AFFAIRES CULTURELLES

Table des matières


Mercredi 12 mai 1999

- Présidence de M. Adrien Gouteyron, président. -

Résolutions européennes - Propriété intellectuelle - Harmonisation de certains aspects du droit d'auteur et des droits voisins dans la société de l'information - Examen des amendements et adoption de la résolution de la commission

La commission a tout d'abord examiné les amendements à ses conclusions (rapport n° 317 (1998-1999)) sur la proposition de résolution n° 541 (1997-1998), présentée en application de l'article 73 bis du Règlement par Mme Danièle Pourtaud, sur la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative à l'harmonisation de certains aspects du droit d'auteur et des droits voisins dans la société de l'information (n° E-1011).

M. Louis de Broissia a présenté l'amendement n° 1 tendant à demander l'instauration d'une exception obligatoire au droit de reproduction pour les utilisations d'oeuvres à des fins pédagogiques dans les établissements d'enseignement scolaire.

Soulignant que la protection des droits des auteurs ne devait pas avoir pour effet d'interdire l'utilisation de leurs oeuvres, il a noté que le problème des reproductions à des fins pédagogiques avait été maintes fois posé et qu'il ne semblait toujours pas réglé. Il a donc estimé que, si une protection contractuelle était certes souhaitable, poser la question d'une exception obligatoire pourrait faire avancer la réflexion.

Reconnaissant l'importance du problème soulevé par M. Louis de Boissia, Mme Danièle Pourtaud, rapporteur, s'est dite opposée au recours à la licence légale. Prenant l'exemple des photocopies, elle a rappelé que la loi du 5 janvier 1995 avait inscrit dans le code de la propriété intellectuelle des dispositions organisant la gestion du droit de reproduction par reprographie dans le cadre de licences contractuelles et que, sur la base de ce texte, une convention autorisant l'utilisation de photocopies dans l'enseignement scolaire et universitaire était en voie d'être conclue entre le ministère de l'éducation nationale et le centre français du droit de copie. Elle a souligné que cette solution présentait l'avantage de respecter les principes du droit d'auteur, à la différence du régime de la licence légale, par ailleurs peu efficace pour prévenir les conséquences économiques dommageables de l'usage des photocopies dans l'enseignement, en particulier dans des secteurs sensibles comme l'édition des oeuvres scientifiques ou musicales. Elle a donc souhaité que M. Louis de Broissia renonce à l'amendement n° 1.

M. Louis de Broissia, prenant acte de l'application prochaine de la loi du 3 janvier 1995, a accepté de retirer son amendement. Il a cependant émis le souhait que la commission puisse être informée de la teneur et des conditions de mise en oeuvre de l'accord entre l'éducation nationale et les titulaires de droits, et il a d'autre part demandé au rapporteur des précisions sur le régime applicable, dans les différents pays de l'Union européenne, à l'usage des photocopies dans l'enseignement.

En réponse à cette question, Mme Danièle Pourtaud, rapporteur, a indiqué que si certains Etats membres, en particulier l'Allemagne et les Pays-Bas, avaient mis en place des régimes de licence légale assortis d'une compensation équitable, la majorité des pays européens, y compris la Grande-Bretagne, soumettaient la reprographie des oeuvres à des fins pédagogiques à la conclusion de licences contractuelles.

M. Louis de Broissia a ensuite présenté l'amendement n° 2, tendant à compléter la proposition de résolution par un alinéa invitant le Gouvernement à examiner les modalités d'exploitation des droits sur les oeuvres collectives et des droits des auteurs salariés dans la société de l'information. Se référant notamment à la diffusion sur Internet de la presse écrite, et aux problèmes qu'elle avait soulevés quant aux droits des journalistes, il a souligné que de tels problèmes devaient être résolus d'une façon qui ne fasse pas obstacle au développement de nouvelles formes d'exploitation des oeuvres, ni à la diffusion des oeuvres et de la culture françaises dans le cadre de la société de l'information.

Mme Danièle Pourtaud, rapporteur, a rappelé que le code de la propriété intellectuelle offrait des bases solides pour traiter les problèmes d'exploitation des droits soulevés par M. Louis de Broissia, auxquels elle a reconnu que le développement de la société de l'information donnait une importance nouvelle. Elle a cité à cet égard les questions liées à l'exploitation des oeuvres multimédias, dont on ne sait pas toujours si elles doivent être considérées comme des oeuvres collectives ou comme des oeuvres de collaboration. Elle a également noté que le développement des nouveaux modes d'exploitation des oeuvres pouvait nécessiter la révision des contrats passés avec les titulaires de droits. Rappelant que le ministre de la culture et de la communication avait souhaité l'organisation d'une négociation collective pour régler les problèmes de droit d'auteur posés par la diffusion de la presse écrite sur Internet, elle a donné un avis favorable à l'adoption de l'amendement n° 2.

M. Adrien Gouteyron, président, s'est associé à cette position en soulignant l'intérêt d'attirer l'attention du Gouvernement sur les problèmes très concrets qu'il évoquait.

Après que M. Louis de Broissia eut rectifié son amendement pour faire également référence à l'exploitation des droits sur les oeuvres de collaboration, la commission a adopté l'amendement n° 2 ainsi rectifié.

Tout en annonçant qu'il se prononcerait en faveur de l'adoption de la proposition de résolution ainsi modifiée, M. Ivan Renar s'est inquiété des conséquences que pourrait avoir l'harmonisation communautaire du droit de la propriété littéraire et artistique, centrée sur des préoccupations économiques, sur la conception française du droit d'auteur et il a incité la commission à demeurer vigilante sur ce sujet, notamment à l'occasion de l'examen des projets de loi de transposition des directives communautaires.

La commission a ensuite adopté à l'unanimité une résolution reprenant le texte de la proposition de résolution qu'elle avait adoptée le 28 avril 1999, complété par l'amendement n° 2 rectifié.

Sport - Délivrance des grades dans les disciplines relevant des arts martiaux - Examen du rapport

La commission a ensuite examiné, sur le rapport de M. James Bordas, la proposition de loi n° 274 (1998-1999), adoptée par l'Assemblée nationale, relative à la délivrance des grades dans les disciplines relevant des arts martiaux.

M. James Bordas, rapporteur
, a rappelé que le Conseil d'Etat avait annulé en janvier 1998, pour défaut de base légale, le décret n° 93-988 du 2 août 1993 qui réglementait les conditions de délivrance des titres des arts martiaux d'un niveau égal ou supérieur à la ceinture noire, les dans.

Il a indiqué que la proposition de loi, tirant les conséquences de cette annulation, visait à donner une base légale à cette réglementation et à valider les titres délivrés en application du décret annulé.

M. James Bordas, rapporteur, a tout d'abord rappelé l'économie des dispositifs réglementaires, qui depuis 1962, ont été mis en place, parallèlement au développement de la pratique des arts martiaux, et en premier lieu du judo, pour garantir le niveau de la pratique de ces disciplines, la qualité de leur enseignement et la sécurité des pratiquants.

Dans les disciplines relevant des arts martiaux, la progression des pratiquants se mesure par leur accession à des grades, les " ceintures ", comportant chacun un certain nombre de degrés, qui sont appelés dans à partir de la ceinture noire. La réglementation mise en place depuis 1962 a tenu compte de cette spécificité. Elle a défini les conditions de délivrance des titres d'un niveau égal ou supérieur à la ceinture noire et a réservé l'accès aux brevets d'Etat à leurs titulaires. Elle a également reconnu un rôle important, dans l'attribution de ces titres, aux fédérations spécialisées, en leur associant toutefois des représentants des professeurs et des autres fédérations concernées.

Le rapporteur a rappelé que cette compétence des fédérations avait fait l'objet de critiques, notamment de la part d'éminents experts des arts martiaux qui s'opposent à leur assimilation à des disciplines sportives. Il a cependant estimé qu'il serait difficile de procéder autrement et qu'il ne paraissait pas possible de remettre en cause l'utilité et les modalités d'une réglementation permettant d'harmoniser les conditions de la délivrance des dans et surtout de l'accès à l'enseignement des arts martiaux.

M. James Bordas, rapporteur, a ensuite analysé successivement les deux articles de la proposition de loi.

L'article premier a pour objet de donner une base légale à la compétence des fédérations délégataires, ou à défaut, agréées. Il inscrit également dans la loi les conditions de délivrance des titres des arts martiaux, qui sont d'ailleurs de nature réglementaire.

Les dispositions proposées, qui s'inspirent de celles que prévoyait le décret du 2 août 1993, donnent compétence pour attribuer les titres des arts martiaux à des commissions spécialisées organisées au sein des fédérations.

Le rapporteur a indiqué qu'il demanderait au ministre chargé des sports de confirmer son intention, exprimée lors des débats à l'Assemblée nationale, d'ouvrir les commissions spécialisées aux représentants de toutes les parties intéressées.

Il a noté que l'article premier prévoyait également la création d'une commission consultative des arts martiaux, ce qui constituait une mesure sans doute utile, mais de nature plus réglementaire que législative.

Estimant que le dispositif proposé était globalement satisfaisant, M. James Bordas, rapporteur, a indiqué qu'il proposerait des amendements destinés à en préciser la rédaction.

En premier lieu, le rapporteur a relevé qu'il convenait de rectifier une inadvertance de rédaction qui donnerait aux commissions spécialisées compétence pour délivrer tous les grades, c'est-à-dire toutes les " ceintures ", alors que telle n'était pas l'intention des auteurs de la proposition de loi. En second lieu, il a estimé nécessaire de substituer au pouvoir de proposition attribué aux fédérations en matière de composition de ces commissions un rôle consultatif, jugeant anormal que le ministre puisse être lié par des propositions des fédérations et notant qu'une telle procédure ne garantirait pas la nécessaire cohérence dans la composition des commissions spécialisées.

Le second article de la proposition de loi a pour objet de valider les dans attribués en application du décret annulé par le Conseil d'Etat. Ces quelques 60.000 titres pourraient en effet être contestés faute d'avoir fait l'objet de mesures de publication faisant courir le délai de recours contentieux. Remarquant qu'il était possible de s'interroger sur le motif d'intérêt général justifiant la validation proposée, M. James Bordas, rapporteur, a toutefois indiqué qu'il proposerait l'adoption de cet article. Il a cependant estimé qu'il conviendrait de restreindre la portée de la validation aux seuls motifs d'illégalité tenant à l'annulation du décret du 2 août 1993, car il ne serait pas justifié d'interdire que ces titres puissent être contestés s'ils présentaient d'autres irrégularités.

Un débat a suivi l'exposé du rapporteur.

M. Albert Vecten a félicité le rapporteur pour la clarté de son exposé.

M. André Maman a posé des questions sur les titres spécifiques aux différents arts martiaux et sur la portée de la réglementation proposée.

M. Louis de Broissia a remarqué que la loi française devait employer des termes appartenant à la langue française et a souhaité être assuré que l'emploi du terme de " dan " ne posait aucun problème.

M. Jean-François Picheral a demandé si les commissions spécialisées chargées de la délivrance des titres seraient ouvertes aux représentants des organisations professionnelles regroupant les professeurs d'arts martiaux.

En réponse à ces interventions, M. James Bordas, rapporteur, a notamment apporté les précisions suivantes :

- les titres spécifiques aux arts martiaux comportent des grades -les ceintures- qui comprennent chacun un certain nombre de degrés. Cette organisation se retrouve dans toutes les disciplines. Le terme de dan désigne, en judo et dans d'autres disciplines, les degrés du grade de ceinture noire. Si le texte vise les conditions de délivrance des " dans et grades équivalents ", son champ d'application sera clairement limité à tous les titres d'un niveau égal ou supérieur à la ceinture noire, quelles que soient les nuances de terminologie qui peuvent exister d'une discipline à l'autre ;

- le terme de " dan " figure dans les dictionnaires de langue française et son emploi dans un texte législatif peut donc être admis ;

- la proposition de loi ne précise pas la composition des commissions spécialisées chargées de la délivrance des titres. Le ministre de la jeunesse et des sports a cependant souligné à l'Assemblée nationale l'intérêt que toutes les parties intéressées soient associées à ces commissions : il serait souhaitable que le Gouvernement prenne à cet égard des engagements précis devant le Sénat.

La commission a ensuite abordé l'examen des articles.

A l'article premier (article 17 de la loi n° 84-610 du 16 juillet 1984 - conditions de délivrance des grades et dans), la commission a adopté deux amendements tendant respectivement :

- à restreindre la compétence des commissions fédérales spécialisées à la délivrance des titres d'un niveau égal ou supérieur à la ceinture noire ;

- à supprimer le pouvoir de proposition des fédérations en matière de composition des commissions spécialisées ainsi que la référence aux règlements sportifs internationaux applicables aux disciplines relevant des arts martiaux.

A l'article 2 (validation des dans acquis en application du décret n° 93-988 du 2 août 1993), la commission a adopté à l'unanimité un amendement proposant une nouvelle rédaction de cet article et tendant :

- à limiter la portée de la validation des titres délivrés en application du décret du 2 août 1993 aux conséquences directes, sur leur légalité, de l'annulation de ce décret ;

- à alléger la rédaction de l'article ;

- et à rectifier des erreurs matérielles.

La commission a ensuite approuvé à l'unanimité l'ensemble de la proposition de loi ainsi modifiée.

Nomination de rapporteur

Au cours de la même réunion, la commission a nommé M. Jean-Paul Hugot rapporteur de la proposition de loi n° 316 (1998-1999), présentée par M. Jack Ralite, relative à l'audiovisuel.