Jeudi 3 février 2022

- Présidence de M. Jean-François Rapin, président -

La réunion est ouverte à 9 h 05.

Institutions européennes - Déplacement d'une délégation de la commission des affaires européennes en Italie du 8 au 9 novembre 2021 - Communication

M. Jean-François Rapin, président. - Mes chers collègues, j'ai le plaisir de vous rendre compte ce matin du déplacement à Rome, en novembre dernier, d'une délégation de notre commission des affaires européennes. J'étais accompagné de Gisèle Jourda, Claude Kern, Didier Marie et André Reichardt. Nous avons participé à des réunions des commissions des affaires européennes du Sénat italien et de la Chambre des députés et avons eu une série d'entretiens avec des responsables italiens ainsi que, naturellement, avec notre ambassadeur.

Tout d'abord, je souhaiterais souligner la qualité de notre relation bilatérale avec le Sénat italien. Cette relation est ancienne et régulière, mais la pandémie a malheureusement limité nos possibilités de réunions communes ces deux dernières années, notre dernière rencontre remontant à avril 2019, lorsque nous avions accueilli au Sénat une délégation italienne.

Il s'agissait donc de relancer concrètement cette relation, dont je souligne l'importance institutionnelle : depuis la sortie du Royaume-Uni, le Sénat italien est la seule seconde chambre d'un pays comparable de l'Union à disposer de compétences législatives étendues.

Nos relations sont au demeurant excellentes et nous avons encore récemment coopéré de façon extrêmement concrète avec le Sénat italien, lors de la mise en place de la Conférence sur l'avenir de l'Europe.

Ce déplacement s'inscrivait également dans un moment particulier de la relation franco-italienne. En 2019, cette relation était au plus bas et notre ambassadeur était rappelé à Paris ; trois ans plus tard, notre relation est au plus haut et s'est concrétisée dans le traité du Quirinal, qui offre un pendant au traité de l'Élysée signé avec l'Allemagne, augurant d'un véritable couple franco-italien au sein de l'Union européenne. Car ce traité est certes un traité bilatéral, mais il vise notamment à créer une coopération franco-italienne au sein de l'Union européenne.

Notre déplacement s'inscrivait aussi naturellement dans la perspective de la présidence française du Conseil de l'Union européenne et de l'agenda législatif européen des prochains mois. Nous avons ainsi principalement parlé de migrations, d'élargissement, d'énergie et du pacte de stabilité et de croissance.

Sur les questions migratoires, nous avons eu plusieurs entretiens sur les questions migratoires, qui revêtent une importance et une sensibilité particulières en Italie, pays « de première entrée », notamment avec Marco Minniti, ancien ministre de l'Intérieur.

La différence de situation entre la France et l'Italie explique que nos deux pays aient des visions légèrement différentes. Sans surprise, l'Italie souhaite l'adoption d'un pacte asile et immigration « complet et ambitieux », qui aborde la question des relocalisations et permette de renforcer l'agence Frontex. Nous savons qu'obtenir un accord sur ce paquet ne sera pas aisé et nos interlocuteurs ont abondé dans le même sens : après cinq ans de discussions infructueuses pour une gestion européenne de la crise migratoire, trouver un accord ne sera pas facile.

Certains interlocuteurs nous ont même fait part d'un franc pessimisme, voire d'inquiétudes. Les migrations semblent être devenues les nouveaux instruments de pression des autocraties aux marges de l'Europe et, peut-être, un moyen de peser sur les résultats des élections à venir en France, puis, en 2023, en Italie.

La position de l'Italie sur le sujet migratoire consiste également à agir dans les zones de départ et donc à mettre l'accent sur la dimension externe du pacte, considérant qu'au moment de l'arrivée des migrants en Europe, il est déjà trop tard pour véritablement agir, du fait des divisions des Européens, sous la pression de leur opinion publique.

Deux autres propositions ont été formulées : d'une part, celle de présenter un plan d'investissement massif de l'Union en Afrique du Nord, afin de lutter contre les migrations d'origine économique, en conditionnant les investissements à un engagement des pays concernés à lutter contre le trafic d'êtres humains ; d'autre part, celle de mettre en oeuvre des corridors humanitaires pour les migrants fuyant des zones de conflits, afin de couper l'herbe sous le pied des trafiquants d'êtres humains.

En définitive, sur ces questions migratoires, malgré des situations nationales différentes, nous nous sommes accordés avec nos interlocuteurs italiens à considérer que la réponse à y apporter ne pouvait être qu'européenne et que le « chacun pour soi » ne pouvait pas fonctionner.

La question de l'élargissement aux Balkans est un autre point de désaccord entre la France et l'Italie, même si nous reconnaissons tous la perspective européenne de ces pays.

La France est plus réticente car nous craignons qu'un élargissement trop rapide n'affaiblisse la cohérence et le fonctionnement de l'Union, quand nos partenaires italiens s'inquiètent des influences étrangères dans ces pays, en forme d'alternative à l'Union européenne. Un de nos interlocuteurs nous disait ainsi : « nous risquons de générer au coeur de l'Europe une zone d'influence turque, russe et chinoise. Soit, nous remplissons ce vide politique en ouvrant des perspectives, soit d'autres le feront à notre place ».

Cette crainte était appuyée par l'exemple libyen : il y a dix ans, la France et l'Italie avaient deux agendas politiques différents et non concertés ; aujourd'hui nous y sommes remplacés par les Russes et les Turcs.

L'énergie et la place du nucléaire ont aussi été abordées. Les échanges avec les sénateurs italiens ont longuement porté sur les questions énergétiques et en particulier sur la reconnaissance de la contribution de l'énergie nucléaire à la décarbonation de nos économies et à la protection de l'environnement.

Les questions énergétiques sont appréhendées de façon différente de chaque côté des Alpes, voire au sein de chaque assemblée, dans la mesure où l'Italie a fait le choix, par référendum, de ne pas recourir à l'énergie nucléaire.

Néanmoins, sur ce sujet aussi, nous nous sommes accordés à considérer que l'échelle européenne était celle pertinente pour discuter de ces questions.

Je vais désormais aborder la réforme du pacte de stabilité et de croissance. Sur ce pacte, nos deux pays partagent une même vision de sa nécessaire évolution, pour ne pas commettre de nouveau les erreurs du passé et briser la reprise post-pandémie.

À ce titre, la récente réélection de Sergio Mattarella à la présidence de la République italienne permet à Mario Draghi de rester Président du Conseil, ce qui devrait sécuriser, au moins à court terme, la mise en oeuvre du plan de relance italien. Je rappelle que ce plan est considérable : l'Italie va recevoir de l'Union près de 70 milliards d'euros de dons, auxquels s'ajoutent environ 123 milliards d'euros de prêts et enfin 30 milliards d'euros du budget national, soit un total supérieur à 220 milliards d'euros.

Voici la teneur des principaux échanges que nous avons eus avec nos interlocuteurs italiens et que les collègues qui m'accompagnaient pourront compléter. Je souligne à nouveau la qualité de notre relation : les points de convergence l'emportent largement sur les désaccords. Il nous appartiendra d'inviter à notre tour nos homologues italiens, dans les prochains mois, pour continuer à renforcer nos relations.

Voilà mes chers collègues ce que je souhaitais vous communiquer sur ce déplacement qui intervenait à un moment d'incertitude où le Président Mattarella se refusait à exercer un second mandat. La situation politique a évolué depuis et assure une certaine stabilité politique au pays, dont le peuple italien est demandeur.

J'ai récemment visité deux pays au sein desquels la confiance populaire dans les gouvernements était installée : il s'agit de la Grèce et de l'Italie. Cette stabilité offre à ces pays un « redémarrage » beaucoup plus visible après la crise, par rapport à de nombreux autres pays.

M. André Gattolin. - Je voudrais préciser qu'un autre voyage a été organisé récemment en Italie par la Commission des affaires étrangères et de la défense ; peut-être serait-il opportun d'établir un bilan commun du Sénat concernant ces deux déplacements.

Je voudrais également ajouter une précision concernant les élections à la présidence italienne : la réélection de Sergio Mattarella n'apparaît pas vraiment comme une surprise. Personne ne souhaitait que Mario Draghi accède au Quirinal. En effet, ce cas de figure aurait provoqué des élections anticipées au Parlement. Je suis allé plusieurs fois donner des conférences au Sénat italien l'an passé. À ces diverses occasions, plusieurs interlocuteurs m'ont confié que la réforme des retraites des parlementaires italiens, entrée en vigueur depuis trois ans, pourrait faire perdre une grande partie de leur retraite aux parlementaires sortants. Le maintien de cette cohésion relève donc moins du fort soutien à Mario Draghi, qu'à des raisons purement techniques voire pécuniaires. Il faut analyser la cohésion actuelle autour du couple Mattarella/Draghi comme une veillée d'armes d'un affrontement reporté. Les résultats envisagés pour les prochaines élections en Italie sont en ce sens inquiétants. On constate notamment la montée en puissance du parti Fratelli d'Italia, annoncé comme le grand vainqueur de ces prochaines élections, au détriment du mouvement cinq étoiles et de la Ligue.

M. André Reichardt. - Pour avoir participé à ce déplacement, je partage moi aussi ce ressenti très fort de cohésion nationale derrière le couple Mattarella/Draghi.

Par ailleurs, concernant le Pacte européen sur la migration et l'asile, je perçois un certain décalage entre le discours que nous avons pu entendre lors de ce déplacement, et celui que l'on nous avait tenu lors d'un précédent entretien, organisé à Bruxelles avec le représentant permanent de l'Italie auprès de l'Union européenne, dans le cadre du groupe de travail « asile-migration », quatre mois auparavant. Le discours italien à ce moment-là était très arrêté. En tant que pays de première entrée, ils étaient fortement dubitatifs sur le paquet de textes présenté quelques mois plus tôt par la Commission européenne. Les interlocuteurs rencontrés à Rome nous ont tenu un discours plus souple. Je pense que ce changement de logique est à rapprocher avec l'importance de l'aide de l'Union européenne conférée à l'Italie dans le cadre du plan de relance.

C'est peut-être le moment pour la présidence française du Conseil de l'Union européenne d'analyser dans quelle mesure il est possible de négocier avec les pays de première entrée, favorables aux relocalisations de migrants. Ne faudrait-il pas « pousser les feux » à cet égard, notamment vis-à-vis de l'Italie ? À ce jour, rien ne semble indiquer que des actions vont être entreprises par le Gouvernement dans les six mois à venir en ce sens. Je trouve cela regrettable.

Bien entendu, il aurait également fallu négocier avec les pays qui refusent catégoriquement les relocalisations : il existe là-encore certainement des possibilités de négociation. Nous ne sommes que début février mais le calendrier français ne facilite pas ces discussions. Il faut faire vite ! Les négociations avec l'Italie doivent être développées.

M. Jean-François Rapin, président. - Ces considérations concernent aussi la Grèce. Le Ministre des affaires européennes a pourtant été clair sur cette question : la stratégie d'un pacte complet a été abandonnée et l'on prévoit désormais une avancée à « petit pas » car les négociations sont très difficiles. Je ne voudrais pas être trop critique sur ces questions : je ferais plutôt preuve d'humilité et de volonté. C'est une situation délicate.

Il est certain en revanche que des avancées fortes sont nécessaires. En effet, cette problématique s'aggrave et s'aggravera. J'ai pu échanger avant-hier à ce propos avec l'ambassadeur allemand. Le cumul des migrations climatique, économique et liées aux conflits impose de se préparer. En ce sens, une organisation beaucoup plus poussée devra être déployée pour pouvoir absorber ce choc.

M. Jean-Yves Leconte. - Sur la question des Balkans, au regard de l'allocution du Président de la République à Strasbourg, il me semble que les Italiens n'ont rien à attendre de la présidence française en ce qui concerne l'élargissement de l'Union européenne.

Ensuite, je suis quelque peu en désaccord avec André Reichardt sur l'utilisation de l'argument du plan de relance dans les négociations du Pacte. Trop utiliser ce levier pourrait s'avérer contreproductif. Cette utilisation pourrait même être dangereuse eu égard à la situation politique de l'Italie. De surcroît, la position sur ce sujet des pays de première entrée doit être entendue. Le Pacte présente des limites. Même quand la responsabilité des pays de première entrée était limitée dans le temps, elle était insupportable. Il est donc évident que les dispositions du Pacte sont, sur ce point, davantage une commande franco-allemande qu'une proposition de la Commission européenne destinée à l'ensemble des États membres. Aussi, comment l'imposer aux Italiens ?

En revanche, sur d'autres sujets, Eurodac notamment, nous pouvons parvenir à un accord. Il est préférable que ce paquet de textes soit analysé de manière ciselée afin que nous puissions a minima avancer sur ces derniers.

Enfin, sur le rapport entre la question du développement et des migrations, je souscris pour une fois aux propos de Gérald Darmanin : il ne faut pas imaginer que le développement des pays tiers produira immédiatement des améliorations sur le plan des migrations. Ces améliorations ne seront visibles que sur le long terme. En ce sens, il faut améliorer notre résilience en la matière. La crise biélorusse a montré que des pays qui refusaient la solidarité sont devenus des pays de première entrée. Il ne faut pas non plus que cela conduise à la remise en cause des fondements mêmes de l'asile : c'est tout de même ce qui était proposé dans une certaine mesure par la Commission européenne !

M. Jean-François Rapin, président. - Charge à nous de recevoir nos collègues italiens lorsque les conditions sanitaires nous le permettront. En tout état de cause, leur accueil a été très chaleureux.

Institutions européennes - Programme de travail de la Commission européenne pour 2022 - Proposition de résolution européenne et avis politique

M. Jean-François Rapin, président. - Je vous propose maintenant d'aborder le deuxième point de notre ordre du jour. Il s'agit du programme de travail de la Commission européenne pour 2022. Il s'agit d'un sujet assez dense et des points de modifications sont à analyser ensemble. Nous avons essayé de travailler sur ce sujet avec Didier Marie - qui est malheureusement retenu - pour s'accorder ensemble sur l'adoption d'une PPRE qui serait acceptée par tous. Ce document est amendable, je le répète.

Le 19 octobre dernier, la Commission européenne a présenté son programme de travail pour 2022, intitulé Ensemble pour une Europe plus forte, en l'introduisant par ces mots : « Notre Union sort d'une période de crise sans précédent. Face à une série d'évènements mondiaux perturbateurs, nous avons montré qu'en agissant de concert, en étant unis et en affichant une grande ambition, nous pouvons relever les défis les plus difficiles et respecter nos engagements envers les citoyens européens. ».

En 2022, l'objectif du programme de la Commission est triple : témoigner de la « détermination à rebondir après la pandémie et à en sortir plus forts », « accélérer la double transition écologique et numérique » et « bâtir une société plus juste, plus résiliente et plus durable ». Ainsi, la Commission européenne souhaite se tourner vers l'avenir et a d'ailleurs consacré 2022 comme « Année européenne de la jeunesse ».

Le programme de travail comporte 32 nouvelles actions, contre 44 en 2021, toujours réparties selon les six grandes ambitions définies dans les orientations politiques d'Ursula von der Leyen : le Pacte vert pour l'Europe (5 actions), l'Europe adaptée à l'ère du numérique (7 actions), l'économie au service des personnes (7 actions), l'Europe plus forte sur la scène internationale (4 actions), la promotion de notre mode de vie européen (5 actions) et un nouvel élan pour la démocratie européenne (4 actions).

Au total, ces 32 actions devraient être mises en oeuvre à travers 42 initiatives, selon un calendrier prévisionnel établi de façon trimestrielle - la Commission prend bien soin de préciser que ces informations restent indicatives. Le nombre total d'initiatives prévues en 2022 est en nette diminution par rapport à celui de 2021 (qui était, je le rappelle, de 89). Dans ce cadre, il en va de même pour les initiatives législatives, qui passeraient à 24 contre 59 en 2021, comme pour les initiatives non législatives, qui doivent être ramenées de 30 en 2021 à 15 en 2022. Précisons enfin que la Commission européenne n'a pas encore précisé le statut (législatif ou non législatif) de trois de ses initiatives. Je préciserai par la suite le contenu de ces diverses initiatives.

Par ailleurs, le programme de travail présente également les révisions, évaluations et bilans de qualité auxquels la Commission envisage de procéder en 2022, au titre du programme REFIT de simplification. 26 initiatives sont prévues dans ce cadre, après 41 en 2020, dont 7 au titre du Pacte vert pour l'Europe, 9 au titre d'une Europe adaptée à l'ère du numérique, 4 au titre d'une économie au service des personnes, 2 au titre de la promotion du mode de vie européen et 4 en ce qui concerne le nouvel élan pour la démocratie. Je souhaite citer en particulier la révision de la directive relative au traitement des eaux urbaines résiduaires et celle de la législation européenne sur la commercialisation des semences, ou encore la révision de certains aspects procéduraux du contrôle des concentrations. Sur ce point, force est de constater et même de déplorer que, pour la deuxième année consécutive, la communication sur la définition du marché dans le droit de la concurrence européen demeurera soumise à évaluation, sans signe tangible d'évolution dans la position de la Commission européenne sur la taille du marché pertinent. Citons également la révision de la législation douanière de l'Union européenne, l'actualisation de la directive sur la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) ou encore la révision de la directive relative aux droits des victimes.

La Commission dresse également la liste des 76 textes déjà présentés, parfois il y a plusieurs années, et considérés comme prioritaires, mais encore en attente, leur examen législatif restant en cours. Il y en avait 50 en 2021, ce chiffre élevé étant à la fois le résultat d'une « forte production » normative de la Commission européenne au cours de l'année 2021 et aux retards de calendrier liés à la pandémie. En 2022, ces propositions prioritaires en attente concerneront principalement la mise en oeuvre du Pacte vert système de quotas d'émission de gaz à effet de serre ; Fonds social pour le climat ; mécanisme d'ajustement carbone aux frontières...), le numérique (identité numérique ; intelligence artificielle ; cybersécurité...) et les neuf initiatives résultant du Nouveau Pacte sur la migration et l'asile, dont les négociations sont en pratique bloquées.

Enfin, le programme de travail indique que seront retirées, dans un délai de six mois, 6 propositions législatives - il y avait eu 14 retraits en 2021. Ces retraits sont motivés par l'obsolescence de ces textes. C'est le cas d'une proposition de règlement fixant le cadre financier pluriannuel pour la période 2014-2020 arrivée à échéance, et de plusieurs propositions relatives à la politique de développement dont les versions initiales avaient été rendues obsolètes par l'adoption du plan de relance européen et qui ont été depuis remplacées par d'autres initiatives.

Je voudrais ensuite indiquer que nous nous félicitons du dialogue politique entre notre commission et la Commission européenne, mais que nous souhaiterions une meilleure association des parlements nationaux à l'élaboration de ses initiatives - je pense par exemple à la détermination des nouvelles ressources propres de l'Union européenne. C'est dans cet esprit et alors que la France vient de prendre la tête du Conseil de l'Union européenne, qu'il me semble important que notre commission examine le programme de travail 2022 de la Commission mais que nous saisissions cette opportunité pour affirmer également clairement nos priorités.

Je veux aussi préciser que, le 16 décembre dernier, la Commission, le Conseil et le Parlement européen sont convenus de considérer comme essentielles pas moins de 138 propositions législatives, présentées en 2022 ou plus anciennes. Les trois institutions doivent désormais s'accorder sur leurs priorités et sur leur calendrier d'examen. Je souhaiterais enfin me concentrer sur les nouvelles initiatives que la Commission a annoncé vouloir présenter en 2022 au service de chacune de ses six priorités politiques.

La première des priorités politiques de la Commission, le Pacte vert pour l'Europe, comprend douze propositions, dont la plupart sont de nature législative. Le principal axe consistera à poursuivre l'alignement de la réglementation européenne en matière climatique et énergétique sur l'objectif de l'Union de réduire les émissions de gaz d'au moins 55 % par rapport au niveau de 1990, avec un paquet « mesures climatiques » comprenant en particulier un cadre réglementaire européen pour la certification des absorptions de carbone, un réexamen des normes en matière d'émission de CO2 par les véhicules lourds et une révision des règles relatives aux gaz à effet de serre fluorés. Nous voulons insister sur la nécessité, pour l'Union européenne, d'une part, de ne se priver d'aucune technologie pour parvenir à ces objectifs climatiques ambitieux et, d'autre part, d'accompagner les filières et de protéger certains territoires particulièrement exposés dans cette phase de transition, je pense en particulier aux territoires littoraux.

La Commission va également présenter un paquet de mesures s'inscrivant dans le plan « zéro pollution », notamment dans les domaines de la gestion intégrée de l'eau et de la qualité de l'air ambiant, une initiative sur l'économie circulaire, plusieurs dispositions destinées à limiter l'usage et les rejets de plastique, et une nouvelle disposition relative aux pesticides. Nous souhaitons également prendre acte des mesures destinées à favoriser une « mobilité efficace et verte », qui prévoit en particulier un renforcement du transport ferroviaire, et de celles du nouveau paquet gazier, qui souhaite favoriser la part des gaz renouvelables, dont l'hydrogène. À la suite de l'adoption de notre résolution sur la taxonomie, le 7 décembre dernier, au sujet duquel il ne s'agit pas de rouvrir le débat, nous souhaitions demander des éclaircissements à la Commission sur la portée exacte de l'acte délégué complémentaire. Cependant, l'acte délégué a été publié hier et apporte des réponses aux interrogations que nous avions en la matière. Nous retirerons donc cet élément de la PPRE.

Nous demandons aussi, à la suite des travaux de nos collègues Gisèle Jourda et Cyril Pellevat, l'élaboration d'un véritable cadre européen sur la protection des sols.

En complément, nous vous proposons d'expressément regretter que ce programme de travail n'évoque ni la politique de la pêche ni la PAC en tant que telles, malgré l'importance pour l'Europe d'assurer son indépendance sanitaire et sa sécurité alimentaire. Nous vous proposons notamment d'insister sur la nécessité, pour la Commission européenne, de défendre les pêcheurs des États membres et de faire appliquer par le Royaume-Uni ses engagements post-Brexit.

Sur l'objectif d'une Europe adaptée à l'ère du numérique, comme en 2021, la Commission prévoit d'importantes nouvelles mesures législatives échelonnées sur l'année 2022. Je veux mentionner en particulier le cadre européen sur la cyber-résilience, qui doit établir des normes communes en matière de cybersécurité des produits, mais également la présentation d'une initiative pour renforcer notre capacité d'innovation et notre sécurité d'approvisionnement dans le domaine des semi-conducteurs. Ajoutons que nous souhaiterions prendre acte de la publication imminente de l'acte sur la gouvernance des données et que nous soutenons l'adoption prochaine du cadre européen sur l'intelligence artificielle (IA). Enfin, il nous faut résolument soutenir une stratégie spatiale ambitieuse pour l'Union européenne, dans laquelle notre pays doit tenir une place éminente.

Concernant l'économie au service des personnes, les initiatives sont très diverses et d'importance inégale. On peut malgré tout évoquer la recommandation sur le revenu minimum et l'initiative législative destinée à faciliter l'accès des petites et moyennes entreprises (PME) aux marchés de capitaux. Et souligner l'importance d'un partenariat renouvelé avec les régions ultrapériphériques (RUP) en rappelant à la Commission de bien prendre en compte leurs spécificités dans ses politiques. Nous voulons surtout, dans ce domaine, insister sur la nécessité d'avancer sur des propositions antérieures à 2022 mais qui correspondent aux priorités du Sénat : mise en place de ressources propres avec un mécanisme d'ajustement carbone aux frontières pérenne, sans pénalisation de nos entreprises ; égalité hommes/femmes dans les rémunérations et au sein des conseils d'administration ; poursuite de la mise en oeuvre du plan de relance européen ; meilleure prise en compte des objectifs de souveraineté économique et industrielle dans la politique de concurrence ; soutien à l'adoption d'une réglementation sur les subventions étrangères ou encore attente d'une initiative sur le devoir de vigilance des entreprises.

La construction d'une Europe plus forte sur la scène internationale est la quatrième priorité de la Commission. Cette dernière présentera peu d'initiatives, qui, logiquement en ce domaine, sont en majorité non législatives. Signalons a contrario la volonté de modifier le règlement portant « loi de blocage » pour prévenir et limiter les effets des sanctions extraterritoriales de pays tiers sur les citoyens et les entreprises des États membres. Cette initiative doit être soutenue. De plus, il nous revient d'insister sur la nécessité de trouver un accord européen sur « la boussole stratégique » en matière de défense, de soutenir la stratégie de « passerelle globale » (ou « global gateway »), qui est le pendant européen des « routes de la Soie » chinoises, d'encourager la Commission à renforcer la politique de voisinage et à tenir compte des tensions actuelles dans les pays du Partenariat oriental.

La promotion de notre mode de vie européen constituera un axe de propositions dans les domaines de la santé (stratégie européenne de soins ; dépistage du cancer), de l'éducation (avec une volonté de renforcer les coopérations, d'une part, entre les universités et, d'autre part, entre les établissements d'enseignement supérieur) ou d'accès aux informations liées à la sécurité. Mais l'essentiel sera ailleurs, plus précisément dans un appel à l'adoption du Nouveau Pacte sur la migration et l'asile, présenté à l'automne 2020 mais dont les négociations patinent. Comme le soulignaient nos collègues André Reichardt et Jean-Yves Leconte dans leur rapport de septembre dernier sur ce dossier, cette réforme vise à la fois un renforcement de la surveillance des frontières extérieures de l'Union européenne, une actualisation du droit d'asile et une plus grande efficacité de la lutte contre l'immigration illégale, en lien avec un paquet de textes révisant les règles constitutives de l'Espace Schengen, qui, lui, vient d'être présenté fin 2021. La dimension extérieure de ce Pacte, qui ne nécessite aucune modification de texte mais des accords « gagnant-gagnant » avec les pays d'origine et de transit, nous semble prioritaire. En complément, l'Union européenne devra épauler la France dans ses négociations avec le Royaume-Uni sur le dossier migratoire.

Enfin, la Commission européenne propose plusieurs initiatives pour donner un nouvel élan à la démocratie européenne, en particulier une initiative sur la liberté des médias. Il faudra évidemment la soutenir, en s'assurant toutefois que ce cadre européen destiné en principe à conforter cette liberté des médias ne la limite pas en pratique. Permettez-moi aussi de regretter que les mesures relatives à la démocratie européenne figurent en dernière place de ces priorités, car la défiance de nos concitoyens à l'égard du processus de décision européenne et des institutions européennes n'a sans doute jamais été aussi élevée. La Conférence sur l'avenir de l'Europe vise à réduire cette distance par un dialogue avec la société civile. Les propositions de cette Conférence devront être examinées attentivement et devraient, selon moi, suggérer un renforcement des parlements nationaux, en particulier avec un « carton vert », droit d'initiative législatif qui serait reconnu aux parlements nationaux. Au-delà, il convient d'appeler à nouveau la Commission européenne à respecter le principe de subsidiarité, à travailler à une plus grande transparence des trilogues et à renforcer le multilinguisme dans ses travaux. Dans une perspective de plus long terme, et alors que la France prend la présidence du Conseil, nous rappellerons enfin aux institutions européennes que le siège du Parlement européen est à Strasbourg et doit y rester.

Vous le voyez, un programme très nourri et marqué, comme l'indique d'ailleurs l'intitulé de la communication de la Commission, par une volonté de se tourner vers l'avenir.

Sur la base de cette présentation générale, Didier Marie et moi vous proposons d'adresser à la Commission un avis politique, qui vous a été préalablement diffusé, pour présenter la position de notre commission sur un nombre limité de points prioritaires, que la Commission devrait prendre en compte au cours des mois à venir, mais aussi une proposition de résolution européenne (PPRE) à la rédaction quasi identique, qui demanderait au Gouvernement français de porter les positions du Sénat dans les négociations européennes.

Je vous remercie. Ce travail a été intense : je remercie à ce titre Jonathan Papillon, qui nous a assisté Didier Marie et moi-même sur ce travail. Nous avons réussi à obtenir, je pense, un document équilibré qui peut être discuté.

Je précise que nous enlevons d'ores et déjà la demande de précisions sur le sujet de la taxonomie. Ces précisions ont en effet été apportées hier par la Commission européenne, qui a produit l'acte délégué en question. Cette demande était formulée à l'alinéa n°15 dans la proposition de résolution et à l'alinéa n°13 dans l'avis politique. Nous supprimons, si vous en êtes d'accord, cette demande qui n'a plus lieu d'être.

M. André Gattolin. - Merci M. le président pour cette communication. Je tenais à féliciter les deux rapporteurs pour ce travail extrêmement dense. Pour aller « droit au but », quelques précisions me paraissent importantes. Dans la partie concernant « l'Europe à l'ère du numérique » et « l'Europe spatiale », les grands textes en discussion (DSA ; DMA) ont été rappelés. Ces derniers posent un certain nombre d'interrogations. J'ai pu échanger à ce sujet avec le ministre des Affaires européennes, Clément Beaune. Logiquement ces textes devraient être adoptés en mars mais, sur la partie DSA, des interrogations demeurent concernant la protection des droits d'auteurs.

Un autre point n'a pas été évoqué, alors même que le ministre nous a indiqué hier qu'il pourrait s'agir d'un acte important, adopté sous présidence française. Il s'agit de la directive ePrivacy, qui concerne la vie privée et les communications électroniques. Il pourrait être intéressant que l'on insiste sur cette directive, qui au départ, devait être le pendant du RGPD. Sur ce point, soyons vigilants : soit un grand changement en la matière se produit ; soit la directive a revu ses ambitions à la baisse. Aussi, si cela vous paraît possible, je souhaiterais que nous appelions dans notre PPRE à la rédaction d'une directive sur la vie privée et les communications électroniques qui soit ambitieuse.

Par ailleurs, concernant le point 30 sur l'Europe spatiale, je pense qu'il serait bon dans la prolongation du rapport remis par M. le Président et moi-même, mais aussi de celui de 2019, de rappeler notre attachement à la création d'une nouvelle agence spatiale européenne aux côtés de l'ESA (European Space Agency), qui n'est pas seulement civile mais duale. Il s'agirait ainsi de rappeler notre attachement à la lutte contre la prolifération des déchets spatiaux.

Enfin, concernant les points 36 de la PPRE et 34 de l'avis motivé, je pense qu'il serait bon de rappeler dans le discours sur la souveraineté industrielle de l'Union européenne, notre attachement à la protection du patrimoine scientifique et aux valeurs de l'Union européenne de la recherche - notamment la liberté académique et scientifique. L'Appel de Marseille évaluera en mars prochain avec les 27 Etats membres ainsi que les pays tiers parties au projet, le nouveau programme de recherche de l'Union européenne et le cadrage des investissements européens en matière de recherche. En décembre dernier, nous avions adopté à l'unanimité une résolution sur ce sujet : je pense que nous devons de le rappeler dans notre programme de travail.

M. Jean-François Rapin, président. - Je souscris à l'ensemble de tes demandes, notamment sur la question du spatiale. Pour information, nous n'avons pas préciser cette notion, la directive « déchets » étant en cours d'écriture.

Nous avions par ailleurs anticipé ta remarque sur la nouvelle stratégie européenne du patrimoine et la liberté académique : j'ai sur la table à côté de moi la rédaction d'un amendement au programme de travail visant à ajouter aux réflexions de la commission ces deux questions.

Je souhaiterais enfin donner la parole à Mme. Catherine Morin de Sailly.

Mme Catherine Morin-Desailly. - J'alerte notre commission, à l'instar d'André, sur les reculs enregistrés concernant le règlement DSA. Il existe en effet à cet égard des risques de piraterie. Les acteurs du secteur craignent que les délais enserrés d'examen du texte, en raison de la présidence française de l'Union européenne, ne permettent pas une analyse approfondie des conséquences de ce dernier. Je rappelle que la portée de cette législation s'étendra sur plusieurs années : soyons vigilants, il ne faut pas se tromper !

Toujours sur le sujet du numérique, je tiens à souligner que le point 27 de la PPRE sur la nécessité de prémunir les utilisateurs du « nuage » (cloud) européen en construction de toute exposition à des législations ou à des pratiques permettant un accès abusif à leurs données, fait référence à l'échec du projet Gaia-X. Ce dernier était tout sauf un projet stratégique de cloud pour les données des européens : il s'agissait davantage d'un club d'entreprises accueillant a fortiori des Américains et des Chinois ! C'est la raison pour laquelle certains français en sont sortis, dénonçant la faillite de ce projet. Je me demande s'il ne faut-il pas être plus incisifs encore et souligner la nécessité, voire l'obligation, de prémunir les utilisateurs du nuage - je vous renvoie pour cela aux décisions de la Cour de justice de l'Union européenne sur l'accord de transfert des données des européens. Je pense qu'il s'agit là d'une ardente obligation, particulièrement si l'on considère la législation et les décisions de la Cour de justice de l'Union européenne qui ont invalidé l'accord de transfert des données vers les Etats-Unis. L'utilisation du mot « abusif » me semble enfin imprécis.

Je souhaiterais évoquer par ailleurs un autre sujet, pour lequel un rapport sera publié par notre commission à la fin du mois et qui concerne la relation entre patrimoine et Europe. Il est bien dommage que le patrimoine ne fasse pas l'objet de compétences au niveau européen. A travers nos travaux il est apparu très important de promouvoir la construction d'une politique patrimoniale transversale qui soit en cohérence avec les autres sujets que sont l'environnement, le développement économique et le tourisme. Il est important que nous puissions mettre en cohérence cette politique patrimoniale avec le Pacte vert et le numérique, évoqués dans la PPRE, ainsi qu'avec le nouveau Bauhaus européen. Je vous transmets ainsi la proposition de texte pour modifier l'avis politique et la PPRE en ce sens.

M. Pierre Laurent. - Merci pour ce travail et félicitations aux rapporteurs. Cela étant dit, je vais être assez direct : je ne voterai pas cet avis politique ni la PPRE et ce, pour des raisons de fond. Il s'agit d'approuver le programme de travail fixé par la Commission pour 2022. Or, je ne l'approuve pas. Tout le pilier de l'Europe social continue d'être l'Oublié et l'Impensé de la construction européenne. On aurait pu penser qu'après les crises successives - le Brexit, la pandémie mondiale - on inverserait les priorités. Ce n'est pas le cas ! La proposition de résolution continue de se féliciter de l'état actuel du socle européen des droit sociaux, qui n'est a fortiori pas complètement appliqué, comme ne le cesse de le répéter la Confédération européenne des syndicats depuis des années. On continue dans toute l'Europe de reculer l'âge de départ à la retraite, alors même que les conditions de vie des retraités se dégradent graduellement, que le taux de chômage des seniors est extrêmement important... On voit qu'il y a un immense problème en Europe sur l'autonomie et sa prise en charge - je vous renvoie au scandale actuel frappant la société ORPEA. La question du logement constitue également un problème majeur. Les problématiques sociales continuent d'être sous-estimées : elles ne sont prises en compte que par le prisme de l'amélioration de la compétitivité européenne. Cette conception de la société, qui fonde les politiques européennes depuis des années, est inadaptée pour traiter les enjeux de la crise qui frappe notre continent.

Concernant le Pacte vert, j'approuve l'objectif de réduction des émissions de carbone de 55 %. Cependant, il existe de nombreuses inconnues concernant la trajectoire que nous nous apprêtons à emprunter, et pas simplement sur le plan social. Le financement de cette nouvelle politique devrait se faire par le biais de ressources propres, dont on se félicite de la création sans en mesurer les conséquences réelles. Plus l'on voudra étendre le système d'échange de quotas d'émission pour compenser l'augmentation des objectifs de réduction carbone, et plus cet instrument risque d'être limité. Je ne pense pas que régler les problématiques qui se profilent par une logique de marché soit adapté. De surcroît, nous soulignons dans l'avis politique, et ce, à juste titre, que ces ressources propres ne suffiront pas à financer cette politique ambitieuse.

Un débat s'ouvre sur la révision du Pacte budgétaire. Or, notre PPRE se contente de « prendre note des débats en cours ». C'est un peu lacunaire : la révision du Pacte de stabilité et de croissance est cruciale. Le Parlement devrait se saisir dès maintenant de cette question. Autrement, nous interviendrons une fois de plus a posteriori, c'est à dire une fois que les arbitrages auront été réalisés.

Sur d'autres aspects, notre position est, me semble-t-il, quelque peu angélique. On continue de parler de la boussole stratégique alors que l'on voit bien avec ce qu'il se passe en Ukraine qu'on est face à d'immenses problèmes concernant l'OTAN. On parle également d'une relation renouvelée avec l'Afrique. Cette dimension ne me semble pas très développée dans notre PPRE, alors qu'il y aurait beaucoup à dire.

Ainsi, je n'approuverai pas ce programme de travail. Soyez rassurés, je ne boycotterai pas les débats et j'essaierai d'être constructif mais, je ne souscrirai pas à cette trajectoire générale.

M. Jean-François Rapin, président. - Merci Pierre, je prends note de toutes les remarques que tu as formulées, notamment concernant le pilier social des politiques de l'Union européenne. Sur l'angélisme de l'avis politique, je ne trouve pas cette critique fondée : nous présentons dans ce programme de travail des visions qui ne sont pas communément partagées sur tous les points.

M. Pierre Laurent. - Oui, bien entendu. J'ai moi-même soulevé que, sur un certain nombre de sujets, des points d'attention avaient été formulés, notamment sur la gouvernance de la politique euro.

M. Jean-François Rapin, président. - Je pense que le fait que nous élaborions une PPRE, invite le Gouvernement a écouté ce que nous avons à dire, nous, Sénat, sur un certain nombre de dispositions.

Mme Christine Lavarde. - Je me réjouis de constater qu'au sein de notre PPRE, sur le paquet « Fit for 55 », une attention particulière a été portée sur la question des études d'impact. Aujourd'hui, du moins en droit français, les études d'impact sont perfectibles.

Ce paquet de textes monopolise les discussions. Pourtant, des évolutions pourraient intervenir en parallèle de ce dernier, et des conséquences inattendues pourraient advenir dans un certain nombre de secteurs qu'il concerne. Dans le domaine de l'agriculture notamment, des négociations ont actuellement lieu dans le but de diminuer les engrais azotés. Si l'on fait l'addition des dispositions relatives à la réduction des émissions de carbone, et celles concernant l'engrais azoté, on remarque que l'on change structurellement le modèle économique de la filière.

Aujourd'hui, les études d'impact sont modifiées au fur et à mesure de l'évolution du contenu du Paquet. Peut-être serait-il judicieux d'intégrer au sein de ces études, les conséquences de ces évolutions sur d'autres aspects des secteurs analysés.

Je ne suis pas sûre que le « Fit for 55 » ne soit pas modifié à l'avenir dans son contenu. Cette approche, uniquement centrée sur les émissions de carbone, présente des limites. Peut-être faudrait-il que le paquet s'attache à traiter également des questions connexes. Si l'on prend l'exemple de la voiture, la problématique ne réside plus tant dans les émissions de carbone que dans les émissions de particules.

M. Jean-Yves Leconte. - Le paquet « Fit for 55 » se concentre sur l'atteinte d'un objectif chiffré. Tout le risque de cette nouvelle politique est donc de se désintéresser des problématiques annexes, pour se concentrer cet unique objectif. Les dispositions du paquet sont interconnectées et entraînent des conséquences très larges sur d'autres variables, non-prises en compte dans ce dernier. C'est un risque ! C'est pour cela que j'avais insisté au départ sur les questions de préparation aux évolutions climatiques.

Mme Gisèle Jourda. - Mon intervention sera brève : je souhaitais insister dans un premier temps sur la dimension « recherche » des domaines spatiaux et sanitaires. La crise pandémique l'a démontré : il est nécessaire d'investir massivement dans ces pans de l'économie.

Ensuite, je partage ce qui a été dit à propos de la conférence sur l'avenir de l'Europe sur le fait de renforcer le rôle des parlements nationaux dans l'équilibre institutionnel européen.

Je salue par ailleurs la volonté d'insister dans notre programme de travail sur la dimension ultramarine. Le signal de confiance envoyé à nos collègues ultramarins est en effet très important.

En outre, je suis heureuse de constater qu'un passage entier est dédié à la problématique de la pollution des sols. Seulement, j'aimerais voir apparaître ce dernier dans l'exposé général des motifs. Je vous renvoie pour cela à page 5 de la PPRE.

Enfin, je salue l'initiative d'inscrire le partenariat oriental dans nos priorités. La pertinence de ce partenariat n'est plus à prouver. Il s'agit là d'une véritable affirmation du soutien de l'Europe à leur égard. Il constitue un outil permettant de faire face à la montée des menaces actuelles.

M. Jean-Michel Arnaud. - Merci M. le président. Je partage les orientations fixées par notre commission. Il est cependant important d'indiquer dans le cadre de notre proposition de résolution cette précision : les huiles essentielles et les lavandes sont des produits agricoles. Je souhaiterais que, d'une manière ou d'une autre, ce sujet apparaisse dans le cadre de la résolution que nous allons voter aujourd'hui.

M. Jean-François Rapin, président. - Il faut que nous vérifiions qu'un texte existe sur ce sujet. Peut-être, nous pourrions l'indiquer lorsque nous aborderons la partie relative à l'agriculture et à la pêche. C'est un sujet présentant une dimension assez territoriale ; il est en ce sens pertinent.

M. André Reichardt. - Je voulais vous remercier d'avoir fait état d'une demande visant à relocaliser les activités du Parlement européen à Strasbourg, haut lieu de démocratie à l'échelle européenne.

M. Jean-François Rapin, président. - Nous nous rendons assez souvent avec Gisèle à Strasbourg. Ce lieu tombe en déshérence. Le vice-président du Parlement européen dispose d'un bureau particulièrement austère et inhabité. L'administration de Strasbourg vient de Bruxelles, seulement pour les séances à Strasbourg. Si le déplacement du Parlement européen dans une autre capitale advenait, je me demande quelle pourrait être l'utilité de ce bâtiment immense. Je suis consterné de cette situation !

Mme Pascale Gruny. - J'aimerais apporter une précision : ce bâtiment n'est nullement fonctionnel. Les bureaux sont exigus et dans le cadre de la crise sanitaire, il n'était pas possible de recevoir des personnes en leur sein. Avec la montée en puissance de la visioconférence, les difficultés liées à ce bâtiment sont mises en exergue. De plus, la ville de Strasbourg est relativement enclavée.

M. Jean-François Rapin, président. - Je me permets de revenir sur la demande de Jean-Michel : nous avons du mal à l'intégrer dans la PPRE. Aussi, je te propose que cette dernière fasse l'objet d'un travail ultérieur de la commission, même si tu n'es pas rapporteur officiel sur ces questions.

M. Alain Cadec. - J'ai eu la chance d'être pendant dix ans député européen. À l'époque, 650 députés européens sur 751 s'étaient exprimés en défaveur de l'emplacement strasbourgeois du Parlement européen. La plupart des députés européens veulent quitter Strasbourg. Il existe en outre une très forte pression bruxelloise pour que toutes les institutions soient concentrées à Bruxelles. Seulement, pour que le Parlement quitte Strasbourg il faudrait modifier les traités. Malheureusement, je suis convaincu que le Parlement quittera Strasbourg : c'est la triste vérité.

M. André Reichardt. - Je ne veux pas faire de plaidoyer « pro domo », cependant, je voulais remercier les auteurs de cette PPRE pour leur rédaction. Je suis conscient que le risque existe : cela fait des décennies que cette question est en suspens. J'aimerais également préciser que l'appui des gouvernements successifs a toujours été largement lacunaire en la matière ! Strasbourg est de surcroît une ville particulièrement enclavée. Tout cela aurait dû être pris en compte depuis des décennies. J'ai espoir que la situation s'améliore : un groupe de pression s'est récemment constitué pour promouvoir le maintien du Parlement européen dans notre belle région.

Cela étant dit, s'en est assez ! On ne peut pas à la fois dépouiller Strasbourg de son rôle de capitale régionale, comme c'est le cas à l'heure actuelle - une centaine d'institutions de toute sorte sont en train de quitter la ville - et se dire que les institutions européennes doivent également la déserter.

M. André Gattolin. - Pour alimenter le travail de réflexion que nous devons mener à propos de cette question strasbourgeoise, je pense qu'il faut que nous réalisions une analyse comparative du fonctionnement du Parlement européen avec celui de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe. J'ai participé à cette Assemblée « en présentiel » la semaine passée, et il est vrai que le fait que son administration soit basée à Strasbourg facilite la synergie entre les différents acteurs du Conseil.

Aussi, il faut que les États nationaux s'impliquent davantage : le prétexte de l'accessibilité et de la distance est un peu facile.

Enfin, le problème des institutions européennes, au-delà des parlementaires européens, concerne son administration et ses collaborateurs qui sont tous installés à Bruxelles. La pression subie de cette administration, au-delà de la vétusté des locaux, joue beaucoup.

À l'issue du débat, la commission adopte la proposition de résolution européenne ainsi modifiée, disponible en ligne sur le site du Sénat ainsi que l'avis politique qui en reprend les termes et qui sera adressé à la Commission européenne.

Questions diverses

M. Jean-François Rapin, président. - En questions diverses, je souhaiterais vous informer, comme vous avez pu l'apprendre à la lecture du compte rendu de sa dernière réunion, que le groupe de travail subsidiarité invite notre commission à désigner des rapporteurs pour évaluer l'opportunité d'adresser à la Commission européenne un avis motivé sur la conformité au principe de subsidiarité d'un des textes qu'elle nous soumet : il s'agit d'une proposition de règlement relatif à la transparence et au ciblage de la publicité politique (texte COM 2021 (731)), qui vise à créer un cadre européen en ce domaine susceptible d'avoir une influence sur le déroulement des campagnes électorales, même nationales et locales.

Je vous propose de désigner à cet effet notre collègue Laurence Haribey et moi-même. Le Sénat a jusqu'au 1er mars pour se prononcer sur le sujet donc le calendrier de travail sera serré, et nous sommes en dialogue avec la commission des lois, compétente au fond, pour savoir quelle part elle souhaite y prendre.

La réunion est close à 10h30.