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Mercredi 17 décembre 2003

- Présidence de M. Jacques Valade, président. -

Presse - Agence France Presse - Audition d'une délégation de l'Intersyndicale de l'Agence France Presse (AFP)

Au cours d'une première séance tenue dans la matinée, la commission a procédé à l'audition d'une délégation de l'Intersyndicale de l'Agence France Presse (AFP), composée de MM. Jean-Marc Vantillard de la Confédération française démocratique du travail (CFDT), Patrick Kamemka de la Confédération générale du travail (CGT), Philippe Thébault (SUD), Djallal Malti (SNJ), Jean-Marie Appé de la Confédération générale et démocratique du travail (CFDT) et Claude Levy (CGT-FO).

M. Jacques Valade, président
, a tenu à rappeler l'intérêt porté par les membres de la commission des affaires culturelles à la situation de l'AFP, première agence de presse francophone et troisième agence mondiale, et a fait part de sa préoccupation quant aux difficultés financières que celle-ci traversait depuis deux ans.

M. Jean-Marc Vantillard a indiqué qu'il n'existait, à l'heure actuelle, que trois agences de presse d'envergure mondiale, et que chacune d'entre elles possédait sa propre politique de développement.

Concernant Reuters, il a précisé que l'activité d'agence de presse ne constituait que 10 % du chiffre d'affaires de la société et que cette dernière menait une politique sociale fortement liée aux évolutions du marché.

Evoquant l'agence Associated Press (AP), il a souligné que celle-ci bénéficiait d'un marché intérieur important et pouvait s'appuyer sur des actionnaires puissants, prêts à pourvoir aux besoins financiers de l'entreprise, lui permettant ainsi d'assurer son développement dans un environnement de plus en plus concurrentiel.

Il a rappelé que l'AFP était, quant à elle, le fruit d'une volonté politique, le législateur l'ayant dotée d'un statut garantissant son indépendance et l'existence de son réseau international. Après avoir souligné que le conseil d'administration de l'Agence était composé pour moitié de représentants des directeurs d'entreprises françaises de publication de journaux quotidiens nationaux, il a regretté que les éditeurs refusent de payer à son juste prix un service pourtant indispensable au fonctionnement de leur entreprise.

Il a estimé que l'effort réalisé par l'Etat, bien que n'étant pas négligeable, ne permettait pas à l'AFP d'assurer son développement et a déploré que le personnel soit mis à contribution pour restaurer les marges de manoeuvre de l'Agence. Il a indiqué, à cet égard, que l'infléchissement de la progression de la masse salariale aurait un coût de 39,3 millions d'euros pour les salariés, le geste de l'Etat se limitant quant à lui à 24,4 millions d'euros au cours des cinq prochaines années.

Il a précisé que les difficultés actuelles rencontrées par l'Agence n'étaient pas liées, comme l'affirmait M. Bertrand Eveno, président-directeur général, à la politique salariale menée par son prédécesseur. En effet, ce ne sont pas 240 postes qui ont été créés sur la période 1999-2000, mais seulement 105 postes, parmi lesquels de nombreux commerciaux qui ont permis de valoriser sur le terrain le travail réalisé par l'Agence. Au total, il a souligné que, depuis 1985, les effectifs de l'Agence avaient même diminué de 80 postes.

Il a indiqué que la crise financière était liée à trois facteurs principaux. En premier lieu, la réalisation d'importants investissements à partir de 1996, afin de rétablir les parts de marché de l'Agence à l'international a, en dépit des résultats obtenus, fortement pesé sur les comptes de l'AFP. De même, la mise en place des 35 heures au sein de l'Agence a amputé les fonds propres de l'entreprise. Enfin, l'AFP doit aujourd'hui payer le prix des investissements hasardeux réalisés en 1999, évalués à 22 millions d'euros et validés à l'époque par toutes les parties prenantes du conseil d'administration de l'Agence et notamment les représentants du ministère de l'économie et des finances.

Il a rappelé que, pour résoudre cette crise financière, la direction avait signé un contrat d'objectifs et de moyens avec l'Etat et envisageait la vente du siège de l'Agence par crédit-bail.

Il a précisé que les ressources financières issues de cette opération devaient permettre de financer le remboursement des dettes contractées par l'Agence ainsi que la mise en place d'un plan de départs volontaires, dont le coût est évalué à 30 millions d'euros et dont l'avant-projet a été récemment présenté aux organisations syndicales.

Il a noté que la commission financière de l'Agence s'était interrogée sur la pertinence du contrat d'objectifs et de moyens : la commission a non seulement relevé que les prévisions d'augmentation des recettes commerciales contenues dans ce document n'apparaissaient pas réalistes, mais aussi que celui-ci ne constituait qu'un « catalogue » de mesures n'établissant aucune véritable stratégie d'entreprise cohérente à moyen terme.

Parallèlement à ce manque d'ambition, il a dénoncé la volonté de la direction, conformément à une logique purement industrielle, de replier l'activité de l'Agence sur l'Europe et de multiplier les partenariats avec des agences locales, afin de fermer certains bureaux à l'étranger. A cet égard, il a affirmé que l'AFP, pour conserver sa crédibilité, devait demeurer un producteur d'information, et non pas se limiter au rôle de simple revendeur.

Dans ces conditions, il a souhaité que soit organisée, dans les plus brefs délais, une table ronde regroupant l'ensemble des acteurs concernés par l'avenir de l'Agence, afin de débattre des moyens à mettre en oeuvre pour sauver la seule agence de presse mondiale francophone.

M. Patrick Kamenka a estimé que le statut de l'Agence restait d'actualité et qu'il convenait plutôt de débattre des missions imparties à l'AFP.

Il a souligné qu'au moment où la France souhaitait se doter d'une chaîne télévisée d'information internationale, il paraissait étonnant qu'on puisse se désintéresser du sort d'une entreprise de presse francophone qui a toujours su se démarquer de ses concurrentes anglo-saxonnes et qui reste présente dans 150 pays et diffuse en six langues une vision française de l'information.

Il a noté que l'organisation d'une table ronde permettrait aux organisations syndicales de présenter des propositions concrètes pour résoudre la crise financière, telles que le gel du remboursement du crédit participatif accordé par l'Etat, ou encore la mise en place d'un moratoire sur la vente du siège par crédit-bail.

M. Philippe Thébault a insisté sur le fait que les ressources issues du crédit-bail seraient utilisées pour payer une partie des dettes contractées par l'Agence, mais aussi pour financer un plan de départ volontaire destiné à réduire les effectifs de l'AFP, ces dépenses n'étant pas éligibles au fonds de modernisation de la presse.

M. Djallal Malti a, quant à lui, regretté que le contrat d'objectifs et de moyens signé par l'Agence avec l'Etat ne soit sous-tendu par aucun plan d'entreprise et que le crédit-bail ne soit qu'un expédient n'ouvrant aucune perspective d'avenir pour l'Agence. Il a d'ailleurs dénoncé l'utilisation des ressources issues de cette opération pour financer le repli de l'AFP sur l'Europe et la mise en place d'un plan de départ volontaire présenté par la direction.

Un débat s'est ensuite engagé.

M. Jacques Valade, président, s'est interrogé sur la justification du recours par l'Agence à la signature de partenariats avec des agences locales, en matière de photographie notamment.

M. Louis de Broissia, rapporteur pour avis des crédits de la presse, a rappelé que la commission des affaires culturelles était attachée au développement de l'Agence et lui avait toujours apporté son soutien.

Il s'est néanmoins interrogé sur le sentiment des représentants de l'Intersyndicale quant à l'éventuelle réforme d'un statut datant de 1957 et paraissant aujourd'hui obsolète. Il s'est demandé si un renforcement de la position de l'Agence sur le marché européen signifiait pour autant un affaiblissement de celle-ci sur les autres continents.

Il a enfin souhaité connaître les moyens permettant de réduire les coûts imputables au siège parisien de l'Agence.

M. Jack Ralite, après avoir affirmé l'importance d'une information écrite indépendante et de qualité, a souligné que la France se devait de faire les efforts nécessaires pour assurer le développement de l'AFP. Il s'est demandé si un rapprochement entre l'Agence et l'Observatoire de l'information, créé lors du récent sommet mondial de la société de l'information à Genève, était envisageable.

Répondant à ces interventions, MM. Jean-Marc Vantillard et Philippe Thébault ont apporté les précisions suivantes :

- la réforme du statut n'est pas en elle-même une question taboue. Toutefois, l'Intersyndicale sera prête à discuter de cette question le jour où il sera démontré que le statut, dans sa forme actuelle, constitue un frein au développement de l'Agence. Or, pour le moment, les différents protagonistes, ainsi qu'un rapport réalisé par l'Inspection générale des finances, s'accordent à penser que la réforme du statut ne constitue pas un préalable à ce développement ;

- l'Europe est certes un marché sur lequel l'AFP peut encore renforcer ses positions, mais il convient dans le même temps de s'assurer qu'une telle évolution ne se fera pas aux dépens d'autres marchés internationaux. Pour le moment, la direction n'a donné aucune garantie en ce sens et poursuit même sa politique de partenariats visant à supprimer des postes et à fermer des bureaux ;

- la multiplication des partenariats se justifie avant tout par une logique industrielle destinée à réduire les coûts de l'AFP ;

- les effectifs de l'AFP, comparés à ceux des principales agences concurrentes, ne sont pas pléthoriques et les réduire encore serait préjudiciable au bon fonctionnement de l'Agence. Toutefois, il est vrai que la politique menée par la direction, consistant à multiplier le nombre de directeurs délégués, paraît contestable : il serait préférable d'augmenter les emplois commerciaux plus productifs. De même, il paraît envisageable de réduire le nombre des membres siégeant au comité de direction.

Presse - Agence France Presse - Audition de M. Bertrand Eveno, président-directeur général de l'Agence France Presse

La commission a ensuite procédé à l'audition de M. Bertrand Eveno, président-directeur général de l'Agence France Presse.

M. Bertrand Eveno
a précisé que la situation rédactionnelle de l'Agence, en dépit d'un contexte international troublé et d'importantes difficultés financières, était excellente.

Il a souligné que l'AFP, forte de près de 80 bureaux et de 150 points de contacts à travers le monde, avait, grâce à un véritable réseau international, démontré sa réactivité face à une actualité internationale intense, notamment lors de la guerre en Irak.

Après s'être félicité de la qualité du travail effectué par les journalistes de l'Agence et avoir souligné les contraintes inhérentes au travail d'agencier, notamment la neutralité de ton nécessaire à la production de près de 1 200 dépêches par jour reprises par les plus grands quotidiens nationaux et internationaux, il a précisé que la concurrence, modérée mais stimulante sur le marché national, demeurait très importante au niveau international.

Sur le plan financier, il a, en revanche, souligné que l'AFP traversait une crise grave que la récente signature du contrat d'objectifs et de moyens devait permettre de résoudre. Il a affirmé que ce contrat pluriannuel était le fruit d'un compromis entre les parties concernées et prévoyait le retour à l'équilibre de l'Agence au terme d'une période de cinq ans.

Ce contrat repose sur l'effort financier effectué par l'Etat. En effet, celui-ci s'est engagé à augmenter pendant la durée du contrat le montant des abonnements qu'il souscrit à l'Agence, dissociant par la même occasion cette augmentation de celle consentie par la presse.

Il en a profité pour rappeler que la contribution de l'Etat aux recettes de l'Agence était passée de 50 % à 37 % au cours des dix dernières années et atteignait un peu plus de 100 millions d'euros aux termes du projet de loi de finances pour 2004.

Il a indiqué que le contrat d'objectifs et de moyens prévoyait également une maîtrise raisonnable des charges de l'Agence. La masse salariale, qui est aujourd'hui de 180 millions d'euros, devrait notamment connaître une inflexion de sa progression évaluée à 4, voire 5 millions d'euros sur cinq ans, ce qui n'est pas intolérable par rapport à d'autres entreprises.

Enfin, il a noté qu'un effort en matière commerciale serait mis en oeuvre afin de renforcer la position de l'Agence à l'international, et plus particulièrement sur le continent européen. Pour ce faire, il a rappelé que l'Agence pouvait compter sur un service commercial récent et dynamique.

Concernant le financement des dettes de l'Agence, il a souligné que ni l'Etat ni les banques ne souhaitaient contribuer à leur apurement. Dans ces conditions, il a estimé que le recours au crédit-bail pour le siège social était rendu nécessaire par l'urgence de la situation. Ce crédit-bail, contracté sur une période de 12 ans, permettra à l'Agence d'assainir sa situation financière sans pour autant avoir à quitter son siège historique, auquel l'ensemble du personnel reste très attaché.

Un débat s'est ensuite engagé.

M. Jacques Valade, président, a interrogé M. Bertrand Eveno sur l'opportunité d'organiser une table ronde entre les différentes parties concernées, afin de débattre des voies et des moyens à mettre en oeuvre pour assurer le redressement financier de la première agence de presse francophone mondiale. Il s'est également inquiété d'un éventuel recentrage de l'Agence sur l'Europe.

M. Louis de Broissia, rapporteur pour avis des crédits de la presse, après s'être félicité de la signature du contrat d'objectifs et de moyens, s'est interrogé sur la stratégie économique et sociale que comptait mettre en oeuvre le président-directeur général au cours de son deuxième mandat.

M. Ivan Renar a d'abord exprimé son attachement à l'existence de l'AFP. Il a estimé que l'Agence étant une pièce essentielle de notre « diplomatie d'influence », devait bénéficier d'un effort particulier de l'Etat afin d'assurer son développement. Après avoir souligné la qualité du travail réalisé par les équipes de l'AFP, il s'est inquiété des conséquences de la vente du siège et d'un éventuel repli de son activité sur l'Europe.

Il a ensuite insisté sur la nécessité de mettre en valeur le patrimoine photographique de l'AFP.

Il a enfin regretté le développement des quotidiens gratuits qui, en donnant l'habitude aux lecteurs de ne pas payer l'information, mettait en danger l'économie de la presse quotidienne payante.

M. Louis Duvernois a souligné que l'Agence était un véritable atout pour la France au niveau international. Il s'est cependant demandé si la vocation de l'Etat était de demeurer le principal actionnaire de la troisième agence de presse mondiale. Après s'être interrogé sur les modifications à apporter à l'actuel statut de l'Agence, il a affirmé que celle-ci tirerait un grand bénéfice de la création d'une fondation destinée à prendre en charge la formation de jeunes journalistes étrangers.

Mme Danièle Pourtaud a insisté sur le nécessaire développement de l'activité audiovisuelle de l'Agence. Evoquant la prochaine création d'une chaîne d'information internationale, elle a demandé si l'AFP avait l'intention de participer à ce projet. Elle a enfin souligné l'apparente contradiction entre le caractère indépendant de l'Agence et l'importance de son financement public. Elle a voulu savoir si cette situation n'était pas préjudiciable à son développement international.

M. Jack Ralite a relevé le consensus régnant au sein de la commission concernant le rôle essentiel de l'AFP. Il a déploré le désengagement généralisé de l'Etat dans le secteur de la pensée, qui fait pourtant la richesse de notre pays. Il a souligné que l'existence d'une agence francophone contribuait fortement à la promotion de la diversité culturelle en assurant la diffusion et la survie de l'écrit.

Répondant à ces interventions, M. Bertrand Eveno a apporté les précisions suivantes :

- l'avenir de l'AFP passe par le renforcement de sa présence dans les aires géographiques en devenir, telles que l'Asie et le sous-continent indien et par le redéploiement de certains de ses effectifs, par exemple ceux en poste au Liban ou dans les Balkans.

Ce redéploiement peut être envisagé à condition qu'il permette de préserver la qualité du travail fourni par l'Agence et la position de cette dernière parmi les trois premières agences de presse du monde ;

- l'organisation d'une table ronde n'est pas exclue, mais elle ne viendrait pas compenser un dialogue social déjà très actif au sein de l'entreprise ;

- bien que ni Reuters ni Associated Press ne bénéficient de subventions publiques, la situation de l'AFP ne paraît pas pour autant anormale. La question fondamentale est celle du niveau d'intervention de l'Etat : celui-ci doit-il continuer à contribuer à hauteur de 35 ou 40 % du budget de l'Agence ou doit-il encore augmenter la part de son financement ?

Si l'ouverture du capital de l'Agence aux entreprises privées ne paraît pas envisageable, en revanche la participation d'organes de presse internationaux à son conseil d'administration pourrait constituer une évolution intéressante ;

- l'AFP est prête à contribuer à la formation de journalistes étrangers et soutiendrait l'éventuelle création d'une fondation à cet effet. Il convient néanmoins de trouver des partenaires prêts à participer financièrement au lancement d'un projet bienvenu qui contribuerait certainement au rayonnement de la culture française à l'étranger ;

- l'AFP n'a pas l'intention d'abandonner l'ensemble de ses positions internationales. Toutefois, compte tenu de la situation financière actuelle, il est apparu nécessaire de privilégier certains axes de développement parmi lesquels figure celui de faire de l'AFP la première agence de presse mondiale en Europe ;

- l'AFP mettra à la disposition de la future chaîne d'information internationale l'ensemble de son réseau mondial ainsi que ses bureaux français travaillant en langue arabe et anglaise. D'ores et déjà, une douzaine de villes-test ont été sélectionnées à l'étranger pour faire des essais en vue de développer une future collaboration, notamment en vidéo ;

- le patrimoine photographique de l'AFP doit être préservé et mis à la disposition du public, car il constitue notre mémoire collective.

Situation des universités - Audition de M. Jean-Pierre Mailles, conseiller technique chargé de l'enseignement supérieur de l'Union nationale des syndicats autonomes (UNSA Education)

Au cours d'une seconde réunion, tenue dans l'après-midi, la commission a entendu M. Jean-Pierre Mailles, conseiller technique chargé de l'enseignement supérieur de l'Union nationale des syndicats autonomes (UNSA Education).

M. Jean-Pierre Mailles
a rappelé que l'UNSA Education, qui avait succédé à la Fédération de l'éducation nationale (FEN), avait obtenu 11 % des voix lors des dernières élections dans l'enseignement supérieur, ce qui la plaçait au 4e rang des organisations syndicales représentatives.

Abordant pour commencer l'harmonisation européenne inscrite dans le système « Licence-maîtrise-doctorat » (LMD), il a jugé que celle-ci constituait une réforme importante qui, étant venue progressivement à maturité, avait toujours bénéficié d'un accueil favorable de la part de l'UNSA.

Il a rappelé que cette réforme, lancée par M. Claude Allègre, lorsqu'il était ministre de l'éducation nationale, et poursuivie par son successeur, M. Jack Lang, avait donné lieu à des négociations suivies jusqu'à la présentation de ses grandes orientations, à l'automne 2001, qui ont été largement approuvées par l'UNSA. Il a estimé que l'allongement à trois années du premier grade universitaire correspondait à une tendance déjà constatée dans l'enseignement supérieur français, et a relevé que l'inscription aux concours de la fonction publique de catégorie A était déjà subordonnée à la possession d'une licence ou d'un diplôme sanctionnant trois années d'études supérieures.

Il a estimé que cette réforme, dictée par un souci d'harmonisation des cursus à l'échelle européenne, présentait en outre d'autres avantages : changeant la nature de ces cursus, elle devrait à la fois permettre aux étudiants de construire des parcours de formation plus personnalisés, et aux universités de proposer des cursus adaptables, susceptibles de répondre plus rapidement aux évolutions de la demande sociale.

Il a relevé que le système LMD venait compléter un dispositif législatif marqué par l'adoption de deux séries de dispositions récentes : celles relatives à la validation des acquis de l'expérience, et celles figurant dans la loi sur l'innovation et la recherche qui permet aux universités de participer plus activement à la vie économique.

M. Jean-Pierre Mailles a rappelé qu'en dépit de certains mouvements d'agitation survenus en 2001, l'UNSA avait, aux côtés d'autres organisations syndicales et d'organisations de parents d'élèves, apporté son soutien au système LMD.

Il a attribué les mouvements d'agitation étudiants au fait que le ministère ne s'était pas montré suffisamment diligent dans la mise en place des comités de suivi, aux exigences trop pointilleuses dans les modalités d'habilitation, et enfin, au contexte budgétaire, qui rendait difficile la mise en place de la réforme à moyens constants.

M. Jacques Valade, président, a rappelé que le ministre de l'éducation nationale venait de mettre en place des comités de suivi. Il a estimé qu'il devrait être possible, même à moyens constants, dans un premier temps, de pourvoir aux besoins nécessités par la réforme, grâce à une redistribution des emplois, mais il a souhaité que des moyens supplémentaires soient recherchés afin notamment de renforcer le dispositif d'orientation.

Abordant ensuite le projet de réforme des universités, M. Jean-Pierre Mailles a estimé que celui-ci avait été mal engagé. Il a déploré que cette réforme ait été précédée par une tentative de modifier le statut des présidents d'université, qui reflétait certes la position de certains présidents d'universités, mais n'avait pas été discutée par les conseils scientifiques. Relevant les variations enregistrées par l'intitulé du projet de loi qui a porté d'abord sur la « régionalisation » puis sur « l'autonomie » puis, enfin, sur la « modernisation » des universités, il lui a paru difficile de mobiliser la communauté universitaire sur un projet de réforme dont l'objet ne semblait pas, a priori, très clairement défini. Jugeant nécessaire une réflexion plus approfondie, il a énuméré les quatre thèmes qui devraient, à son avis, faire l'objet d'un débat : la redéfinition de la carte universitaire, déjà ancienne, et qui a été retouchée au coup par coup pour répondre aux ambitions de certaines municipalités ; les relations des universités avec leurs principaux partenaires, les régions mais aussi les acteurs économiques ; la gouvernance des universités, avec un nouvel équilibre à trouver entre les pouvoirs du président et les attributions du conseil scientifique, dont les mandats ne coïncident actuellement pas dans le temps ; enfin, le statut des enseignants, dont il est souhaitable qu'ils puissent davantage, à l'avenir, participer à la vie économique, à côté de leurs tâches de recherche, d'enseignement et d'ingénierie éducative.

M. Jacques Valade, président, a remercié M. Jean-Pierre Mailles pour la clarté de ses déclarations. Il a rappelé que c'était pour répondre à une demande formulée par certains membres de la conférence des présidents d'université, et soutenue notamment par son président, qu'il avait, par un amendement au projet de loi relatif à la démocratie de proximité, proposé d'apporter une modification ponctuelle au statut des présidents d'université.

Il a souhaité que les réformes envisagées fassent d'une façon générale l'objet d'une large concertation à laquelle toutes les parties intéressées pourront participer.

M. Daniel Eckenspieller a souhaité savoir si l'harmonisation européenne des diplômes universitaires encouragerait une plus grande mobilité des étudiants français à l'étranger, et des étudiants étrangers en France ; il a également demandé des précisions sur les dispositions nécessaires à l'amélioration de l'accompagnement et de l'orientation des étudiants pour leur éviter de s'engager dans des filières aux débouchés trop étroits ; enfin, il a rappelé le souhait des présidents d'université de disposer d'une plus grande autonomie, et de promouvoir une meilleure insertion des universités dans leur environnement économique et social.

M. Victor Reux a demandé comment le système français des concours de recrutement des enseignants de l'enseignement secondaire se concilierait avec le système LMD d'inspiration plus anglo-saxonne.

M. Jacques Valade, président, a rappelé que le ministre de l'éducation nationale avait exprimé devant la commission sa volonté de maintenir la maîtrise qui constitue le préalable à la préparation des concours du certificat d'aptitude au professorat d'enseignement secondaire (CAPES) et de l'agrégation.

M. Jean-Pierre Mailles a apporté aux différents intervenants les précisions suivantes :

- un développement de la mobilité internationale est très souhaitable ; le ministre a d'ailleurs indiqué son intention de le faciliter en prenant appui sur le Centre régional des oeuvres universitaires et scolaires (CROUS) ; la mobilité des étudiants s'effectuant plutôt en fin de cursus, elle pourrait être en outre encouragée par les initiatives européennes tendant à développer les liaisons entre laboratoires et programmes de recherche européens ;

- l'orientation des étudiants à l'université est tributaire des procédures d'orientation, parfois mal adaptées, en vigueur dans l'enseignement secondaire ; une sélection des étudiants intervient inévitablement dans le déroulement des cursus universitaires mais tout processus de sélection a priori doit être évité, car l'expérience montre que ce sont généralement les étudiants qui ont un projet professionnel précis qui obtiennent les meilleurs résultats.

Situation des universités - Audition de M. Jérôme Mourroux, président de l'association Promotion et défense des étudiants (PDE), de Mlle Solenne Le Goaziou et de M. Guillaume Briant, administrateurs de la PDE

La commission a ensuite procédé à l'audition de M. Jérôme Mourroux, président de l'association Promotion et défense des étudiants (PDE), de Mlle Solenne Le Goaziou et de M. Guillaume Briant, administrateurs de la PDE.

A titre liminaire, M. Jérôme Mourroux a indiqué que la PDE, confédération indépendante créée en 1994, rassemblant huit associations d'étudiants, était l'une des quatre organisations étudiantes représentatives, siégeant au Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche (CNESER) et dans les centres régionaux des oeuvres universitaires et scolaires (CROUS).

Considérant l'évolution à la hausse des effectifs universitaires dans certaines filières, il a souligné l'ampleur des besoins à satisfaire afin d'assurer aux étudiants un encadrement plus qualitatif, en particulier en vue de prévenir l'échec en premier cycle, et afin d'améliorer les dispositifs d'aide sociale, dans le sens des réflexions en cours. S'il s'est félicité que les objectifs du plan social étudiant aient été atteints, il a fait remarquer que de nombreux problèmes demeuraient en matière d'accueil, concernant, d'une part, le logement des étudiants et, d'autre part, l'accès des étudiants handicapés.

Faisant observer que les universités ayant déjà mis en place le système « licence-master-doctorat » (LMD) avaient été peu concernées par le mouvement des étudiants, M. Jérôme Mourroux a regretté le manque d'information sur les enjeux de la réforme, laquelle n'a, de façon générale, été diffusée que tardivement.

Mlle Solenne Le Goaziou a toutefois indiqué qu'à l'université de Versailles-Saint-Quentin, une large consultation avait précédé l'adoption du système LMD, intervenue deux semaines avant le mouvement, ce dernier étant né d'un amalgame entre l'avant-projet de loi relatif à l'autonomie des universités et la réforme LMD.

M. Jérôme Mourroux a ajouté que ce mouvement était révélateur d'un malaise social sous-jacent, notamment chez les étudiants des filières offrant peu de débouchés professionnels. Il s'est néanmoins inquiété de quelques motifs d'incertitude relatifs à la réforme LMD, faisant observer, d'une part, que le volet harmonisation européenne ne s'accompagnait pas des moyens suffisants pour favoriser la mobilité des étudiants et, d'autre part, que le volet pédagogique laissait subsister des craintes au sujet de l'articulation entre la licence et le master, pour l'accès auquel un certain nombre de pré-requis sont exigés, ce qui correspond à une forme nouvelle de sélection, ainsi que des problèmes de visibilité au sein du cursus master. Il a par ailleurs regretté que la disposition prévoyant que seule la moitié des enseignements serait dispensée sous la forme de cours magistraux ait été abandonnée, à défaut de moyens d'encadrement suffisants.

M. Jacques Valade, président, ayant indiqué que l'adaptation des moyens pourrait se mettre en place de façon progressive, M. Jérôme Mourroux a toutefois déploré l'absence de signes forts traduisant une volonté politique d'accompagner cette réforme des moyens adéquats.

S'agissant de l'avant-projet de loi relatif à l'autonomie des universités, il a exprimé le soutien de la PDE à une réforme jugée nécessaire, qui représente une opportunité pour améliorer la vie étudiante, en favorisant le développement des coopérations entre universités, et avec les collectivités territoriales, dans une logique de sites, mais aussi par un renforcement de l'évaluation, par l'institutionnalisation de la fonction de vice-président étudiant, ou enfin par la mise en place d'un budget global, permettant d'avancer vers plus de cohérence. Il a souhaité que les concertations se poursuivent, afin d'expliciter certains aspects de la réforme, comme le rôle du conseil d'orientation stratégique, et que le projet puisse ainsi aboutir sans être dénaturé.

M. Jacques Legendre s'est préoccupé de la situation du logement étudiant, en particulier afin d'accueillir les étudiants étrangers, relevant, dans la région du Nord, de fortes disparités entre la métropole et les centres universitaires secondaires.

Soulignant la situation de pénurie de logements étudiants dans la ville de Lille, M. Jérôme Mourroux a reconnu l'existence de grandes inégalités selon les académies et les villes, et a souhaité que les dispositions du projet de loi relatif aux responsabilités locales conduisent les collectivités territoriales à remplir un rôle essentiel en vue de répondre à ces besoins quantitatifs.

S'agissant de l'accueil des étudiants étrangers, il a regretté, d'une part, que l'absence de capacités d'accueil suffisantes constitue pour les universités un frein au développement de leur politique internationale et, d'autre part, que les étudiants français et étrangers soient mis en concurrence pour l'accès aux logements, à défaut d'une véritable politique nationale en ce domaine.

Situation des universités - Audition de MM. Michel Deyme et Dominique Broszkiewicz, secrétaires fédéraux de la branche enseignement supérieur des syndicats généraux de l'éducation nationale - confédération française démocratique du travail (SGEN-CFDT)

La commission a enfin entendu MM. Michel Deyme et Dominique Broszkiewicz, secrétaires fédéraux de la branche enseignement supérieur des syndicats généraux de l'éducation nationale - confédération française démocratique du travail (SGEN-CFDT).

M. Jacques Valade, président, a demandé aux intervenants de préciser la position de la SGEN-CFDT à la fois sur la mise en place du système LMD (licence-master-doctorat) et sur la modernisation des universités françaises.

Après avoir présenté son organisation, M. Michel Deyme a indiqué qu'elle avait, avec un certain nombre d'autres organisations syndicales, défendu publiquement la mise en place du système LMD en France. Il a souligné que deux points posaient cependant problème concernant la mise en oeuvre et le suivi de cette réforme.

A cet égard, il a regretté la mise en place tardive des comités de suivi chargés de préciser les modalités de mise en oeuvre de la réforme, alors que celle-ci doit permettre à la fois une adaptation des formations et des cursus aux besoins de formation, et le maintien d'une vision générale et d'une lisibilité du système. Il s'est toutefois félicité du bon fonctionnement de ces comités, une fois instaurés.

Il a ensuite estimé que la mise en oeuvre de la réforme ne s'était pas accompagnée d'une adaptation des moyens et que le projet de loi de finances pour 2004 n'avait pas prévu les crédits nécessaires pour permettre le renforcement des tâches pédagogiques des enseignants-chercheurs (suivi des étudiants, travail d'orientation...). Il a craint que ces activités ne s'exercent au détriment des fonctions de recherche, pourtant au coeur du métier d'enseignant-chercheur et élément fondateur de l'enseignement supérieur, ainsi que l'a d'ailleurs reconnu le ministre.

S'agissant de l'évolution des universités, M. Michel Deyme a relevé que le projet de loi portant, dans un premier temps, sur l'« autonomie » puis sur la « modernisation » des universités, présenté initialement comme indispensable à la survie de ces dernières, semblait aujourd'hui moins urgent...

Il a souligné que cette réforme n'interviendrait pas avant 2007 si l'on attendait que toutes les universités aient expérimenté la mise en oeuvre du système LMD avant d'inscrire le projet de loi à l'ordre du jour des assemblées parlementaires. En effet, le calendrier de cette mise en oeuvre suit celui de la contractualisation des universités, dont les derniers contrats seront renouvelés en 2006.

Il a indiqué que la SGEN-CFDT n'estimait pas nécessaire un tel projet de loi, le cadre législatif actuel permettant d'ores et déjà aux établissements de s'organiser de façon satisfaisante. Il a estimé qu'ils n'avaient, en effet, pas épuisé les possibilités offertes par le statut instauré par la loi de 1984, y compris pour ce qui concerne la coopération avec les collectivités territoriales ou la création de conseils d'orientation stratégique. Il a déclaré n'être convaincu ni de l'urgence, ni de la nécessité d'une nouvelle loi, à l'exception éventuellement de deux ou trois nouvelles dispositions.

M. Dominique Broszkiewicz a ensuite exprimé la position des personnels administratifs, techniciens, ouvriers et de services (ATOS), qui partagent le point de vue général exprimé par son organisation et s'interrogent, en outre, sur la notion de budget global, dont ils ne voient pas la nécessité d'appliquer aux universités sans qu'intervienne un débat de fond. Il a ensuite évoqué les inquiétudes des personnels ATOS, échaudés par la récente réforme de la décentralisation, s'agissant d'un éventuel changement de statut.

M. Jacques Valade, président, lui a demandé de préciser les raisons pour lesquelles les personnels techniques n'envisageaient pas favorablement le passage du statut de la fonction publique de l'Etat à celui de la fonction publique territoriale, dans la mesure où une proximité de leur employeur présenterait des avantages, sans pour autant remettre en cause leur appartenance à la communauté éducative.

M. Dominique Broszkiewicz a indiqué que des craintes s'exprimaient pourtant dans ce domaine. Il a précisé que son organisation était favorable au principe de la décentralisation, mais que les personnels étaient déjà déconcentrés et qu'ils ne souhaitaient pas changer de statut par crainte d'une moindre association aux équipes éducatives. Il a relevé que la soumission à une double hiérarchie (collectivités territoriales et ministère de l'éducation nationale) pouvait être source de tiraillements et il s'est inquiété d'une éventuelle tentation pour les régions d'employer les personnels concernés à d'autres tâches.

M. Daniel Eckenspieller a regretté cette résistance de principe à une évolution pourtant logique. Il a rappelé que la maintenance des collèges était mieux assurée depuis qu'elle relevait de la responsabilité des départements et que, dans les écoles maternelles, les professeurs des écoles -qui relèvent du ministère de l'éducation nationale- et les aides maternelles -qui sont sous la responsabilité des collectivités territoriales-, travaillaient en bonne harmonie.

M. Jacques Valade, président, a assuré que tous les élus étaient attachés à la qualité de l'enseignement scolaire et supérieur et que les craintes exprimées lui paraissaient donc sans fondement, mais qu'il était personnellement opposé à ce que les collectivités territoriales procèdent elles-mêmes au recrutement des enseignants.

Organisme extraparlementaire - Désignation d'un candidat

Au cours de la même réunion, la commission a décidé de proposer à la nomination du Sénat M. Ambroise Dupont pour siéger au sein du Conseil d'orientation pour la prévention des risques naturels majeurs.