Mardi 17 janvier 2023

- Présidence de M. Laurent Lafon, président -

La réunion est ouverte à 9 h 30.

Projet de loi relatif aux jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 - Examen du rapport pour avis et des amendements sur les articles délégués au fond

M. Laurent Lafon, président- Nous examinons le rapport de Claude Kern sur le projet de loi relatif aux jeux Olympiques et Paralympiques de 2024. Je salue la présence d' Agnès Canayer, rapporteur du texte au nom de la commission des lois.

Nous avons obtenu une délégation au fond sur les articles 12, 13 et 14 de ce texte, lesquels traitent, respectivement, des peines applicables aux intrusions dans les enceintes sportives et sur les aires de compétition, des interdictions de stade et des dérogations relatives à la réglementation de la publicité nécessaires pour permettre au Comité d'organisation des jeux Olympiques et Paralympiques (Cojop) de mettre en valeur ses sponsors lors du relais de la flamme et de l'installation d'un compte à rebours dans la capitale. Sur ces articles, notre compétence est pleine et entière. Il nous appartient donc de nous prononcer, ce matin, sur l'ensemble des amendements qui leur sont associés et d'adopter les articles ainsi modifiés.

En outre, notre commission s'est saisie pour avis des autres dispositions du texte relevant de ses compétences, en particulier celles qui sont relatives à la lutte contre le dopage, prévues aux articles 4 et 5.

M. Claude Kern, rapporteur pour avis. - Je remercie Agnès Canayer pour nos excellents échanges. Après deux premières lois relatives aux jeux Olympiques et Paralympiques, celle du 26 mars 2018 relative à l'organisation des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 et celle du 1er août 2019 relative à la création de l'Agence nationale du sport et à diverses dispositions relatives à l'organisation des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024, nous examinons aujourd'hui le troisième texte de loi consacré à l'adoption de dispositions rendues nécessaires pour permettre la préparation et la tenue des jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024.

À dix-huit mois de l'échéance, nous pouvons sans doute considérer qu'il s'agit du dernier texte permettant d'ajuster le dispositif juridique nécessaire au bon déroulement de cet événement.

Alors que notre commission s'était saisie pour avis de la loi de 2018 et qu'elle avait été saisie au fond de la loi de 2019, la nature des dispositions du présent projet de loi, qui relèvent pour l'essentiel de la sécurité et de dispositions éthiques et médicales, a eu pour conséquence une saisine pour avis de notre commission.

Je remercie M. le président pour l'échange approfondi avec la commission des lois, qui nous a permis de nous voir déléguer au fond trois articles : l'article 12, relatif à la création de deux nouveaux délits pour sanctionner les intrusions dans les enceintes sportives et sur les aires de compétition, puis l'article 13, relatif à l'obligation pour le juge d'appliquer des interdictions de stade, ainsi que l'article 14, qui traite des règles applicables en matière de publicité lors du relais de la flamme et du compte à rebours qui sera installé à Paris.

Au-delà de ces trois articles, j'ai souhaité porter une attention particulière aux articles 4 et 5, relatifs à des dispositions concernant la mise en oeuvre de la politique de la lutte contre le dopage. Permettez-moi de dire d'emblée un mot sur l'article 5, qui a trait à la Polynésie française. J'ai indiqué à ma collègue rapporteur de la commission des lois qu'il était important que l'Agence française de lutte contre le dopage (AFLD) puisse bénéficier de ses pouvoirs étendus d'enquête lors des épreuves de surf, contrairement à une lecture plus restrictive effectuée par le Conseil d'État ayant entraîné la disparition de ces dispositions dans la version finale du projet de loi. Je crois pouvoir dire que notre préoccupation a été entendue. C'est la raison pour laquelle il ne m'a pas paru nécessaire de nous saisir de cet article, la délicate question de la répartition des compétences entre loi nationale et loi de pays relevant de la compétence de la commission des lois.

La question de l'article 4, qui a trait à l'autorisation temporaire des tests génétiques, est plus délicate : si la dimension propre à l'éthique médicale relève assurément de la compétence des commissions des lois et des affaires sociales, le périmètre de la politique de lutte contre le dopage relève, bien évidemment, de la politique du sport au sens large. C'est pourquoi j'ai proposé à notre président de nous saisir pour avis de cet article.

Avant de revenir sur chacun de ces articles, je souhaite tout d'abord insister sur la qualité des échanges que j'ai pu avoir, d'une part, avec la ministre des sports et des jeux Olympiques et Paralympiques, son cabinet et l'administration du ministère, et, d'autre part, avec la direction des affaires criminelles et des grâces du ministère de la justice et l'Agence française de lutte contre le dopage. Nous souhaitons tous que les Jeux soient une réussite ; il n'y a pas de raisons que nous ne parvenions pas à un accord. C'est en tout cas dans cet état d'esprit que j'ai conduit mes travaux.

Ce texte constitue également la première occasion qui nous est donnée de tirer des conclusions législatives d'événements que nous avons connus en 2022, à l'occasion du déroulement de certaines manifestations sportives ; je pense, en particulier, à la finale de la Ligue des Champions du 28 mai 2022 au Stade de France, qui a fait l'objet d'un rapport d'information conjoint de notre commission et de la commission des lois en date du 13 juillet dernier. Vous ne serez donc pas surpris de constater que je me suis attaché à assurer le suivi et, en l'espèce, la mise en oeuvre de certaines de nos recommandations. J'aurai l'occasion d'y revenir.

Comme je l'ai déjà indiqué, l'article 12 est très important puisqu'il vise à mieux sanctionner les intrusions dans les enceintes sportives et celles sur les aires de compétition. Ces deux phénomènes ont pris une importance nouvelle en 2022. Les incidents au Stade de France ont mis en évidence, d'une part, une fraude importante au moyen de faux billets reproduits dans des imprimeries de qualité professionnelle avec des numéros de série identiques, et, d'autre part, une intrusion par la force de la part de nombreux délinquants d'opportunité. Aussi étonnant que cela puisse paraître, il n'existait pas de qualification pénale dans le code du sport pour sanctionner ces deux types d'intrusion alors même que huit types d'infraction font l'objet d'une qualification délictuelle qui se traduit par une amende et une peine privative de liberté. Le nouvel article L. 332-5-1 comble ce vide juridique lorsque les faits d'intrusion dans une enceinte sportive par fraude ou par force sont commis en récidive ou en réunion, en créant une peine de six mois de prison et de 7 500 euros d'amende.

Pour vous donner une idée de ce que représente cette sanction, on peut rappeler que le fait d'introduire des boissons alcooliques dans une enceinte sportive est puni d'un an d'emprisonnement et de 7 500 euros d'amende. Non seulement la peine privative de liberté est deux fois plus importante dans le cas de l'introduction de boissons alcooliques, mais elle s'applique aux primo-délinquants isolés, c'est-à-dire que cette sanction n'est pas conditionnée à une récidive ou à une action en réunion. On peut donc considérer que la peine retenue par le nouvel article L. 332-5-1 s'inscrit plutôt dans le bas du spectre de ce qui est prévu habituellement dans le code du sport.

Il est à noter que le Gouvernement a prévu de sanctionner les primo-délinquants isolés d'une simple amende de cinquième classe d'un montant de 1 500 euros, ce qui, à mon sens, ne permet pas d'envoyer le bon message à tous ceux qui ont mis en péril la vie des spectateurs du Stade de France le 28 mai dernier, mais j'aurai l'occasion d'y revenir.

En parallèle, le nouvel article L. 332-10-1, créé par l'article 12, sanctionne les intrusions sur les aires de compétition lors du déroulement ou de la retransmission d'une manifestation sportive. Ce sont les temps précédant ou suivant la compétition qui sont ainsi visés, comme la remise des médailles. Ce nouveau délit répond à un phénomène qui se développe de plus en plus et qui consiste, pour des mouvements à caractère politique, à parasiter la retransmission d'une compétition sportive pour bénéficier d'une forte exposition médiatique. Une telle action s'est produite lors de la seconde demi-finale hommes du tournoi de Roland-Garros, par exemple.

Nous pouvons tous en convenir, il n'est pas acceptable de prendre, littéralement, en otage la diffusion de compétitions sportives. Là encore, l'arsenal pénal n'était pas adapté pour sanctionner ces comportements. Le nouvel article L. 332-10-1 comble ce vide juridique, mais uniquement pour les faits commis en récidive et en réunion. Par ailleurs, alors que le Gouvernement prévoyait la même sanction que dans le cas précédent, c'est-à-dire une amende de 7 500 euros et une peine de six mois de prison, le Conseil d'État a supprimé la peine de prison au motif que les intrusions visées étaient réalisées sans violence, d'autres dispositions plus sévères sanctionnant déjà les actes de violence. Là encore, si l'on peut comprendre le raisonnement, on peut aussi le discuter puisque l'intrusion dans une enceinte sportive avec un faux billet et sans violence n'a pas nécessairement de conséquences sur le déroulement de la compétition, contrairement à l'intrusion sur l'aire de compétition.

Cela dit, après avoir examiné attentivement ces dispositions, je n'ai pas souhaité vous proposer d'augmenter le quantum des peines pour ces deux catégories de faits afin de ne pas fragiliser un dispositif qui pourrait s'avérer utile lors du déroulement des jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024.

Néanmoins, il m'a semblé inapproprié, dans la rédaction actuelle du projet de loi, de ne pas sanctionner véritablement ce type d'agissements dès la première commission, et de s'abstenir ainsi de leur reconnaître un caractère délictuel. C'est la raison pour laquelle je vous proposerai un amendement tendant à sanctionner ces deux types d'intrusion d'une amende délictuelle de 3 750 euros lorsqu'elles sont commises par des primo-délinquants isolés, en lieu et place d'une amende de cinquième classe de 1 500 euros. Cet élargissement de la qualification délictuelle aura, en outre, une incidence opportune sur les interdictions de stade ; j'y reviendrai lors de l'examen de l'article 13.

Chacun d'entre nous comprend la logique de mieux sanctionner les intrusions dans les enceintes sportives. Toutefois, j'ai été étonné que le projet de loi ne contienne aucune disposition pour prévenir ces intrusions au travers d'un renforcement de la sécurisation des billets. Pourtant, notre rapport d'information du 13 juillet dernier avait établi que l'urgence devait être de mieux lutter contre la fraude en recourant à des billets infalsifiables ; c'était même la recommandation n° 1 de ce rapport.

Je vous proposerai donc un amendement visant à compléter l'article 12 en énonçant l'obligation pour tous les spectateurs d'être dotés d'un titre d'accès pour assister à une manifestation sportive. Pour les manifestations les plus importantes dont les jauges seront fixées par décret en Conseil d'État, le même amendement prévoit que ces titres d'accès devront être nominatifs, dématérialisés et infalsifiables. Afin de laisser le temps nécessaire à la mise en oeuvre de ces dispositions, l'amendement vise une entrée en vigueur de cette nouvelle obligation au 1er juillet 2024. Je précise que cette mesure ne concerne que les manifestations sportives. Cet amendement, s'il était adopté, constituerait un apport essentiel de notre commission au projet de loi et, plus largement, à la sécurisation des grandes manifestations sportives. Je remercie à cet égard la ministre des sports pour l'intérêt qu'elle a accordé à cette disposition, et j'espère que les députés partageront également avec moi la conviction qu'elle est indispensable.

Concernant l'article 13 relatif aux interdictions de stade, sa rédaction vise à les rendre obligatoires en complément de la sanction prévue pour un certain nombre de délits alors qu'elles étaient jusqu'à présent facultatives. Afin de respecter le principe d'individualisation des peines, le juge pourra néanmoins choisir, par une décision spécialement motivée, de ne pas prononcer cette peine.

Curieusement, l'article 13 ne vise pas à donner un caractère obligatoire aux interdictions de stade frappant les deux nouveaux délits créés par l'article 12, ou, plutôt, il le visait avant son examen par le Conseil d'État. Je ne partage pas nécessairement les préventions de la haute juridiction administrative, mais, là encore, nous devons garder à l'esprit que ce projet de loi est nécessaire pour préparer les jeux Olympiques et Paralympiques. J'ai donc été sensible aux arguments relatifs à la sécurité juridique.

Je vous fais néanmoins remarquer que, en faisant entrer les primo-délinquants isolés visés par l'article 12 dans le champ délictuel, ces derniers se retrouvent de facto susceptibles d'être frappés d'une peine complémentaire et facultative d'interdiction de stade. Là encore, je vous propose d'affirmer davantage de fermeté à l'égard des perturbateurs sans pour autant prendre de risque au regard du droit.

Je proposerai également que le rapport annuel que doit réaliser le ministère de l'intérieur sur les interdictions de stade traite aussi des violations de celles-ci, afin d'améliorer notre information sur ce dispositif.

J'ajouterai un mot sur l'article 14 ayant trait aux dérogations relatives à la réglementation de la publicité qui sont nécessaires pour permettre au comité d'organisation de mettre en valeur ses sponsors lors du relais de la flamme, et aux dérogations à l'occasion de l'installation d'un compte à rebours dans la capitale. Ces dispositions sont nécessaires pour mettre en oeuvre le contrat signé par le Comité international olympique (CIO) avec la ville hôte. Les marges de manoeuvre sont donc réduites.

Je précise que les collectivités territoriales concernées conserveront leur libre arbitre grâce à leur pouvoir de police générale. Cet article ne crée pas d'obligations nouvelles à leur égard.

J'en reviens à l'article 4, concernant l'autorisation des tests génétiques pour les analyses antidopage, dont nous nous sommes saisis pour avis. La rédaction de l'article ouvre la possibilité de recourir à ces tests pour une période limitée allant de la publication de la loi à la fin des jeux Paralympiques. Cette prudence me semble excessive puisque cela signifie qu'il faudra, à l'issue des Jeux, continuer à envoyer les échantillons en Belgique ou en Suisse pour réaliser des tests qui sont considérés, dans certains cas, comme indispensables par l'Agence mondiale antidopage ; cela se pratique déjà actuellement. Je ne suis pas sûr, pour ma part, que des tests réalisés à l'étranger présentent plus de garanties que s'ils étaient réalisés par le laboratoire français. Ce qui est certain, c'est que cette crainte de pérenniser la possibilité de recours à ce type de tests va affaiblir l'expertise, la crédibilité et le développement du nouveau laboratoire de Saclay.

Là encore, je me suis ouvert à ce sujet auprès de Mme le rapporteur de la commission des lois. Je crois pouvoir dire qu'elle partage le même sentiment.

Si la question de la pérennisation relève plutôt de la commission des lois, puisqu'il s'agit d'une question relative à l'éthique en matière génétique, nous demeurons compétents, il me semble, pour examiner les conditions de cette expérimentation qui ne dit pas son nom. C'est pour cela qu'il me paraît nécessaire de réexaminer le périmètre de cette autorisation temporaire, actuellement limitée aux jeux Olympiques et Paralympiques et aux grands événements sportifs qui se tiendront entre la date de publication de la loi et la fin de ces Jeux.

Les échanges menés avec l'AFLD m'ont convaincu qu'il n'y avait pas de raison de restreindre le champ des compétitions potentiellement concernées par le recours à ces tests génétiques. La rédaction actuelle de l'article 4 présente également l'inconvénient de ne pas permettre le recours aux tests génétiques lors des trois tests antidopage hors compétition qui doivent être obligatoirement diligentés sur chacun des athlètes français qui participeront aux Jeux. Est-ce que cela signifie que les tests génétiques qui pourraient être nécessaires devront être réalisés à l'étranger ? Une nouvelle fois, si l'on peut comprendre les précautions prises par le Gouvernement, la rédaction retenue paraît peu opérationnelle. C'est la raison pour laquelle je proposerai que le recours aux tests génétiques pendant cette période expérimentale puisse s'effectuer dans le cadre de la politique ordinaire de lutte contre le dopage. Tel est l'objet du sous-amendement que je vous propose, venant modifier l'amendement déposé par le rapporteur de la commission des lois.

Il me semble qu'une expérimentation réalisée dans les conditions les plus proches de l'activité habituelle de l'AFLD permettra de procéder à une évaluation véritablement pertinente. Le législateur disposera donc de tous les éléments pour décider de pérenniser ou non ces tests à l'issue de la période d'autorisation temporaire.

Je vous proposerai ensuite un amendement créant un article additionnel visant à demander à la Cour des comptes de présenter au Parlement un rapport à l'issue des jeux Olympiques et Paralympiques. Ce rapport devra dresser le bilan de l'organisation, du coût et de l'héritage de cet événement. Je propose aussi que l'ensemble des coûts engagés par l'État et les collectivités territoriales soient également évalués, notamment les dépenses engagées dans les deux domaines de la sécurité et des transports.

Pour terminer, je vous proposerai un amendement visant à compléter l'intitulé du projet de loi afin de faire référence également aux grandes manifestations sportives. Il s'agit de tenir compte du fait que nombre des articles s'appliqueront à l'ensemble des manifestations sportives, soit de manière pérenne, soit dans le cadre d'une expérimentation.

Comme vous pouvez le constater, notre saisine a beau avoir été limitée sur le fond, nos propositions de modification et d'enrichissement sont substantielles. Compte tenu de l'attachement que nous portons au succès de cet événement, tous ces amendements s'inscrivent dans le cadre strict du projet de loi et n'en modifient pas l'esprit. Toutefois, ils renforcent significativement la capacité d'atteindre les objectifs poursuivis, que ce soit en matière de sécurité dans les enceintes sportives ou de mise à niveau de notre politique antidopage.

Je suis, pour ma part, heureux d'avoir pu saisir l'occasion de l'examen de ce texte pour introduire dans la loi l'obligation de recourir à des billets infalsifiables lors des grands événements sportifs. C'était le rôle du Sénat de tirer toutes les conclusions des événements du Stade de France qui se sont déroulés en mai dernier.

Je remercie le président de la commission pour sa confiance, les collègues présents aux auditions et Mme le rapporteur de la commission des lois avec qui nos échanges ont été excellents.

M. Pierre-Antoine Levi. - Je remercie Claude Kern pour la qualité et la précision de son rapport. Les dispositions du présent projet de loi relèvent pour l'essentiel de questions de sécurité et d'enjeux éthiques et médicaux. Ce texte étant l'occasion de mettre en oeuvre les recommandations du rapport d'information conjoint entre la commission des lois et la commission de la culture à la suite des événements du Stade de France en mai dernier, nous nous félicitons d'en retrouver certaines dans le projet de loi et dans les amendements déposés.

Toutefois, on peut s'étonner de l'absence de dispositions relatives à la billetterie alors que ce point faisait l'objet de la première recommandation du rapport d'information. Lors d'un échange, la ministre des sports avait précisé que cette mesure relevait davantage de l'opérationnel. Je pense pourtant que ce point précis aurait pu figurer dans le projet de loi. Aussi, nous nous félicitons de l'amendement déposé par le rapporteur.

Compte tenu de ces éléments, le groupe Union centriste soutiendra les propositions du rapporteur.

M. Jean-Jacques Lozach. - Nous franchissons une étape supplémentaire dans la préparation des jeux Olympiques et Paralympiques, étape incontournable qui sera peut-être suivie d'une autre, l'année prochaine.

Je souscris à l'analyse de M. le rapporteur concernant l'implication de notre commission dans la lutte contre le dopage ainsi que sur la nécessité d'une billetterie fiable et sécurisée, qu'ont confirmée les incidents du Stade de France.

Ce texte de dérogation, pour un événement exceptionnel, est l'application des contractualisations intervenues entre le CIO, l'État et la Ville de Paris. Même si nous tenterons de l'améliorer sur certains détails, il nous paraît dans l'ensemble satisfaisant.

M. Pierre Ouzoulias. - Vous avez soulevé des problèmes qui ont toujours suscité l'intérêt de la commission de la culture, notamment celui de la cohérence éthique et médicale en matière de lutte contre le dopage. Il ne faut rien céder sur ce point et prévoir que le dispositif s'applique aussi pour la Coupe du monde de rugby.

D'un point de vue législatif, je m'interroge sur le fait que nous devions déroger à la loi pour satisfaire aux conditions d'un contrat passé avec le CIO. Si notre législation était bonne, elle devrait pouvoir s'adapter à tous les événements, quelle que soit leur nature.

Je souscris à votre proposition de demander un audit de la Cour des comptes sur la charge des financements. En tant qu'élu des Hauts-de-Seine, je constate que l'État répercute sur les collectivités territoriales l'essentiel des surcoûts qu'il devait prendre à sa charge, ce qui pèsera lourdement sur le budget des communes. L'adage selon lequel les Jeux paient les Jeux ne vaut plus et les collectivités seront particulièrement sollicitées, alors que le Gouvernement leur demande déjà de faire des économies.

Je reste préoccupé par l'organisation des transports de substitution. La RATP risque de devoir procéder à la mise en concurrence de certaines lignes de bus. On constate des problèmes massifs de recrutement de chauffeurs. Or les transports de substitution représenteront 1 500 bus par jour pour les 200 000 personnes accréditées. L'organisation risque de peser sur le quotidien des Français.

EXAMEN DES ARTICLES POUR AVIS

Article 4

M. Claude Kern, rapporteur pour avis. - Le sous-amendement CULT.8 vise à étendre le champ de l'expérimentation à toutes les compétitions, qu'elles soient internationales ou nationales, ainsi qu'aux tests hors compétition menés dans le cadre des programmes annuels de contrôle, afin que le laboratoire antidopage français puisse procéder à ces contrôles.

Le sous-amendement CULT.8 est adopté.

M. Claude Kern, rapporteur pour avis. - L'amendement CULT.7 est de précision. Il vise à compléter l'intitulé du projet de loi.

L'amendement CULT.7 est adopté.

EXAMEN DES ARTICLES DÉLÉGUÉS AU FOND

M. Claude Kern, rapporteur pour avis. - Je suggère de proposer à la commission des lois de définir le périmètre des trois articles qui nous ont été délégués au fond de manière stricte, afin de porter uniquement sur la lutte contre les intrusions par fraude ou par force dans les enceintes sportives et sur les aires de compétition ; sur le renforcement des interdictions de stade ; sur l'aménagement des règles de publicité nécessaires pour permettre le déroulement du relais de la flamme et l'installation d'un compte à rebours à Paris.

Il en est ainsi décidé.

Article 12 (délégué)

M. Claude Kern, rapporteur pour avis. - L'amendement COM-120 rectifié prévoit une amende délictuelle de 3 750 euros pour les primo-délinquants isolés, alors que dans la rédaction initiale ils n'étaient passibles que d'une amende de cinquième classe. L'extension de la qualification délictuelle aux primo-délinquants est conforme à l'échelle des sanctions retenue pour les huit autres délits qui portent atteinte à la sécurité des manifestations sportives. L'objectif est d'empêcher la réitération des troubles constatés récemment au Stade de France d'une part, à Roland-Garros, d'autre part.

L'amendement COM-120 rectifié est adopté.

M. Claude Kern, rapporteur pour avis. - Si l'on comprend l'intérêt de mieux sanctionner les intrusions dans les enceintes sportives, on ne peut que regretter que le projet de loi ne comporte aucune disposition pour les prévenir. L'amendement COM-119 rectifié vise à lutter contre la fraude en créant dans le code du sport une obligation pour les organisateurs des manifestations sportives les plus importantes de recourir à des billets nominatifs, dématérialisés et infalsifiables, conformément à la recommandation n° 1 du rapport d'information conjoint précité.

L'amendement ne prévoit pas de jauge particulière pour déterminer l'obligation de recourir à des titres d'accès infalsifiables. Cette jauge sera fixée par décret afin de tenir compte des spécificités de chaque discipline et du contexte. Par ailleurs, un délai suffisant est prévu pour mener un dialogue approfondi avec le mouvement sportif.

L'amendement COM-119 rectifié est adopté.

La commission propose à la commission des lois d'adopter l'article 12 ainsi modifié.

Article 13 (délégué)

M. Claude Kern, rapporteur pour avis. - Les services du ministère de l'intérieur doivent réaliser un rapport public annuel traitant notamment des interdictions de stade et des interdictions de déplacements de supporters.

L'amendement COM-121 rectifié bis vise à étendre le champ de ce rapport, car des interrogations demeurent sur l'effectivité des interdictions de stade. Il est important que le rapport soit exhaustif quant aux suites données à ce type de sanctions.

L'amendement COM-121 rectifié bis est adopté.

La commission propose à la commission des lois d'adopter l'article 13 ainsi modifié.

Avant l'article 14 (délégué)

M. Claude Kern, rapporteur pour avis. - L'amendement COM-122 rectifié vise à demander à la Cour des comptes de réaliser avant le 1er juin 2025 un rapport sur l'organisation, le coût et l'héritage des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024.

Ce rapport établira également le montant des dépenses engagées par l'État et les collectivités territoriales à l'occasion de la préparation et du déroulement de cette manifestation.

L'amendement COM-122 rectifié est adopté et devient article additionnel.

La commission propose à la commission des lois d'adopter cet article additionnel.

Article 14 (délégué)

M. Claude Kern, rapporteur pour avis. - Les amendements identiques COM-23 et COM-111 rectifié visent à supprimer l'article.

Les dispositifs publicitaires accompagnant le relais de la flamme ne concerneront que les communes volontaires pour être villes étapes. Par ailleurs, toutes les dépenses liées à ces installations seront prises en charge par le comité d'organisation. Il n'y aura donc pas de dépenses nouvelles à la charge des communes concernées.

De plus, aucune publicité n'est prévue dans les villes de passage. Si toutefois c'était le cas, ce type de publicité relèverait d'une initiative des communes.

L'avis est donc défavorable sur les deux amendements.

La commission émet un avis défavorable aux amendements identiques COM-23 et COM-111 rectifié.

La commission propose à la commission des lois d'adopter l'article 14 sans modification.

Après l'article 14 (délégué)

M. Claude Kern, rapporteur pour avis. - L'amendement COM-47 prévoit de généraliser l'exception accordée aux jeux Olympiques et Paralympiques concernant les règles de publicité et de pavoisement pour une liste d'événements sportifs qui sera fixée par décret.

Si des exceptions peuvent être envisagées pour les jeux Olympiques et Paralympiques qui n'avaient pas été organisés à Paris depuis cent ans, il n'apparaît pas opportun de fragiliser le dispositif de protection des patrimoines et de porter des atteintes excessives à l'environnement urbain. Avis défavorable.

M. David Assouline. - Il faudrait tout de même justifier cet avis. La mesure a été envisagée avec l'ensemble des élus parisiens. Paris s'apprête à accueillir jusqu'à un million de personnes et la ville ne doit pas être défigurée. Les principes déjà actés sur la protection du patrimoine et de la qualité de l'environnement sont très consensuels. Bien entendu, la Ville de Paris a voulu ces jeux, mais nous savons tous que ce type d'événement provoque inévitablement l'endommagement de l'écosystème. Notre amendement visait à répondre à cette problématique.

Les effets du réchauffement climatique se font sentir, de sorte que ceux de nos concitoyens qui sont susceptibles de contester la décision d'accueillir ces jeux deviennent de plus en plus nombreux. Nous souhaitons prouver que nous sommes capables d'organiser ces jeux tout en protégeant l'environnement. Il y va de leur acceptabilité par la population. Cet amendement n'a rien d'idéologique, mais correspond à ce que les citoyens attendent des politiques. Mieux vaudrait un avis de sagesse.

Mme Sylvie Robert. - En outre, cet amendement pourrait aussi concerner, au-delà de Paris, d'autres villes susceptibles d'accueillir des événements. Le décret qui liste les événements sportifs internationaux encadre le dispositif en ce sens.

M. Claude Kern, rapporteur pour avis. - Des exceptions sont déjà prévues pour l'organisation des jeux Olympiques et Paralympiques. Cet amendement vise à les rendre permanentes pour toutes les grandes manifestations sportives. D'où mon avis défavorable, mais nous pourrons en débattre en séance.

M. David Assouline. - Si vous commencez par donner un avis défavorable, il sera difficile de faire évoluer le débat. Mieux vaudrait émettre un avis de sagesse, quitte à sous-amender l'amendement en séance.

M. Claude Kern, rapporteur pour avis. - Nous nous sommes mis en conformité avec ce que la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable a voté en 2018. Peut-être pourriez-vous en discuter avec eux ?

La commission émet un avis défavorable à l'amendement COM-47.

M. Claude Kern, rapporteur pour avis. - Les jeux Olympiques et Paralympiques se tiendront durant la période estivale, particulièrement exposée au risque des feux de forêt. L'amendement COM-112 rectifié vise donc à associer les organisateurs à la campagne de prévention nécessaire à la protection de notre patrimoine naturel.

Les jeux de Paris 2024 seront probablement les premiers jeux pour lesquels auront été fixés des objectifs ambitieux en matière de protection de l'environnement. La stratégie d'excellence environnementale de la Société de livraison des ouvrages olympiques (Solideo) a notamment prévu d'adapter les bâtiments construits à l'évolution du climat et de préserver la biodiversité en milieu urbain.

Par conséquent, je vous propose de retirer votre amendement et de poursuivre l'échange avec le Cojop pour qu'il nous présente les initiatives qu'il envisage de prendre sur ces thématiques lors du déroulement des Jeux. De plus, nous en traiterons dans le cadre de la mission d'information sur les jeux Olympiques et Paralympiques. Retrait ou avis défavorable.

Mme Monique de Marco. - Je sollicite un avis de sagesse, ou du moins je maintiens mon amendement, car je ne comprends pas que vous le rejetiez.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement COM-112 rectifié.

La commission propose à la commission des lois de déclarer l'amendement COM-113 rectifié irrecevable en application de l'article 45 de la Constitution.

M. Claude Kern, rapporteur pour avis. - Les jeux de Paris 2024 sont ceux qui auront nécessité le moins d'infrastructures nouvelles. Celles-ci ont été mises en oeuvre selon une stratégie d'excellence environnementale ambitieuse qui montre que la Solideo est très attentive à ces sujets. Elles ont le plus souvent été construites sur des sites industriels dépollués.

Dans ces conditions, il n'apparaît pas nécessaire d'exiger de ces acteurs d'établir des indicateurs de compensation. Si cela avait été le cas, il aurait fallu le faire avant. Avis défavorable à l'amendement COM-114 rectifié.

M. Thomas Dossus. - J'entends les objectifs, mais ce n'est pas la réalité de tous les bâtiments construits. Le village des médias ne répond pas aux mêmes exigences que le village des athlètes. Tout n'est pas très bien fait, notamment à Aubervilliers, où des jardins ouvriers ont été touchés.

M. Claude Kern, rapporteur pour avis. - J'ai bien mentionné : « le plus souvent »...

M. Thomas Dossus. - Tout n'est pas au niveau des objectifs fixés. Il faut aller au-delà.

Mme Monique de Marco. - J'abonde en ce sens. Le village des athlètes a adopté ses propres normes environnementales, sans respecter la législation existante sur les constructions. Je maintiens mon amendement.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement COM-114 rectifié.

M. Claude Kern, rapporteur pour avis. - L'amendement COM-115 rectifié prévoit un rapport sur l'instauration d'une taxe sur les billets d'entrée aux épreuves des Jeux, afin de financer le volet environnement de la politique d'héritage. Avis défavorable pour trois raisons : la billetterie a été ouverte en décembre et les prix des billets sont donc déjà fixés ; les recettes de la billetterie sont intégrées au budget des Jeux, déjà fragile, qu'il ne faut pas déstabiliser ; la Solideo a mis en oeuvre une stratégie d'excellence environnementale qui permet de veiller à la qualité environnementale des infrastructures qui constituent l'héritage.

Mme Monique de Marco. - On aurait pu mieux planifier et inventer une solution comme le loto du patrimoine. Prélever une taxe infime sur les billets aurait pu être intéressant. Je maintiens mon amendement.

M. Claude Kern, rapporteur pour avis. - Si le taux est infime, le coût du recouvrement est très élevé.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement COM-115 rectifié.

M. Laurent Lafon, président. - Merci pour ce rapport de qualité réalisé dans un temps très contraint, le texte ayant été déposé mi-décembre. Nous examinerons les amendements de séance mardi prochain à 9 heures.

Tableau des sorts

Auteur

Objet

Sorts de la commission

Article 4

M. KERN, rapporteur pour avis

S/Amt n° COM-124

Extension du champ de l'expérimentation

Adopté

Article 12

M. KERN, rapporteur pour avis

COM-120 rect.

Création de peines délictuelles pour les primo-délinquants isolés s'introduisant dans les enceintes sportives
et sur les aires de compétition

Adopté

M. KERN, rapporteur pour avis

COM-119 rect.

Obligation de recourir à des titres d'accès infalsifiables
pour les grandes manifestations sportives

Adopté

Article 13

M. KERN, rapporteur pour avis

COM-121 rect. bis

Élargissement du rapport annuel réalisé par le ministère
de l'intérieur sur les interdictions de stade aux violations
de ces dernières

Adopté

Article additionnel avant l'article 14

M. KERN, rapporteur pour avis

COM-122 rect.

Demande de rapport à la Cour des comptes sur le bilan
des Jeux olympiques et paralympiques

Adopté

Intitulé

M. KERN, rapporteur pour avis

COM-123

Modification de l'intitulé du projet de loi

Adopté

Tableau des avis

Auteur

Objet

Avis de la commission

Article 14

M. OUZOULIAS

COM-23

Suppression de l'article

Défavorable

Mme de MARCO

COM-111 rect.

Suppression de l'article

Défavorable

Article additionnel après l'article 14

Mme de LA GONTRIE

COM-47

Pérennisation des dérogations à la réglementation
sur le pavoisement pour les grands événements sportifs internationaux

Défavorable

Mme de MARCO

COM-112 rect.

Obligation pour le comité d'organisation des Jeux olympiques et paralympiques d'informer les spectateurs
sur la prévention des feux de forêt

Défavorable

Mme de MARCO

COM-113 rect.

Obligation pour les éditeurs de chaînes de télévision
de diffuser des programmes sur l'environnement
et la biodiversité

Irrecevable (art. 45)

Mme de MARCO

COM-114 rect.

Obligation annuelle de publier les mesures de compensation prises dans le cadre de la politique d'héritage
des installations olympiques

Défavorable

Mme de MARCO

COM-115 rect.

Demande de rapport au Gouvernement sur la possibilité d'instaurer une taxe sur les billets d'entrée aux épreuves des Jeux pour financer le volet environnement de la politique d'héritage

Défavorable

La réunion est close à 10 h 25.

Mercredi 18 janvier 2023

- Présidence de M. Laurent Lafon, président -

La réunion est ouverte à 9 h 30.

Organismes extra-parlementaires - Désignation

M. Laurent Lafon, président. - Il nous appartient de procéder à la désignation des représentants du Sénat au sein des conseils d'administration de deux sociétés de l'audiovisuel public.

Après consultation du groupe politique concerné, je vous propose de désigner Céline Boulay-Espéronnier membre du conseil d'administration de Radio France et Jean-Raymond Hugonet membre de celui de France Médias Monde.

Il en est ainsi décidé.

Audition du général Jean-Louis Georgelin, président de l'Établissement public chargé de la conservation et de la restauration de la cathédrale Notre-Dame de Paris

M. Laurent Lafon, président. - Comme nous en avons pris l'habitude depuis le démarrage du chantier de restauration de Notre-Dame, nous accueillons le général Jean-Louis Georgelin, président de l'établissement public chargé de la conservation et de la restauration de la cathédrale.

Mon Général, nous vous remercions d'avoir, une nouvelle fois, accepté notre invitation. Ces temps d'échanges avec vous sont nécessaires pour contrôler l'application de la loi du 29 juillet 2019 - et pour apporter de la transparence sur le fonctionnement de votre établissement et sur le déroulement du chantier, dans la mesure où notre audition est captée et diffusée sur le site du Sénat.

C'est la troisième fois que nous vous recevons depuis votre prise de fonction. Lorsque nous vous avions reçu en septembre 2021, la phase de restauration débutait seulement ; le calendrier et le budget des travaux restaient encore imprécis.

Où en est-on désormais ? J'ai cru comprendre que le chantier restait sous la surveillance étroite de l'inspection du travail. La date du 8 décembre 2024 sera-t-elle tenue pour de la réouverture de Notre-Dame ? Quelle est la nature des travaux qui devraient se poursuivre au-delà et, le cas échéant, est-ce l'établissement public qui continuera à en assurer la conduite ?

D'un point de vue budgétaire, à combien devrait s'élever le montant des travaux ? Des arbitrages se dessinent-ils concernant l'affectation du surplus de dons ? Nous avons entendu la Fondation du patrimoine mi-décembre, et nous avons pu constater qu'il s'agissait d'une question qui préoccupe les organismes collecteurs, tenus de respecter les intentions des donateurs.

Comment se passent les relations de l'établissement public avec ses différents partenaires : la maitrise d'oeuvre, le ministère de la culture, ainsi que les donateurs et les organismes collecteurs, pour n'en citer que quelques-uns ?

M. le général Jean-Louis Georgelin, président de l'Établissement public chargé de la conservation et de la restauration de la cathédrale Notre-Dame de Paris. - Vous évoquez la transparence, monsieur le Président : elle est totale, nous sommes l'établissement public le plus observé, le plus mesuré de toute l'histoire de la République, probablement. Vous parlez d'un surplus, je tiens à vous dire qu'il n'y en aura pas, puisque les 846 millions d'euros collectés seront utilisés pour rendre à la cathédrale toute sa splendeur.

Merci de me recevoir pour cette troisième audition devant votre commission, elle arrive à une étape majeure du chantier alors qu'à peine deux ans nous séparent désormais de la réouverture de Notre-Dame de Paris, le 8 décembre 2024 - l'archevêque de Paris l'a dit dans les médias.

Après le temps de la sécurisation de l'édifice, puis de la préparation de la restauration, nous sommes pleinement dans le temps des travaux effectifs de la restauration. L'intense activité qui règne sur le chantier l'atteste : Notre-Dame de Paris est en train de renaître. Grâce à la mobilisation constante des équipes de l'établissement public, de la maîtrise d'oeuvre et des entreprises que nous avons sélectionnées ces derniers mois, le chantier bat son plein, conformément au calendrier fixé.

Le dynamisme des travaux produit ses effets de semaine en semaine : la restauration des intérieurs du monument rend d'ores et déjà à Notre-Dame la pleine beauté de ses pierres nettoyées et les teintes éclatantes de ses décors peints. Il témoigne de l'engagement et de la compétence que montrent les entreprises, les compagnons et artisans d'art qui sont à l'oeuvre dans la cathédrale et dans des ateliers, partout en France. Le bon aboutissement des nombreux appels d'offres que nous avons conduits depuis plus d'un an - près d'une centaine de marchés attribués -, la passion et la fierté des compagnons que je constate jour après jour sont les meilleurs gages de réussite dont nous pouvons disposer.

Nous avons achevé la première phase des travaux, celle de la sécurisation de la cathédrale, à la fin de l'été 2021. Nous l'avons achevée dans le respect du calendrier fixé tout en restant en-deçà de l'enveloppe envisagée : 150,3 millions d'euros, pour une enveloppe prévisionnelle de 165 millions d'euros. Cette phase est désormais loin derrière nous. Je n'y reviens pas car j'avais eu l'occasion de vous la présenter en détail lors de ma dernière audition en septembre 2021, alors qu'elle venait tout juste de s'achever.

Depuis, nous sommes entrés dans une période particulièrement active avec la réalisation des opérations préparatoires à la restauration, désormais achevées, et le travail d'appel d'offres de travaux afin de sélectionner les meilleures entreprises pour réaliser la restauration de la cathédrale.

Nous avons décomposé la phase de restauration en cinq sous-opérations, sur la base de critères géographiques, calendaires et de priorité d'achèvement. Ces sous-opérations sont constituées chacune en un appel d'offres divisé en plusieurs lots.

La première sous-opération concerne tous les nettoyages intérieurs de la cathédrale, le traitement des baies hautes (vitraux et remplages) et toute la mise hors d'eau des parties basses de la cathédrale, collatéraux, déambulatoire et chapelles. Ce premier appel d'offres comprend 37 lots qui correspondent à des découpages par corps de métiers mais aussi par zones géographiques de la cathédrale et concernent de nombreux métiers d'art (vitraux, peintures, ferronneries, etc.). L'ensemble des 37 lots a été attribué et les travaux sont en cours dans la cathédrale ou dans des ateliers de restauration.

La deuxième sous-opération, hautement emblématique, est consacrée à la reconstruction de la flèche, de la voûte effondrée de la croisée du transept, et du grand comble du transept. Elle est décomposée en 7 lots qui sont tous attribués. Les travaux sont eux aussi en cours, notamment l'échafaudage qui va permettre la reconstruction de la voûte effondrée de la croisée du transept et la reconstruction de la flèche.

La troisième sous-opération concerne le choeur et la nef avec la restauration des maçonneries incendiées (les murs bahuts, les voûtes effondrées, le grand comble avec sa charpente en chêne et sa couverture en plomb). Elle est décomposée en 15 lots qui ont tous été attribués. Les études d'exécution et les travaux préparatoires en ateliers sont en cours.

La quatrième sous-opération est consacrée aux installations techniques de la cathédrale (réseaux électriques, chauffage) et aux travaux d'accompagnement architectural permettant le passage des câbles et des réseaux. Elle est décomposée en 12 lots dont 8 sont attribués et dont les 4 derniers le seront dans le courant du premier trimestre de 2023.

La cinquième sous-opération s'intéressera à la restauration des beffrois (en particulier le beffroi dans la tour Nord abîmé par l'incendie) et aux aménagements liés au parcours du public dans les tours. La consultation relative à cette sous-opération sera lancée dans le courant du premier trimestre de l'année 2023.

Tous ces marchés de travaux sont complétés par une quinzaine de marchés de prestations intellectuelles et d'assistance indispensables au chantier, notamment pour les missions d'ordonnancement-pilotage-coordination (OPC), coordonnateur de sécurité et de protection de la santé (CSPS), gardiennage, économie de la construction, contrôle technique, métrologie, plomb/amiante, sureté, sécurité incendie, bois.

Enfin, les installations de chantier et de base-vie héritées de la phase de sécurisation ont connu des modifications importantes pour s'adapter aux besoins du chantier de restauration et permettre à la maîtrise d'ouvrage, à la maîtrise d'oeuvre et aux entreprises de travailler dans de bonnes conditions. Il s'agit par exemple des moyens de levage (grues), des bungalows de chantier qui abritent les bureaux, vestiaires, douches, réfectoires... Vous l'avez dit, Monsieur le Président, l'inspection du travail a une affection toute particulière pour notre chantier et nous sommes extrêmement respectueux du code du travail.

Pour l'ensemble de ces consultations lancées par l'établissement, la concurrence a joué pleinement et tous les lots ont pu être servis, sous réserve de l'examen des offres et des candidatures encore en cours. Ainsi, la moyenne des offres reçues s'établit à 9,5 candidats par lot pour les marchés de prestations intellectuelles, à 3 candidats par lot pour les opérations préparatoires et à 3,4 offres par lot pour les 70 marchés des sous-opérations 1, 2, 3 et 4 qui ont été notifiés en 2022 (nettoyage intérieur, flèche/transept et choeur/nef et lots techniques). Le nombre d'offres reçues pour ces quatre premières sous-opérations s'élève à 238.

Cela vous montre le travail colossal que notre petit établissement public sous-dimensionné réalise, dans l'anonymat le plus total. Ces résultats sont très encourageants. Les campagnes de communication et le sourçage systématique effectués en amont des publications des consultations ont porté leurs fruits.

Toute l'action menée depuis l'automne dernier, dans la stricte mise en oeuvre des principes de la commande publique, dans le droit commun des procédures contractuelles régissant la mise en concurrence et l'égalité d'accès des entreprises à nos marchés, porte aujourd'hui pleinement ses fruits.

Ce travail est gouverné par un objectif calendaire ambitieux auquel nous croyons tous : l'établissement public, maître d'ouvrage, les architectes en chef des monuments historiques (ACMH), maîtres d'oeuvre, ainsi que toutes les entreprises qui nous ont rejoint au gré des attributions des marchés. C'est autour de cet objectif que nous organisons et rythmons tous nos travaux, je ne suis là que pour cela : faire en sorte que tout le monde ait l'esprit rivé sur l'objectif de réouverture - et plus personne ne le remet en cause aujourd'hui, les choses ont bien changé sur ce point.

À ce jour donc, à l'issue d'une année fertile en difficultés surmontées et en jalons franchis, l'objectif ambitieux d'une réouverture en 2024 me paraît conforté. Nous avons reçu comme du miel l'avis de la Cour des comptes, considérant que les conditions paraissaient réunies pour une réouverture à la date prévue, et le satisfecit qu'elle nous a donné sur le bon fonctionnement de l'établissement public : cet avis a été un baume délicieux sur nos coeurs et nos esprits.

J'en viens aux travaux en cours dans la cathédrale.

Plusieurs avancées récentes attestent que, sous l'impulsion de l'établissement public et des architectes en chef des monuments historiques qui dirigent les travaux, le chantier avance avec dynamisme et franchit des jalons concrets qui préparent la réouverture de la cathédrale en 2024.

Les maçons-tailleurs de pierre viennent d'achever la reconstruction de la voûte effondrée dans le transept Nord d'un voûtain quasi-entier qui avait été éventré par la chute d'assemblages de la charpente lors de l'incendie. Pour ce faire, ils ont utilisé comme prévu les échafaudages, planchers et cintres en bois mis en place lors de la phase de sécurisation. La reconstruction de cette voûte a nécessité l'emploi de 14 mètres cubes de pierres, taillées et mis en oeuvre sur place par les compagnons.

En même temps, le remplacement des pierres fragilisées par les hautes températures de l'incendie est bien avancé. Cette opération est plus particulièrement nécessaire là où s'appuieront les futures charpentes. C'est le cas par exemple des murs-bahuts qui se situent à la partie supérieure de la croisée du transept, aux quatre angles, là où reposera la flèche.

Le montage de l'échafaudage de 600 tonnes nécessaire aux travaux de reconstruction de la voûte de la croisée du transept et de la flèche est achevé pour sa première phase. D'une hauteur de 26 mètres, il est équipé d'un plancher sur lequel ont été posés quatre demi-cintres en bois réalisés sur-mesure - ils viennent d'arriver par barges de Gennevilliers : oui, nous sommes très respectueux de la circulation de Paris et sommes exemplaires y compris pour la transition énergétique. Ces demi-cintres constituent l'ossature indispensable aux maçons-tailleurs de pierre qui bientôt reconstruiront les arcs et l'oculus de la voûte de la croisée du transept, entièrement détruite par l'incendie. L'échafaudage poursuivra alors son ascension au fur et à mesure de la construction de la flèche, que l'on commencera à voir poindre dans le ciel de Paris cette année. Nous sommes à 26 mètres de hauteur, il faut aller à 96 mètres, hauteur d'installation du coq, c'est un travail colossal.

L'atelier de sculpture installé cet été sur le parvis est à présent opérationnel. Dispositif inédit permettant aux compagnons de travailler au plus près de la cathédrale en toute sécurité, il accueille les premières équipes chargées de réaliser les sculptures neuves qui viendront remplacer celles trop altérées ou détruites. Ainsi, les quatre anges qui ornent l'anneau de compression - encore appelé « oculus zénithal » - de la voûte de la croisée y sont en cours de copie.

En parallèle, les travaux de restauration intérieure continuent leur progression. Ils mobilisent de nombreux artisans et ateliers d'art. Le nettoyage et la restauration simultanée des 42 000 mètres carrés des murs intérieurs de la cathédrale (grand vaisseau, collatéraux, déambulatoire, ainsi que l'ensemble des 24 chapelles que compte l'édifice) sont bien avancés : l'échafaudage du transept sud - dont les restaurations sont terminées - est démonté, en avance sur le calendrier initial. La restauration en cours des nombreux décors (peintures murales, ferronneries, menuiseries, vitraux des chapelles et des tribunes, sculptures) ainsi que des chefs-d'oeuvre abrités par la cathédrale, épargnés par l'incendie - tels que la clôture du choeur, sculpture gothique datant du XIVème siècle -, permet d'en redécouvrir la beauté et la richesse. Ajoutées à la blondeur retrouvée des pierres, ces interventions redonnent à la cathédrale toute sa splendeur.

Enfin, un dernier sujet auquel je suis très attaché et que je suis tout particulièrement : les travaux de remontage du grand orgue dans la cathédrale ont démarré cette semaine. Nous revoyons revenir sur l'île de la Cité les 8 000 tuyaux que nous avions envoyés chez trois facteurs d'orgues en Corrèze, dans le Vaucluse et dans l'Hérault.

L'activité est donc de plus en plus intense à l'intérieur de la cathédrale et mobilise un nombre de compagnons qui approche aujourd'hui les quatre cents, et nous allons arriver à 500 compagnons par jour sur le chantier, ce qui pose des problèmes très concrets, par exemple de douche. Au total, compte tenu de tous les chantiers en cours hors de la cathédrale, c'est plus de 1 000 personnes qui sont à l'oeuvre partout en France pour participer à ce chantier de restauration.

Je veux également souligner les relations que nous entretenons avec nos différents partenaires.

Le principal tout d'abord : le diocèse de Paris qui est l'affectataire cultuel de la cathédrale à travers son archevêque, Monseigneur Laurent Ulrich - je note au passage qu'en quatre ans, j'ai déjà connu trois ministres de la culture et trois archevêques -, avec qui j'ai noué d'excellentes relations dès sa nomination le 26 avril 2022. A peine arrivé à Paris, il a souhaité se rendre dans la cathédrale, où je l'ai accueilli dès le 9 mai. Le 23 mai, jour de sa messe d'installation en l'église Saint-Sulpice, il a souhaité passer un moment dans la cathédrale pour un temps de prière. Il ressort des échanges nourris établis avec lui un véritable intérêt pour le chantier et le travail qui est mené dans la cathédrale, ainsi qu'une forte mobilisation de sa part pour assurer la réouverture définitive de la cathédrale au culte en 2024 dans les meilleures conditions.

Le diocèse est responsable de l'aménagement liturgique de la cathédrale, dont il assure la maîtrise d'ouvrage et le financement. Ces travaux d'aménagement s'harmonisent avec le chantier mené sous la responsabilité de l'établissement public. Un document précis de limites de prestations entre ces deux chantiers a été élaboré afin d'en garantir la bonne interface. Il a d'ailleurs fait l'objet d'une présentation au Conseil d'administration de l'établissement.

Dans ce cadre, l'archevêque de Paris a engagé des consultations en octobre 2022, qui vont lui permettre de sélectionner les artistes à qui il confiera la conception et la réalisation du futur mobilier liturgique et des chaises nécessaires à la reprise du culte dans la cathédrale en 2024. Pour l'éclairer dans ses choix, l'archevêque s'est entouré d'un Comité artistique qui réunit, en plus de personnalités qualifiées, des représentants du diocèse, du ministère de la Culture et de l'établissement public.

À noter également l'arrivée du nouveau recteur-archiprêtre de la cathédrale, Monseigneur Olivier Ribadeau Dumas, en septembre 2022, qui a lui aussi immédiatement pris à bras le corps tous ces sujets et avec qui nous travaillons de façon extrêmement efficace.

La Ville de Paris ensuite. Elle est un partenaire important puisqu'elle est responsable du projet d'aménagement des abords de la cathédrale. Elle n'a pas souhaité déléguer cette opération à l'établissement public comme le lui permettait la loi de juillet 2019. Elle en assure donc la maîtrise d'ouvrage ainsi que le financement.

L'établissement est cependant associé au travail mené par la ville depuis qu'elle a lancé cette opération d'aménagement urbain qui permettra d'installer la cathédrale restaurée dans un écrin digne d'elle. Nous avons disposé, tout comme le diocèse, d'une place dans le jury créé par la ville dans le cadre de la procédure de dialogue compétitif qu'elle a mis en place et qui a permis de retenir l'équipe menée par le paysagiste Bas Smets afin de réaliser le projet d'aménagement des abords. L'établissement a également participé aux commissions techniques de ce dialogue compétitif, les relations sont très bonnes et les échanges entre les équipes de la ville et de l'établissement extrêmement fluides et constructives.

Avec ces deux partenaires ainsi qu'avec le ministère de la Culture, la direction régionale des affaires culturelles d'Ile-de-France (DRAC IdF) et le Centre des monuments nationaux (CMN) qui gère le circuit de visite des tours de la cathédrale, nous travaillons ensemble à la définition des conditions de réouverture de la cathédrale. En effet, mon objectif dans le cadre de cette restauration est de livrer un édifice apte à recevoir des fidèles et du public - dans lequel le culte pourra être célébré et les visites pourront être réalisées dans de bonnes conditions.

J'ai donc souhaité que puissent être déterminées les conditions d'exploitation de la cathédrale à l'échéance de sa réouverture en 2024. Cela passe par le lancement d'une étude confiée à une entreprise spécialisée dans l'ingénierie de gestion technique dont la mission est de proposer, en concertation avec toutes les parties prenantes, une organisation et un cadre de gestion, d'exploitation et de maintenance de la cathédrale réouverte. Nous avons lancé une étude sur les conditions provisoires liées à la réouverture de la cathédrale en 2024, afin d'identifier et prévoir les aménagements provisoires qui seront nécessaires dans le contexte du lancement des travaux sur les abords du monument.

Enfin, l'établissement public poursuit sa mission de mise en valeur du chantier et des savoir-faire. Comme en 2021, nous avons participé à la 39ème édition des Journées européennes du patrimoine les 17 et 18 septembre 2022 en offrant aux visiteurs la possibilité de découvrir un véritable Village du chantier. Avec plus de 20 000 visiteurs, cette édition a été un succès. Le parvis n'a pas désempli de tout le week-end, plaçant cette manifestation dans le trio de tête, au niveau national, de l'édition 2022 des Journées européennes du patrimoine. Ce succès témoigne d'un intérêt du public pour le chantier et ses métiers qui ne se dément pas.

Pour continuer à répondre pleinement à cet intérêt, nous travaillons sur plusieurs domaines. Le quatrième numéro de notre magazine La Fabrique de Notre-Dame est paru en toute fin d'année, sa diffusion a démarré début janvier. Il fait bien sûr le point sur l'avancement des opérations de restauration en cours via la chronique du chantier.

L'animation des réseaux sociaux de l'établissement public (Instagram, Facebook et LinkedIn) s'intensifie afin d'informer et de documenter de façon régulière et réactive les avancées du chantier. En complément, nous venons d'ouvrir une chaine Youtube qui regroupe l'ensemble des vidéos produites et facilite ainsi leur large diffusion.

Nous coproduisons avec la Cité de l'architecture et du patrimoine (CAPA) une exposition qui ouvrira le 15 février 2023. Inscrite au sein du parcours permanent de la CAPA, cette exposition intitulée « Notre-Dame de Paris, des bâtisseurs aux restaurateurs » sera l'occasion de redécouvrir la cathédrale et son histoire, depuis sa construction jusqu'au chantier d'aujourd'hui.

Enfin, une programmation culturelle complète et ambitieuse sera proposée au public d'ici début mars aux abords de la cathédrale. Elle s'articulera en trois points : une exposition de photos sur les palissades du chantier qui sera renouvelée afin de rendre compte de l'avancée du chantier de restauration ; un dispositif de borne Timescope qui, près du parvis de la cathédrale, proposera en libre-service et de façon gratuite la diffusion d'un film bilingue de trois minutes, en réalité virtuelle, présentant le chantier et les métiers qui y sont mobilisés ; enfin, dans l'ancien parking sous le parvis, une expérience immersive de réalité virtuelle intitulée « Éternelle Notre-Dame », qui a déjà été présentée à La Défense et que je vous invite à aller voir - pour un prix de 30 euros, reversés pour partie à notre établissement, pour les travaux. Nous y proposerons, pour notre part, une exposition nommée « Au coeur du chantier », véritable maison du chantier, pour répondre à l'attente des nombreux visiteurs qui se rendent à proximité de la cathédrale et souhaitent s'informer.

Voilà, Monsieur le président, tout ce que nous faisons, sans ménager notre temps ni notre ardeur.

Mme Sabine Drexler. - Merci pour cet exposé complet, pour votre travail : votre tâche est titanesque et nous nous réjouissons que les délais puissent être tenus.

La semaine dernière, j'ai eu la chance de découvrir le campus d'excellence de Versailles qui propose des formations aux métiers d'art. Ces filières offrent de nombreux débouchés, mais elles restent peu connues des jeunes, et elles souffrent d'une forte pénurie en ressources humaines. La cathédrale est un chantier emblématique qui fait appel à de nombreux artisans et compagnons, c'est une vitrine pour mettre en lumière ces métiers : en avez-vous fait la promotion en régions ?

Ensuite, comment expliquez-vous le refus de réaliser l'enquête administrative sur les circonstances dans lesquelles est survenu l'incendie du 15 avril 2019 ?

Enfin, l'État contribue-t-il aux charges de fonctionnement de votre établissement public ?

M. le général Jean-Louis Georgelin. - La loi du 29 juillet 2019 nous a confié la mission de développer les métiers d'art et notre contrat d'objectif et de performance prévoit un volume de 54 000 heures d'insertion dans le cadre des travaux, dont 40 000 heures d'apprentissage. Nous traduisons cet objectif dans l'attribution des lots et nous nous sommes rapprochés de l'association Ensemble Paris Emplois compétences (EPEC) pour sa mise en oeuvre. Cela dit, la nature des travaux fait que c'est surtout à partir de cette année que le volet métiers d'art est réalisé, les travaux que nous avons réalisés jusqu'ici relevant plutôt du gros oeuvre.

Pourquoi l'enquête administrative sur les causes de l'incendie n'a pas eu lieu ? Posez la question à la ministre de la culture...

Le financement de nos dépenses de fonctionnement, quant à lui, fait l'objet d'un débat depuis notre installation. La restauration de Notre-Dame est assurée par la souscription nationale et internationale, c'est dans la loi. Cette souscription a recueilli environ 846 millions d'euros, ils sont nécessaires aux travaux, nous avons dépensé 150 millions d'euros pour la phase de sécurisation, nous avons chiffré la phase de restauration à 552 millions d'euros, il devrait rester 146 millions d'euros, qui seront consacrés à la phase 3 qui commencera en 2025, pour la restauration des extérieurs. L'État participe à notre fonctionnement en payant le loyer de nos locaux de la cité Martignac.

M. Laurent Lafon, président. - Lorsque j'évoque un surplus, c'est la différence entre les 703 millions d'euros des travaux tels qu'ils ont été évalués, et les 846 millions d'euros collectés, sachant que sur les 552 millions d'euros encore prévus, il y a des provisions et donc une partie pourrait n'être pas dépensée. Ce surplus ira-t-il au financement des travaux qui avaient été prévus avant l'incendie ? Vous connaissez ma position puisque je m'en suis déjà entretenu avec vous, l'État s'était engagé à investir 60 millions d'euros pour ces travaux sur Notre-Dame : maintiendra-t-il cet engagement ?

M. le général Jean-Louis Georgelin. - C'est le débat des années qui viennent, et que les présidents des organismes collecteurs agitent déjà. La reconstruction devra être pérenne et complète. Le bilan sanitaire global du monument effectué en 2020 par les architectes en chef des monuments historiques (ACMH) confirmait un certain nombre de pathologies et de besoins nécessitant un programme de restauration plus large. Les architectes nous disent qu'il faut refaire une dizaine des 28 arcs boutants de la cathédrale, fragilisés par l'incendie, notamment au chevet, qu'il faut changer des pierres de la tour sud. Depuis la terrasse de nos installations de chantier - où le Président de la République a récemment invité le Premier ministre japonais -, nous dominons le chevet de la cathédrale qu'il est impensable de ne pas restaurer. Cela serait incompréhensible, notamment au regard de l'attention internationale que la cathédrale focalise désormais et de la place qu'elle a prise sur la scène mondiale. Nous définissons donc un plan dont nous parlons avec les donateurs, et je suis convaincu qu'ils nous suivront, une fois que nous aurons mené les débats qui sont nécessaires dans une démocratie mature, active et généreuse comme la nôtre.

M. Pierre Ouzoulias. - Je salue un esprit de travail exemplaire entre les différents corps de métier, qui forment une entité dévouée, et je rappelle l'énorme travail de l'architecte en chef, Philippe Villeneuve - il vit littéralement son monument, son investissement est admirable, il est un peu comme un mortier qui fait le lien entre les différents corps professionnels de ce chantier hors norme : ce que sera Notre-Dame à l'issue des travaux lui devra beaucoup, un peu comme elle doit à Viollet-le-Duc.

Le travail d'archéologie préventive a été fait de façon exemplaire, et il eut été de mauvaise politique que l'État s'affranchît de ses obligations. On a ainsi vu surgir le passé de la cathédrale, les édifices antérieurs au bâtiment actuel, qui remontent au IVème siècle. Cependant, j'ai un petit regret : il n'a pas été permis de réaliser des sondages pour vérifier l'hypothèse que la basilique Saint-Etienne se trouvait à l'endroit de la nef. Or, une fois que Notre-Dame aura été rendue au culte, de tels sondages ne seront plus possibles, ceci pour plusieurs siècles peut-être. Puisque des travaux vont se dérouler dans l'édifice, pourquoi ne pas autoriser de tels sondages dans le temps qui reste à votre chantier, par exemple des sondages électriques, qui ne sont en rien destructeurs - et qui permettraient de restituer toute l'histoire de la cathédrale ?

Mme Monique de Marco. - Merci pour votre exposé clair et précis. Je reviens sur la question de l'exemplarité. Vous prévoyez d'utiliser du plomb pour la toiture et la flèche de la cathédrale. Ce matériau a certes des avantages, surtout quand on demande de restaurer à l'identique ; cependant, l'esthétique prime sur la santé, en particulier celle des enfants, car le plomb est toxique et le saturnisme n'a pas disparu. Sur quelle expertise sanitaire cette décision d'utiliser du plomb s'est-elle appuyée ? Quelles mesures de prévention prévoyez-vous, dès lors que la restauration utilisera 300 tonnes de plomb, dans un lieu touristique fréquenté par des enfants ?

Mme Sonia de La Provôté. - Merci pour cette présentation complète de l'avancement du chantier, cette audition est l'occasion de renforcer la transparence des opérations, en prolongement des deux rapports que la Cour des comptes a consacrés à la restauration de Notre-Dame, un chantier qui nous tient particulièrement à coeur. Votre établissement public dispose-t-il d'une comptabilité analytique et peut-on y accéder ?

Où en est, ensuite, le récolement complet de l'ensemble des objets liturgiques, ainsi que leur restauration ?

Quelle sera la participation de votre établissement public à l'aménagement des abords de la cathédrale, en particulier du parvis et des quais : allez-vous y contribuer financièrement ?

Enfin, dès lors qu'il y aura des reliquats de crédits, conséquence de la bonne tenue des travaux, que deviennent les 60 millions d'euros que l'État s'était engagé, avant l'incendie, à consacrer à Notre-Dame - est-il prévu de les affecter à d'autres projets ?

Mme Céline Boulay-Espéronnier. - On ne peut que se féliciter de l'intérêt du public pour le chantier, même si je doute que le manque à gagner soit tenable pour tous les commerçants et bouquinistes des environs. Une question sur les enseignements tirés de l'incendie : est-ce que des dispositions préventives sont désormais prises, pour éviter qu'un tel accident ne se reproduise, en particulier avec les échafaudages installés, qui sont d'un volume tout à fait exceptionnel ?

Mme Marie-Pierre Monier. - Comment suivre précisément les dépenses pour les travaux, sachant que les prix des matériaux augmentent fortement - des artisans me parlent de 20 à 40 % de plus, comment faites-vous ? Vous parlez de « redorer » la cathédrale, alors que les dons visent la reconstruction : est-ce que ces fonds vont aller à l'entretien de la cathédrale, qui relève de l'État ? Vous dites que le diocèse est un partenaire essentiel : est-ce le cas, aussi, financièrement ? Qui paie l'achat des matériels liturgiques ? Enfin, vous évoquez les deux cercueils découverts, on a pu identifier l'un d'eux, est-ce le cas pour le second ? Avez-vous fait d'autres découvertes ?

M. Jacques Grosperrin. - Le temps médiatique n'est pas le temps politique, la Cour des comptes a bien ciblé les enjeux de votre établissement public, en particulier l'utilité d'une comptabilité analytique et les questions sur la participation financière de l'État aux travaux. Vous dites que l'inspection du travail est très présente, quel bilan faites-vous des accidents qui se seraient produits sur le chantier ? Voilà bientôt quatre ans que les travaux ont commencé, vous avez dû aller très vite, est-ce que cela gêne l'objectif de reconstruire de manière pérenne ? Enfin, comment se sont passées les périodes de confinement dues au Covid-19 : les travaux en ont-ils été retardés ?

Mme Laurence Garnier. - À Nantes, nous avons connu l'incendie de la cathédrale, en 1972, et celui de Saint-Donatien, en 2015, liés à des travaux sur la toiture : des enseignements sont-ils partagés à l'échelle nationale, pour mieux prévenir le risque incendie ?

Mme Laure Darcos. - Vous n'avez pas évoqué la restauration de 14 toiles de maître, actuellement effectuée en Essonne et que j'ai eu la chance de voir : où en est-on ?

M. le général Jean-Louis Georgelin. - Il faudrait un colloque pour répondre à toutes vos questions - elles sont si nombreuses que j'ai l'impression de n'avoir pas été clair ni complet, et je ne sais pas par quoi commencer...

La restauration des toiles de maître était nécessaire après le dépôt de poussière de plomb lié à l'incendie. Elle concerne 22 grands formats et elle est réalisée dans un endroit tenu secret, pour des raisons de sécurité. Le résultat est tout simplement spectaculaire, vous ne réalisez pas la qualité de ces peintures devant lesquelles vous êtes probablement passés, par exemple cette Nativité de Le Nain - la restauration la révèle, et il en est de même pour la splendeur des pierres, des chapelles, merci de m'avoir donné l'occasion de le rappeler, et de dire que ces restaurations sont financées par la souscription.

Quel est l'état sanitaire de nos troupes ? Il est excellent, nous n'avons à déplorer, pour l'ensemble du chantier, qu'une fracture du tibia d'un compagnon qui est malencontreusement tombé, nous n'avons donc aucun accident à déplorer depuis le début des travaux. Ce résultat est bien sûr lié à l'intérêt précis, bienveillant, exemplaire et utile de l'Inspection du travail, et au fait que nous sommes très attentifs aux conditions de sécurité.

Nous n'avons aucun indice de difficulté avec l'utilisation du plomb, et sur cette question il y a deux sujets : le plomb résiduel après l'incendie, et celui que nous utilisons pour la restauration. S'agissant du plomb résiduel, je vous assure que le respect minutieux des consignes nous garantit contre les risques. Comme ancien chef d'état-major des armées qui a visité les unités où les armes nucléaires sont produites, j'ai de quoi comparer - et je peux vous dire que les conditions sur notre chantier sont très strictes : chacun, pour pénétrer sur la zone dite « sale », y compris le Président de la République, doit se dénuder, vêtir des sous-vêtements spécifiques, une combinaison, puis prendre une douche à la sortie avant de se rhabiller, nous éliminons ainsi tout risque avec les résidus et je peux vous assurer aussi que nul enfant ne pénètre dans cette zone dite « sale »... Quant à l'usage du plomb pour la restauration, soit vous me dites que la décision a été prise à la légère - mais ce n'est pas le cas, puisque la Commission nationale du patrimoine et de l'architecture a pris cette décision conformément aux règles de restauration des monuments historiques -, soit vous vous inquiétez de ce que des enfants se promènent sur les toits ou viennent lécher la flèche, à quoi je vous réponds que le risque est nul... Le risque éventuel, en réalité, est lié aux eaux de ruissellement et nous sommes précurseurs en la matière puisque nous mettrons en place un dispositif qui recueillera l'intégralité de ces eaux, pour les analyser avant qu'elles ne soient rejetées dans la Seine : cela n'a jamais été fait - vous pouvez être rassurée, madame la Sénatrice, aucun enfant ne sera malade du fait du plomb de Notre-Dame. En prenant mes fonctions, j'aimais à dire que je commandais « la task force de Notre-Dame » mais en réalité, je ne peux rien faire sans qu'un contrôle nourri et assidu ne soit déclenché, surtout sur une question comme le plomb, où le document préalable que nous avons dû produire est un chef d'oeuvre du droit administratif, littéralement, toutes les précautions sont prises. Je vous signale aussi que ce n'est pas moi qui signe les autorisations de travaux, mais le Préfet de Paris, c'est dire les garanties sur la conformité du contrôle préalable... Je ne vois donc pas quels dangers nous ferions courir. L'autorisation de travaux a été affichée, conformément aux règles, et aucun recours n'a été déposé contre elle. Je crois qu'il faut faire preuve d'humilité face à l'ampleur de la tâche, mais qu'une fois la décision prise, dans les formes, il faut l'accepter et aller de l'avant, sinon il faudrait un demi-siècle au moins pour reconstruire Notre-Dame.

Les observations sur la comptabilité analytique ont déjà été faites, nous disposons de tous les outils demandés. Je signale que nos comptes sont examinés de près par le comité des donateurs, auquel nous présentons nos actions et projets, que nous avons un comité d'audit et des investissements, prévu par la loi et présidé par Jean-Pierre Weiss, inspecteur général du patrimoine, ce comité vérifie toutes nos demandes de travaux et son intervention est préalable à l'obtention des crédits. Je signale aussi l'existence du comité spécifique auquel participent les présidents des commissions chargées des affaires culturelles et des finances de l'Assemblée nationale et du Sénat, qui se réunit sous la présidence du président de la Cour des comptes. Bien entendu, comme pour tout établissement public, nos décisions sont par ailleurs votées par notre conseil d'administration. Je vois donc difficilement ce qu'on pourrait faire de plus pour contrôler l'emploi des fonds qui sont mis à notre disposition.

La participation au financement des travaux aux abords de la cathédrale a été réglée dès le début : c'est la Ville de Paris qui en est chargée, l'État n'y participe pas, ni la souscription nationale. Les choses ont été précisées après l'épisode tragi-comique de la taxe municipale pour l'utilisation du domaine communal, la Ville de Paris a annoncé retirer de la souscription les 50 millions d'euros qu'elle avait promis, et qu'elle affecte directement aux abords, c'est légitime.

La restauration et le remplacement des objets liturgiques sont intégralement financés par le diocèse de Paris, l'État ne déboursera pas 1 euro pour l'autel du baptistère. La loi de 1905 est parfaitement respectée, le financement n'en n'est pas assuré par la souscription.

Pourquoi refaire la charpente en bois, après un incendie, et tirons-nous les enseignements de l'incendie ? Nous avons pris des mesures pour prévenir l'incendie. Nous avons réduit la présence de l'électricité dans les combles, nous allons installer une détection de la fumée par aspiration, des parois coupe-feu, nous redimensionnons les colonnes sèches, nous mettrons en place un nouveau PC sécurité incendie ouvert 24 heures sur 24, nous aménagerons des pièces d'accès sécurisées à proximité de la charpente, pour les services de secours, la Ville de Paris augmentera l'alimentation en eau de l'île de la Cité et nous installerons une brumisation automatique sur la charpente rénovée.

En matière d'archéologie préventive, nous appliquons strictement la loi : nous avons engagé des fouilles préventives dans les espaces qui allaient être ouverts, en l'occurrence dans le transept - notre objet n'est pas d'engager des fouilles systématiques pour retrouver les traces des édifices des premiers temps de la chrétienté. Les fouilles dans le transept ont permis de retrouver les restes du jubé abattu au XVIIIème siècle, ainsi que deux sarcophages - Viollet-le-Duc en avait retrouvé huit, sur les quelques 400 personnes enterrées sous la cathédrale... Ces fouilles d'archéologie préventive ont été conduites en respectant toutes les règles de l'art, mais mon objectif est aussi de ne pas retarder le chantier. Nous avons travaillé en bonne intelligence avec l'Institut national de recherches archéologiques préventives (Inrap), contrairement à ce que j'ai lu dans la presse, en particulier dans Le Canard Enchaîné, et je signale au passage que les médias n'ont pas parlé des fouilles que nous avons réalisées sur le parvis, aussi au titre de l'archéologie préventive...

Mme Alexandra Borchio Fontimp. - Je salue la qualité de l'expérience immersive de l'exposition ouverte sous le parvis. J'ai eu l'occasion de la visiter à Nice, elle est époustouflante. J'espère que le public sera nombreux à la visiter et qu'elle pourra circuler dans nos territoires.

M. le général Jean-Louis Georgelin. - Effectivement, elle est tout à fait exceptionnelle. 60 000 personnes l'ont déjà visitée lorsqu'elle a été présentée au sommet de la Grande arche, à La Défense. J'espère aussi que le public, déjà nombreux devant le chantier, descendra la visiter, elle retrace toute l'histoire de la construction de Notre-Dame, c'est fascinant - et je crois qu'elle devrait, après, être présentée à La Conciergerie.

Mme Monique de Marco. - Gratuitement ?

M. le général Jean-Louis Georgelin. - Non, il vous en coûtera 30 euros, dont une partie est reversée à l'établissement public, au bénéfice par exemple... de l'installation des équipements pour recueillir et analyser les eaux de pluie qui ruissellent des toits de Notre-Dame...

M. Laurent Lafon, président. - Merci pour vos propos, nous souhaitons tout comme vous la réussite de ce chantier exceptionnel et nous apprécions vos auditions, qui sont assez uniques.

Cette audition a fait l'objet d'une captation vidéo disponible en ligne sur le site du Sénat.

La réunion est close à 11 heures.