Table des matières


Mercredi 9 mai 2001

- Présidence de M. Adrien Gouteyron, président. -

Propriété intellectuelle - Barème de rémunération équitable applicable aux discothèques et activités similaires - Examen du rapport

La commission a tout d'abord examiné, sur le rapport de Mme Danièle Pourtaud, la proposition de loi n° 244 (2000-2001) de Mme Danièle Pourtaud et les membres du groupe socialiste et apparentés, tendant à prévoir un barème de rémunération équitable applicable aux discothèques et activités similaires.

Mme Danièle Pourtaud, rapporteur, a indiqué en introduction à son propos que la proposition de loi avait pour objet de permettre la perception de la rémunération due aux interprètes et aux producteurs de phonogrammes par les exploitants de discothèques et d'établissements assimilés, remédiant ainsi à une nouvelle difficulté apparue dans le fonctionnement du dispositif mis en place par la loi de 1985 pour assurer une rémunération équitable des ayants droit en cas d'utilisation publique de phonogrammes publiés à des fins de commerce.

Elle a rappelé que la loi « Lang » du 3 juillet 1985, qui avait reconnu aux artistes interprètes et aux producteurs de phonogrammes des droits exclusifs, avait aussi prévu, par dérogation à ces droits exclusifs, un régime de licence légale pour certaines utilisations des phonogrammes mis dans le commerce. Il aurait en effet été impossible que, pour chaque diffusion d'un enregistrement par une radio, dans une discothèque, dans un établissement où est diffusée une « musique d'ambiance », l'autorisation des ayants droit doive être sollicitée.

Cette licence légale avait pour contrepartie la reconnaissance d'un droit à « rémunération équitable », due pour chaque utilisation de phonogrammes du commerce. La loi a fixé les règles d'assiette, de perception et de répartition de cette rémunération, qui sont désormais codifiées aux articles L. 214-1 à L. 214-5 du code de la propriété intellectuelle. Gérée de façon collective, elle est assise sur les recettes d'exploitation des utilisateurs ou évaluée forfaitairement, et répartie par moitié entre les interprètes et les producteurs, la répartition individuelle entre les bénéficiaires étant ensuite assurée par les sociétés de perception et de répartition des droits.

En revanche, la loi a prévu que les barèmes et les modalités de versement de la rémunération devaient être fixés, pour chaque branche d'activité, par des accords négociés, pour une durée comprise entre un et cinq ans, entre les organisations représentatives des utilisateurs et des ayants droit, ces accords pouvant être étendus par le ministre chargé de la culture. A défaut de l'intervention ou du renouvellement en temps utile de tels accords, il revient à une commission, prévue par l'article L. 214-4 du code de la propriété intellectuelle, présidée par un magistrat et où siègent paritairement des représentants des utilisateurs et des ayants droit, de déterminer les barèmes et les conditions de versement de la rémunération équitable.

Mme Danièle Pourtaud, rapporteur, a relevé que ce dispositif n'avait pas fonctionné de façon très satisfaisante et que le législateur avait déjà été contraint, par deux fois, d'intervenir pour assurer la continuité de la perception de la rémunération équitable et donc le respect des droits des interprètes et des producteurs.

En 1993, a-t-elle rappelé, une décision du Conseil d'État avait annulé les dispositions de la décision de la commission de l'article L. 214-4 fixant les conditions de la rémunération due par les radios privées à partir du 1er janvier 1988. Afin de combler le vide juridique qui en était résulté, une loi du 20 juillet 1993, issue d'une proposition de loi présentée par le sénateur Jean-Paul Hugot, avait fixé les barèmes applicables pour la période comprise entre le 1er janvier 1988 et le 31 décembre 1993.

En 1997, c'est le gouvernement qui a demandé au Parlement de valider, par un amendement au projet de loi transposant les directives « câble et satellite » et « durée des droits d'auteur », une décision de la commission de juin 1996 relative au barème des discothèques, qui risquait elle aussi d'être annulée. A la demande de la commission et de son rapporteur, M. Pierre Laffitte, cette validation avait été limitée à cinq ans, dans le respect des délais prévus par la loi pour la durée d'application des barèmes.

Mme Danièle Pourtaud, rapporteur, a souligné, pour le regretter, qu'alors que le délai laissé aux parties concernées par la loi de 1993 avait été mis à profit pour parvenir à la fixation d'un nouveau barème applicable au 1er janvier 1994, la validation du barème des discothèques réalisée par l'article 18 de la loi du 27 mars 1997 n'avait pas eu, dans ce secteur, les mêmes résultats : au terme fixé par le législateur, le 1er janvier 2001, aucun accord ni aucune décision de la commission n'étaient en effet intervenus.

Elle a noté que la proposition de loi qu'elle avait déposée avec les membres du groupe socialiste procédait des interrogations que soulevaient les « accidents de parcours » qui ont marqué le fonctionnement du dispositif relatif à la rémunération équitable et entendait, au-delà du problème immédiat dans le secteur des discothèques, amorcer une réflexion sur les mesures propres à assurer un fonctionnement plus régulier de ce dispositif.

Elle a cependant constaté qu'une telle réflexion ne pourrait aboutir dans des délais compatibles avec la solution urgente qui doit être trouvée pour donner à la perception de la rémunération due par les discothèques la base légale dont elle est à nouveau dépourvue depuis le 1er janvier dernier.

Mme Danièle Pourtaud, rapporteur, a également fait état des efforts déployés par le ministère de la culture pour donner une « nouvelle chance » au dispositif adopté en 1985 et pour remettre en ordre de marche la commission de l'article L. 214-4, qui est dès à présent en cours de reconstitution.

Elle a souhaité que le législateur, s'il devait une nouvelle fois sortir du champ normal de sa compétence pour rétablir la continuité de la perception de la rémunération équitable, puisse s'associer à cette démarche en fixant aux parties concernées un délai de négociation qui les incite à prendre les responsabilités qui leur incombent dans l'application des textes relatifs à la rémunération équitable.

Elle a en conséquence proposé à la commission d'adopter la proposition de loi dans une rédaction tendant à prolonger d'une année, jusqu'au 1er janvier 2002, l'application de l'article 18 de la loi du 27 mars 1997.

Suivant ses conclusions, la commission a adopté, à l'unanimité des commissaires présents, la proposition de loi dans la rédaction proposée par son rapporteur.

Propriété intellectuelle - Rémunération pour la copie privée - Examen du rapport

La commission a ensuite examiné, sur le rapport de Mme Danièle Pourtaud, la proposition de loi n° 245 (2000-2001) de Mme Danièle Pourtaud et les membres du groupe socialiste et apparentés, modifiant le code de la propriété intellectuelle et tendant à prévoir une rémunération pour la copie privée numérique.

Mme Danièle Pourtaud, rapporteur, a rappelé que le législateur de 1985, considérant que la copie privée, sur cassettes audio et vidéo, des oeuvres fixées sur phonogrammes et sur vidéogrammes était devenue un nouveau mode d'exploitation de ces oeuvres et causait un préjudice important aux ayants droit, avait institué, pour compenser ce préjudice, une rémunération pour copie privée prélevée sur les supports d'enregistrement vierges et destinée à être répartie entre les ayants droit des oeuvres copiées.

Comme le permettaient les dispositions législatives relatives à la rémunération pour la copie privée, codifiées aux articles L. 311-1 à L. 311-8 du code de la propriété intellectuelle, le gouvernement a estimé que le prélèvement devait être étendu aux supports numériques. Reconstituée en mars 2000, la commission chargée par l'article L. 311-5 du code de la propriété intellectuelle de déterminer l'assiette, le taux et les modalités de versement de la rémunération pour copie privée a pris, le 4 janvier 2001, une première décision fixant les taux applicables aux supports d'enregistrements numériques amovibles et aux supports intégrés aux baladeurs enregistreurs en format MP3.

Mme Danièle Pourtaud, rapporteur, a estimé que cette extension était justifiée par la substitution progressive de la copie privée numérique à la copie privée analogique, que révèlent à la fois la diminution du montant de la rémunération perçue sur les supports analogiques, dont le président de la commission de l'article L. 311-5, M. Francis Brun-Buisson, a indiqué l'ampleur lors de son audition devant la commission, et le développement des ventes de CD enregistrables et de graveurs. Il est donc clair qu'une rémunération assise sur les seuls supports d'enregistrement analogique ne permet plus de compenser le préjudice causé par la copie privée aux titulaires de droits et qu'il convenait par conséquent d'élargir son assiette aux supports d'enregistrement numérique. Cependant, a-t-elle observé, si les textes en vigueur permettaient d'étendre l'assiette de la rémunération, ils ne permettent pas d'en tirer les conséquences en termes de définition des bénéficiaires et des redevables de cette rémunération : la proposition de loi a donc pour objet de réaliser les ajustements nécessaires.

Sur le premier point, Mme Danièle Pourtaud, rapporteur, a rappelé que l'article L. 311-1 CPI réservait le bénéfice du droit à rémunération pour copie privée aux titulaires de droits sur les oeuvres fixées sur phonogrammes, c'est-à-dire pour l'essentiel des oeuvres musicales, ou sur vidéogrammes, c'est-à-dire des oeuvres audiovisuelles.

Cette limitation était logique lorsque ces oeuvres étaient les seules à pouvoir être copiées sur les supports d'enregistrement analogique soumis au versement de la rémunération. Elle ne l'est plus dès lors que sont également soumis à ce prélèvement des supports numériques qui peuvent servir à reproduire des oeuvres écrites, graphiques, photographiques, aussi bien que des oeuvres musicales ou audiovisuelles : rien ne justifie donc plus que le bénéfice de la rémunération pour copie privée reste réservé aux seuls titulaires de droits sur des enregistrements sonores ou audiovisuels.

Sur le second point, Mme Danièle Pourtaud, rapporteur, a indiqué que la définition prévue par les textes en vigueur des acquisitions de supports d'enregistrement pouvant bénéficier de remboursement de la rémunération pour copie privée était, elle aussi, fonction de la nature des supports sur lesquels devait, en 1985, être assise cette rémunération. En dehors d'une exonération d'intérêt général des acquisitions de supports utilisés à des fins d'aide aux personnes handicapées, ne sont en effet visées que les acquisitions effectuées par les entreprises de communication audiovisuelle et les producteurs de phonogrammes et de vidéogrammes : le rapporteur a estimé que ces exonérations devaient être étendues aux éditeurs d'ouvrages publiés sur CD-Rom et qu'il n'était pas non plus possible d'ignorer le très large usage professionnel des supports d'enregistrement numérique.

En fonction de ces considérations, et compte tenu des éléments d'information et de réflexion apportés à la commission par l'audition de M. Francis Brun-Buisson, Mme Danièle Pourtaud, rapporteur, a indiqué qu'elle proposerait à la commission de compléter le dispositif de la proposition de loi afin, d'une part, d'inclure dans la définition des bénéficiaires de la rémunération pour copie privée les titulaires de droits sur les différentes catégories d'oeuvres susceptibles d'être copiées sur un support numérique et, d'autre part, de permettre une plus juste appréciation des usages professionnels des supports pouvant justifier un remboursement de la rémunération pour copie privée.

Répondant aux objections que pouvait soulever l'extension de la définition des bénéficiaires de la rémunération pour copie privée, qu'impose l'égalité de traitement, elle a noté que la reconnaissance de leur droit à rémunération ne devait pas dépendre de l'importance actuelle de la copie privée des différentes catégories d'oeuvres, et elle a souligné à cet égard que le texte en vigueur permettait une compensation de la copie privée numérique d'oeuvres audiovisuelles, encore fort peu répandue, mais excluait celle de la copie privée d'encyclopédies ou d'ouvrages techniques ou artistiques publiés sur CD-Rom, qui peut causer un préjudice important à leurs auteurs et éditeurs, même si elle est « quantitativement » peu importante.

Mme Danièle Pourtaud, rapporteur, a en outre observé que, comme l'avait indiqué M. Francis Brun-Buisson, l'extension de l'assiette de la rémunération aux supports numériques exigeait des études très fines de l'utilisation de ces supports, études qui pourraient donc permettre de déterminer l'usage qui en est fait pour la copie privée de textes ou de photographies aussi bien que de musique.

En ce qui concerne la prise en compte des usages professionnels des supports numériques, Mme Danièle Pourtaud, rapporteur, a suggéré que la commission prévoie, d'une part, de faire bénéficier les « éditeurs numériques » de la même exonération que les producteurs de phonogrammes et de vidéogrammes, et donne, d'autre part, compétence à la commission de l'article L. 311-5 pour apprécier au cas par cas ou « support par support » si, et dans quelle mesure, l'équité imposait de prévoir des exonérations au bénéfice de certaines entreprises ou professions.

En conclusion de son exposé, elle a présenté à la commission le dispositif reprenant ces propositions, et comportant cinq articles modifiant les dispositions du titre Ier (rémunération pour copie privée) du livre III du code de la propriété intellectuelle.

Un débat a suivi l'exposé du rapporteur.

M. André Maman s'est interrogé sur les moyens permettant de contrôler l'usage fait des supports vierges pour la copie privée.

M. Michel Dreyfus-Schmidt a demandé des précisions sur les modalités de fixation de la redevance prélevée sur les supports d'enregistrement.

Mme Danièle Pourtaud, rapporteur, a rappelé que la rémunération pour copie privée représentait une compensation forfaitaire du préjudice causé par cette pratique aux titulaires de droits : sa perception n'est donc pas fondée sur un contrôle des pratiques de copie privée. En revanche, il importe qu'elle puisse bénéficier aux ayants droit de toutes les catégories d'oeuvres qui peuvent être copiées sur des supports numériques. Les études menées par la « commission Brun-Buisson » pour analyser l'usage fait des supports numériques par les utilisateurs pourront permettre de déterminer l'importance de la copie privée pour chacune de ces catégories. Quant à la répartition individuelle entre les bénéficiaires, elle sera effectuée, comme c'est actuellement le cas pour les oeuvres musicales et audiovisuelles, par les sociétés de perception et de répartition des droits.

Elle a également indiqué que les supports vierges mis en circulation en France étaient assujettis au versement de la rémunération pour copie privée, dont les taux sont fixés par la commission « de l'article L.311-5 » en fonction de la durée d'enregistrement qu'ils permettent mais aussi, pour les supports numériques assujettis depuis janvier dernier, c'est-à-dire les supports amovibles et les supports intégrés dans les baladeurs-enregistreurs en format MP3, en fonction de l'usage fait de ces supports pour la copie privée, tel qu'ont permis de l'établir des études. Elle a rappelé que M. Francis Brun-Buisson avait évalué, lors de son audition devant la commission, à environ 1 milliard de francs le produit de la redevance qui serait perçue sur les supports numériques.

MM. Michel Dreyfus-Schmidt et Jean-Luc Miraux se sont interrogés sur le pouvoir réglementaire conféré par la loi à la commission de l'article L.311-5 en matière d'assiette de la redevance et de fixation de ses taux.

M. Adrien Gouteyron, président, a estimé que l'on pouvait partager ces interrogations, tout en relevant que la proposition de loi n'avait pas pour objet de modifier l'ensemble du dispositif relatif à la rémunération pour copie privée mais simplement de tirer les conséquences, en termes de définition des bénéficiaires et des redevables de cette rémunération, de l'extension de son assiette.

A l'issue de ce débat, la commission a adopté, à l'unanimité des commissaires présents, la proposition de loi dans le texte proposé par son rapporteur.

Affaires sociales - Diverses dispositions d'ordre social, éducatif et culturel - Demande de renvoi pour avis - Nomination de rapporteurs

Au cours de la même réunion, la commission a demandé à être saisie pour avis des titres IV et V du projet de loi n° 322 (2000-2001), adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, portant diverses dispositions d'ordre social, éducatif et culturel, et elle a désigné MM. James Bordas, Jean-Paul Hugot et Jacques Valade comme rapporteurs pour avis.

Nomination de rapporteur

Elle a en outre nommé M. Philippe Richert, rapporteur de la proposition de loi n° 294 (2000-2001) de M. Pierre Fauchon, relative à la création d'une commission départementale du patrimoine.