Table des matières




Mardi 22 octobre 2002

- Présidence de M. Jacques Valade, président. -

Contrôle de l'application des lois au 30 septembre 2002 - Communication

La commission a tout d'abord entendu une communication de M. Jacques Valade, président, sur l'application, entre le 1er octobre 2001 et le 30 septembre 2002, des lois relevant de la compétence de la commission.

Rappelant que depuis trente ans, en application d'une décision du Bureau du Sénat de 1971, chaque commission permanente dressait périodiquement un bilan de la publication des textes d'application des lois qu'elle avait rapportées, il a noté que cet exercice, aussi utile qu'instructif, pouvait conduire la commission à douter des vertus pédagogiques de la répétition et de l'efficacité des exhortations à mieux faire qu'elle adresse régulièrement aux autorités ministérielles.

En effet, a-t-il regretté, si des évolutions positives peuvent parfois être relevées, l'on constate dans l'ensemble, année après année, dans la parution des textes d'application, les mêmes retards imputables aux mêmes causes : la mise en chantier trop tardive des textes, la lourdeur des procédures consultatives, les aléas de la concertation interministérielle, les difficultés juridiques ou techniques insuffisamment perçues, quand elles ne sont pas délibérément ignorées pour permettre des effets d'annonces destinés à demeurer des annonces sans effet. Et l'on constate tout aussi régulièrement un contraste choquant entre les délais que s'octroie l'administration pour appliquer les lois et ceux dans lesquels le Parlement est trop souvent contraint de les examiner.

Notant que, les gouvernements connaissant un regain d'activité normative à l'approche du terme de leur existence, les années d'élections sont généralement des années relativement fastes en termes de parution des textes d'application, M. Jacques Valade, président, a indiqué qu'en 2001-2002 cet effet s'était fait sentir de façon inégale dans les différents domaines de compétences de la commission.

Il a souligné que la culture était celui où les résultats étaient les plus encourageants, et il a noté en particulier que tous les textes d'application de la loi du 4 janvier 2002 relative aux musées de France, qui avaient été préalablement communiqués au rapporteur, étaient parus au début du mois de mai 2002, soit dans le délai de six mois qui devrait être la règle mais demeure l'exception.

M. Jacques Valade, président, s'est félicité de la rapide entrée en vigueur de cette loi très attendue et qui devait beaucoup au travail du Sénat, et en particulier de son rapporteur, M. Philippe Richert.

Il a également indiqué la parution le 18 septembre 2002 d'un décret d'application de la loi, d'origine sénatoriale, du 4 janvier 2002 relative aux établissements publics de coopération culturelle (EPCC), qui permet d'ores et déjà la création d'EPCC à caractère industriel et commercial. Relevant qu'un second décret serait nécessaire pour permettre la création d'EPCC à caractère administratif, M. Jacques Valade, président, a affirmé que la commission associerait ses efforts à ceux du rapporteur de la loi, M. Ivan Renar, pour faire en sorte que l'élaboration de ce texte ne soit pas oubliée.

La loi du 17 janvier 2001 sur l'archéologie préventive est également devenue applicable en 2001-2002, mais avec un net retard par rapport au calendrier annoncé : M. Jacques Valade, président, a observé que l'entrée en vigueur de cette loi avait immédiatement mis en lumière des imperfections -en particulier la lourdeur des procédures, les délais imposés aux opérations d'aménagement, le montant très élevé des redevances et le coût de fonctionnement de l'établissement public créé par la loi- qui imposeraient sans doute de la remettre sur le métier : il a regretté à cet égard que les observations et propositions du rapporteur du Sénat, M. Jacques Legendre, n'aient pas été prises en compte.

Passant au secteur de la communication, qui est de ceux où certaines dispositions anciennes demeurent inappliquées et où il arrive assez fréquemment que des textes soient modifiés avant d'avoir été appliqués, M. Jacques Valade, président, s'est demandé si la loi du 1er août 2000 modifiant la loi de 1986 relative à la liberté de communication s'inscrirait dans ces regrettables traditions. Rappelant que la commission avait déjà relevé l'an dernier le retard dans la mise en place du cadre réglementaire de la télévision numérique de terre, il a cependant remarqué que les délais de mise en oeuvre de la TNT seraient sans doute davantage imputables à une insuffisante perception des problèmes juridiques, techniques et économiques que pose ce dossier très complexe qu'aux délais de parution des décrets d'application. Il a par ailleurs relevé, parmi les dispositions de la loi du 1er août 2000 non encore appliquées, celles relatives à l'accès à la retransmission des « événements majeurs », notamment certains événements sportifs.

Dans le secteur de l'éducation, où subsiste aussi un « stock » assez important de dispositions anciennes inapplicables, M. Jacques Valade, président, a noté la parution cette année du dernier décret d'application de la loi de 1985 sur l'enseignement technologique et professionnel, et il a souhaité rappeler que demeurait partiellement inapplicable la loi d'origine sénatoriale du 15 décembre 1998 relative au contrôle de l'application scolaire.

Il a enfin indiqué que dans les domaines de la recherche et des sports, où la commission avait constaté l'an dernier des retards préoccupants, la situation n'était pas encore totalement apurée en dépit des effets bénéfiques de l'année électorale.

La loi du 12 juillet 1999 sur l'innovation et la recherche a enfin reçu, en avril 2002, les mesures d'application permettant la création, dans les établissements publics d'enseignement supérieur, de services d'activités industrielles et commerciales (SAIC) destinés à mener des actions de valorisation de la recherche. Mais, plus de trois ans après l'entrée en vigueur de la loi, sont encore attendus les textes permettant la mise en place de SAIC dans les établissements publics de recherche.

Pour ce qui concerne les lois sur le sport, M. Jacques Valade, président, a rappelé que le défaut de parution de certains textes d'application avait nécessité en 2001 l'intervention de plusieurs mesures transitoires législatives ou réglementaires. Il a observé que la loi du 23 mars 1999 relative à la protection de la santé des sportifs et à la lutte contre le dopage n'était toujours pas complètement applicable, non plus que la loi du 6 juillet 2000 modifiant la loi de 1984 relative à l'organisation et au développement des activités physiques et sportives : si cette dernière a reçu cette année neuf nouveaux décrets d'application, une douzaine d'autres restaient à paraître au 30 septembre 2002.

En conclusion de son exposé, M. Jacques Valade, président, a incité les membres de la commission à utiliser, comme le font déjà ses rapporteurs, tous les moyens disponibles pour accélérer la parution des textes d'application des lois : questions orales ou écrites, questions posées aux ministres lors des auditions, « rappel » des textes attendus à l'occasion des avis budgétaires. Il a également rappelé la suggestion qu'il avait faite l'an dernier de mettre en place des missions d'information sur l'application des lois rapportées par la commission.

Mme Danièle Pourtaud a interrogé le président Jacques Valade sur les mesures d'application qui restaient nécessaires pour permettre la création des EPCC à caractère administratif, et elle a demandé si la commission disposait d'informations sur l'application des dispositions relatives aux contrôles des formules d'accès au cinéma, et en particulier des cartes d'abonnement illimité, qui avaient été adoptées en 2001 dans le cadre de la loi sur les nouvelles régulations économiques et de la loi portant diverses dispositions d'ordre social économique et culturel.

M. Jacques Valade, président, a indiqué qu'un décret en Conseil d'Etat devrait intervenir pour définir les qualifications exigées des directeurs d'EPCC appelés à gérer des institutions patrimoniales ou des établissements d'enseignement artistique. Rappelant que le ministre de la culture et de la communication, entendu par la commission en juillet 2002, avait annoncé la parution prochaine du décret d'application des dispositions relatives aux cartes de cinéma, dès que le détail du dispositif prévu aurait fait l'objet d'un accord entre les parties concernées, il a suggéré à Mme Danièle Pourtaud d'interroger le ministre sur les modalités de cet accord, qui semblait être intervenu, à l'occasion de sa prochaine audition par la commission.

Patrimoine - Mission sur la répartition des compétences dans le domaine du patrimoine - Audition de M. Jean-Pierre Bady, conseiller maître à la Cour des comptes

Puis la commission a entendu M. Jean-Pierre Bady, conseiller maître à la Cour des comptes, chargé par le ministre de la culture et de la communication d'une mission sur la répartition des compétences dans le domaine du patrimoine, pour la présentation de son rapport d'étape.

Accueillant M. Jean-Pierre Bady, M. Jacques Valade, président, a souligné l'intérêt de la commission pour le sujet de la mission qui lui avait été confiée, dans la perspective non seulement du projet de loi programme sur le patrimoine dont le dépôt a été annoncé pour le début de 2003 mais aussi des progrès de la décentralisation culturelle.

Il a rappelé que le Sénat s'était déjà efforcé d'améliorer les instruments de cette décentralisation en prenant l'initiative de la loi sur les établissements publics de coopération culturelle et en ouvrant la voie, dans le cadre de la loi relative à la démocratie de proximité, à de vraies expérimentations de transferts de compétences dans le domaine du patrimoine.

Remerciant M. Jacques Valade, président, de ses propos de bienvenue, M. Jean-Pierre Bady a indiqué que sa mission portait sur le patrimoine immobilier et mobilier ainsi que sur l'inventaire général mais excluait l'archéologie, qui a fait l'objet en 2000 d'une loi encore trop récente pour être déjà réformée. Cette mission, qui a engagé ses travaux en juillet, remettra ses conclusions au ministre au milieu du mois de novembre.

Il a souligné que, pour mener à bien cette mission, lui avait été confiée la présidence d'une commission restreinte constituée d'experts du patrimoine, d'universitaires, de représentants des collectivités publiques et de personnalités de la société civile.

M. Jean-Pierre Bady a fait observer que les propositions qu'il présentait à la commission n'avaient pas encore été soumises à cette commission ni approuvées par le ministre.

Il a considéré que les solutions apportées à la question de la décentralisation du patrimoine dépendraient d'abord du choix qu'opéreront les collectivités territoriales entre les différentes compétences susceptibles de leur être confiées. Pour l'heure, en dépit de l'intérêt marqué qu'elles témoignent dans leur ensemble pour le patrimoine, il est difficile d'apprécier l'exacte demande des différents niveaux de collectivités territoriales en ce domaine. Par ailleurs, la question des ressources qu'elles pourront consacrer à cette politique n' est pas encore tranchée, même si ont été évoqués la possibilité d'une réforme visant à accroître l'autonomie fiscale des collectivités territoriales ou le transfert à leur profit d'impôts nationaux. Sur la question des moyens, la perspective d'une nouvelle loi de programme permet d'espérer une augmentation, certes insuffisante mais réelle, des dotations, qui permettrait aux collectivités de recevoir davantage de crédits lors des transferts de charges.

A la différence de la voie préconisée par l'article 111 de la loi relative à la démocratie de proximité, qui rend possible des transferts expérimentaux de compétences au bénéfice de tous les niveaux des collectivités, la commission a réfléchi par niveau de collectivité et par bloc de compétences, notamment pour éviter le risque de créer « une France à géographie variable ». Dans cette perspective, l'expérimentation porterait moins sur les compétences que sur les instruments de gestion.

Évoquant les orientations générales de la mission, M. Jean-Pierre Bady a déclaré que la politique du patrimoine, qui constituait une part de l'âme collective, devrait, d'étatique, devenir nationale.

Cette politique nationale a vocation à reposer sur quatre piliers : l'Etat, les collectivités territoriales, les propriétaires privés et les associations.

Il convient de saisir l'occasion de la décentralisation pour simplifier et accélérer les procédures administratives, qui ont eu tendance à s'empiler au cours des deux dernières décennies, mais aussi pour procéder à une réforme de l'Etat et de ses services.

M. Jean-Pierre Bady a ensuite indiqué le rôle qu'il lui semblerait souhaitable d'impartir aux différents acteurs de la politique du patrimoine.

L'Etat doit être beaucoup moins gestionnaire que régulateur. Son rôle est de se préoccuper de la bonne connaissance du patrimoine, d'édicter les mesures de protection, d'assurer le contrôle scientifique et technique des travaux, de veiller à la péréquation entre les collectivités territoriales mais également de donner l'exemple dans la prise en charge de son propre patrimoine et enfin d'assurer une mission de formation.

En ce qui concerne les collectivités territoriales, la région pourrait, conformément à sa mission d'aménagement du territoire, assumer un rôle de coordination et de programmation tandis que le département et les communes seraient chargés de la gestion, qu'il s'agisse de la restauration ou de la mise en valeur. Les communes ont un rôle spécifique à jouer dans le cadre des procédures d'urbanisme, et en particulier à travers l'élaboration du plan local d'urbanisme.

Les propriétaires privés de monuments, « conservateurs » du patrimoine dont ils assument l'entretien, la protection et la transmission, jouent un rôle actif qui doit être consolidé.

Si le ministère de la culture a longtemps entretenu avec les associations des relations de défiance, ces dernières sont désormais mieux reconnues, notamment à travers les actions de sensibilisation qu'elles conduisent. Par ailleurs, la Fondation du patrimoine, après des débuts difficiles, s'est progressivement implantée.

M. Jean-Pierre Bady a ensuite présenté les pistes de réflexion de la mission.

Il a souhaité en premier lieu que soit confiée aux régions la conduite de l'inventaire général des richesses culturelles de la France, devenu désormais inventaire général du patrimoine, dont le champ s'est considérablement élargi au fil des années. Cette compétence, susceptible de servir d'appui à la construction des identités régionales et d'être étendue aux espaces naturels, pourrait s'exercer en partenariat avec les départements et les communes. Les personnels d'Etat de l'inventaire seraient mis à disposition des régions.

En ce qui concerne la protection, l'Etat doit, dans un souci de cohérence, conserver son rôle en matière de classement mais aussi d'inscription. Décentraliser ces compétences reviendrait en effet à confier aux collectivités qui en seraient investies un pouvoir de tutelle sur les autres collectivités. En outre, la décentralisation aboutirait également sans doute à la suppression du dispositif de déductibilité du revenu imposable des travaux sur les monuments historiques. Cependant, les modalités d'instruction des dossiers d'inscription et de classement doivent être substantiellement modifiées afin notamment de renforcer la représentation des élus au sein des instances consultatives au niveau national et local.

Pour le patrimoine non protégé, qui constitue le « troisième cercle » du patrimoine, il convient de se prémunir contre le risque de le voir banalisé dans le cadre des plans locaux d'urbanisme.

S'agissant des espaces protégés, le principe de l'avis conforme de l'architecte des bâtiments de France doit être maintenu. La procédure de recours contre ces avis, améliorée par l'article 112 de la loi relative à la démocratie de proximité, pourrait être élargie afin d'ouvrir l'appel aux propriétaires des bâtiments protégés concernés et aux associations. Le rôle de l'architecte des bâtiments de France doit être redéfini afin d'accroître sa mission pédagogique auprès des élus et des administrés. Les zones de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager, encore trop peu nombreuses, constituent un outil excellent mais trop long à mettre en oeuvre. Enfin, la procédure de révision des secteurs sauvegardés doit être assouplie.

M. Jean-Pierre Bady a estimé nécessaire que la maîtrise d'ouvrage des travaux de restauration appartienne aux propriétaires privés ou publics des monuments sur lesquels ils sont opérés. Les dispositions de la loi de 1913 sur les monuments historiques et de la loi de 1985 sur la maîtrise d'ouvrage publique doivent être modifiées en ce sens. Les collectivités de petite taille pourront toujours déléguer la maîtrise d'ouvrage ou bien se regrouper pour se doter des services nécessaires, par exemple dans le cadre d'un établissement public de coopération culturelle.

S'agissant de la maîtrise d'oeuvre, dans la mesure où les départements pourraient se voir confier la responsabilité de l'entretien des monuments classés et inscrits n'appartenant pas à l'État, M. Jean-Pierre Bady s'est demandé s'il ne serait pas opportun que dans cette perspective, ces collectivités se dotent de services d'architecture. En tout état de cause, la notion d'entretien, aujourd'hui très floue, devra être précisée.

Il a souligné que les architectes en chef des monuments historiques, dont les compétences ne sont pas discutées, souffrent principalement de l'insuffisance de leurs effectifs. Il conviendrait de porter leur nombre de 51 à 75 en cinq ans, notamment par des recrutements au tour extérieur. Il a proposé que les collectivités locales aient la faculté de choisir sur une liste de noms proposés par l'Etat, l'architecte en chef auquel elles confieraient leurs travaux.

M. Jean-Pierre Bady a estimé indispensable que les autorisations de travaux demeurent de la compétence de l'Etat, reconnaissant toutefois la nécessité de réduire les délais de décision en instituant des procédures de décision tacite.

En ce qui concerne les crédits, les enveloppes financières relatives aux monuments classés et inscrits n'appartenant pas à l'Etat seraient déléguées à la région, qui les attribuerait ensuite aux départements et aux communes.

Le patrimoine de l'Etat est très étendu et des cessions pourraient être envisagées. Le centre des monuments historiques, qui gère un nombre trop important de monuments, doit développer autant que possible des conventions de gestion avec les collectivités territoriales ou des partenaires privés afin de recentrer sa mission vers un rôle d'expertise et de conseil pour la valorisation du patrimoine monumental.

M. Jean-Pierre Bady a estimé nécessaire que les labels comme celui des pays et villes d'art et d'histoire restent attribués par l'Etat, et que leurs conditions de délivrance soient définies au niveau national.

En ce qui concerne les moyens en personnels, les quotas imposés aux collectivités locales pour le recrutement de conservateurs du patrimoine doivent être supprimés. Afin de favoriser la mobilité entre la fonction publique d'Etat et la fonction publique territoriale, un grade de conservateur général du patrimoine doit être créé dans les cadres d'emplois territoriaux. Enfin, de nouvelles filières doivent être mises en place dans la fonction publique territoriale, par exemple en ce qui concerne les architectes du patrimoine. Les besoins des collectivités sont susceptibles de s'accroître, notamment dans la perspective de la généralisation de services départementaux d'architecture et du patrimoine, qui pourraient au demeurant englober les conseils d'architecture, d'urbanisme et de l'environnement (CAUE).

Enfin, pour l'exercice du contrôle scientifique et technique, il convient de distinguer les missions d'inspection du patrimoine et de maîtrise d'oeuvre pour les travaux sur monuments historiques qui sont aujourd'hui exercées par les architectes en chef des monuments historiques.

A la suite de cet exposé, un débat s'est engagé.

M. Philippe Richert a souligné que si certaines des propositions allaient dans le bon sens, celle visant à confier aux départements l'entretien et à déléguer les crédits de restauration aux régions favorisait le dédoublement des services et ne correspondait pas à une décentralisation bien comprise, dont l'objectif principal est d'accroître l'efficacité de l'action publique, et qui doit pour cela tenir compte des réalités. Même si les directions régionales des affaires culturelles militent pour une solution différente, il apparaît que les départements ont pleinement vocation à exercer la compétence patrimoniale.

Par ailleurs, il s'est demandé si avant de procéder à des transferts de compétence, il ne conviendrait pas de réévaluer le niveau des crédits consacrés par l'Etat au patrimoine.

M. Jean-Pierre Bady a précisé que si les régions se voyaient déléguer les enveloppes budgétaires, les départements et les communes en assureraient la gestion.

M. Yves Dauge a estimé opportune la distinction proposée entre la programmation des opérations confiée à la région et la gestion des crédits qui serait de la compétence du département. Les solutions retenues en matière de patrimoine doivent être cohérentes avec les règles générales qui définissent la répartition des compétences entre les collectivités territoriales.

Il a considéré que la décentralisation des compétences patrimoniales devait être l'occasion de réformer l'Etat. Si les conditions de travail des architectes des bâtiments de France doivent être améliorées, leur rattachement à une collectivité territoriale n'est pas souhaitable au regard du souci de conserver une politique nationale du patrimoine.

La création de services départementaux d'architecture, qui pourraient intégrer également les conseils d'architecture d'urbanisme et d'environnement et une partie des services des directions départementales de l'équipement, constitue une proposition intéressante. Confier l'inventaire aux régions apparaît comme une solution acceptable, même si cela conduira ces collectivités à recruter des personnels pour mettre en oeuvre cette nouvelle compétence, qui pourrait d'ailleurs être exercée en collaboration avec le département.

En conclusion de son propos, M. Yves Dauge s'est félicité que la mission mette en avant la nécessité d'une politique nationale du patrimoine, qui ne doit pas disparaître au prétexte de la décentralisation.

M. Jacques Legendre a également souligné le risque de voir les politiques du patrimoine différer d'une collectivité à l'autre. Si le classement et l'inscription relevaient de la compétence des collectivités territoriales, la portée de ces mesures de protection risquerait de s'atténuer. Le maintien de ces compétences à l'Etat n'exclut pas que les procédures administratives soient réformées afin d'accroître la part prise par les élus dans l'élaboration des décisions.

Il a considéré que l'objectif de clarification s'opposait à considérer que toutes les collectivités territoriales pouvaient intervenir en matière de patrimoine. Sans vouloir trancher entre les régions et les départements, il a proposé que la dévolution des compétences s'effectue au niveau des régions au profit de la collectivité qui manifesterait le souhait de les exercer.

Il a estimé nécessaire de réformer les conditions de rémunération des architectes en chef des monuments historiques et suggéré que la maîtrise d'oeuvre pour les travaux sur les monuments historiques puisse être confiée à des architectes libéraux, titulaires d'un agrément dont les conditions d'octroi seraient rigoureusement définies. L'Etat doit conserver ses prérogatives régaliennes, notamment pour l'attribution de labels comme celui des pays et villes d'art et d'histoire.

M. Philippe Nachbar a estimé à son tour nécessaire que l'Etat conserve ses prérogatives en matière d'inscription et de classement, tout en souhaitant que soit renforcé le rôle des élus dans les instances de décisions.

Considérant que rien n'était pire que les financements croisés, il a estimé qu'il serait très difficile de distinguer ce qui relèverait de la programmation, donc de la région, et de la gestion, donc du département. Le patrimoine est une compétence qui doit revenir aux départements.

M. Jean-Léonce Dupont s'est interrogé sur le coût global pour les collectivités territoriales des propositions de M. Jean-Pierre Bady et sur les recrutements nécessaires à leur mise en oeuvre.

Répondant aux intervenants, M. Jean-Pierre Bady a indiqué que, compte tenu du mode de rémunération des architectes en chef des monuments historiques, l'augmentation de leur nombre n'aurait pas de conséquences budgétaires. Les collectivités bénéficieront de mises à disposition des personnels d'Etat, notamment en ce qui concerne l'inventaire. Les départements sont déjà, pour certains, dotés de services d'architecture pour lesquels ils disposent notamment de conservateurs territoriaux du patrimoine. A l'évidence, la création de tels services représenterait pour les autres des charges nouvelles.

Organismes extraparlementaires - Désignation de candidats proposés à la nomination du Sénat

Au cours de la même réunion, la commission a décidé de proposer à la nomination du Sénat :

- M. Daniel Eckenspieller,
comme membre titulaire, et Mme Annie David, comme membre suppléant, de l'Observatoire national de la sécurité des établissements scolaires et d'enseignement supérieur ;

- M. Jean-Léonce Dupont comme membre du Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche.

Mercredi 23 octobre 2002

- Présidence de M. Jacques Valade, président. -

PJLF pour 2003 - Audition de M. Jean-Jacques Aillagon, ministre de la culture et de la communication

La commission a entendu M. Jean-Jacques Aillagon, ministre de la culture et de la communication, sur les projets de budget de la culture et de la communication.

Accueillant le ministre de la culture et de la communication,M. Jacques Valade, président, a rappelé que la commission avait eu l'occasion d'examiner au début du mois d'octobre le projet de loi relatif au droit de prêt en bibliothèque, premier texte présenté par le gouvernement depuis le début de la législature dans le domaine de la culture.

Il a indiqué qu'au titre des compétences très larges qu'elle détient dans ce domaine, la commission avait été saisie depuis octobre 2001 de trois textes, le premier relatif aux musées, qui a été l'occasion d'un travail fructueux, le second concernant le régime d'assurance chômage des intermittents du spectacle et le troisième, d'origine sénatoriale, relatif à la création des établissements publics de coopération culturelle.

Il a également relevé que, sur les quatre missions d'information mises en place au début de l'année par la commission, trois concernent directement les domaines de compétence du ministre de la culture et de la communication : celle relative à l'état des réserves des musées, celle consacrée à l'évolution de l'exploitation cinématographique et celle portant sur la diffusion de la culture scientifique.

Il a souligné que la commission avait également pris l'initiative d'organiser, au mois de janvier 2002, un colloque relatif aux nouvelles télévisions. Cette manifestation, réunissant l'ensemble des personnes concernées par ce dossier, a permis à chacun d'exprimer son opinion et de compléter son information sur le sujet.

Rappelant que la commission avait aussi entendu, en juillet 2002, sur la télévision numérique, MM. Jean-Jacques Aillagon, ministre de la culture et de la communication, et Dominique Baudis, président du CSA, il a annoncé qu'elle entendrait prochainement M. Michel Boyon, sur les conclusions du rapport qu'il avait tout récemment remis au Premier ministre.

Répondant aux propos de bienvenue du président, M. Jean-Jacques Aillagon a souligné l'intérêt éminent de la mission d'information créée par la commission sur la gestion des collections des musées, question essentielle pour le patrimoine alors que surgissent des interrogations sur les menaces que représenteraient les crues de la Seine sur les réserves de certains grands musées parisiens.

Présentant en premier lieu les crédits de la culture, le ministre a indiqué que le projet de budget faisait le choix de la sincérité. La volonté de favoriser les projets a été privilégiée sur le souci d'afficher des augmentations des crédits.

M. Jean-Jacques Aillagon a rappelé l'incapacité du ministère de la culture à consommer les crédits votés par le Parlement. Cette maladie endémique s'est aggravée au cours des exercices précédents : le taux de consommation de ces crédits est, en effet, passé de 93 % en 1997 à 84 % en 2001. Cette situation, très variable selon les catégories de dépenses, concerne plus particulièrement les crédits de paiement des titres V et VI dont le taux de consommation, qui était de 79 % en 1998, n'était plus que de 57 % en 2001. Il en est résulté une sédimentation stérile de crédits de paiement non consommés dont le montant s'élève à 450 millions d'euros.

Plutôt que de persévérer dans cette habitude, il est apparu préférable de maintenir l'effort sur les titres III et IV et de réduire les exigences sur le titre V et VI afin de se mettre en situation de consommer les crédits reportés.

M. Jean-Jacques Aillagon a considéré que cette rupture avec une politique d'augmentation de crédits inemployés dans un souci d'affichage permettait de renforcer les moyens réels d'action du ministère

Il a fait observer que l'effort culturel de la Nation ne se limitait pas au budget du ministère de la culture, mais bénéficiait aussi de ressources non budgétaires, telles les recettes inscrites à hauteur de 450 millions d'euros au compte de soutien à l'industrie cinématographique et audiovisuelle.

Le ministre a indiqué qu'en 2003, les crédits du titre III progresseraient de 5,1 %, ce qui représentait le taux de progression annuelle le plus élevé constaté sur les huit dernières années. Un effort tout particulier est destiné à prendre en compte l'évolution des besoins des établissements publics, trop souvent délaissés, qui constituent les premiers instruments de l'action culturelle de l'Etat.

Les crédits d'entretien sont augmentés afin de permettre d'éviter d'être contraint de mener, faute d'un entretien suffisant, des opérations lourdes plus coûteuses.

Par ailleurs, sera engagé un effort de résorption des emplois vacants afin d'accroître les capacités d'action du ministère sans accroître sa masse salariale, rompant ainsi avec l'habitude qui s'était instaurée de demander des créations d'emplois sans se soucier de pourvoir les nombreuses vacances d'emplois.

Les dépenses du titre IV progressent de 5 %, à un rythme comparable à celui constaté en 2002 ; ces moyens supplémentaires permettront de renforcer la mission de diffusion de la création, de consolider les marges artistiques des institutions du spectacle vivant mais également d'augmenter les crédits d'acquisition.

M. Jean-Jacques Aillagon, évoquant l'évolution des crédits des titres V et VI, a réaffirmé son attachement au maintien des capacités d'engagement du ministère. La stratégie immobilière du ministère sera prochainement redéfinie à la suite des expertises réalisées pour apprécier la validité des choix culturels et techniques opérés pour les grands projets en cours de réalisation. La marge d'action du ministère n'est pas érodée : ainsi des autorisations de programme en volumes suffisants ont été prévues afin d'assurer la rénovation de deux écoles d'architecture, opération qui devrait préluder à un plan de remise à niveau de l'ensemble des bâtiments des établissements d'enseignement supérieur relevant du ministère dont certains, comme le conservatoire supérieur d'art dramatique, sont dans une situation précaire.

M. Jean-Jacques Aillagon a indiqué que le budget de 2003 s'orientait autour de quatre axes. En premier lieu, les moyens d'action et les responsabilités des établissements public seront renforcés. Une attention particulière sera accordée au soutien à la création et à sa diffusion, notamment au travers des moyens mis en place pour l'application du droit de prêt en bibliothèque. Le patrimoine constituera également une priorité : un projet de loi de programme pourrait être examiné par le Parlement au cours de l'année 2003. L'accès le plus large à la culture sera développé, notamment au travers des équipements de proximité, et plus particulièrement ceux situés en périphérie des villes et dans les zones rurales, grâce aussi au développement des potentialités offertes par les nouvelles technologies en matière de numérisation des collections patrimoniales.

Cette capacité d'action supplémentaire sera démultipliée grâce à l'amélioration du partenariat engagé avec les collectivités territoriales. L'Etat doit s'efforcer de mieux régler ses interventions sur celles entreprises au niveau local : tel est le sens de l'engagement en faveur de la décentralisation.

Le ministre a également indiqué son intention d'encourager de manière plus incitative les particuliers à participer au financement de la culture. Dans cette perspective, un projet de loi devrait être soumis au Parlement au début de l'année 2003 afin de développer le mécénat et de réformer le droit des fondations.

Abordant ensuite le budget de la communication, M. Jean-Jacques Aillagon a, en premier lieu, présenté les aides à la presse écrite. Il a indiqué qu'elles s'élèveraient en 2003 à 164 millions d'euros, soit un montant identique à celui voté l'an dernier, cette stabilité n'étant cependant qu'apparente, car les crédits effectivement disponibles augmenteront de plus de 3  %, soit près de 7 millions d'euros, grâce à la mobilisation de crédits de report issus du compte d'affectation spéciale.

Il a précisé que le projet de budget permettrait à la fois de respecter l'engagement pris par le président de la République de soutenir le développement de l'Agence France Presse (AFP) et de maintenir l'ensemble des aides à la presse écrite.

Il a tout d'abord indiqué que le montant des abonnements à l'AFP souscrits par l'Etat serait relevé de 4,5 %, le soutien des pouvoirs publics à l'Agence (100,199 millions d'euros) dépassant ainsi, pour la première fois, le chiffre de 100 millions d'euros. L'avenir de l'AFP sera également défini à travers un contrat d'objectifs et de moyens en cours d'élaboration. Il est, en effet, essentiel que l'AFP demeure un atout pour la presse française, pour le rayonnement de la France et pour les équilibres démocratiques de l'information dans le monde.

Le ministre a ensuite affirmé sa volonté de maintenir, dans un contexte très tendu, l'ensemble des aides à la presse écrite, dont il rappelé qu'elles s'organisaient autour de trois grands axes : les aides à la diffusion et à la distribution, les aides à la défense du pluralisme et celles destinées à la modernisation de la presse.

Il a annoncé que l'aide spécifique à la distribution des quotidiens nationaux d'information politique et générale serait cette année consolidée par la mobilisation des crédits non consommés. Il en ira de même pour les aides destinées aux hebdomadaires régionaux, au développement du portage et à l'impression décentralisée.

La défense du pluralisme, élément vital de notre vie démocratique, passera par le maintien des moyens consacrés à l'aide aux quotidiens nationaux à faibles ressources publicitaires et aux quotidiens locaux à faibles ressources de petites annonces.

Quant aux crédits alloués à la SNCF pour permettre l'allègement des tarifs de transport de la presse, ils s'élèveront à 13,72 millions d'euros. M. Jean-Jacques Aillagon a en outre indiqué qu'un audit serait engagé pour permettre d'évaluer plus précisément le coût du transport de presse et explorer les voies d'évolution possibles du dispositif actuel.

Rappelant que la presse ne pouvait affronter les défis à venir sans se moderniser, il a enfin annoncé que les ressources du fonds de modernisation se maintiendraient à 29,3 millions d'euros. La clé de répartition entre subventions et avances sera cependant modifiée dans un sens plus favorable aux entreprises de presse : la part des recettes affectées aux subventions passera de 80 à 90 %, tandis que celle destinée à des avances sera réduite de 20 à 10 %.

Présentant ensuite le budget de l'audiovisuel public, le ministre de la culture et de la communication a annoncé une progression de 2 % de la ressource publique affectée aux entreprises audiovisuelles.

Il a rappelé que cette progression était rendue possible sans augmentation du barème de la redevance, le produit de celle-ci connaissant une croissance spontanée de 20 % grâce à l'augmentation de la population assujettie et à la meilleure efficacité du recouvrement. Il s'est félicité de cette augmentation qui permettra à l'Etat de tenir ses engagements vis-à-vis des organismes de l'audiovisuel public et plus particulièrement de ceux ayant déjà conclu un contrat d'objectifs et de moyens.

M. Jean-Jacques Aillagon a précisé à cet égard que les augmentations de ressources prévues pour 2003 par les contrats d'objectifs et de moyens prenaient en compte un démarrage effectif de la télévision numérique de terre (TNT) à la fin de 2002. Or, comme l'a confirmé le rapport rendu au Premier ministre par M. Michel Boyon, la TNT ne pourra être opérationnelle avant la fin 2004. Il n'est donc pas nécessaire de prévoir, pour 2003, les moyens nécessaires au lancement de programmes numériques. L'augmentation de 2 % des moyens consacrés à l'audiovisuel public, qui sera modulée -les moyens affectés à l'INA demeurent stables en application de son contrat d'objectifs, ceux alloués à France Télévisions sont supérieurs à ceux prévus par les contrats d'objectifs pour les chaînes analogiques- permettra à l'Etat d'honorer ses engagements et d'affirmer la priorité donnée aux programmes.

Le ministre a souligné que le budget de la communication audiovisuelle était ainsi placé sous le signe de la responsabilité : responsabilité du Gouvernement, qui respecte les engagements pris par l'Etat vis-à-vis du secteur public de l'audiovisuel à travers des contrats d'objectifs et de moyens ; responsabilité des entreprises audiovisuelles publiques qui, dotées de moyens adéquats, se sont engagées à stabiliser leurs dépenses de fonctionnement au bénéfice de leurs crédits de programmation ; responsabilité partagée, enfin, de l'Etat et des sociétés, qui peuvent engager sereinement les réformes nécessaires à la modernisation du service public et de son mode de financement.

Il a réaffirmé sa volonté d'assurer la singularité de l'audiovisuel public dans le paysage audiovisuel par la qualité de ses programmes. Tel est le sens des missions confiées à Mme Catherine Clément et à Mme Blandine Kriegel, dont les conclusions seront rendues dans les semaines à venir, même si ces missions ne sont pas limitées au service public.

M. Jean-Jacques Aillagon a également souhaité qu'à l'image de ce qui se fait déjà dans d'autres pays, le service public renforce son action en direction du public handicapé, notamment des personnes sourdes et malentendantes. Les conclusions du rapport confié à M. Jacques Charpillon permettront de faire des recommandations aux responsables des sociétés de l'audiovisuel public, qui pourront éventuellement être inscrites dans leurs cahiers des charges à l'occasion de la révision de ces derniers.

Le ministre a enfin noté que la réflexion sur l'audiovisuel public devait aussi porter sur ses structures et son périmètre. Il a estimé qu'afin de conserver sa singularité, le service public de l'audiovisuel devait rester « concis et lisible » et que l'on pouvait s'interroger sur le nombre des opérateurs et se demander s'il ne conviendrait pas de les regrouper.

Observant que la redevance, source essentielle du financement de l'audiovisuel public, était impopulaire et mal comprise depuis l'arrivée de chaînes privées dans le paysage audiovisuel français, le ministre a cependant réaffirmé son attachement à un mode de financement spécifique pour l'audiovisuel public.

A cet égard, reconnaissant que la publicité ne devait surtout pas se substituer au mode de financement actuel et rappelant que l'exigence de qualité vis-à-vis de France Télévisions devait avoir pour contrepartie des moyens satisfaisants, il a assuré que le Gouvernement travaillait à mettre en place un financement stable, pérenne et suffisant pour ce secteur.

Un premier débat portant sur le budget de la communication s'est ensuite engagé.

M. Louis de Broissia, rapporteur pour avis des crédits de la presse écrite et de la communication audiovisuelle, a réitéré la proposition qu'il avait formulée dans son avis budgétaire pour 2001 de mettre en place un fonds de concours destiné à favoriser le développement de la lecture de la presse, et particulièrement de la presse d'information politique et générale, dans les établissements scolaires.

Constatant que le montant des sommes collectées par le fonds de modernisation était très inférieur à celui estimé lors de sa création, il s'est interrogé sur les efforts réalisés par le ministère de l'économie et des finances pour améliorer le rendement du prélèvement sur le « hors-média ».

Jugeant satisfaisantes les mesures budgétaires en faveur de l'AFP, il a souligné qu'elles ne réglaient pas le problème de son statut et il a rappelé qu'une proposition de loi adoptée par la commission des affaires culturelles tendait à permettre une gestion pluriannuelle de l'AFP.

Il a souhaité savoir si le ministère de la culture et de la communication serait associé à la renégociation des accords, dits « accords Galmot », liant la presse et La Poste, qui doit s'engager dans les semaines à venir, et il a estimé que ces accords, qui n'avaient rien donné, avaient été un « marché de dupes ».

Au sujet de la TNT, dont il a rappelé que le développement était inévitable, il s'est interrogé, tout en souscrivant aux analyses du rapport Boyon, sur d'éventuelles discordances entre les conclusions de ce rapport et les procédures engagées par le CSA. Il a en tout cas insisté sur la nécessité de ne pas engager de dépenses improductives.

Il a demandé quels étaient les moyens mis en oeuvre par le ministère des affaires étrangères et par celui de la culture et de la communication pour permettre le développement de la future chaîne internationale, et comment mobiliser les énergies de RFI, RFO, France Télévisions, et éventuellement de certains opérateurs privés, dans la perspective de la création de cette chaîne.

Il a posé une question sur les conséquences de la mise en demeure de la France par Bruxelles concernant la levée de la réglementation sur les secteurs interdits de publicité à la télévision.

Enfin, après avoir constaté que beaucoup de fausses informations concernant le coût réel du recouvrement de la redevance circulaient dans la presse, il a souhaité qu'une mise au point soit effectuée dans ce domaine. Il a également voulu savoir si l'on disposait d'éléments de comparaisons à l'échelle européenne sur les coûts de fonctionnement des différents services de perception des redevances audiovisuelles.

Mme Danièle Pourtaud, après s'être inquiétée de la stabilisation des ressources du fonds de modernisation de la presse, a souhaité savoir si une étude concernant le rendement du compte d'affectation spéciale qui l'alimente avait déjà été réalisée. Elle a également demandé si, au lieu de reporter les crédits non consommés d'une année sur l'autre, il ne serait pas préférable de déplafonner le montant des avances et des subventions accordées.

Rappelant qu'un plan de modernisation sur trois ans, cofinancé par l'Etat et par Hachette, avait été mis en place à l'issue de la dernière crise du système de distribution, elle a craint que la sortie de plusieurs magazines de la distribution par les NMPP ait pour conséquence de remettre en cause un système de distribution fondé sur la solidarité des magazines et des quotidiens.

Concernant le budget de la communication audiovisuelle, Mme Danièle Pourtaud s'est déclarée en accord avec le ministre à propos des modalités de financement du service public audiovisuel, soulignant que l'existence de ce service public était conditionnée par celle de ressources indépendantes, pérennes, élevées et spécifiques.

Elle s'est en revanche interrogée sur la volonté du ministre de poursuivre l'effort entrepris par le précédent Gouvernement pour assurer le développement du service public. Elle s'est ainsi déclarée surprise par le fait que, contrairement aux termes du contrat d'objectifs et de moyens, la ressource affectée à France Télévisions ne progresse pas de 3,5 % en 2003.

Elle a également regretté que le Gouvernement ne donne pas les moyens au service public d'assurer la spécificité et la qualité de ses programmes. Le service public « concis et visible » souhaité par le ministre ne doit pas se transformer en un service public confiné et marginalisé par manque de moyens.

Après avoir souhaité que le report du lancement de la TNT préconisé par le rapport Boyon ne se transforme pas en enterrement, Mme Danièle Pourtaud a fait part de sa conviction que le décollage de la TNT passerait, non pas par le dynamisme du secteur privé mais par celui des chaînes en clair. Elle s'est interrogée sur le nombre de chaînes publiques numériques qui seront finalement mises en place, sur la réalisation d'un équilibre secteur public-secteur privé au sein de l'offre TNT et sur la manière de concilier le report de la TNT et les injonctions de Bruxelles concernant la suppression des « secteurs interdits ».

M. Henri Weber a demandé des précisions sur les moyens dont disposera le ministre pour mettre en place un audiovisuel public de qualité concentré sur ses missions de service public. Il a en effet estimé que cet objectif louable impliquait un certain nombre de conditions que l'on avait, pour l'heure, bien du mal à distinguer.

Il a ainsi interrogé le ministre sur sa volonté de poursuivre les efforts entrepris par le précédent Gouvernement pour réduire progressivement la part de la publicité dans le financement de l'audiovisuel public.

Après avoir rappelé qu'en comparaison des chaînes privées françaises comme de ses homologues allemand et britannique, l'audiovisuel public français restait sous-financé, il s'est interrogé sur les modalités d'un possible rattrapage. Rappelant, en citant l'exemple de la série « Napoléon », que la qualité avait un prix élevé, il a indiqué que l'augmentation de 2 % des ressources publiques ne permettrait ni de rattraper le retard accumulé ni de répondre à l'augmentation des coûts des programmes et de fonctionnement.

Il s'est enfin interrogé sur la redéfinition éventuelle du périmètre de l'audiovisuel public.

M. Louis Duvernois a déploré que le ministre, dans son exposé, n'ait pas évoqué une seule fois la question de l'audiovisuel extérieur, pourtant partie prenante du service public. Il s'est demandé si le projet de chaîne d'information internationale n'était pas en train de s'enliser dans le débat sur la TNT.

M. François Autain a rappelé que la redevance était une taxe mal comprise, mal acceptée et dont le rendement était insuffisant. Dans ces conditions, il a indiqué qu'il convenait de faire des choix : changer le mode de perception, comme l'a proposé le ministre au cours de l'été, ou relever le barème pour s'aligner sur les taux pratiqués dans d'autres pays européens. En effet, en l'absence de ressources publiques suffisantes, le financement du service public dépendra de plus en plus de la publicité.

Il a, à cet égard, regretté l'importance prise par la publicité sur l'antenne de France Télévisions : à la différence d'Arte et de France 5 dont les programmes semblent « libérés » de publicité, les chaînes de France Télévisions semblent, dans ce domaine, comparables aux chaînes privées. Il a souligné que les radios publiques avaient moins de mal à se passer des coupures publicitaires et qu'il était de ce fait plus agréable d'écouter France Inter que de regarder France 2.

Répondant aux différents intervenants, M. Jean-Jacques Aillagon a notamment apporté les précisions suivantes :

- on ne peut pas parler d'un « report » de la TNT, qui n'aurait pu en tout état de cause être lancée à la fin de cette année en l'absence, mise en évidence par le rapport Boyon, des conditions technologiques, techniques et économiques nécessaires au succès de l'opération. Personne, pas même le président du CSA, pourtant farouche défenseur du numérique terrestre, n'a d'ailleurs contesté les conclusions du rapport Boyon à ce sujet. Si l'on fait toute diligence, et le Gouvernement y est tout à fait disposé, la TNT ne sera accessible, en 2004, qu'à 40 % de la population, ce qui signifie qu'elle couvrira environ 20 % du territoire. Le Gouvernement a fait clairement le choix d'accompagner le développement de la TNT et le Premier ministre a d'ailleurs lui-même pris la décision d'accorder à l'Agence nationale des fréquences une avance de 15 millions d'euros permettant d'engager le processus de réaménagement des fréquences ;

- la TNT ne peut réussir que dans la mesure où sera assuré un équilibre entre le nombre de chaînes publiques et celui des chaînes privées : c'est un véritable projet industriel et non pas un simple projet politique comme semblait le croire le Gouvernement précédent. Il convient donc, pour garantir le succès de son lancement, de ménager, à côté de celui dévolu aux chaînes publiques, un espace de viabilité aux chaînes privées. Cet équilibre privé-public permettra d'éviter, comme ce fut le cas en Grande Bretagne, que la télévision publique ne soit contrainte de venir au secours d'un projet défaillant ;

- cinq chaînes publiques sont pour le moment assurées d'accéder à la TNT : France 2, France 3, France 5, Arte et La Chaîne Parlementaire. L'opportunité d'ajouter à cette offre publique une ou plusieurs chaînes supplémentaires reste un sujet d'interrogation, et ce, même si trois autres canaux restent réservés au service public. Quel que soit le nombre final de chaînes publiques présentes sur la TNT, il faut garder à l'esprit que l'important n'est pas tant leur nombre que leur qualité ;

- il faut cesser de penser de manière caricaturale que les chaînes privées offrent systématiquement de mauvais programmes. Paris Première et LCI, privées toutes les deux, sont ainsi des chaînes de très grande qualité. De plus, les chaînes privées ne sont pas obligatoirement des chaînes payantes : TF1et M6 sont des chaînes privées gratuites, tout comme pourront l'être demain un certain nombre de chaînes nouvelles de la TNT ;

- compte tenu de l'importance que revêt le développement de chaînes locales pour la vie culturelle et civique de notre pays, il est nécessaire de leur assurer des conditions de viabilité et de leur garantir des moyens de financement. L'ouverture des secteurs interdits à la publicité télévisée fait partie des pistes à explorer. Cette éventualité provoque néanmoins le mécontentement de la presse quotidienne régionale pour qui cette ouverture signifierait une baisse importante des recettes publicitaires dans un contexte économique déjà difficile. Une large concertation entre tous les acteurs concernés est d'ailleurs en cours. La proposition faite par M. Dominique Baudis, président du CSA, de distinguer entre les publicités nationales et celles mises en oeuvre par les acteurs locaux du commerce et de la grande distribution mérite à cet égard examen, et le fait qu'un certain nombre d'opérateurs de la presse quotidienne régionale soient engagés dans des projets de télévisions locales pourrait contribuer à débloquer la situation. En ce qui concerne la mise en demeure de Bruxelles, le gouvernement a fait une réponse d'attente en faisant valoir que le dispositif actuel ne contrevenait pas aux impératifs d'intérêt général dont Bruxelles reconnaît la validité ;

- la hausse de 2 % des moyens accordés à France Télévisions respecte les engagements pris par l'Etat dans le cadre du contrat d'objectifs et de moyens. En effet, l'augmentation de 3,5 % n'était envisagée qu'au cas où le lancement de la TNT aurait engendré des dépenses de production et de programmation nouvelles pour le groupe. Son président s'est d'ailleurs déclaré satisfait de cette augmentation de 2 %, qui semble correspondre aux besoins actuels de France Télévisions ;

- la démultiplication du nombre de chaînes publiques ne doit pas être un objectif absolu. En effet, chaque chaîne doit répondre à une mission spécifique et identifiée de service public. Le nombre pertinent de chaînes publiques dépend donc du nombre des missions qui sont assignées au service public. Toutefois, les limites raisonnables du « périmètre » du secteur public de l'audiovisuel public impliquent nécessairement l'existence d'une chaîne généraliste, d'un « vaisseau amiral » ;

- on ne peut prétendre avoir des exigences élevées vis-à-vis du service public audiovisuel si l'on accepte d'assujettir son équilibre financier à la publicité. En effet, seule l'audience des programmes conditionne les investissements des annonceurs. Il faut donc que les différents acteurs de l'audiovisuel public soient indépendants de la publicité et puissent programmer des émissions de débat ou d'information sans mettre en péril, par manque d'audience, leur équilibre financier ;

- les ressources issues de la redevance attribuées à RFI sont en hausse de 1,5 %. Le ministère des affaires étrangères, pour la partie du financement qui lui revient, s'est quant à lui montré moins généreux. Il serait souhaitable qu'à terme toutes les sociétés de l'audiovisuel public relèvent d'un même type de financement ;

- la chaîne internationale fait encore l'objet de nombreuses interrogations concernant son format, sa couverture géographique, sa langue de diffusion et l'identité de son opérateur. Il semble raisonnable, en ce qui concerne ce dernier point, que ce soit une chaîne de télévision qui soit chargée de la mettre en oeuvre, que cette chaîne soit privée ou publique. L'éventualité d'un opérateur privé n'est pas à négliger à condition de ne pas commettre de contresens : LCI est une chaîne d'information nationale dont les caractéristiques ne correspondent pas à l'heure actuelle à celles d'une chaîne internationale. Si France Télévisions devait être choisi, le groupe pourrait s'appuyer de manière contractuelle sur RFI ou l'AFP pour bénéficier des réseaux de ces sociétés. Grâce à la création d'une telle chaîne, la France, sans pour autant créer une « chaîne officielle », souhaite voir ses points de vue mieux pris en compte, mieux illustrés et mieux promus. Aussi faudra-t-il s'assurer, tout en respectant la liberté rédactionnelle de cette chaîne, qu'elle présente un point de vue spécifique, différent de celui présenté par les autres opérateurs étrangers tels que BBC World ou CNN. Le financement de cette chaîne fait lui aussi débat. Il semble impossible de créer une chaîne internationale en se contentant de mobiliser les moyens existants. Aussi faut il, en matière d'audiovisuel extérieur, mettre les moyens à la hauteur des ambitions et dégager, en accord avec le ministère des affaires étrangères, des crédits suffisants ;

- les affirmations relatives au rendement de la redevance, au coût de sa perception ou au montant de la fraude sont souvent sans fondement. Le coût de perception de la redevance est de 75 millions d'euros pour un rendement de 2 milliards d'euros. Le montant de la fraude, sans être négligeable, n'est pas si important qu'on le prétend : il est évalué à 10 % des recettes, soit 200 millions d'euros. La proposition, déjà faite il y a quelques années par l'Inspection générale des finances, d'associer le recouvrement de la redevance à celui de la taxe d'habitation, pourrait contribuer à réduire la fraude. La réflexion engagée par le Gouvernement, qu'elle débouche sur une réforme des modalités de recouvrement de la redevance ou sur une autre solution, doit néanmoins préserver les modalités de financement spécifiques qui caractérisent, à l'heure actuelle, l'audiovisuel public. En tout état de cause, l'application de la loi organique sur les lois de finances impose de réfléchir sur les modalités futures du financement de l'audiovisuel et, éventuellement, d'imaginer un nouveau dispositif ;

- l'insuffisance du rendement du fonds de modernisation de la presse pose un vrai problème. Une personnalité sera prochainement chargée d'une mission d'observation et de réflexion sur ce sujet ;

- le montant des crédits non consommés du fonds de modernisation devrait se réduire grâce à la modification de la clé de répartition entre les avances et les subventions. En effet, c'est le montant trop élevé réservé aux avances qui a, depuis l'origine, provoqué l'accumulation de crédits non consommés. La baisse de ce montant devrait mécaniquement entraîner la diminution des crédits reportés.

Un second débat s'est ensuite engagé sur les crédits de la culture.

Soulignant l'ampleur des besoins pour assurer la protection du patrimoine non protégé, M. Ivan Renar s'est interrogé sur l'opportunité de faire bénéficier de ressources publiques la Fondation du patrimoine qui a développé son action de manière significative.

Mme Marie-Christine Blandin a souligné les risques que représenterait pour la politique de soutien de la création la remise en cause du régime d'assurance chômage des intermittents du spectacle. Elle s'est également élevée contre la concentration en Ile-de-France des crédits consacrés par le ministère à la culture scientifique et technique, à travers le soutien accordé à la Cité des sciences et de l'industrie de la Villette, dont l'action reste insuffisamment tournée vers l'action en régions.

M. Jack Ralite a fait part des inquiétudes que suscitait pour les années à venir la diminution du budget de la culture en 2003, tendance aggravée par le gel des crédits décidé en 2002 et le coût représenté par le doublement des cotisations d'assurance chômage des intermittents du spectacle. Enfin, il s'est inquiété des conditions de rachat de la filiale édition du groupe Vivendi Universal.

Le ministre a apporté les éléments de réponse suivants :

- le financement public des fondations est par principe à écarter. Il convient plutôt d'améliorer la fiscalité du mécénat et des fondations afin de mobiliser des moyens significatifs ;

- l'intermittence n'est pas un statut professionnel mais un régime d'indemnisation du chômage géré par les partenaires sociaux. L'accord décidant de l'augmentation des cotisations a été signé par les confédérations patronales et trois confédérations syndicales. Le gouvernement, qui ne dispose que d'un pouvoir d'agrément et qui s'est fixé comme ligne de respecter les compétences des partenaires sociaux, a décidé de différer l'entrée en vigueur de la mesure du 1er juillet au 1er septembre 2002. Sur cette question, son objectif est le maintien d'un régime spécifique économiquement praticable et financé par la solidarité professionnelle. Le doublement des cotisations, motivé par des données conjoncturelles, n'est pas irréversible. L'intermittence est un facteur de vitalité du secteur culturel qui ne doit pas, par les abus qu'elle permet, se réduire à un moyen de diminuer le coût du travail. Deux personnalités ont été missionnées par les ministres de la culture et des affaires sociales pour prendre la mesure des difficultés, clarifier les données statistiques et évaluer l'origine des abus. Leurs conclusions seront connues à la fin du mois de novembre et présentées à l'ensemble des partenaires sociaux. Les abus auxquels donne lieu le système ne doivent pas conduire à le remettre en cause ;

- le projet de budget n'entraînera pas une diminution des moyens d'action du ministère. Le Premier ministre s'est engagé pour 2004 à une reprise de l'effort. Des modalités de calcul très complexes ont été inventées pour démontrer qu'au cours des exercices précédents le chiffre symbolique de 1 % avait été atteint, ce qui n'était d'ailleurs pas le cas du budget 2002. Il n'y a pas eu cette année de mesures d'annulation de crédits concernant les structures du spectacle vivant ;

- le Gouvernement souhaite qu'une solution nationale crédible sur le plan financier et industriel soit trouvée pour l'avenir de la branche édition de Vivendi Universal. la proposition d'Hachette est la meilleure des solutions, les engagements de respect de l'indépendance des maisons d'édition composant le groupe seront honorés. Il convient toutefois d'obtenir des assurances pour se prémunir contre les risques de concentration dans le secteur de la distribution.