Table des matières




Mardi 3 juin 2003

- Présidence de M. Jacques Valade, président. -

Recherche - Exécution budgétaire pour 2003 - Audition de Mme Claudie Haigneré, ministre de la recherche et des nouvelles technologies

La commission a entendu Mme Claudie Haigneré, ministre de la recherche et des nouvelles technologies.

Accueillant la ministre, M. Jacques Valade, président, a indiqué que cette audition, qui répondait à la demande formulée par plusieurs commissaires, devait permettre d'aborder, d'une façon générale, les questions qui relèvent du champ d'attribution de son département ministériel et notamment ses perspectives budgétaires, et a souhaité que quelques précisions puissent également être apportées sur le déroulement du programme ITER (International Thermonuclear Experimental Reactor).

Dans un exposé liminaire, Mme Claudie Haigneré, ministre de la recherche et des nouvelles technologies, s'est réjouie de pouvoir présenter devant la commission un bilan intermédiaire de son action, un an après sa prise de fonctions, en insistant d'abord sur quelques points forts, puis en abordant l'exécution du budget pour 2003 et les perspectives du projet de budget pour 2004.

Elle a reconnu que les difficultés budgétaires avaient pu, dans le courant de l'année, susciter, dans les milieux scientifiques, des inquiétudes qui ont nécessité un important dialogue social.

Abordant le bilan de son action, elle a d'abord évoqué le secteur spatial, fortement marqué, lors de sa prise de fonctions, par la crise interne du Centre national d'études spatiales (CNES) et par l'échec du vol 517 d'Ariane, révélateur de multiples difficultés de fonctionnement. Estimant que la France et ses partenaires européens avaient su se ressaisir sur ces enjeux stratégiques, elle a notamment rappelé que le CNES était dorénavant doté d'une programmation à moyen terme respectueuse de ses perspectives budgétaires. Elle s'est félicitée que, grâce à des efforts conjoints de ses partenaires, l'accord sur Galileo permette effectivement de lancer la phase de développement d'un programme stratégique pour l'Europe, avec pour objectif le lancement d'un premier satellite en 2005, et la réalisation de la constellation complète en 2008. Indiquant que le secteur des lanceurs avait été restructuré, elle a relevé que la mobilisation unanime des Etats membres de l'Agence spatiale européenne avait permis la stabilisation et la pérennisation de la filière Ariane 5 et une préparation du lanceur du futur en partenariat avec la Russie. Elle a noté que la France avait pris l'initiative, en outre, de proposer que soit inscrite la mention d'une compétence spatiale dans le futur traité sur l'Union européenne. Elle a également annoncé le succès du lancement, la veille, de la sonde Mars-Express, première sonde européenne destinée à l'exploration planétaire. Elle a ensuite évoqué le projet ITER de réacteur expérimental international pour la fusion thermonucléaire qui a vocation à expérimenter les conditions d'une fusion thermonucléaire contrôlée par confinement magnétique.

A cet égard, elle a indiqué que la mise au point d'un réacteur de démonstration permettrait d'envisager la possibilité, à l'horizon 2050, de produire de l'énergie grâce à la fusion nucléaire, dans des conditions convergeant avec les impératifs du développement durable.

Elle a estimé que la réalisation de ce projet, qui constituera une des conquêtes du XXIe siècle, devait être envisagée au moins à l'échelle européenne, rappelant que s'étaient déjà joints à l'Union européenne d'autres partenaires : la Russie, la Chine, le Japon, le Canada et plus récemment les Etats-Unis. Elle a indiqué que quatre candidatures -une candidature canadienne, une japonaise et deux européennes, dont une candidature française portant sur le site de Cadarache- avaient été déposées pour accueillir l'implantation de ce projet, ajoutant que la Commission européenne avait mis en place une procédure pour départager les deux candidatures européennes.

Faisant état du rassemblement sur le site de Cadarache des activités françaises en matière de fusion nucléaire, et de la mobilisation des collectivités territoriales pour améliorer l'attractivité du site, elle a estimé que la France disposait d'un très bon dossier. Elle a rappelé que la détermination du site appelé à représenter la candidature européenne aurait lieu en septembre et que la décision finale serait arrêtée en fin d'année, de façon concomitante avec le montage financier et industriel.

Elle a ensuite présenté le plan de lutte contre le cancer élaboré en collaboration avec le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées, sur la demande du Président de la République et a indiqué que celui-ci s'appuierait sur la mise en place de Canceropoles, lieux de recherche et d'innovation, qui illustrent ce que pourrait être la recherche de l'avenir avec une continuité entre la recherche fondamentale et ses applications pratiques en matière de soins ou de prévention.

Evoquant le travail important réalisé dans le cadre du « Plan innovation », en collaboration avec la ministre de l'industrie, elle a espéré que celui-ci déboucherait, dès l'automne, sur l'examen par le Parlement d'un projet de loi mettant en oeuvre ses orientations, et permettant notamment de compléter le dispositif nécessaire au bon fonctionnement des fondations de recherche, institué par le texte relatif au mécénat, aux fondations et aux associations.

Souhaitant, en conclusion, répondre aux demandes formulées par les milieux scientifiques qui, par-delà le sentiment de n'être pas assez soutenus, aspirent à une plus grande souplesse et à une plus grande ouverture, elle a précisé, qu'en liaison avec les organismes de recherche, les universités et les entreprises, elle avait ouvert une réflexion -les chantiers de la science- sur les évolutions qui permettront à la recherche, à l'horizon 2010, d'être à la hauteur des enjeux du futur.

Passant à la seconde partie de son exposé, consacrée aux questions budgétaires, la ministre a indiqué que les crédits de son département ministériel ouverts en loi de finances initiale pour 2003 étaient en baisse de 1,3 % , à périmètre constant, mais que la mobilisation des trésoreries dormantes des établissements de recherche, évaluées à près de 700 millions d'euros, permettait en réalité une hausse de 5 % des crédits disponibles, progression ramenée à 4 % du fait de l'annulation de 100 millions d'euros de crédits à la fin de 2002.

Elle a rappelé qu'à la suite de l'avertissement adressé à la France par la Commission européenne, 117 millions d'euros de crédits de paiement et 123 millions d'euros d'autorisations de programme avaient également dû être annulés au budget de la recherche, dans le cadre d'une mesure touchant l'ensemble du budget de l'Etat. Elle a cependant souligné que, devant les difficultés considérables que soulevaient, par-delà cette annulation, les réserves de précaution, le Premier ministre avait, sur sa demande, accepté de lever les mises en réserve touchant les établissements publics, scientifiques et techniques, les établissements publics industriels et commerciaux et les fondations. Ainsi près de 200 millions d'euros d'autorisations de programme et 80 millions de crédits de paiement ont été rendus aux laboratoires.

Evoquant ensuite les reports de crédits de l'année 2002, actuellement mis en réserve et non encore versés aux établissements, elle a précisé qu'ils seraient mobilisés en tant que de besoin pour éviter un défaut de trésorerie dans les organismes, ou seraient versés, en majeure partie au dernier trimestre de 2003, pour reconstituer les fonds de roulement.

Résumant son propos, elle a indiqué que le montant des crédits annulés s'élevait à 118 millions d'euros en 2001, 100 millions d'euros en 2002, et 117 millions d'euros en 2003.

Elle a par ailleurs noté que malgré un investissement modéré des entreprises, les chiffres de la dépense intérieure de recherche et développement devraient être favorables.

Elle a ensuite estimé que le taux de consommation des crédits des établissements publics scientifiques et techniques avait connu, en 2002, une forte croissance, et s'améliorerait encore en 2003, si l'on en jugeait par les quatre ou cinq premiers mois de l'année.

Elle a souligné qu'en 2003, les établissements de recherche disposeraient globalement de crédits supérieurs de 6 % à leur niveau de consommation de 2002, et qu'en conséquence, leur dépense réelle avait augmenté de 17 % entre 2001 et 2003. Elle a en revanche admis que le bilan des établissements publics industriels et commerciaux était moins bon, en raison de l'évolution des crédits du Centre national d'études spatiales et du Centre pour l'énergie atomique, qui ont traditionnellement un poids prépondérant.

Elle a indiqué que la mobilisation des trésoreries dormantes, largement consommées en 2003, ne ferait pas l'objet d'une mesure de reconduction dans le projet de loi de finances pour 2004.

Un débat a suivi cet exposé.

M. Jacques Valade, président, s'est réjoui des résultats brillants enregistrés en matière de politique spatiale et de fusion thermonucléaire, des perspectives encourageantes ouvertes par la lutte contre le cancer et de l'intérêt des mesures de soutien à la recherche à travers les dispositions en faveur de l'innovation et des fondations.

M. Pierre Laffitte, rapporteur pour avis des crédits de la recherche et de l'innovation technologique, s'est félicité de ce que la politique de recherche française ait franchi des étapes importantes avec l'accord sur le projet Galiléo et les avancées enregistrées sur le programme ITER, qui a pris une bonne direction. Il a indiqué avoir rencontré le Haut commissaire à l'énergie atomique à Sophia Antipolis pour identifier à l'avance les domaines connexes à ces projets qui nécessiteront un important effort de recherche fondamentale, de façon à permettre aux unités de recherche d'anticiper le renouveau de domaines qui ont été parfois négligés.

Il a demandé à la ministre de lui préciser les axes majeurs autour desquels s'organisait son action, insistant sur la nécessité de les articuler autour de pôles d'excellence dont il a souhaité le renforcement, et de s'inspirer de la politique conduite par l'Institut national de la recherche en informatique et automatique, qui jouit aujourd'hui d'une reconnaissance internationale et mène avec succès une action de transfert technologique en direction du secteur privé qui gagnerait à être généralisée.

Il a également souhaité des précisions sur le projet de budget du ministère de la recherche et des nouvelles technologies pour 2004, dont il a estimé qu'il devait être un budget préparant l'avenir.

Il a estimé nécessaire une démarche en direction des institutions européennes visant à soustraire aux contraintes budgétaires du Pacte de stabilité un programme tendant à la réalisation de grandes infrastructures de recherche européennes et bénéficiant, le cas échéant, du soutien de la Banque européenne d'investissement.

Enfin, il a interrogé la ministre sur son intention de renforcer la coopération internationale en matière de recherche, estimant pour sa part qu'une action plus forte et plus coordonnée permettrait aux organismes de recherche d'améliorer les aides financières qu'ils obtiennent au titre des programmes européens.

M. André Vallet s'est réjoui des progrès enregistrés dans la réalisation du programme ITER et des chances que son implantation se fasse sur le territoire français. Il a demandé des précisions sur l'autorité qui aurait compétence, à la fin de l'année, pour décider de l'implantation de cet équipement, sur le montant et la ventilation des financements nécessaires à sa réalisation, sur les retombées économiques, notamment en termes d'emploi, qu'il aurait, pour la région française qui l'accueillerait, et sur les réponses à apporter aux riverains quant aux craintes suscitées par d'éventuelles nuisances.

M. François Autain a demandé si la brochure relative au programme ITER distribuée par la ministre était également disponible en langue française. Notant que l'objectif ambitieux d'une dépense intérieure de recherche et développement égale à 3 % du produit intérieur brut avait été, semble-t-il, repoussé à l'horizon 2010, il a estimé que sa réalisation supposerait une augmentation de l'effort de recherche de 7 % par an pendant six années, rythme qui lui a paru difficile à tenir, et a souhaité connaître l'évolution, par rapport à 2003, du projet de budget pour 2004.

Evoquant l'inquiétude suscitée, dans les milieux de la recherche, par les 150 suppressions de postes inscrites au projet de budget pour 2003, et par l'éventualité que seul un départ en retraite sur deux fasse l'objet d'un remplacement, il a demandé si le projet de budget pour 2004 comporterait une nouvelle diminution du nombre de chercheurs.

Il a souhaité des précisions sur les mesures de gel de crédits, notant la décision prise par le Premier ministre d'annuler la mesure de gel de 30 % des crédits 2003, ainsi que la décision de reporter intégralement sur 2003 les crédits de l'exercice 2002 qui n'ont pas été consommés, et s'est alarmé de l'intention du ministère de l'économie et des finances de mettre en réserve 314 millions d'euros de crédits de 2002, dont 172 millions d'euros au titre du Centre national de la recherche scientifique.

M. Ivan Renar a estimé que l'avenir de la recherche était aujourd'hui confronté à une question de fond, et que si la conquête de l'espace et la fusion thermonucléaire pouvaient certes aujourd'hui s'enorgueillir de belles réalisations, le secteur de la recherche, dans son ensemble, avait besoin d'oxygène, l'annonce du dégel des crédits ne suffisant pas, à lui seul, à faire le printemps. Evoquant l'inquiétude des milieux de la recherche, il a encouragé la ministre dans son combat en faveur de la politique de recherche, rappelant le caractère préoccupant de l'évolution négative d'indicateurs comme le poids relatif de l'emploi scientifique dans la population française, le nombre de brevets déposés, la crise des vocations scientifiques à l'université et l'exil des jeunes chercheurs.

Il a considéré que la perspective du renouvellement de près de la moitié des effectifs de la recherche publique dans les dix années à venir constituait un enjeu majeur, appelant des décisions sans commune mesure avec tout ce qui avait été entrepris jusqu'à présent.

Rappelant que le rang international des nations dépend aujourd'hui de l'investissement dans la matière grise, il a souhaité que la France ne relâche pas son effort au moment où les autres nations se mobilisent. Sans négliger le rôle que peut jouer en ce domaine le secteur privé, il a cependant souhaité insister sur la responsabilité qui revient à l'Etat pour donner l'impulsion et définir les axes d'une grande politique, conforme aux engagements pris par le Président de la République.

M. Serge Lagauche a estimé que dans un contexte marqué par une concurrence internationale de plus en plus vive, la France n'était pas dans une bonne position, et que les pouvoirs publics, tous courants politiques confondus, ne consentaient plus, depuis longtemps, les efforts nécessaires en matière de formation scientifique dès le plus jeune âge, ou en matière de formation universitaire. Il a estimé que dans la situation critique où se trouvait aujourd'hui la recherche française, si une reprise n'était pas opérée très rapidement, les retards deviendraient très difficiles à combler. Il a rappelé que la recherche avait, il y a plusieurs années, fait l'objet d'une politique volontariste qui a porté des fruits que l'on voit actuellement disparaître, comme le Concorde, mais que cette volonté était depuis retombée. Le consensus des pays européens en faveur d'une augmentation du poids relatif des dépenses de recherche par rapport au PIB témoigne d'une prise de conscience opportune, même si la plupart des pays éprouvent des difficultés à réaliser cet objectif. Aussi a-t-il indiqué à la ministre qu'il lui apportait son soutien pour défendre ce qu'il considère comme une grande cause nationale et européenne.

M. Jacques Valade, président, a attiré l'attention de la ministre sur le sentiment partagé par l'ensemble de la commission que la recherche méritait une véritable mobilisation nationale à la mesure des ambitions qu'elle suscite, et des inquiétudes qu'elle inspire. Tout en rappelant le soutien qu'un grand nombre de sénateurs a apporté à la politique en faveur de la sécurité ou au renforcement de la défense nationale, il a estimé que ces actions ne devaient pas s'effectuer au détriment de domaines comme la formation ou la recherche, qui sont cruciaux pour l'avenir du pays.

Tout en se réjouissant des succès remportés par la France dans le domaine spatial ou celui de la fusion nucléaire, qui montrent le niveau auquel peut se situer notre appareil de recherche, il a estimé que celui-ci devait être épaulé par des effectifs de chercheurs suffisants en qualité et en nombre, par l'arrivée de jeunes gens très bien formés, et par une ambiance de recherche qui ne doit pas être perturbée par des considérations étrangères à la science.

Il a indiqué à la ministre que les membres de la commission, toutes tendances confondues, souhaitaient lui apporter un soutien stimulant pour défendre les moyens de la politique de recherche.

Mme Claudie Haigneré, ministre de la recherche et des nouvelles technologies, a apporté aux différents intervenants les précisions suivantes :

- les orientations fixées dans la lettre de cadrage devront être améliorées de façon à maintenir le potentiel de la recherche publique et de la recherche privée ;

- il faut favoriser les conditions de la mobilité des chercheurs, notamment à l'échelle européenne ;

- le projet de budget pour 2004 devra, grâce à un train de mesures en faveur des jeunes, leur ouvrir des perspectives dans le domaine des sciences ;

- la levée du gel des crédits a été confirmée le 9 avril par le Premier ministre ;

-  la croissance potentielle de 5 % en exécution du budget pour 2003, qui a été réduite d'un point par l'annulation des crédits à la fin 2002, et l'exécution du budget 2002, qui devrait être positive, vont l'une et l'autre dans la direction de l'objectif d'un effort de recherche égal à 3 % d'ici l'horizon 2010, fixé par le Premier ministre dans sa déclaration de politique générale ;

- une impulsion publique est en effet nécessaire pour mobiliser les différents acteurs, publics et privés, français et européens, de la recherche ;

- de nouvelles voies sont envisagées en matière de politique de l'emploi scientifique pour donner de la souplesse, en cherchant à faire évoluer, sans le renier, le modèle de la recherche publique française, qui doit faire preuve, à l'avenir, de davantage de réactivité ;

- la brochure de présentation du projet ITER est effectivement en anglais pour sa présentation européenne, mais il existe d'autres documents en français ;

- le projet ITER fera l'objet d'un débat public ;

- le régime favorable dont pourrait bénéficier un programme européen d'infrastructures de recherche au regard du Pacte de stabilité, est un projet intéressant, auquel le Premier ministre a récemment fait allusion, et qui pourrait être soutenu par la présidence italienne de la Commission européenne ;

- la décision définitive relative à une implantation du projet ITER sera prise par les pays partenaires du projet, en fonction des qualités intrinsèques du site, mais aussi de son environnement. Son coût global est évalué à 10 milliards d'euros, dont 5 milliards en investissements.

Mercredi 4 juin 2003

- Présidence de M. Jacques Valade, président. -

Patrimoine - Modification de la loi n° 201-44 relative à l'archéologie préventive - Audition de M. Jean-Jacques Aillagon, ministre de la culture et de la communication

La commission a tout d'abord procédé à l'audition de M. Jean-Jacques Aillagon, ministre de la culture et de la communication, sur le projet de loi n° 320 (2002-2003) relatif à l'archéologie préventive.

M. Jean-Jacques Aillagon a souligné, à titre liminaire, que depuis une trentaine d'années, la croissance urbaine, économique et sociale, l'essor des transports et des infrastructures avaient entraîné le développement de l'archéologie préventive, qui était désormais à l'origine d'environ 80 % des connaissances archéologiques françaises.

Il a rappelé que la loi du 17 janvier 2001 avait donné un cadre juridique à cette discipline et créé l'Institut national de recherches archéologiques préventives (INRAP). Sa mise en oeuvre, engagée au début de l'année 2002, s'est rapidement heurtée à de grandes difficultés, a suscité un mécontentement généralisé et a conduit l'INRAP au bord de la faillite.

Si elle a eu le mérite de consacrer le caractère de service public de l'archéologie préventive et de conférer un fondement juridique aux opérations de terrain, la loi du 17 janvier 2001 portait cependant en elle les germes de nombreux dysfonctionnements.

En premier lieu, le monopole d'exécution des diagnostics et des fouilles était confié à un établissement public doté de droits exclusifs, sans le moindre système de régulation. Cette situation conduisait inévitablement à un engorgement de cet établissement. Le nombre des prescriptions archéologiques est passé de 2.000 en 2001 à 4.000 en 2002. Dans ce contexte, l'INRAP n'a pu maîtriser ni ses effectifs ni ses délais d'exécution. Le déficit de l'établissement public à la fin de l'année 2003 a été estimé à 40 millions d'euros par un audit effectué en avril 2003 conjointement par l'inspection générale des finances, l'inspection générale de l'éducation nationale et de la recherche et l'inspection générale de l'administration des affaires culturelles.

En second lieu, les mécanismes de financement de l'INRAP ont révélé leur inadaptation. Le financement des opérations est en effet assuré par des redevances qui se sont avérées complexes et peu équitables.

Calculées selon des formules extrêmement compliquées, ces redevances, tout en étant très lourdes pour certains aménageurs, sont insuffisantes pour couvrir les frais de fonctionnement de l'INRAP. Cette déconnexion entre le coût des opérations archéologiques et les ressources perçues par l'établissement constitue le premier vice du système de financement.

Par ailleurs, les redevances sont inéquitables. Leur mode de calcul fait peser une charge relativement plus lourde sur les opérations réalisées dans les communes rurales que sur celles réalisées dans les communes urbaines. Cette situation a généré des conflits qui ont abouti, à la fin de l'année 2002, à l'adoption par le Parlement d'une disposition visant à abaisser le montant des redevances.

Le ministre a souligné que le projet de loi répondait à la nécessité de doter l'archéologie préventive de l'organisation administrative et de l'ambition scientifique qu'elle méritait. Ce projet de loi a été élaboré en concertation avec le ministère de la recherche, co-tuteur de l'archéologie préventive, les ministères de l'équipement et des finances, ainsi qu'avec les acteurs de l'archéologie préventive et les parlementaires.

Ce projet de loi qui respecte les engagements pris par la France dans le cadre de la convention de Malte, ratifiée en 1992, vise à renouer le dialogue entre les aménageurs, l'Etat et l'INRAP.

Le ministre a présenté les principales orientations de la réforme proposée.

En premier lieu, les compétences de l'Etat et les prérogatives dont disposent ses représentants pour les exercer sont réaffirmées.

L'Etat et ses services déconcentrés joueront dans le nouveau dispositif un rôle majeur. C'est à eux que reviendra l'édiction des prescriptions d'archéologie préventive, après l'avis, le cas échéant, des experts scientifiques représentés au sein des commissions interrégionales et du conseil national de la recherche archéologique, la désignation du responsable des opérations ainsi prescrites, l'autorisation de réaliser les fouilles, le contrôle de leur déroulement, mais également l'évaluation de leur résultat ainsi que l'agrément des différents opérateurs et le suivi de la publication des résultats.

Le ministre a fait observer que l'établissement public créé par la loi du 17 janvier 2001 conserverait son caractère administratif et que le statut de son personnel ne serait pas modifié. L'INRAP restera un acteur essentiel de la recherche archéologique nationale pour l'ensemble de la chaîne scientifique, qui va du diagnostic à la valorisation des résultats des fouilles.

A cet égard, il a indiqué que le projet de loi prévoyait l'obligation pour l'établissement public d'assurer la continuité d'une fouille que l'opérateur initialement retenu serait contraint d'abandonner. Le texte précise également que la réalisation d'une fouille pour laquelle aucun opérateur n'a pu être désigné incombera à l'établissement public. Enfin, l'Etat et l'INRAP seront destinataires des rapports de fouilles réalisés par d'autres opérateurs.

Le ministre a également relevé que le monopole du service public sur les diagnostics était maintenu, afin de garantir l'objectivité de ces opérations qui seront réalisées, soit par l'INRAP, soit par les services archéologiques des collectivités territoriales.

Le second objectif du projet de loi est l'ouverture de l'archéologie préventive aux collectivités territoriales.

Le système actuel ne permettait l'intervention des services territoriaux qu'en qualité de sous-traitants de l'INRAP, ce qui conduisait à entraver leur développement, et revenait à méconnaître le contexte archéologique spécifique à chaque région.

Dans le nouveau système les services archéologiques agréés des collectivités territoriales se verront confier la pleine responsabilité de l'exécution des diagnostics et des fouilles. Le ministre a fait observer que leur développement était l'une des clés de la réforme.

Les collectivités territoriales partageront le monopole de la réalisation des diagnostics avec l'INRAP. Elles pourront décider de réaliser des diagnostics, soit pour un projet ponctuel, soit de manière générale sur l'ensemble des opérations d'aménagement réalisées sur leur territoire pour une durée minimale de trois ans. Dans ce cas, l'établissement public n'interviendra plus sur ce territoire, sauf s'il est appelé par la collectivité, et cette dernière percevra la redevance. Il s'agit d'une véritable décentralisation opérationnelle.

Le projet de loi préserve cependant le principe de libre administration des collectivités territoriales et les prérogatives de maîtrise d'ouvrage de l'aménageur public. Dans le cas où plusieurs collectivités territoriales seraient compétentes, le projet de loi accorde la priorité pour la réalisation des diagnostics à la collectivité la plus proche. De même, un aménageur public aura la possibilité de s'opposer à la réalisation du diagnostic par le service archéologique territorial et de préférer l'établissement public.

Par ailleurs, les collectivités territoriales pourront recruter des agents de l'établissement public en qualité d'agents non titulaires afin de bénéficier pleinement des compétences développées au sein de l'établissement public.

Enfin, cette réforme a pour objet d'assurer un financement pérenne de l'archéologie préventive.

A ce titre, elle repose sur trois piliers.

D'une part, la redevance d'archéologie préventive sera désormais perçue sur tous les aménagements réalisés sur un terrain d'une superficie égale ou supérieure à 5.000 m2. L'élargissement de l'assiette de la redevance permet de retenir un taux relativement faible, fixé à 32 centimes d'euros par mètre carré, soit un taux comparable à celui retenu actuellement par la loi pour la redevance de diagnostic. L'assiette et le mode de calcul de la redevance permettront aux aménageurs d'anticiper son coût en amont de la réalisation de leur projet.

La redevance répondra au souci exprimé par tous les partenaires de garantir une meilleure mutualisation du financement de l'archéologie préventive. Elle permettra d'assurer l'exécution de l'ensemble des diagnostics sur le territoire national, de mettre en place un fonds de péréquation pour assurer la prise en charge du coût de fouilles qui s'avèreraient trop onéreuses au regard des capacités contributives des aménageurs, et enfin d'assumer l'exploitation et la diffusion du résultat des recherches. Enfin, elle garantira à l'INRAP un financement durable.

D'autre part, les fouilles seront financées par les aménageurs au prix convenu avec l'opérateur. Ces fouilles pourront être réalisées par l'INRAP, les services archéologiques des collectivités territoriales ou par des opérateurs scientifiques, publics ou privés, qui auront été agréés par l'Etat. L'Etat autorisera les fouilles après avoir contrôlé la conformité du projet présenté par l'opérateur choisi par l'aménageur avec les prescriptions émises par l'autorité administrative.

Le projet de loi ne consiste pas en une « privatisation » de l'archéologie préventive, mais à une ouverture de cette discipline à une diversité d'intervenants, dont les compétences scientifiques seront contrôlées par l'Etat.

Enfin, un fonds de péréquation permettra de prendre en charge une partie du coût des fouilles pour les aménageurs les plus modestes et donc de garantir leur qualité scientifique. Les subventions seront accordées par l'Etat aux aménageurs en fonction de critères qui seront déterminés par une commission. Ainsi, il sera mis fin à la situation absurde née de la loi du 17 janvier 2001 qui, du fait de la nature fiscale de la redevance, ne permettait pas à l'Etat d'en assurer la charge pour le compte d'un aménageur.

Un débat s'est alors engagé.

M. Jacques Valade, président, a émis le voeu que le nouveau texte garantisse la préservation du patrimoine archéologique tout en rendant possible la réalisation des projets d'aménagements à des coûts maîtrisables.

M. Jacques Legendre, rapporteur, a rappelé que, lors de l'examen de la loi du 17 janvier 2001, le Sénat avait exprimé des inquiétudes sur l'efficacité des mécanismes qu'elle mettait en place.

Approuvant les propos du président Jacques Valade, il a estimé nécessaire que la nouvelle loi parvienne à concilier les demandes légitimes des aménageurs avec les exigences de la conservation du patrimoine.

Il a exprimé le souhait que le nouveau dispositif n'aboutisse pas à un allongement des délais imposés aux aménageurs. Il a demandé au Gouvernement de prendre en compte cette préoccupation dans l'élaboration des textes d'application de la loi.

Il a regretté que le mode de calcul de la redevance reproduise le déséquilibre entre les zones rurales et les zones urbaines qu'avait suscité le mécanisme actuel des redevances d'archéologie préventive. Il s'est demandé s'il ne serait pas souhaitable de retenir un seuil plus bas que celui retenu par le projet de loi, fixé à 5.000 m2, pour soumettre les projets d'aménagements à la redevance, tout en étant conscient de la nécessité de ne pas obérer le rendement de la redevance par des coûts de recouvrement excessifs. Il a en outre estimé impératif de disposer d'un produit fiscal suffisant pour assurer de manière durable le financement de l'archéologie préventive, et notamment, garantir l'efficacité des mécanismes de péréquation. Il a regretté que les estimations fournies par le Gouvernement sur le produit attendu de la redevance comportent encore une part d'approximation. Il s'est interrogé également sur la pertinence des modalités de recouvrement de la redevance retenues par le projet de loi qui en confie la perception à l'établissement public.

Il s'est par ailleurs interrogé sur la place qui serait réservée dans le nouveau système aux archéologues bénévoles.

Enfin, il a souligné que l'ouverture de l'archéologie préventive à une diversité d'opérateurs exigeait un renforcement des moyens dont disposent les services de l'Etat pour en assurer le contrôle.

Après avoir regretté que les débats sur l'archéologie préventive s'inscrivent dans un contexte de crise, M. Yves Dauge a souligné que l'émergence et l'affirmation de cette discipline devaient beaucoup aux archéologues eux-mêmes. Tout en considérant que l'ouverture des opérations archéologiques aux collectivités territoriales constituait une avancée positive, il a estimé nécessaire que leur action s'inscrive dans le cadre de partenariats avec l'INRAP.

Il a considéré qu'il aurait été préférable de limiter l'objet du projet de loi à une réforme du mode de financement de l'archéologie préventive, plutôt que de remettre en cause l'ensemble des mécanismes prévus par la loi du 17 janvier 2001. Soulignant que la protection du patrimoine archéologique participait de l'identité nationale, il a exprimé des craintes face à un processus de libéralisation.

Il a regretté que l'objectif de mutualisation du coût de l'archéologie ne soit pas plus largement affirmé par le projet de loi et que les modes de calcul de la redevance ne prennent pas en compte la valeur des aménagements réalisés.

Par ailleurs, il s'est inquiété de la possible création de services archéologiques liés aux grands aménageurs et de leur capacité à réaliser des fouilles dans des conditions scientifiques satisfaisantes.

Enfin, il s'est interrogé sur les règles de propriété qu'il serait souhaitable d'appliquer aux vestiges mobiliers exhumés à l'occasion des opérations d'archéologie préventive.

Soulignant les compétences acquises par les services archéologiques territoriaux, M. Jacques Valade, président, a insisté sur la nécessité de leur conférer un rôle à part entière dans le cadre du dispositif proposé par le projet de loi.

Mme Annie David a regretté que le projet de loi attribue à des opérateurs distincts la responsabilité des opérations de terrain et celle de leur exploitation scientifique. Observant que le projet de loi confiait à l'INRAP la réalisation des fouilles pour lesquelles aucun autre opérateur n'avait pu être désigné, elle s'est demandée si cela ne revenait pas à imposer des charges insupportables à cet établissement. Elle a par ailleurs souligné qu'une des raisons du déficit de l'INRAP était la diminution des redevances archéologiques décidée dans le cadre de la loi de finances pour 2003. Elle a enfin regretté que la loi du 17 janvier 2001 soit réformée sans qu'aient été donnés à l'établissement public le temps et les moyens de faire ses preuves.

M. Pierre Martin a indiqué que le souci des aménageurs était de permettre la réalisation des fouilles archéologiques dans des délais supportables au regard des conditions de réalisation de leurs projets. Il a donc fait observer qu'il était nécessaire, non seulement de mettre en place un mécanisme de péréquation du coût des fouilles, mais également de réduire autant que possible leur durée.

En réponse aux intervenants, M. Jean-Jacques Aillagon, ministre de la culture et de la communication, a apporté les éléments de réponse suivants :

- l'ouverture des opérations d'archéologie préventive à une diversité d'opérateurs permettra à l'aménageur de mieux maîtriser les délais. La plupart des opérations feront l'objet non pas d'appels d'offres, mais de marchés de gré à gré ;

- le taux forfaitaire de la redevance, conjugué à un seuil de perception fixé à 5.000 m2, peut, en première analyse, apparaître inéquitable, car générateur d'un déséquilibre en défaveur des zones rurales. Cependant, si l'on souhaite assurer un rendement satisfaisant de la redevance, il importe de tenir compte des coûts de recouvrement. Or, dans l'hypothèse d'un abaissement des seuils de perception, les frais de recouvrement risquent d'être supérieurs au produit supplémentaire issu de l'élargissement de l'assiette. En effet, l'abaissement du seuil de 5 000 à 1 000 m2 ferait passer le nombre de dossiers traités de 4 000 à 25 000 chaque année. Par ailleurs, le déséquilibre que pourrait générer la redevance est compensé par le fait que les fouilles seront financées par les aménageurs qui en assumeront le coût réel ; or, ce coût sera vraisemblablement plus élevé pour les fouilles en zone urbaine. Enfin, l'existence d'un fonds de péréquation permettra de résorber les déséquilibres qui pourraient être constatés entre le prix des fouilles et les capacités contributives des aménageurs. Le produit estimé de la redevance s'élève à 66 millions d'euros. Ce produit bénéficiera pour environ 6 millions d'euros aux collectivités territoriales compétentes pour réaliser les diagnostics. Le fonds de péréquation disposera d'une enveloppe de 20 millions d'euros, à rapporter à un coût global annuel des fouilles évalué à 80 millions d'euros ;

- confier le recouvrement de la redevance aux services de l'Etat induirait un décalage de trésorerie préjudiciable à l'équilibre financier de l'établissement public ;

- la réalisation d'opérations archéologiques sera ouverte aux bénévoles dès lors qu'ils exerceront leur activité dans le cadre d'organismes agréés et sous le contrôle des services de l'Etat ;

- la diversification des opérateurs impose à l'Etat de renforcer les moyens dont disposent ses services pour en assurer le contrôle. Pour l'heure, ces services sont faiblement dotés en personnels et insuffisamment soumis à l'autorité des directeurs régionaux des affaires culturelles ;

- l'organisation extrêmement centralisée de l'établissement public a conduit à une autonomisation des équipes, dont le travail a souffert d'une absence de directive et d'encadrement ;

- le projet de loi fait de l'Etat le garant de la protection du patrimoine archéologique ;

- les aménageurs ne pourront retenir comme opérateurs de fouilles des structures qu'ils contrôleraient ;

- la règle selon laquelle la propriété des vestiges mobiliers est partagée pour moitié entre l'Etat et le propriétaire du terrain ne sera pas remise en cause dans le cadre de la nouvelle loi ; l'Etat pourra toujours revendiquer ou classer les biens dont il ne serait pas propriétaire ;

-  le fait que l'INRAP effectue les fouilles pour lesquelles aucun autre opérateur n'aura pu être désigné marque bien la mission de service public qui est dévolue à cet établissement public. L'aménageur paiera pour ces fouilles un prix qui correspondra à leur coût, et il n'en résultera donc pas une perte de recettes pour l'établissement public ;

- les difficultés financières rencontrées par l'INRAP n'ont pas affecté la situation des agents bénéficiant d'un contrat de travail à durée indéterminée. Les contrats à durée déterminée ont tous été conduits à leur terme, mais n'ont pas été renouvelés ;

- la réduction du montant de la redevance décidée par la loi de finances pour 2003 ainsi que les exonérations en faveur de certains types d'aménagement ont certes contribué à diminuer les recettes de l'établissement public, mais ne sont à l'origine que d'une partie du déficit constaté ;

- l'ouverture à la concurrence pour les fouilles permettra une meilleure prise en compte des exigences des aménageurs dans la réalisation des opérations de terrain ;

- la crise actuelle que traverse l'archéologie préventive ne pourra trouver sa solution que dans le respect réciproque des aménageurs et des archéologues.

Culture - Rémunération au titre du prêt en bibliothèque et renforçant la protection sociale des auteurs - Examen du rapport en deuxième lecture

Puis, la commission a examiné, sur le rapport de M. Daniel Eckenspieller, le projet de loi n° 240 (2002-2003), modifié par l'Assemblée nationale, relatif à larémunération au titre du prêt en bibliothèque et renforçant la protection sociale des auteurs.

M. Daniel Eckenspieller, rapporteur, a indiqué que si elle a adopté conformes seulement trois des six articles que comptait le texte qui lui a été transmis, l'Assemblée nationale a repris pour l'essentiel les modifications apportées par le Sénat au projet de loi déposé par le précédent Gouvernement.

Approuvant un texte présenté comme un acte de pacification venant clore des débats passionnés, l'Assemblée nationale a apporté des modifications qui témoignent moins de sa volonté de remettre en cause la rédaction du Sénat que de respecter au plus près l'accord intervenu entre les différents acteurs de la chaîne du livre, auteurs, éditeurs et bibliothécaires.

Le rapporteur a souligné que le projet de loi présentait le mérite de concilier deux objectifs, également légitimes : l'affirmation de la mission de service public des bibliothèques et le respect des droits des auteurs.

Recourant à la possibilité ouverte par la directive communautaire du 19 novembre 1992, le projet de loi crée un régime de licence légale selon lequel l'auteur ne peut s'opposer au prêt de son oeuvre, mais reçoit, en contrepartie, une rémunération.

Le souci du Gouvernement de ne pas remettre en cause l'accès du plus grand nombre au livre conduit à faire assumer par l'Etat et par les collectivités territoriales, et non par l'usager, la charge de cette rémunération.

Cette rémunération est, en effet, financée par l'Etat, sur la base d'une contribution forfaitaire annuelle versée à raison du nombre d'inscrits dans les bibliothèques accueillant du public pour le prêt, quel que soit leur statut, à l'exception des bibliothèques scolaires, et par un prélèvement de 6 % à la charge des fournisseurs sur le prix public des livres achetés par ces bibliothèques.

Les sommes ainsi collectées sont affectées d'une part, au financement d'un régime de retraite complémentaire dont ne bénéficiaient pas jusqu'à présent les auteurs et les traducteurs et, d'autre part, pour au moins la moitié, à la rémunération des auteurs et de leurs éditeurs.

Au-delà de ce dispositif, le projet de loi propose de réformer la loi du 10 août 1981 relative au prix unique du livre afin de plafonner les rabais consentis par les libraires pour les achats réalisés par certaines collectivités. Il était en effet apparu, au fil des ans, que la libre négociation de ces rabais pénalisait les libraires les plus modestes, ceux précisément qu'il convient d'aider au regard des objectifs de la loi de 1981.

M. Daniel Eckenspieller, rapporteur, a rappelé que le Sénat avait approuvé les orientations de ce texte, qui livrait une solution acceptable -à défaut d'être satisfaisante- à une question en suspens depuis trop longtemps.

Il a indiqué que le Sénat avait apporté au projet de loi nombre d'améliorations rédactionnelles, destinées principalement à en faciliter l'application.

Par ailleurs, considérant que le projet comportait une ambiguïté en reconnaissant à égalité, à l'auteur et à l'éditeur, un droit à rémunération, le Sénat avait précisé que seul l'auteur détient un droit à rémunération. La rédaction adoptée, conforme aux principes de la propriété intellectuelle, renvoyait à des conventions le partage de la rémunération entre l'auteur et l'éditeur, partage dont il n'avait pas nié, au demeurant, la légitimité économique.

M. Daniel Eckenspieller, rapporteur, a rappelé que l'Assemblée nationale n'avait modifié qu'à la marge l'équilibre d'un texte dont elle avait approuvé les orientations.

Dans un souci de simplification, elle a précisé que le prélèvement de 6 % porterait sur l'ensemble des livres achetés par les bibliothèques pratiquant le prêt -et non sur les seuls ouvrages destinés à être prêtés.

Par ailleurs, sur la question du partage de la rémunération perçue au titre du droit au prêt, l'Assemblée nationale est revenue au texte initial du Gouvernement qui prévoyait que le partage s'effectue à parts égales entre l'auteur et l'éditeur.

S'il a regretté que l'Assemblée n'ait pas suivi le Sénat sur ce point, le rapporteur s'est félicité qu'ait été maintenue la disposition qui accorde au seul auteur le droit à rémunération.

Il a indiqué qu'à l'initiative du Gouvernement, avaient été introduits par l'Assemblée nationale, sur proposition du Gouvernement, trois articles qui méritaient incontestablement le qualificatif de cavaliers. Ces dispositifs permettent de réaliser des réformes opportunes qui, pour certaines, étaient attendues.

L'article 6 procède à la réforme de la taxe sur les vidéogrammes destinée à alimenter le compte de soutien à la production cinématographique et audiovisuelle, réforme qui avait été annoncée dès le mois de janvier dernier et qui devrait permettre de rapporter 20 millions d'euros supplémentaires.

S'inscrivant dans l'effort engagé par le Gouvernement pour relancer l'intérêt des Français pour la création architecturale, l'article 7 confère le statut d'établissement public à caractère industriel et commercial à la Cité de l'architecture et du patrimoine. Cette nouvelle institution a vocation à regrouper trois entités aux missions différentes : l'Ecole de Chaillot, le musée des Monuments français et l'Institut français d'architecture.

Enfin, l'article 8, en prévoyant les conditions de mise en place de l'Ecole nationale de la photographie d'Arles sous forme d'établissement public, parachève la réforme du réseau des écoles d'art et du Centre national des arts plastiques (CNAP).

En conclusion, le rapporteur a proposé d'adopter le projet de loi dans le texte de l'Assemblée nationale.

M. Jacques Valade, président, a souligné la légitimité des mesures introduites par l'Assemblée nationale à l'initiative du Gouvernement sous forme de cavaliers. Il a insisté notamment sur la nécessité de renforcer les moyens d'action de l'Institut français d'architecture dans le cadre du nouvel établissement public de la Cité de l'architecture et du patrimoine.

La commission, suivant la proposition de son rapporteur, a adopté à l'unanimité le projet de loi dans le texte de l'Assemblée nationale.

Nomination d'un rapporteur

Au cours de la même réunion, la commission a désigné M. Jacques Legendre, rapporteur de la proposition de loi n° 311 (2002-2003) de M. Claude Biwer visant à réduire le montant de la redevance d'archéologie préventive pour les collectivités territoriales.