Mardi 19 juillet 2022

- Présidence de Mme Catherine Deroche, présidente -

La réunion est ouverte à 9 h 45.

Projet de loi portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat - Audition de M. Olivier Dussopt, ministre du travail, du plein emploi et de l’insertion

Mme Catherine Deroche, présidente. – Nous entendons ce matin M. Olivier Dussopt, ministre du travail, du plein emploi et de l’insertion, sur le projet de loi portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat que nous examinerons en commission le lundi 25 juillet prochain à 18 heures, si l’Assemblée nationale veut bien nous le transmettre selon le calendrier prévu.

J’indique que cette audition fait l’objet d’une captation vidéo qui sera retransmise en direct sur le site du Sénat et disponible en vidéo à la demande.

Je salue ceux de nos collègues qui participent à cette réunion à distance.

Monsieur le ministre, je vais vous laisser la parole pour présenter les articles 1er à 5 de ce texte composite, notre commission étant également saisie sur le sujet de l’allocation aux adultes handicapés (AAH), ainsi que sur l’article 15 relatif à la réembauche en contrat à durée déterminée des salariés de centrales à charbon.

Permettez-moi de regretter une nouvelle fois que le Gouvernement n’ait pas jugé utile de présenter un collectif social, ce qui nous aurait permis de percevoir plus clairement les effets de ce texte sur les comptes sociaux plutôt que de « communier » collectivement dans la joie de distribuer du pouvoir d’achat, avant d’examiner à l’automne prochain les comptes de la sécurité sociale et de déplorer qu’ils sont en déficit alors qu’il manque de l’argent pour l’hôpital et pour la dépendance.

M. Olivier Dussopt, ministre du travail, du plein emploi et de l’insertion. – Le projet de loi portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat est examiné actuellement à l’Assemblée nationale. Je forme le vœu que ce texte puisse être transmis au Sénat dans les délais prévus, pour faciliter le travail parlementaire ; j’espère que son examen sera plus rapide que ce que nous pouvons craindre au vu du débat sur les premiers amendements.

La question du pouvoir d’achat est centrale dans le débat politique et pour la vie quotidienne de nos concitoyens.

Au cours du premier quinquennat, nous avons pris des mesures de baisse d’impôts, à hauteur de 25 milliards d’euros pour les ménages, de revalorisation de l’AAH, du minimum vieillesse et de la prime d’activité, qui sont intervenues entre 2018 et 2022. Le pouvoir d’achat a davantage augmenté durant cette période que lors des deux quinquennats précédents, à hauteur de presque 1 % par an, ce qui représente une hausse, en moyenne et par an, de 300 euros pour chaque Français. Ces résultats sont un acquis mais ne suffisent pas.

Nous sommes confrontés aujourd’hui au retour de l’inflation, laquelle est exogène. Elle peut être qualifiée d’« inflation importée » car elle s’explique par l’augmentation très forte des prix de l’énergie. Cette inflation, plus importante que celle que nous avons connue depuis 1985, pourrait, selon l’Insee, atteindre et même dépasser 6 % en 2022.

À cet égard, nous avons mis en place des mécanismes de protection des Français contre cette inflation : ristourne de 18 centimes par litre de carburant ; bouclier tarifaire sur l’énergie et le gaz, que nous proposons de prolonger au moins jusqu’à la fin de l’année ; ou encore indemnité inflation, versée à plus de 38 millions de Français il y a quelques mois. De ce fait, notre pays connaît le taux d’inflation le plus bas de la zone euro, à l’exception de Malte.

Le texte que présente le Gouvernement aborde des questions liées à la vie économique, d’autres relatives à l’énergie, d’autres encore au revenu du travail et à la manière d’encourager un meilleur partage de la richesse produite dans les entreprises. De plus, un certain nombre de mesures annoncées relèvent du champ réglementaire. C’est le cas de l’indemnité carburant pour les travailleurs et les gros rouleurs, de l’aide exceptionnelle de solidarité dont bénéficieront à la rentrée 14 millions de personnes, ou encore de l’augmentation du point d’indice de la fonction publique.

Pour ce qui relève du champ législatif, nous avons voulu inscrire dans le texte des mesures visant à valoriser le travail, comme la diminution des cotisations des travailleurs indépendants et le renforcement des dispositifs de partage de la valeur, en veillant à ce que les différentes branches professionnelles revalorisent les minima de branche.

Au titre des articles 1er à 5, nous proposons plusieurs séries de mesures favorisant le partage de la valeur ajoutée.

L’article 1er contient en réalité deux dispositifs. Premier dispositif : la reconduction jusqu’à la fin de 2023 de la prime exceptionnelle de pouvoir d’achat (PEPA), dite « prime Macron », avec un triplement des plafonds, lesquels passent de 1 000 et 2 000 euros à 3 000 et 6 000 euros, en conservant les mêmes modalités pour le passage du premier plafond au second – par exemple, dans les entreprises de moins de 50 salariés, la nécessité d’avoir un accord d’intéressement ou de participation. Une nouveauté est prévue, qui a fait l’objet d’un amendement adopté par la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale, avec le soutien du Gouvernement, à savoir la possibilité de verser cette prime de manière fractionnée. Je précise que le fractionnement ne peut pas prendre la forme d’une mensualisation, afin d’éviter les effets d’éviction du salaire par la prime. Il ne s’agit pas de créer plusieurs primes exceptionnelles de pouvoir d’achat par an dans la même entreprise, et la décision doit rester annuelle. Il s’agit d’aider, via ce fractionnement, les entreprises qui auraient moins de trésorerie à verser la prime.

Le second dispositif, la prime de partage de la valeur (PPV), sera pérenne et pourra concerner les salariés gagnant plus de trois SMIC. Sa particularité par rapport à la PEPA est l’assujettissement au régime fiscal et social de l’intéressement, mais avec une plus grande facilité dans la détermination du montant, à un rythme annuel, par l’entreprise au profit des salariés.

Une autre série de mesures visant à favoriser le partage de la valeur ajoutée prévoit la simplification des accords d’intéressement.

Nous proposons ainsi de rendre possible la mise en place d’un accord d’intéressement par décision unilatérale dans les entreprises de moins de 50 salariés – cette mesure était jusqu’à présent réservée aux entreprises de moins de 11 salariés –, d’étendre cette possibilité au renouvellement des accords d’intéressement, et de simplifier le régime administratif des accords d’intéressement en supprimant le contrôle a priori pour se concentrer sur des contrôles a posteriori « au fil de l’eau ».

J’en viens à la question des travailleurs indépendants.

Le présent projet de loi prévoit une diminution des cotisations maladie payées par les travailleurs indépendants, avec une exonération totale au niveau du SMIC – autour de 40 % du plafond de la sécurité sociale – et dégressive jusqu’à 1,5 SMIC – 60 % du plafond de la sécurité sociale. Cette mesure, dont le coût total sera de 320 millions d’euros pour la sécurité sociale – un coût que l’État s’engage à compenser –, bénéficiera à 80 % des indépendants : artisans, commerçants, exploitants agricoles. Elle permettra aux travailleurs indépendants qui se rémunèrent au SMIC de bénéficier d’un gain de pouvoir d’achat de 550 euros.

À l’article 4, nous proposons des mesures pour inciter les branches professionnelles à maintenir des minima conventionnels au moins égaux au niveau du SMIC.

Les revalorisations automatiques du SMIC prévues par la loi du 3 décembre 2008 en faveur des revenus du travail ont conduit à ce que le SMIC augmente, à date, de 5,9 % sur les neuf derniers mois. Les derniers chiffres de l’inflation par l’Insee indiquent qu’une nouvelle revalorisation automatique de 2,01 % aura lieu au 1er août. Ainsi, de manière cumulée, la revalorisation du SMIC atteindra 8 % sur les douze mois glissants. Il s’agit d’un dispositif protecteur du pouvoir d’achat des salariés payés au SMIC, qui a une conséquence : un certain nombre de branches professionnelles affichent des minima conventionnels inférieurs du SMIC, dès lors que celui-ci augmente dans des proportions aussi importantes que celles que nous connaissons depuis douze mois.

Au 1er mai dernier, lors de la dernière revalorisation du SMIC, 145 branches, sur les 171 qui font l’objet d’une observation attentive par la direction générale du travail (DGT), présentaient au moins un niveau de rémunération inférieur au SMIC. À ce jour, 99 branches ont un niveau de rémunération inférieur au SMIC : plus de 40 branches ont donc commencé le travail de régularisation ; quant aux autres branches, elles poursuivent le travail de négociation sur les rémunérations. Nous proposons d’ouvrir des possibilités de restructuration des branches, afin d’inciter celles-ci à faire ce travail, en ajoutant aux critères pour engager une fusion de branches à l’initiative de l’État un autre critère : une situation dans laquelle une branche présenterait durablement un niveau de rémunération inférieur au SMIC.

Il convient d’éviter plusieurs écueils dans ce débat.

Premier écueil : considérer que la situation des minima conventionnels inférieurs au SMIC concernerait presque toutes les entreprises. Ce n’est pas le cas : seules 2 branches sur 171 présentent des minima inférieurs au SMIC depuis plus de dix-huit mois, et 17 branches présentent de tels minima depuis plus de neuf mois ; 9 d’entre elles sont d’ailleurs placées en commission paritaire pour que l’incitation de l’État à la négociation soit encore plus forte.

Deuxième écueil : nous substituer au dialogue social. Nous tenons à ce que la définition des niveaux de rémunération par branche relève du dialogue social, les branches pouvant procéder à des revalorisations différenciées entre les niveaux pour favoriser l’attractivité à un moment ou un autre de la carrière.

Troisième écueil : laisser penser qu’en France des salariés sont rémunérés à un niveau inférieur au SMIC. Ce n’est pas le cas. Mais lorsqu’il y a durablement dans une branche des niveaux de rémunération inférieurs au SMIC, cela entraîne un tassement des grilles salariales par le bas ainsi qu’une perte d’attractivité et de perspective pour les salariés concernés.

Nous proposons qu’il soit possible de restructurer d’office les branches présentant durablement au moins un niveau de rémunération inférieur au SMIC. Nous avons par ailleurs soutenu un amendement adopté par la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale, aux termes duquel le délai de quatre-vingt-dix jours pendant lequel les branches doivent ouvrir les négociations serait ramené à quarante-cinq jours.

L’article 5 concerne la revalorisation des pensions et des prestations.

Nous avançons au 1er juillet 2022, avec un effet rétroactif, les revalorisations qui sont normalement prévues au 1er janvier ou au 1er avril. Les prestations sociales et les pensions seront ainsi revalorisées de 4 % à cette date, si le Parlement en décide ainsi. Cette revalorisation s’ajoute à celle de 1,1 % perçue au 1er janvier dernier, et à celle de 1,8 % perçue au 1er avril. Lorsque l’on additionne la revalorisation de 1,8 % du mois d’avril avec celle de 4 % que nous proposons, on parvient au pourcentage de 5,8 %, qui permet de couvrir le niveau prévisionnel d’inflation. Tous les retraités seront concernés, qu’il s’agisse de ceux du secteur privé, du secteur public ou des indépendants. Seront également concernés les bénéficiaires du revenu de solidarité active (RSA), ceux de l’AAH et ceux de l’allocation de solidarité spécifique (ASS). Nous incluons également les bénéficiaires de la prime d’activité, pour préserver le différentiel entre revenu d’activité et revenu lié à des minima sociaux. Nous intégrons aussi les prestations familiales, les allocations d’accompagnement vers l’emploi, ou encore les bourses de l’enseignement secondaire.

Sur l’AAH, je peux vous indiquer, avec les réserves d’usage, qu’une convergence semble se dessiner entre la plupart des groupes de l’Assemblée nationale en vue d’une déconjugalisation, qui entrerait en vigueur au 1er octobre ou au 1er novembre 2023 – la date fait l’objet d’une discussion. Tenir ce délai serait un défi technique pour les caisses de sécurité sociale. Par ailleurs, les députés, soutenus par le Gouvernement, ont prévu une disposition visant à éviter qu’il y ait des perdants – soit entre 40 000 et 50 000 bénéficiaires de l’AAH si la déconjugalisation était appliquée de manière sèche. Le Gouvernement est favorable à un dispositif permettant de garantir aux bénéficiaires de l’AAH qui seraient perdants du fait de la déconjugalisation le maintien de leurs droits jusqu’à expiration de ceux-ci.

Votre commission examinera également l’article 15 du projet de loi, qui s’inscrit dans le contexte de la crise de l’énergie.

Nous prévoyons la possibilité de prolonger, à titre dérogatoire, l’activité de la centrale à charbon de Saint-Avold, sur la base du volontariat. Tous les salariés qui accepteraient de travailler pour permettre à cette centrale de fonctionner autant qu’il sera nécessaire, pour éviter des ruptures d’approvisionnement énergétique l’hiver prochain, verraient préservée l’intégralité de leurs droits négociés dans le cadre de la fermeture de cette centrale et du plan d’accompagnement.

Mme Frédérique Puissat, rapporteur. – Nous ferons des propositions, non pas pour déconstruire le texte, mais parce que nous considérons que les mesures proposées n’ont pas un effet suffisamment immédiat et efficace sur le pouvoir d’achat des ménages, alors même que ce texte est très attendu.

Je vous poserai cinq questions.

Premièrement, quel est le coût de ce texte pour les finances publiques ? Ce montant a-t-il été défini en fonction du montant des pertes pour les ménages en raison de la montée de l’inflation ? Si oui, quel sera le « reste à charge » de ces pertes pour les ménages ?

Deuxièmement, qu’est-ce qui explique le choix de pérenniser le dispositif de la PPV ? Est-il complémentaire des autres dispositifs de partage de la valeur que sont la participation et l’intéressement ?

Troisièmement, quel sera l’effet concret sur le pouvoir d’achat des ménages des mesures techniques de simplification de l’intéressement ?

Quatrièmement, quelle sera l’efficacité de la fusion administrative des branches professionnelles ? Cette mesure incitera-t-elle les branches à négocier ? D’autres mesures ont-elles été envisagées pour favoriser la mise en conformité des minima salariaux de branche avec le Smic ?

Cinquièmement, s’agissant des travailleurs indépendants, quand le dispositif prévu produira-t-il ses effets ? J’ajoute un point sur l’effet de seuil : en deçà de 16 500 euros de revenus, il y a exonération complète de cotisations maladie et maternité. Or, dès lors que l’on atteint 24 700 euros, l’effet de seuil joue immédiatement et l’on passe à 4 % ou 4,5 % de cotisation. Cela ne pourrait-il pas avoir pour conséquence d’augmenter le nombre de sous-déclarations ou de décourager le travail ?

M. Olivier Dussopt, ministre. – Tout d’abord, le paquet « pouvoir d’achat » dans son ensemble – le présent projet de loi et les mesures relatives au pouvoir d’achat du projet de loi finances rectificative – représente un coût global de 30 milliards d’euros, dont 20 milliards correspondent à des mesures nouvelles. Il y aura un reste à charge pour les ménages : nous ne pouvons pas prévoir le niveau de l’inflation par trop en avance, et cette inflation peut se nicher dans des secteurs pour lesquels l’intervention de l’État ne sera pas possible. Cela pose la question de la capacité de l’État à absorber un choc d’inflation importée. Il serait illusoire et démagogique d’expliquer à nos concitoyens que la situation actuelle pourrait être totalement indolore – sauf au prix d’une dette abyssale et non maîtrisée...

Ensuite, pour ce qui concerne le partage de la valeur, nous avons prévu deux dispositifs.

Le premier est la reconduction de la PEPA. Lorsque nous avons proposé de pérenniser ce dispositif, le Conseil d’État a indiqué qu’il paraissait difficile d’envisager la pérennisation d’un tel outil, lequel est réservé aux salariés en fonction du niveau de leurs revenus. Nous avons reconduit cette prime jusqu’à la fin de 2023 parce qu’elle avait démontré son efficacité.

Nous avons aussi imaginé un autre dispositif, beaucoup plus souple que les accords d’intéressement, permettant de verser des primes de partage de la valeur à l’ensemble des salariés, quel que soit leur niveau de revenu. Tandis que la PEPA fait l’objet d’une exonération de cotisation et de fiscalité, la PPV, pérenne, fait l’objet d’un assujettissement fiscal et social aligné sur celui de l’intéressement. Nous avons ainsi répondu à l’observation faite par le Conseil d’État.

J’en viens à votre troisième question : simplifier l’intéressement, via l’allégement des contrôles administratifs et la possibilité de prendre une décision unilatérale dans les entreprises de moins de 50 salariés, est-il un outil performant pour donner un gain de pouvoir d’achat ? Non ! Mais nous mettons à profit ce véhicule législatif pour apporter des simplifications utiles en vue de favoriser l’intéressement. Nous souhaitons que le plus grand nombre possible d’entreprises s’inscrivent dans les dispositifs pérennes de partage de la valeur. Voilà pourquoi, hier soir à l’Assemblée nationale, j’ai donné un avis défavorable sur tous les amendements visant à supprimer la condition d’un accord d’intéressement pour passer du plafond de 3 000 euros à celui de 6 000 euros.

La baisse de cotisations prévue pour les travailleurs indépendants s’appliquera lors de l’appel à cotisations qui interviendra à la fin de l’année 2022 ou au début de l’année 2023, mais prendra effet rétroactivement à compter du 1er janvier 2022.

Le lissage de l’application de cette exonération – entre 1 et 1,6 SMIC – limite l’effet de seuil autant que possible. Un tel effet se manifeste néanmoins dès lors qu’une telle exonération est instaurée.

Les restructurations administratives des branches professionnelles pratiquant durablement des minima salariaux inférieurs au SMIC me paraissent incitatives. Elles requièrent néanmoins volonté politique et pragmatisme. En cas de niveau de rémunération inférieur au SMIC constaté durablement, un arrêté ministériel sera pris et accompagné d’un projet de fusion de la branche concernée avec une autre branche proche de son secteur d’activité, mais en conformité avec la loi. La première branche disposera d’un certain délai – qui reste à définir dans le cadre d’une concertation – pour ouvrir des négociations et se mettre en conformité avec la loi.

D’autres méthodes ont été explorées, notamment une initiative testée en 2008 consistant à limiter l’exonération de cotisations perçue par les branches professionnelles en fonction du respect de leurs obligations légales en matière de niveau de rémunération. Ce système s’est toutefois révélé difficilement applicable, en vertu des principes d’égalité et de responsabilité. Une entreprise faisant des efforts pour rémunérer ses salariés au-dessus du SMIC pouvait en effet se trouver pénalisée si la branche à laquelle elle appartenait était défaillante en la matière. Une autre méthode consisterait à calculer, branche par branche, le niveau des exonérations de cotisations en fonction du niveau des minima conventionnels de rémunération, mais elle nous exposerait à une difficulté analogue.

M. Philippe Mouiller. – Je salue la volonté du Gouvernement de revaloriser l’AAH et me félicite de son changement d’avis sur sa déconjugalisation. Nous avions estimé le coût de cette mesure à 580 millions d’euros l’an passé, voire 720 millions d’euros en intégrant les perdants potentiels. Partagez-vous ces estimations budgétaires ?

Concernant les perdants potentiels, vous évoquez un droit d’option valant jusqu’à l’expiration des droits. Cela signifie-t-il que le tiers des attributaires de l’AAH qui la perçoivent à vie disposeront également d’un droit d’option à vie ?

Par ailleurs, de nombreuses personnes handicapées utilisent leur véhicule tous les jours pour se rendre notamment à des rendez-vous spécialisés. Or, elles disposent souvent de faibles niveaux de revenus. Pourront-elles bénéficier de l’indemnité carburant prévue dans le texte pour les travailleurs modestes ?

Enfin, le texte ne prévoit pas de revalorisation de la prestation de compensation du handicap (PCH), alors que les personnes qui en bénéficient souffrent d’une diminution de leur pouvoir d’achat, notamment pour l’accès aux aides techniques. Le Gouvernement prévoit-il de revenir sur ce point, sachant qu’un décret est récemment paru sur cette question ?

M. Jean-Marie Vanlerenberghe. – Je salue la volonté du Gouvernement de pallier les effets de l’inflation ainsi que l’effort budgétaire important consenti en ce but.

L’instauration du versement d’un dividende salarial obligatoire pour les entreprises versant des dividendes à leurs actionnaires, évoquée par le Président de la République durant la campagne électorale, est absente du texte ; est-elle abandonnée ? Sera-t-elle reprise dans un autre texte ? De même, quand proposerez-vous l’automaticité du versement des prestations sociales mentionnée par le Président durant la campagne ?

M. Xavier Iacovelli. – Je m’étonne également de l’absence, dans ce texte, de l’obligation de versement du dividende salarial dans les entreprises versant des dividendes à leurs actionnaires. Je salue par ailleurs la volonté du Gouvernement de maintenir le bouclier tarifaire, qui a préservé la France d’une augmentation de plus de 44 % du prix de l’électricité – protection dont n’ont pas bénéficié nos voisins européens.

Quels sont les contours de la prime de partage de la valeur ? Comment ce nouveau dispositif se traduira-t-il pour ses bénéficiaires ?

S’agissant de l’AAH, si la question des perdants potentiels est traitée dans le texte, je serai heureux de pouvoir m’associer à la majorité sénatoriale pour soutenir l’article prévoyant la déconjugalisation. Quel impact cette déconjugalisation aura-t-elle sur le pouvoir d’achat des bénéficiaires ?

Enfin, le projet de loi est censé s’appliquer rétroactivement au 1er juillet 2022. Arriverons-nous à tenir les délais malgré le retard potentiel pris dans l’examen du texte à l’Assemblée nationale ?

Mme Monique Lubin. – Le message envoyé par ce projet de loi aux travailleurs indépendants et aux travailleurs en général me paraît terrible. Augmenter le pouvoir d’achat en annulant les cotisations sociales revient en effet, non seulement à mettre simplement du beurre dans les épinards, mais aussi à présenter ces dernières comme des charges, en oubliant de rappeler aux salariés qu’elles sont d’abord le socle de leur protection sociale. Or, les travailleurs modestes seront les premiers affectés par son amoindrissement.

Par quel biais les 320 millions d’euros de pertes de cotisations sociales, dont vous annoncez qu’ils seront compensés dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS), le seront-ils ? De nouvelles recettes seront-elles mobilisées, et, le cas échéant, lesquelles ? Le PLFSS conduira-t-il au contraire à de nouveaux sacrifices ?

Qu’en est-il par ailleurs des entreprises qui n’auront pas la possibilité d’accorder de prime exceptionnelle de pouvoir d’achat, ou seulement des primes modestes ?

Alors que la déconjugalisation de l’AAH était annoncée comme impossible il y a six mois, car trop coûteuse, ce ne semble plus être le cas. Que s’est-il passé dans l’intervalle ?

Mme Laurence Rossignol. – Les élections !

M. Olivier Dussopt, ministre. – La disposition relative à l’AAH que le Gouvernement soutiendra à l’Assemblée nationale sera proposée, je l’espère, par presque tous les groupes parlementaires. Le Gouvernement a effectivement évolué sur ce point à l’aune de la campagne électorale. Le Président de la République a pris en compte certains messages qui l’ont convaincu de modifier sa position personnelle sur ce plan.

Cette mesure sera bénéfique à un grand nombre de bénéficiaires de l’AAH. Cependant, elle ne règle pas toutes les questions de fond. La question se pose, par exemple, de savoir si l’AAH constitue un minimum social. Le fait d’individualiser ainsi le mode de calcul et les critères d’accès associés à un minimum social sans le faire pour les autres peut également poser problème. Cette déconjugalisation risque en outre d’ouvrir le débat sur la déconjugalisation des critères de calcul de la contribution à la protection sociale.

L’AAH répond néanmoins, par définition, à une situation durable, voire figée, quand le RSA, par exemple, peut correspondre à un moment de vie. Il reste toutefois qu’une telle déconjugalisation soulève des interrogations sur les modèles fiscaux et sociaux choisis par la France depuis plusieurs décennies pour la solidarité nationale, un débat passionnant mais que nous n’aurons pas le temps de le trancher ce matin.

L’horizon du droit d’option relatif à la protection des personnes n’est par ailleurs pas fixé. Un nombre important de bénéficiaires de l’AAH perçoivent une allocation contingentée. Cette question sera étudiée dans les mois à venir.

S’agissant d’une éventuelle revalorisation des parties techniques de la PCH, il serait malvenu que l’État prenne une initiative seul en la matière, cette question devant faire l’objet d’une discussion avec les conseils départementaux.

En l’état actuel du texte, l’indemnité carburant est réservée aux ménages pouvant présenter des revenus d’activité. Ce dispositif fera probablement l’objet de discussions animées à l’Assemblée nationale. Nous proposons en revanche que les bénéficiaires de l’AAH soient tous bénéficiaires de l’aide exceptionnelle de solidarité.

La déconjugalisation bénéficiera, selon une estimation de la direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares), à environ 160 000 bénéficiaires de l’AAH, à raison d’une augmentation moyenne du montant perçu d’environ 300 euros. Si le dispositif était adopté en l’état, nous recenserions 44 000 à 45 000 perdants, pour un montant moyen de perte de 270 euros. Le coût total de l’opération a été évalué par la Dares en juin dernier à 560 millions d’euros : 400 millions d’euros d’augmentation de l’allocation en faveur de 160 000 bénéficiaires, et 160 millions d’euros de compensations de pertes.

Nous n’avons pas choisi d’inscrire la mesure relative aux dividendes salariaux dans le texte, car un tel dispositif est complexe à mettre en œuvre, notamment pour certaines petites entreprises dont les dirigeants se versent une faible rémunération mais s’octroient une part de profit à l’occasion d’une bonne année. Le Mouvement des entreprises de France (Medef) a signalé, à l’occasion de la réunion du comité de suivi des négociations salariales de branche, sa disponibilité pour travailler sur un dispositif de dividende salarial. Le Gouvernement a donc choisi de laisser aux partenaires sociaux le temps nécessaire à cette discussion.

La solidarité automatique constitue quant à elle un chantier de longue haleine rendu possible tant par la mise en œuvre du prélèvement à la source que par la création du dispositif de ressources mensuelles (DRM) au sein des organismes de la sécurité sociale. Une connexion parfaite sera en effet requise entre les différents fichiers pour que nous puissions disposer d’une connaissance simultanée, en temps réel, des revenus fiscaux et sociaux des ménages servant de base de calcul à l’éligibilité aux prestations sociales. Il faudra au moins un an et demi à deux ans pour que cette connexion puisse se faire sans risque. Dans un premier temps, les aides quérables continueront donc à être versées sur demande, mais leur actualisation sera automatique. Un deuxième développement informatique sera ensuite nécessaire pour automatiser directement les versements.

En cas de retard pris dans l’examen du texte, le versement des premières retraites et prestations concernées par la revalorisation annoncée sera décalé au-delà de la date initialement prévue du 5 août. Il n’est pas question, en effet, de demander aux organismes de sécurité sociale de mettre en œuvre un texte qui n’aurait pas encore été adopté par le Parlement. La mesure s’appliquera néanmoins bien rétroactivement au 1er juillet.

Notre objectif est que la prime exceptionnelle de pouvoir d’achat touche autant de personnes qu’en 2022, soit 4 millions de bénéficiaires.

Les exonérations de cotisations prévues par le texte pour les travailleurs indépendants constituent un alignement sur le régime des salariés.

Enfin, les compensations prévues entrent dans le cadre des obligations légales de compensation, par attribution d’une fraction de TVA pouvant être inscrite dans le PLFSS. Le fait de le déclarer devant le Parlement engage le Gouvernement à appliquer cette obligation. L’État compensera donc bien 320 millions d’euros auprès de la sécurité sociale.

Mme Raymonde Poncet Monge. – L’AAH n’est effectivement pas un minimum social, c’est d’ailleurs la raison pour laquelle elle ne devait pas figurer dans le revenu universel d’activité. La proposition de loi relative à sa déconjugalisation présentée en 2021 comportait par ailleurs un article portant sur les perdants potentiels. Rien n’a donc changé, le Gouvernement s’est seulement montré plus à l’écoute.

L’inflation touchant tous les salariés et tous les ménages, je m’étonne de la multiplication par trois de la prime exceptionnelle de pouvoir d’achat prévue par le Gouvernement, car elle ne bénéficiera pas à tous les salariés En effet, seuls 5 % des bénéficiaires de cette prime, soit 300 000 salariés, ont atteint le plafond de 2 000 euros, et le montant moyen, par bénéficiaire, de cette prime s’élève à 542 euros. En 2021, cinq entreprises sur six n’ont pas versé de prime. De plus, elle se pratique majoritairement dans les secteurs à forte valorisation où les rémunérations sont élevées : banques, assurances, immobilier, etc. Face à une inflation qui affecte tous les Français, singulièrement ceux des premiers déciles, est-il raisonnable de multiplier ainsi par trois une prime qui accroîtra encore davantage les inégalités salariales ? Quelles sont vos estimations en la matière ?

Est-il en outre raisonnable de défiscaliser ainsi 8 milliards d’euros, qui ne rapportent, par conséquent, rien à l’État ni à la sécurité sociale et qui constituent en réalité un effet d’aubaine, et d’annoncer comme vous le faites que cette somme ne sera pas compensée au motif que rien n’aurait été versé si cette prime n’avait pas été octroyée ?

Qu’est-ce qui justifie la possibilité offerte par le texte aux employeurs d’instaurer des accords en dépit du refus de leurs salariés ? En valorisant ainsi des décisions unilatérales, quelle place accordez-vous aux corps intermédiaires dont vous avez pourtant prétendu que vous les respecteriez davantage dans ce nouveau quinquennat ?

Enfin, à quelles nouvelles mesures créatrices de ressources pensez-vous pouvoir consentir dans le débat parlementaire – taxation des plus hauts dividendes, par exemple – pour que toutes ces mesures ne soient pas financées uniquement par la dette ?

Mme Corinne Féret. – Le niveau d’organisation des branches professionnelles n’étant pas comparable dans les territoires d’outre-mer à celui que l’on constate en métropole, il ne faudrait pas que ces territoires soient affectés par les mesures prises concernant les branches dont les salariés seraient rémunérés en deçà du SMIC.

Les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain considèrent par ailleurs que le projet de loi présenté est insuffisant pour répondre à l’urgence. Plusieurs organisations syndicales et associations de défense de la jeunesse ont d’ailleurs publié une tribune récemment pour alerter le Président de la République et le Gouvernement à ce sujet. Le texte ne comporte en effet aucune mesure relative à l’augmentation des salaires. La fédération nationale Familles rurales a également insisté auprès du Gouvernement sur la situation difficile des territoires ruraux. Nous souhaitons être entendus, et que le Gouvernement soit attentif aux inquiétudes de nos concitoyens.

Enfin, l’allocation de rentrée scolaire (ARS) sera-t-elle concernée par les revalorisations prévues à l’article 5 du projet de loi ?

Mme Cathy Apourceau-Poly. – La proposition de loi relative à la déconjugalisation de l’AAH a été défendue par Marie-George Buffet à l’Assemblée nationale en février 2019. Si je me félicite du changement de position du Gouvernement à ce sujet, je regrette que les personnes concernées aient perdu trois ans, voire davantage.

Le président-directeur général de TotalEnergies a vu son salaire augmenter de 52 % en 2021. Les dividendes battent des records. Comment comptez-vous mettre à contribution ceux qui profitent ainsi des difficultés des autres ? Comptez-vous taxer ces dividendes et agir également sur l’impôt sur la fortune ? Une telle démarche générerait des recettes immédiates.

Les chèques qui seront distribués par le Gouvernement constituent des mesures temporaires et insuffisantes. Nous devons parler de revalorisations durables : SMIC à 1 500 euros, revalorisation des retraites. De petites mesures comme les chèques ne font en effet entrer aucune cotisation dans les caisses de la sécurité sociale. Le budget de cette dernière continuera donc à enfler, jusqu’à atteindre un point de saturation.

Enfin, est-il prévu de compenser le coût que représentera l’augmentation du point d’indice des fonctionnaires pour les collectivités territoriales ?

M. René-Paul Savary. – Le Gouvernement compte-t-il suivre la préconisation du Sénat de différer d’un an le transfert à l’Urssaf du recouvrement des cotisations de l’Agirc-Arrco ?

Mme Laurence Rossignol. – Le Gouvernement s’oppose à l’augmentation du SMIC. Or environ 60 % des salariés au SMIC sont des femmes. Les quelques mesures prises lors du précédent quinquennat concernant l’égalité salariale ont touché principalement les cadres, et aucune mesure n’a été prise pour les basses rémunérations. Pourquoi vous obstinez-vous à ne pas augmenter le SMIC ?

Par ailleurs, un amendement adopté en commission des finances à l’Assemblée nationale sur le projet de loi de finances rectificative tend vers une prise en charge par l’État de l’augmentation des dépenses des collectivités locales induite par la revalorisation du point d’indice des fonctionnaires. Un soutien de votre part à cet amendement pourrait-il s’envisager ?

M. Olivier Dussopt, ministre. – S’agissant du recouvrement des prestations de l’Agirc-Arrco, les Urssaf ont plusieurs arguments à faire valoir. La concertation en cours, à laquelle mon ministère est associé, devra permettre de trouver une solution. Nous y travaillerons dans les prochaines semaines.

Nous n’avons pas prévu d’augmentation du SMIC, pour plusieurs raisons qui ont été exposées hier à l’Assemblée nationale. En revanche, le mécanisme envisagé est protecteur. Au 1er août, l’augmentation du SMIC sur douze mois sera de 8 % du fait des revalorisations liées à l’inflation, soit un taux supérieur à l’inflation constatée sur cette même période, ce qui joue en faveur de la protection du pouvoir d’achat des travailleurs concernés. La question de la surreprésentation des femmes parmi les salariés au SMIC se pose indépendamment du contexte d’inflation. L’égalité salariale fait partie des sujets sur lesquels je souhaite particulièrement m’investir, de même que toutes les formes de lutte contre les discriminations. Je n’ai pas encore suffisamment avancé pour vous apporter des réponses précises. Nous y travaillons néanmoins, en lien avec ma collègue chargée de l’égalité femmes-hommes. Je ne doute pas que vous nous présenterez des propositions diverses et efficaces à ce sujet.

L’augmentation du point d’indice de la fonction publique relève du projet de loi de finances rectificative (PLFR). La situation financière des collectivités était, en moyenne, en 2021, à un meilleur niveau qu’en 2019. La capacité d’épargne des collectivités en 2021 est largement supérieure à celle de 2019 et les dépôts au Trésor le sont également. De plus, historiquement, l’État n’a jamais compensé les effets d’une revalorisation du point d’indice de la fonction publique territoriale. Aucune association d’élus n’a en outre explicitement demandé une telle compensation. Les employeurs territoriaux ont toujours souscrit, par leurs représentants, à l’unicité des trois versants de la fonction publique, celle-ci ayant pour conséquence que le versant hospitalier et le versant territorial soient arrimés aux décisions prises pour celui concernant l’État. Christophe Béchu et Caroline Cayeux travaillent néanmoins sur la question de savoir si des dispositifs spécifiques doivent être prévus, ainsi que sur la question générale des relations financières entre l’État et les collectivités. Nous devrons trouver des compromis avant l’examen du PLFR.

Le montant moyen de la prime exceptionnelle de pouvoir d’achat a été de 550 euros en 2021, mais son montant moyen dans les entreprises de moins de dix salariés a été de 700 euros.

Mme Raymonde Poncet Monge. – Pour celles qui en ont versé une !

M. Olivier Dussopt, ministre. – En réalité, l’effectif de l’entreprise ne détermine pas le montant de la prime. Le caractère inégalitaire redouté par certains n’est pas vérifié. Le plafonnement de l’éligibilité à des rémunérations inférieures à trois SMIC a un effet égalitaire en matière de répartition des revenus.

Les décisions unilatérales des employeurs concernant les accords d’intéressement ne seraient possibles qu’après échec de la négociation, dans les entreprises pourvues de représentants pour négocier. Elles ne se substituent pas à celle-ci. En cas d’échec, les chefs d’entreprise pourront décider unilatéralement de mettre en place un dispositif qui, par définition, sera favorable aux salariés.

Les branches professionnelles, lorsqu’elles discutent de leurs conventions et niveaux de rémunération, ont la possibilité légale de créer des dérogations pour tenir compte des particularités ultramarines. En réalité, très peu de partenaires sociaux se saisissent de cette possibilité.

L’allocation de rentrée scolaire fait bien partie du train de revalorisations à 4 % et sera versée à partir du 17 août.

M. Laurent Burgoa. – Concernant l’influence de certaines mesures sur les budgets des collectivités, je ne suis pas d’accord avec les rapports présentés, qui ne correspondent pas à la réalité du terrain. Si l’augmentation du point d’indice et l’augmentation de 4 % du RSA constituent de bonnes mesures, que personne ne saurait contester, elles n’en auront pas moins des conséquences sur les budgets des collectivités – via une hausse, par exemple, de 7,2 millions d’euros pour le budget du département du Gard s’agissant de la deuxième mesure.

Si les paroles d’amour prononcées par Mme la Première ministre au Sénat dans sa déclaration de politique générale sont bienvenues, nous attendons des actes. En l’absence de compensation partielle ou totale des mesures susmentionnées, cela risque de signer la fin de certaines collectivités territoriales, qui feront le choix de ne plus investir, ce qui nuira à l’emploi.

M. Olivier Dussopt, ministre. – Les rapports prennent en compte les balances comptables dont nous disposons et les chiffres du Trésor public découlant de la compilation des comptes des collectivités, qui sont partagés, année après année, par l’ensemble des instances, y compris le Comité des finances locales. Il s’agit de moyennes. Dans leur ensemble, les finances des collectivités apparaissent comme excédentaires, ce qui est une bonne nouvelle. Il n’en existe pas moins des disparités entre collectivités, comme je l’ai toujours dit.

Mme Catherine Deroche, présidente. – Merci de votre participation.

La réunion est close à 11 h 05.

Ce compte rendu a fait l’objet d’une captation video qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.

Mercredi 20 juillet 2022

- Présidence de Mme Catherine Deroche, présidente -

La réunion est ouverte à 9 h 05.

Présentation du rapport « charges et produits » – Audition de M. Thomas Fatôme, directeur général de la Caisse nationale de l’assurance maladie

Mme Catherine Deroche, présidente. – Mes chers collègues, nous entendons ce matin M. Thomas Fatôme, directeur général de la Caisse nationale de l’assurance maladie (CNAM), sur la présentation du rapport « charges et produits ». Ce document fournit traditionnellement quelques pistes sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) à venir. Je me réjouis, monsieur Fâtome, que vous puissiez l’évoquer cette année devant notre commission.

J’indique que cette audition fait l’objet d’une captation vidéo qui sera retransmise en direct sur le site du Sénat et disponible en vidéo à la demande.

Je salue ceux de nos collègues qui participent à cette réunion à distance.

Monsieur le directeur général, vous avez la parole.

M. Thomas Fatôme, directeur général de la Caisse nationale de l’assurance maladie. – Merci beaucoup de me donner l’occasion de vous présenter les grandes lignes du rapport « charges et produits » qui a été adopté par le conseil de la CNAM la semaine dernière.

Le rapport constitue, comme chaque année, une somme relativement importante de travaux à la fois de diagnostics et de propositions. Il est assez dense, et il faudrait sans doute beaucoup de temps pour évoquer dans le détail chacun des éléments de diagnostic et de proposition. Je vais tâcher d’aborder les principaux.

Pour préparer ce rapport, qui, vous l’imaginez, a nécessité un travail de plusieurs mois, nous nous sommes situés dans un contexte marqué par trois enseignements : l’importance, que la crise a rappelée, des politiques de santé publique et de prévention ; les leçons à tirer des nouveaux modes d’organisation et des transformations que la crise sanitaire a pu susciter – coopération public-privé sur la réanimation, place de la téléconsultation, place des organisations territoriales des systèmes de santé, changement des compétences des professionnels sur les tests et la vaccination ; l’impact financier majeur de la crise : après deux déficits historiques de l’assurance maladie en 2020 et 2021 – respectivement de 30 milliards et de 26 milliards d’euros – et un déficit prévisionnel, pour 2022, tout près de 20 milliards d’euros – ce sera le troisième plus élevé de l’histoire –, l’enjeu est de reconstruire la viabilité économique à long terme de notre système de santé et d’assurance maladie.

Nous avons enrichi le diagnostic habituel de « charges et produits » de trois manières.

Premièrement, nous avons retravaillé la « cartographie des dépenses d’assurance maladie », que nous publions chaque année depuis dix ans et qui consiste à présenter les dépenses d’assurance maladie par pathologie. Combien coûtent le diabète, le cancer ? Quelle est leur prévalence ? Comment se répartit la dépense ? Comment évolue-t-elle ? Comment évoluent les effectifs concernés ? Cette année, nous avons souhaité changer assez profondément sa présentation, au travers d’un site abrité sur ameli, Data pathologies, qui permet à chaque citoyen de s’emparer des données concernées via un outil de data visualisation, avec des cartographies aux niveaux national, départemental, régional. Toutes ces données sont ouvertes en open data, ce qui permet à chacun de les utiliser, de les rapprocher, d’effectuer des comparaisons entre départements, régions ou pathologies. Nous avons ouvert ce site il y a trois semaines. Les mesures d’audience montrent d’ores et déjà l’intérêt d’un tel outil. Le système national des données de santé (SNDS) permet notamment de mettre des données à disposition de l’ensemble des citoyens pour effectuer des analyses de ce type.

Deuxièmement, vous trouverez dans le rapport une forme de cartographie de l’activité des professionnels de santé libéraux sur le territoire français depuis vingt ans. Quelle est la démographie des personnels de santé ? Quelle est leur densité ? Quelle est l’évolution de leur répartition territoriale ? Quelle est leur file active ? Combien représentent leurs prescriptions ? Quels sont les secteurs d’exercice des médecins ? Quel est le niveau de dépassement d’honoraires ? Toutes ces données ne sont pas fondamentalement nouvelles, mais nous mettrons à jour chaque année ce panorama de l’activité des professionnels de santé de ville et nous réaliserons un certain nombre de focus.

Troisièmement, nous avons construit un tableau de bord des indicateurs de santé publique dans notre pays, y compris pour donner corps à l’idée que la santé publique et la prévention doivent avoir une place plus importante à la fois dans l’action des pouvoirs publics et dans le débat public. Ce tableau de bord, qui se fonde sur 17 indicateurs de santé publique, montre notamment les progrès importants que nous avons à réaliser en termes de prévention.

Nous avons construit le rapport autour de différents fils rouges.

Le premier concerne les pathologies. Depuis plusieurs années, le rapport « charges et produits » essaie de construire des analyses et des propositions autour non pas d’une offre de soins identifiée – la ville, l’hôpital, le médico-social ou le médicament –, mais de pathologies : comment améliore-t-on la prise en charge du diabète cette année ? Comment tire-t-on les enseignements des travaux que nous avons menés l’année dernière sur l’insuffisance cardiaque ?

Le deuxième fil rouge est une approche par population : il s’agit, là aussi, d’essayer d’aller plus loin que des approches par offreurs de soins. Nous avons, cette année, travaillé sur les sujets de la maternité et de la petite enfance. Quel est l’état de santé des femmes enceintes de notre pays ? Comment y sont pris en charge les enfants de zéro à six ans ? Quelles sont les insuffisances et les avancées que nous pouvons pousser ?

Le troisième fil rouge a trait à l’organisation des soins. À quelques mois de la future négociation sur la convention médicale, qui sera l’un des sujets majeurs de l’automne, et des réflexions que le Gouvernement devrait avoir autour de l’organisation territoriale des soins, nous formulons des diagnostics et des propositions sur ce sujet.

L’efficience et la maîtrise des dépenses sont évidemment un sujet incontournable du rapport « charges et produits », avec des propositions à hauteur de 1,2 milliard d’euros.

Je vais essayer de faire quelques « zooms » sur des éléments importants ou des propositions marquantes que je souhaite partager avec vous.

Nous avons continué à mener un travail important avec les acteurs sur les territoires pour construire un diagnostic territorial de la prise en charge de l’insuffisance cardiaque à la fois par la ville et par l’hôpital et pour construire quatre propositions.

Premièrement, nous mènerons, à la rentrée, une grande campagne de communication, comme on peut le faire sur d’autres thèmes, comme la grippe, les antibiotiques ou le dentaire, pour mieux faire connaître les signes d’alerte de l’insuffisance cardiaque. Il existe quatre signes d’alerte bien identifiés par les sociétés savantes : une fatigue soudaine, un essoufflement, une baisse de poids rapide et des œdèmes. Ces signes sont insuffisamment connus de la population, voire, parfois, du corps médical.

Deuxièmement, nous proposons d’améliorer la prise en charge à la sortie de l’hôpital pour les patients insuffisants cardiaques. Vous savez que, depuis une dizaine d’années, nous développons des programmes d’accompagnement de la sortie d’hôpital – c’est le programme Prado, qui a d’abord concerné la maternité. Nous voulons monter en charge très rapidement dans les dix-huit prochains mois sur le programme Prado pour qu’au moins un tiers des patients insuffisants cardiaques qui sortent de l’hôpital soient accompagnés par les professionnels de santé de ville. Trop de patients insuffisants cardiaques qui sortent de l’hôpital ne voient pas de médecin, cardiologue ou généraliste, dans le mois qui suit leur hospitalisation.

Troisièmement, nous proposons de créer des équipes de soins spécialisés, notamment en cardiologie. Nous avons des acteurs motivés pour le faire. Avoir un point de contact où adresser les patients, une organisation des soins territoriale qui permette de structurer, sur le territoire, une prise en charge, de la télésurveillance, des consultations avancées est une attente à la fois des patients et des médecins généralistes.

Quatrièmement, nous proposons de développer la télésurveillance pour l’ensemble des patients qui présentent une insuffisance cardiaque sévère. Des expérimentations ont été menées dans le cadre de l’article 51 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2018. Nous voulons maintenant les généraliser, y compris sur le fondement de la loi de financement pour 2022.

Nous avons mené un travail important sur la situation sanitaire des femmes enceintes et de la petite enfance, qui a permis d’établir un certain nombre de constats plus ou moins bien connus : un gradient social important en termes d’exposition des femmes enceintes à des risques comme le tabac et l’alcool ; un suivi des enfants encore trop hétérogène ; une consommation de médicaments trop importante, par rapport à d’autres pays, pour les enfants de moins de six ans ; des examens obligatoires insuffisamment réalisés ou des suivis insuffisants.

Cela justifie trois propositions de notre part.

La première vise à améliorer l’accompagnement des femmes pendant la grossesse et après l’accouchement. Il s’agit d’encourager les femmes à choisir une sage-femme référente – nous finalisons une négociation avec les sages-femmes à ce sujet –, de prévenir la dépression post-partum, avec un nouvel entretien post-natal – c’est le sens du programme « 1 000 premiers jours » que nous déployons – et de permettre aux sages-femmes de prescrire des soins de psychologie, dans le cadre du dispositif MonPsy, qui a été ouvert par la loi de financement de l’année dernière aux médecins, mais pas encore aux sages-femmes.

Notre deuxième proposition consiste à systématiser le repérage à l’école des troubles du langage et des troubles visuels pour tous les enfants de trois ans. Depuis deux ans, nous avons engagé des expérimentations avec les orthophonistes, les orthoptistes et l’éducation nationale pour organiser la formation des professionnels de l’éducation nationale et leur permettre d’adresser aux orthophonistes et aux orthoptistes les enfants dont ils identifient les risques de troubles visuels et du langage. Cette expérimentation permet une meilleure qualité d’adressage vers les professionnels de santé de ville et une identification plus rapide et précoce des troubles concernés. Nous voulons la systématiser sur l’ensemble des territoires dans les deux ans à venir.

Notre troisième proposition tend à faire de Mon espace santé le vrai carnet de santé numérique de l’enfant. Alors que nous avons lancé le dispositif en février dernier, la quasi-totalité de la population française a désormais un espace santé ouvert. De fait, très peu d’assurés se sont opposés à la création de ce dernier, qui, s’il n’avait pas été activé par l’assuré lui-même, l’a été par un mécanisme d’opt-out après un peu plus de six semaines. Cet espace santé peut et doit devenir le vrai carnet de santé numérique de l’enfant, pour permettre aux parents d’avoir un carnet de santé facilement accessible et aux professionnels de santé de le remplir de façon dématérialisée, et pour nous permettre d’améliorer à la fois le suivi des examens réalisés et le suivi épidémiologique des enfants et de mener les actions correctrices qui découleront de ce suivi amélioré.

Comme chaque année, nous avons réalisé deux analyses sectorielles : l’une sur la biologie médicale, l’autre sur l’accès aux médicaments innovants.

Le rapport met en avant la très forte concentration du secteur de la biologie médicale depuis dix ans. Aujourd’hui, près de six groupes représentent plus de 60 % de la dépense de biologie médicale. Cette concentration s’est accompagnée d’un maintien de la densité du nombre de sites de laboratoires de biologie médicale : 4 160 en 2021, contre 4 060 en 2019. Ces chiffres sont très satisfaisants en termes d’accès aux soins. La concentration s’est surtout accompagnée d’une augmentation significative de la rentabilité du secteur. La biologie médicale en France, comme dans d’autres pays européens, est un secteur économique très rentable, puisqu’elle présente un ratio excédent brut d’exploitation-chiffre d’affaires de l’ordre de 19 %. Bien évidemment, la crise covid a fortement augmenté le chiffre d’affaires des laboratoires de biologie et contribué à accroître encore leur rentabilité, laquelle s’est élevé, dès 2020, à 23 %. Il est probable que ce niveau de rentabilité se soit confirmé en 2021, voire en 2022, malgré les baisses de prix des tests PCR que l’assurance maladie a réalisées depuis mai 2020.

Nous proposons de changer le pilotage financier du secteur, de faire de la convention avec les biologistes une vraie convention au sens de l’assurance maladie, avec de la maîtrise médicalisée des dépenses, des missions de santé publique confiées aux biologistes et une évolution du pilotage tarifaire qui passe par des enveloppes dédiées à l’innovation – des innovations en matière de biologie doivent passer du secteur hospitalier au secteur de ville. Il faut aussi des ajustements tarifaires. Nous proposons de baisser les tarifs de la biologie dans les prochaines années, pour un montant, dès 2023, de 180 millions d’euros. Ces baisses devraient se poursuivre dans les années à venir.

Le second zoom thématique du rapport porte sur l’accès aux médicaments innovants. Depuis plusieurs années, un certain nombre d’études sont parues qui pouvaient montrer une forme de retard de la France dans ce domaine par rapport à nos voisins européens. Il nous est apparu que ces travaux d’analyse étaient en réalité imparfaits, puisqu’ils ne prenaient pas en compte les dispositifs d’accès précoces, notamment les dispositifs d’autorisation temporaire d’utilisation (ATU), qui permettent, dans notre pays, un accès rapide à des médicaments innovants pour beaucoup d’assurés et de traitements.

Nous avons lancé une étude, en coopération avec trois pays voisins, l’Allemagne, l’Italie et l’Espagne, sur 12 médicaments innovants, notamment des anticancéreux. Dès lors que l’on intègre les dispositifs d’accès précoce, on voit que les performances du système français sont bien meilleures que ce que les études pouvaient laisser croire. Si notre pays est un peu moins bon que l’Allemagne, qui a un système particulier de négociations, il est bien meilleur que l’Italie ou l’Espagne. Nous proposons, sur cette thématique, de nous doter d’un système d’observation qui prenne en compte justement l’ensemble des dispositifs d’accès précoces et qui soit partagé avec l’ensemble des pays européens.

Le quatrième fil rouge, et sans doute l’un des plus importants du rapport, est l’accès – financier et territorial – aux soins.

S’agissant de l’accès financier, le rapport fait un point détaillé sur le 100 % Santé et montre des résultats très satisfaisants, notamment sur le dentaire et sur l’audioprothèse, avec des taux de pénétration des paniers 100 % Santé très significatifs et une augmentation du recours aux soins dans ces deux champs très importants. Le bilan est plus nuancé sur l’optique, même s’il ne faut pas négliger l’intérêt du dispositif 100 % Santé notamment pour les bénéficiaires de la complémentaire santé solidaire (C2S), à qui il a permis d’accéder à une diversité et à une qualité de l’offre meilleures, qu’il s’agisse des montures ou des verres. Je rappelle que l’assurance maladie a engagé à la fois une campagne d’accompagnement des opticiens – nous sommes allés à la rencontre de plus de 10 000 magasins d’optique à l’automne 2021, pour leur rappeler les règles du jeu du 100 % Santé – et, depuis le début de l’année, une campagne de contrôle de près de 200 magasins d’optique, laquelle a abouti à une centaine de procédures, de sanctions ou de pénalités financières pour non-respect du cahier des charges du 100 % Santé, notamment de la présentation des devis et de l’information en magasin des assurés.

Nous proposons d’élargir la démarche à d’autres champs de l’offre de soins. Les conditions ne sont pas forcément réunies pour qu’il s’agisse de 100 % Santé stricto sensu, mais il convient de travailler sur des mécanismes permettant de diminuer le reste à charge des patients. Nous proposons d’y travailler dans trois domaines : les prothèses capillaires, à savoir le financement de perruques pour les femmes en post-chimiothérapie, pour lesquelles nous notons des restes à charge importants du fait de la classification des différentes prothèses, avec des tarifs parfois élevés – nous proposons, en l’occurrence, un élargissement du dispositif 100 % Santé classique, avec un prix limite de vente permettant de faire du zéro reste à charge ; les semelles orthopédiques, pour lesquelles nous avons encore un travail important à opérer sur la nomenclature ; l’orthodontie.

Sur ce dernier sujet, le plus important en nombre de personnes concernées et en dépenses, nous notons des restes à charge élevés, notamment pour les familles avec enfants ou adolescents, avec des taux de dépassement extrêmement dynamiques et quasi mécaniques. Ainsi, depuis 2013, les taux de dépassement progressent de 3,5 % par an. Ils étaient de 217 % en 2013 et de 244 % en 2021, les tarifs étant parfois élevés dans certains départements de la région parisienne ou certaines grandes métropoles. S’agissant de l’orthodontie, il serait sans doute déraisonnable de vouloir faire un 100 % Santé « classique », puisque cela exposerait les complémentaires à des dépenses très élevées sans que ce soit forcément extrêmement pertinent, mais il nous semble utile de réfléchir avec les acteurs – chirurgiens-dentistes, orthodontistes – et les assureurs complémentaires à une façon de mieux réguler les tarifs du secteur. Faut-il mettre un prix limite de vente ? Faut-il mieux différencier ce qui relève de l’esthétique de ce qui relève du soin, même si c’est un peu compliqué ? Comment faire en sorte de diminuer les restes à charge des familles ?

Pour améliorer l’accès territorial aux soins, qui, me semble-t-il, répond, lui aussi, à un certain nombre de vos préoccupations, nous avons fait trois séries de propositions.

La première tourne autour de l’idée de fournir à l’ensemble des acteurs une vraie boîte à outils pour garantir un meilleur accès à un médecin traitant dans le contexte de diminution de la densité des médecins généralistes. Il s’agit d’essayer de construire autour des médecins traitants une vraie équipe de soins – avec un assistant médical, une infirmière, éventuellement une infirmière en pratique avancée (IPA), une infirmière Asalée... –, d’alléger la charge administrative des médecins, de déployer des protocoles de coopération, de promouvoir les délégations de tâches. Au vu des premiers résultats, prometteurs, du dispositif des assistants médicaux, avec des augmentations de file active et de patientèle médecin traitant de 5 à 10 %, nous pensons qu’il est possible de faire gagner aux médecins traitants un temps extrêmement précieux, de leur permettre de travailler mieux et de prendre en charge davantage de patients avec une équipe de soins autour d’eux.

La deuxième proposition pour lutter contre les inégalités territoriales de santé vise à organiser la présence de médecins spécialistes libéraux dans les zones sous-denses, avec des consultations avancées régulières en dehors de leur cabinet dans des endroits sous-denses. Il s’agit de faire en sorte qu’un médecin spécialiste assure une à deux demi-journées tous les quinze jours dans des communes dotées de peu de médecins spécialistes, en complément de son activité. Cela me semble à la fois souhaitable et possible pour améliorer l’accès aux soins spécialisés, ce qui sera sans doute l’un des sujets de la négociation conventionnelle à venir. Au reste, il convient de simplifier et de rendre plus lisibles les contrats d’aide à l’installation en zones sous-denses, avec, si possible, un contrat unique d’installation dans ces zones, même si cette solution n’est sans doute pas la seule pour faire face aux enjeux de la démographie médicale et de la répartition des médecins sur le territoire.

La troisième proposition concerne la téléconsultation. Si celle-ci s’est installée dans le paysage de l’organisation des soins, elle mérite, selon nous, un cadre plus structuré. Certaines pratiques ne sont pas complètement satisfaisantes. Nous proposons notamment d’avancer sur quatre idées.

Premièrement, il faut mieux faire connaître la possibilité de procéder à des téléconsultations assistées, qui permettent notamment à un infirmier d’aller au domicile des patients et de faire une téléconsultation avec un médecin traitant. Les médecins traitants auront, dans les prochaines années, peu de temps pour se déplacer davantage à domicile. Le dispositif de la téléconsultation assistée bénéfice d’ores et déjà de tarifs dédiés.

Deuxièmement, il faut créer un vrai statut ad hoc d’offreurs de télémédecine. Aujourd’hui, les plateformes de télémédecine et les télécabines se développent. Cela mérite pour nous – c’est un constat et une proposition assez largement partagée avec les équipes du ministère de la santé – un vrai statut, plus clair, plus transparent, davantage gage de qualité et prévoyant des obligations de qualité et d’organisation, puisque l’on voit se développer des pratiques quelque peu condamnables.

Troisièmement, nous proposons de supprimer la prise en charge des arrêts de travail prescrits en téléconsultation quand ils ne le sont pas par le médecin traitant du patient. Nous voyons des dérives significatives, avec des assurés qui font jusqu’à quatre ou cinq téléconsultations pour obtenir un arrêt de travail. Il nous semble préférable qu’un arrêt de travail qui ne serait pas prescrit par le médecin traitant qui connaît le patient soit prescrit à l’issue d’un échange physique, dans le cabinet d’un médecin, et non de quelques clics sur une plateforme de téléconsultation. En 2021, près de 200 000 téléconsultations ont abouti à une prescription d’arrêt de travail non délivrée par le médecin traitant, pour un montant de 95 millions d’euros, et il est probable que ce volume et ce montant aient vocation à augmenter très significativement si nous n’instaurons pas les garde-fous nécessaires.

Notre quatrième proposition vise à soutenir et accélérer le développement des organisations territoriales de téléconsultation. Un certain nombre de communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS) se sont notamment inscrites dans cette démarche. Cela nous semble un bon compromis entre l’accès à une téléconsultation et le maintien d’un lien avec le territoire.

Notre dernière proposition sur ce bloc consiste évidemment à participer à la mise en œuvre des mesures d’urgence sur les soins non programmés ainsi qu’à leur évaluation, qui aura lieu à la fin de l’été. Nous devrons en tirer des enseignements de manière pérenne.

Je termine par le dernier chapitre du rapport – ce n’est pas le moins important –, consacré à l’efficience et à la pertinence des soins et au « paquet d’économies », si j’ose dire. Nous avons souhaité situer ce travail résolument dans un cadre pluriannuel. Nous avons souhaité mieux différencier, dans nos propositions, les économies de court terme, liées notamment à des opérations de maîtrise médicalisée et de contrôle qui auront un rendement immédiat en 2023, d’actions de plus long terme, qui peuvent avoir un impact économique faible à très court terme, mais vont monter en puissance dans les années à venir, et le faire en lien avec nos fils rouges. Nous avons donc construit un tableau, avec des économies liées à l’approche par pathologie et à l’approche par population et une description plus classique d’économies en matière d’efficience, de pertinence, de contrôle et de lutte contre la fraude.

Tout cela aboutit à un montant de 1,2 milliard d’euros : 160 millions d’euros d’actions structurelles – fondées sur les pathologies, les parcours de soins, la prévention –, 750 millions d’euros d’actions d’efficience et de pertinence et 300 millions d’euros d’actions de contrôle et de lutte contre la fraude, avec une augmentation significative – de près de 25 % – de nos objectifs de lutte contre la fraude.

Nous avons identifié des sujets prioritaires d’action sur les produits de santé, avec les médicaments biosimilaires, la prévention de l’antibiorésistance, le renforcement de notre plan d’action général sur les arrêts de travail, la relance des travaux sur la pertinence en matière d’imagerie médicale, et, je l’ai dit, le renforcement de la lutte contre la fraude, notamment des facturations inadéquates des professionnels de santé, dans la continuité des travaux que j’ai pu présenter à la commission il y a quelques semaines sur l’évaluation de la fraude, en particulier de la part des infirmiers libéraux.

Voilà, madame la présidente, une rapide présentation des propositions du rapport « charges et produits » pour 2023.

Mme Catherine Deroche, présidente. – Merci, monsieur le directeur.

Le rapport est très dense et contient beaucoup de propositions. Certaines rejoignent des propositions que nous avons pu faire dans le cadre de différentes commissions d’enquête ou missions d’information du Sénat.

Je vais tout de suite passer la parole à Corinne Imbert, rapporteure pour la branche assurance maladie.

Mme Corinne Imbert, rapporteure pour la branche assurance maladie. – Merci, monsieur le directeur, pour votre présentation et pour la synthèse du rapport, dont j’ai beaucoup apprécié la facilité de lecture.

Le déficit est historique : ce serait le troisième plus important de l’histoire, avec 20 milliards d’euros pour 2022. Vous écrivez dans le rapport que la branche maladie est confrontée à un déficit inédit et durable. Peut-on envisager, un jour, un retour pérenne à l’équilibre financier ? Nous y étions presque, mais il y a eu la crise, l’augmentation de la contribution sociale généralisée (CSG), le mouvement des « gilets jaunes », les mesures prises... Le projet de loi pouvoir d’achat va aussi priver la sécurité sociale d’un certain nombre de recettes. Faut-il se résoudre à ce que la sécurité sociale soit toujours en déficit ?

Je suis sensible au fait que vous ne nous ayez pas assommés de chiffres, mais les chiffres sont importants quand on parle de charges et de produits. Avez-vous évalué le coût des différentes mesures annoncées pour cet été par le ministre de la santé et de la prévention ?

Concernant la lutte contre les déserts médicaux, vous avez évoqué un meilleur accès territorial aux soins, autour du médecin traitant. Or, aujourd’hui, un certain nombre de patients n’en ont pas. De quelles marges de manœuvre la CNAM dispose-t-elle sur ce sujet ? Envisagez-vous, par exemple, de créer des centres de santé avec des médecins salariés par l’assurance maladie ?

Je n’ai pas vu beaucoup de propositions sur l’hôpital. Vous aviez évoqué, devant la commission d’enquête sur l’hôpital, l’évolution de la nomenclature des actes hospitaliers. Où en est-on de la rationalisation de cette nomenclature, mais aussi de la revalorisation de certains actes ? Plus largement, vous aviez évoqué, devant la commission, en fin d’année dernière, l’objectif de rendre les nomenclatures plus souples et adaptatives afin de mieux intégrer les innovations thérapeutiques. Y a-t-il eu des avancées dans ce domaine ? Quelles évolutions sont envisagées en matière de financement ? De quelle prévisibilité disposez-vous sur la trajectoire des ressources et l’évolution des tarifs ? S’il ne vous appartient pas de fixer l’objectif national de dépenses d’assurance maladie (Ondam), comment voyez-vous les choses ? Qu’en est-il de l’expérimentation d’un nouveau mode de financement de l’hôpital ?

Vous avez fait de la question de la santé de la mère et de l’enfant une priorité de vos actions. Comment allez-vous vous coordonner avec les services de protection maternelle et infantile (PMI) des conseils départementaux ?

Vous proposez d’élargir le 100 % Santé dans trois domaines : perruques, semelles orthopédiques, orthodontie. Pensez-vous que ces propositions seront suivies par le Gouvernement ? En avez-vous chiffré le coût ?

Concernant la « grande sécu », la Caisse nationale d’assurance maladie a-t-elle des projets de redéfinition de ses missions, d’évolution de ses prises en charge ? Vous êtes déjà une « grande sécu » pour certains assurés, avec la complémentaire santé solidaire. Quel bilan la caisse tire-t-elle de cette gestion d’une complémentaire ?

Enfin, pouvez-vous nous en dire plus sur le contrôle des centres dentaires ? L’Assemblée nationale avait, sur ce sujet, voté un amendement au projet de loi de financement de la sécurité sociale l’année dernière, mais nous l’avions supprimé parce qu’il était en dehors du champ du PLFSS. Les dérives importantes dénoncées ont-elles été objectivées ? Pourriez-vous nous fournir le nombre de contrôles d’ores et déjà engagés en 2022 et les suites réservées aux anomalies constatées ?

M. Thomas Fatôme. – S’agissant des perspectives financières, nous étions tout proches de l’équilibre en 2019 et dans les premiers mois de 2020, après une décennie de maîtrise des dépenses et d’affectation de recettes à l’assurance maladie qui avait permis un redressement après la crise financière de 2008-2009. Nous sommes, en quelques mois, repartis sur des déficits historiques. Ces déficits sont en réduction rapide, puisqu’ils sont passés de 30 milliards d’euros à moins de 20 milliards d’euros, en perspective, en 2022, mais ils constituent évidemment un défi pour la soutenabilité de l’assurance maladie. Je ne pense pas que le maintien durable de déficits de ce niveau de l’assurance maladie soit soutenable. Chaque année de déficit représente une augmentation de la dette et, même si une partie des « déficits covid » est, d’une certaine manière, d’ores et déjà financée par l’allongement de la durée de vie de la Caisse d’amortissement de la dette sociale (Cades) à l’horizon 2033, il est bien évident que cet allongement ne couvrira pas les déficits cumulés que nous connaîtrons dans les années à venir.

Cette situation justifie fondamentalement l’engagement déterminé de notre institution dans les programmes d’action en matière d’efficience et de pertinence des soins. 1,2 milliard d’euros de mesures pour 2023, c’est faible compte tenu du montant du déficit, mais, si nous parvenons déjà à mettre en œuvre l’ensemble de ces mesures, je crois que nous aurons fait œuvre utile. Cela dit, aucune d’entre elles n’est complètement facile à mettre en place à court ou moyen terme, et, dans le contexte actuel, un plan massif d’économies en matière de santé serait évidemment totalement hors de propos.

Par ailleurs, il est clair que le pilotage des dépenses, des finances et de l’équilibre de l’assurance maladie s’inscrit dans le cadre plus général des finances sociales, et d’abord des finances publiques au sens large. Le Gouvernement aura, dans les prochaines semaines, au travers à la fois du programme de stabilité qu’il va bientôt adresser à Bruxelles et de la présentation, à la rentrée, des projets de loi de finances et de financement, l’occasion de préciser la programmation des finances publiques pour les prochaines années. L’assurance maladie et les retraites connaissent un déficit élevé et appelé à durer ; d’autres branches de la sécurité sociale connaissent une situation plus favorable. Notre mission est de garantir que, dans ce contexte de déficit élevé, chaque euro dépensé du côté de l’assurance maladie le soit de façon efficace. Nous savons – le rapport le montre encore cette année – que nous avons des champs et des leviers pour lutter contre cette inefficience.

J’aurais du mal à procéder à une évaluation ex ante du coût des mesures d’urgence : il est évidemment extrêmement dépendant des conditions dans lesquelles les acteurs vont se saisir des différents dispositifs, qu’il s’agisse de l’amélioration de la rémunération de la régulation ou des 15 euros par médecin effecteur de soins non programmés. Par ailleurs, c’est le ministère de la santé qui consolide l’ensemble de ces chiffres.

Les dépenses les plus importantes ne sont pas forcément là où on les attend. Ainsi, l’un des principaux postes de dépenses pour l’assurance maladie est le maintien, dans les trois prochains mois, de la prise en charge à 100 % de la téléconsultation : avec environ 1 million de téléconsultations par mois, la prise en charge du ticket modérateur représentera, sur la période, une dépense de 18 millions d’euros. Il y a aussi, du côté de l’hôpital, des dépenses que nous ne mesurons pas, notamment liées aux mesures sur la nuit qui ont été décidées.

Bien évidemment, nous participerons, sous l’autorité du ministre, au suivi précis de l’impact des mesures et au bilan ex post. En revanche, je ne dispose pas d’éléments consolidés permettant de procéder de manière satisfaisante à un chiffrage ex ante.

Pour ce qui concerne les mesures d’accès aux soins, nous considérons qu’il y a, dans le champ de l’assurance maladie, de nombreux leviers à activer. Nous n’avons pas du tout le sentiment d’être impuissants par rapport aux déserts médicaux.

Je veux vous en donner un exemple chiffré. Aujourd’hui, en France, un médecin traitant prend en charge un peu plus de 1 000 patients. Les médecins généralistes travaillent plus de 50 heures, dont plus de 45 heures devant les patients, mais ils prennent moins de patients en charge que leurs confrères des autres pays européens, parce qu’ils n’ont pas d’équipe autour d’eux. Un calcul purement théorique montre que, pour que chaque Français ait un médecin traitant dans les prochaines années, la patientèle moyenne doit monter à 1 220. Ce n’est pas hors de portée : il suffit de regarder l’évolution de l’activité des médecins traitants qui ont choisi d’avoir un assistant médical... On gagne du temps médical en mettant auprès des médecins des professionnels qui leur permettent de prendre en charge plus de patients.

Que se passe-t-il là où il n’y a pas de médecin traitant ? Nous pensons que la structuration des équipes de soins autour des médecins traitants peut à la fois consolider l’offre sur les zones territorialement fragiles et ramener potentiellement des médecins là où ils ne s’installent pas par peur d’une activité déraisonnable. La structuration des CPTS, la structuration d’appuis aux cabinets généralistes, la simplification des tâches administratives, l’amélioration des outils numériques, la téléconsultation, l’envoi de médecins spécialistes en zones sous-denses constituent un ensemble de leviers qui peuvent prendre le relais du médecin traitant.

Pourquoi y a-t-il un déficit de médecins traitants, par exemple dans le département de la Manche, que je connais bien ? Parce qu’il n’y a pas de médecins spécialistes. Si demain, des demi-journées de consultations avancées – de dermatologie, de gynécologie, de cardiologie... – sont organisées, on donnera aux médecins les conditions pour qu’ils puissent s’installer avec une équipe de soins.

Je pense que nous ne mesurons pas assez collectivement l’impact des changements démographiques des professions de santé qui ont eu lieu depuis vingt ans et qui vont advenir dans les dix prochaines années. En vingt ans, le nombre d’infirmiers libéraux a doublé : il est passé de 50 000 en 2000 à 100 000 aujourd’hui. Il a augmenté beaucoup plus vite que la population protégée, que le vieillissement de la population, que le nombre d’affections de longue durée (ALD). C’est une bonne nouvelle. Les projections de la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees), de l’Observatoire national de la démographie des professions de santé (ONDPS), du Haut Conseil pour l’avenir de l’assurance maladie (HCaam) montrent qu’il y aura 30 000 à 50 000 infirmiers libéraux de plus dans notre pays à l’horizon 2030. C’est considérable.

Nous pouvons donc construire des équipes de soins auprès des médecins, comme cela se fait dans d’autres pays.. Cela doit se faire dans un double mouvement, avec davantage de délégations de tâches, mais de manière organisée, en en tirant les enseignements en termes de modèle économique. C’est la raison pour laquelle nous sommes en train de finaliser avec les syndicats d’infirmiers libéraux une négociation sur les IPA. Aujourd’hui, le modèle économique pour les IPA en libéral ne fonctionne pas bien. Nous voulons les valoriser davantage, augmenter les forfaits de suivi, accroître leur file active, leur permettre de suivre des patients ponctuels et leur donner les moyens d’avoir une activité pérenne, en lien avec les médecins traitants, avec un modèle économique plus stable.

Nous pensons que nous pouvons agir. Bien évidemment, certains leviers ne sont pas dans notre main : d’autres types de mesures relèvent du législateur et du Gouvernement. Je me situe, à ce stade, dans un champ conventionnel conforme à ce qui existe aujourd’hui.

Vous m’avez interrogé sur la réforme de la nomenclature. Le Haut Conseil des nomenclatures est désormais totalement installé. Il est au travail, avec près d’une quarantaine de comités par famille d’actes, qui ont commencé à travailler à construire la nouvelle hiérarchisation, avec pour objectif que la nouvelle nomenclature soit plus souple. Ce travail est extrêmement lourd et sera sans doute complexe techniquement et financièrement. La nouvelle hiérarchisation montrera que certains actes coûtent aujourd’hui beaucoup moins cher que d’autres ; à l’inverse, il faudra prendre en charge des actes innovants qui, potentiellement, coûteront plus cher. Il faudra avoir en tête cet équilibre à construire dans la discussion avec nos partenaires conventionnels.

Je rappelle que l’assurance maladie n’est évidemment pas en première ligne sur le sujet de la réforme du financement de l’hôpital. C’est avant tout le ministère de la santé qui pilote les réformes du financement. Vous savez que la réforme de la psychiatrie est déjà implémentée et que celle des soins de suite et de réadaptation (SSR) est prévue pour 2023. Pour notre part, nous travaillons, dans le cadre de l’article 51, à différentes expérimentations pour faire bouger les règles du jeu du financement à l’hôpital. Je pense notamment aux travaux d’expérimentation sur le financement à l’épisode de soins pour certaines prises en charge – prothèse de hanche programmée, prothèse de genou… La réflexion avance sur ces sujets.

Dans le rapport, nous proposons notamment de renforcer la place du financement de la qualité dans le financement hospitalier comme dans celui des soins de ville, d’avoir les mêmes indicateurs pour les dispositifs de financement de la qualité en ville et à l’hôpital, d’expérimenter des logiques de bonnes pratiques pour mieux valoriser le financement de la qualité, via le recueil d’indicateurs.

S’agissant de la prise en charge des enfants et des familles, nous souhaitons fortement essayer de resserrer les liens avec les équipes de la protection maternelle et infantile et voir sous quelles modalités – juridiques, financières, conditions de systèmes d’information... – nous pouvons accompagner cette activité. Nous pensons qu’un renforcement de la coordination entre les équipes de la PMI et les soins de ville est de nature à améliorer la qualité de la prise en charge des enfants.

Sur le 100 % Santé, je ne vais évidemment pas parler à la place des équipes ministérielles, mais, comme vous l’imaginez, nous n’avons pas totalement sorti de notre chapeau les propositions de « charges et produits » : nous avons discuté avec les équipes en charge de ces thématiques. Et je crois que, compte tenu du succès du 100 % Santé, l’objectif de diminuer les restes à charge et d’identifier les champs dans lesquels on pourrait engager une démarche qui s’en inspire, sans forcément la reproduire strictement, est assez largement partagé dans les équipes de François Braun et d’Agnès Firmin Le Bodo.

Nous assumons de plus en plus de dossiers de gestion de la C2S « payante » : l’assurance maladie gère aujourd’hui 61 % des bénéficiaires – 820 000, sur 1,3 million. Cette part est en assez forte augmentation depuis dix-huit mois, un certain nombre d’organismes complémentaires ayant décidé de ne pas poursuivre leur participation à la gestion de la C2S.

S’agissant de la « grande sécu », s’inspirer, là aussi, du 100 % Santé, avec une articulation organisée des assureurs public et privés, nous semble une voie cohérente. Celle-ci avait d’ailleurs déjà été évoquée dans le rapport du Hcaam. Nous continuerons à diminuer les effectifs, donc à baisser significativement les frais de gestion de l’assurance maladie obligatoire, ce que n’ont pas fait les organismes complémentaires ces vingt dernières années.

Je vous confirme notre forte mobilisation sur le contrôle des centres de santé dentaires et ophtalmologiques. Plus d’une vingtaine de dépôts de plainte ont déjà été enregistrés s’agissant des centres visuels. Des dépôts de plainte, des procédures ordinales ou de déconventionnement sont également engagés à l’encontre de centres dentaires. Nous avons significativement augmenté notre volume de contrôle ces derniers mois. Nous avons construit une cellule nationale dédiée aux seuls centres dentaires ; plus d’une quarantaine de contrôles sont en cours et des contrôles coordonnés entre l’agence régionale de santé (ARS) et l’assurance maladie sont programmés pour le second semestre.

Pour ce qui est des centres de santé visuelle, nous avons à la fois engagé une démarche de contrôle sur les centres où les soupçons de fraude étaient les plus importants et réenclenché une sensibilisation avant contrôle, puisque nous avons écrit à plus d’une soixantaine de centres pratiquant des tarifs moyens élevés pour les inciter vivement à ajuster leurs pratiques, faute de quoi nous engagerons des contrôles. Nous avons par ailleurs enrichi l’avenant que nous avons signé avec les centres de santé voilà quelques mois d’un renforcement du cahier des charges : il s’agit de mettre en place le conventionnement explicite qui a été voté par la loi, de lui donner davantage de contenu sur les contrats de travail et l’activité des professionnels, et de marquer notre capacité à engager des sanctions plus rapidement dès lors que nous enregistrerions des dérives.

Pour autant, je ne pense pas que nous soyons complètement au bout d’une régulation plus efficace de l’installation des centres de santé visuelle et dentaire – une partie des dispositifs avaient été censurés par le Conseil constitutionnel au motif qu’ils constituaient des cavaliers législatifs –, qui, aujourd’hui, s’installent de façon trop dynamique, sans relation avec les besoins de santé de la population et sans que ces créations ne soient toutes motivées par une amélioration de l’accès aux soins.

Nous allons continuer à amplifier nos actions de contrôle. Nous sommes extrêmement déterminés sur ce point, mais sans doute faudra-t-il, avec le Gouvernement et le Parlement, essayer d’aller plus loin dans les mécanismes de régulation.

Mme Catherine Deroche, présidente. – Merci, monsieur le directeur. Je donne la parole aux commissaires pour une première série de questions.

M. Jean Sol. – Ma collègue Victoire Jasmin et moi-même avons rendu, à la fin de l’année dernière, un rapport d’information sur les effets de l’épidémie de covid-19 sur la santé mentale des Français. Nos préoccupations étaient importantes, les enquêtes épidémiologiques indiquant notamment de hauts niveaux d’anxiété et d’états dépressifs. Où en sommes-nous, d’après les indicateurs que la CNAM peut suivre par l’intermédiaire du système national d’information interrégimes de l’assurance maladie (Sniiram) ? Combien de consultations de psychiatres et de psychologues ont-elles été remboursées, pour combien de patients ? Concernant les médicaments, avec le groupement d’intérêt scientifique Epi-Phare, dont la CNAM est membre, quelles tendances constatez-vous, par exemple sur la consommation de psychotropes ?

Tirant les conséquences de l’impact de la pandémie et des lacunes persistantes de l’offre de soins en santé mentale, la loi de financement de la sécurité sociale pour 2022 a prévu la prise en charge par l’assurance maladie de séances d’accompagnement par un psychologue. Comment ce dispositif est-il mis en œuvre, et quel premier bilan pouvez-vous en tirer ? Combien de psychologues ont-ils, à ce jour, sollicité un conventionnement spécifique avec l’assurance maladie ? Combien de patients en ont-ils déjà bénéficié, et quel est leur profil ? Avaient-ils déjà auparavant consulté un psychologue ou un psychiatre ? Le nombre de séances prévues est-il entièrement mobilisé ?

Enfin, nous avions indiqué, dans notre rapport, que la nécessité pour le patient d’être adressé par un médecin pour bénéficier de cette prise en charge soulevait des questions. D’après les retours du terrain, le dispositif ne semble pas toujours connu des médecins et des patients. Avez-vous un retour qualitatif, et cette prise en charge a-t-elle été évaluée ?

Mme Florence Lassarade. – Monsieur le directeur, nous avons beaucoup parlé de prévention ces dernières années, mais vous n’avez pas vraiment évoqué ce sujet. En tant qu’ancienne pédiatre, je m’interroge sur les chiffres de la mortalité infantile en France, qui sont parmi les pires en Europe.

Les pédiatres remplaceront sans doute aisément le carnet de santé par un espace santé numérique. Ils sont spécialistes de la non-prescription d’antibiotiques, mais ils ne sont pas spécialement identifiés comme médecins traitants. Quelles sont vos relations avec l’Association française de pédiatrie ambulatoire ? Recourez-vous à cette structure, qui a anticipé de nombreux sujets concernant la santé de l’enfant, en matière d’orthodontie ou de psychiatrie notamment ?

Pourriez-vous nous donner des précisions sur le nouveau dispositif MonPsy ? Des psychiatres de Gironde m’expliquaient que des structures se mettaient en place ; pourriez-vous développer davantage ?

En grande partie, les arrêts de travail prescrits en téléconsultation ont été liés à l’épidémie de covid. Dans les chiffres que vous nous indiquez, pouvez-vous distinguer les arrêts de travail liés à l’épidémie de covid de ceux qui sont liés à d’autres motifs ?

Tant que le tarif de consultation demeure fixé à 25 euros pour des spécialités peu techniques mais très cliniques, comme la pédiatrie, est-il toujours pertinent que la valorisation des actes médicaux passe par un système de « bons points » de la rémunération sur objectifs de santé publique (ROSP), avec une vérification que l’on a prescrit les « bons » médicaments ? Ce système n’est-il pas totalement obsolète, et ne faudrait-il pas le revoir ?

On nous avait déjà parlé de rendement des consultations, et on avait demandé que les médecins passent de quatre à six consultations par heure. Vos remarques me semblent du même ordre lorsque vous dites que la patientèle des médecins traitants doit être plus importante. Je suis la première concernée par le problème, car je n’ai toujours pas réussi à trouver un médecin traitant. La notion de médecin référent ne devrait-elle pas sauter, en définitive, car c’est elle qui empêche un médecin de prendre en charge des malades supplémentaires ?

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale. – Je vous ai écouté avec beaucoup d’attention, mais j’ai l’impression que le baromètre est cassé. Je salue le remarquable travail technique mené par vos équipes, mais, entre ce que vous nous décrivez et le terrain, il n’y a rien à voir. Tout le monde nous rapporte le manque de personnels de santé, les difficultés de coordination et de mise en œuvre de vos propositions.

Les outils que vous nous présentez semblent parfaits, mais comment les mettre en œuvre ? Votre stratégie n’est possible que si nous avons des hommes et des femmes sur le terrain. Je voulais vous faire part de ce décalage.

Tout se passe comme si, dans le chaos dans lequel nous sommes plongés, on ne voyait même plus l’excellence du système de santé français, qui est pourtant bien réelle. Tout se passe comme dans Où est Charlie ? : on cherche l’excellence de la prise en charge de la santé en France, et on ne la voit plus.

Je le regrette, car les élus locaux ont fait des efforts considérables pour mettre en œuvre certaines mesures, alors que le sujet de la santé a été au centre des préoccupations des deux dernières campagnes électorales. Nous devons relever, tous ensemble, cet énorme défi. Je salue la qualité de votre travail, ainsi que le travail des professionnels de santé, qui font le maximum. Mais quelque chose s’est cassé, et il faut, le plus vite possible, retrouver Charlie et l’excellence de la santé en France !

Concernant les dispositifs numériques innovants permettant de soulager la douleur, il me semble qu’un décret est en préparation. Il faut que l’assurance maladie puisse prendre en compte certains dispositifs numériques créés par des start-up. Nous n’avons pas assez travaillé sur ce sujet.

Sur le terrain, j’ai également pu relever des problèmes concernant la prise en charge des fauteuils roulants pour les personnes handicapées. Cela peut prendre jusqu’à cinq ans, et cela fait peur, surtout pour les enfants ! D’après ce que l’on me dit, on fait plus attention au prix qu’à la pathologie, et au fait que l’enfant grandit.

Je suis favorable à vos propositions concernant les équipes médicales, mais je pense qu’il faut plus de temps pour conduire un travail pluridisciplinaire sur un malade : il faut préparer les réunions, analyser les cas, en tirer les conclusions quant à la prise en charge… Cela demande du temps et des moyens humains. La patientèle des médecins traitants ne pourra pas passer de 1 000 à 1 200 patients d’un coup de baguette magique.

M. Bernard Jomier. – Mme Corinne Imbert a rappelé que les exonérations se profilant à l’horizon législatif compliqueront le retour à l’équilibre et aggraveront le déficit de la sécurité sociale, à laquelle on a déjà mis de très lourds boulets aux pieds en transférant la dette sociale à la Cades. Il y a là un choix politique.

Nous connaissons des dérives concernant les téléconsultations, qui font peser une pression quotidienne sur les professionnels prescripteurs, auxquels on demande des arrêts de travail ou des prescriptions ne remplissant plus les conditions de sécurité sanitaire. C’est inquiétant, et je regrette que le remboursement à 100 % des téléconsultations ait été prolongé de trois mois, car cela ne changera rien à la situation des urgences, tout en faisant de la téléconsultation un régime de remboursement préférentiel par rapport à la consultation présentielle.

Je souscris à votre remarque selon laquelle il existe encore des outils pour gagner du temps médical, face à la question de l’offre de soins et des déserts médicaux. Mais nous sommes trop lents et parcimonieux dans leur application ! J’appelle votre attention sur un point : compte tenu de l’instabilité de la situation politique, la tentation autoritaire croît dans notre pays, y compris chez les parlementaires. Concernant les mesures dont nous discutons, elle pourrait finir par déboucher. Or je suis convaincu qu’aucune amélioration n’est à attendre de l’autoritarisme, ou du mythe selon lequel, lorsque les problèmes durent depuis trop longtemps et que tout le monde est exaspéré, la tentation autoritaire constitue une solution. Vous devez tout faire pour que les leviers existants ne restent pas dans la théorie et soient développés sur le terrain, comme Mme la rapporteure générale l’a rappelé.

Vous indiquez dans votre rapport que la prochaine convention médicale sera un rendez-vous important pour l’adoption de dispositifs. Mais avez-vous mis en place des processus pour, en amont de cette convention monocatégorielle ne concernant que les médecins, discuter avec l’ensemble des professionnels de santé concernés ?

À la suite de l’adoption de l’article 51 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2018, certaines expérimentations ont été menées. Vous dites en préparer l’entrée dans le droit commun. Quelles sont les principales lignes des changements envisagés ?

Vous souhaitez récupérer 300 millions d’euros en luttant contre la fraude. Sur le fondement d’arguments sérieux, l’Institut hospitalo-universitaire (IHU) Méditerranée Infection est soupçonné d’une fraude par surfacturation portant sur plusieurs millions d’euros, au détriment de l’assurance maladie et des organismes complémentaires. Avez-vous ouvert une enquête pour attester ces surfacturations ? À l’heure où l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) et l’inspection générale des affaires sociales (IGAS) font enfin leur travail, et alors que leurs rapports sur les dérives de cet IHU sont cinglants et inquiétants, quelles mesures prenez-vous ?

M. Thomas Fatôme. – Le dispositif MonPsy est encore très récent : les psychologues sont rentrés dans le dispositif de conventionnement depuis février, les premières prescriptions et prises en charge ont eu lieu à partir d’avril, et nous ne disposons que de quelques mois de recul. Les premiers retours sont encourageants. Plus de 1 600 psychologues sont aujourd’hui conventionnés pour prendre en charge les patients. Les inscriptions continuent, et la dynamique est favorable : la quasi-totalité des départements étant aujourd’hui couverte. Près de 2 850 médecins ont déjà prescrit des prises en charge, pour un total de 5 500 séances. Je redis mon attachement à ce que cette prescription s’inscrive dans un parcours de soins organisé.

Un effort significatif d’information et d’accompagnement des professionnels concernés a été mis en place. Un mailing spécifique a été conduit en direction des médecins potentiellement prescripteurs. Nous accompagnons les psychologues choisissant de se conventionner. Nous travaillons également avec les ARS pour mieux faire connaître le dispositif. Les professionnels concernés attendaient depuis longtemps la possibilité de proposer des consultations de psychologues sans exposer les patients à des restes à charge.

Dans notre rapport, nous indiquons des éléments préoccupants sur l’impact des confinements successifs et de la crise sanitaire sur la santé mentale : en 2021, la prescription d’antidépresseurs chez les jeunes connaît une augmentation de près de 13 %. Ce signal d’alerte très net doit être pris en compte. Nous allons réengager une campagne d’accompagnement sur la santé mentale auprès des généralistes, afin de généraliser les bonnes pratiques concernant les prescriptions de consultations chez des psychologues ou l’usage de médicaments. Nous développons également les premiers secours en santé mentale dans les milieux universitaires et dans le monde du travail, afin de former à l’identification des troubles et d’améliorer l’accompagnement dans le système de soins.

Madame Lassarade, le rapport contient de nombreuses mesures sur la question de la prévention, notamment concernant la famille et les enfants. L’organisation du dépistage des cancers est une politique de prévention majeure, sur laquelle notre pays est en retard. Nous proposons, dans la continuité des rapports de l’IGAS, d’en simplifier l’organisation et les processus, et de systématiser les démarches d’« aller vers » dans les territoires, en direction des populations les plus éloignées du système de soins.

Concernant les enfants et la pédiatrie, il est nécessaire de soutenir le développement de maisons de santé de l’enfant comprenant des pédiatres ainsi que d’autres métiers de l’enfance, comme des orthophonistes et des orthoptistes. Nous partageons le diagnostic selon lequel la pédiatrie fait partie des spécialités en bas de l’échelle des spécialités dans ce pays, ce qui n’est pas normal. Dans l’avenant 9 à la convention médicale, signé en juillet 2021 et mis en œuvre depuis le mois d’avril 2022, nous avons fortement revalorisé le tarif des consultations pédiatriques, ce qui a provoqué une augmentation inédite de la rémunération annuelle des pédiatres, à hauteur de 5 000 euros en moyenne. Il est probable que l’histoire ne s’arrête pas là : nous devrons continuer cette politique de soutien à la pédiatrie, ainsi qu’à d’autres disciplines comme la psychiatrie : nous avons besoin de spécialités cliniques attractives.

Concernant la mortalité infantile, le diagnostic a été posé par les autorités sanitaires. Les causalités de cet indicateur, qui n’est pas orienté favorablement, sont sans doute multiples et difficiles à établir. Nous participerons à toutes les mesures d’accompagnement, mais je n’ai pas actuellement d’élément nouveau à vous fournir sur ce sujet.

Madame la rapporteure générale, je voudrais dissiper un malentendu : l’assurance maladie est consciente des difficultés traversées par notre système de santé, de la violence du choc porté par le covid et de ses effets à court ou à moyen terme sur la santé mentale ou les hospitalisations programmées. Plusieurs programmes de prévention ont été plus ou moins stoppés, l’activité des professionnels a été perturbée. Le choc est extrêmement fort, et nous en avons bien conscience, d’autant plus que le contexte était déjà relativement tendu.

Pour autant, ce phénomène n’est pas purement français. Dans la quasi-totalité des pays comparables à la France se posent les mêmes problèmes d’attractivité des professions de santé et de postes vacants. Ce n’est pas le système français lui-même qui est en cause : l’ensemble des systèmes de soin souffrent des effets à retardement du covid, notamment en ce qui concerne les ressources humaines.

Comme vous l’avez dit, nous sommes face à un énorme défi. Que faire ? L’assurance maladie, aux côtés des pouvoirs publics et des ministres ainsi que de l’ensemble des acteurs de santé, pense pouvoir apporter une série de réponses. Nous n’avons pas besoin d’inventer des choses complètement nouvelles ; nous devons au contraire déployer plus fortement et plus efficacement nos mesures. Pourquoi ne disposons-nous « que » de 3 500 assistants médicaux dans notre pays ? Le covid a perturbé le déploiement de cette nouvelle fonction, qui ne date que de deux ou trois ans, et il faut alléger les contraintes, améliorer les paramètres, davantage accompagner les médecins. Nous avons conscience qu’il faut les déployer au plus vite.

Nous avons tout de même deux fois plus de maisons de santé pluridisciplinaires en 2022 qu’en 2017, dans lesquelles 15 % des professionnels de santé en ville exercent actuellement, mais nous devons encore accélérer ce mouvement et ces solutions. Le Gouvernement lancera sûrement des consultations autour de ces thématiques, à propos desquelles notre rapport lance aux parlementaires toute une série de propositions.

Concernant les dispositifs numériques de prise en charge de la douleur et des patients, nous proposons d’identifier une troisième catégorie de produits de santé pris en charge, en plus des médicaments et des dispositifs médicaux. Nous proposons de réfléchir à une troisième catégorie appelée « thérapie digitale », réunissant les solutions numériques, comme des bases de données, des algorithmes ou des applications, qui deviennent, pour les professionnels de santé, des outils de prise en charge des patients. Nous tournons autour de ce problème en prenant en charge des dispositifs médicaux qui comportent de plus en plus souvent du numérique et de la télésurveillance, mais cela ne suffit pas, et nous proposons d’aller plus loin en identifiant cette nouvelle catégorie des « thérapies digitales », comprenant les solutions que vous avez évoquées, madame la rapporteure générale.

Monsieur Jomier, à l’Assemblée nationale, lors de l’examen du projet de loi portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat, M. Dussopt s’en est remis à la sagesse des parlementaires au sujet d’un amendement ayant pour objet la compensation par l’État des exonérations de cotisations sociales. Les exonérations prévues par le texte sont bien compensées à la sécurité sociale, comme c’est le cas de manière systématique. Ce qui est fait pour soutenir le pouvoir d’achat et l’emploi représente aussi potentiellement des gains de recettes pour la sécurité sociale et l’assurance maladie.

Il est temps de bâtir un cap concernant la téléconsultation. La situation particulière de l’été justifiait une dernière prolongation du remboursement à 100 % des téléconsultations, mais il faut maintenant, avec l’ensemble des acteurs, déterminer la place pérenne de ces solutions dans les parcours de soins.

Nous avons en tête d’avoir des temps de concertation avec les professionnels de santé. Nous avons échangé avec les pharmaciens, comme avec les syndicats des infirmiers libéraux, sur des sujets comme la vaccination ou l’accompagnement, et il est clair que nous aurons des temps de concertation avec les autres professionnels de santé. Plus largement, nous avons engagé un travail d’écoute et de partage avec l’ensemble des acteurs du système de santé, sans nous limiter au dialogue avec les partenaires syndicats, même s’il est fructueux.

Nous organisons le passage des dispositions de l’article 51 dans le droit commun. Le dispositif « Retrouve ton cap » de prévention de l’obésité chez les enfants et adolescents ainsi que le mécanisme de prise en charge de la télésurveillance ont tous les deux été expérimentés dans l’article 51, avant d’être intégrés dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2022. Les modes de financement des structures d’exercice coordonné que nous avons proposés dans le rapport sont nourris par les expérimentations menées dans les dispositifs d’incitation à une prise en charge partagée (IPEP) et de paiement en équipe de professionnels de santé en ville (PEPS), notamment autour des équipes de soin traitantes. Nous devrons voir comment tirer les leçons de ces expérimentations pour les inclure dans le droit commun de la convention médicale.

L’assurance maladie a suspendu, depuis mars 2020, l’ensemble des contrôles de tarification à l’activité, et ne les a pas repris, à la demande du ministère de la santé. Ces contrôles ont été suspendus dans l’ensemble des hôpitaux, donc à l’IHU de Marseille. Néanmoins, nous avons engagé depuis plusieurs semaines des échanges avec les hôpitaux de Marseille pour comprendre le niveau de facturation des hospitalisations de jour, qui nous semble plus élevé qu’ailleurs, et nous attendons des compléments d’explication, pour éventuellement engager les démarches nécessaires.

M. Alain Milon. – Merci pour ce rapport de qualité et sa synthèse passionnante.

J’avais deux premières questions, concernant l’IHU et concernant la politique conventionnelle, qui ont été posées. Sur cette dernière, je suis d’accord avec vous, il faut intégrer l’ensemble des professionnels de santé dans les travaux pré-négociation et en particulier les jeunes médecins qui se plaignent souvent de ne pas en faire partie.

J’en viens à ma dernière question, celle qui fâche. Je vous ai dit que j’avais apprécié vos propositions qui pourraient constituer un programme présidentiel. Beaucoup d’organismes officiel font individuellement des propositions pour améliorer la santé en France et, les vôtres étant particulièrement intéressantes : y a-t-il encore un intérêt à l’existence de la direction générale de la santé ?

Mme Pascale Gruny. – En tant que sénateur, le premier sujet qui nous remonte du terrain, c’est la santé. Dans mon département de l’Aisne, il faut jusqu’à une heure trente de voiture pour se rendre à un rendez-vous dentaire ou ophtalmologique. Le problème est exacerbé actuellement en période de vacances : les médecins partent en congé sans réussir à trouver de remplaçants. Les médecins ont aussi le droit de se reposer mais les remplaçants ne veulent pas travailler dans les cabinets les plus surchargés. La population ne supporte plus cette situation.

Vous avez parlé de la prévention ; elle ne peut se résumer au dépistage mais doit aussi empêcher réellement les pathologies. Les semelles orthopédiques sont par exemple essentielles pour éviter les problèmes de dos mais pourtant personne ne sait pas qu’elles sont remboursées sans aucun reste à charge.

Le problème est que la prévention n’est pas très vendeur pour un programme présidentiel car les effets se voient à long terme. C’est bien dommage. Dans ma région, nous sommes en train de travailler sur le bien vieillir. Une application est en cours de mise en œuvre pour que les personnes puissent s’évaluer à partir de 60 ans.

Enfin, permettez-moi de revenir sur le handicap. Compte tenu des restes à charge importants pour disposer d’un fauteuil roulant ou d’un chien guide d’aveugle, il est heureux que des associations soutiennent financièrement les personnes.

Mme Nadia Sollogoub. – A titre liminaire pour compléter ce qui vient d’être dit, je suis élue dans la Nièvre et dans quelques jours, nous n’aurons plus aucun dermatologue dans tout le département ! Le tableau est donc très inquiétant pour les populations. Il faut que les jeunes de nos territoires ruraux aient accès aux formations médicales pour ensuite revenir.

Je souhaitais vous poser deux questions précises. Tout d’abord, vous avez évoqué la démographie des infirmiers. Beaucoup d’infirmiers sont formés mais la difficulté réside dans le fait qu’ils s’arrêtent de travailler de plus en plus rapidement. À ma connaissance, 180 000 infirmiers diplômés n’exercent pas. Des actions sont-elles prévues pour rétablir le dialogue avec eux et les amener à exercer à nouveau leur profession ? Nous avons, en quelque sorte, un gisement précieux à ne pas oublier. 

Certains dispositifs pour les médecins généralistes, comme la possibilité d’avoir des assistants médicaux, sont conditionnés à l’obligation de prendre de nouveaux patients. Or, ceux qui ont le plus besoin d’une équipe n’y ont pas accès car ils sont déjà à saturation. Les négociations sur ces points peuvent-elles être revues ?

Mme Annick Jacquemet. – Tout d’abord, quelles mesures est-il mis en œuvre pour lutter contre la redondance des examens ? Il y a là un important levier d’économies.

Ensuite, si vous me permettez cette analogie, les vétérinaires traitants ne peuvent pas s’occuper des autopsies, pour déterminer par exemple si un animal est mort foudroyé par la foudre, car il est beaucoup plus difficile de refuser certaines pressions pour les vétérinaires traitants qui connaissent bien les personnes qui font appel à eux. Est-il envisageable de prévoir un mécanisme similaire pour les arrêts de travail ou les renouvellements d’arrêt de travail, c’est-à-dire qu’ils ne puissent être délivrés par les médecins traitants pour éviter les demandes toujours délicates à refuser ?

Lorsque j’étais vice-présidente du département du Doubs, nous avons mis en place une structure de recyclage et de revente des aides techniques comme les fauteuils roulants en partenariat avec une entreprise d’insertion vers le travail. Toutefois, nous nous étions heurtés à un problème : aucune prise en charge par l’assurance maladie n’est prévue pour le matériel d’occasion. Quelles solutions peuvent-elles être apportées ?

M. Philippe Mouiller. – Tout d’abord sur le volet handicap, l’application du décret mettant en œuvre la réforme de la prise en charge des aides techniques soulève des interrogations que m’ont relayées les associations de personnes handicapées notamment sur la durée d’utilisation des fauteuils roulants.

Je voudrais aussi pointer les incohérences dans le transport des enfants handicapés. L’asurance maladie est le financeur dans le cadre des consultations médicales tandis que le département assure l’organisation et le financement à l’école. Dans le cadre de l’établissement d’accueil, c’est la dotation de l’établissement qui est mobilisée. Enfin, lors d’activités extérieures, ce sont les familles qui payent. Il faudrait apporter de la cohérence et de la coordination pour une meilleure efficience des moyens.

Pour revenir à la problématique de la fraude sociale, nous avions au Sénat déposé une proposition de loi sur les cartes vitales biométriques finalement modifiée en raison des expérimentations déjà en cours. Avez-vous des premiers éléments de bilan de ces dispositifs expérimentaux à nous communiquer ?

Mme Catherine Deroche, présidente. – J’ajoute à mon tour quelques questions ou remarques.

Notre conviction, après nos travaux de la commission d’enquête sur la situation de l’hôpital et le système de santé en France est que le dispositif des assistants médicaux doit être assoupli. Vous orientez-vous vers cette mesure ?

Sur le « 100 % santé », nous avons demandé à la Cour des comptes un rapport sur le sujet qui nous sera très prochainement remis.

Les autres points que je souhaite soulever font suite à des auditions ou rencontres auxquelles j’ai pu prendre part ces dernières semaines.

Lors de la table-ronde sur la transplantation d’organes que nous avons eue en commission, il a été dit qu’il manquait une approche médico-économique entre la greffe et la dialyse. Pouvez-vous nous donner plus d’éléments sur ce sujet ?

Nous nous sommes également déplacés à l’institut Curie ou au centre de recherche des Cordeliers où un sujet est revenu sans cesse : le référentiel des actes innovants hors nomenclature (RIHN) n’est pas adapté. Les tests compagnons sont rendus vraiment difficiles pour les équipes de chercheurs et de soignants. Ce sujet a t-il progressé ? Avec ma collègue Annie Delmont-Koropoulis, nous avons déposé une proposition de loi qui apporte des solutions. Elle a été votée au Sénat et j’espère qu’elle trouvera une suite favorable à l’Assemblée nationale.

Enfin, quelques points sur la prévention. J’ai reçu la conférence nationale de l’accident vasculaire cérébral (AVC) qui a évoqué l’importance d’une visite de prévention vers l’âge de 40 ans. C’est une sujet majeur. J’ai également rencontré l’association nationale des hypercholestérolémies familiales qui milite aussi pour un dépistage précoce, non pas seulement en cascade après un cas avéré dans une famille, mais réellement systématique. Ce dépistage universel permettrait une diminution des troubles vasculaires. Menez-vous une réflexion sur ce sujet ?

Enfin, le dernier point est la redondance des actes. Il y a des dérives que nous constatons tous notamment en radiologie. Des économies sont à réaliser sur ce point.

Je n’aborde pas le sujet important des données de santé car nous lançons une mission d’information et nous aurons l’occasion de vous entendre sur ce point précis lors de nos travaux.

M. Thomas Fatôme. – Tout d’abord, je tiens à vous rassurer sur les jeunes médecins. Tant les étudiants que les jeunes internes en médecine sont bien associés aux négociations de la convention médicale, et même s’ils ne sont pas cocontractants, ils ont l’occasion de faire entendre leurs revendications.

Monsieur le Président Milon, je ne peux vous suivre naturellement dans votre interrogation sur le bien-fondé de la direction générale de la santé (DGS). Il suffit de regarder la mobilisation des équipes de la DGS à tout point de vue lors de la crise de la covid pour être assuré de la nécessité de disposer d’une direction générale, y compris sur les sujets que nous avançons dans notre rapport comme l’amélioration du dépistage du cancer. Notre plan d’actions fait appel aussi bien à la DGS, à l’assurance maladie qu’à l’Institut national du cancer (Inca).

Madame la Présidente Gruny, je me permets d’insister sur un point. Notre objectif n’est pas de faire travailler davantage les médecins, notamment les généralistes traitants : ce n’est pas ce que nous souhaitons et, de surcroit, ce n’est pas possible étant donné leur charge de travail. Notre objectif est de les aider à faire évoluer leur organisation grâce à une équipe afin de s’occuper davantage des patients sans travailler plus pour autant. Nous vous ferons parvenir les résultats intéressants d’une étude qualitative réalisée auprès des médecins libéraux et des assistants médicaux. Les médecins interrogés nous ont fait part de leurs craintes initiales de devoir travailler plus, craintes entièrement dissipées par la suite. Si vous me permettez, je dirai que les médecins ne travaillent pas plus mais travaillent mieux. Ils nous le disent eux-même : les patients sont mieux pris en charge grâce à des journées mieux organisées. Les chiffres montrent qu’au bout de trente mois d’engagement dans le dispositif, une augmentation de patientèle et de file active est clairement constatée. Cette augmentation a lieu y compris pour les médecins ayant déjà la patientèle la plus nombreuse pour lesquels les objectifs fixés étaient simplement un maintien de l’activité à un niveau identique. Le dispositif n’a pas tant un objectif quantitatif, quoique que nous ne perdons pas de vue l’accès équitable aux soins dans tous les territoires, qu’un objectif qualitatif d’amélioration des conditions d’activité des médecins. Ces derniers nous disent que l’exercice de leur profession a changé depuis qu’ils sont épaulés par un assistant médical.

Mme Catherine Deroche, présidente. – C’est tout à fait juste.

M. Thomas Fatôme. – Maintenant que le dispositif a prouvé son efficacité, il s’agit de vaincre deux réticences principales qui entravent son déploiement. D’une part, le manque d’espace est un sujet majeur. Les médecins qui ne recrutent pas d’assistant médical nous expliquent qu’ils ne peuvent trouver la place dans leurs locaux pour installer un assistant. Ce problème appelle une réponse collective de la part des collectivités territoriales, de l’assurance maladie, des services de l’État ou des partenaires du secteur du logement pour accompagner les médecins dans leurs projets immobiliers. Les collectivités territoriales agissent déjà mais il faut renforcer et systématiser ces démarches. D’autre part, la peur de l’embauche est parfois présente chez les médecins. Que faire si cela se passe mal ? Nous voulons travailler sur ce sujet en simplifiant les déclarations sociales en lien avec l’Urssaf et éventuellement en agissant avec des dispositifs comme « action de santé libérale en équipe » (Asalee) au sein duquel l’assurance maladie salarie elle-même. Sans devenir un offreur de soins, l’assurance maladie peut devenir un intermédiaire pour faciliter l’intervention de l’assistant médical ou de l’infirmier dans le cabinet du médecin.

Nous allons également continuer de soutenir les médecins qui cumulent un emploi et une retraite. Aujourd’hui, 12 500 médecins libéraux sont en cumul emploi-retraite. C’est une ressource dont il n’est pas possible de se priver. Il faut faire connaitre davantage les règles favorables en matière de cotisations sociales.

Sur les fauteuils roulants et les aides techniques, je tiens à souligner que c’est un sujet pris en main par le ministère dans le cadre des travaux de Philippe Denormandie. Des avancées ont déjà eu lieu. Les ergothérapeutes peuvent par exemple prescrire des aides techniques. Un travail a aussi été engagé sur la rénovation de la nomenclature des fauteuils roulants. Des concertations ont été menées avec les fabricants et les associations. La réutilisation des fauteuils roulants fait partie de la discussion - dont l’aboutissement n’a pas encore eu lieu mais ne saurait trop tarder. Les modèles économiques ne sont en effet pas faciles à construire.

S’agissant des départs précoces d’infirmiers ou d’infirmières voire d’étudiants, c’est un sujet qui dépasse les seules compétences de l’assurance maladie. Nous agissons tout de même à deux égards. Premièrement, nous nous penchons sur les infirmiers libéraux pour déceler les tendances au-delà d’un phénomène mondial de ras-le-bol et de fatigue professionnels. En réalité, il n’existe pas de mouvement important de transfert d’infirmiers de l’hôpital vers le secteur libéral et inversement. Nos observations ne corroborent donc pas l’idée qu’il existerait une rupture récente de tendance. Deuxièmement, nous lançons un travail qualitatif pour comprendre pourquoi certains infirmiers ont quitté la profession avant leur retraite. Le ministère de la santé conduit aussi de son côté une enquête sur les infirmiers à l’hôpital. Ces travaux nous permettront de savoir ce que l’on peut faire pour inciter les infirmiers à demeurer dans leur activité. Nous avons beaucoup soutenu les infirmiers libéraux ces dernières années, avec par exemple le bilan de soins infirmiers (BSI), et il nous faut poursuivre.

Mme la sénatrice Jacquemet, je vous rejoins entièrement sur la redondance des examens médicaux. Dans le rapport, vous trouverez une étude approfondie sur l’évolution du volume d’actes de biologie qui montre qu’entre 2019 et 2021, une augmentation de 8 % des prescriptions par ordonnance a eu lieu sans aucune justification de santé publique. Nous souhaitons réenclencher une nouvelle discussion d’une convention avec les biologistes sur la qualité de la prescription. Le même travail doit être fait sur la redondance des examens de radiologie conformément au protocole pluriannuel avec les radiologues. Ces chantiers avaient plus ou moins été mis en sommeil avec la crise épidémique mais vont être redémarrés. Le rapport aborde aussi les produits de contraste en radiologie que nous payons très cher en France en raison de volumes très importants, de gaspillage ou d’un conditionnement inefficace...

Aujourd’hui, la prescription des arrêts de travail n’est pas réservée aux médecins traitants. Ce n’est pas non plus ce que nous proposons à l’avenir. En revanche, il s’agirait de reverser aux médecins traitants la possibilité de prescrire par téléconsultation ces arrêts de travail.

Monsieur le sénateur Mouiller, je tiens à souligner qu’au global le transport et le soins des personnes handicapées est un sujet majeur pour nous. De nombreuses actions ont été prises par exemple en lien avec les dentistes pour une meilleure prise en charge. Nous avons aussi intégré les équipes de Pascal Jacob sur le baromètre Handifaction de l’accès aux soins des personnes handicapées, lequel a été repris par l’Assurance maladie et sera publié régulièrement. La convention médicale comportera aussi de nouvelles mesures.

Je vous confirme qu’une expérimentation a été engagée de 2019 à 2021 pour dématérialiser la carte vitale sur deux territoires. Des enseignements ont déjà été tirés auprès des professionnels de santé. Ce dispositif est efficace. Le processus d’enregistrement des personnes et de vérification de l’identité fonctionne grâce à la combinaison de la reconnaissance faciale et de la pièce d’identité. Nous nous préparons dès lors à déployer cette expérimentation dans huit départements à la rentrée. Le ministre de la santé a annoncé hier le lancement d’une mission sur les conditions d’une carte vitale intégrant, cette fois-ci, de la biométrie. Nous y prendrons part en gardant à l’esprit la question de la fraude sociale mais aussi de l’intégration de la biométrie dans un processus fluide pour que les professionnels de santé ne soient pas réduits à être les contrôleurs de l’identité de leurs patients au détriment du soin.

Madame la Présidente, je ne reviens pas sur les sujets d’assistants médicaux mais je peux vous confirmer que notre volonté est d’assouplir ce dispositif.

L’ancien ministre de la santé Olivier Véran avait lancé un plan greffe doté de 210 millions d’euros. Nous avons mené des études médico-économiques sur la place de la greffe en comparaison à la dialyse qui ont sous-tendu les orientations de ce plan. Nous pourrons vous la faire parvenir si vous le souhaitez.

Sur le RIHN, je vous confirme que nous travaillons avec la Haute Autorité de santé pour qu’elle puisse engager une priorisation des travaux sur la base des retours des différents conseils nationaux professionnels (CNP). De notre côté, nous menons un travail avec les biologistes pour identifier les enveloppes qui permettraient le transfert des financements RIHN de l’hôpital vers la ville. Toutefois, le travail d’identification est un préalable.

Enfin, nous sommes très engagés sur les données de santé avec par exemple Data pathologies ou Epi-phare en partenariat avec l’ANSM mais j’aurai l’occasion d’y revenir plus précisément dans le cadre de votre mission d’information.

Mme Catherine Deroche, présidente. – Vous ne m’avez pas répondu sur l’hypercholestérolémie familiale. L’association nationale m’a indiqué qu’un projet d’expérimentation en Provence-Alpes-Côtes-d’Azur dans le cadre de l’article 51 de la LFSS pour 2018 sur le dépistage en cascade aurait essuyé un refus de la Cnam.

M. Thomas Fatôme. – Je vais me pencher dessus alors.

Mme Catherine Deroche, présidente. – Enfin, sur le RIHN, cela fait cinq ans que cela dure...

M. Thomas Fatôme. – Je suis convaincu que nous allons réussir.

Mme Catherine Deroche, présidente. – Certes, mais c’est tellement long et laborieux !

Mme Annie Delmont-Koropoulis. – Permettez-moi d’intervenir pour rappeler l’importance d’avoir des réseaux pour aider les professionnels de santé à dialoguer et les patients à accéder aux soins. La plateforme en Ile-de-France Terr-eSanté a vécu sans avoir convaincu : elle n’est pas assez agile. Avez-vous une solution de remplacement ? C’est vraiment essentiel notamment en oncologie.

M. Thomas Fatôme. – Sur Terr-eSanté précisément, nous travaillons avec l’ARS Ile-de-France et le ministère de la santé pour l’intégration de cette plateforme dans le programme numérique en santé. Je pense plus largement que le déploiement de « Mon espace santé » avec une messagerie sécurisée pour les patients et leurs praticiens mais aussi une messagerie pour la communication entre les professionnels de santé permettra, si cet espace est alimenté systématiquement, de répondre aux enjeux que vous évoquez. Nous avons en outre des outils de e-parcours ou des plateformes territoriales qui existent et qu’il faudra intégrer dans des systèmes inter-opérables.

Mme Annie Delmont-Koropoulis. – C’est surtout le dialogue entre professionnels de santé qui est important.

Mme Catherine Deroche, présidente. – Un grand merci Monsieur le Directeur général pour cet échange. Nous nous reverrons pour constater si tout cela se traduit bien dans le prochain PLFSS.

Ce point de l’ordre du jour a faitl’objet d’une captation video qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.