Table des matières




Mercredi 19 décembre 2001

- Présidence de M. Ambroise Dupont, vice-président. -

Collectivités locales - Démocratie de proximité - Examen du rapport pour avis

La commission a examiné le rapport pour avis de M. Xavier Darcos sur le projet de loi n° 415 (2000-2001), adopté par l'Assemblée nationale, après déclaration d'urgence, relatif à la démocratie de proximité.

M. Xavier Darcos, rapporteur pour avis, a indiqué que plusieurs des articles du projet de loi entraient dans le champ de compétence de la commission. Il a souligné que ces articles avaient été introduits par l'Assemblée nationale sur proposition du Gouvernement au prétexte d'étendre à l'ensemble des régions certaines des compétences dévolues à la collectivité territoriale de Corse par le projet de loi relatif à la Corse. Il a relevé toutefois que si l'article 43 F s'inspirait d'une des dispositions de ce texte, les autres articles relevaient d'une autre inspiration et avaient vocation à constituer, dans leurs domaines respectifs, des mesures de décentralisation.

Après avoir noté le caractère fort disparate et modeste de ces dispositions, le rapporteur pour avis a regretté qu'elles aient été débattues au détour d'un texte qui n'était pas consacré à titre principal à la décentralisation.

Il a souligné le caractère improvisé d'un débat consistant à introduire au cours de la discussion du projet de loi des dispositions inspirées de celles d'autres textes législatifs non encore promulgués : c'est le cas de l'article 43 F qui confère aux régions compétence pour élaborer un plan régional de développement des formations professionnelles, ces dispositions reprenant, avec des variantes non négligeables, celles de l'article 22 du projet de loi relatif à la Corse. Rappelant que le dispositif régional des formations professionnelles n'était pas stabilisé, il a précisé que le projet de loi visait à introduire la formation des adultes dans le plan régional, la régionalisation de l'association nationale pour la formation professionnelle des adultes (AFPA) ainsi que des innovations non négligeables concernant les modalités de la concertation entre les acteurs de la formation professionnelle au niveau régional, ces aménagements successifs ne contribuant pas, selon lui, à améliorer dans l'immédiat la lisibilité d'un dispositif déjà complexe.

Le rapporteur pour avis a cependant fait observer que l'Assemblée nationale avait repoussé un amendement du Gouvernement étendant à l'ensemble des régions l'article 5 du projet de loi relatif à la Corse ; une telle disposition aurait permis à la région de passer des conventions avec des établissements d'enseignement supérieur ou des organismes de recherche, en vue d'organiser des actions d'enseignement supérieur complémentaires de celles de l'Etat.

Il a rappelé que les régions disposaient déjà de la faculté de passer de telles conventions et que ces formations complémentaires restaient en toute hypothèse soumises au contrôle de l'Etat exercé en matière d'homologation des titres et des diplômes. Il a ajouté que le Gouvernement n'avait en revanche pas jugé utile d'étendre à l'ensemble des régions l'article 6 du projet de loi relatif à la Corse transférant à la collectivité territoriale la compétence pour financer, construire, équiper et entretenir les établissements d'enseignement supérieur, alors qu'un tel transfert était également préconisé par le rapport de la commission Mauroy pour l'avenir de la décentralisation.

Au total, il a estimé que l'examen des conditions d'une décentralisation plus ambitieuse de l'enseignement supérieur devrait sans doute s'effectuer dans un cadre plus approprié que celui du présent projet de loi.

Le rapporteur pour avis a ensuite indiqué que les articles 43 H et 43 I relatifs respectivement au cinéma et au patrimoine, qui n'ont pas d'équivalent dans le projet de loi relatif à la Corse, ressortissent à la catégorie des mesures destinées à approfondir la décentralisation dans le domaine culturel, objectif dont la nécessité avait été maintes fois soulignée.

Il a considéré que le relèvement du seuil en deçà duquel les départements et les communes pouvaient subventionner les établissements de spectacle cinématographique, auquel procédait l'article 43 H, constituait dans son principe une mesure positive dans un contexte marqué par la concurrence des multiplexes.

En revanche, il a souligné que l'article 43 I qui prévoyait les modalités d'une expérimentation destinée à préparer des transferts de compétences de l'Etat au profit des collectivités territoriales dans le domaine de la protection du patrimoine révélait les ambiguïtés des objectifs du Gouvernement en matière de décentralisation culturelle. Le dispositif constitue en fait une demi-mesure qui revient à confier aux collectivités territoriales la charge de l'entretien et de la restauration du patrimoine, sans pour autant leur conférer des prérogatives en matière d'édiction de mesures de protection. Cette analyse est confirmée par le manque d'ambitions des protocoles d'ores et déjà signés. Cette expérimentation ne permettra guère de déterminer les modalités de répartition des compétences entre les différentes collectivités territoriales. Ne souhaitant pas la remettre en cause, au prétexte de sa modestie, il a estimé nécessaire de retenir une conception plus ambitieuse de cette expérimentation.

M. Xavier Darcos, rapporteur pour avis, a proposé que, dans le même souci de créer les conditions d'un véritable dialogue entre l'Etat et les collectivités territoriales en matière de protection du patrimoine, soit repris dans le cadre du projet de loi le dispositif adopté par le Sénat sur proposition de M. Pierre Fauchon afin d'améliorer le fonctionnement de la procédure de recours contre les avis conformes des architectes des Bâtiments de France prévue par la loi du 28 février 1997. Il a considéré que ce texte avait en effet toute sa place dans un projet de loi consacré à la démocratie de proximité, en permettant d'infléchir les pratiques administratives dans un domaine encore conflictuel.

A l'issue de l'exposé du rapporteur pour avis, un large débat s'est engagé.

M. Daniel Eckenspieller a regretté que la commission ne se soit pas saisie pour avis de l'article 43 G qui accroît les compétences des régions en matière d'environnement, et notamment de création et de gestion des réserves naturelles. Il a déploré que cette disposition introduite dans la précipitation n'ait fait l'objet d'aucune concertation.

M. Jean-François Picheral a fait état des réactions d'hostilité suscitées au sein des associations de protection de l'environnement par ce dispositif.

M. Ambroise Dupont, président, a confirmé que cet article conférait aux régions des compétences en ce domaine, de même qu'en matière d'élaboration des inventaires locaux et régionaux du patrimoine faunistique et floristique, et soulevait nombre de questions, notamment suscitées par la crainte de voir ces instruments soumis à des considérations par trop locales. Il a toutefois indiqué que la commission ne s'était pas saisie de cette disposition qui serait examinée par la commission des affaires économiques et du plan, saisie pour avis, et qui pourrait, au demeurant, faire l'objet de propositions d'amendements de la part des commissaires.

Par ailleurs, il s'est interrogé sur la possibilité pour les établissements de coopération intercommunale de participer à l'expérimentation prévue par l'article 43 I.

M. Pierre Laffitte a souhaité que les préoccupations exprimées par la commission sur l'article 43 G puissent être prises en compte au cours des débats et a estimé nécessaire de consulter les régions sur ces transferts de compétence. En outre, il s'est interrogé sur l'opportunité de saisir l'occasion de l'examen de ce projet de loi pour modifier les règles de l'article L. 631-9 du code de la construction et de l'habitation afin de maîtriser dans les petites communes touristiques la transformation de locaux d'habitation en locaux commerciaux.

Après avoir pris acte de ces préoccupations, le rapporteur pour avis a rappelé que la commission des affaires économiques saisie pour avis de l'article 43 G s'était d'ores et déjà prononcée. Par ailleurs, il a indiqué que pour l'heure, les protocoles de décentralisation culturelle n'avaient pas concerné les établissements de coopération intercommunale, auxquels ne sont que rarement confiées des compétences patrimoniales, sauf pour des opérations de grande ampleur.

La commission a ensuite procédé à l'examen des amendements.

A l'article 43 H (relèvement du seuil pour l'octroi par les collectivités territoriales de subventions aux entreprises ayant pour objet l'exploitation de salles de spectacle cinématographique), la commission a adopté un amendement tendant à abaisser de 10.000 à 5.000 entrées hebdomadaires le seuil proposé par le projet de loi en deçà duquel les collectivités peuvent accorder des subventions à des établissements de spectacles cinématographiques. En réponse aux interrogations de MM. Jean-François Picheral et François Autain, le rapporteur pour avis a indiqué que le seuil retenu par l'Assemblée nationale risquait de produire un effet inverse à celui escompté, en permettant aux grands groupes de bénéficier de ces aides, destinées dans l'esprit de la loi de 1992 à soutenir l'exploitation indépendante. Par ailleurs, tout en reconnaissant le caractère contestable d'un système fondé sur des seuils, il a rappelé qu'aucun plafond n'était fixé pour les aides accordées aux cinémas d'art et d'essai.

La commission a adopté une nouvelle rédaction de l'article 43 I (protocoles de décentralisation culturelle) destinée à préciser, d'une part, qu'au terme de l'expérimentation, une loi procédera à des transferts de compétence et, d'autre part, dans quelle mesure les protocoles pourront déroger aux dispositions de la loi du 31 décembre 1913 sur les monuments historiques. En réponse à M. Ambroise Dupont, président, qui avait demandé quels critères présidaient au choix des collectivités participant à l'expérimentation, évoquant notamment le cas d'initiatives concurrentes émanant de plusieurs collectivités, le rapporteur pour avis a indiqué que, dans cette hypothèse, au demeurant fort peu probable, la décision revenait in fine à l'Etat. Il a souligné que le nombre de protocoles était notamment limité par les capacités de l'Etat, loin d'être infinies, de participer au financement des projets engagés dans ce cadre. Pour l'heure, les protocoles sont financés par des mesures nouvelles d'un montant modeste : 15 millions de francs en 2001 et 8 millions de francs en 2002.

La commission a adopté, par coordination avec la rédaction adoptée pour l'article 43 I, un amendement à l'article 43 D (assiette du prélèvement destiné à alimenter le fonds de correction des déséquilibres régionaux) afin de soustraire les dépenses engagées par les régions dans le cadre des protocoles de décentralisation culturelle de l'assiette du prélèvement prévu à l'article L. 4322-5 du code général des collectivités territoriales et destiné à alimenter le fonds de correction des déséquilibres régionaux.

Enfin, la commission a adopté, après l'article 43 I, un article additionnel tendant à modifier la procédure de recours contre les avis conformes des architectes des Bâtiments de France (ABF) prévue par la loi du 28 février 1997, après les interventions de MM. Jean-Luc Miraux et Michel Thiollière, qui se sont inquiétés des conséquences des recours devant la commission sur les délais de délivrance des permis de construire et des conditions de notification des avis des ABF aux pétitionnaires. Ce dispositif reprend, sous réserve d'une modification mineure, le texte de la proposition de loi déposée par M. Pierre Fauchon et adoptée par le Sénat le 14 juin 2001 visant à créer une commission départementale du patrimoine compétente pour se prononcer sur les recours formés contre les avis conformes des ABF, recours qui était ouvert au pétitionnaire.

A l'issue de cet examen, et sous réserve des amendements proposés, la commission a donné un avis favorable à l'adoption des articles du projet de loi relatif à la démocratie de proximité dont elle est saisie pour avis.