Table des matières


Mercredi 18 avril 2001

- Présidence de M. Adrien Gouteyron, président. -

Politique sociale - Loi de modernisation sociale - Examen du rapport pour avis

La commission a procédé à l'examen du rapport pour avis de M. Jacques Legendre sur le projet de loi n° 185 (2000-2001), adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, de modernisation sociale.

M. Jacques Legendre, rapporteur pour avis, a indiqué à titre liminaire que l'intitulé quelque peu solennel du projet de loi recouvrait en fait un classique " projet de loi portant diverses dispositions d'ordre social " se caractérisant par l'extrême diversité de ses dispositions, celles-ci étant susceptibles de concourir très inégalement à l'objectif annoncé de modernisation sociale.

Il a fait observer que la commission était particulièrement fondée à émettre un avis sur deux volets du projet de loi -la réforme partielle des études médicales et la réforme de la validation des acquis de l'expérience- qui auraient d'ailleurs sans doute justifié le dépôt de deux projets de loi spécifiques.

S'agissant du premier volet, et après avoir rappelé le fonctionnement peu satisfaisant de chacun des trois cycles des études médicales, et notamment du premier qui avait suscité des propositions de réforme intéressantes tendant à créer un Deug santé, le rapporteur pour avis a indiqué que ces initiatives étaient restées lettre morte pour le premier cycle et que l'aménagement du deuxième cycle avait été réalisé par voie réglementaire.

Quant à la réforme du troisième cycle, seule visée par le projet de loi, il a précisé que l'article 17 tendait notamment à remplacer le concours de l'internat de droit commun par un concours national classant et anonyme et à élargir l'internat aux actuels résidents poursuivant un troisième cycle de médecine générale, désormais traitée comme une spécialité.

Après avoir déploré ce " découpage " de la réforme des études médicales, il a proposé à la commission de donner un avis favorable à l'adoption des articles correspondants du projet de loi, sous réserve des observations et amendements présentés par la commission des affaires sociales saisie au fond.

Le rapporteur pour avis a ensuite indiqué que le nouveau système proposé de validation des acquis de l'expérience s'inscrivait dans une nécessaire réforme de notre système de formation professionnelle, qui n'est aujourd'hui plus adapté aux réalités du monde du travail et de l'emploi.

Rappelant à cet égard l'importance des dépenses de formation professionnelle, la multiplicité et l'opacité des organismes collecteurs, l'éclatement et le manque de contrôle du marché de la formation, il a insisté surtout sur les très fortes inégalités d'accès des diverses catégories socioprofessionnelles à cette formation, qui pénalisent notamment les salariés les moins qualifiés.

Il a indiqué que le projet de loi, en proposant une nouvelle logique pour la validation des acquis, notamment en faveur de la population active insuffisamment formée, amorçait une réforme timide de la formation professionnelle.

Il a ensuite rappelé que le dispositif existant de validation des acquis professionnels, résultant du décret du 23 août 1985 et de la loi du 20 juillet 1992, avait été peu utilisé, sans doute parce qu'il maintenait la nécessité d'une formation initiale minimale : au total, environ 15.000 candidats bénéficient chaque année de ce dispositif de validation pour obtenir un diplôme ou un titre de l'enseignement supérieur ou professionnel (baccalauréat professionnel, diplôme universitaire de technologie (DUT) et brevet technique supérieur (BTS) pour l'essentiel) alors que la validation des expériences professionnelles à bas niveau de qualification n'est que peu utilisée.

Le rapporteur pour avis a ensuite abordé les innovations proposées par le projet de loi pour élargir et assouplir le droit à validation : ses articles 40 à 42 autorisent désormais l'acquisition de la totalité d'un diplôme, ou d'un titre, par la validation des acquis de l'expérience, pas seulement professionnelle, à condition que les candidats justifient d'une expérience minimale de trois ans, alors que la loi de 1992 prévoyait une durée minimale de cinq ans ; cette expérience peut consister en un travail salarié ou non, mais aussi en une participation régulière à une activité bénévole.

Il a noté qu'étaient visés les diplômes et titres délivrés par l'Etat, les titres des chambres consulaires et les certificats de qualifications professionnelles des branches professionnelles.

Il a ajouté que le projet de loi créait un répertoire national des titres et diplômes et une commission nationale de la certification professionnelle appelée à remplacer l'actuelle commission d'homologation des titres : les titres et diplômes délivrés par l'Etat figureront de droit au répertoire tandis que les autres devront faire l'objet d'un avis de la commission.

Le rapporteur pour avis a par ailleurs fait observer que le consensus affiché sur ce nouveau système de validation recouvrait en fait des divergences d'interprétation, y compris entre ministères concernés ; il a noté que les représentants des métiers y étaient hostiles, que certaines unions patronales ayant développé avec leurs partenaires un système efficace de certification ne voyaient pas la nécessité d'une homologation supplémentaire et que les représentants de l'enseignement professionnel envisageaient avec quelque méfiance le nouveau dispositif.

Il a estimé que l'expérience professionnelle devrait rester le noyau dur du dispositif même s'il apparaît légitime de reconnaître des compétences acquises dans le cadre d'activités bénévoles, sociales et associatives, ces activités devant selon lui avoir un lien direct avec les référentiels des titres et diplômes postulés.

Il a également considéré que la durée minimale de l'expérience susceptible d'être validée, c'est-à-dire trois ans, était trop courte, notamment au regard de la durée des formations initiales requises pour obtenir les diplômes correspondants.

Il a souligné en outre les risques d'un système de validation trop libéral qui pourrait inciter certains lycéens professionnels à abandonner précocement leur cursus en formation initiale pour obtenir un diplôme " maison " dans l'entreprise ou faire valider par un titre une courte expérience professionnelle.

Il a estimé que l'utilisation prévisible de la validation de l'expérience pour les emplois jeunes ne devrait pas porter atteinte à la règle du recrutement par concours et se traduire par un gonflement des effectifs de la fonction publique.

Il a également proposé, afin de prévenir tout risque d'émergence d'un marché privé de la validation, que les organismes privés chargés de l'accompagnement des candidats fassent l'objet d'une accréditation par les ministères concernés.

Enfin, compte tenu des incertitudes subsistant quant à la portée du dispositif, et des zones d'ombre non dissipées par les projets de textes d'application, il a souhaité qu'un bilan de la réforme du système de validation soit effectué après une période d'expérimentation de cinq ans et qu'un rapport d'évaluation soit communiqué en temps utile au Parlement qui sera alors en mesure de pérenniser le dispositif ou de le modifier en conséquence.

Il a ensuite évoqué les articles du projet de loi qui visent à réformer le financement de l'apprentissage et à remédier aux inégalités constatées en ce domaine entre les CFA.

Le rapporteur pour avis a enfin analysé les articles du projet de loi qui ont été délégués pour examen au fond à la commission.

Il a indiqué que l'article 22 avait pour objet de consolider la situation juridique de 309 agents contractuels recrutés pour contribuer à la réalisation des nouveaux équipements de la Bibliothèque nationale de France, sur le fondement d'une dérogation temporaire au statut général de la fonction publique, qui devait s'achever avec l'ouverture au public.

Il a précisé que les deux catégories de contractuels concernés -les 247 agents recrutés sur la base d'un décret de 1994 sur des contrats à durée indéterminée, et la soixantaine de contractuels dits " chantiers " recrutés en 1990 et 1991- ont été recrutés avant l'ouverture du site, le 8 octobre 1998, et se trouvent depuis cette date dans une situation juridique fragile qu'ont dénoncée MM. Philippe Nachbar et Philippe Richert dans le rapport de la mission d'information de la commission sur la Bibliothèque nationale de France.

Il a ensuite indiqué que l'article 25 tendait à modifier les textes relatifs à la prise en charge par l'Etat de l'avance de frais pour la construction des établissements d'enseignement publics, et à imputer la charge définitive à la collectivité défaillante.

Sur l'article 28 quater nouveau, le rapporteur pour avis a précisé que celui-ci résultait d'un amendement déposé par M. Alain Néri au cours de la discussion du texte à l'Assemblée nationale, et que ses dispositions, d'ordre essentiellement technique, se rattachent au dispositif législatif de lutte contre le dopage.

Ce dispositif, issu de la loi du 23 mars 1999, a été modifié par l'ordonnance du 15 juin 2000, alors qu'était en discussion devant le Parlement la future loi du 6 juillet 2000 qui modifiait certaines de ses dispositions. Le rapporteur pour avis a déploré ce chevauchement des calendriers qui, condamnant le code à être rapidement périmé, a rendu nécessaires les mesures d'actualisation auxquelles procède l'article 28 quater.

Un large débat a suivi l'exposé du rapporteur pour avis.

M. Michel Dreyfus-Schmidt s'est étonné des critiques formulées par le rapporteur pour avis à l'encontre de la méthode retenue par le gouvernement pour réformer les études médicales, alors que ce domaine relève plutôt de la compétence de la commission des affaires sociales.

Il a également évoqué le problème de la titularisation des professeurs de centres de formation d'apprentis municipaux.

Il a enfin estimé qu'il n'y avait pas véritablement concurrence entre le système de validation des acquis de l'expérience et l'apprentissage, qui offre par ailleurs plus de garantie aux intéressés pour l'obtention d'un diplôme.

M. Adrien Gouteyron, président, a rappelé que les études médicales étaient aussi de la compétence de la commission et qu'une commission spéciale, constituée de représentants des commissions des affaires culturelles et des affaires sociales, avait été créée pour examiner le projet de loi qui devait devenir la loi du 23 décembre 1982 relative aux études médicales et pharmaceutiques.

M. Ambroise Dupont s'est interrogé sur les réserves émises à l'égard du nouveau système de validation des acquis et qui pourraient avoir pour conséquence de limiter l'usage de ce droit.

M. Philippe Richert a estimé que la validation des acquis de l'expérience devrait permettre à de nombreux jeunes d'origine modeste de voir reconnaître leur qualification acquise dans un emploi, alors que ceux-ci n'ont souvent pas la possibilité matérielle de poursuivre une formation initiale coûteuse dans l'enseignement secondaire, du fait notamment du montant dérisoire des bourses.

Il a considéré qu'une formation " maison " délivrée en entreprise et validée par la profession, permettait à ces jeunes de ne pas rester " sur le bord du chemin ", l'éducation nationale ne devant pas avoir selon lui le monopole en matière de validation.

M. Jean-Claude Carle s'est associé aux propos tenus par M. Philippe Richert en rappelant que la formation initiale des jeunes peut être complétée dans le cadre de la formation professionnelle continue.

M. Adrien Gouteyron, président, a souligné que la formation initiale des jeunes était dispensée, certes, par l'éducation nationale, mais aussi par l'apprentissage.

M. François Fortassin a évoqué le problème de la réforme des études médicales en notant que, dans certaines zones géographiques, de petits hôpitaux étaient appelés à fermer, et qu'il fallait dix ans pour former de nouveaux médecins alors que plusieurs spécialités manquent aujourd'hui de praticiens, notamment dans le domaine des urgences.

Il s'est par ailleurs étonné du délai observé par certains organismes entre la collecte de la taxe d'apprentissage et sa redistribution et a souhaité qu'il soit mis fin à ces pratiques.

Répondant à ces interventions, M. Jacques Legendre, rapporteur pour avis, a notamment apporté les précisions suivantes :

- si la réforme des études médicales relève d'abord de la compétence de la commission des affaires sociales, il revenait aussi à la commission des affaires culturelles de situer la réforme du troisième cycle par rapport à celle du deuxième cycle, qui a été réalisée par voie réglementaire, et par rapport à celle du premier cycle qui, une nouvelle fois, a été remise à l'étude ;

- l'éducation nationale ne saurait avoir le monopole de la validation des acquis de l'expérience, comme en témoigne l'amendement qu'il proposerait à la commission pour dispenser de la procédure d'enregistrement au répertoire national des certifications professionnelles les qualifications figurant déjà sur une liste établie par la commission paritaire nationale de l'emploi d'une branche professionnelle ;

- si le nouvel élan donné à la validation des acquis de l'expérience ne peut que susciter la sympathie, ce dispositif a aussi un caractère très novateur et risque de dissuader certains jeunes de poursuivre des formations initiales si son dispositif se révélait trop incitatif ;

- il convient de soutenir le développement de l'apprentissage et de la formation. Or, si une expérience de 3 ans suffit pour obtenir un diplôme sans formation complémentaire, cela risquerait de porter un coup sérieux à l'apprentissage, dont la durée de formation est analogue, et à notre système de formation en alternance. Il serait donc nécessaire de maintenir à cinq ans la durée de l'expérience susceptible d'être validée afin de la distinguer de la durée des formations initiales conduisant au CAP et au BEP, soit sous statut scolaire, soit sous contrat de travail.

La commission a ensuite abordé l'examen des articles :

- à l'article 28 bis nouveau (dépistage de la dyslexie et de la dysorthographie), après les interventions de MM. Philippe Richert et Michel Dreyfus-Schmidt, elle a adopté un amendement tendant à organiser ce dépistage au cours de la sixième année lors du premier bilan scolaire de santé, à préciser que ce dépistage donnera lieu à une évaluation nationale et à déterminer les modalités de prise en charge pédagogique, rééducative et thérapeutique des enfants concernés ;

- à l'article 28 quater nouveau (actualisation du dispositif législatif de lutte contre le dopage codifié au livre VI du code de la santé publique), la commission a adopté deux amendements tendant respectivement à :

- supprimer l'alinéa 8° du paragraphe I qui tend à insérer dans le code une disposition qui figure déjà à l'article 19-I-A de la loi du 16 juillet 1984 modifiée (application du dispositif de lutte contre le dopage aux manifestations organisées ou autorisées par des commissions spécialisées) ;

- proposer une nouvelle rédaction du paragraphe II retranchant de son dispositif les dispositions qui ont déjà fait l'objet d'une mesure générale d'abrogation ou de coordination prévue par l'ordonnance de codification, et proposant de procéder à l'abrogation nécessaire des articles 58, 59 et 60 de la loi du 6 juillet 2000 en complétant la liste des textes abrogés par l'article 4 de l'ordonnance.

- à l'article 40 (droit à la validation des acquis de l'expérience), M. Jacques Legendre, rapporteur pour avis, a proposé un amendement tendant à privilégier la prise en compte des acquis professionnels par rapport à celle de l'expérience susceptible de résulter d'activités de nature personnelle, associative ou bénévole.

M. Michel Dreyfus-Schmidt s'est interrogé sur la portée de cet amendement et sur l'autorité qui décidera de la validation.

M. Philippe Richert a rappelé que le projet de loi initial ne visait que la seule expérience professionnelle et a estimé que la validation d'activités de nature associative ou bénévole, par exemple en matière forestière, permettrait aux intéressés d'obtenir un titre ou diplôme qui peut être requis pour la création ultérieure d'une entreprise.

M. Daniel Eckenspieller a évoqué le problème de la validation de l'expérience acquise par des agents recrutés par les communes, et dépourvus de toute qualification.

M. Fernand Demilly a souhaité obtenir des précisions sur le sens de la modification proposée par le rapporteur pour avis.

M. Louis de Broissia a évoqué la situation des " bidouilleurs informatiques " dont l'expérience devrait pouvoir être validée.

M. Jean-Claude Carle s'est demandé s'il ne conviendrait pas de limiter la validation aux seules expériences professionnelles.

Répondant à ces interventions, M. Jacques Legendre, rapporteur pour avis, a indiqué que son amendement avait pour objet d'éviter des dérives dans la reconnaissance de certaines activités personnelles, et ainsi de porter atteinte à la crédibilité des diplômes professionnels, ce qui n'exclut pas la prise en compte et l'évaluation d'activités non professionnelles, qui devront par ailleurs nécessairement se rattacher au référentiel d'un titre existant.

A l'issue de ce débat, la commission a adopté les amendements présentés par le rapporteur pour avis :

- à l'article 41 (validation des acquis en vue de l'acquisition de diplômes ou titres à finalité professionnelle et répertoire national des certifications professionnelles), la commission a adopté trois amendements tendant à porter à cinq ans la durée de l'expérience susceptible d'être validée, à distinguer plus clairement les activités professionnelles et personnelles pouvant faire l'objet d'une validation et à dispenser de la procédure d'enregistrement au répertoire national des certifications professionnelles les qualifications figurant déjà sur une liste établie par la commission paritaire nationale de l'emploi d'une branche professionnelle ;

- à l'article 42 (validation de l'expérience en vue de l'acquisition d'un diplôme au titre de l'enseignement supérieur), elle a également adopté deux amendements ayant respectivement pour objet de porter de trois à cinq ans la durée minimale de l'expérience susceptible d'être validée et de distinguer plus clairement les activités professionnelles rémunérées et les activités personnelles exercées à titre bénévole pouvant faire l'objet d'une validation ;

- à l'article 42 octies nouveau (contrôle administratif et financier de l'Etat sur les organismes assistant les candidats à une validation des acquis de l'expérience), la commission a adopté un amendement tendant à préciser que ces organismes devront faire l'objet d'une accréditation spécifique des ministères compétents ;

- après l'article 42 nonies nouveau, elle a enfin adopté un article additionnel prévoyant une expérimentation du nouveau dispositif de validation pendant une durée de cinq ans et le dépôt d'un rapport d'évaluation.

A l'issue de cet examen, et sous réserve de l'adoption des amendements proposés, la commission a donné un avis favorable à l'adoption du projet de loi.