur circonscription, de nombreux parlementaires ont pu constater que les représentants des religions autres que la religion musulmane se sentaient également concernés par le projet de loi. Il a souhaité, pour reprendre une notion chère à Blaise Pascal, que ce soit « l'esprit de finesse » qui prévale dans ce débat.

M. Haydar Demiryurek a indiqué qu'en Turquie, le port obligatoire de l'uniforme dans les collèges et les lycées imposait une neutralité aussi bien religieuse que sociale.

M. Jacques Valade, président, a rappelé que l'uniforme avait été autrefois également obligatoire en France dans l'école publique et que l'accès aux établissements scolaires était alors subordonné à son strict respect.

Audition de M. Bernard Kuntz, président du syndicat national des lycées et collèges (SNALC), secrétaire général de la Confédération syndicale de l'éducation nationale (CSEN)

Puis la commission a auditionné M. Bernard Kuntz, président du syndicat national des lycées et collèges (SNALC), secrétaire général de la Confédération syndicale de l'éducation nationale (CSEN), accompagné de M. Frédéric Eleuche et de Mme Annie Quiniou.

M. Bernard Kuntz s'est félicité de pouvoir être entendu par la commission, dans la mesure où le SNALC, qui est la troisième organisation d'enseignants du second degré au sein de l'éducation nationale, est la seule à s'être prononcée en faveur du projet de loi, lors de son examen au Conseil supérieur de l'éducation. Cette position mérite, en effet, d'être justifiée.

M. Frédéric Eleuche a indiqué que, depuis 1989, année où s'était produite la première affaire de foulard à Creil, le SNALC n'avait cessé d'attirer l'attention sur la signification de tels événements, sans toutefois jamais être entendu par les gouvernements successifs.

Il a relevé que ce texte répondait à deux problèmes fondamentaux, quoique d'inégale importance. En premier lieu, ne peuvent être admises, dans un établissement scolaire, des manifestations religieuses. En second lieu, et surtout, le port du foulard ne révèle pas seulement l'extrémisme religieux, mais manifeste également la rupture de l'égalité entre les hommes et les femmes, rupture inacceptable car notamment contraire à la Constitution.

Il a fait part de la déception du SNALC, qui aurait souhaité que la loi interdise également le port de signes politiques. Rappelant que le ministre avait toutefois indiqué que la circulaire prise pour l'application de la loi reprendrait les dispositions des textes de Jean Zay, il s'est demandé si l'édiction d'un décret n'était pas nécessaire sur ce point.

M. Jacques Valade, président, a assuré que la commission considérait le principe de laïcité comme un moyen de garantir l'égalité entre les hommes et les femmes. La loi ne nécessite pas l'intervention d'un décret ; son interprétation sera précisée par le ministre dans le cadre d'une circulaire destinée aux rectorats.

M. Jean-Léonce Dupont a souhaité savoir quelle pourrait être la nature de signes politiques ostensibles.

M. Frédéric Eleuche a estimé difficile de les définir dans la mesure où tout signe peut être revêtu d'une signification politique.

Mme Annie David s'est demandé si la conception du principe de laïcité, qui justifiait le vote du projet de loi, n'impliquait pas également son application aux établissements d'enseignement privé sous contrat, la remise en cause du régime spécifique applicable à l'Alsace-Moselle et la suppression des aumôneries. Elle a enfin considéré que la loi n'était pas destinée à stigmatiser une religion en particulier.

M. Frédéric Eleuche a considéré que des raisons historiques commandaient de maintenir le régime en vigueur en Alsace-Moselle. Par ailleurs, la possibilité de créer des aumôneries est garantie par la loi de 1905, qu'il ne convient pas d'abroger sur ce point.

M. Bernard Kuntz a souligné que le projet de loi était un texte fondamentalement laïc, qui visait l'ensemble des manifestations religieuses. Il a rappelé que le SNALC avait souhaité que le terme visible soit préféré à celui d'ostensible afin de préserver l'école des conflits idéologiques.

M. André Vallet a souhaité connaître la position du SNALC sur les déclarations du ministre relatives à l'enseignement du fait religieux. Le ministre a considéré que cet enseignement avait été trop souvent occulté, situation qui aboutissait à ce que les jeunes ne connaissent pas suffisamment les religions qui ne sont pas les leurs. Il s'est demandé si des lacunes existaient effectivement en ce domaine et si des suites devaient être réservées à l'initiative du ministre.

M. Frédéric Eleuche a déclaré préférer la terminologie, plus neutre, d'histoire des phénomènes religieux plutôt que d'histoire des faits religieux, qui préserve la liberté des élèves de croire ou de ne pas croire. Il a indiqué que cet enseignement existait déjà, même si l'on pouvait porter des appréciations sur sa qualité. Il a fait part de l'extrême difficulté à pratiquer cet enseignement, compte tenu de la diminution de la culture religieuse dans la société et du prosélytisme manifesté par certains élèves. Il a souligné que, d'ores et déjà, des professeurs renonçaient à aborder l'histoire du christianisme inscrite au programme de la seconde au regard des réactions que cet enseignement suscitait dans les classes.

M. Jacques Valade, président, a considéré que l'enseignement des faits religieux était nécessaire et a estimé indispensable que les enseignants bénéficient d'une formation suffisante en ce domaine. Des mesures doivent être prises à l'égard des élèves qui refusent cet enseignement.

Audition de M. Luc Ferry, ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche

La commission a enfin procédé à l'audition de M. Luc Ferry, ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche.

M. Luc Ferry a souhaité exposer les trois raisons pour lesquelles le texte du projet de loi, dans sa rédaction équilibrée actuelle, avait trouvé un très large consensus.

Tout d'abord, il a indiqué que le constat de la montée du communautarisme était désormais unanime, précisant que le nombre d'actes de caractère antisémite avait été multiplié par 15 depuis trois ans et que le nombre d'actes racistes non antisémites avait augmenté de 205 % sur la même période. Il s'est fermement opposé à ce que les classes se structurent par communautés d'appartenance politico-religieuse, militantes et prêtes à s'affronter, y compris physiquement.

Il a ensuite évoqué les difficultés que suscitait, pour les chefs d'établissement, la position définie par l'avis du Conseil d'Etat de 1989, non pas tant pour gérer la présence de tel ou tel signe religieux, mais surtout afin de régler les conflits opposant les élèves aux enseignants, notamment lorsqu'un professeur, refusant de dispenser son cours dès lors qu'une jeune fille voilée était présente dans sa classe, devait être sanctionné par son chef d'établissement, en application de la règle juridique fixée.

Enfin, M. Luc Ferry s'est réjoui que la formulation adverbiale retenue -« manifestent ostensiblement »- ait permis d'éviter d'autres formulations dangereuses, comme celle de « signes ostensibles » proposée par la commission Stasi, ou celle de « signes visibles ». Concernant la première, il a estimé, en effet, qu'il s'agissait moins de viser le signe en lui-même -d'autant que le Conseil d'Etat pourrait juger que le voile ou la kippa ne constituent pas des signes ostensibles par nature- que le contexte dans lequel celui-ci est affirmé, en l'occurrence les établissements scolaires publics.

Quant au qualificatif « visible », le ministre a mis en garde contre le risque d'inconstitutionnalité qu'il pouvait comporter, dans la mesure où, d'une part, l'article X de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen garantit la liberté de conscience et, d'autre part, toute limitation apportée à une liberté doit être proportionnée au risque réel de trouble à l'ordre public susceptible d'être créé. En outre, il a rappelé que le fait d'interdire tout signe religieux, y compris les signes discrets, aurait pour effet de rendre la loi inapplicable et serait contraire à la tradition conciliatrice issue de la loi de 1905, laquelle a instauré, dans les établissements publics, des aumôneries financées sur fonds publics.

Il a, à cet égard, rendu hommage au Président de la République, dont les arbitrages ont permis d'aboutir à une formulation équilibrée du texte.

Se félicitant, pour finir, de ce que la loi ne s'applique pas aux établissements privés sous contrat, M. Luc Ferry a indiqué que ce texte, en évitant ces divers écueils de formulation, rassemblait l'ensemble des partisans des valeurs républicaines.

A l'issue de cette intervention, un large débat s'est engagé.

M. Jacques Valade, président, a souhaité savoir si les organisations représentatives des différents cultes seraient bien consultées, comme cela était prévu dans l'exposé des motifs, lors de la préparation de la circulaire d'application de la loi.

Rappelant les engagements pris par le ministre au cours des débats sur le projet de loi à l'Assemblée nationale, M. André Vallet a demandé des précisions au sujet des modalités de mise en oeuvre du dialogue au sein des établissements, que devrait prévoir la future circulaire d'application, ainsi que sur les évolutions qui seront apportées en vue de renforcer l'enseignement de l'éducation civique. Il s'est interrogé, en outre, sur les conditions dans lesquelles pourrait être approfondi l'enseignement du fait religieux, dans la mesure où les enseignants auditionnés par la commission avaient témoigné des difficultés qu'ils rencontraient parfois face à certains élèves, dès lors qu'ils abordaient les phénomènes religieux.

Tout en soulignant qu'il n'était en rien question, par ce texte, de stigmatiser la religion musulmane, Mme Danièle Pourtaud a estimé que l'une des raisons pour lesquelles le port du voile était inacceptable à l'école était liée à sa signification au regard du statut de la femme. Elle a souhaité connaître les mesures prises ou envisagées par le ministère en vue de restaurer, à l'école, la prise de conscience de la relation égalitaire entre les sexes, notamment dans le cadre de la mise en oeuvre de la convention de février 2000 relative à l'égalité entre les filles et les garçons dans le système scolaire, concernant les programmes scolaires et les questions d'orientation.

Par ailleurs, considérant le voile comme l'expression, par les jeunes filles, de la situation d'exclusion sociale dont elles sont victimes, elle s'est interrogée sur les dispositions concrètes qui seront mises en place, à la suite du discours du Président de la République du 17 décembre 2003, afin d'aboutir à une réelle intégration des populations issues de l'immigration et de lutter contre toutes les formes de discriminations.

Evoquant ses craintes persistantes que la loi ne stigmatise, finalement, les jeunes filles voilées, alors que celles-ci, mineures, sont placées sous la responsabilité de leurs parents, et subissent les pressions de leur entourage ou des « grands frères » leur imposant le port du foulard, Mme Annie David a déclaré qu'elle voterait contre ce projet de loi, de nature à accroître la déscolarisation ou à favoriser le développement d'écoles coraniques. Elle a ensuite indiqué qu'elle proposerait d'étendre l'application de la loi aux établissements d'enseignement privés sous contrat, afin de barrer la voie à la montée du communautarisme en leur sein.

Se félicitant que le projet de loi soit parvenu à une position équilibrée sur un sujet pourtant très délicat, M. Jacques Legendre a affirmé son intention de voter ce texte. Tout en reconnaissant que les raisons ayant conduit à exclure du champ de la loi les signes politiques étaient fondées, il a souhaité, néanmoins, que soit redéfini un cadre pour les manifestations politiques au sein des établissements, afin que l'école ne devienne pas un lieu d'affrontements politiques, reflétant les conflits et tensions de l'actualité internationale.

Signalant qu'il était originaire de la région où s'était ouvert le premier lycée musulman de France, M. Ivan Renar a exprimé sa volonté de voter le projet de loi, très attendu par les équipes éducatives, par les jeunes filles subissant le voile, et par la « majorité silencieuse » des musulmans de notre pays, bien que ce texte ne soit pas suffisant face au développement, dans certains quartiers, d'un encadrement social et religieux de type intégriste.

Il a souhaité, par ailleurs, que soit développé de façon plus concrète l'enseignement de l'histoire des civilisations, afin de faire prendre conscience aux élèves que notre héritage commun est issu de la diversité des peuples. Il a affirmé que les activités culturelles constituaient un formidable vecteur pour la transmission des valeurs aux plus jeunes, citant, à titre d'exemple, l'opération « lycéens au cinéma » mise en place dans son département, mais désormais compromise par la décision du rectorat de s'en désengager sur le plan financier, ou encore les visites, organisées chaque année, du camp de concentration d'Auschwitz.

Mme Brigitte Luypaert, après avoir indiqué que la loi était très utile, s'est inquiétée de la volonté du CFCM de parvenir à une solution de compromis, afin que les jeunes filles puissent continuer à se couvrir les cheveux.

En réponse à ces intervenants, M. Luc Ferry a apporté les précisions suivantes :

- dans le cadre de la préparation de la circulaire d'application de la loi, l'ensemble des représentants des communautés religieuses seront reçus au ministère, d'ici deux à trois semaines, y compris les représentants des Sikhs, pour lesquels les conditions d'application de la loi seront réglées à l'amiable, dans le respect de leur tradition, selon laquelle la pilosité est sacrée ;

- même si leur formation doit, sur ce point, être améliorée, en particulier pour qu'ils sachent réagir aux éventuels débordements provoqués par certains élèves, les enseignants doivent aborder les religions, intégrées aux programmes d'histoire des classes de 6e et de 2nde, ou dans les cours de français, à travers la lecture de textes de la Bible ou du Coran. Par ailleurs, un livret républicain, contenant notamment une anthologie de textes, films et documentaires, leur sera prochainement distribué, en vue d'enrichir et renouveler les cours d'éducation civique ; la lecture d'un roman comme « Le choix de Sophie », ou la diffusion des films « Nuit et brouillard » ou « La liste de Schindler », peuvent être en effet beaucoup plus parlants pour les élèves qu'un cours magistral ;

- le souci de médiation et de pédagogie est inscrit par deux fois dans le projet de loi, au travers du délai prévu pour préparer, dans les établissements, l'entrée en vigueur de la loi, ainsi que par la mention de la priorité de dialogue, précisée à l'initiative du groupe socialiste de l'Assemblée nationale ;

- contrairement à ce que prétendent ceux qui manifestent leur hostilité à la loi, le texte ne porte pas atteinte aux droits de la femme musulmane, dans la mesure où seuls les enfants sont concernés par le projet de loi, lequel est l'expression de la responsabilité du monde des adultes à leur égard.

Par ce texte, qui ne vise aucune religion en particulier, la République protège les jeunes filles victimes des pressions de leur entourage, en leur donnant un argument très fort et concret, l'obéissance à la loi républicaine, à opposer à ceux qui leur imposent le port d'un signe religieux ;

- à la suite des réflexions engagées avec Mme Michèle Perrault, sous le ministère de Mme Ségolène Royal, alors qu'il était président du Conseil national des programmes, des éléments antisexistes et antiracistes ont été intégrés dans les manuels scolaires, de même que des faits positifs de l'histoire des femmes ou des autres civilisations, tels que l'invention de l'algèbre ou la redécouverte des textes d'Aristote dans le monde arabe, de nature à faire prendre conscience aux élèves que l'on participe tous à une histoire commune, universelle ;

- il aurait été contraire à la Constitution, en raison de leur « caractère propre », d'étendre l'application de la loi aux établissements privés sous contrat. S'il n'est pas sensé d'interdire le port de la kippa dans les écoles confessionnelles juives, les établissements catholiques, qui accueillent parfois des élèves juifs ou musulmans, pourront également, dans leur intérêt, décider d'appliquer la loi ;

- il est extrêmement difficile d'établir une distinction entre le politique et le religieux, en ce sens que le voile, dont l'apparition est relativement récente dans nos établissements, est l'expression d'une utilisation de la religion à des fins politiques. De surcroît, il serait paradoxal d'étendre le champ de la loi aux signes politiques, dans la mesure où, en l'état actuel du droit, tel que le prévoit la circulaire Jean Zay du 1er juillet 1936, toujours en vigueur, tous les signes politiques, y compris les signes discrets, sont interdits à l'école ;

- même si la loi ne pourra régler tous les problèmes, elle va néanmoins dans le bon sens, en luttant contre les dérives communautaires à l'école. Des activités plus concrètes, comme des voyages, des diffusions de films, devront être proposées dans le cadre des cours d'éducation civique, afin de sensibiliser davantage les adolescents à ces phénomènes ;

- il serait dangereux de se perdre, dès à présent, dans trop de détails concernant les signes qui seraient, ou non, acceptables au regard de la loi. Il convient de noter, en effet, que la plupart des règlements intérieurs interdisent, d'ores et déjà, le port de certains couvre-chefs, comme les casquettes notamment, ce qui traduit, de fait, une règle de respect.

Mercredi 25 février 2004

- Présidence de M. Jacques Legendre, vice-président. -

Laïcité - Enseignement - Application du principe de laïcité, le port de signes ou de tenues manifestant une appartenance religieuse dans les écoles, collèges et lycées publics - Examen du rapport

Lors d'une première séance tenue dans la matinée, la commission a procédé à l'examen du rapport de M. Jacques Valade sur le projet de loi n° 209 (2003-2004), adopté par l'Assemblée nationale en première lecture, encadrant, en application du principe de laïcité, le port de signes ou de tenues manifestant une appartenance religieuse dans les écoles, collèges et lycées publics.

Rappelant que le projet de loi avait été très largement débattu à l'Assemblée nationale et adopté par un vote massif, M. Jacques Valade, rapporteur, a indiqué que ce texte était l'expression d'un voeu, partagé par une grande majorité de Français, de réaffirmer le principe de laïcité et qu'il traduisait, en outre, la volonté formulée par le Président de la République, lors de son discours du 17 décembre 2003, de faire vivre la laïcité, en premier lieu à l'école, lieu de formation des citoyens en puissance et d'apprentissage du vivre ensemble. Il s'agit de réaffirmer l'attachement aux valeurs partagées, et de consolider le modèle républicain de cohésion nationale.

Il a affirmé que la laïcité, pierre angulaire du pacte républicain, renvoyait aux valeurs essentielles, à savoir la liberté de conscience, l'égal respect de toutes les croyances religieuses et la neutralité de l'Etat sur le plan religieux, principes consacrés par la loi de séparation des Eglises et de l'Etat du 9 décembre 1905, et désormais profondément ancrés dans les institutions, les traditions et les mentalités.

Toutefois, M. Jacques Valade, rapporteur, a fait observer que ces principes, que l'on croyait acquis, devaient aujourd'hui être rappelés. Depuis environ 15 ans, avec l'émergence, notamment, d'un islamisme radical, la question de la laïcité a retrouvé une actualité nouvelle. C'est d'abord à l'école, le creuset de la laïcité républicaine, qu'a resurgi un débat passionnel, focalisé sur les « affaires de voiles islamiques », apparues sur le devant de la scène médiatique à Creil en 1989.

Il a indiqué que les travaux menés par la mission d'information de l'Assemblée nationale sur le port des signes religieux à l'école, présidée par M. Jean-Louis Debré, ainsi que par la commission indépendante installée par le Président de la République en juillet 2003 et présidée par M. Bernard Stasi, avaient permis de mesurer l'ampleur des difficultés rencontrées par les chefs d'établissement et les équipes éducatives, pour faire respecter le principe de laïcité à l'école et pour assurer leur mission dans un climat serein et neutre. Mais, au-delà de l'école, bien d'autres brèches dans le principe de laïcité ont été révélées, dans les services publics, à l'hôpital notamment. Cette perte de sens de la laïcité ouvre la voie à des dérives inacceptables, incompatibles avec notre tradition républicaine, telles que le repli communautaire, la montée d'une violence raciste et antisémite ou la remise en cause du principe d'égalité entre les sexes.

M. Jacques Valade, rapporteur, a estimé que ces tensions nouvelles étaient le symptôme des problèmes auxquels se confronte le modèle d'intégration républicaine, dans une société contemporaine en mutation. Il a souligné que le contexte et les termes du débat avaient changé : d'une part, parce que la France est devenue un pays pluriel sur le plan religieux, où l'islam représente la deuxième religion, et, d'autre part, parce que notre modèle d'intégration, dont l'école est, en théorie, le principal moteur, se heurte à des limites.

Il a réaffirmé la nécessité de réagir avec fermeté face aux dérives intégristes et communautaires qui défient la République et heurtent de front ses valeurs, en priorité pour préserver et protéger l'école de ces pressions.

Tout en reconnaissant que le présent projet de loi n'avait pas vocation à régler l'ensemble des problèmes de la société et de l'école, il a considéré qu'il était néanmoins nécessaire et qu'il constituait, comme l'a rappelé le Premier ministre, un levier d'action.

A ce titre, il a indiqué que la grande majorité des personnes auditionnées par la commission avait souligné l'opportunité et l'urgence de ce texte, plébiscité par 76 % des enseignants selon un récent sondage.

M. Jacques Valade, rapporteur, a fait remarquer que la situation juridique actuelle, de par ses ambiguïtés et ses insuffisances, entretenait la confusion et était à l'origine des immenses difficultés rencontrées par les équipes éducatives. Selon la jurisprudence issue de l'avis du Conseil d'Etat du 27 novembre 1989, le port d'un signe religieux n'est incompatible avec le principe de laïcité que dans la mesure où il s'accompagne de comportements de caractère prosélyte ou ostentatoire, très délicats à apprécier.

Il a précisé que le principe de laïcité, consacré par la Constitution, ne pouvait plus être laissé à l'appréciation au cas par cas, donnant lieu au développement d'une sorte de droit local, et qu'il appartenait au législateur de fixer clairement les limites de ce que peut accepter la République, et d'apporter un soutien aux équipes éducatives par l'adoption de cette loi de clarification et d'apaisement qui réaffirme une règle simple, en interdisant le port de signes et tenues par lesquels les élèves manifestent ostensiblement une appartenance religieuse, dans les écoles, collèges et lycées publics.

Il a ajouté que cette règle, qui entrera en vigueur à la rentrée prochaine, afin que les établissements puissent effectuer, d'ici là, un travail de préparation, s'appliquera sur l'ensemble du territoire de la République, de métropole et d'outre-mer, sans toutefois remettre en cause les spécificités du droit local en Alsace-Moselle, ou les traditions vestimentaires de Mayotte, par exemple. En revanche, cette règle ne s'appliquera pas aux établissements privés sous contrat, en raison de leur « caractère propre ».

M. Jacques Valade, rapporteur, a fait observer que ce texte consacrait une véritable inversion de logique, destinée à renverser le rapport de force en faveur des chefs d'établissement et des enseignants, puisqu'il sera désormais légal de proscrire, dans les règlements intérieurs, le port de signes religieux ostensibles, c'est-à-dire, selon l'exposé des motifs, ceux dont « le port conduit à se faire reconnaître immédiatement par son appartenance religieuse », tels que le voile islamique, la kippa, ou une croix de dimension manifestement excessive. En revanche, les signes discrets, qui relèvent de l'intime, de l'expression pudique de la foi, et non de la volonté d'extérioriser et de revendiquer publiquement une appartenance religieuse, resteront autorisés.

Observant que l'école, pour être publique, n'était pas un espace public comme les autres, il a affirmé que les lois et valeurs de la République devaient s'y appliquer avec plus de rigueur.

Par ailleurs, il s'est réjoui de l'initiative de l'Assemblée nationale d'introduire, dans le texte de la loi, la priorité à donner au dialogue avant toute procédure de sanction, estimant en effet primordial de privilégier le travail de médiation et de pédagogie, afin de convaincre les élèves que la règle qui s'impose à eux est une garantie de paix scolaire, de tolérance, de respect mutuel, et d'égalité entre les garçons et les filles, quelles que soient leur origine et leur religion. Si la laïcité à l'école est un espoir de liberté, elle repose sur des exigences, et exclut notamment tout signe ou tenue qui aurait pour objet et conséquence d'isoler, de séparer, de distinguer, au premier regard, les élèves entre eux, selon leur religion.

Il a indiqué qu'à l'initiative de l'Assemblée nationale, la loi fera l'objet d'une évaluation un an après son entrée en vigueur, afin de faire le bilan de ses éventuelles difficultés d'application, et que son intitulé avait été modifié pour rappeler que la laïcité à l'école ne se réduit pas à la seule question, certes essentielle, du port de signes religieux.

En conclusion, M. Jacques Valade, rapporteur, a précisé que cette loi constituait un premier pas nécessaire dans un long chemin de reconquête, pour que chacun ait de nouveau foi et confiance dans la capacité d'intégration et de rassemblement de la République, en priorité les plus jeunes, notamment les jeunes filles voilées, fragiles et en quête de repères, parfois en situation de rejet global de la famille, des institutions, de l'école, qui sont des proies faciles pour les intégrismes de tous bords.

Il a enfin souhaité que la commission se prononce largement en faveur de l'adoption conforme de ce projet de loi, ferme, mais équilibré et fidèle à l'esprit de tolérance et de respect envers toutes les croyances.

A l'issue de l'exposé du rapporteur, un large débat s'est engagé.

Mme Danièle Pourtaud s'est interrogée sur les conditions d'application de la loi dans les établissements français situés à l'étranger.

Après avoir mis en garde contre d'éventuels risques de dérives, M. Bernard Murat s'est inquiété des modalités selon lesquelles sera organisée la médiation, ainsi que des conséquences de la loi sur la présence, dans les établissements, de parents d'élèves portant des signes religieux. Enfin, il a estimé que la fonction d'éducation appartenait d'abord aux parents, et non à l'école.

Concédant que la loi ne sera pas suffisante en elle-même pour remédier au désarroi des jeunes filles voilées, victimes d'exclusion sociale, M. Ivan Renar a souhaité que son application se fasse de façon sereine et avec discernement. Il a insisté, par ailleurs, sur la nécessité de développer, en parallèle de l'adoption de ce texte, l'enseignement des valeurs et la sensibilisation à la diversité des cultures et au respect de l'autre. Enfin, il a annoncé son intention éventuelle de proposer, lors des débats en séance publique, d'étendre l'application de la loi aux établissements privés sous contrat.

M. Ambroise Dupont s'est déclaré frappé par le désarroi des équipes éducatives venues témoigner devant la commission, et leur sentiment d'impuissance pour faire appliquer les règlements intérieurs des établissements. Il a ensuite estimé que la loi aurait des effets positifs, en favorisant l'apprentissage par les élèves de la relation égalitaire entre les hommes et les femmes, et, plus largement, en permettant à l'école de retrouver sa fonction d'éducation.

Constatant que le débat ne portait plus, désormais, sur l'opportunité de la loi, mais sur ses conditions d'application, M. Michel Thiollière a affirmé que la crédibilité de la République reposait sur l'application uniforme et effective de la règle fixée. Il a souligné le rôle du ministère de l'éducation nationale pour prévenir et corriger les disparités d'interprétation d'un établissement à un autre, et pour préparer le monde éducatif à l'entrée en vigueur de la loi, notamment par la mise en place, le plus tôt possible, d'une formation adaptée des enseignants.

Tout en rappelant les évolutions des positions de chacun face à l'idée d'une loi, M. Louis de Broissia a regretté que le texte ne prenne appui que sur le principe de laïcité, et non sur celui de parité entre les hommes et les femmes ou d'égalité des chances.

M. Alain Dufaut a souligné que l'efficacité de la loi dépendra de son application rigoureuse et uniforme. A ce titre, il a exprimé son inquiétude face à la volonté de certains musulmans de tester les capacités de résistance de la République, ce qui risque d'entraîner des dérives lors des phases de médiation.

Après avoir rappelé l'exigence de fermeté qui devra primer dans l'application de la loi, M. Pierre Laffitte a fait remarquer que la France était en avance, en Europe, sur la question de la réaction au communautarisme et que d'autres pays devraient nous suivre dans cette voie.

M. Pierre Martin a considéré que les débats révélaient une certaine perte des valeurs, y compris parmi les enseignants, alors que ces derniers doivent jouer un rôle d'exemple à l'égard des élèves. Il a souhaité que l'application de la loi soit ferme, et ne conduise pas à transiger sur nos principes fondamentaux.

Rejetant toute idée d'uniformisation, M. Fernand Demilly a exprimé ses doutes quant à l'opportunité de la loi, s'interrogeant, de surcroît, sur les critères permettant d'établir une distinction entre les signes ostensibles et les signes visibles. Il a, en outre, soulevé la question des tatouages.

M. Jacques Legendre, président, a affirmé que le projet de loi visait à donner un coup d'arrêt à la volonté de certains intégristes de mettre en place, en France, une nouvelle religion d'Etat, près d'un siècle après l'adoption de la loi de 1905.

Soulignant les insuffisances de la situation juridique actuelle, telle qu'elle résulte de l'avis du Conseil d'Etat du 27 novembre 1989, il a indiqué que la loi inversait le rapport de force en faveur des chefs d'établissement et des enseignants. Enfin, il a rappelé que, si le dialogue était essentiel, l'application de la règle fixée devrait rester fidèle à l'esprit de la loi.

En réponse à ces intervenants, M. Jacques Valade, rapporteur, a formulé les remarques suivantes :

- les conditions d'application de la loi dans les établissements français à l'étranger seront fixées, comme le prévoit l'article L. 451-1 du code de l'éducation, par décret en Conseil d'Etat, afin de tenir compte de la situation particulière de ces établissements et des accords conclus avec des Etats étrangers ;

- le présent projet de loi, qui rappelle la règle républicaine de laïcité, marque une avancée majeure par rapport à la situation juridique actuelle, en donnant aux chefs d'établissement une assise législative et une issue possible, l'exclusion, de nature à faciliter le règlement des conflits avec les élèves ;

- lors de son audition devant la commission, le ministre a rappelé qu'une large concertation avec les organisations représentatives des cultes sera organisée dans le cadre de la préparation de la circulaire d'application de la loi, laquelle précisera les modalités de mise en oeuvre du dialogue et de la médiation au sein des établissements ;

- par ailleurs, le ministre a confirmé que les parents d'élèves n'étaient pas concernés par les dispositions de la loi ;

- il sera nécessaire de renforcer la formation à la laïcité et au fait religieux de l'ensemble des enseignants, l'enseignement de la culture des religions ne devant pas reposer sur les seuls professeurs d'histoire ;

- le présent texte de loi est également l'occasion d'aborder la question de l'égalité entre les sexes. Il constitue en outre un test considérable pour la République, afin de barrer la voie à toute nouvelle tentative d'instaurer une religion d'Etat, alors que l'Eglise catholique y a renoncé depuis longtemps ;

- s'il est vain de vouloir codifier dans les détails les signes qui seront, ou non, acceptables, il faudra rester vigilant et attentif sur la façon dont la loi sera appliquée.

Suivant les propositions de son rapporteur, la commission a décidé d'adopter sans modification le projet de loi encadrant, en application du principe de laïcité, le port de signes ou de tenues manifestant une appartenance religieuse dans les écoles, collèges et lycées publics.

Recherche - Avenir de la recherche - Communication

M. Jacques Valade, président, a ensuite indiqué que MmeClaudie Haigneré, ministre déléguée à la recherche et aux nouvelles technologies, l'avait saisi par lettre en date du 19janvier 2004, pour solliciter la contribution de la commission à la réflexion sur l'avenir de la recherche.

Il a rappelé que la commission, dès le début du mois de février et dans le contexte de la signature d'une pétition lancée auprès de la communauté scientifique par plusieurs milliers de chercheurs, avait organisé une série d'auditions publiques qui ont permis de prendre la mesure de l'état de la recherche dans notre pays et du désarroi de ses personnels.

Il a indiqué que la commission avait, à cette occasion, demandé au Gouvernement d'engager une très large concertation avec la communauté scientifique et proposé, à cet effet, la création d'un Comité de réflexion réunissant, autour de personnalités du monde scientifique, les représentants des différents secteurs de la recherche.

Il s'est, à cet égard, félicité de la mesure de dégel de 300millions d'euros de crédits annoncée par le Premier ministre en faveur du ministère de la recherche, destinés notamment au CNRS et à l'INSERM.

Il a, par ailleurs, pris connaissance avec intérêt du plan national en faveur de la diffusion de la culture scientifique et technique présenté lors du dernier conseil des ministres par Mme Claudie Haigneré, ministre déléguée à la recherche et aux nouvelles technologies, et M. Jean-Jacques Aillagon, ministre de la culture et de la communication. Il a constaté avec satisfaction que les 21 mesures formulées par la mission d'information de la commission présidée par M. Pierre Laffitte, et dont les rapporteurs étaient M. Ivan Renar et Mme Marie-Christine Blandin, ont largement inspiré les mesures annoncées par le Gouvernement.

Il s'est réjoui de l'annonce faite par le Président de la République du dépôt, avant la fin de l'année, d'un projet de loi d'orientation et de programmation en faveur de la recherche, élaboré en concertation avec les chercheurs, dans le dialogue, la confiance et la concertation.

Il a proposé, en accord avec M. Gérard Larcher, président de la commission des affaires économiques, et M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, qu'une démarche conjointe aux trois commissions compétentes soit retenue à travers la constitution d'un groupe de réflexion commun, sous la responsabilité des rapporteurs budgétaires chargés de la recherche dans les trois commissions. Un cycle d'auditions pourrait être organisé dans les prochaines semaines afin de permettre à ce groupe de réflexion de remettre sa contribution d'ici le mois de juin.

M. Pierre Laffitte, rapporteur pour avis des crédits de la recherche, a approuvé cette proposition qui a été adoptée à l'unanimité par la commission

Radiodiffusion - Audition de M. Jean-Marie Cavada, président-directeur général de Radio France

Au cours d'une seconde séance tenue dans l'après-midi, la commission a procédé à l'audition de M. Jean-Marie Cavada, président-directeur général de Radio France, accompagné de MM. François Desnoyers, directeur général délégué à la stratégie et au développement, Claude Norek, directeur général délégué à la gestion et à la production, etDidier Tourancheau, directeur général adjoint, chargé du développement social et des ressources humaines.

M. Jacques Valade, président, après avoir rappelé l'importance attachée par les membres de la commission des affaires culturelles aux problèmes du secteur de l'audiovisuel public, a souhaité connaître les conséquences du mouvement social sur la situation de Radio France et les leçons éventuelles que l'on pouvait tirer de cette grève, quant aux modalités du dialogue social dans les différentes sociétés nationales de programmes.

M. Jean-Marie Cavada a précisé que la situation de Radio France était aujourd'hui financièrement saine et que la progression régulière de la ressource publique allouée à l'entreprise au cours des dernières années avait permis à la direction de mener à bien un grand nombre de projets essentiels à son développement, tels que la transformation de cette ancienne administration radiophonique en une véritable entreprise, le lancement d'une politique ambitieuse de numérisation et de modernisation technologique des antennes, la mise en oeuvre de réformes sociales dans le cadre de la convention collective commune aux différentes entreprises de l'audiovisuel public, le respect d'une ligne éditoriale de qualité et le développement du réseau de proximité France Bleu.

Il a souligné que Radio France, aujourd'hui premier groupe radiophonique du pays, était écoutée quotidiennement par près de quinze millions d'auditeurs en moyenne et proposait des services complémentaires sur internet et dans le domaine de la téléphonie.

Il a indiqué que le conflit social qui a paralysé les programmes d'information de l'entreprise dix-huit jours durant, d'abord motivé par de classiques revendications salariales, s'était progressivement transformé en conflit systémique, justifié par l'inquiétude des journalistes quant au devenir du service public radiophonique dans notre pays.

Il a rappelé que le premier mouvement social visant à dénoncer l'existence de disparités salariales entre les journalistes de France 3 et ceux de Radio France datait de 1994 et s'était conclu par la signature de « l'accord Servat » qui accordait, à ces derniers, une progression régulière de leur rémunération pendant trois ans et prévoyait une évaluation annuelle de l'évolution des disparités. Il a précisé que deux autres accords sur le modèle du plan Servat avaient été signés en 1997 et 2000.

Il a noté que, depuis le 31 décembre 2001, plus aucun mécanisme ne permettait de réduire les disparités de salaires entre les journalistes des différentes sociétés nationales de programmes, et indiqué qu'il avait averti la tutelle des difficultés sociales qu'une telle situation pouvait engendrer. Il a souligné que ce problème restait au coeur des revendications syndicales, au même titre que ceux relatifs au droit d'auteur et à la multicollaboration des journalistes de Radio France aux différents réseaux du groupe.

Il a précisé que, si le budget de l'entreprise était en augmentation de 2,9 % en 2004 par rapport à 2003, il demeurait tout à fait insuffisant pour financer la mise en sécurité de la tour centrale de la maison de la Radio, le déménagement provisoire de France Inter dans de nouveaux locaux et l'achèvement du processus de numérisation des différentes antennes. Aussi bien la direction, avec l'accord du conseil d'administration, a-t-elle décidé de puiser dans la trésorerie de l'entreprise afin de financer ces missions prioritaires et a refusé de convertir ces crédits d'investissement en dotations salariales exceptionnelles, ces dernières étant d'autant moins justifiées que les journalistes du groupe avaient été augmentés, en moyenne, de 4 % par an au cours des cinq dernières années.

M. Jean-Marie Cavada a regretté qu'en dépit de cette progression sensible de la rémunération des journalistes au cours des années précédentes et de la situation difficile des finances publiques, ces derniers se soient néanmoins lancés dans un mouvement social.

Il a indiqué que cette grève aurait pu s'achever plus rapidement si on n'avait pas laissé croire aux organisations syndicales que la direction disposait de marges de manoeuvre financières suffisantes pour régler le conflit.

Il a précisé avoir proposé aux syndicats un mécanisme portant sur les années 2005 à 2007 et permettant d'assurer aux journalistes, en compensation du blocage de la progression du point d'indice depuis maintenant sept ans, une progression salariale annuelle négociée en amont de chaque discussion budgétaire. Il a indiqué que le ministère du budget n'avait pas formellement rejeté un tel système, tout en précisant ne pas pouvoir garantir a priori le montant de la ressource publique allouée à la société. Le ministre chargé de la communication, en s'y opposant, a rouvert la porte à de supposées marges de manoeuvre en 2004, alimentant ainsi les fantasmes des syndicats sur l'existence d'éventuels fonds non utilisés.

Après avoir souligné que Radio France s'était engagée à faire une avance aux journalistes en 2004, sur la masse salariale de 2005, il a regretté que la négociation ait été menée dans un ordre dispersé et que la résolution de cette crise ait été retardée par les prises de position intempestives de certaines administrations.

Après avoir insisté sur les difficultés financières rencontrées par le service public radiophonique en Europe, il a dénoncé, en dépit des efforts budgétaires réalisés au cours des quatre dernières années, le sous-financement chronique de l'outil radiophonique public national. A titre de comparaison, il a noté qu'en 2002 la BBC disposait pour sa radio de 240 millions d'euros de plus que Radio France.

Il a mis en évidence le décalage entre ce sous-financement et les résultats obtenus par le groupe Radio France. Il a en effet estimé que l'information, les stations de proximité, les services destinés aux populations en difficulté -mis en place en partenariat avec la protection civile notamment- les activités culturelles et le développement des nouvelles technologies étaient de véritables succès.

Il a indiqué qu'il était grand temps de réfléchir, à l'échelle de l'Union européenne, sur les notions de service public et d'entreprises radiophoniques, étant entendu que ces entreprises tout à fait conventionnelles doivent continuer à proposer un service extraordinaire, nécessaire complément de l'offre privée. Il a souligné qu'il convenait même d'envisager de renforcer la spécificité de l'offre radiophonique publique en amendant, dans un sens plus rigoureux, le cahier des charges des sociétés nationales.

Il a estimé qu'il convenait également de permettre à la direction des entreprises nationales et aux pouvoirs publics d'avoir une lecture à moyen terme de la conduite des sociétés audiovisuelles, en rénovant, sur le modèle allemand, les modalités de financement de celles-ci dans une perspective pluriannuelle. Il a souligné que le système allemand permettait aux parlementaires de ne pas avoir à se prononcer sur l'évolution du taux de la redevance, au Gouvernement de ne pas la percevoir et à la direction de disposer d'une perspective financière à moyen terme.

Un débat s'est alors engagé.

M. Jean-François Picheral s'est interrogé sur les raisons objectives ayant poussé les journalistes à se lancer dans un tel mouvement social.

M. Louis de Broissia, rapporteur pour les crédits de l'audiovisuel, a rappelé que le Parlement, lors de la discussion du projet de loi de finances pour 2004, n'avait pas réussi à se mobiliser en faveur d'une revalorisation de la redevance. Il a observé que si le périmètre du service public de la radio n'était pas remis en question, les moyens financiers qui sont alloués à Radio France pour remplir ses missions étaient, quant à eux, contestés. Il a enfin souhaité connaître les conséquences du mouvement de grève sur l'audience des différents réseaux.

M. Jacques Valade, président, a précisé que le Parlement, en dépit des besoins financiers objectifs des différentes entreprises de l'audiovisuel public,s'était heurté au refus du Gouvernement d'augmenter le taux de la redevance.

M. Ivan Renar a déploré que les mécanismes mis en place pour assurer le règlement des problèmes sociaux ne fonctionnent pas et a craint la reprise prochaine d'un mouvement social aux conséquences désastreuses pour Radio France. Il a estimé que le réseau de proximité demeurait le maillon faible de l'entreprise et a dénoncé une dégradation récente de la qualité des programmes proposés aux auditeurs.

Mme Danièle Pourtaud, après avoir estimé que le succès rencontré par le service public était non seulement lié à la qualité des programmes proposés, mais aussi à l'absence de publicité à l'antenne, s'est inquiétée d'une éventuelle augmentation du volume des annonces publicitaires, source de mécontentement chez les auditeurs comme chez les journalistes.

M. Pierre Laffitte, regrettant la partialité de certains journalistes de France Info, a néanmoins considéré que les différentes antennes de Radio France constituaient de véritables espaces de liberté. Il a indiqué que le service public radiophonique avait d'autant moins à craindre pour son avenir qu'il proposait des émissions d'intérêt national et contribuait, notamment, à la diffusion de la culture scientifique. Concernant la radio de proximité, il s'est interrogé sur la nouvelle concurrence que pouvait représenter la radio sur internet pour le réseau du service public.

M. Louis Duvernois, s'est demandé si le temps n'était pas venu, pour la radio publique, d'envisager sa réorganisation, à l'image de ce qui prévaut pour d'autres services publics, comme La Poste.

En réponse aux intervenants,MM. Jean-Marie Cavada, François Desnoyers, Claude Norek et Didier Tourancheau ont apporté les précisions suivantes :

- les motivations du mouvement social étaient d'abord salariales et catégorielles. Elles ont rapidement dérivé vers une inquiétude quant à la pérennité du service public de l'audiovisuel. Les organisations syndicales et les personnels ont eu le sentiment que les pouvoirs publics, en refusant d'assurer un palliatif au gel du point d'indice depuis sept ans et en ne conservant qu'un système de revalorisation salariale au mérite ne bénéficiant qu'à une minorité, souhaitaient remettre en cause l'unité sociale de l'entreprise. Les travaux de mise en sécurité de la maison de la Radio, en obligeant la direction à déménager provisoirement certains secteurs, notamment France Inter, vers des bâtiments extérieurs, ont également fait craindre un éventuel découpage de l'entreprise, alors même que ce choix permettait le réaménagement et la modernisation technique des locaux de France Inter ;

- les journalistes estiment qu'en dépit de la forte concurrence qui règne sur le marché radiophonique, le service public demeure un modèle de qualité et de liberté. Ils ont par ailleurs le sentiment que le service public, véritable anomalie dans le paysage radiophonique français, est menacé. Dans ces conditions, l'ombre portée par le débat sur la redevance a été considérable sur cette profession et a été perçue comme une remise en cause indirecte de son existence ;

- le service public de la radio, s'il bénéficie de la sympathie critique du Parlement, doit traditionnellement faire face à la méfiance de l'exécutif qui ne semble voir en lui qu'un groupe appartenant à l'Etat et employant des salariés bénéficiant de contrats sociaux spéciaux. Il convient de faire évoluer les mentalités sur ce point et d'essayer de considérer le service public comme ce qu'il est : un fournisseur de programmes exceptionnels qui ne seraient pas proposés au public par le secteur privé ;

- la réforme du service public de la radio est envisageable à une double condition : théoriser, au niveau communautaire, le concept de service public et déterminer clairement ses missions au niveau national en insistant sur la qualité des programmes proposés et sur la complémentarité avec l'offre privée ;

- il conviendrait que certaines administrations cessent de gérer les sociétés commerciales de droit privé que sont désormais les sociétés nationales de programmes en se mêlant de tout et qu'elles s'abstiennent de s'ingérer dans les affaires intérieures de chacune d'entre elles, souvent au mépris de la direction ;

- les ressources propres représentent 7 % des recettes de Radio France. Radio France est néanmoins très en deçà des maxima définis par la loi et reste sensible à cette spécificité à laquelle les auditeurs sont extrêmement attachés. Radio France a décidé de ne pas augmenter le volume de publicité, mais la réduction de ce dernier est, à l'heure actuelle, inenvisageable en ce qu'elle aboutirait à une diminution de recettes dont l'entreprise a besoin.