Mercredi 11 mai 2022

- Présidence de Mme Sophie Primas, présidente -

La réunion est ouverte à 9 h 30.

Bilan annuel de l’application des lois – Communication

Mme Sophie Primas, présidente. – Il me revient de vous présenter ce matin le bilan de l’application des lois relevant du champ de compétences de notre commission. Cet exercice annuel s’inscrit dans notre mission de contrôle de l’action du Gouvernement.

Nous adoptons des lois, mais encore faut-il qu’elles soient appliquées : il convient d’analyser quantitativement, mais aussi qualitativement les textes réglementaires publiés au cours de l’année écoulée. Il s’agit d’apprécier si ces textes répondent aux attentes que nous avons formulées dans les lois que nous avons examinées.

Le rapport établi cette année porte sur 17 lois promulguées entre 2015 et le 30 septembre 2021. Les lois votées cet automne et jusqu’à la suspension – les propositions de loi Egalim 2, « Sempastous », Lutte contre la maltraitance animale, Assurance emprunteur et le projet de loi Assurance récolte, entre autres – entreront dans le bilan présenté l’année prochaine.

Sur les 17 lois dont l’application est suivie cette année par notre commission, 5 sont totalement applicables et les taux d’application des 12 lois partiellement applicables varient de 8 % à 97 %, avec une moyenne de 75 %.

Les statistiques ne décrivent toutefois qu’imparfaitement l’application des lois. En effet, si l’on s’en tient stricto sensu aux textes examinés au fond par notre commission, une seule loi a été promulguée durant la session 2020-2021 : il s’agit de la loi sur les néonicotinoïdes. Les trois mesures d’application prévues ont été publiées, ce qui rend la loi totalement applicable.

Mais le présent bilan ne se limite naturellement pas à l’examen de cette seule loi. Cela reviendrait à ignorer tous les textes pour lesquels notre commission s’est vu déléguer au fond l’examen de dispositions importantes, comme la loi « Climat et résilience », dont l’application est encore très imparfaite à ce jour, en dépit de l’urgence proclamée.

Je ne passerai pas en revue l’ensemble des lois sous forme d’inventaire et me limiterai à quelques focus sur des problématiques bien spécifiques concernant la mise en application des textes les plus emblématiques.

Trois ans après la publication de la loi Énergie-climat de 2019, son application progresse : 80 % des mesures réglementaires ont été prises, 80 % des ordonnances ont été publiées et 50 % des rapports ont été remis. Plus d’un tiers de cette loi a cependant été modifié par la loi « Climat et résilience » de 2021, à laquelle notre commission avait intégré deux propositions de loi, l’une pour promouvoir l’hydroélectricité, l’autre pour corriger les difficultés d’application de la loi Énergie-climat. L’essentiel des difficultés que notre commission avait identifiées sont aujourd’hui corrigées. Pour autant, la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) censée mettre en œuvre la loi ne respecte pas les objectifs fixés par le législateur, en matière de biogaz, d’hydrogène et d’éolien en mer. Dans un contexte très perturbé pour le secteur de l’énergie, notre commission sera très attentive en 2023 à l’élaboration de la future loi quinquennale sur l’énergie ainsi qu’à l’extinction des tarifs réglementés de vente de gaz (TRVG).

Le 12 juillet dernier, l’Assemblée nationale et le Sénat trouvaient, en commission mixte paritaire, un accord sur le projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets. Sept mois après la publication de la loi « Climat et résilience », son applicabilité reste modeste : elle s’élevait, à la fin du mois de mars, à 8 %.

La commission des affaires économiques est actuellement responsable du suivi de 136 articles examinés au fond, soit près de la moitié du texte, pour lesquels 77 mesures d’application sont encore attendues : 31 pour le volet énergie-mines, 22 pour le volet urbanisme, 16 pour le volet logement-rénovation énergétique et 8 pour le volet forêt-agriculture. De très nombreuses dispositions sont encore manquantes dans les domaines du logement, de l’agriculture, de la forêt et de l’énergie.

Convaincue de la nécessité d’accélérer la décarbonation de l’économie, notre commission sera très attentive à l’application rapide et complète des mesures encore en suspens. Un point de vigilance concerne notamment le volet relatif à la lutte contre l’artificialisation des sols, porteur de forts enjeux pour les collectivités territoriales et leur politique d’aménagement. En effet, les deux décrets d’application des principales mesures de ce volet, publiés le 30 avril dernier, ne sont pas fidèles aux dispositions législatives que nos deux chambres ont votées et ne traduisent pas l’accord politique trouvé en commission mixte paritaire : si nous avions eu connaissance du contenu des décrets, jamais nous n’aurions accepté un accord ! En particulier, ces textes confient au schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires (Sraddet), élaboré par les régions, un rôle de pilotage quantitatif de la politique d’urbanisme du bloc communal et intercommunal que la loi n’a jamais entendu lui confier. Les décrets rendent ainsi obligatoire l’élaboration de règles du fascicule contenant des cibles chiffrées précises, alors que le Parlement avait, à dessein, prévu que ces cibles ne soient inscrites qu’au sein des objectifs généraux du Sraddet. Cette distinction est importante, car les objectifs, qui s’imposent dans un rapport de prise en compte, peuvent être déclinés de manière plus souple par les schémas de cohérence territoriale et les plans locaux d’urbanisme. En obligeant les régions à fixer aux communes et intercommunalités des cibles chiffrées très contraignantes et sans marge d’adaptation, le décret semble opérer une nouvelle répartition des compétences entre collectivités qui n’était pas prévue par loi et que nous avions délibérément décidé d’écarter.

Autre exemple : alors que le Parlement avait – unanimement – voté en faveur d’une mutualisation au niveau des objectifs régionaux de l’impact d’artificialisation des grands projets régionaux ou nationaux – comme les lignes TGV, les canaux ou encore les aéroports –, le projet de décret confie à la région le soin de fixer un plafond à la mutualisation de ces projets. Seule une partie des surfaces serait prise en compte, et le solde en serait répercuté sur la ou les communes d’accueil du projet. Là encore, le Parlement avait voté une mutualisation totale, mais le décret prévoit une mutualisation partielle : il y a un décalage manifeste. Comment justifier ce décalage inacceptable entre le texte voté par la représentation nationale, après des mois de débats constructifs, et le texte des décrets d’application, autour desquels les concertations ont plusieurs fois échoué ? Le Gouvernement serait-il prêt à passer en force, en exposant la mise en œuvre des mesures portées par la loi à une forte insécurité juridique ?

Le décret sur la rénovation énergétique performante et globale a bien été pris. En revanche, les décrets ou arrêtés afférents aux certificats de production pour le biogaz, aux appels d’offres en matière de stockage et aux taux de réfaction applicables au solaire sont encore attendus. En pleine crise énergétique, le besoin de promouvoir les énergies renouvelables impose de hâter leur publication.

S’agissant de la loi du 3 décembre 2020 portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne en matière économique et financière, dite « loi Ddadue », notre commission avait été saisie au fond de l’examen de 24 articles, qui traitaient de différents sujets, comme la protection du consommateur à l’ère du numérique, la génétique animale et la santé animale, la mise en œuvre d’un « paquet vétérinaire », le service universel des communications électroniques ou encore la réforme des procédures devant l’Autorité de la concurrence.

D’un point de vue purement formel, tous les articles sont applicables, mais il s’agit d’une satisfaction en trompe-l’œil : en effet, comme souvent dans les lois de transposition du droit européen, nombre d’articles habilitaient le Gouvernement à légiférer par ordonnance, et, si ces ordonnances ont bien été prises, leurs décrets d’application, eux, se font encore parfois attendre, plus d’un an après la promulgation. Si, formellement, la loi est applicable, c’est donc loin d’être le cas sur le fond.

Ce retard dans l’édiction des mesures réglementaires provient bien souvent du fait que le Gouvernement lui-même a tardé à publier les ordonnances attendues, en étant parfois rappelé à l’ordre par la Commission européenne, comme ce fut le cas pour la transposition du code des communications électroniques européen.

Pour prendre un autre exemple, l’adaptation de notre cadre juridique national relatif à la génétique animale est devenue nécessaire depuis le 1er novembre 2018, en raison de l’entrée en vigueur d’un règlement européen d’application directe. Le Gouvernement souhaitait procéder par ordonnance, afin de gagner en célérité – un argument que nous entendons souvent et qui est de moins en moins justifié. L’ordonnance a certes été prise en avril 2021, mais aucun texte d’application n’est encore publié à ce jour, ce qui rend ce nouveau cadre législatif en partie inapplicable. La France est donc en retard d’au moins trois ans et demi, malgré l’habilitation que nous avons confiée au Gouvernement, ce qui est incompréhensible et porteur d’une grande insécurité juridique pour les acteurs concernés.

S’agissant de la loi du 1er août 2019 visant à préserver les intérêts de la défense et de la sécurité nationale de la France dans le cadre de l’exploitation des réseaux radioélectriques mobiles, dite « loi 5G », le Gouvernement n’a toujours pas informé le Parlement comme il aurait dû le faire sur l’application de la loi et le déploiement des équipements 4G et 5G. Nous constatons en effet que le rapport annuel prévu par l’article 5 de la loi n’a été ni publié ni transmis au Parlement pour l’année 2021, alors que le déploiement de ces équipements s’est accéléré. Les équipes du Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN) et de l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information (Anssi) ont indiqué au Sénat avoir communiqué un projet de rapport au Secrétariat général du Gouvernement (SGG). Mais rien ne nous a été transmis ! Cette absence d’information du Parlement est d’autant plus regrettable que les dispositions de la loi, tout comme ses mesures d’application, continuent d’être contestées en justice par les opérateurs de télécommunications.

Parmi les lois instruites par notre commission et qui auront marqué le précédent quinquennat, la loi Egalim est sans doute celle qui suscite le plus de commentaires. Si le taux d’application de cette loi est très satisfaisant du fait de la publication quasi intégrale des nombreuses mesures d’application prévues, il maquille en réalité une situation beaucoup plus problématique, source d’une véritable insécurité juridique pour les opérateurs économiques du monde agricole, de l’industrie agroalimentaire et de la grande distribution.

Cette loi a, en effet, déjà été modifiée en profondeur en 2021 par d’autres véhicules législatifs, tandis que plusieurs de ses mesures phares ont dû être revues après des censures par les juges constitutionnels et administratifs. Cette insécurité juridique provient, tout d’abord, de délais très courts laissés aux acteurs pour mettre en application le cadre législatif précisé par les décrets d’application. En pratique, le Gouvernement a publié à plusieurs reprises des textes d’application à quelques jours seulement de l’entrée en vigueur de la mesure : les filières n’ont donc pas disposé du délai nécessaire pour prendre connaissance des règles s’appliquant à elles et pour se préparer à les appliquer au mieux.

Par exemple, si les mesures d’application du titre II ont, dans leur grande majorité, été prises, les dispositions relatives à la séparation de la vente et du conseil en matière de produits phytopharmaceutiques posent des difficultés d’application pratiques. Les entreprises interrogées font état d’un manque de temps suffisant pour s’adapter. En effet, si les ordonnances prévues à l’article 88 ont bien été publiées le 24 avril 2019, elles renvoyaient principalement à la publication de décrets et d’arrêtés d’application, lesquels ont été publiés le 16 octobre 2020, soit à une date très proche de l’entrée en vigueur de la disposition, qui était fixée au 1er janvier 2021.

De surcroît, moins de trois ans après leur vote, les principales mesures de la loi Egalim ont déjà été considérablement modifiées, quelques mois seulement après leur entrée en vigueur, par d’autres textes, notamment les lois Egalim 2 et « Climat et résilience ». Je ne remets pas en cause l’opportunité de corriger des dispositions législatives qui posent des difficultés, mais il faut bien mesurer l’impact d’une trop forte instabilité législative pour les acteurs économiques. L’instabilité et l’inflation législatives combinées à une lenteur d’application de la loi sont des freins à la croissance économique. C’est une adresse au Gouvernement, mais également un point que nous devons avoir en tête quand nous légiférons.

La loi Egalim constitue, sans nul doute, l’exemple à ne pas suivre dans les années à venir. Dans un domaine où le temps long des cultures doit rester la norme, la loi Egalim n’a pas seulement échoué à avoir les effets escomptés : elle a sans aucun doute créé plus de difficultés qu’elle n’a apporté de réponses. De ce fait, le contenu de la loi, contesté au Sénat dès les premiers jours de débat, a nécessité de multiples modifications au lendemain de son adoption. Ces révisions nécessaires ont placé les entreprises dans des situations particulièrement délicates tout au long de ces dernières années. Et ses conséquences pourraient se poursuivre encore ces prochaines années.

Tels sont les quelques exemples que je souhaitais évoquer à l’occasion de ce bilan annuel. Le bilan écrit fait plus de 200 pages et détaille l’application de chaque loi traitée par notre commission.

La complète mise en application d’une loi demande souvent plusieurs mois, voire des années, afin que tous les décrets attendus soient publiés. Le diable se cache parfois dans les détails et il importe que la volonté du législateur soit strictement respectée, ce qui nous invite à continuer de porter une attention toute particulière sur ce sujet, en y consacrant nos travaux de contrôle ou en interrogeant le Gouvernement au travers de questions écrites.

Je ne saurais oublier un aspect primordial, à savoir la façon dont ces réformes sont effectivement mises en œuvre sur le terrain. Vous en êtes tous des témoins privilégiés à travers les échanges que vous pouvez avoir avec les acteurs locaux dans vos départements, mais chaque déplacement de notre commission doit aussi être l’occasion de vérifier la bonne traduction des mesures législatives votées et d’identifier les éventuels problèmes rencontrés lors de leur mise en œuvre. Sachez, à cet égard, que nous organisons un déplacement au salon Global Industrie mercredi 18 mai et un déplacement jeudi 19 dans les Vosges, chez notre collègue Daniel Gremillet.

Pour conclure, je ne saurais que trop vous recommander de prendre connaissance du bilan sectoriel détaillé, qui procède à une analyse fouillée de l’application de toutes les lois : il sera publié dans le courant du mois de juin. Notre collègue Pascale Gruny, présidente de la délégation du Bureau chargée du travail parlementaire, de la législation en commission, des votes et du contrôle, centralise les contributions de toutes les commissions et rédige un rapport global.

Je suis particulièrement en colère au sujet des décrets « zéro artificialisation nette » (ZAN), qui sont contraires à ce que le Parlement a voté : c’est une faute extrêmement grave.

M. Laurent Duplomb. – C’est la marque d’un irrespect total du Parlement. Vous nous en avez donné plusieurs exemples avec la PPE, la loi Ddadue, la loi Egalim, le ZAN, etc. Le Gouvernement nous demande de légiférer en urgence, sans nous donner le temps nécessaire ni au travail préparatoire des rapporteurs, ni au débat. C’est aussi une marque d’irrespect pour tous ceux qui travaillent avec nous. Je pense tout particulièrement au texte sur l’assurance récolte. Notre travail est jeté aux orties, car des ordonnances ne sont pas prises…

Il est intolérable de constater que les décrets, non seulement ne permettent pas l’application de toute la loi, mais sont même contraires à ce que nous avons voté ! Il est peut-être temps de réformer notre Constitution afin que les parlementaires soient enfin respectés : nous sommes les élus du peuple ! Le non-respect de notre voix conduit à la perdition de notre système démocratique et nourrit un vote de défiance antisystème.

M. Franck Montaugé. – Merci à notre présidente pour ce travail d’évaluation.

Le ZAN est de loin le dispositif qui va impacter le plus fortement nos territoires depuis des décennies. Dès lors, comment reprendre la main ? L’article 24 de la Constitution nous permet de contrôler et d’évaluer les politiques publiques. Pourquoi ne pas réaliser des évaluations dans chacun de nos départements ? Nous devons progresser sur l’évaluation des politiques publiques sans attendre une modification de la Constitution.

M. Pierre Cuypers. – Avant de réviser la Constitution, ne pourrait-on pas saisir le Conseil constitutionnel de ce non-respect ?

Mme Sophie Primas, présidente. – Des réflexions sont en cours pour saisir éventuellement le Conseil d’État. Mais, malheureusement, le Parlement n’a pas d’intérêt à agir.

M. Laurent Duplomb. – D’où l’intérêt de réformer la Constitution !

Mme Sophie Primas, présidente. – Il importe que nous puissions saisir une juridiction : autrement, le Parlement est impotent ! Le président Larcher y travaille actuellement.

Mme Martine Berthet. – La situation est dramatique, et les élus commencent à le réaliser. N’aurait-on pas un intérêt à agir au titre des territoires ?

Mme Sophie Primas, présidente. – Malheureusement non, mais les communes disposent quant à elles de cet intérêt à agir.

M. Franck Montaugé. – Le Sénat conduit des enquêtes auprès des collectivités avant le vote de la loi : ne pourrait-on pas en faire autant après ?

Mme Sophie Primas, présidente. – Pourquoi pas ? Nous pourrions élaborer une grille d’évaluation à diffuser sur les territoires.

Mme Sylviane Noël. – Merci pour ce travail, auquel nous ne consacrons pas suffisamment de temps.

Le dossier ZAN témoigne d’un profond mépris pour le Parlement.

Soyons également très vigilants sur les textes adoptés à quelques mois de la présidentielle. Je pense tout particulièrement à la loi visant à renforcer le contrôle parental.

Philippe Bas a récemment évoqué un taux de ratification des ordonnances de 21 % : qu’en est-il de celles qui relèvent de notre commission ?

M. Daniel Gremillet. – Un grand merci pour ce travail clair et accessible.

Nous travaillons dans l’urgence, et le décalage entre loi et décret est inadmissible.

Les dispositions censurées de la loi d’accélération et de simplification de l’action publique (ASAP) se sont retrouvées en partie dans le texte « Climat et résilience » : tout notre travail n’a donc pas été totalement perdu.

S’agissant du ZAN, nous devons communiquer, car les faits sont graves. Rien ne sert de légiférer si nos décisions ne sont pas respectées ! Les enfants du village ne peuvent même plus y construire... Mettons ces sujets sur la place publique.

Je me réjouis, mes chers collègues, de vous accueillir prochainement dans les Vosges.

Mme Amel Gacquerre. – Merci pour ce bilan très clair.

Je constate dans mes réunions une vraie prise de conscience des conséquences du ZAN sur les territoires. Comment accompagner nos grands élus ? J’ai engagé une tournée sur mon territoire, mais la commission ne pourrait-elle pas nous accompagner dans ce travail ?

Mme Sophie Primas, présidente. – Je vais réfléchir à vos propositions, car nous sommes bien là dans le rôle du Sénat.

Mme Valérie Létard. – Merci à tous pour ce travail remarquable.

L’exemple du ZAN est emblématique : tous nos territoires vont être impactés. Nous avions travaillé en bonne intelligence avec les ministères, mais les décrets d’application ont fait fi de ce travail. Je déplore ce non-respect de la loi, alors même qu’il s’agit d’un texte fondateur pour l’aménagement de nos territoires.

Le Parlement est le garant du lien entre les territoires, les citoyens et l’État. Nous devons communiquer de manière objective et factuelle, loin de toute politique politicienne.

Comment les régions vont-elles mettre en œuvre ces nouvelles dispositions ? Elles risquent fort de se retrouver entre le marteau et l’enclume…

M. Laurent Duplomb. – Tout à fait !

Mme Valérie Létard. – Le projet de canal Seine-Nord va impacter à lui seul tout l’aménagement d’une région de 6 millions d’habitants, alors qu’il s’agit d’un projet d’intérêt européen : comment assurer le développement de nos territoires dans ces conditions ? Nous allons devenir les exécutants de mesures inexécutables.

Je déplore également le recours à des ordonnances dont les délais de mise en œuvre sont au final plus longs que ceux d’un texte de loi…

Mme Sophie Primas, présidente. – Alors que le taux de ratification des ordonnances était de 53 % sous le quinquennat 2007-2012, il est passé à 39 % entre 2012 et 2017, pour atteindre 21 % sous le quinquennat qui vient de s’achever.

Les ordonnances sur la copropriété prévues par la loi ÉLAN n’ont toujours pas été prises ; elles étaient pourtant urgentes…

M. Henri Cabanel. – Rien de tout cela n’est nouveau : le travail dans l’urgence, l’attente des ordonnances et des décrets… Cela doit nous conduire à réfléchir à une réorganisation de notre travail parlementaire.

Les citoyens, comme les médias, pensent d’abord à l’Assemblée nationale. Nous sommes les élus des élus locaux et ces derniers ont envie de participer. Le Sénat a développé une plateforme participative, mais les taux de participation y sont faibles. En tant qu’ambassadeurs du Sénat sur les territoires, nous pouvons interroger les élus. Chaque année, je réalise un ou plusieurs sondages auprès d’eux : sur les 342 maires de l’Hérault, 250 me répondent régulièrement. Les élus locaux informeront à leur tour les populations.

Mme Sophie Primas, présidente. – Nous devons travailler sur une méthode, qui pourrait être expérimentée sur le ZAN : je vous ferai des propositions dans quelques jours. Nous pourrions également travailler sur la PPE, qui n’est pas conforme à ce que nous avons voté.

M. Jean-Marc Boyer. – Le citoyen qui fait une demande de certificat d’urbanisme se tourne spontanément vers son maire, mais c’est le sous-préfet qu’il faudrait solliciter sur tous les dossiers. Or c’est impossible ! Les services de l’État, eux aussi, sont mal à l’aise pour appliquer ces textes. Il faudrait clarifier les responsabilités, car le citoyen ne comprend pas.

Nous avons besoin d’une évaluation, appuyée sur des exemples issus des territoires, pour ensuite communiquer.

M. Patrick Chauvet. – Notre réaction doit être forte. Beaucoup de nos élus locaux ne perçoivent pas ce décalage entre loi et décret.

Je redoute une division des élus dans les intercommunalités : la rédaction du nouvel outil de planification risque de s’apparenter à un « sale boulot ».

M. Christian Redon-Sarrazy. – Merci pour ce travail.

Nous devons expliquer aux élus que, avec le ZAN, ce sera encore pire demain, alors que nous sommes déjà bien en peine de justifier les décisions prises... Un travail de long terme s’impose. Les maires ne comprennent pas l’alchimie législative et réglementaire et doutent de notre capacité à influer sur le cours des choses.

Le Sénat a un vrai travail à accomplir, notamment dans les territoires ruraux, car ça va tousser de partout !

Mme Sophie Primas, présidente. – Pas seulement dans le rural ! On assiste à une rétention du foncier, avec des difficultés pour racheter des friches industrielles.

M. Pierre Louault. – Soyons concrets ! Et invitons les maires et présidents d’intercommunalité à engager des recours. La police de l’environnement outrepasse la loi et aboutit à des situations absurdes : c’est intolérable !

M. Laurent Duplomb. – La modification de la loi par les décrets constitue une manœuvre politique, destinée à dédouaner le Gouvernement, qui remet ainsi le singe sur l’épaule des régions – dont aucune n’est à sa main... Je ne serais pas étonné de découvrir dans quelques mois que des exonérations sont accordées à certaines zones de revitalisation rurale (ZRR). Voilà une manœuvre politique de bas étage !

Mme Martine Berthet. – Je partage l’inquiétude de mon collègue Patrick Chauvet au sujet des divisions au sein des intercommunalités : des maires sont d’ores et déjà contraints de choisir entre zone économique et logement.

S’agissant de la rétention foncière, je connais un site en Savoie qui pourrait trouver acheteur, mais l’industriel n’est pas vendeur…

M. Franck Montaugé. – Attention toutefois à ne pas apparaître hostiles à la démarche du ZAN : les enjeux de biodiversité sont réels.

Mme Sophie Primas, présidente. – En complément de ma réponse à Sylviane Noël, sachez que le nombre d’ordonnances a doublé depuis 2007.

Questions diverses

Mme Sophie Primas, présidente. – Au début de l’année, nous avons désigné Mme Anne-Catherine Loisier pour faire partie de la mission conjointe de contrôle sur la prévention des risques et la gestion des enjeux climatiques liés à la recrudescence des mégafeux, qui conduit ses travaux avec la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable. Je vous propose de compléter notre présence au sein de cette mission afin que M. Olivier Rietmann en soit également membre.

Il en est ainsi décidé.

Mme Sophie Primas, présidente. – Pour votre information, une audition plénière de la mission est prévue le mercredi 15 juin prochain, autour de représentants de l’Institut national de la recherche agronomique (Inrae), du Syndicat des sylviculteurs et de la Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France.

La réunion est close à 10 h 35.