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Mercredi 3 décembre 2003

- Présidence de M. Jacques Valade, président, puis de M. Jacques Legendre, vice-président. -

Situation des universités - Audition de M. Olivier Vial, délégué national de l'Union nationale universitaire (UNI)

La commission a tout d'abord procédé à l'audition de M. Olivier Vial, délégué national de l'Union nationale universitaire (UNI).

A titre liminaire, M. Jacques Valade, président, a rappelé le contexte dans lequel s'inscrivait cette série d'auditions, alors que deux thèmes focalisent les revendications actuelles d'une partie des étudiants : d'une part l'harmonisation des diplômes en Europe, par la réforme « licence-master-doctorat » (LMD), initiée en 1998 et, d'autre part, le projet visant à renforcer l'autonomie des universités.

M. Olivier Vial a, en premier lieu, souligné que le mouvement étudiant mis en exergue dans les médias, et qui a été lancé au lendemain du Forum social européen, n'avait rien d'un mouvement de masse, dans la mesure où il ne concerne que 10 à 30.000 manifestants, sur une population totale de 2,2 millions d'étudiants.

Il a en outre fait remarquer que le système « LMD », déjà mis en place dans 17 universités ne participant pas, par ailleurs, au mouvement, n'entrait pas en contradiction avec le modèle universitaire français dont l'ambition internationale est intrinsèque, cela d'autant plus qu'un récent sondage a révélé que 87 % des étudiants étaient favorables au développement de diplômes européens.

Il a néanmoins mis en lumière deux principales faiblesses de l'université française, à savoir les difficultés à répondre à la massification de l'enseignement supérieur ainsi qu'à établir une véritable égalité des chances entre les étudiants tout en indiquant que le contexte actuel, marqué par une stabilisation des effectifs et par un début de rattrapage budgétaire dans le projet de loi de finances, était propice à l'engagement de réformes profondes.

Tout en rappelant que leur insertion professionnelle occupait le premier rang des préoccupations des étudiants, M. Olivier Vial a fait observer que quatre étudiants sur dix optaient pour des filières sélectives ou professionnalisantes, tandis que les premiers cycles universitaires enregistraient des taux d'échec massifs, moins de 17 % des bacheliers professionnels parvenant à obtenir le diplôme d'études universitaires générales (DEUG) au bout de 5 ans, ce qui représente un réel gâchis à la fois humain et financier.

Il a ensuite regretté, d'une part, qu'un trop grand nombre d'étudiants s'engagent dans des filières n'offrant que peu de débouchés, et, d'autre part, que l'éloignement de l'université du monde de l'entreprise ne conduise à une relative défiance de ce dernier vis-à-vis des étudiants des trois cycles universitaires, auxquels sont souvent préférés les diplômes des grandes écoles.

Face à ces difficultés, M. Olivier Vial a souligné les apports positifs de la réforme LMD, qui ouvre de plus grandes possibilités de réorientations tout au long des cycles universitaires et permet de concilier une meilleure lisibilité des diplômes et une plus grande diversification des parcours, le cas échéant vers une professionnalisation des études, via la licence professionnelle ou le futur master professionnel, aspect sur lequel a insisté la dernière conférence de Berlin.

Concernant l'objectif de démocratisation des études, M. Olivier Vial a exprimé sa défiance face aux « conventions ZEP », mises en place par l'Institut d'études politiques de Paris (IEP), dispositif qui a conduit à réduire la part des bourses de mérite attribuées sur critères sociaux aux autres étudiants.

Il a souhaité que, sur le modèle de l'IEP d'Aix-en-Provence, les grandes écoles privilégient ainsi l'ouverture de classes préparatoires d'été intégrées, afin de permettre aux étudiants les plus défavorisés de se préparer aux concours.

Quant à l'aide sociale, il a indiqué qu'elle devait être clarifiée, alors que le plan social étudiant mis en place par M. Jack Lang avait conduit à un système peu lisible, mais aussi dissociée de l'aide familiale. M. Olivier Vial s'est ensuite inquiété de l'amélioration des conditions de logement des étudiants, non seulement au niveau du logement social, qui n'offre que 150.000 chambres, et pour lequel un plan ambitieux a été initié, mais aussi au niveau du parc locatif privé, peu adapté au développement de la mobilité des étudiants.

Abordant enfin le sujet de l'autonomie des universités, M. Olivier Vial a souhaité que toute réforme en ce sens ne soit pas précipitée, indiquant qu'elle devrait être le plus largement expliquée au préalable et s'accompagner de garanties suffisantes, en termes d'évaluation notamment, alors que les répercussions des rapports du Conseil national de l'évaluation ne sont que très faibles, afin de ne pas reproduire au niveau des universités la situation observée dans quelques centres régionaux des oeuvres universitaires et scolaires (CROUS), autonomes, qui détournent les recommandations du CNOUS (centre national des oeuvres universitaires et scolaires), ce dernier étant dépourvu de réels moyens de coercition.

A l'issue de cet exposé, un large débat s'est engagé.

M. Jean-Léonce Dupont, rapporteur pour avis des crédits de l'enseignement supérieur, a d'abord tenu à souligner le caractère relatif des inquiétudes alimentant le mouvement actuel de réaction des étudiants. Evoquant le problème de l'échec au niveau des premiers cycles, il a salué les efforts engagés à partir de cette année en vue d'y remédier, que ce soit par l'amélioration de l'orientation post-baccalauréat ou le développement de modules de culture générale. Il s'est enfin interrogé sur les modalités selon lesquelles l'UNI envisageait une éventuelle réforme de l'autonomie des universités, au niveau de la gestion, de la dévolution du patrimoine, de l'évaluation ou de la contractualisation avec des tiers, laquelle pourrait conduire à une meilleure intégration de l'université dans son environnement, et donc à faciliter l'insertion professionnelle des étudiants.

M. Jean-Philippe Lachenaud, rapporteur spécial du budget de l'enseignement supérieur pour la commission des finances, a apprécié la volonté de l'UNI de renforcer l'insertion de l'université au sein de l'environnement européen et professionnel. Il a ensuite exprimé son incompréhension face à certains discours stigmatisant un budget pour 2004 en régression, alors même que celui-ci s'inscrit, pour la première fois, en progression, par un transfert de 100 millions d'euros de l'enseignement scolaire vers l'enseignement supérieur. Au sujet des conditions de vies des étudiants, tout en soulignant l'enjeu de plus en plus crucial du logement, il s'est interrogé sur la pertinence d'envisager la mise en place d'un plan pluriannuel dans ce domaine. Il a enfin exprimé son étonnement face aux mouvements de contestation estudiantins, faisant remarquer combien l'archaïsme de la loi de 1984 rendait difficile pour les universités la réalisation de projets communs entre établissements ou le renforcement de la participation des entreprises et collectivités territoriales.

M. Jacques Legendre s'est alarmé du très faible taux de réussite de certains bacheliers au niveau des premiers cycles universitaires, faisant observer que cela reposait sur un mauvais choix d'orientation. A cet effet, tout en rappelant que la réforme Haby prévoyait d'instaurer des baccalauréats en partie optionnels, il a souligné la nécessité de préparer l'orientation vers le supérieur dès le second cycle du second degré. Il s'est ensuite interrogé sur l'opportunité de maintenir l'accès de tous les bacheliers à toutes les filières, y compris celles dans lesquelles leurs chances de réussite sont très faibles, avant de s'enquérir de l'efficacité des services d'orientation au sein de l'enseignement supérieur, qui constituent la clé de l'insertion professionnelle des étudiants.

Mme Annie David a tout d'abord exprimé ses inquiétudes quant au système LMD, lui préférant l'élaboration d'une grille d'équivalence entre les diplômes européens, ainsi que face aux possibilités plus grandes de mobilité que ce système induit, lesquelles constituent également un facteur d'inégalités si elles ne sont pas accompagnées d'un renforcement des bourses à la mobilité.

Elle s'est, en outre, préoccupée de la qualité de vie des étudiants, confrontés tant à des problèmes de logement que de santé, et a suggéré en ce sens l'instauration d'une allocation d'autonomie pour les étudiants.

A ce titre, M. Jacques Valade, président, a souligné que le processus d'harmonisation des diplômes n'impliquait en rien une obligation de mobilité, mais élargissait cette possibilité ainsi offerte aux étudiants d'apporter un « plus » à leur parcours, sans pour autant que celle-ci ne devienne un facteur de discrimination.

En réponse à ces intervenants, M. Olivier Vial a apporté les précisions suivantes :

- si l'UNI est favorable au principe du renforcement de l'autonomie des universités, dans la mesure où elle permettrait, par l'association de partenaires extérieurs représentant les collectivités territoriales ou le monde de l'entreprise, une meilleure insertion de l'université dans son environnement, la réforme n'apparaît pas comme une question urgente, d'autant que le texte actuel continue de susciter de nombreuses crispations au sein du corps professoral ;

- si des mesures comme la globalisation du budget, qui dotera les universités d'une plus grande souplesse de gestion, sont essentielles, elles n'en demeurent pas moins des mesures techniques qui, pour la plupart d'entre elles, pourraient relever de la voie réglementaire ;

- la communication relative au projet de budget pour 2004 a témoigné de l'ampleur de la désinformation ambiante ;

- si la décentralisation en matière de logement social étudiant constitue une bonne initiative, l'idée d'un plan pluriannuel relatif aux conditions de vie des étudiants apparaît également comme une idée intéressante ;

- en matière d'orientation, l'UNI propose la création d'une agence nationale, indépendante, qui serait chargée d'évaluer les taux de réussite et d'insertion professionnelle selon les filières, afin d'offrir aux futurs étudiants une information complète et objective, susceptible de lever leurs incertitudes et leurs illusions, et de leur éviter une orientation vers des filières à très faibles débouchés ;

- le processus d'harmonisation européenne des diplômes conduit à renforcer les procédures d'habilitation des diplômes, et donc à relever le niveau d'exigences requis ;

- afin de développer la mobilité, le ministère a déployé des efforts conséquents, par la mise en place d'un plan social d'accompagnement de la réforme LMD, traduit par l'augmentation des crédits des bourses, ainsi que par la création d'un Conseil national pour le développement de la mobilité internationale des étudiants ;

- la création d'une allocation d'autonomie, qui serait égale pour tous les étudiants, quels que soient les revenus de leur famille, serait une mesure injuste, à laquelle doit être préférée l'idée d'une aide personnalisée visant à rénover les critères sociaux d'attribution des bourses, lesquels datent de 1945.

Situation des universités - Audition de M. Maurice Hérin, secrétaire général (SNESUP)

Puis la commission a entendu M. Maurice Hérin, secrétaire général du Syndicat national de l'enseignement supérieur (SNESUP).

M. Jacques Valade, président
, a indiqué, à titre liminaire, que la commission avait souhaité entendre les différents protagonistes du débat actuel sur l'évolution de l'université. Il a souhaité connaître la position du SNESUP sur, d'une part, la question de l'harmonisation européenne des diplômes et, d'autre part, les adaptations à apporter à la loi de 1984 sur l'enseignement supérieur.

M. Maurice Hérin a regretté que la question de l'enseignement supérieur, qui préoccupe l'ensemble des Français, soit absente du grand débat national sur l'Ecole.

Après avoir souligné que l'harmonisation européenne des diplômes devait être concrétisée et éventuellement élargie à d'autres zones géographiques, il a considéré que la difficulté résidait sur ce dossier dans le décalage existant entre l'objectif affiché et la réalité des propositions. Pour que puissent être établies des équivalences, il est nécessaire que les diplômes sanctionnent des formations comparables. Or, à l'heure actuelle, dans le système proposé, le caractère national des diplômes n'est garanti que par leur titre, le nombre des « crédits » nécessaires pour les obtenir (système européen de crédits dit ECTS) et la signature du ministre. Il a déclaré que ces exigences devaient être renforcées sur cinq points. L'intitulé des spécialités des diplômes doit être défini de manière claire ; les dénominations actuellement retenues sont si diverses qu'elles ne permettent pas leur lisibilité à l'égard des futurs employeurs. Par ailleurs, aucune exigence n'est imposée en ce qui concerne les volumes d'enseignement. En outre, les modalités du contrôle des connaissances sont librement fixées par les établissements. Enfin, les règles d'accès aux formations et les possibilités de poursuite d'études ne sont pas homogènes.

Constatant la mise en place de 800 nouveaux diplômes cette année qui pourrait constituer un frein à la mobilité,M. Maurice Hérin s'est inquiété du risque de retour des parcours d'initiés.

M. Jacques Valade, président, a interrogé M. Maurice Hérin sur les conditions d'accès des bacheliers professionnels aux formations universitaires.

M. Jean-Philippe Lachenaud s'est demandé s'il était véritablement souhaitable de revenir à une maquette pédagogique uniforme des formations universitaires.

Rappelant que seulement 17 % des bacheliers professionnels s'engageant dans des études universitaires obtenaient un diplôme, M. Jacques Legendre s'est interrogé sur l'opportunité de pérenniser une telle situation ou bien, au contraire, d'améliorer le processus d'orientation des étudiants, qui constitue sans doute un enjeu majeur pour l'université.

M. Maurice Hérin a indiqué que le principe de l'accès des bacheliers à la totalité des formations de l'enseignement supérieur ne pouvait être remis en cause. Certes, l'information des bacheliers sur les cursus proposés et les possibilités d'insertion qu'ils ouvrent doit être renforcée. L'amélioration de l'accueil des bacheliers professionnels passe également par une augmentation des capacités d'accueil comme des moyens des filières les plus susceptibles de leur convenir, tels les Instituts universitaires technologiques (IUT), et en aucun cas par leur orientation automatique vers certains diplômes.

Il a déclaré que le SNESUP souhaitait la mise en place d'un cadre national des diplômes relatif à leur dénomination, leurs contenus, les temps d'enseignements, l'accès et les poursuites d'études ainsi que le contrôle des connaissances.

Puis il a évoqué les évolutions nécessaires à apporter à la loi du 26 janvier 1984 sur l'enseignement supérieur. Sur ce sujet, le SNESUP, qui a une appréciation différente de celle du ministre, souhaite que soit développée la démocratie dans les universités. A l'heure actuelle, la vie collective dans ces établissements connaît un réel effritement, tant parmi les enseignants que parmi les étudiants ; cette évolution se manifeste notamment à travers les difficultés rencontrées dans le fonctionnement des instances dirigeantes.

Au-delà de cette vision d'ensemble, l'opposition du SNESUP à la réforme concerne principalement cinq des propositions formulées par le Gouvernement.

Si le développement des coopérations entre universités doit être encouragé, la formule des établissements publics de coopération universitaire, présentée par ailleurs comme un moyen d'engager un processus de fusion des universités, doit être contestée. Il importe de conserver et de conforter le maillage de 88 sites universitaires. Par ailleurs, la formule juridique proposée par l'avant-projet de loi n'offre pas la souplesse nécessaire au renforcement des coopérations entre les universités. Une réflexion est en cours au sein du SNESUP pour élaborer un cadre adéquat à ces rapprochements.

La possibilité d'élargir à l'ensemble des universités la faculté d'opter pour le statut de grand établissement risque d'avoir pour conséquence, notamment, le renforcement du rôle des entreprises dans le fonctionnement de celles-ci ainsi que l'affirmation de leur autonomie financière à travers l'augmentation de leurs ressources propres, résultat en contradiction avec le statut actuel des établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel (EPSCP).

Si les règles comptables et budgétaires actuelles prévues par la loi de 1984 sont perfectibles et la formation des élus dans les instances dirigeantes peut être améliorée, la proposition relative au budget global ne peut être retenue. L'application du principe de fongibilité asymétrique risque de contraindre les universités à accroître leurs ressources propres et à privilégier la valorisation de la recherche au détriment de la recherche fondamentale. A terme, la gestion globale menace d'éclatement le corps des enseignants-chercheurs.

Le SNESUP est également opposé à l'instauration d'un conseil d'orientation stratégique et aux règles retenues pour la dévolution des biens des universités.

M. Jean-Léonce Dupont, rapporteur pour avis des crédits de l'enseignement supérieur, a indiqué que le système LMD répondait à l'objectif d'assurer une lisibilité des formations au niveau européen, dans le souci d'améliorer l'insertion professionnelle des diplômés. Cet objectif d'harmonisation européenne implique forcément d'admettre une diversité des modes d'enseignement en privilégiant la définition des niveaux à atteindre.

L'information des étudiants ne peut suffire à remédier à la situation actuelle dans laquelle 20 % des étudiants abandonnent leurs études sans diplôme. Pour mettre fin à ce gâchis financier et humain, il convient d'aller au-delà des principes.

Il a souhaité savoir quelles étaient les propositions du SNESUP pour faire face aux dysfonctionnements de l'université qui se traduisent notamment par le mauvais état de son patrimoine, les difficultés rencontrées par le système de gouvernance, mais également à la nécessité de mettre en place une évaluation des étudiants, des enseignants et des formations.

M. Jean-Philippe Lachenaud, rapporteur spécial du budget de l'enseignement supérieur, a indiqué que 17 universités avaient d'ores et déjà mis en place le système LMD. Il s'est demandé, au regard de l'actuel foisonnement des habilitations, comment pourrait être instauré un cadrage national des formations qui réponde aux exigences formulées par le SNESUP. Il a souhaité savoir dans quelle mesure le SNESUP avait été associé au processus d'élaboration de la réforme. Enfin, il a souligné que cette réforme visait principalement à assurer une modernisation des modes de gestion de l'université et à accroître les responsabilités assumées par les enseignants et les étudiants dans son fonctionnement.

S'interrogeant sur la position exacte du SNESUP sur le système LMD,M. Jacques Legendre s'est demandé s'il s'agissait de sa part d'un refus de principe ou bien d'un accord sous réserve de propositions d'amélioration.

Mme Annie David a remercié M. Maurice Hérin pour les précisions apportées sur les conséquences du système LMD. Une diversité des formations, sans assurance donnée aux étudiants sur les poursuites d'études qu'elles permettent, ne peut être acceptée.

Elle a ensuite déclaré partager la position du SNESUP sur les critiques formulées à l'encontre du projet de réforme proposé par le Gouvernement pour permettre la rénovation des universités.

M. Maurice Hérin a estimé nécessaire que la réforme de l'université soit consacrée en priorité à un renforcement de la démocratie au sein des établissements. Les propositions formulées par le Gouvernement ne vont pas dans ce sens, notamment en ce qu'elles aboutissent à une diversité des formations qui nuit à leur lisibilité et favorise le parcours des étudiants les plus avertis. Le SNESUP n'est pas opposé au système LMD mais conteste ses modalités de mise en oeuvre, qui ne garantissent pas la cohérence des diplômes. Les orientations budgétaires retenues pour 2004 sont incompatibles avec la mise en place d'un suivi individualisé des étudiants.

M. Jean-Philippe Lachenaud, rapporteur spécial du budget de l'enseignement supérieur pour la commission des finances, s'est étonné de cette appréciation alors que 800 postes d'enseignants ne sont pas pourvus et que le projet de budget comporte des mesures significatives de requalification.

Situation des universités - Audition de MM. Michel Laurent, premier vice-président, et Pascal Level, 3e vice-président de la Conférence des présidents d'université (CPU)

Enfin, la commission a procédé à l'audition de MM. Michel Laurent, premier vice-président, et Pascal Level, 3e vice-président de la Conférence des présidents d'université (CPU), M. Michel Kaplan, 2e vice-président de la CPU, étant excusé.

M. Jacques Valade, président, a demandé au premier vice-président de la CPU d'exposer les positions de son organisation, à la fois sur l'harmonisation européenne des diplômes et sur les mesures de nature à permettre l'évolution du statut des universités, qui date de 1984. Il a déclaré que les élus se trouvaient parfois gênés par la discordance entre les opinions exprimées publiquement par la CPU et celles relayées localement par les présidents d'université.

M. Michel Laurent a affirmé que son organisation avait pris la mesure de ce problème. Il a indiqué qu'au sein de la CPU, les présidents d'université discutaient de l'avenir de l'université française avec le sens de l'intérêt général, mais que, confrontés à certaines difficultés au sein de leur établissement, il pouvait leur arriver d'exprimer des points de vue différents.

Il a ensuite observé que les deux dossiers évoqués par le président n'étaient pas intimement liés et relevaient d'agendas distincts. Après avoir rappelé que la réforme LMD (licence-master-doctorat) avait été initiée à Bologne en 1998 et qu'elle avait été lancée en France par M. Jack Lang, au printemps 2002, il s'est montré surpris par les réflexions relayées par quelques syndicats, alors que 30 universités sont entrées, ou sont sur le point d'entrer, dans ce processus d'harmonisation européenne des diplômes. Il a précisé qu'à l'occasion des délibérations des organes de décision des universités concernées par la vague de contractualisation de janvier 2003 (sachant qu'il en existe quatre, s'étalant sur quatre années), ces syndicats avaient pourtant majoritairement voté pour la mise en oeuvre de cette réforme au sein de leurs universités.

M. Jacques Valade, président, l'a interrogé sur la réalité de la consultation organisée sur ce sujet, compte tenu des propos d'un précédent intervenant sur la vie démocratique au sein des universités.

M. Michel Laurent a souligné que la mise en place du système LMD impliquait une réforme importante, donc des discussions approfondies (de 6 à 18 mois) au sein des équipes pédagogiques. Il a cité l'exemple du site d'Aix-Marseille où, le mois dernier, les représentants d'un certain nombre de syndicats, dont l'Union nationale des étudiants de France (UNEF) et le Syndicat national de l'enseignement supérieur (SNESUP), avaient voté en faveur de la mise en place du système LMD. Il a précisé que, dans la moitié de la centaine d'établissements que représente la CPU, les instances compétentes avaient d'ores et déjà décidé de s'engager dans cette réforme, en septembre 2003 ou septembre 2004.

Après avoir relevé que tout changement suscitait des inquiétudes légitimes, il a fait part de l'intérêt manifesté par les enseignants-chercheurs pour le système européen des crédits, qui permet aux étudiants de capitaliser leurs « unités d'enseignement » -les unités acquises l'étant définitivement- et, par là-même, favorise la fluidité des parcours de formation ainsi que la reconnaissance des périodes d'études effectuées dans différentes universités, y compris étrangères. Il a insisté sur l'intérêt d'un tel système, compte tenu du grand nombre d'étudiants en situation d'échec, sortant du système universitaire sans diplôme reconnu. Le cursus du diplôme d'études universitaires générales (DEUG) s'inscrit, en effet, dans une logique de filière, avec des passages obligés, qui sanctionne tout accident de parcours ou interruption temporaire des études. Il a estimé que la logique de parcours individualisé du système LMD, qui permet une réorientation tout au long des études, devrait favoriser le renforcement des effectifs d'étudiants dans les filières scientifiques. Ceci lui est apparu très important, compte tenu de la chute de ces effectifs (- 45 % depuis 1995-1996), qui soulève le problème du renouvellement des effectifs d'enseignants et de chercheurs.

Il a ensuite indiqué que, contrairement à certaines affirmations, les diplômes à bac + 2 et bac + 4 seraient maintenus, au moins pendant une période de transition -même s'ils étaient sans doute amenés à disparaître un jour-, et que la réforme n'entraînerait ni hausse des droits d'inscription, ni perte du caractère national des diplômes. Il s'est déclaré attaché à ce dispositif, irréversible et urgent, qui devrait faire l'objet d'une évaluation européenne en 2009-2010.

M. Jacques Valade, président, a demandé si le processus risquait de déboucher sur une hétérogénéité des diplômes telle qu'elle nuirait à leur lisibilité européenne.

Après avoir remercié l'intervenant pour la qualité et la clarté de ses explications, M. Jean-Léonce Dupont, rapporteur pour avis du budget de l'enseignement supérieur, a déclaré partager son point de vue sur le maintien, pendant une période transitoire, des diplômes à bac + 2 et bac + 4. Il a estimé qu'à terme, le système susciterait probablement une prolongation de la durée des études et il a demandé si le coût qu'entraînerait celle-ci pourrait être compensé par l'évolution démographique.

M. Jean-Philippe Lachenaud, rapporteur spécial du budget de l'enseignement supérieur, a remercié l'intervenant pour la clarté et la fermeté de ses propos. Il a demandé s'il convenait de suivre le souhait du SNESUP de revenir à des maquettes de formation strictes et uniformisées. Il s'est, par ailleurs, interrogé sur les moyens de lutter contre les idées de ceux qui refusent la concurrence, la compétition et l'excellence.

M. Pierre Laffitte s'est félicité de la volonté de modernisation exprimée par la CPU. Il a souhaité que soit davantage affirmée l'idée que des pôles d'excellence peuvent exister dans toutes les universités. S'agissant du projet de loi relatif à l'autonomie des universités, il a demandé s'il n'y aurait pas lieu de procéder à des expérimentations, en y allouant les moyens nécessaires, le nombre de gestionnaires étant insuffisant au sein des universités. Il a demandé si on ne pourrait pas prévoir une passerelle entre les brevets de technicien supérieur (BTS) ainsi que les diplômes universitaires technologiques (DUT), très prisés par les industriels, et les licences technologiques.

M. Josselin de Rohan a demandé l'avis de la CPU concernant le document diffusé par l'UNEF sur son site internet, qui évoque le déni de démocratisation que représenterait la participation de personnalités extérieures, en particulier issues du monde économique, aux conseils d'orientation stratégique (COS) des universités et le risque de « marchandisation » des universités, dont les conseils d'administration seraient réduits à des chambres d'enregistrement. Il a précisé que des étudiants de l'université de Rennes II relayaient cette idée à longueur de manifestations.

M. Jacques Legendre a partagé les propos réalistes tenus par l'intervenant. Il s'est félicité de la première réponse apportée par le système de capitalisation des crédits au problème du taux d'échec en premier cycle universitaire. Jugeant néanmoins nécessaire un effort de réflexion sur l'orientation des jeunes, à la fois dans le secondaire et à l'université, il a demandé si l'actuel système d'information et d'orientation devait être réformé.

Mme Annie David s'est interrogée sur la valeur des diplômes obtenus en l'absence de cadrage national. Elle s'est par ailleurs inquiétée de l'égalité des chances, face à un employeur, de deux étudiants tout aussi méritants, dont l'un aurait poursuivi toutes ses études au sein d'une université non reconnue comme pôle d'excellence, et dont l'autre aurait pu profiter d'une mobilité dans des universités françaises et étrangères.

M. Michel Laurent a apporté les réponses suivantes :

- il est aujourd'hui techniquement impossible d'envisager un cadrage national des diplômes qui, en outre, interdirait aux centaines de milliers d'étudiants entrés dans le système LMD de poursuivre leurs études ;

- sur le fond, l'idée même d'un cadrage national est antinomique avec celle d'harmonisation européenne, qui a pour objectif une reconnaissance européenne des diplômes. Se cache derrière cette idée le mythe de l'égalitarisme, en vertu duquel être titulaire d'un même titre conférerait une égalité des chances, ce qui relève de l'hypocrisie ;

- la qualité de l'enseignement supérieur dépend largement de celle de la recherche, tous les établissements ne disposant pas cependant du même potentiel en la matière. La mobilité, encouragée par l'harmonisation européenne, devrait également permettre de pallier ce problème ;

- l'idée d'un strict cadrage national relève d'une projection de l'image de l'enseignement secondaire, qui permet l'établissement de programmes nationaux. Contrairement à celui-ci, le monde universitaire n'entre cependant pas dans des normes, la recherche étant par nature individuelle. Un tel cadrage exacerberait en réalité l'inégalité entre les universités capables de s'y adapter, et les autres. Les établissements doivent mettre en valeur leurs pôles d'excellence, sachant qu'ils ne peuvent être excellents dans tous les domaines ;

- deux cultures différentes coexistent au sein du monde universitaire : d'une part, les établissements à dominante scientifique et de santé, au sein desquels l'idée d'excellence est entrée dans les moeurs, compte tenu du caractère international de la compétition dans le domaine de la recherche ; d'autre part, les universités à dominante en sciences humaines et sociales, dont la vision est plus hexagonale ;

- l'un des objectifs du système LMD est de mettre en place des parcours de réussite et une orientation en continu, la question de l'intégration de ce type d'activité dans le service statutaire des enseignants se posant cependant ;

- il faut pousser les réflexions sur les passerelles entre DUT et second cycle, les licences professionnelles ayant fait leurs preuves dans ce domaine ; elles font l'objet d'un cadrage au niveau des appellations et permettent la coopération entre différentes spécialités.

Puis M. Michel Laurent a indiqué que la CPU estimait nécessaire l'évolution du statut des universités et de certains volets de la loi de 1984, celle-ci comportant des facteurs limitants.

A cet égard, il a tout d'abord souhaité le renforcement de l'autonomie des universités, ainsi que la responsabilisation de la communauté pédagogique et des conseils d'administration, avec des objectifs tenant compte des spécificités de chaque université.

Il a ensuite regretté que les conseils d'administration ne puissent réaliser de prospective à 5 ou 10 ans, mais ne se projettent au mieux qu'à 4 ans, à l'occasion du renouvellement du contrat quadriennal de l'établissement. Il a souhaité qu'un conseil d'orientation stratégique (COS) -auquel participeraient des personnalités extérieures, y compris issues des milieux socio-économiques- mène une prospective à plus long terme, en phase avec l'environnement de l'université. Evoquant l'opposition de l'UNEF à cette proposition, il a indiqué qu'un certain nombre d'universités avaient d'ores et déjà voté la création de tels COS.

Il a également jugé nécessaire le renforcement de la cohérence des équipes de direction.

Evoquant la coopération universitaire, M. Michel Laurent a estimé très importante la problématique de sites et souhaitable le développement de coopérations portant, par exemple, sur la création d'un portail internet, sur les offres de formation, la formation des personnels, l'accueil des étudiants... Il a jugé les formules actuelles de coopération soit trop lourdes (le groupement d'intérêt public), soit trop souples et difficiles à pérenniser (les conventions), un outil législatif s'avérant donc nécessaire dans ce domaine.

Il a, par ailleurs, souhaité qu'un dispositif législatif organise les partenariats avec les entreprises, au risque sinon de voir se développer un système à plusieurs vitesses, toutes les universités n'ayant pas, pour des raisons culturelles, la même sensibilité sur cette question.

Il a relevé qu'en l'absence d'institutionnalisation par la loi d'une vice-présidence étudiante au sein des conseils d'administration -qui pourrait s'accompagner d'une obligation de formation des élus-, une telle participation des étudiants ne sera pas généralisée. Il a précisé qu'elle existait aujourd'hui dans la moitié des universités.

Il a ensuite regretté la déresponsabilisation de la communauté universitaire, liée au fait que les universités ne peuvent disposer de leurs moyens et que peu de membres du conseil d'administration ont une vision globale du budget de leur établissement, le débat se réduisant souvent à la répartition de la dotation globale de fonctionnement, qui ne représente pourtant qu'une partie des ressources. Il a jugé qu'en l'absence de globalisation du budget, les établissements français resteraient des « demi-universités ».

Evoquant ensuite la question de la dévolution du patrimoine universitaire, il a indiqué que la France n'avait pas, au cours des vingt dernières années, procédé à des investissements de même ampleur que ses partenaires et il a souligné que le tiers des 17 millions de m² concernés ne répondaient pas aux normes de sécurité.

M. Michel Laurent a ensuite exposé que 80 % de la recherche publique française était effectuée par des unités mixtes (avec des coopérations entre établissements d'enseignement supérieur et laboratoires de recherche) et que les universités ne pouvaient se passer d'une recherche de qualité.

Il a souhaité que la France, qui dispose d'une très bonne recherche fondamentale, en fasse profiter à la fois l'enseignement supérieur et l'économie. Ceci favoriserait la lutte contre la fuite des cerveaux, qui permet à d'autres pays de tirer profit des jeunes diplômés français.

M. Jacques Valade, président, a estimé possible le rapprochement entre les chercheurs-enseignants et les milieux économiques et sociaux, quelle que soit la discipline, même si cela s'avère plus facile pour les disciplines scientifiques ; il a jugé que cette implication dépendait de la volonté de chacun de participer à l'effort national de développement.

M. Jean-Philippe Lachenaud, rapporteur spécial du budget de l'enseignement supérieur pour la commission des finances, a demandé dans quelle mesure la concertation pourrait se poursuivre sur l'évolution du statut des universités, dans la perspective de l'examen d'un projet de loi par le Parlement, sachant que certaines dispositions pourraient être d'ordre législatif et d'autres, d'ordre réglementaire. Il a souhaité que soient dénoncées certaines contrevérités, concernant en particulier la décentralisation de l'enseignement supérieur. Celle-ci n'est pas à l'ordre du jour, ce qui n'empêche pas une forte implication des collectivités territoriales qui consacrent 1,2 milliard d'euros à l'enseignement supérieur, dans ses différents aspects (vie étudiante, recherche, équipements, documentation...). Il a enfin soutenu la vision réformatrice exprimée par la CPU.

M. Michel Laurent a jugé indispensable qu'une évolution législative rapide du statut des universités se traduise par un renforcement de leur responsabilité et de leur autonomie ainsi que par un changement de culture. Il a estimé qu'on ne pouvait centraliser les décisions concernant plus de 2 millions d'étudiants et espérer optimiser les moyens. Il a relevé que les modalités d'élaboration et de présentation du projet de loi sur l'autonomie des universités avaient donné lieu à un peu de précipitation, sans que ses objectifs et son contenu soient suffisamment expliqués publiquement, ce qui avait jeté beaucoup de suspicion. Il a jugé qu'il s'agissait là d'un problème de méthode davantage que de fond, et a indiqué que la CPU déplorait l'instrumentation du projet de réforme par les manifestants. Il a jugé que la concertation devait se poursuivre et qu'un dispositif trop ponctuel et partiel n'apporterait pas de réponse satisfaisante aux difficultés de l'enseignement supérieur.

M. Jacques Valade, président, a remercié les intervenants pour la qualité de leurs propos et leur liberté de ton. Il les a assurés de l'attention portée par le Sénat à cet important dossier et de son souhait de relayer leurs ambitions.

Jeudi 4 décembre 2003

- Présidence de M. Jacques Valade, président.

Situation des universités - Audition de MM. Sylvain Broussard président, et Jean-Baptiste Mougel, ancien président, de la Fédération des associations générales des étudiants (FAGE)

La commission a tout d'abord procédé à l'audition de MM. Sylvain Broussard, président, et Jean-Baptiste Mougel, ancien président, de la Fédération des associations générales des étudiants (FAGE).

M. Jacques Valade, président
, a rappelé que la commission souhaitait recueillir le sentiment des représentants de la FAGE sur la mise en place du système licence-master-doctorat (LMD) et sur les mutations qui permettront au système universitaire français d'affronter la concurrence des systèmes européens et internationaux.

M. Sylvain Broussard a précisé que la fédération qu'il préside était composée de 1.400 associations étudiantes, d'une trentaine de fédérations de villes et de 12 fédérations par filière. M. Jean-Baptiste Mougel a ajouté que cette organisation était indépendante et défendait des positions proeuropéennes.

M. Sylvain Broussard a indiqué que la fédération était convaincue du bien-fondé de la réforme des universités et qu'il était persuadé que les points qui font l'objet d'une contestation devraient, en cours de négociation, trouver une solution.

M. Jean-Baptiste Mougel a jugé que la mutation des universités était un sujet central qui avait d'ailleurs constitué le thème du colloque national organisé l'an dernier par la FAGE à Strasbourg.

Il a estimé que ce changement était aujourd'hui rendu indispensable par les attentes, plus variées, des étudiants, et par la nécessité pour les universités de mieux s'intégrer dans leur contexte local ou international et, plus particulièrement, européen. Regrettant que celles-ci aient fait preuve, dans les récentes années, d'une certaine difficulté d'adaptation, il a noté que la sollicitude des pouvoirs publics s'était jusqu'à présent portée plutôt vers l'enseignement scolaire et secondaire, au détriment de l'enseignement supérieur. Il a indiqué que la FAGE, qui est convaincue de la nécessité du changement, s'était efforcée de constituer un pôle réformiste et avait soutenu les projets de réforme préparés et défendus par les ministres Claude Allègre et Jack Lang.

Il a relevé que la réforme en cours, qui constitue la réforme la plus importante des trente dernières années, suscite inévitablement des appréhensions chez les tenants d'une université plus traditionnelle et plus académique et qu'elle nécessitera une véritable campagne d'information, ainsi que beaucoup de patience dans sa mise en oeuvre.

Il a rappelé que la FAGE était favorable à la réforme du système LMD et que la portée de celle-ci était aujourd'hui bien comprise, en dépit de certains noyaux de résistance au sein des facultés de lettres. Il a cependant regretté que cette réforme ambitieuse n'ait pas été soutenue par des mesures budgétaires correspondantes, permettant notamment d'augmenter les effectifs d'enseignants et de favoriser la mobilité des étudiants.

Evoquant le projet de réforme de l'autonomie des universités, il a estimé que la modification de la loi de 1984 était certainement nécessaire, mais devait s'inscrire dans une approche globale touchant à ses différents aspects et relever d'une démarche concertée prenant en compte les points de vue des différentes parties et débouchant sur une base d'accord minimale. C'est pour ces raisons que la FAGE s'était, par principe, opposée à un amendement présenté par le président Jacques Valade au projet de loi relatif à la démocratie de proximité, tendant notamment à modifier le statut des présidents d'université.

Il a déploré qu'en l'espèce, le texte proposé en avril 2003 ait subi d'importantes modifications par rapport au projet qui avait été soumis à la concertation en janvier : cette façon de procéder avait provoqué des lignes de fractures extrêmement prononcées, certaines organisations syndicales ayant à ce moment décidé de se retirer de la négociation, et suscité une situation de blocage. Il a rappelé que la FAGE, pour sa part, tout en estimant que le texte initial n'était pas bon, était prête à poursuivre la négociation pour aboutir à un projet plus équilibré, renforçant la responsabilité du conseil et des acteurs, ainsi que l'évaluation, le contrôle et comportant divers garde-fous relatifs au patrimoine et au budget global garantissant que cette autonomie n'est pas une forme de déréglementation et de désengagement de l'Etat.

Il a regretté la volonté du Gouvernement de précipiter les choses, en menant de front la réforme du LMD et l'autonomie des universités, ce qui a contribué à brouiller le débat.

Il a, en outre, estimé que la réforme du système LMD et de l'autonomie des universités, qui sont également nécessaires, devait s'accompagner d'une réforme du système d'aide sociale, qui constitue la principale préoccupation des étudiants, mais n'a jusqu'à présent jamais été abordée.

Il a jugé que le système actuel n'était pas équitable, car il favorisait les familles aisées par des mécanismes fiscaux, n'aidait pas suffisamment les plus démunies et laissait sans aucun appui les classes moyennes, qui fournissent la grande masse des étudiants, souvent obligés de travailler pour financer leurs études. Il a souhaité une réforme globale du système permettant d'accorder à chaque étudiant une aide individualisée qui corresponde à ses besoins.

M. Jean-Léonce Dupont, rapporteur pour avis du budget de l'enseignement supérieur, a demandé des précisions aux intervenants sur ce qu'ils entendaient par des « garde-fous » en matière de patrimoine et de budget global.

Il a rappelé que l'objectif de la réforme tendait, à travers le budget global, à donner aux universités les moyens d'assurer leur gestion, et qu'une proportion appréciable du patrimoine universitaire -le tiers environ- était dans un état très dégradé, comme l'a montré le récent rapport de la mission d'information de la commission.

M. Jean-Philippe Lachenaud, rapporteur spécial du budget de l'enseignement supérieur pour la commission des finances, a demandé aux intervenants de préciser l'idée, qu'il a jugée nouvelle et intéressante, de plan d'accompagnement contractualisé portant sur les moyens et les effectifs enseignants des universités, dans la mise en place du LMD. Il leur a également demandé s'ils estimaient que la situation actuelle se prêtait à une reprise de la concertation susceptible d'aboutir à l'été ou à l'automne prochain, ou si, au contraire, les blocages semblaient actuellement l'emporter.

Enfin, il a souhaité savoir si leur proposition de reprise des dettes sociales ne devait pas relever d'une recherche d'équité et d'égalité des chances plutôt que d'une vision strictement égalitaire.

M. Jacques Valade, président, a rappelé que l'amendement qu'il avait déposé dans le projet de loi relatif à la démocratie de proximité avait pour objet de mieux assurer la pérennité de la gestion des universités grâce à des modalités plus souples de délégation de signature et à la possibilité de solliciter immédiatement un second mandat pour les présidents d'université. Le proche renouvellement des conseils d'université avait alors justifié sa démarche.

Il a estimé qu'une des questions qui se posait dans le contexte actuel était de déterminer s'il convenait de privilégier la voie d'une réforme réglementaire, ou d'une réforme législative, et dans ce dernier cas, s'il était préférable de procéder par touches successives ou de déposer un vaste texte fondateur.

M. Sylvain Broussard a indiqué que les garde-fous qu'il avait évoqués avaient pour objet d'éviter que ne se creusent les disparités au sein de l'université.

M. Jean-Baptiste Mougel a souligné que si le LMD permettait de mieux construire un parcours universitaire, il exigeait un accompagnement administratif et pédagogique qui nécessitait un redéploiement des moyens.

Revenant sur la question du transfert du patrimoine universitaire, il a estimé que celui-ci devait faire l'objet d'un contrat de dévolution et que les règles relatives à la vente éventuelle de ce patrimoine devaient également être clarifiées, ainsi que l'attribution des crédits nécessaires à leur entretien.

Il a estimé que la procédure législative était en elle-même une source de difficultés, car les organisations syndicales étudiantes sont consultées sur des projets de dispositions législatives qui ne portent que sur des principes assez généraux, leurs modalités concrètes d'application, qui suscitent précisément leur appréhension, étant renvoyées à des décrets.

M. Jacques Valade, président, a rappelé que dans la Constitution française comme dans celle de la plupart des démocraties, la loi ne devait en effet intervenir qu'à un certain niveau de généralité.

Jugeant indispensable de bien distinguer ce qui relève du domaine de la loi et ce qui relève du domaine du règlement, M. Jean-Philippe Lachenaud, rapporteur spécial des crédits de l'enseignement supérieur pour la commission des finances, a estimé qu'il serait souhaitable, dans le cas présent, que les projets de dispositions législatives et les projets de décrets d'application fassent l'objet d'une présentation globale lors des procédures de concertation : ainsi pourraient être évitées bien des contrevérités et des fausses rumeurs.

M. Sylvain Broussard a souhaité que les organisations syndicales soient, tout au moins sur les points les plus importants, consultées simultanément sur les dispositions législatives et sur leurs modalités d'application réglementaires.

M. Jacques Valade, président, a indiqué que les parlementaires, dans l'exercice de leur fonction de législateur, partageaient cette même préoccupation, tout en reconnaissant que, du fait des modifications susceptibles d'être apportées par amendement au projet de loi, il n'était pas nécessairement facile pour le Gouvernement d'adapter en temps réel les dispositions réglementaires chargées d'en préciser l'application.

M. Serge Lagauche s'est réjoui du pragmatisme dont faisaient preuve les représentants du FAGE.

Evoquant la situation générale des universités, il a observé que les phénomènes de massification auxquels elles sont confrontées n'avaient pas été pris en compte. Il a attribué les difficultés que les étudiants rencontrent dans leur orientation à une insuffisance de l'encadrement, et a souhaité que des assistants d'éducation leur permettent de vérifier rapidement s'ils disposent effectivement des connaissances de base nécessaires à la poursuite de leurs études dans la voie où ils se sont engagés. Il a considéré qu'il convenait de traiter en priorité ce problème de la massification des universités et des conséquences du LMD sur l'allongement des études.

Il a en revanche estimé, à titre personnel, qu'il convenait d'avancer avec prudence sur le dossier de l'autonomie des universités, compte tenu des disparités qui existent d'un établissement à l'autre. Il a souligné que les universités devaient s'attacher à leur vocation essentielle : enseigner, faire de la recherche et orienter les étudiants vers de bons débouchés. Il n'a, de ce fait, pas jugé opportun de leur confier en outre la gestion de leur patrimoine, qui devrait plutôt relever des collectivités territoriales, et notamment des régions, qui ont un rôle essentiel à jouer.

Il a relevé qu'à l'image de l'intercommunalité, le regroupement de leurs moyens permettrait aux universités d'offrir davantage à leurs étudiants.

Enfin, sans contester l'opportunité de développer la mobilité des étudiants en Europe, il a jugé qu'il convenait d'abord de s'attacher à la rendre plus facile en France, ce qui supposait de s'attaquer au problème de l'aide sociale qui n'a jusqu'à présent pas trouvé de solution satisfaisante.

M. Sylvain Broussard a confirmé que les six premiers mois d'études universitaires constituaient en effet une période critique dont dépendait le succès ou l'échec d'un cursus, et que, parmi les dix propositions formulées par la FAGE pour lutter contre l'échec scolaire en DEUG, figurait celle de renforcer l'accompagnement des étudiants. Il a souhaité que la réforme du LMD bénéficie, en ce domaine, des mesures d'accompagnement nécessaires.

M. Jean-Baptiste Mougel a également insisté sur la nécessité de traiter en priorité la question de l'accompagnement social, faute de quoi l'ambition de créer une mobilité internationale ou entre pôles d'excellence en France, perdrait une partie de sa portée. Il a cité l'exemple d'une étudiante en gestion qui, quoique brillamment reçue à l'université Dauphine, n'avait pu donner suite à sa candidature faute d'avoir obtenu un logement à Paris. Il a estimé que ce problème relevait d'une approche interministérielle associant les collectivités territoriales.

Situation des universités - Audition de M. Luc Ferry, ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche

Puis la commission a procédé à l'audition de M. Luc Ferry, ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche.

M. Jacques Valade, président, a demandé au ministre de faire le point sur la mise en place du système licence-master-doctorat (LMD) et sur les mesures de nature à permettre une adaptation des établissements d'enseignement supérieur, réformes qu'il a jugées toutes deux nécessaires.

M. Luc Ferry, ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche, a tout d'abord rappelé que le processus du LMD avait été initié par M. Claude Allègre en 1998, poursuivi par M. Jack Lang, qui a signé les décrets et arrêtés de mise en oeuvre les 23 et 25 avril 2002, et que lui-même soutenait ces textes, même si certains ajustements pouvaient être envisagés.

Il a indiqué que la revendication des étudiants manifestants concernait principalement l'abrogation de ces textes réglementaires et visait, par ailleurs, le projet de loi qui permettrait aux universités de mieux s'adapter à la mise en place du système LMD. Il a cependant relevé l'absence de revendications et de manifestations dans les universités où ce dernier était déjà appliqué.

Le ministre a évoqué les problèmes soulevés par les étudiants. S'agissant du système de compensation des notes, il a souligné les avantages du nouveau dispositif, qui permet en particulier la capitalisation des « crédits » acquis.

Il s'est élevé en faux contre l'idée qu'une sélection s'imposerait désormais pour le passage de la licence à la maîtrise, alors que les textes concernés n'ont pas été modifiés. Il a ensuite affirmé l'absence totale de lien entre la problématique des droits d'inscription et celle du système LMD, alors qu'est agitée la menace d'une augmentation des droits d'inscription, avec la mise en exergue de la décision de l'Institut d'études politiques de Paris en la matière. Il a également dénoncé les contrevérités concernant la soi-disant suppression des diplômes à bac + 2 et à bac + 4 ; ceux-ci seront maintenus, la maîtrise permettant d'ailleurs de différencier les accès au Certificat d'aptitude au professorat de l'enseignement secondaire (CAPES) et à l'agrégation. Par ailleurs, les brevets de techniciens supérieurs (BTS), ainsi que les diplômes des instituts universitaires de technologie (IUT), ne sont pas directement concernés par la réforme.

M. Luc Ferry, ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche, a par ailleurs dénoncé les épouvantails associés au renforcement de l'autonomie des universités, qui entraîneraient un retrait de l'Etat, une régionalisation ou une « privatisation à l'américaine » des établissements. Il a indiqué avoir, à l'inverse, défendu en septembre dernier, à Berlin, que le système LMD visait à construire l'espace européen de l'enseignement supérieur dans le cadre du service public, afin que ce dernier soit une alternative crédible au système américain. Il a précisé que la marchandisation et la privatisation de l'enseignement supérieur existaient déjà au travers des antennes européennes des universités américaines et qu'il appartenait à l'Europe d'y résister en développant un service public concurrentiel. A cette fin, il a jugé nécessaire la mutualisation des moyens et s'est félicité de la création des bourses Erasmus Mundus, qui encouragent la coopération entre universités européennes. Il a précisé que parmi les étudiants étrangers poursuivant leurs études hors de leur pays, 28 % choisissaient les Etats-Unis, 15 % la Grande-Bretagne, 12 % l'Allemagne et 9 % seulement la France.

Il a relativisé l'ampleur du mouvement étudiant, qui n'a compté que 800 manifestants mercredi à Paris, même s'il fait « la Une » de la presse. Il a observé que 90 % des étudiants se déclaraient favorables à la réforme LMD, et que ceux qui l'avaient expérimentée en étaient satisfaits.

Le ministre a jugé souhaitable d'attendre que le système LMD soit expérimenté par l'ensemble des universités avant d'engager la réforme liée à l'adaptation des établissements et à leur « autonomie », terme choisi par la conférence des présidents d'université.

Il a évoqué les modifications qui pourraient être envisagées par le biais de cette réforme : la révision des quorum des conseils d'administration, la délégation de signature du président, la possibilité de modifier les libellés des diplômes sans recourir au ministre, le renforcement des liens avec les collectivités territoriales et les milieux économiques et sociaux à travers des conseils d'orientation stratégique consultatifs. Il a estimé que, sauf à soutenir que la voie universitaire n'avait pas vocation à préparer l'insertion professionnelle des étudiants, on ne pouvait nier l'intérêt de tels conseils, qui associeraient aux choix de la politique universitaire les collectivités territoriales et les représentants des milieux économiques ; ceci lui est apparu d'autant plus nécessaire que les universités sont les premiers prestataires en matière de formation continue et qu'elles constituent un pilier de la recherche.

Evoquant ensuite le souhait des présidents d'université de se voir attribuer un budget global, il a rappelé que les universités ne disposaient, en effet, que d'une autonomie incomplète. L'Etat n'exerçant par ailleurs plus véritablement de tutelle, on se trouve à mi-chemin, dans un système déresponsabilisant, dans lequel un certain nombre d'erreurs de gestion sont commises (ainsi que l'ont relaté des rapports de l'Inspection générale des finances), et sans que l'on puisse véritablement savoir à qui en imputer la responsabilité.

M. Luc Ferry, ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche, a ensuite souhaité que la coopération entre universités puisse se développer, y compris avec des universités étrangères, afin de mettre en place des voies de formation communes et concurrentielles face aux universités américaines.

Relevant que la proposition de créer des établissements publics de coopération universitaire (EPCU) avait beaucoup inquiété certains élus de villes moyennes et les gestionnaires d'antennes universitaires décentralisées, il a affirmé qu'il n'envisageait pas de réduire le nombre de sites, mais plutôt de mutualiser leurs moyens et de susciter leur mise en réseau afin d'offrir des formations de qualité. Un tel souci inspire également les écoles rurales, qui tendent à se regrouper. Telle a été aussi la décision des trois universités strasbourgeoises, par exemple, face au défi de la concurrence des universités allemandes.

Le ministre a fait état des avancées quotidiennes concernant les réponses apportées aux revendications étudiantes, leurs organisations représentatives ayant en outre été invitées à assister aux commissions de suivi de la mise en place du système LMD.

S'agissant des demandes des présidents d'université, il a souhaité prendre le temps de la discussion et de la concertation. Il a précisé qu'il n'avait, par conséquent, pas arrêté de calendrier, les périodes électorales se prêtant, en outre, peu aux discussions sereines.

M. Jacques Valade, président, a remercié le ministre pour la clarté de ses propos, compte tenu de l'inquiétude des étudiants et de leurs parents.

M. Jean-Léonce Dupont, rapporteur pour avis du budget de l'enseignement supérieur, a estimé que les propos du ministre illustraient le décalage existant entre la réalité et la perception de cette réalité par l'opinion publique, ainsi que la difficulté de mener des réformes en France. Il a relevé cependant une adéquation entre l'action du ministre et sa perception par la majeure partie des personnes auditionnées par le Sénat. Il a ensuite demandé au ministre quels efforts pourraient rendre concrètement possible la mobilité des étudiants et s'il ne faudrait pas procéder à une réforme globale des aides sociales qui leur sont destinées.

Puis il a approuvé les propos du ministre concernant le maintien des diplômes à bac + 2 et à bac + 4, mais a estimé que la mise en place du système LMD susciterait probablement un allongement des études qui entraînerait un coût. Il a souligné que ce système encouragerait, par ailleurs, la construction de parcours individualisés, nécessitant un encadrement plus important, et donc un redéploiement des moyens humains.

Il a enfin déclaré partager les propos du ministre sur le projet de réforme des universités, citant en particulier : la mise en réseau des acteurs, la prise en compte de l'environnement local et international, la globalisation du budget, l'expérimentation de la dévolution du patrimoine universitaire, la nécessaire amélioration de la gestion des universités, le développement de la culture d'évaluation des établissements, des enseignements et des enseignants. Il a demandé au ministre quand et comment il envisageait de proposer une telle réforme.

M. Jean-Philippe Lachenaud, rapporteur spécial du budget de l'enseignement supérieur au nom de la commission des finances, a estimé que les auditions menées par le Sénat avaient montré des signes encourageants et une prise de conscience de la nécessité d'adapter l'université française afin de mettre en oeuvre le système LMD. Il a jugé plus importantes les hésitations des intervenants concernant les dispositions du projet de loi improprement baptisé « d'autonomie », les termes de modernisation et d'amélioration de la gouvernance et des moyens des universités étant sans doute plus justes. Il a dénoncé un certain nombre de blocages, de contrevérités, de réflexes archaïques et conservateurs, ainsi que le refus, par certains, d'une ouverture vers les collectivités territoriales et le monde de l'entreprise.

Il a ensuite exposé les idées ou propositions qui lui semblaient ressortir des auditions menées par le Sénat :

- étudier l'hypothèse d'un plan pluriannuel pour l'enseignement supérieur ;

- prévoir, dans un cadre contractuel, un programme d'accompagnement de la mise en place du système LMD, afin de permettre aux universités de redéployer leurs moyens, humains en particulier ;

- s'agissant du projet de réforme de la gestion des universités, poursuivre la concertation, distinguer les mesures qui seraient d'ordre législatif et celles d'ordre réglementaire, et présenter en même temps que les dispositions législatives les projets de décret afférents, ce qui permettrait d'éviter des inquiétudes susceptibles de susciter un rejet a priori ;

- veiller au suivi de l'application de la réforme du LMD, s'agissant notamment de la procédure d'habilitation, bien que seule une minorité des interlocuteurs souhaite revenir au cadrage national.

M. Jean-Philippe Lachenaud, rapporteur spécial de la commission des finances, a jugé que l'urgence, tout autant que la prudence s'imposaient, ainsi que l'absolue nécessité de réformer le volet aide sociale, en particulier son aspect logement. Il a, enfin, estimé que le LMD offrait l'occasion d'une réforme en profondeur, qui posait toutefois la question du taux d'échec en premier cycle universitaire, et il a demandé s'il ne conviendrait pas de renforcer le dispositif d'orientation des jeunes.

M. Ivan Renar a regretté que l'enseignement supérieur n'ait pas été inclus dans le grand débat sur l'Ecole, notamment pour les jeunes qui risquent de mal le comprendre.

Les réactions suscitées par les réformes annoncées par le Gouvernement expriment un réel malaise des étudiants et leurs inquiétudes pour l'avenir. Il a considéré que les critiques portaient moins sur le système du LMD, qui correspond à une nécessité européenne, au demeurant perçue par les étudiants, que sur les projets relatifs à l'autonomie et à la régionalisation des universités. Ces sujets méritent un débat approfondi. En effet, l'engagement des collectivités territoriales dans la politique universitaire constitue un atout à prendre en compte. Il a considéré que le véritable enjeu, pour les universités de taille moyenne, était le maintien d'activités de recherche, qui constitue une garantie pour assurer l'égalité entre les étudiants.

M. Luc Ferry, ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche, a rappelé qu'à son arrivée au ministère, des divergences demeuraient entre les universités, les grandes écoles d'ingénieurs et celles de commerce sur la mise en oeuvre du système LMD et, en particulier, sur le processus d'habilitation des diplômes. Cette difficulté a pu être résolue grâce à la mise en place du principe selon lequel un diplôme national correspond à une habilitation nationale délivrée par une commission unique. A cet égard, la procédure actuelle d'habilitation a un caractère national plus marqué que celle en vigueur auparavant.

Il a estimé que le système d'aide sociale aux étudiants, très inégalitaire, devait être réformé. Le rapport de M. Jean-Paul Anciaux comporte, à cet égard, des pistes de réforme intéressantes. Des propositions seront faites très rapidement aux étudiants, tant en matière de démocratisation de la vie universitaire que d'accompagnement social, en concertation avec les associations représentatives d'étudiants.

Le ministre s'est étonné de certaines déclarations affirmant que les formations à bac + 2 et à bac + 4 seraient supprimées dans le cadre de la mise en place du LMD, alors que cette perspective n'est en aucun cas envisagée par le Gouvernement.

Il a considéré qu'inclure l'enseignement supérieur dans le grand débat sur l'Ecole aurait risqué d'en hypothéquer les résultats.

Il a estimé souhaitable de tenir compte de l'expérience réelle de la mise en place du système LMD avant d'engager la réforme des universités, dont l'intitulé exact n'est pas encore arrêté et dont le calendrier devra être établi au regard de l'ensemble du programme gouvernemental.

Il s'est déclaré favorable à l'élaboration d'un plan pluriannuel en faveur des universités.

Si de nombreux progrès ont d'ores et déjà été enregistrés pour améliorer l'orientation des étudiants et remédier à l'échec, le conseil d'orientation, dont la création est envisagée, pourrait jouer un rôle utile en ce domaine.

S'il a refusé l'idée d'un cadrage a priori des diplômes, il a estimé utile que les commissions de suivi et les présidents d'université puissent veiller à ce qu'une trop grande hétérogénéité ne s'instaure et à ce que soit préservé un socle commun pour les diplômes d'une même discipline. Il a relevé qu'outre la garantie que représentait la procédure d'habilitation, les diplômes étaient en réalité aujourd'hui les mêmes.

Mme Monique Papon a souhaité avoir des précisions sur les intentions du Gouvernement en matière de réglementation des droits de scolarité. Par ailleurs, elle s'est interrogée sur les moyens à mettre en oeuvre pour favoriser la réussite des étudiants, qui se joue dans les six premiers mois de leur présence à l'université. Enfin, elle a déclaré que, si l'université n'y avait pas été incluse, ce que l'on pouvait regretter, le grand débat sur l'Ecole ne manquerait pas de mettre en évidence les préoccupations, notamment des parents, à ce sujet.

M. Pierre Laffitte a considéré que, dans la pratique, l'autonomie des universités existait d'ores et déjà au niveau des formations doctorales. En effet, les laboratoires, qui bénéficient de l'appui des entreprises, des fondations de droit privé ou des collectivités territoriales, jouissent d'un tel statut. Il s'agit, au demeurant, d'un élément essentiel de leur attractivité. Il a estimé nécessaire de réhabiliter l'excellence, objectif qui peut se réaliser à tous les niveaux de qualification et qui constitue la condition nécessaire à la fois pour attirer en France les meilleurs étudiants, mais aussi pour mobiliser des fonds en faveur de la formation supérieure. Dans cette perspective, il s'est demandé dans quelle mesure pourrait être initiée une politique de soutien à des pôles d'excellence au niveau doctoral.

M. Maurice Blin, tout en exprimant son total soutien à l'action du ministre, a souhaité savoir comment la France se situait par rapport à ses voisins européens, en termes d'effort public en faveur de l'enseignement supérieur. Il s'est interrogé, dans la perspective de l'harmonisation européenne, sur la mesure des moyens que devrait dégager la France pour soutenir la concurrence des universités européennes.

M. Serge Lagauche a regretté les appréciations portées par le ministre sur la gestion budgétaire approximative des universités. Il a souhaité que le ministre, plutôt que d'imputer ses difficultés à ceux qui ont critiqué ses propositions, se demande si la réforme n'avait pas été mal expliquée. En effet, force est de constater que nombreux sont ceux qui pensent que le système LMD répond à une nécessité. Il a en outre souligné la nécessité de conserver un recul suffisant dans l'expression des uns et des autres sur des sujets aussi sensibles et stratégiques pour la communauté universitaire et l'avenir de notre système éducatif.

M. Paul Dubrule a considéré que l'attractivité pour nos universités se jouait également sur les conditions d'accueil des étudiants étrangers. Or, les résidences universitaires ont des capacités insuffisantes et sont dans un état de grande vétusté. A cet égard, il s'est demandé de quelle autonomie disposaient les présidents d'université pour remédier à cette situation, évoquant notamment la possibilité d'un recours au secteur privé.

M. Luc Ferry, ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche, a apporté les éléments de réponse suivants :

- la dimension politique de la réforme des universités ne peut être écartée, compte tenu de la nature des réactions qu'elle suscite ;

- le Gouvernement n'envisage pas de modifier le régime des droits d'inscription. Le modèle retenu par l'Institut d'études politiques (IEP) de Paris ne doit pas être généralisé, notamment afin d'écarter la tentation, pour certaines universités, dotées de faibles moyens, d'attirer des étudiants provenant de familles aisées. L'augmentation des droits d'inscription ne constitue pas la solution aux difficultés budgétaires des universités. A la rentrée 2003, les droits ont progressé dans une fourchette comprise entre 3 et 5 %, soit le taux d'augmentation le plus bas depuis ces vingt dernières années ;

- le grand débat sur l'Ecole a vocation à aborder l'articulation entre l'enseignement secondaire et l'université, en ce qui concerne les diplômes jusqu'au niveau de la licence. Si l'enseignement supérieur avait été inclus dans ce débat, on aurait pu craindre que son déroulement soit perturbé sous l'effet du mouvement de contestation de la réforme des universités ;

- des progrès ont été accomplis pour améliorer l'orientation des bacheliers technologiques et les taux d'échec ont d'ores et déjà diminué ;

- une action en faveur de la valorisation de l'excellence a été mise en place, notamment à travers les bourses d'excellence. Par ailleurs, dans le cadre du LMD, des possibilités de rapprochement au niveau européen entre universités sont ouvertes et permettent la création de pôles d'excellence ;

- au cours des dernières années, l'enseignement secondaire a été relativement surdoté par rapport à l'enseignement supérieur. Cette situation n'est pas propre à la France. Conformément aux récentes propositions du Conseil d'analyse économique et sociale, un redéploiement budgétaire des crédits de l'enseignement secondaire, à hauteur de 100 millions d'euros, a été décidé pour 2004, afin de renforcer les crédits de fonctionnement et d'investissement des universités ;

- les comparaisons en matière d'accueil des étudiants au niveau européen font apparaître le retard de la France, notamment par rapport à l'Allemagne. Les dotations budgétaires actuelles sont sans commune mesure avec les efforts nécessaires pour améliorer, de manière substantielle, l'état du patrimoine des universités. L'essentiel des crédits de contrats de plan Etat-régions devrait être consacré à la maintenance.

M. Jacques Valade, président, après avoir remercié le ministre, lui a indiqué que la commission soutenait son action et estimait nécessaire de faire prévaloir la réalité des propositions formulées par le Gouvernement, au-delà de leur perception qui pouvait, parfois, apparaître faussée.

Situation des universités - Audition de M. Yassir Fichtali, président de l'Union nationale des étudiants de France (UNEF)

La commission a enfin procédé à l'audition de M. Yassir Fichtali, président de l'Union nationale des étudiants de France (UNEF).

M. Yassir Fichtali
a tout d'abord rappelé que le processus licence-master-doctorat (LMD) avait été initié par M. Claude Allègre, puis traduit par son successeur au ministère, M. Jack Lang, par un décret et deux arrêtés publiés en avril 2002, textes auxquels l'UNEF s'était alors opposée, tout en défendant néanmoins le principe d'une harmonisation européenne des diplômes, et en participant à la création, au niveau européen, de l'Organisation étudiante représentative, reconnue auprès de la Commission européenne et du Parlement européen.

Tout en affirmant son attachement à la réforme des contenus pédagogiques des diplômes, mise en place avec difficultés en 1997 par le ministère de M. François Bayrou, que remettaient en cause les arrêtés d'avril 2002, il a souligné cinq principaux motifs d'inquiétude liés à la mise en oeuvre du dispositif LMD.

En premier lieu, M. Yassir Fichtali a regretté l'absence de réglementation des modalités d'examens dans le cadre du système LMD, alors que les arrêtés de 1997 prévoyaient à cet égard un régime de compensation annuelle, permettant de prendre en compte la progression des résultats des étudiants au cours de l'année.

Il s'est en outre inquiété de la possibilité d'organiser désormais la session de rattrapage quelques semaines seulement après les examens, au lieu du mois de septembre, ce qui n'accorde pas un temps suffisant pour les révisions.

Estimant ensuite que la réforme de 1997, qui avait introduit des maquettes de diplômes garantes de leur lisibilité, présentait certes quelques rigidités, notamment afin de renforcer la pluridisciplinarité des formations, il a indiqué que la deuxième source d'incertitude, la plus saillante, était relative au contenu des diplômes, les procédures d'habilitation a posteriori ne permettant pas d'assurer un cadrage suffisant : il s'est notamment opposé à l'instauration d'une sélection à la sortie de la licence, contraire à l'exigence d'élévation des niveaux de qualification, faisant observer, à ce titre, que la circulaire de novembre 2002 relative à l'application du système LMD autorisait, dès ce niveau, une différenciation entre les masters professionnels et les masters recherche.

M. Yassir Fichtali a en outre précisé que l'objectif qu'il partageait de favoriser la mobilité des étudiants en Europe ne s'accompagnait pas de moyens adéquats, dans la mesure où seulement 6.000 mois de bourses, autorisant 650 étudiants à partir à l'étranger pour une période de 9 mois, étaient inscrits au projet de loi de finances pour 2004.

Il a enfin fait part de son inquiétude quant au risque de dévalorisation des diplômes intermédiaires, équivalent au diplôme d'études universitaires générales (DEUG) ou à la maîtrise, qui pâtiront d'un manque de lisibilité au sein du système LMD. Quant aux diplômes universitaires de technologie (DUT) ou brevets de techniciens supérieurs (BTS), il a souhaité que ces formations, dont le coût est plus élevé que celui des formations générales, puissent garantir l'accès de leurs étudiants au niveau de la licence professionnelle, alors qu'il existe actuellement une sélection à l'entrée.

Revenant sur le projet de loi relatif à l'autonomie des universités, il a regretté que le Gouvernement n'ait envisagé ce texte que sous l'angle des intérêts catégoriels, et non sous celui de la responsabilisation des différents acteurs de l'université.

Il a affirmé que cette responsabilisation était pourtant nécessaire, à l'heure où notre pays tente de réformer un système universitaire qui demeure, malgré tout, l'un des plus performants au monde.

A ce propos, il a souligné que les étudiants étaient les seuls électeurs à ne pas recevoir les professions de foi des différents candidats aux instances universitaires représentatives. Il a regretté que le ministre soit fermement opposé à l'évolution de cette situation susceptible de favoriser l'abstentionnisme en milieu étudiant.

Il a indiqué que le projet de loi relatif à l'autonomie des universités contenait des dispositions inacceptables pour l'UNEF.

Il a notamment souligné que la possibilité offerte aux universités formant des cadres du tertiaire d'adopter le statut des universités technologiques était une forme de provocation à l'encontre des idées défendues par l'organisation syndicale. Il a précisé que cette option, en permettant aux universités d'établir une sélection à l'entrée, avait pour objectif principal de légitimer la politique de recrutement adoptée par l'université Paris IX-Dauphine.

Un débat s'est ensuite engagé.

M. Jacques Valade, président, a souhaité connaître la position de l'UNEF sur les différentes réformes réalisées par l'Institut d'études politiques de Paris.

M. Jean-Philippe Lachenaud, rapporteur spécial du budget de l'enseignement supérieur pour la commission des finances, s'est étonné que l'UNEF ne tire pas toutes les conséquences des critiques formulées à l'encontre de la réforme LMD et ne demande pas son retrait.

Il a précisé que le but de l'université n'était pas seulement d'accroître son fonctionnement démocratique, mais aussi d'améliorer la formation des étudiants. Il a souligné à cet égard que l'ouverture sur l'Europe des universités françaises était un atout à ne pas négliger.

Il s'est enfin étonné qu'une organisation syndicale étudiante puisse soutenir un cursus universitaire archaïque et corporatiste.

M. Paul Dubrule a regretté qu'aucun véritable projet d'avenir pour l'université française ne soit perceptible dans les propos de M. Yassir Fichtali.

Répondant à ces interventions, M. Yassir Fichtali a apporté les précisions suivantes :

- l'UNEF a soutenu la mise en place du dispositif permettant aux élèves scolarisés dans les zones d'éducation prioritaires (ZEP) d'intégrer l'IEP de Paris sans passer d'épreuve de sélection à l'entrée. Cette réforme a permis de créer un véritable électrochoc et d'initier un débat intéressant sur la démocratisation de cet établissement ;

- l'organisation syndicale est en revanche opposée à l'adoption d'un système de modulation du montant des frais d'inscription en fonction des revenus des élèves. Ce système est injuste car il repose sur le postulat que les revenus des étudiants sont strictement proportionnels à ceux de leurs parents ;

- l'UNEF, compte tenu des difficultés liées à la mise en place de la réforme LMD, plaide, depuis l'origine, pour un moratoire et l'ouverture de discussions permettant l'édiction de mesures réglementaires complémentaires.

En dépit du refus opposé à cette demande, et après plusieurs semaines de mobilisation étudiante, le ministre a tout de même reconnu la pertinence de ces revendications en admettant, devant l'Assemblée nationale, que l'hétérogénéité des établissements universitaires nécessitait la mise en place d'aménagements spécifiques ;

- si l'UNEF s'est déclarée favorable à l'esprit de la réforme LMD, les difficultés de mise en oeuvre rencontrées dans un certain nombre d'établissements ont conduit les représentants du syndicat dans les instances de décision universitaires à voter contre son application ;

- l'UNEF est une organisation syndicale étudiante qui a soutenu et accompagné un grand nombre de réformes universitaires. Pour l'avenir, elle souhaite promouvoir des évolutions pédagogiques, afin de rénover des modalités d'enseignement archaïques, mais aussi sociales, dans l'espoir de mettre fin à un système d'aide injuste, inefficace et illisible ;

- l'UNEF, principale organisation étudiante, n'accepte pas que ses propositions aient été sciemment ignorées par le ministère, tant en ce qui concerne la réforme LMD qu'au niveau du projet de loi relatif à l'autonomie des universités. Il convient d'ailleurs de préciser que l'organisation n'a jamais affirmé que ces deux réformes étaient susceptibles d'entraîner la privatisation progressive des établissements universitaires. Elle tient toutefois à préciser que les pressions marchandes sur ces mêmes établissements s'exerceront d'autant plus facilement que l'Etat se désengagera de la gestion du système éducatif national ;

- la mission principale de l'université est de former des personnels compétents et qualifiés, capables de changer plusieurs fois d'activité dans leur vie, mais aussi des citoyens avisés. Le rôle socialisant du milieu universitaire ne doit pas être sous-estimé au motif qu'il serait secondaire ;

- l'ampleur et la durée de la mobilisation étudiante traduisent l'existence de réelles inquiétudes quant aux effets des réformes proposées par le ministère. Ces craintes sont, pour la plupart, légitimes et l'UNEF a pour mission de les apaiser en proposant des solutions crédibles.