Table des matières


MERCREDI 10 OCTOBRE 2001

- Présidence de M. Jacques Valade, président. -

I. CULTURE - MUSÉES DE FRANCE - EXAMEN DU RAPPORT

La commission a examiné le rapport de M. Philippe Richert sur le projet de loi n° 323 (2000-2001), adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, relatif aux « musées de France ».

M. Philippe Richert, rapporteur,
a observé que le projet de loi procédait enfin à la réforme tant attendue de l'ordonnance du 13 juillet 1945 sur les musées. Il a noté avec satisfaction que la Conférence des présidents ait décidé, sur la proposition du président Valade, de laisser au Sénat le temps de prendre connaissance des propositions de la commission avant le débat en séance publique.

Il a toutefois regretté que le Gouvernement ait déclaré l'urgence sur ce projet de loi qui aurait sans doute pu être amélioré au bénéfice de la navette. En effet, le texte est décevant mais également incomplet, comme en témoigne le souci de l'Assemblée nationale de lui adjoindre un volet financier et fiscal. Le Gouvernement lui-même l'a reconnu, en confiant à l'Inspection générale des finances une mission afin d'évaluer les mécanismes d'enrichissement des collections nationales dont les conclusions devraient lui permettre de formuler des propositions répondant aux préoccupations exprimées par les députés. Le rapporteur a indiqué que le rapport de mission de l'Inspection générale des finances avait été remis, mais que le Gouvernement n'avait pas encore fait connaître les conclusions qu'il en tirait.

Avant d'analyser ses principales dispositions, M. Philippe Richert a souligné que le projet de loi privilégiait une approche administrative de la politique conduite par l'Etat dans le domaine des musées. Il substitue à l'ordonnance du 13 juillet 1945, texte qui avait certes vieilli mais constituait un modèle d'organisation en réalité très souple, un dispositif qui ne correspond ni aux mutations qu'ont connues les musées depuis les années 1970 ni aux acquis de la décentralisation.

Au premier rang des objectifs assignés par le Gouvernement au projet de loi figure la volonté de « placer le public au coeur de la vocation du musée ».

Après avoir relevé que cette préoccupation n'était pas récente, le rapporteur a indiqué qu'à l'aune des progrès déjà accomplis en ce domaine, les dispositions du projet de loi n'étaient guère novatrices.

L'objectif de démocratisation ne se traduit qu'à l'article 4 dans l'énoncé, très général, des missions des musées de France et dans la définition, à l'article 6, des principes de leur politique tarifaire. Sur cette dernière question, à l'exception d'une pétition de principe qui a, en fait, le mérite de laisser les musées de France libres de déterminer leurs tarifs, le projet de loi se contente d'étendre à l'ensemble des musées relevant de l'Etat la gratuité pour les moins de 18 ans, déjà appliquée dans les musées nationaux.

Le rapporteur a souligné que l'Assemblée nationale avait introduit diverses dispositions destinées à doter les musées des moyens leur permettant d'assumer leur mission de diffusion culturelle. Mais il a regretté que la plupart d'entre elles conduisent à leur imposer des contraintes administratives nouvelles, à l'image de l'extension du champ de l'article 5 aux responsables des activités culturelles des musées, qui devront, comme les conservateurs, présenter des qualifications définies par décret, ce qui ne permettra pas de surmonter le manque de personnels dont souffrent les musées, ou encore de l'obligation imposée à chaque musée par l'Assemblée nationale de disposer d'un service des publics, qui n'est pas en elle-même de nature à garantir un élargissement des publics.

L'Assemblée nationale a également adopté une série de dispositions qui, si elles constituent des mesures d'affichage, traduisent le souci de voir les musées assumer l'ensemble des missions que leur assigne la loi en encourageant la constitution de réseaux scientifiques entre les musées, en les incitant à collaborer avec les organismes de recherche et les établissements d'enseignement supérieur, en préconisant la conclusion de conventions avec les sociétés d'amis de musée.

Le second objectif du projet de loi est de redéfinir les relations entre l'Etat et les musées.

Le rapporteur a indiqué que son appréciation sur cet aspect du projet de loi serait plus sévère. En effet, au prétexte de fédérer et de rééquilibrer les relations entre l'Etat et les musées, le texte favorise en fait une uniformisation administrative qui ignore les acquis de la décentralisation.

Abrogeant les dispositions de l'ordonnance de 1945, il substitue aux deux catégories, musées classés et musées contrôlés, une appellation unique « musée de France » qui aura vocation à s'appliquer à l'ensemble des institutions dont les collections présentent un intérêt public.

Dans la mesure où l'article 3 prévoit que ce statut ne sera attribué qu'aux institutions qui le demandent, ce régime différerait donc de la logique de l'ordonnance de 1945 selon laquelle l'Etat définit le champ de son contrôle. Le rapporteur a cependant souligné que pour les musées actuellement classés ou contrôlés, l'appellation ne serait pas attribuée dans ce cadre mais selon la procédure de l'article 14 en vertu duquel l'ensemble des institutions actuellement soumis au contrôle de l'Etat deviennent automatiquement musées de France, les possibilités d'opposition -qui n'existent que pour les musées contrôlés- étant strictement encadrées.

Or, le projet de loi soumet les musées de France à un contrôle de l'Etat plus strict que celui prévu par l'ordonnance de 1945, largement écorné par les lois de décentralisation.

De technique, le contrôle de l'État devient « scientifique et technique ». Les dispositions de l'ordonnance de 1945 encore en vigueur sont reprises : un décret définira les compétences exigées des responsables scientifiques des musées ; les acquisitions seront précédées d'un avis des services de l'État ; les musées seront soumis à l'inspection de ces mêmes services. Par ailleurs, le projet de loi va au-delà, en confiant à un décret le soin de fixer les règles de dépôt et de prêt des collections des musées de France, de définir les qualifications exigées des professionnels auxquels seront confiées -après avis des services de l'Etat- leurs restaurations, ou encore en les obligeant à leur transmettre des statistiques relatives à leur fréquentation.

Le rapporteur a souligné que la création d'une nouvelle instance consultative, le Conseil des musées de France, placé auprès du ministre, dont l'objet est de fédérer « l'ensemble des différentes familles de musées », ne constituait pas un moyen de se prémunir contre les risques d'un renforcement des prérogatives de l'État, dans la mesure où il ne disposerait pas des moyens nécessaires pour affirmer son indépendance et son autorité.

Cette inspiration « recentralisatrice » n'a guère été atténuée par l'Assemblée nationale.

En effet, si l'Assemblée nationale a prévu que seraient signées des conventions entre l'Etat et les musées de France afin de préciser les modalités de réalisation de leurs missions et les conditions d'application de la loi, ces conventions ne pourront pas écarter l'application des dispositions de la loi relatives au contrôle exercé par l'Etat, dispositions qu'elle n'a pas assouplies.

Le troisième objectif du projet de loi est de préciser le régime de protection applicable aux collections des musées de France.

Dans le souci d'en assurer l'intégrité et la pérennité, le projet de loi renforce les garanties existantes, telles qu'elles résultent des textes, pour les musées appartenant à des collectivités publiques, ou de la pratique administrative, pour les musées privés.

L'article 8 affirme un principe d'inaliénabilité absolue des collections publiques, qui interdit tout déclassement. La gestion des collections privées est également très strictement encadrée : leurs propriétaires ne peuvent les céder qu'aux personnes publiques ou aux personnes morales de droit privé à but non lucratif qui se seront engagées au préalable à maintenir l'affectation de ces collections au public.

Le rapporteur a estimé que ces dispositions ne tenaient pas compte de la diversification des collections muséographiques et interdisaient pour l'avenir toute évolution de leurs modes de gestion. Il a relevé que, même si la mesure proposée n'apparaissait pas appropriée, l'Assemblée nationale, en prévoyant que les oeuvres des artistes vivants ne deviennent inaliénables qu'à l'issue d'un délai de trente ans à compter de leur achat, avait eu le mérite d'ouvrir un débat jusque là esquivé.

Au terme de cette analyse, M. Philippe Richert a considéré que, s'arc-boutant sur une conception dépassée du rôle de l'Etat en matière de protection du patrimoine, le projet de loi n'ouvrait guère de perspectives pour l'avenir. A cet égard, il a approuvé le souci de l'Assemblée nationale de le compléter par des dispositions financières et fiscales destinées à favoriser l'enrichissement des collections muséographiques.

Ces dispositions poursuivent deux objectifs. En premier lieu, avec la volonté de relancer le mécénat, l'Assemblée nationale a modifié les articles 200 et 238 bis du code général des impôts afin d'encourager les dons en faveur des musées mais elle a également souhaité améliorer les mécanismes des articles 238 bis OA et 238 bis AB qui incitent les entreprises, respectivement, à acheter des objets d'art en vue de les donner à l'État et à constituer des collections d'art contemporain.

En second lieu, l'Assemblée nationale a institué un prélèvement supplémentaire de 1 % sur le montant du produit brut des jeux dans les casinos, destiné à dégager de nouvelles recettes fiscales pour l'acquisition des trésors nationaux.

Le rapporteur a considéré qu'au-delà de ses dispositions, au demeurant perfectibles, le projet de loi, après son examen par l'Assemblée nationale conservait toutefois encore nombre des défauts du texte présenté par le Gouvernement.

Il a estimé nécessaire, en premier lieu, d'assouplir les modalités du contrôle exercé par l'Etat sur les musées de France.

Afin d'éviter que les textes d'application ne retiennent une conception extensive du contrôle scientifique et technique de l'État, le rapporteur a souhaité restreindre son champ aux seules modalités prévues par la loi, modalités qu'il convenait par ailleurs d'assouplir en supprimant les sujétions qui apparaissaient soit excessives, au regard du principe de libre administration des collectivités territoriales ou de la liberté de gestion dont doivent bénéficier les collections privées, soit sources de contraintes administratives superflues.

Afin de donner tout leur sens aux procédures consultatives prévues par le projet de loi, il a considéré opportun, d'une part, de renforcer l'indépendance et l'autorité du Conseil des musées de France qui pourrait devenir un Haut Conseil des musées de France et, d'autre part, de confier à des instances scientifiques plutôt qu'aux services de l'Etat le soin de conseiller les musées de France dans la gestion de leurs collections.

En outre, toujours dans le souci d'atténuer le caractère centralisateur du projet de loi, et donc d'éviter que le statut de musée de France ne puisse être imposé par l'administration aux musées, le rapporteur a proposé de modifier les dispositions transitoires de l'article 14 afin de donner aux musées contrôlés l'initiative de demander l'attribution de l'appellation mais également de préciser à l'article 3 les modalités de son retrait afin de ne pas lui conférer un caractère irrévocable.

S'agissant du statut des collections, sans préconiser un changement brutal des règles, il a estimé nécessaire de réfléchir à une alternative à l'inaliénabilité des collections. Si les nombreux exemples de relectures historiques incitent à la circonspection, il est excessif de considérer qu'un conservateur qui achète a toujours raison, et qu'il a toujours tort quand il vend. Par ailleurs, la diversification des collections muséographiques impose de ne pas réfléchir seulement par référence aux musées des beaux-arts. Pour autant, le rapporteur a considéré que la solution retenue par l'Assemblée nationale n'était guère pertinente dans la mesure où pour les oeuvres contemporaines plus que dans tout autre domaine le principe d'inaliénabilité se justifiait pleinement.

M. Philippe Richert a souligné que si le principe d'inaliénabilité des collections publiques devait être remis en cause, il convenait de le faire de manière plus générale, afin que tous les types de musées, en particulier ceux qui ont une vocation scientifique ou technique, puissent échapper à une fossilisation contraire à l'intérêt du public, mais également de façon plus prudente, afin de garantir la pérennité des collections en évitant des cessions irrémédiables. Le rapporteur a préconisé que le principe de l'inaliénabilité absolue proposée par le projet de loi puisse être écarté au profit des règles de droit commun de la domanialité publique. Cette solution, qui présente le mérite de ne pas clore le débat en laissant aux conservateurs le soin de le conduire, permet de préserver une certaine souplesse dans la gestion des collections, en ménageant la possibilité de déclassements.

M. Philippe Richert a craint que la restriction du droit d'aliénation des collections privées prévue par l'article 8, en limitant leur liberté de gestion, ne décourage leurs propriétaires de solliciter le label, et, de ce fait, n'entrave le développement d'un partenariat entre les musées publics et les institutions nées de l'initiative privée.

Afin d'éviter cet écueil et de ne pas hypothéquer les chances de voir se créer de nouveaux musées privés en France, il a proposé de limiter le statut protecteur prévu par le projet de loi aux seules oeuvres acquises avec le concours de l'Etat ou d'une collectivité territoriale.

En outre, soucieux de promouvoir une rénovation de l'administration des musées nationaux, il a estimé indispensable d'étendre aux musées de l'Etat certaines dispositions du projet de loi qui ne visaient initialement que les musées privés ou territoriaux.

Enfin, M. Philippe Richert a considéré qu'il convenait également de renforcer l'efficacité du volet fiscal et financier introduit par l'Assemblée nationale.

En premier lieu, les dispositions relatives au mécénat doivent être clarifiées. S'agissant des articles 15 bis, 15 ter et 15 sexies, destinés à encourager les dons faits aux musées, les modifications adoptées par l'Assemblée nationale, au mieux, ne modifient pas le droit existant et, au pire, le compliquent, ce qui pourrait avoir pour effet de décourager les donateurs. Au-delà de la suppression de l'article 15 bis, déjà satisfait par la rédaction actuelle de l'article 200 du code général des impôts, il convient donc de simplifier le régime de l'article 238 bis afin de prévoir une limite de déductibilité unique pour l'ensemble des dons versés par les entreprises aux musées, dons qui actuellement font l'objet de régimes distincts, selon le statut juridique de l'institution qui en bénéficie. Enfin, le rapporteur a proposé d'adopter les mesures de toilettage des articles 238 bis OA et 238 bis AB du code général des impôts adoptées par l'Assemblée nationale tout en exprimant des doutes sur l'efficacité de ces dispositions.

A propos des dispositions relatives à l'institution d'un prélèvement sur le produit brut des jeux dans les casinos, après avoir rappelé que la commission avait souligné à maintes reprises la nécessité d'accroître les crédits d'acquisition, M. Philippe Richert a indiqué que, faute de pouvoir opérer des redéploiements au sein du budget du ministère de la culture, la solution fiscale adoptée par l'Assemblée nationale était le seul biais permettant de dégager des recettes supplémentaires pour assurer le maintien sur le territoire des trésors nationaux.

Toutefois, il a indiqué que l'efficacité du dispositif retenu trouvait sa limite dans les règles de l'ordonnance du 2 janvier 1959 qui réserve au Gouvernement l'initiative de l'affectation de recettes à certaines dépenses. Si l'accroissement du prélèvement sur les casinos est certain, l'augmentation à due concurrence des crédits d'acquisition demeure hypothétique.

Le rapporteur a donc préconisé d'adopter deux dispositions fiscales visant à inciter les entreprises à acquérir ou à aider l'Etat à acquérir des trésors nationaux, dispositions dont le coût pour l'Etat pourrait être couvert par le prélèvement sur les casinos, dont le produit avoisinerait 120 millions de francs.

Ces dispositions, simples dans leur rédaction et puissamment incitatives, devraient constituer un levier efficace permettant de mobiliser rapidement les fonds nécessaires à l'achat de ces oeuvres et donc de garantir un fonctionnement efficace du dispositif de protection du patrimoine national prévu par la loi du 31 décembre 1992.

Un large débat s'est alors instauré.

M. Ivan Renar a également jugé très positif que soit enfin engagée la réforme de l'ordonnance du 13 juillet 1945 relative aux musées des beaux-arts. Il a rappelé que ce texte ancien continuait à s'appliquer alors que les musées avaient beaucoup évolué grâce aux efforts conjugués de l'État, des collectivités territoriales et du corps des conservateurs pour devenir des centres culturels et artistiques remarquables. Il a fait observer qu'en constituant les collections qui seront transmises aux générations futures, les musées travaillaient pour l'éternité. Il a regretté que le projet de loi, à la différence du texte déposé en 1993, ne propose pas de statut légal pour les musées, soulignant à ce titre l'intérêt que représentait la proposition de loi relative à la création d'établissements publics de coopération culturelle, adoptée à l'unanimité par le Sénat le 14 juin dernier et en instance devant l'Assemblée nationale. De même, il a déploré que le projet de loi déposé par le Gouvernement ne comportât pas de volet financier.

Évoquant la question de la politique tarifaire, il a estimé souhaitable qu'elle ne soit pas décrétée au niveau national mais arrêtée par chaque collectivité territoriale en fonction des priorités de sa politique culturelle et sociale. Il a souligné que les mesures tarifaires devaient concerner non seulement l'accès aux collections permanentes mais également aux expositions temporaires. Il s'est par ailleurs inquiété des effectifs insuffisants des corps et cadres d'emploi des conservateurs et du niveau insuffisant de leur rémunération.

En ce qui concerne les modes de gestion des collections, il a rappelé qu'un musée qui n'achetait pas était un musée mort. Par ailleurs, il s'est déclaré préoccupé par l'exception au principe de l'inaliénabilité des collections publiques introduite par l'Assemblée nationale pour les oeuvres d'artistes vivants. Si cette disposition avait été en vigueur dans le passé, des chefs-d'oeuvre auraient sans doute été vendus. Par ailleurs, une telle disposition risque de conduire les conservateurs à influer sur le marché de l'art. Il a estimé nécessaire que le Sénat débatte de cette question.

Évoquant le prélèvement de 1 % sur le produit brut des jeux, il a souhaité que puisse être étudiée la possibilité d'une contribution de la Française des jeux aux acquisitions des musées.

Il a regretté que l'effort des collectivités locales en faveur de la culture scientifique et technique ne soit pas soutenu par l'Etat.

Enfin, il a plaidé pour une politique systématique de prêts et dépôts des collections des musées nationaux au profit des musées territoriaux, notamment afin de favoriser l'organisation des expositions temporaires, aujourd'hui très onéreuses en raison des coûts de transport et d'assurance.

M. Jacques Legendre, après s'être félicité de son dépôt, a estimé nécessaire d'aborder avec prudence l'examen d'un texte élaboré par la direction des musées de France, qui apparaissait plus comme un renforcement des prérogatives de l'État que comme un encouragement pour les musées à prendre des initiatives.

Il s'est interrogé sur la pertinence de faire précéder d'un avis les acquisitions des musées de France, décision qui devrait relever de la seule responsabilité de leurs conservateurs.

En ce qui concerne les ventes de biens faisant partie d'une collection d'un musée, il a indiqué que de telles aliénations, dont le principe ne devait pas être écarté, devraient être exceptionnelles et entourées de garanties afin d'éviter des spéculations hasardeuses. Il a estimé qu'il convenait d'écarter une exception à l'inaliénabilité fondée sur l'ancienneté des oeuvres, telle que celle adoptée par l'Assemblée nationale, au profit d'une disposition de portée plus générale. Il a noté que le souci de préserver l'intégrité des collections exigeait également de prévoir dans la loi une procédure destinée à garantir la qualité des restaurations.

M. Pierre Laffitte a fait part de son étonnement face au caractère jacobin du projet de loi, notant toutefois qu'il s'inscrivait dans la logique des pratiques administratives des services du ministère de la culture. Il a estimé que certaines de ses dispositions étaient inacceptables au regard de l'effort engagé par les collectivités territoriales pour leurs musées. Il a observé que les mécènes étaient souvent plus disposés à encourager un musée territorial qu'une institution nationale.

Soulignant la nécessité de faire bénéficier les musées privés des avantages fiscaux prévus par le projet de loi, il a cité en exemple la Fondation Maeght qui, sans subvention publique, équilibre son budget grâce à une gestion rigoureuse et aux recettes dégagées par l'organisation d'expositions itinérantes et conduit une politique active de diffusion culturelle.

Enfin, après avoir fait part de ses inquiétudes face aux conséquences économiques du prélèvement sur le produit brut des jeux dans les casinos, il a souhaité que la contribution d'autres formes de jeux à l'enrichissement des collections muséographiques puisse être étudiée.

M. Xavier Darcos s'est étonné de la volonté hégémonique de la direction des musées de France et s'est inquiété à ce titre des conséquences pratiques de l'article 5 du projet de loi prévoyant qu'un décret fixe les qualifications requises des responsables scientifiques des musées de France.

Il a estimé que compte tenu des lourdeurs inhérentes au fonctionnement des services de l'État, ce texte faisait peser des contraintes administratives très lourdes sur la gestion des musées et de leurs collections. Les collectivités locales qui ont une meilleure connaissance des attentes du public doivent demeurer libres de définir leur politique muséographique.

Au-delà de l'intérêt de procéder à une rénovation du dispositif juridique applicable aux musées, il a estimé que le projet de loi pourrait emporter des conséquences préjudiciables tant sur la gestion par les collectivités locales de leurs collections que sur la fonctionnalité des musées et imposait, par ailleurs, à la direction des musées de France une tâche de contrôle sans rapport avec les moyens dont elle disposait.

Enfin, il s'est interrogé sur le rôle réservé par le projet de loi aux sociétés d'amis de musées.

M. Ambroise Dupont s'est inquiété des moyens prévus pour assurer la pérennité des musées privés à l'image des nombreux musées du souvenir créés sur les sites historiques de la bataille de Normandie. Approuvant les propos de M. Jacques Legendre, il a regretté la réticence des musées nationaux à encourager une plus grande circulation de leurs collections qui constituerait pourtant un atout pour l'aménagement culturel du territoire. Enfin, il a regretté que le prélèvement prévu par le projet de loi concerne les casinos, secteur ayant des incidences économiques significatives, plutôt que les activités de la Française des jeux, dont le bénéfice revient à l'État.

M. Michel Thiollière s'est interrogé sur les contreparties financières de l'appellation « musée de France » pour les collectivités locales, notamment dans le cadre des contrats de plan. Il s'est demandé si la création de ressources fiscales affectées n'inciterait pas l'État à diminuer les crédits budgétaires consacrés aux acquisitions. Enfin, il a souligné l'intérêt d'une mise en réseau des musées, en particulier pour assurer une meilleure circulation des oeuvres, évoquant la possibilité par ce biais de favoriser des échanges entre les collections.

En réponse aux intervenants, M. Philippe Richert s'est déclaré convaincu de la nécessité de laisser les musées libres de déterminer les principes de leur politique tarifaire afin de respecter la spécificité de chaque institution ; ces principes pourraient être arrêtés dans le cadre des conventions signées entre l'État et les musées visées à l'article 3 du projet de loi.

Il a estimé que l'exception à la règle de l'inaliénabilité introduite par l'Assemblée nationale n'était pas opportune dans la mesure où l'art contemporain était sans doute le domaine où le risque de voir remise en cause l'intégrité des collections était le plus grand. Il a indiqué qu'il proposerait à la commission de s'en tenir aux règles de la domanialité publique. Ces règles permettent des déclassements qu'il convient d'entourer de garanties, en prévoyant la consultation d'instances scientifiques.

Évoquant la possibilité d'instituer une contribution de la Française des jeux aux dépenses d'acquisition des trésors nationaux, il a fait observer que, d'après les enquêtes réalisées auprès des joueurs, la création d'un jeu consacré au patrimoine ne permettant de dégager que de faibles résultats, seule était envisageable l'institution d'un prélèvement supplémentaire sur les recettes de la Française des jeux.

Il a relevé que les amendements proposés aux articles fiscaux introduits par l'Assemblée nationale permettraient de faire bénéficier l'ensemble des musées de France des dispositifs destinés à encourager le mécénat.

Il a fait part de sa volonté d'éviter que le projet de loi ne permette une mainmise de l'État sur les musées dont il n'est pas propriétaire, en particulier les musées territoriaux. De même, il importe de ne pas assimiler les musées privés aux collections publiques, notamment en limitant le statut protecteur prévu par le texte pour leurs collections.

Il a souligné que l'attribution de l'appellation « musée de France » n'impliquait aucun engagement financier de l'État.

Enfin, il a indiqué que les sociétés d'amis de musées, représentées au sein du Haut Conseil des musées de France, pourraient signer des conventions avec les musées au rayonnement desquels elles contribuent.

Puis la commission a procédé à l'examen des articles du projet de loi.

Elle a adopté une nouvelle rédaction de l'article 1er (champ d'application de l'appellation « musées de France ») afin de préciser les conditions que devraient remplir les musées pour recevoir l'appellation « musée de France ». Le rapporteur, en réponse aux inquiétudes exprimées par Mme Marie-Christine Blandin et MM. Ivan Renar et Jean-Marie Vanlerenberghe, a indiqué que les musées scientifiques et techniques entraient dans le champ d'application du texte proposé par l'amendement.

A l'article 1er bis (mission permanente des musées de France), outre deux amendements rédactionnels, la commission a adopté deux amendements tendant respectivement à supprimer l'obligation faite aux musées d'assurer, dans le cadre de leur mission scientifique, l'accès des chercheurs à leurs collections et la mention du projet scientifique et culturel des musées.

A l'article 2 (conseil des musées de France), la commission a adopté, outre deux amendements rédactionnels, deux amendements visant :

- à préciser la composition de ce conseil, et à le dénommer Haut Conseil des musées de France ;

- à prévoir la publicité de ses avis.

A l'article 3 (modalités d'attribution et de retrait de l'appellation « musées de France »), la commission a adopté cinq amendements.

Le premier précise que l'appellation peut être demandée par plusieurs musées relevant de propriétaires différents, afin que des réseaux de musées puissent en bénéficier en tant que tels.

Le deuxième prévoit que le ministre ne pourra attribuer l'appellation que sur avis conforme du Haut Conseil des musées de France.

Le troisième dispose que l'Etat ne peut retirer l'appellation que dans le cas où les collections cessent de présenter un intérêt public.

Le quatrième fixe les conditions dans lesquelles le propriétaire des collections peut demander le retrait de l'appellation.

Enfin, le cinquième amendement, par coordination avec le dispositif proposé à l'article 8, limite la clause statutaire d'affectation irrévocable des biens composant les collections à l'usage du public, exigée des musées privés sollicitant l'appellation de Musée de France, aux seuls biens acquis avec le concours de l'Etat ou d'une collectivité territoriale.

A l'article 4 (contrôle scientifique et technique de l'Etat sur les musées de France), la commission a adopté deux amendements tendant d'une part à limiter le contrôle de l'Etat aux seules modalités prévues par le projet de loi, et, d'autre part, à conférer aux conventions entre l'Etat et les musées de France un caractère facultatif et à étendre cette possibilité de contractualisation à l'ensemble des musées de France, y compris ceux relevant de l'Etat.

A l'article 5 (responsabilité scientifique des musées de France), la commission a adopté un amendement rétablissant la rédaction initiale du projet de loi.

La commission a adopté un amendement de suppression de l'article 5 bis (partenariat entre les musées et les établissements publics de recherche et d'enseignement).

A l'article 6 (fixation des tarifs de musées de France et informations statistiques relative à la fréquentation), la commission a adopté deux amendements visant à supprimer ses deuxième et troisième alinéas qui prévoyaient, respectivement, que chaque musée de France disposait d'un service des publics et qu'il transmettait à l'Etat des informations statistiques relatives à sa fréquentation.

Elle a adopté sans modification l'article 6 bis (convention entre les musées de France et les personnes morales de droit privé à but non lucratif ayant pour objet de contribuer à leur soutien et à leur rayonnement).

Elle a adopté un amendement de suppression de l'article 6 ter (rapport sur les incidences financières de l'extension de la gratuité d'accès des mineurs de 18 ans à l'ensemble des musées de France).

A l'article 6 quater (constitution de réseaux géographiques, scientifiques ou culturels entre les musées de France), elle a adopté un amendement précisant que peuvent participer à ces réseaux des établissements d'enseignement supérieur et de recherche.

Après un large débat auquel ont notamment participé MM. Xavier Darcos, Yves Dauge, Jacques Legendre, Michel Thiollière et Jean-Marie Vanlerenberghe, qui ont jugé nécessaire de laisser aux conservateurs la liberté de procéder à des acquisitions, ainsi que M. Philippe Nogrix qui a relevé qu'une procédure de consultation était cohérente avec un système de label, la commission a supprimé l'article 7 (avis préalable des services de l'Etat sur les acquisitions des musées de France ne relevant pas de l'Etat ou de l'un de ces établissements publics).

A l'article 8 (statut des collections des musées de France), outre un amendement de coordination, la commission a adopté :

- un amendement tendant à maintenir les collections des musées de France appartenant à une personne publique sous le régime de la domanialité publique en soumettant tout déclassement à un avis conforme d'une instance scientifique, après des interventions de M. Yves Dauge, qui a souligné les difficultés de fonctionnement des procédures d'avis conforme, et de M. Ivan Renar, qui a jugé le régime de la domanialité publique moins protecteur que celui de l'inaliénabilité ;

- un amendement limitant la portée du principe d'affectation irrévocable des collections privées à un musée de France aux seuls biens acquis grâce à des concours publics.

Après l'article 8, la commission a adopté un article additionnel, ayant pour objet de préciser que les collections des musées de France font l'objet d'une inscription sur un inventaire.

A l'article 9 (transfert de la propriété des oeuvres des collections nationales mises en dépôt dans des musées territoriaux avant le 7 octobre 1910), elle a adopté un amendement de coordination.

Elle a adopté un amendement de suppression de l'article 10 (prêts et dépôts des collections des musées de France).

A l'article 11 (restauration des collections des musées de France ne relevant pas de l'Etat ou de l'un de ses établissements publics), la commission a adopté un amendement tendant à inclure dans le champ d'application de cet article les musées de France relevant de l'Etat et à substituer à l'avis préalable des services de l'Etat l'avis des instances scientifiques consultatives prévues par l'amendement précédemment adopté à l'article 8.

A l'article 12 (protection des collections menacées de péril), outre un amendement de coordination, la commission a adopté un amendement revenant à la rédaction initiale du projet de loi.

La commission a adopté sans modification l'article 13 (sanctions pénales en cas d'usurpation de l'appellation « musées de France »).

A l'article 14 (dispositions transitoires), outre un amendement de précision rédactionnelle, la commission a adopté un amendement tendant à une nouvelle rédaction du paragraphe II afin de préciser les modalités d'attribution de l'appellation « musée de France » aux musées actuellement contrôlés.

La commission a adopté sans modification l'article 15 (mise à disposition de personnels scientifiques d'Etat pour exercer des fonctions dans les musées classés).

Elle a adopté un amendement de suppression de l'article 15 bis (modification de l'article 200 du code général des impôts prévoyant une réduction d'impôt pour les dons à l'Etat sous forme d'oeuvres d'art).

A l'article 15 ter (modification de l'article 200 du code général des impôts pour en étendre les dispositions aux dons effectués dans le cadre de souscriptions nationales ouvertes pour financer l'achat d'objets d'art destinés à rejoindre les collections d'un musée), elle a adopté un amendement rédactionnel.

Elle a adopté sans modification l'article 15 quater (modification de l'article 238 bis AB du code général des impôts pour réduire la durée d'amortissement par les entreprises de leurs achats d'oeuvres d'art contemporain).

A l'article 15 quinquies (modification de l'article 238 AB du code général des impôts pour supprimer l'obligation de présentation au public des oeuvres acquises par des entreprises en vue d'être données à l'Etat), la commission a adopté un amendement de cohérence tendant à abroger les dispositions encadrant les modalités de dépôt de ces oeuvres auprès d'une collectivité territoriale ou d'un établissement public à caractère scientifique, culturel ou professionnel.

La commission a adopté une nouvelle rédaction de l'article 15 sexies (extension du champ d'application de l'article 238 bis du code général des impôts aux sommes versées par des entreprises au titre d'une participation à une souscription nationale ouverte pour financer l'achat d'objets ou d'oeuvres d'art destinés à rejoindre les collections d'un musée de France) afin de prévoir un régime de déductibilité uniforme pour l'ensemble des dons effectués au profit des musées de France.

La commission a adopté sans modification les articles 15 septies (prélèvement de 1 % sur le produit brut des jeux dans les casinos) et 15 octies (rapport du Gouvernement au Parlement sur l'affectation de ce prélèvement au financement de l'acquisition de trésors nationaux).

Après l'article 15 octies, la commission a adopté trois articles additionnels ayant respectivement pour objet :

- de prévoir une réduction d'impôts pour les dons effectués par les entreprises à l'Etat en vue de l'acquisition de trésors nationaux ;

- de créer une réduction d'impôts au titre des achats par les entreprises de trésors nationaux ;

- d'étendre à l'ensemble des musées de France l'exonération de la taxe sur les ventes d'objets d'art prévue par l'article 150 V bis du code général des impôts.

A l'article 16 (coordination), outre un amendement rédactionnel, la commission a adopté un amendement visant à étendre aux musées de France appartenant à une personne morale de droit privé sans but lucratif le bénéfice du droit de préemption prévu par l'article 37 de la loi du 31 décembre 1921 portant fixation du budget général de l'exercice 1922.

Elle a adopté sans modification l'article 17 (application à Mayotte).

La commission a adopté un amendement rédactionnel à l'article 18 (assouplissements du régime des fondations d'entreprises prévu par la loi n° 87-571 du 23 juillet 1987 sur le développement du mécénat).

La commission a ensuite adopté l'ensemble du projet de loi ainsi amendé.

II. OFFICE PARLEMENTAIRE D'ÉVALUATION DE LA LÉGISLATION - DÉSIGNATION D'UN MEMBRE DE DROIT

Au cours de la même réunion, la commission a désigné M. Alain Dufaut comme membre de droit de la délégation du Sénat de l'office parlementaire d'évaluation de la législation.

III. ORGANISME EXTRAPARLEMENTAIRE - COMMISSION NATIONALE DE L'INFORMATIQUE ET DES LIBERTÉS - DÉSIGNATION D'UN CANDIDAT

Elle a également décidé de proposer au Sénat la candidature de M. Philippe Nogrix pour siéger au sein de la commission nationale de l'informatique et des libertés.