AFFAIRES CULTURELLES

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Mercredi 24 mars 1999

- Présidence de M. Adrien Gouteyron, président. -

Audition de M. Francis Beck, président de l'Institut national de l'audiovisuel (INA)

La commission a procédé à l'audition de M. Francis Beck, président de l'Institut national de l'audiovisuel (INA).

M. Francis Beck
a tout d'abord effectué une brève présentation de l'INA, établissement public industriel et commercial créé lors de l'éclatement de l'ORTF afin de regrouper les activités non reprises par les sociétés nationales de programmes. L'INA emploie actuellement un millier de personnes et dispose d'un budget d'exploitation de 650 millions de francs, 62 % des recettes étant fournies par la redevance audiovisuelle. Le budget de 1999 est satisfaisant.

La mission principale de l'institut est patrimoniale. Il s'agit de la conservation des archives audiovisuelles du secteur public et, depuis 1992, de la gestion du dépôt légal des documents audiovisuels des chaînes hertziennes nationales.

Mais l'INA exécute aussi d'autres missions complémentaires : formation, recherche, production audiovisuelle innovante.

La révolution numérique a profondément modifié le contexte de l'audiovisuel et rendu indispensable l'élaboration de nouvelles orientations stratégiques pour la période 1999-2003. Ces orientations ont été présentées au conseil d'administration de l'INA le 11 mars dernier. Le fait que la concurrence entre les diffuseurs s'exerce désormais principalement sur le coût d'accès au réseau est une de ces données auxquelles il convient que l'INA s'adapte. Les économies recherchées par les diffuseurs sur le coût des programmes - les opérateurs du câble et du satellite achètent des programmes pour un coût horaire de 10.000 francs alors que la restauration des archives audiovisuelles représente un coût horaire moyen de 50.000 francs - se sont traduites par une forte diminution du produit des ventes d'archives, dont le montant annuel s'élève actuellement à 20 millions de francs contre 115 millions de francs au début des années 1990.

Le projet de loi sur la communication audiovisuelle présenté par le Gouvernement à la fin de 1998 prévoyait la redéfinition des missions de l'INA et de ses relations avec France 2 et France 3. Actuellement, l'INA devient propriétaire des archives audiovisuelles des sociétés nationales de programmes au bout de trois ans. Il est envisagé que France 2 et France 3 restent désormais propriétaires des droits d'exploitation des oeuvres intégrales, l'INA étant associé à leur exploitation par mandat de commercialisation. L'INA continuerait en revanche d'exploiter les extraits d'oeuvres, dont les ventes progressent actuellement.

Revenant sur la définition des orientations stratégiques de l'INA, M. Francis Beck a rappelé que des désaccords entre la direction et le personnel avaient provoqué à cet égard une grève au printemps 1998, et qu'un travail important avait été effectué depuis afin de mieux associer le personnel à l'élaboration d'un plan stratégique.

C'est ainsi que quatre axes stratégiques ont pu être présentés au conseil d'administration le 11 mars dernier :

- le premier axe concerne la collecte, la conservation et la restauration du patrimoine. Un plan a été lancé afin de transférer sur des supports pérennes 200.000 heures sur les 500.000 heures de programme de télévision conservés par l'institut ;

- le second axe stratégique intéresse le rôle de l'INA dans le système documentaire audiovisuel français. Il s'agit de développer un réseau documentaire et des services associés tout en améliorant la connaissance du patrimoine et la commercialisation des images ;

- le troisième axe stratégique concerne l'accès au patrimoine audiovisuel. Il s'agit de rendre mieux accessibles sur les réseaux les programmes, les descriptifs documentaires et les services associés. Un centre de consultation du dépôt légal a été installé dans cette optique à la Bibliothèque de France ;

- le dernier axe stratégique vise la maîtrise des techniques numériques. Il s'agit de participer à la constitution des savoirs et des savoir-faire audiovisuels, et de contribuer au renouvellement de la production de recherche.

M. Francis Beck a estimé que l'aide des pouvoirs publics serait nécessaire à la mise en oeuvre de ces orientations en contrepartie d'efforts consentis par l'institut en matière de maîtrise des charges. Il serait en particulier souhaitable que l'Etat compense les conséquences financières de la diminution probable des ressources en provenance de France Télévision. Les prestations fournies à France Télévision font en effet actuellement l'objet d'une surtarification qui ne devrait pas perdurer. Or, France 2 et France 3 représentent 50 % du chiffre d'affaires de l'institut en matière de prestations d'archivage.

En ce qui concerne le projet de loi en cours d'élaboration, M. Francis Beck a rappelé qu'il était envisagé de redéfinir les missions de l'INA, qui bénéficiera par ailleurs, comme l'ensemble des organismes de l'audiovisuel public, de la formule des contrats d'objectifs et de moyens ainsi que de l'allongement à cinq ans de la durée du mandat du président. La future loi devrait aussi supprimer la mention du poste de directeur général dans le dispositif de la loi de 1986. En revanche, aucune disposition n'est prévue en ce qui concerne les relations de l'INA avec les ayants droit. Le projet de loi examiné au printemps de 1997 avait été amendé sur ce point. Il faudra sans doute remettre cette question à l'ordre du jour, car il est indispensable de faciliter la gestion des droits attachés aux archives exploitées par l'INA.

M. Francis Beck a enfin précisé que l'établissement principal de l'INA était installé à Bry-sur-Marne, qu'un siège annexe existait dans le 13e arrondissement de Paris, que l'INA disposait en outre de magasins d'archivages près de Rambouillet, d'un centre de consultation de l'Inathèque à la Bibliothèque de France, d'une phonothèque dans la maison de la radio et de six délégations régionales.

Un débat a suivi cet exposé.

M. Ivan Renar a demandé quels étaient les moyens dont l'INA souhaitait disposer pour faire face à ses missions, spécialement en matière de recherche et de production de programmes. Il a aussi demandé quelles relations l'INA souhaitait instituer avec les régions et quel était son rôle à l'égard du salon IMAGINA.

M. Pierre Laffitte a demandé quelle était la stratégie de l'institut en matière de recherche et d'exploitation des images virtuelles, et quelles étaient ses relations avec les sociétés privées. Il a exprimé le souhait que les moyens de consultation à distance de l'Inathèque soient renforcés, notant à titre de parallèle, qu'il aurait été opportun, si des raisons tenant à la gestion des droits d'auteur ne s'y étaient opposées, que la Bibliothèque de France fonctionne en réseau sur l'ensemble du territoire. Il a également suggéré que l'INA recoure à la diffusion satellitaire pour faciliter la consultation à distance des archives qu'il exploite.

M. Daniel Eckenspieller, rappelant qu'il avait assisté au conseil d'administration du 11 mars en tant que représentant du Sénat, a demandé dans quelles conditions les services publics tels que l'éducation nationale avaient accès au fonds patrimonial de l'INA, et a souhaité savoir si le projet de loi sur la communication audiovisuelle ne contenait pas de dispositions susceptibles d'entrer en contradiction avec les orientations stratégiques adoptées par l'institut.

Rappelant qu'il avait soutenu la création de l'INA, M. André Diligent a posé des questions sur les concurrents privés de l'INA, sur le fonctionnement du marché des droits et sur la politique tarifaire de l'institut à l'égard du secteur privé. Il a également voulu savoir comment étaient assurées, dans les autres pays, les missions dévolues en France à l'INA.

M. Jean-Pierre Fourcade a demandé des précisions sur les diminutions de recettes prévisibles à la suite de l'abandon des pratiques de surtarification à l'égard de France Télévision. Il a aussi souhaité connaître le montant des recettes commerciales en provenance des chaînes du câble.

M. Franck Sérusclat s'est inquiété de la fixation de certains documents importants sur des supports non destructibles.

Mme Hélène Luc a demandé dans quelle mesure la révolution numérique affectait les missions de l'INA et a souhaité que l'ensemble des services de l'institut soit associé aux changements en cours.

M. Jean-François Picheral a souhaité savoir si l'INA envisageait de s'associer à nouveau au fonctionnement de la vidéothèque de l'opéra installée à Aix-en-Provence, précisant que celle-ci recevait de 15 à 20.000 personnes par an.

Le président Adrien Gouteyron a enfin demandé à M. Francis Beck de préciser la structure actuelle et l'évolution prévisible des ressources de l'INA.

En réponse à ces questions, M. Francis Beck a apporté les précisions suivantes :

- le budget de l'INA a augmenté de 4,6 % en 1999 par rapport au budget initial de 1998. Grâce à la gestion serrée de l'exercice 1998, l'institut dispose actuellement de marges financières satisfaisantes ;

- lors de l'éclatement de l'ORTF, les relations de l'INA avec les chaînes de télévision ont été établies sur la base de contributions obligatoires des chaînes pour les prestations d'archivage et de formation fournies par l'INA. Un système de contributions conventionnelles a été par la suite substitué à ce mécanisme, les conventions conclues avec les chaînes reconduisant cependant les montants fixés précédemment. Avec l'introduction de la comptabilité analytique, on a constaté que le coût de ces prestations était inférieur aux sommes facturées d'un montant évalué à quelque 20 millions de francs. Le manque à gagner qui résulterait de l'abandon de la surfacturation peut toutefois atteindre 40 millions de francs, dans la mesure où le passage de France Télévision au numérique lui impose d'effectuer en interne un certain nombre de travaux d'indexation d'archives actuellement réalisés par l'INA. Si France Télévision souhaite se charger de ces opérations à l'avenir, il sera important que l'Etat compense le manque à gagner en résultant pour l'INA. C'est le principal enjeu des contrats d'objectifs et de moyens qui pourraient être négociés avec l'Etat après l'adoption du projet de loi sur la communication audiovisuelle ;

- l'INA ne participe pas aux expérimentations de diffusion hertzienne terrestre numérique. Il propose cependant aux opérateurs des services multisupports interactifs qui pourraient contribuer à enrichir l'offre des sites expérimentaux ;

- les missions de recherche de l'INA ont évolué. Au studio d'essai de la période initiale et aux recherches sur l'image virtuelle, ont succédé des expérimentations de services numériques interactifs, de procédés de restauration automatique et de procédés d'indexation numérique ;

- IMAGINA est le grand festival européen de l'image virtuelle. L'INA s'y investit toujours, spécialement en vue d'y promouvoir ses recherches en matière d'imagerie numérique à destination d'internet, et ses expériences de services interactifs ;

- l'activité de producteur de l'INA a été celle d'un " laboratoire d'essai " chargé d'élaborer des programmes " en amont " du marché, ou dont le marché ne pouvait pas assurer la rentabilité. Avec la création du fonds de soutien à l'industrie des programmes et l'apparition des chaînes éducatives et culturelles, cette mission a connu un certain repli. L'institut tente actuellement d'expérimenter, toujours en amont des tendances du marché, une production de services à la fois multisupports et en ligne ;

- les délégations régionales de l'INA emploient 25 personnes. Il n'y a pas plus d'un documentaliste par délégation contre sept en moyenne dans les bureaux régionaux de France 3, à titre de comparaison. Ceci interdit à l'INA de développer des centres régionaux d'archives. La valorisation des archives audiovisuelles régionales ne pourra donc avoir lieu qu'en partenariat avec les instances régionales intéressées. L'INA souhaite que cet objectif soit pris en compte dans les futurs contrats de plan ;

- la loi de 1992 sur le dépôt légal a prévu que la consultation devait avoir lieu dans les locaux du dépositaire et suivre des objectifs scientifiques. L'extension au grand public de la possibilité d'effectuer des consultations dépend du législateur. Des stations de consultation des bases de données de l'INA ont été installées dans les délégations régionales. La consultation en ligne du fonds lui-même n'est pas encore possible ;

- les missions actuelles de l'institut ne prévoient pas la fourniture de prestations au public, ce qui rend moins utile le recours à la diffusion satellitaire. L'INA a cependant expérimenté cette technique dans le cadre de son partenariat avec la banque de programmes et de services (BPS) d'Arte. Les programmes de la BPS utilisent en effet les réseaux satellitaires pour leur diffusion. La fourniture de services au public impliquerait pour l'INA d'entrer en concurrence avec ses clients traditionnels. Elle correspond aussi à un autre " métier " que celui exercé actuellement par l'INA ;

- l'INA effectue des coéditions de programmes vidéo à partir de ses archives avec différents partenaires privés, tels que TF1 vidéo ;

- grâce à des accords passés avec les sociétés d'auteurs, les acteurs institutionnels et les services publics ont facilement accès aux fonds patrimoniaux de l'INA moyennant le versement de droits raisonnables ;

- en ce qui concerne le projet de loi sur la communication audiovisuelle, la définition prévue des missions de recherche de l'INA était peu satisfaisante. Il pourrait être envisagé, par ailleurs, de confier à l'institut la gestion des " rushes " actuellement conservés par les diffuseurs, mais le texte ne le prévoit pas ;

- le marché des droits, lieu virtuel d'échange des droits de diffusion des programmes audiovisuels, est divisé en bassins linguistiques et culturels relativement compartimentés. Seules les productions américaines connaissent une diffusion véritablement internationale. Les archives de l'INA sont vendues pour l'essentiel sur les marchés francophones. L'élargissement de cette zone de chalandise nécessiterait d'énormes travaux de doublage et de sous-titrage, que l'INA réalise actuellement seulement à la demande. Les concurrents de l'INA sur ce marché sont Gaumont et Pathé, dont le portefeuille d'archives, beaucoup plus restreint, est cependant mieux connu et plus facilement exploitable ;

- on ne sait pas, actuellement, assurer la conservation de documents audiovisuels au-delà d'une durée de vingt ou trente ans. Le traitement numérique facilitera toutefois le transfert périodique de l'information sur de nouveaux supports, à des fins de sauvegarde. Il sera utile de mettre au point des techniques de transfert automatique et à grande échelle ;

- la possibilité de nouer un nouveau partenariat entre l'INA et la vidéothèque d'Aix-en-Provence peut faire l'objet d'une réflexion ;

- les ressources de l'INA sont assurées à 62 % par la redevance. Ce taux est en augmentation depuis dix ans. L'objectif est de le stabiliser. L'augmentation des ressources propres pourra être envisagée dans deux ou trois ans, après l'achèvement de la restructuration de la chaîne de traitement de l'institut.

Nomination de rapporteur

Au cours de la même réunion, la commission a nommé M. James Bordas rapporteur de la proposition de loi n° 274 (1998-1999) relative à la délivrance des grades dans les disciplines relevant des arts martiaux.