AFFAIRES CULTURELLES

Table des matières


Mercredi 11 octobre 2000

- Présidence de M. Adrien Gouteyron, président. -

Economie - Nouvelles régulations économiques - Mesures concernant le cinéma - Audition de M. Jean-Pierre Hoss, directeur général du Centre national de la cinématographie

La commission a tout d'abord procédé à l'audition de M. Jean-Pierre Hoss, directeur général du Centre national de la cinématographie (CNC).

M. Adrien Gouteyron, président, a remercié M. Jean-Pierre Hoss d'avoir accepté d'éclairer la commission sur les nouvelles mesures de régulation du cinéma, déposées sous forme d'amendements du gouvernement au projet de loi relatif aux nouvelles régulations économiques.

Regrettant que la procédure retenue interdise à la commission de se prononcer en tant que telle, dans la mesure où elle n'était pas saisie du projet de loi et où elle ne pouvait se saisir d'amendements, il a relevé que les mesures proposées suscitaient certaines interrogations.

En ce qui concerne les multiplexes, sur lesquels porte le premier amendement, M. Adrien Gouteyron, président, s'est étonné qu'un nouvel abaissement du seuil d'autorisation, à 800 places, soit proposé alors que le précédent, de 1.500 à 1.000, s'était avéré largement inutile, et il a redouté que cette extension du régime d'autorisation ait essentiellement pour effet de gêner les projets de restructuration de salles d'art et d'essai ou de salles généralistes anciennes, notamment dans les centres-villes. Il a par ailleurs demandé pourquoi n'avaient pas été retenues les propositions intéressantes du rapport Delon relatives à la composition des commissions départementales et à la prise en compte de l'incidence extra-départementale de certains projets. Enfin, il s'est inquiété de l'impact réel des nouveaux critères " qualitatifs " d'autorisation des multiplexes.

Remarquant ensuite que l'amendement relatif aux abonnements au cinéma concernait toutes les formules de fidélisation de la clientèle, il s'est demandé si les conséquences d'un champ d'application aussi large avaient été mesurées et il a interrogé M. Jean-Pierre Hoss sur le contenu du décret d'application, dont dépendra pour une large part la portée du dispositif proposé. Il a constaté que l'amendement du gouvernement entérinait plus qu'il n'encadrait les systèmes d'abonnement illimité, ce qui correspondait à un certain revirement de la position de l'autorité de tutelle, dont il a souhaité connaître les raisons.

Evoquant les difficultés des petites salles, auxquelles ne remédierait pas la régulation improvisée des multiplexes ou des cartes, il a demandé quelles étaient les mesures envisagées pour recentrer et renforcer les aides dont elles bénéficient.

M. Jean-Pierre Hoss a d'abord présenté le dispositif proposé pour réformer la procédure d'autorisation des multiplexes.

Après avoir rappelé qu'actuellement 70 multiplexes étaient en service et que le nombre des dossiers déposés pouvait porter leur nombre à 140, il a indiqué que les principaux sites étaient désormais investis et les grands équipements construits. Apparaît donc désormais une deuxième génération de multiplexes, de taille plus réduite, souvent installés en centre-ville. Par ailleurs, des grandes surfaces auraient formé le projet de déposer des demandes, ce qui pourrait laisser présager une politique de prix génératrice de conflits très graves avec les exploitants. L'abaissement du seuil d'autorisation permettra de prendre en compte ces phénomènes en assurant un meilleur équilibre entre les équipements existants.

Les nouveaux critères pour l'octroi des autorisations ne sont pas de nature à gêner les projets de restructuration des salles traditionnelles, que devraient au contraire favoriser les commissions départementales d'équipement cinématographique (CDEC).

Les propositions formulées par le rapport Delon pour modifier la composition et la compétence territoriales des CDEC n'ont pas été considérées comme de nature à améliorer de manière décisive le fonctionnement de ces instances.

Le choix du gouvernement a été de poser de nouveaux critères d'appréciation des dossiers de nature qualitative, insuffisamment pris en compte jusqu'ici.

M. Xavier Darcos a exprimé ses réticences à l'égard du dispositif proposé par le gouvernement qui risquait en fait d'accélérer la disparition des salles des centres-villes.

Il a estimé qu'un abaissement des seuils n'était envisageable que s'il s'accompagnait de critères rigoureux de localisation.

Il a considéré que conférer aux commissions compétentes pour délivrer les autorisations une compétence régionale aurait permis de mieux arbitrer entre les souhaits des communes périphériques et les intérêts des centres-villes, tout en distinguant mieux la procédure d'autorisation des multiplexes de celle applicable à l'urbanisme commercial.

Notant que le nouveau seuil ne constituerait en rien un obstacle aux projets éventuels de grands distributeurs, il a estimé qu'il contribuerait à accélérer le dépérissement des centres-villes et le regroupement d'un nombre toujours croissant d'activités autour des grandes surfaces.

Mme Danièle Pourtaud s'est félicitée que l'élargissement du champ d'application de l'autorisation des multiplexes soit assorti d'un renforcement des contraintes de programmation. Elle a cependant souligné la nécessité de développer parallèlement une politique offensive de soutien aux petites salles, dont beaucoup ont déjà disparu. Ainsi, sur Paris, les salles d'art et d'essai ont perdu un million de spectateurs alors que dans le même temps la fréquentation globale progressait de 11%.

M. Louis de Broissia a cité l'exemple de l'installation, autorisée par la commission nationale d'équipement cinématographique, d'un multiplexe dans une ville moyenne, à proximité d'une salle d'art et d'essai de grande qualité. Observant que les engagements de programmation n'étaient pas toujours tenus, il a demandé si les opérateurs de multiplexes pouvaient en ce cas être sanctionnés.

M. Jacques Legendre, citant l'exemple de la communauté de communes qu'il préside, et dont la ville-centre comporte un cinéma de quatre salles rénové et une salle d'art et d'essai, s'est associé aux inquiétudes exprimées par M. Xavier Darcos.

M. Jean-Pierre Hoss a indiqué que la loi permettrait que le non-respect des engagements de programmation soit passible de sanctions administratives, le produit des pénalités encourues par les opérateurs étant versé au compte de soutien.

Il a observé que la généralisation des engagements de programmation pouvait engendrer des contradictions : en obligeant les opérateurs à diversifier leur programmation, on peut aussi intensifier la concurrence qu'ils font aux salles d'art et d'essai. Il faut donc pouvoir procéder à une appréciation fine de la situation dans chaque zone de chalandise : à cet égard, l'édiction de règles générales n'est pas toujours la solution la plus adaptée.

Analysant ensuite, à l'invitation de M. Adrien Gouteyron, président, les dispositions de l'amendement relatif aux abonnements au cinéma, M. Jean-Pierre Hoss a exposé que ce dispositif était une conséquence directe du lancement par UGC, suivi depuis par d'autres exploitants, d'une formule de carte d'abonnement illimité qui présentait l'inconvénient majeur de rendre impossible la détermination d'un prix par place, et donc de l'assiette aussi bien de la rémunération des distributeurs que de la taxe spéciale additionnelle (TSA) perçue sur le prix des places de cinéma.

L'amendement a donc en premier lieu pour objet d'imposer à l'exploitant de souscrire un engagement contractuel vis-à-vis des distributeurs sur un prix forfaitaire des places, pendant une durée suffisamment longue. En cela, il répond aux inquiétudes des distributeurs et de l'ensemble des ayants droit et permettra que la TSA, qui alimente le fonds de soutien, soit prélevée sur ce prix forfaitaire et non sur le prix de la carte.

En réponse à M. Adrien Gouteyron, président, qui faisait observer que ce dispositif était déjà appliqué en fait, les promoteurs de la carte s'étant engagés auprès des distributeurs à leur garantir la base de calcul de leur recette, M. Jean-Pierre Hoss a estimé que cet engagement était de nature unilatérale et non contractuelle.

Il a ensuite indiqué que l'amendement tendait aussi à répondre pour partie aux inquiétudes des exploitants indépendants qui n'ont pas la possibilité de lancer une formule d'abonnement aussi attractive en obligeant les grands exploitants à " ouvrir " leurs cartes aux indépendants qui le souhaiteraient. Cette faculté ne sera sans doute pas suffisante à résoudre le problème et l'on peut aussi envisager un renforcement des aides sélectives ou de l'effet redistributeur du soutien automatique, solutions qui pourraient toutefois susciter des résistances de la part des autres exploitants.

Confirmant que le champ d'application de l'amendement couvrait toutes les formules d'abonnement, le directeur général du CNC a noté que cela permettrait d'améliorer la connaissance et le contrôle des très nombreux systèmes existants ou à venir, qui ne sont actuellement soumis à aucune obligation de déclaration, et de vérifier leur conformité à la réglementation et aux bons usages commerciaux.

M. Jack Ralite, après avoir reconnu que les professionnels qu'il avait rencontrés s'étaient dans l'ensemble, à quelques nuances près, montrés favorables au dispositif proposé, s'est déclaré pour sa part moins satisfait. Il a affirmé ne pas comprendre que l'UGC ait pu décider sans concertation préalable avec le CNC du lancement d'une carte illimitée, qu'il ait pu l'appliquer et que finalement sa position l'emporte. Estimant, contrairement à l'avis du Conseil de la concurrence, qu'UGC disposait d'une position dominante, que la carte lui avait permis d'augmenter considérablement ses parts de marché et que d'autres exploitants avaient d'ailleurs dû suivre son exemple, il s'est étonné que le CNC ne se soit pas saisi de ce dossier avant le Conseil de la concurrence et qu'il n'ait pas pu décider d'interrompre cette formule d'abonnement pour laisser place à la concertation.

Il a d'autre part insisté sur la nécessité de réfléchir au statut des petites salles, notamment les salles municipales ou associatives, qui sont fragilisées et dont il faudrait pouvoir garantir la survie, et il a douté que les exploitants indépendants qui adhéreraient aux formules de cartes aient les moyens de participer au risque qu'elles comportent. Il a enfin souhaité une réflexion commune de la profession, une " conférence nationale de l'exploitation ", sur la protection à assurer aux exploitants indépendants.

Mme Danièle Pourtaud, rejoignant la position de M. Jack Ralite, a relevé que l'amendement tendait, faute de mieux, à encadrer une formule qu'il n'était sans doute pas possible d'arrêter, et elle a déclaré qu'elle lui apporterait son soutien. Elle a cependant estimé souhaitable de le compléter pour prévoir le dépôt d'un rapport au Parlement permettant de dresser un bilan de la procédure de l'agrément. Elle a également souligné qu'il importait, pour préserver leurs droits, que les producteurs et l'ensemble des titulaires de droits soient associés à la négociation du prix forfaitaire qui constitue la base de leur rémunération.

M. Louis de Broissia, rappelant que les collectivités territoriales étaient les principaux soutiens des petites salles, a souhaité être assuré qu'elles pourraient continuer à leur accorder des aides leur permettant de pratiquer des tarifs modérés, notamment en direction des jeunes. Il a en outre demandé si le dispositif proposé par l'amendement gouvernemental pourrait prévenir l'apparition de nouvelles formules commerciales encore plus offensives et plus discriminantes à l'égard des petits exploitants.

En réponse à ces questions, M. Jean-Pierre Hoss a apporté les précisions suivantes :

- Si l'autorité de tutelle n'a pas interdit la carte UGC, c'est parce qu'elle n'en avait pas les moyens juridiques. Le Conseil de la concurrence a été saisi à la fois d'une demande d'avis de la ministre, qui a parallèlement demandé et obtenu d'UGC la suspension de la commercialisation de la carte, et de recours d'exploitants assortis de demandes de mesures conservatoires -c'est-à-dire la suspension de la carte. Le Conseil a estimé qu'il n'avait pas d'éléments suffisants pour justifier de telles mesures et sa décision sur le fond ne pourra intervenir avant un certain délai : il devra en effet disposer du recul nécessaire pour apprécier, par exemple, le caractère " abusivement bas " du prix payé par les utilisateurs de la carte -qui d'ailleurs s'apercevront peut-être que leurs places leur sont finalement revenues beaucoup plus cher qu'ils ne le pensaient.

Le recours au droit de la concurrence n'a donc pas permis une suspension immédiate de la carte, dont UGC a d'ailleurs repris la commercialisation dès l'intervention de la décision du Conseil de la concurrence.

Le CNC a entrepris pour sa part une procédure de sanctions administratives, qui peut déboucher sur une fermeture des établissements ou sur des sanctions financières dissuasives. Dans le cadre de cette procédure, les infractions reprochées à l'UGC seront examinées le 19 octobre prochain par une commission de professionnels.

- La situation des exploitants indépendants parisiens est en effet difficile et certains souffrent beaucoup des conséquences de la carte : il faut donc rechercher les moyens de les aider davantage encore par des aides sélectives et réfléchir aux moyens d'accentuer l'effet redistributeur des aides économiques et financières. Cependant, les exploitants indépendants parisiens bénéficient déjà d'aides au fonctionnement et à l'investissement d'un montant très important et il faut prendre garde aux limites qu'impose le droit européen de la concurrence.

- Il est vrai que les parts de marché d'UGC ont augmenté, mais cette augmentation doit être appréciée dans un contexte de progression générale de la fréquentation.

- Le dispositif proposé par l'amendement ne peut garantir contre le développement de stratégies de " guerre des prix ", la législation en vigueur ne permettant plus de contrôler ou de fixer les prix.

M. Jean-Pierre Hoss a enfin douté que l'ensemble des ayants droit puissent participer à la négociation des prix forfaitaires, les distributeurs étant d'ailleurs mandatés par eux pour négocier leur rémunération. Il s'est en revanche déclaré ouvert à la fixation d'un " rendez-vous " permettant au Parlement d'être informé du bilan du fonctionnement des cartes, bilan que le CNC serait de toute façon conduit à dresser.

M. Adrien Gouteyron, président, lui en a donné acte et a rappelé à ce propos que les dispositions de la loi Royer prévoyant une information annuelle du Parlement sur l'application du dispositif d'autorisation des multiplexes n'avaient jamais été appliquées.

PJLF pour 2001 - Audition de M. Roger-Gérard Schwartzenberg, ministre de la recherche, sur les crédits consacrés à la recherche dans le projet de loi de finances pour 2001

La commission a ensuite entendu M. Roger-Gérard Schwartzenberg, ministre de la recherche, sur les crédits consacrés à la recherche dans le projet de loi de finances pour 2001.

Le ministre s'est félicité de pouvoir présenter devant la commission un projet de budget en progression, dont il a estimé qu'il était de nature à donner un nouvel élan à la politique de recherche, en amplifiant l'effort engagé et en lui consacrant des moyens accrus.

Il a souligné que le budget civil de la recherche et du développement (BCRD) s'élèverait, dans le projet de loi de finances pour 2001, à 55,8 milliards de francs en dépenses ordinaires et crédits de paiement, soit une progression de 2,2 % par rapport à l'année passée, qui tranchait avec l'évolution plus modérée des années précédentes. Il a ajouté que les autorisations de programme, qui s'élèvent à 24,3 millions de francs, connaissent une progression de 6,4 % supérieure à leur progression moyenne annuelle de 1,5 % depuis 1997.

Cette double progression permettra de donner un nouvel essor à la recherche publique et de traduire concrètement les orientations d'une politique qui s'articule autour de quatre axes prioritaires.

La première de ces priorités a été de définir avec volontarisme une véritable politique de l'emploi scientifique de façon à répondre à deux phénomènes concomitants : le vieillissement de la recherche française d'une part, et de l'autre la difficulté des jeunes chercheurs à s'insérer dans notre appareil de recherche.

M. Roger-Gérard Schwartzenberg a affirmé son intention de tirer parti des départs en retraite massifs qui interviendront en 2004-2010, et son souci tant d'éviter de nouveaux coups d'accordéon dans les recrutements, que de tirer parti de la réserve potentielle de thésards et de jeunes docteurs, actuellement disponible, et il s'est félicité de pouvoir engager, avec le budget pour 2001, une gestion prévisionnelle et pluriannuelle des effectifs.

Le ministre a annoncé que celle-ci se traduirait dans le budget pour 2001 par la création de 305 emplois, dont 265 dans les établissements publics, scientifiques et technologiques, et 40 au ministère de la culture.

Il a ajouté que le budget comportait également 42,81 millions de francs de mesures catégorielles et de transformations d'emplois, afin d'améliorer les perspectives de carrière des personnels et de requalifier leurs emplois.

M. Roger-Gérard Schwartzenberg a ensuite présenté le renforcement significatif des moyens de fonctionnement et d'investissement des organismes de recherche et des universités comme le second axe prioritaire de son projet de budget.

Il a précisé que les autorisations de programme des organismes de recherche connaîtraient en 2001 une progression moyenne de 2,8 %, que celles des établissements publics à caractère scientifique et technologique croîtraient de 10 %, contre 8,5 % sur l'ensemble de la période 1997-2000, et que celles de la recherche universitaire augmenteraient de 10 % pour le fonctionnement et l'équipement des laboratoires universitaires, dans la perspective, en particulier, de la mise en oeuvre du plan U3M, et des contrats de plans Etat-régions.

Rappelant qu'il était responsable, aux termes de son décret de compétence, de l'élaboration et de la mise en oeuvre de la politique de recherche universitaire, il a déclaré qu'il entendait lui consacrer un effort budgétaire important afin d'aider les universités à dynamiser leur action de recherche.

La dynamisation des disciplines prioritaires que sont les sciences du vivant, les sciences et technologies de l'information et de la communication, ainsi que l'environnement et l'énergie, constitue le troisième des axes prioritaires du projet de budget.

Insistant plus particulièrement sur les sciences et technologies de l'information et de la communication (STIC), qui doivent permettre le passage à la société de l'information, le ministre a annoncé que les effectifs des organismes de recherche publique travaillant sur ce secteur seraient accrus de 25 % en cinq ans ; il a ensuite présenté brièvement le contrat quadriennal Etat-INRIA qui prévoit de porter les effectifs de cet institut de 755 à 1.180 personnes d'ici à 2003, et la mise en place d'un nouveau département au sein du CNRS regroupant les laboratoires relevant de ce domaine de recherche ; en outre, a-t-il ajouté, les moyens d'intervention des réseaux de recherche et d'innovation technologique dans le domaine des STIC seront accrus grâce à l'augmentation des crédits du Fonds de la recherche et de la technologie et du Fonds national de la science qui leur seront consacrés ; les Actions concertées incitatives (ACI) consacrées à la cryptologie et à la photonique seront complétées par une nouvelle ACI consacrée aux mégabanques de données. Il a également rappelé que sur les douze Centres nationaux de recherche technologique (CNRT) installés en juillet dernier, cinq étaient consacrés aux sciences et technologies de l'information et de la communication.

Passant ensuite à la présentation des moyens destinés aux sciences du vivant, M. Roger-Gérard Schwartzenberg a précisé que le budget de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM) connaîtrait, hors personnel, une augmentation de 16 % de ses moyens ; qu'en outre une part appréciable -130 millions de francs- de l'augmentation des autorisations de programme du Fonds national de la science, qui passent de 700 à 885 millions de francs, servirait à financer les recherches en génomique, post-génomique, agents infectieux et biologie intégrative ; qu'enfin les technologies liées aux sciences du vivant bénéficieraient de 250 millions de francs de soutien au titre du Fonds de la recherche et de la technologie dont les moyens augmenteront, en 2001, de près de 100 millions de francs.

Il a ajouté que les moyens attribués aux recherches sur les technologies liées à l'environnement et à l'énergie connaîtront aussi une forte hausse, motivée par la conviction que la recherche peut et doit contribuer au " développement durable " et à la protection de l'environnement.

Enfin, il a précisé que la dotation du Commissariat à l'énergie atomique et de l'Institut pour la protection et la sûreté nucléaire progresserait également de 7,6 %.

Le ministre a ensuite présenté le soutien à l'innovation et à la recherche industrielle comme le quatrième axe prioritaire de son action. Estimant que la recherche est devenue le principal moteur de la compétitivité et de la croissance, il s'est déclaré décidé à favoriser la valorisation de la recherche et les transferts de technologies de façon à irriguer l'économie des résultats de la recherche : ainsi les soutiens à la recherche industrielle -6 milliards de francs en autorisations de programme- progressent-ils de 9 % de façon à financer, notamment, les douze réseaux de recherche et d'innovation technologique, fondés sur le partenariat entre laboratoires publics et laboratoires privés, et les 29 incubateurs destinés à accompagner et soutenir les porteurs de projets de création ou de développement d'entreprises innovantes.

Enfin, le ministre a souligné que le budget consacré à la construction aéronautique augmenterait fortement, en particulier pour soutenir le développement par Airbus de l'avion de grande capacité A3XX, et indiqué que la légère diminution de la subvention du Centre national d'études spatiales tenait à une augmentation moindre que prévue de sa contribution à l'Agence spatiale européenne, qui dispose actuellement d'excédents de trésorerie, et à un démarrage moins rapide de certains programmes en préparation, comme par exemple le programme de retours d'échantillons de Mars.

Abordant pour finir la construction d'un espace européen de recherche, il a déclaré partager largement les analyses défendues par M. Pierre Laffitte dans le rapport qu'il a présenté sur ce sujet au nom de l'office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques : l'Europe intervient trop peu en matière de recherche, et ses procédures sont souvent trop lourdes et bureaucratiques. Il a cependant estimé que la présidence française donnait l'occasion d'aller dans le sens d'un espace européen de recherche, et de faire avancer certaines propositions, conformes aux suggestions du commissaire européen Philippe Busquin : cartographie des centres d'excellence ; promotion de la mobilité des chercheurs ; financement partiel des très grands équipements, mise en oeuvre d'une véritable politique de l'innovation et de la diffusion scientifique à l'échelle européenne, réduction des coûts du brevet européen et mise en place du brevet communautaire...

Estimant en conclusion que notre indépendance et notre place dans le monde se défendent aujourd'hui d'abord dans les laboratoires, M. Roger-Gérard Schwartzenberg a souhaité que l'élan marqué par le projet de budget 2001 ouvre un nouvel horizon à la recherche qui doit être une grande ambition collective.

M. Pierre Laffitte, rapporteur pour avis des crédits de la recherche, s'est félicité des orientations retenues dans le projet de budget, dont il a estimé qu'elles rejoignaient très largement les idées qu'il avait défendues depuis plusieurs années au nom de la commission, tout en regrettant que l'effort budgétaire n'ait pas été plus marqué encore, particulièrement dans le contexte de la présidence française de l'Union, où un effort plus important aurait pu être perçu comme un signal très fort sans pour autant mettre en péril les finances publiques.

Il a interrogé le ministre sur le suivi de la loi du 12 juillet 1999 sur l'innovation et la recherche, sur la mise en place des incubateurs et leur statut juridique, sur le développement des possibilités effectives de créations d'entreprises par des personnels de recherche, ainsi que sur la mise en place du régime fiscal des services d'activités industrielles et commerciales.

Insistant sur la nécessité d'une démocratisation du savoir et de la diffusion de la culture scientifique et technique auprès de l'ensemble de la population, il a souhaité que les efforts considérables mais essentiellement parisiens consentis en faveur de la Cité des Sciences soient complétés par la mise en place de réseaux en province, reliés le cas échéant à des organismes parisiens. Convaincre l'ensemble de nos concitoyens de ne pas voir le progrès technique comme une source d'appréhension, mais montrer comment les nouvelles technologies débouchent sur de nouveaux usages comme par exemple le télé-enseignement qui peut modifier des domaines aussi divers que la relation Nord Sud ou la politique de la ville, constitue en effet un enjeu majeur.

Evoquant ensuite la forte progression des crédits consacrés à l'aéronautique, et plus particulièrement au programme A3XX, il s'est interrogé sur l'opportunité de recourir davantage à l'avenir à des formes de recherche duale, associant financements civils et militaires, comme le font par exemple les Etats-Unis, et a souhaité connaître le point de vue du ministre sur ce problème de fond.

En matière de politique européenne de recherche, il a estimé que la priorité absolue résidait dans le renforcement des programmes de mobilité des chercheurs, et a insisté sur le caractère excessivement bureaucratique des procédures d'appel d'offres des programmes européens, dont le coût, pour les entreprises candidates, est disproportionné par rapport aux montants d'aide attendus.

M. Ivan Renar a exprimé au ministre son plein soutien pour un relèvement du budget de la recherche, dont il a estimé qu'il devait être à la hauteur des enjeux de demain que sont la création, l'intelligence et l'innovation. Evoquant les conditions dans lesquelles a été prise la décision de construire le synchrotron de troisième génération, il a estimé qu'elles constituaient une incitation à réfléchir à la mise sur pied d'une instance prospective qui associerait partenaires nationaux et régionaux, et serait chargée d'envisager les équipements de recherche à construire dans les cinq prochaines années.

Il a également souhaité que dans la mise en place de la politique d'aménagement du territoire, une plus grande attention soit portée au nombre de chercheurs, et à l'implantation d'équipements de recherche dans chaque région, estimant que ceux-ci, en soutenant l'effort de recherche, stimulaient aussi l'activité économique.

Enfin, il a souligné l'enjeu crucial que constitue, à une époque où fleurissent les tendances irrationnelles, le développement de la culture scientifique ; il a regretté la disparité des investissements qui sépare en ce domaine Paris de la province, disparité qu'illustre bien la Cité de la Villette.

Le ministre a apporté à MM. Pierre Laffitte, rapporteur pour avis des crédits de la recherche, et Ivan Renar les précisions suivantes :

- la progression du budget de la recherche dans le projet de loi de finances pour 2001 est supérieure à la progression moyenne du budget de l'Etat et elle est la plus importante de celles observées pour les budgets d'une certaine importance ; avec une augmentation de 6,4 % des autorisations de programme, le projet de budget engage véritablement l'avenir ;

- l'effort public de recherche se situe à un niveau très élevé en France, si on le rapporte au PIB ; c'est plutôt la recherche privée qui est inférieure à ce qu'elle est aux Etats-Unis et au Japon ; elle s'est cependant engagée depuis peu dans une évolution favorable, grâce en particulier à l'effet de levier de la recherche publique ;

- la loi du 12 juillet 1999 sur l'innovation et la recherche est un élément central dans la politique de valorisation de la recherche ; elle a déjà permis la création cette année d'une centaine d'entreprises par des chercheurs issus des organismes publics de recherche, contre une vingtaine les années précédentes, et ce rythme laisse espérer, d'ici à deux ans, la création d'environ 400 entreprises ; 29 incubateurs -au moins un par région- ont été créés pour venir en aide à la création d'entreprises innovantes ; des fonds d'amorçage, comme le Fonds " BIOAM " dédié aux sciences du vivant auquel participent le CNRS, l'INSERM, l'INRA et la Caisse des dépôts et consignations, ont vocation à apporter leur appui financier à ces entreprises ; douze réseaux de recherche et d'innovation technologique permettent d'associer les laboratoires publics et les laboratoires privés ; enfin, le centre national de la recherche technologique s'attache, sur des thématiques précises, à créer des pôles d'excellence au niveau des régions ;

- les décrets qui préciseront le statut juridique et fiscal des services d'activités industrielles et commerciales ne sont pas encore parus, car leur mise au point, en liaison avec le ministère des finances, a nécessité la réalisation préalable d'un audit financier et comptable sur les problèmes d'assujettissement à la TVA et à l'impôt sur les sociétés ;

- il convient de redonner à la science la place qui doit être la sienne dans le débat public, car les citoyens doivent être clairement informés sur les problèmes que soulèvent les organismes génétiquement modifiés, les déchets radioactifs, la recherche sur le génome humain ; les crédits consacrés aux actions en faveur de la culture scientifique dans les régions sont en hausse de 24 % ; des manifestations comme la " fête de la science ", et le colloque " filles des sciences " s'adressent à tous les publics, et notamment aux scolaires ; enfin, plusieurs scientifiques français lauréats du prix Nobel seront invités au cours d'un prochain colloque à s'exprimer publiquement sur leur conception de la science ;

- le programme de recherche de l'A3XX, qui bénéficiera d'avances remboursables, montre, tout comme le programme d'Ariane, que les pays européens, quand ils unissent leurs efforts, peuvent avoir une avance technologique sur les Etats-Unis ;

- la recherche duale passe en France par le Centre national d'études spatiales, qui reçoit une subvention de 1,25 milliard de francs du ministère de la défense, et le Commissariat à l'énergie atomique ;

- la mobilité des chercheurs doit être renforcée, et il convient de mettre également en place des " bourses de retour ", car la France n'a pas vocation à financer la formation de jeunes chercheurs pour le bénéfice d'autres économies ;

- le choix de rouvrir le dossier du synchrotron répond notamment aux recommandations contenues dans le rapport de l'office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques ; le remplacement de deux synchrotrons de deuxième génération par un synchrotron unique de troisième génération n'aurait pas permis de répondre à une demande d'accès croissante ; le choix de la localisation a été difficile, onze régions ayant déposé leur candidature, avec des dossiers souvent très solides. Le choix du site de Saclay a été dicté par la conjonction de plusieurs facteurs : l'extrême qualité de l'environnement scientifique ; la proximité d'un tissu industriel susceptible d'utiliser l'équipement à des fins de recherche appliquée ; le souci de ne pas aller trop loin en matière de délocalisation hors de l'Ile-de-France ; enfin, le caractère inter-régional d'une candidature déposée conjointement avec les régions Centre et Lorraine ; dans l'ensemble, le choix de l'Ile-de-France était la solution la plus rapide et la moins coûteuse à mettre en oeuvre ;

- une réflexion est en cours pour que l'Etat accompagne les efforts accomplis par la région Nord - Pas-de-Calais en matière de recherche, dans le domaine de la biologie, et dans celui des technologies de l'information ;

- l'idée d'une commission prospective pour les grands équipements scientifiques rejoint les préoccupations du gouvernement qui souhaiterait qu'une instance réfléchisse à leur répartition à l'échelle nationale et à l'échelle européenne ; il est d'ailleurs souhaitable que l'Union Européenne participe, même partiellement, au financement de ces équipements.

M. Albert Vecten a déclaré partager l'intérêt du ministre pour une démarche prospective en matière de grands équipements scientifiques et a cité les conclusions d'un colloque organisé le matin même par l'office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques. Il a souhaité que l'Etat soutienne les efforts des régions qui consentent des efforts importants pour développer des activités de recherche, notamment en encourageant la mobilité des chercheurs.

M. Jean-Léonce Dupont s'est déclaré inquiet des propos tenus par le ministre en matière de délocalisations, et a souligné à son tour les difficultés que rencontrent certaines régions à attirer des activités de recherche, et le contrecoup que l'absence de celles-ci peut entraîner sur l'activité économique.

En réponse à ces interventions, M. Roger Gérard Schwarzenberg s'est félicité de la qualité des travaux de prospective réalisées par l'office parlementaire qui, contrairement aux avis parfois désincarnés de certains groupes d'experts, ont le mérite de poser les vrais problèmes, avec une conscience exacte des besoins et des choix. Il a rappelé les raisons qui auraient rendu plus difficile et plus coûteuse l'implantation du synchrotron hors de l'Ile-de-France, mais s'est déclaré déterminé à renforcer les actions conjointes entre l'Etat et les régions en matière de recherche, estimant qu'il convenait de développer le travail en réseau.