Mercredi 2 février 2022

- Présidence de M. Jean-François Longeot, président -

La réunion est ouverte à 9 heures.

Bilan et perspectives du Varenne agricole de l'eau et de l'adaptation au changement climatique - Audition

M. Jean-François Longeot, président. - Mes chers collègues, après un débat en séance publique sur les agences de l'eau le 25 janvier dernier, le Sénat s'intéresse de près à cette ressource essentielle, sans laquelle -- est-il besoin de le rappeler ? -- il n'est pas de vie.

Notre commission est l'instance naturelle de réflexion sur la gestion et l'évolution de la ressource en eau. Nombre de nos commissaires sont de fins connaisseurs de la politique de l'eau en France, à l'instar de Guillaume Chevrollier, rapporteur des crédits consacrés à l'eau dans le cadre de l'examen annuel des projets de loi de finances, ou de Rémy Pointereau, auteur d'un rapport d'information faisant un bilan de la loi de 2006 sur l'eau et les milieux aquatiques. Mais beaucoup d'autres de nos collègues ici réunis sont engagés dans leurs territoires sur ces questions, notamment au sein des commissions locales de l'eau.

Le 28 mai 2021, le Varenne agricole de l'eau et de l'adaptation au changement climatique a été initié par le ministre de l'agriculture et de l'alimentation et la secrétaire d'État chargée de la biodiversité, dans le but d'identifier, avec les élus, les associations environnementales et les fédérations agricoles, des solutions concrètes pour construire des politiques durables de résilience de l'agriculture face au changement climatique. La récurrence d'épisodes de sécheresse en été, de gel ou encore de pluies diluviennes en hiver a fait ressortir avec force la nécessité d'ouvrir une telle séquence de consultation, pour établir un diagnostic partagé et imaginer des solutions innovantes.

Pendant les neuf mois de consultation, trois thématiques ont été explorées :

- se doter d'outils d'anticipation et de protection de l'agriculture dans le cadre de la politique globale de gestion des aléas climatiques ;

- renforcer la résilience de l'agriculture dans une approche globale en agissant notamment sur les sols, les variétés, les pratiques culturales et d'élevage, les infrastructures agroécologiques et l'efficience de l'eau d'irrigation ;

- accéder à une vision partagée et raisonnée de l'accès aux ressources en eau mobilisables, dans le respect des équilibres et milieux naturels pour l'agriculture sur le long terme.

L'eau est une ressource capitale pour la vie et un grand nombre d'activités économiques, qui appartient à la fois à tous et à personne. C'est la raison pour laquelle les réflexions engagées concernant les choix stratégiques rassemblent nécessairement une grande pluralité d'acteurs, dans le but d'assurer à tous l'usage de la ressource nécessaire tout en préservant les écosystèmes.

Pendant longtemps, nous avons vécu avec l'idée que l'eau était abondante en France et que notre pays au climat tempéré serait épargné par les conflits d'usages. Les prévisions hydrologiques pour les décennies à venir montrent que cette approche est dépassée et qu'il faut désormais changer de paradigme, avec des modèles plus sobres, en faisant la chasse au gaspillage de la ressource et en se préparant à des périodes de stress hydrique de plus en plus fréquentes.

Aujourd'hui, les trois groupes de travail ont achevé leurs travaux et la commission souhaite tirer un premier bilan des échanges et orientations prises dans le cadre du Varenne de l'eau. Pour nous accompagner dans cette analyse, nous avons le plaisir d'accueillir ce matin :

· Jean Launay, président du Comité national de l'eau, souvent surnommé le « Parlement de l'eau »,

· Olivier Thibault, directeur de l'eau et de la biodiversité auprès du ministère de la transition écologique,

· Éric Sauquet, directeur de recherche en hydrologie auprès de l'Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement (INRAE).

Pour amorcer le dialogue, nous souhaitons dans un premier temps recueillir votre sentiment sur le déroulé des travaux du Varenne de l'eau. Plusieurs associations, à l'instar de France Nature Environnement (FNE), le Réseau Action Climat ou l'UFC Que Choisir, ont quitté les consultations en dénonçant « une parodie de consultation ». Pourriez-vous nous indiquer les raisons qui justifient, selon vous, ce jugement sévère ? L'ensemble des parties prenantes ont-elles pu faire entendre et valoir leurs positions ? Les parties prenantes ont-elles, sans tabou, exploré l'ensemble des pistes d'adaptation et des solutions visant à une plus grande sobriété des usages, étant donné les connaissances scientifiques du moment ?

Par ailleurs, je souhaite demander à M. Sauquet, dont les travaux ont porté sur l'impact du changement climatique sur la ressource en eau, l'état des connaissances scientifiques concernant les évolutions prévisibles du régime hydrologique français, et la manière dont les différents bassins seront affectés par l'évolution quantitative de la ressource. Pourriez-vous notamment nous présenter la manière dont vous modélisez les évolutions à venir, les données que vous utilisez, ainsi que le projet Explore2 sur les futurs de l'eau lancé en juillet 2021 ?

Avant de céder la parole à mes collègues pour plusieurs séries de questions, je propose à chacun des intervenants de réagir à mon propos liminaire.

M. Jean Launay, président du Comité national de l'eau. - Député du Lot pendant 19 ans, je préside le Comité national de l'eau depuis 2012. La question de l'eau a été au centre de mes préoccupations de député. En effet, le fait d'être maire d'une commune traversée par deux cours d'eau aux débordements fréquents, et de gérer la distribution de l'eau en régie municipale conduit à se préoccuper du petit cycle et du grand cycle de l'eau. Mon mandat dans le département du Lot m'a également conduit à participer à la mise en place, sous la houlette de Maurice Faure, de l'établissement public territorial de bassin de la Dordogne.

Je me réjouis que, durant cette mandature, l'eau ait été portée en haut de l'agenda politique. Si nous évoquons le Varenne agricole de l'eau et de l'adaptation au changement climatique, c'est parce que les deux phases des Assises de l'eau ont préalablement eu lieu en 2018 et 2019. Il m'a été demandé de coprésider la thématique 3 de ce Varenne, avec Luc Servant, vice-président de l'Assemblée permanente des chambres d'agriculture (APCA). J'ai travaillé en prenant en compte la continuité de l'action publique sur le sujet de l'eau. Je suis résolument convaincu qu'il est temps de nous pencher sur l'usage quantitativement majoritaire de l'eau, après la première phase des Assises relative aux questions des réseaux, de leur fiabilité, de leur renouvellement et de la lutte contre les fuites, et après la seconde phase portant sur le partage et les économies d'eau, sa qualité, la protection de la ressource et les solutions fondées sur la nature.

Les associations de protection de la nature n'ont pas quitté le processus de ce Varenne, dans la mesure où elles n'y sont pas entrées de façon très volontariste, arguant que ce débat constitue une reprise en main du ministère de l'agriculture et de l'alimentation sur la politique de l'eau. Je n'ai pas compris cette argumentation. En effet, quand il existe des sujets de conflits d'usage -- ce qui est le cas -- et qu'il est nécessaire de faire évoluer le modèle agricole dans ses pratiques, il n'est pas anormal de confronter les points de vue. Ces associations m'ont exprimé leurs réserves concernant la séparation entre le petit cycle et le grand cycle, que j'ai bien entendues, car l'eau est évidemment un continuum. Elles ont participé au processus par le biais de contributions écrites -- qui ont permis de réaffirmer beaucoup d'attendus et de positionnements de principe -- intégrées à l'avis que le Comité national de l'eau a publié suite à sa réunion consacrée au Varenne.

Je me réjouis de cette participation et je pense qu'il est nécessaire d'assurer un suivi -- avec l'implication des collectivités, des régions, des départements et des agences de l'eau -- après la présentation du processus par le Premier Ministre au ministère de l'agriculture et de l'alimentation.

M. Olivier Thibault, directeur de l'eau et de la biodiversité auprès du ministère de la transition écologique. - Parmi les points positifs à mettre au crédit du Varenne de l'eau, je relève que la difficulté de parler du changement climatique, encore perceptible il y a dix ans, a été levée et que des initiatives se mettent en place. Si l'eau est encore abondante dans notre pays, sa répartition différenciée dans l'espace et dans le temps crée des tensions, qui seront de plus en plus sensibles. Nous ne pouvons plus considérer que cette eau est accessible partout, tout le temps et n'importe comment. Ce Varenne de l'eau a montré de façon manifeste que l'action, le changement et l'adaptation sont nécessaires. Cette sensibilisation constitue déjà en soi une victoire.

Un autre point positif est que ce Varenne se place dans la continuité des Assises de l'eau, ce à quoi le ministère de la transition écologique est attaché. Nous sommes restés dans le cadre général fixé par les Assises de l'eau et nous avons approfondi les réflexions sur de vrais problèmes en cherchant des solutions, tout en conservant l'esprit du système fondé sur la concertation. Les débats ont montré de manière très positive que, plutôt que nous opposer, nous devons travailler ensemble au sein des territoires, en tenant compte de l'eau qui s'y trouve.

Alors que certains pensaient que le Varenne de l'eau permettrait d'apporter l'eau aux agriculteurs afin qu'ils puissent ne pas changer leurs méthodes de travail, tous les acteurs se sont rendus compte que l'agriculture devait évoluer et s'adapter dans le temps. Ces changements nécessitent une vision de moyen et long terme. Le fait que les filières aient signé les chartes, que les chambres d'agriculture effectuent des diagnostics territoriaux, que nous mettions en place des programmes d'adaptation au changement climatique, et que la profession agricole comprenne qu'un travail est nécessaire sur les semences et l'assolement montre que nous ne sommes pas dogmatiques, mais bien ancrés dans le réel.

Je tiens également à souligner que ces actions émergent dans les territoires. Le Varenne a montré que toutes les solutions ne peuvent pas être décidées de Paris. Édicter par des lois et décrets sur la manière dont l'eau est accessible dans certaines conditions ne suffit pas. Nous avons constaté l'importance du dialogue territorial et la nécessité de sortir d'un échange bilatéral entre la profession agricole et l'État. Nous avons mis en évidence l'importance de la maîtrise d'ouvrage et du partage avec les collectivités dans ces territoires, permettant de trouver des solutions. Les projets de territoire pour la gestion de l'eau (PTGE) constituent l'un des moyens concrets permettant de partager le diagnostic sur cette ressource.

Un point de vigilance est à mon sens que nous n'avons pas mené nos réflexions assez loin sur les questions assez techniques de maîtrise d'ouvrage, notamment en cas de projet de stockage et de transfert. Des associations sont vigilantes -- à raison -- sur ces questions, car le risque d'annulation contentieuse est fort en cas de dossier mal constitué.

En outre, il existe un sujet d'analyse économique de soutenabilité du modèle. Nous le constatons parfois à nos dépens dans certains territoires. Nous devons nous accorder, dans les territoires, sur le type d'agriculture voulu, ses coûts de production et la répartition de l'eau en fonction des usages. Enfin, il ne sera plus possible d'éluder les questions centrales de savoir qui paie l'eau, à quel prix, comment ce prix est réparti et quelle est la place de la solidarité nationale, locale et entre acteurs.

M. Jean-François Longeot, président. - L'idée que les solutions ne doivent pas venir uniquement de Paris, mais aussi des territoires, me semble intéressante. J'espère que cette analyse prévaudra et que les territoires seront écoutés sur cette problématique liée à l'eau, qui diverge d'un territoire à l'autre.

M. Éric Sauquet, directeur de recherche en hydrologie auprès de l'Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement (INRAE). - Concernant les effets du changement climatique, les scientifiques s'intéressent à la fois au passé et au futur. Notre méthodologie repose sur la recherche de l'existence de traces de l'impact du changement climatique dans des caractéristiques hydrologiques. Nous regardons pour ce faire les données des stations hydrométriques situées en France, avec de longues chroniques, afin d'observer si des tendances ou des ruptures susceptibles d'être attribuées au changement climatique apparaissent. Des études de stationnarité de ce type ont déjà été réalisées en France. Le traitement statistique d'identification de tendance, effectué sur des stations hydrométriques disposant d'une longue profondeur d'enregistrement -- plus de cinquante ans --, permet de constater une tendance à la diminution de la ressource sur la partie sud de la France sur les cinquante dernières années, qui pourrait être attribuable au changement climatique.

Pour ce qui relève du futur, nous partons de scénario d'émissions, que nous intégrons dans des modèles climatiques représentant le climat à grande échelle avec des mailles de l'ordre de 150 kilomètres, avant de poursuivre notre travail par une opération, appelée la « désagrégation », permettant d'accéder à une climatologie à une échelle plus fine, avec des mailles de 8 kilomètres. Nous obtenons ainsi un pavage de la France où le climat prévisionnel du futur est renseigné pour chaque maille. Ces données climatiques de grandes échelles sont ensuite incluses dans différents modèles hydrologiques, représentant, pour certains, la ressource naturelle et intégrant, pour d'autres, des modèles de gestion et d'incidence des actions humaines sur cette ressource. Ces différentes séquences permettent d'obtenir in fine des chroniques de débits en rivière sur le XXIe siècle qui permettent, quand elles sont croisées avec des modèles hydrogéologiques, de simuler des hauteurs piézométriques. Cet enchaînement de modèles est néanmoins porteur d'incertitudes. Si le discours sur le changement climatique comporte des valeurs, il ne faut pour autant pas oublier que chaque résultat est assorti d'incertitudes.

Avec le projet Explore 2070, qui s'est déroulé de juin 2010 à octobre 2012 grâce à un financement du ministère de la transition écologique, nous avons obtenu, pour la première fois, une vision de l'hydrologie et du climat à l'échelle de la France. Une diminution de la ressource naturelle était envisagée à l'horizon 2046-2065, en se fondant sur différents scénarios et des évolutions de température de l'ordre de deux degrés Celsius.

Depuis, l'initiative Explore2 a été lancée, cofinancée par le ministère de la transition écologique et l'Office français de la biodiversité (OFB), qui réunit un certain nombre d'acteurs et de scientifiques. L'ambition est évidemment de réitérer cet exercice à l'échelle nationale, sur une base renouvelée pour tenir compte des conclusions et simulations récentes du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC), avec la volonté de disposer d'une vision sur l'ensemble du XXIe siècle ainsi que davantage de points de simulation. L'initiative vise également à être à l'écoute des futurs utilisateurs, par le biais de la création d'un comité, et à fournir des résultats utiles par rapport à leurs besoins spécifiques. Un autre objectif du projet est de fédérer la communauté hydrologique pour mieux anticiper les prochaines actualisations.

En amont des conclusions, nous observons d'ores et déjà une cohérence entre nos observations et les simulations concernant un fort impact climatique sur l'hydrologie du sud de la France. Les observations recueillies à ce stade permettent de caractériser cette zone comme un hotspot, c'est-à-dire un endroit où les modifications seront malheureusement très importantes.

M. Jean-Claude Anglars. - À l'issue des travaux de la thématique 3 du Varenne de l'eau, l'inventaire des ouvrages existants pour la remobilisation des volumes d'eau stockés est prévu. Comment envisagez-vous la réalisation de cet inventaire dans les territoires ? Concernant le financement d'une « nouvelle génération de dispositifs de la gestion de la ressource en eau », les montants de 13 millions et de 100 millions d'euros ont été annoncés hier. Pouvez-vous nous donner des précisions sur l'affectation prévisionnelle de ces enveloppes ?

En outre, j'aimerais demander à Jean Launay son opinion sur l'organisation de la Gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations (GEMAPI).

Enfin, j'aimerais connaître votre point de vue sur le fait que l'examen du projet de loi dit « 3DS » n'ait pu faire l'objet d'un accord avec les deux assemblées concernant la compétence « eau et assainissement », à transférer absolument en 2026 aux communautés de communes. Nous souhaitions, au Sénat, plutôt laisser le choix aux territoires sur le sujet.

M. Guillaume Chevrollier. - Vos propos se situent dans la continuité de ceux des ministres qui ont restitué hier les conclusions de ce Varenne de l'eau, qui font suite, comme vous l'avez rappelé, aux Assises de l'eau. Nous ne pouvons que nous féliciter que cette thématique de l'eau ait été traitée, car elle est essentielle dans le cadre des politiques d'adaptation au changement climatique.

Le Varenne de l'eau a permis l'association du ministère de l'agriculture et de l'alimentation et du secrétariat d'État chargé de la biodiversité. Les enjeux sont la conciliation des usages, qui doit reposer à la fois sur la préservation de la biodiversité et l'adaptation des modèles agricoles, afin d'élaborer des solutions très concrètes. Vous nous avez présenté les grandes orientations. Nous comprenons bien la nécessité de la sobriété, qui avait déjà été posée dans le cadre des Assises de l'eau et reprise dans le Varenne agricole de l'eau. Il sera nécessaire de prendre des décisions concernant de nouveaux usages, notamment en ce qui concerne les eaux usées. Pensez-vous qu'une nouvelle législation soit utile afin d'inscrire dans la loi un certain nombre de préconisations ?

Dans l'affirmative, il faudrait que cette loi comporte un volet dédié au financement de la politique de gestion de l'eau. Le Sénat a débattu la semaine dernière des agences de l'eau et a rappelé l'attachement au principe de « l'eau paie l'eau », qui souffre de quelques exceptions. Des moyens complémentaires seront nécessaires pour mettre en oeuvre ces politiques de préservation, de gestion et de conciliation de la ressource en eau. De nouveaux financements et une nouvelle fiscalité sont nécessaires, en s'inscrivant dans une logique de simplification, car nous savons que les acteurs de terrain déplorent la complexité des financements. De même, de nouvelles ressources seront indispensables pour accompagner les nécessaires innovations.

M. Éric Gold. - L'adaptation au changement climatique préoccupe tous les usagers de l'eau. Les débits moyens annuels des rivières baisseront probablement de 10 % à 40 % dans les prochaines décennies, ce qui conduira inévitablement à de nouveaux conflits d'usage.

La question du partage d'une ressource dont la quantité et la qualité sont menacées concerne aussi l'économie de cette ressource. Les évolutions techniques constituent parfois un espoir pour l'évolution des pratiques, vers des activités moins consommatrices d'eau.

En décembre dernier, dans la Drôme, un hackathon du Varenne agricole de l'eau et de l'adaptation au changement climatique a été organisé à l'initiative du ministère afin de se doter d'outils d'anticipation et de protection. La réunion d'acteurs aux profils très variés a nourri des réflexions intéressantes. Pensez-vous que le progrès technique renforcera la résilience de l'agriculture face à la pénurie d'eau ? Je suis évidemment bien conscient que les améliorations techniques ne permettront pas, à elles seules, de faire face à l'adaptation au changement climatique et que la discussion avec l'ensemble des acteurs est nécessaire. Toutefois, au-delà des nouveaux usages, quelles sont vos attentes vis-à-vis de la science et de la technique ?

M. Hervé Gillé. - Je suis l'ancien président du syndicat mixte d'études et d'aménagement de la Garonne (SMEAG). Nous avons mis en place une des premières redevances sur l'ensemble des comités de bassin, à l'origine d'une conflictualité assez importante qu'il a fallu gérer. Il s'agit aujourd'hui d'un instrument politique majeur pour harmoniser les politiques de l'eau à l'échelle du bassin et les mesures de soutien d'étiage.

Ces éléments nous amènent à nous questionner sur l'évolution de la fiscalité dans le but de la rendre plus performante, mais aussi sur les moyens alloués à l'eau. Vous connaissez les débats quant au principe que ce que paie l'eau doit revenir à l'eau. J'aimerais toutefois entendre votre sentiment sur le sujet.

Par rapport à cette conflictualité, nous voyons bien que le succès des projets de territoires réside dans la capacité à mener des négociations et à créer des consensus. Parfois, le rôle de l'État est incompris. Nous souhaiterions qu'il n'aille pas au-delà de ses prérogatives régaliennes et laisse aux parties prenantes, politiques et territoriales, la capacité d'agir avec une large marge de manoeuvre, ce qui n'est pas toujours le cas actuellement. J'aimerais que vous réagissiez à ce point de vue.

En outre, pour amoindrir la conflictualité de certains projets, nous voyons bien qu'il faut démontrer la qualité des compensations. Or la pédagogie est insuffisante sur ce sujet, pourtant majeur : démontrer la qualité des compensations permet d'objectiver le débat. Avez-vous mené une réflexion particulière sur ce sujet ?

Mme Angèle Préville. - Nous sommes à la fois confrontés à des problèmes de quantité, mais aussi de qualité d'eau. Le sujet des micropolluants émerge actuellement, posant un problème de santé par rapport à la consommation d'eau. J'aimerais souligner que moins il y a d'eau, plus la concentration en micropolluants pose un problème. J'aimerais savoir si, dans les études que vous effectuez, vous tenez compte de cette problématique.

Le bassin de l'eau Adour-Garonne est fortement affecté par le réchauffement climatique, de même que la région Occitanie. Je siège en qualité de représentante du Sénat à l'agence de l'eau Adour-Garonne ; j'ai pu constater que sur 100 euros perçus par l'agence, plus de 70 euros proviennent des consommateurs, 2 euros des irrigants et 2 euros des contributions lors de l'achat de produits phytosanitaires. Vous avez évoqué le travail à réaliser quant à la répartition du prix de l'eau. Existe-t-il des justifications de cet état de fait ? Des changements doivent-ils être effectués puisque les consommateurs sont les plus gros contributeurs ?

M. Jean Launay. - La qualité et les économies d'eau n'ont pas été les oubliées du Varenne. Pour assurer le nécessaire suivi que je mentionnais précédemment, le processus du Varenne a établi une méthode de travail. Dans tous les territoires, les conclusions des Assises de l'eau 2018 et 2019 ainsi que la déclinaison sur l'usage agricole de l'eau devront faire l'objet d'un travail continu. Il existe des enjeux de qualité, d'économie, de fiabilité de la répartition de l'eau entre les usages et de responsabilité des élus. Les impératifs de qualité de l'eau engendrent aussi un impact sur la qualité des milieux aquatiques et la préservation de la biodiversité. Ces éléments n'ont pas été oubliés.

Concernant les financements, j'ai toujours affirmé, quand j'étais parlementaire, que des moyens dédiés sont à affecter à la politique de l'eau. J'ai toujours lutté contre le « plafond mordant ». En effet, les prélèvements des recettes de l'eau par Bercy affectent, de mon point de vue, les moyens alloués à la politique de l'eau. Je continuerai de mener, avec vous et avec d'autres, ce combat.

Je suis également administrateur de l'agence de l'eau Adour-Garonne. Nous sommes conscients de la rareté future de cette ressource sur ce bassin, notamment grâce à l'étude Garonne 2050 et au travail de prospective mené par l'agence avec les collectivités (et le SMEAG en particulier). Les glaciers pyrénéens sont en effet largement affectés par le changement climatique, avec un rendement moindre apporté à la continuité écologique et à la régulation des étiages.

La sobriété n'a pas été oubliée, même si les associations de protection de la nature continuent de nous en faire le reproche. Les principes des Assises de l'eau sur la sobriété et les économies de la ressource n'ont pas été écartés par le Varenne agricole. Des économies d'eau s'imposeront à tous les acteurs, ce qui entraînera forcément des changements de pratiques agricoles. Ce sujet nécessitera d'accroître la connaissance scientifique afin de s'appuyer sur une vision exhaustive des données et des prélèvements. Toutefois, tout le travail mené pendant plus de six mois est l'addition de données scientifiques qui nous permettent dès aujourd'hui des diagnostics spécifiques aux territoires et à leurs différences. Le hackathon, présenté hier par Serge Zaka, chercheur en agroclimatologie, relève de mon point de vue de l'addition des données scientifiques, permettant d'obtenir les bons diagnostics.

Concernant le rôle de l'État, un changement majeur a eu lieu récemment : ce sont maintenant les préfets coordonnateurs de bassin qui président les conseils d'administration et les comités de bassin. Je suis à la fois demandeur d'un État fort et régulateur, sachant prendre des décisions à partir de la connaissance du terrain, et d'une République décentralisée, qui respecte les collectivités locales. Je constate que l'émiettement de la maîtrise d'ouvrage est défavorable aux prises de décisions globales et à la compréhension des impératifs d'agir sur le sujet de l'eau. Lors de la conférence environnementale 2013, un bilan indiquait qu'il existe 17 000 services d'eau et 13 000 à 15 000 services d'assainissement.

Je ne pense pourtant pas qu'un nouveau texte législatif soit utile. Le point du transfert des compétences eau et assainissement reste en débat. Le transfert aux établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) a été décidé. En qualité de parlementaire, j'ai voté l'amendement dit de représentation-substitution dans la loi de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles (MAPTAM). Je suis convaincu que des syndicats mixtes à grandes mailles sont mieux placés que les EPCI pour exercer cette maîtrise d'ouvrage.

Par ailleurs, tous les territoires français ne disposent pas encore d'un schéma d'aménagement et de gestion de l'eau. J'appelle les élus locaux à prendre le sujet de cette ressource à bras-le-corps et à porter tous ces sujets (petit cycle, grand cycle et GEMAPI), afin d'être plus opérationnels demain en accompagnant le monde économique. Je suis convaincu que la conciliation de l'environnement et de l'économie est possible, encore faut-il que des acteurs s'impliquent sur le terrain.

Au bilan à mi-parcours du Varenne, Alain Rousset, président de la région Nouvelle-Aquitaine et du Comité du bassin Adour-Garonne est intervenu. Hier, dans les conclusions, Martial Saddier, président du Département de la Haute-Savoie et du comité de bassin Rhône-Méditerranée, et Renaud Muselier, président du conseil régional de Provence-Alpes-Côte d'Azur sont intervenus. Les régions ont bien mesuré qu'elles doivent agir sur le développement économique, dont l'agriculture est un marqueur. Elles bâtissent des stratégies en ce sens, ce qui constitue un bon signal.

Je n'oublie pas les départements, qui sont un acteur historique dans l'accompagnement des collectivités locales sur leurs réseaux et sur les réseaux de seconde génération. Ils jouent un rôle d'ensemblier pour accompagner ces syndicats mixtes à bonne taille pour, demain, participer à la maîtrise d'ouvrage et à l'organisation de notre territoire, qui reste à parfaire sur le sujet de l'eau.

M. Olivier Thibault, directeur de l'eau et de la biodiversité auprès du ministère de la transition écologique. - Concernant la loi dite « 3DS » et la compétence « eau et assainissement » à transférer, le ministère de la transition écologique tient beaucoup à ce que nous parvenions à organiser cette compétence, dans la lignée de la loi portant sur la nouvelle organisation territoriale de la République (loi NOTRe) et de la loi MAPTAM. Nous n'avons jamais nié que ce sujet est difficile, c'est pourquoi nous cherchons des solutions.

Nous pensons qu'il est important de transférer cette compétence aux EPCI à fiscalité propre car nous sommes tous les jours sollicités par des services ne disposant pas d'une taille critique, de services suffisants et de capacités pour intervenir ou investir en cas de problème. Cela nous est apparu avec d'autant plus d'évidence au moment de la crise sanitaire liée au Covid- 19. Un système permettant de disposer d'une taille critique, de professionnels et d'une capacité de financement d'intervention doit être mis en place. La réponse que nous avons proposée est donc le transfert aux EPCI à fiscalité propre qui possèdent cette surface financière. Si nous n'effectuons pas ce transfert, des dysfonctionnements perdureront.

Rappelons que l'eau est gratuite en France et que nous payons le service. L'accès à l'eau peut donc être onéreux. Une des difficultés est que nous avons l'impression qu'un service de distribution d'eau est bien géré lorsque le coût de l'eau est modique. Il existe de nombreuses petites communes où le coût de l'eau est faible, mais où le service et la surveillance ne sont pas toujours assurés.

Ce sujet de structuration est important. L'investissement dans nos réseaux, le renouvellement du patrimoine et le fait de disposer de stations d'épurations qui fonctionnent -- y compris pour traiter les micropolluants -- et d'une eau de qualité sont des sujets de préoccupation. Nous n'avons pas trouvé la solution miracle permettant de garder les syndicats qui fonctionnaient de façon satisfaisante et réalisaient le travail nécessaire. Les EPCI pourront déléguer en partie. Nous essayerons de porter une grande attention à l'interprétation de ces éléments dans le texte 3DS en cours d'adoption par les assemblées, qui sont parvenues à se mettre d'accord sur un texte commun.

Concernant la sobriété et les économies d'eau, le Varenne agricole de l'eau m'a permis de constater que la manière dont les discours sont élaborés est importante. Je comprends que, pour la profession agricole, il est difficile d'entendre que des économies d'eau doivent être effectuées. Je remarque qu'elle sait toutefois dire qu'une agriculture efficiente en eau est nécessaire. Ce qui est important est d'abord d'économiser l'eau car nous n'en avons pas assez pour la gaspiller. Nous devons nous accorder, dans les territoires, sur le partage de cette ressource entre les différents usages. Nous ne voulons pas devoir choisir entre la production agriculture et l'eau du robinet. La réponse à apporter au diagnostic effectué dans les territoires n'est pas soit l'économie soit la mobilisation de nouvelles ressources, mais une solution médiane. Les modalités des économies à réaliser doivent être définies en fonction des usages.

Si les économies ne suffisent pas et qu'il faut mobiliser de nouvelles ressources, il faut nous demander qui paiera cette ressource supplémentaire et quel sera le modèle économique. La mobilisation de nouvelles ressources -- à savoir le stockage de l'eau en hiver en prévision des besoins de l'été -- a un prix. Nous ne pouvons pas créer des retenues collinaires dont le mètre cube d'eau stocké reviendrait à deux ou trois euros, car elles seront trop onéreuses pour les agriculteurs. Est-ce à la collectivité ou à la solidarité nationale de payer cette mobilisation ? Dans les endroits où cette analyse n'a pas été effectuée, il existe des blocages institutionnels.

L'État doit afficher une règle du jeu claire. C'est d'ailleurs pour cette raison que nous avons publié le 23 juin dernier un décret sur les volumes prélevables, soit le volume d'eau pouvant être soustrait du milieu en période d'étiage sans mettre le fonctionnement des milieux en péril. Le rôle de l'État est aussi d'être garant de la concertation, du fonctionnement et du respect des règles. Toutefois, il revient aux acteurs du territoire de définir l'organisation.

Le Varenne agricole de l'eau a permis de répondre à une forte demande de la profession : en cas de désaccord entre les acteurs, des forces de rappel sont nécessaires pour débloquer la situation et le préfet pourra reprendre la main lorsqu'un PTGE s'enlise.

Nous verrons ce que décidera le prochain gouvernement quant à la rédaction d'un nouveau texte législatif. Le moment est propice pour nous poser des questions sur la fiscalité de l'eau et de la biodiversité dans nos écosystèmes. Nous avons commencé à faire bouger le système et nous sommes à mi-parcours.

Le modèle des agences de l'eau -- formidable outil d'aide à l'investissement -- reprenait au départ, et jusqu'en 2006, le principe « l'eau paie l'eau » avec une fiscalité affectée par les usagers de l'eau. Depuis 2016, le modèle a évolué et les agences de l'eau sont maintenant compétentes à la fois sur l'eau et la biodiversité. La structure des redevances est restée très axée sur l'eau alors que le champ d'action concerne désormais l'eau et la biodiversité. L'eau, la biodiversité et la mer ne devraient-elles pas payer pour l'eau, la biodiversité et la mer ? Un choix doit être fait et le Parlement devra définir une limite.

Pour réfléchir sur cette fiscalité, je vous invite à consulter le rapport du sénateur Alain Richard et du député Christophe Jerretie, qui pose ce champ de questions.

M. Éric Sauquet. - Le projet Explore2 permettra de modéliser la ressource naturelle, sans représentation des actions anthropiques. Nous nous sommes lancés dans la modélisation de ces éléments quantitatifs parce qu'une connaissance des flux est nécessaire et que le niveau de maturité des modèles est suffisant pour que nous puissions produire de la science que nous jugeons fiable, avec les marges d'incertitude évoquées précédemment. Pour ces raisons, nous avons délaissé les actions anthropiques et ce qui relève de la qualité, comme la thermie. Néanmoins, il existe des initiatives, qui nous permettent de valider nos modèles avant d'entreprendre une modélisation à une dimension nationale. L'ensemble des simulations envisagées dans le projet Explore2 sera publié en 2023.

Nous ne pouvons construire et valider des modèles que si nous disposons de données pour les soutenir. La Banque nationale des prélèvements quantitatifs en eau (BNPE) est intéressante pour les prélèvements, mais l'échelle est seulement annuelle. Nous n'avons pas la dynamique des prélèvements pendant la période d'étiage alors que cette période est cruciale.

M. Olivier Thibault. - Lorsque nous avons rédigé le cahier des charges du projet Explore2, nous nous sommes posé la question de la qualité et de la température. En effet, nous voyons que la température devient un élément limitant. Très honnêtement, nous avons craint de nous perdre et nous avons privilégié la réalisation d'une étude robuste portant sur la quantité. La qualité sera abordée dans les schémas directeurs d'aménagement et de gestion des eaux (SDAGE).

M. Rémy Pointereau. - Nous avons récemment débattu des agences de l'eau. L'eau est indispensable à la vie. Le changement climatique est une réalité. La pluviométrie annuelle n'a pas connu de baisse significative, mais la répartition des pluies a évolué puisque nous connaissons des périodes avec de fortes pluies et des périodes de sécheresse.

Avec le comité de bassin de l'Agence de l'eau Loire-Bretagne, dont je fais partie, nous essayons à la fois d'économiser et de travailler sur la qualité et les quantités d'eau. Le « dogme de l'eau » n'est pas forcément porté par les utilisateurs et les agriculteurs qui réalisent des efforts considérables, de même que les professionnels de l'eau. En outre, il est nécessaire de parler de sécurité et de souveraineté alimentaire. Si nous voulons nourrir notre population demain, la production agricole est indispensable, y compris l'agriculture biologique, et pour cela les agriculteurs ont besoin d'eau.

Je siège régulièrement dans les instances de l'eau et je constate que le dogme est plutôt du côté des associations environnementales. Il ne saurait être question, pour ces dernières, de faire des réserves de substitution ou des forages. Des évolutions sont nécessaires si nous voulons améliorer cette quantité d'eau. Dans les Deux-Sèvres, des agriculteurs ont effectué des réserves de substitution, mais ne peuvent pas les utiliser car des associations déposent des recours contentieux. Les procédures pour constituer ces réserves doivent être simplifiées et ces dernières doivent être favorisées.

Concernant le principe de « l'eau paie l'eau », Mme Dominique Voynet a commencé, dans les années 2000, à puiser dans les excédents des agences de l'eau, démarche qui a abouti aux « plafonds mordants » actuels. Actuellement, nous avons tendance à réintroduire les excédents dans le budget de l'État pour financer d'autres projets. Le fait de financer l'Office français de la biodiversité par les agences de l'eau pose un problème. Nous sommes aujourd'hui confrontés aux plafonds mordants et au financement des agences de biodiversité. Comment pouvons-nous trouver des solutions alors que le prix de l'eau est élevé et que les utilisateurs paient l'eau autant que les consommateurs ?

M. François Calvet. - Dans les Pyrénées-Orientales, nous sommes confrontés à la vision très dogmatique de France Nature Environnement, qui nous attaque en permanence. Nous ne pouvons même pas remettre à niveau les prises d'eau à la suite de la tempête Gloria à cause de ces « ayatollahs de la chlorophylle ». À les écouter, dans notre plaine du Roussillon, il n'y aura plus d'agriculture et nous n'aurons plus que des friches, alors que le Roussillon a toujours été un producteur de salades, vergers et fruits.

Je ne comprends pas pourquoi nous ne pouvons pas stocker l'eau lorsqu'elle est trop abondante ou agrandir les retenues d'eau le long des fleuves pyrénéens à des fins de stockage. Ces méthodes permettraient peut-être d'éviter les conflits autour des débits réservés. Dans le Roussillon, la poursuite de cette politique représente la mort de l'agriculture.

M. Bruno Belin. - M. Olivier Thibault n'a pas évoqué le sujet des « bassines », qui intéresse pourtant au plus haut point la profession agricole. Les agriculteurs rencontrent des difficultés que vous ne semblez pas mesurer au sein de votre ministère et que je vous invite à venir constater. Dès que le moindre projet de bassine émerge sur le terrain, la position est clivante d'emblée, avec des associations favorables ou défavorables et les préfets qui attendent des consignes du ministère. Vous venez de recevoir trois témoignages concordants. Nous assistons à la mort de l'agriculture car les agriculteurs ont besoin d'eau. Une position ministérielle au sujet des bassines est urgente.

M. Jean-Michel Houllegatte. - Dans la Manche, nous sommes confrontés à des problèmes d'eau, concernant la ressource, mais aussi la salinisation des nappes phréatiques, qui affecte notamment les zones maraîchères côtières. En outre, l'arrêt de l'exploitation de la tourbière de Baupte provoquera des remontées puisqu'un pompage est actuellement réalisé.

Parmi les solutions et les instances de concertation, vous avez évoqué les PTGE. Ces démarches reposent sur une approche globale et co-construite avec les différents acteurs sur la ressource en eau. Les usages de l'eau sont multiples, ce qui nécessite la construction partagée de solutions et doit aboutir à un engagement de l'ensemble des usagers. Au-delà de la quantité, ces PTGE intègrent aussi la préservation de la qualité. Quel retour recevez-vous concernant les PTGE ? Parvenons-nous à un consensus ?

Certains acteurs regrettent parfois que des solutions préétablies leur soient imposées et que la co-construction manque, faute de moyens. Quel est le rôle du Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (Cerema) ? Un guide a été publié en juillet dernier pour accompagner les PTGE. Des moyens sont-ils à affecter pour la co-construction de solutions au niveau de ces instances ?

M. Joël Bigot. - L'eau est la source de toute vie sur Terre, ce qui devrait nous inciter à classer l'eau comme un bien commun de l'humanité. Cette référence permettrait sans doute de dégager des priorités plus claires.

Je suis d'avis que nous ne changerons pas de modèle économique agricole du jour au lendemain. Il est important de se doter d'outils d'anticipation et de protection de l'agriculture dans le cadre de la politique globale des aléas climatiques. Quelle est votre position sur ce point ? Existe-t-il une hiérarchie des mesures à prendre ?

Mme Nadège Havet. - La réutilisation des eaux usées traitées pour irriguer les cultures de plein champ ou les cultures maraîchères est autorisée en France, mais elle est sous-utilisée par rapport à d'autres pays ou régions. Je suis consciente que ce point pose une question d'acceptabilité par la société. Lors des conclusions du Varenne de l'eau, l'État s'est engagé à financer des projets par la mobilisation de l'appel à projets « Démonstrateurs territoriaux » ou des lancements d'expérimentations locales. Ces actions -- aussi utiles soient-elles -- seront-elles suffisantes pour rattraper notre retard en la matière ?

M. Ronan Dantec - Nous avons beaucoup parlé de quantités d'eau liées à l'agriculture, mais nous devons également parler de qualité de l'eau. À partir du moment où les débits baissent, les concentrations d'intrants augmentent. Nous serons confrontés à davantage de problèmes de potabilité d'eau brute. Derrière la baisse de la ressource, il y a aussi obligatoirement une hausse très forte des intrants, parmi lesquels les engrais azotés et les différents phytosanitaires. À Nantes, nous avons fait face à ce problème avec l'acide amino méthyl phosphonique (AMPA), un métabolite de dégradation du glyphosate. L'anticipation agricole ne doit pas seulement concerner la disponibilité de l'eau, mais également les intrants agricoles, face à des débits d'étiage qui baissent par ailleurs.

Monsieur le directeur, j'ai entendu votre discours assez optimiste et votre insistance sur le fait que les territoires seraient associés aux choix. Je note toutefois deux incohérences. Premièrement, s'il est bénéfique de laisser les territoires s'exprimer sur leurs choix de mutation, notamment agricole (comme avec AcclimaTerra en région Nouvelle-Aquitaine), la totalité de la partie surfacique du volet 2 de la Politique agricole commune (PAC) est resté à l'État, lui laissant donc la main sur la manière dont évolueront les pratiques sur le terrain -- même si une autre partie du volet 2 revient aux régions. De plus, un préfet est placé à la tête des agences. Nous ne semblons pas aller vers un choix à l'échelle des territoires, mais plutôt vers une situation où l'État décide, mais laisse assumer la responsabilité politique à la puissance locale et régionale.

Deuxièmement, dans le rapport « Adapter la France aux changements climatiques à l'horizon 2050 », rédigé avec mon collègue Jean-Yves ROUX, nous avions beaucoup insisté sur le rôle de l'assurance. Or, dans ce que nous lisons sur l'offre du système assurantiel (venant au secours du système de calamités agricoles, maintenant sous-dimensionné), nous ne voyons pas les modulations de prime ou de remboursement liés à l'effort de mutation des agriculteurs. Nous voyons plutôt que le système risque de perdurer tel qu'il est jusqu'à ce qu'il craque. Ces deux exemples démontrent-ils un manque de cohérence ?

M. Gilbert Favreau. - Le territoire des Deux-Sèvres comporte une partie calcaire et une partie granitique. Dans la partie granitique, des barrages permettent l'approvisionnement en eau sans difficulté. Toutefois, dans le sud du territoire, le problème de ces retenues de substitution se pose. Je n'évoquerai pas davantage les difficultés que rencontrent actuellement les Deux-Sèvres sur ce point.

Néanmoins, je voudrais partager avec vous ma conviction qu'à bref délai, les deux grandes communautés d'agglomération de Poitiers et de La Rochelle, proches des Deux-Sèvres, seront frappées par des phénomènes de déficits hydriques et confrontées à des problèmes d'approvisionnement d'eau. La question du stockage se pose avec acuité car toutes les collectivités ayant essayé de trouver des solutions pratiques à la suppression de ce risque de déficit ont vu leurs solutions rejetées au prétexte que les projets proposés n'étaient pas conformes à ce que mes collègues ont appelé le dogme des tenants de l'environnement. Il faudra également construire une vision plus rationnelle et pragmatique des réseaux de connexion et de canalisation permettant d'assurer durablement l'approvisionnement en eau de ces grandes collectivités. Dans le modèle que vous nous avez présenté tout à l'heure, ces projets sont-ils une préoccupation prise en compte ?

M. Gérard Lahellec. - Comment gérer les éponges que sont les zones humides ? J'ai observé que, dans la Somme, des projets associant l'agriculture se mettent en place. La gestion des zones humides devrait sans doute faire l'objet d'une réflexion partagée.

Nous sommes, en Bretagne, dépositaires d'une unité de production d'eau osmosée et recyclée, produite par le premier producteur de porc en France, accusé par ailleurs par certains d'être responsable de la pollution des eaux. La question de l'utilisation de ces eaux osmosées et recyclées et de l'acceptabilité sociale de cette qualité, qui pourrait vraisemblablement être contestée par certains, se pose.

M. Jean Launay. - L'eau est l'un des principaux marqueurs du dérèglement climatique, par ses excès comme par ses manques.

Concernant la gestion des excès d'eau à des fins de stockage, l'ambition des deux ministres lors du lancement du Varenne agricole était précisément d'éviter les postures et de sortir du dogme. Je vous demande de participer à cet effort en essayant de sortir du dogme également. Le sujet est tellement compliqué que nous n'avons pas intérêt à l'attiser, même si je constate qu'il existe en effet une vision dogmatique chez certains acteurs associatifs.

Dans les Deux-Sèvres, des représentants de FNE, dont M. François-Marie Pellerin qui est membre du Comité national de l'eau, ont manifesté leur opposition à la création de retenues d'eau alors que des accords locaux avaient été conclus après confrontation des idées et examen des lieux où les retenues d'eau pouvaient être créées. Certains font le choix du maintien de leurs positions extrêmes, ce qui provoque des destructions de biens. Nous sommes éloignés dans ce cas de la recherche de consensus et de solutions. Pourtant, l'impératif du changement climatique et du désordre impose de se poser des questions. Il serait impossible de réaliser aujourd'hui toutes les retenues que nous avons effectuées dans le passé.

Le Varenne vise aussi à réaliser un bilan de toutes les retenues existantes, dont certaines pourraient être redimensionnées. Les sociétés d'aménagement rural qui existent encore en France, comme la compagnie d'aménagement des coteaux de Gascogne (CACG), le Canal de Provence ou BRL, ont joué un rôle structurant dans l'équipement des territoires. Je pense que ces sociétés d'aménagement ont encore un rôle à jouer et peuvent devenir des lieux de dialogue et d'ingénierie de capacités, en lien avec les collectivités locales qui souhaitent accompagner la profession agricole.

Sortir des postures permet d'éviter le dogmatisme et doit être un devoir pour les élus, qui assument la responsabilité de porter une maîtrise d'ouvrage efficace sur les territoires.

Quand des schémas d'aménagement et de gestion de l'eau sont élaborés, les commissions locales de l'eau permettent de créer du dialogue et de la concertation. C'est là que, dans l'idéal, l'État doit pouvoir s'appuyer sur des procédures : c'est ce qui a été mis en oeuvre dans le cadre du Varenne afin que l'élaboration des PTGE ne dure pas trop longtemps.

Concernant la salinisation des eaux, nous ne pouvons pas réfléchir à la bonne qualité des océans si nos fleuves y déversent de l'eau de mauvaise qualité. L'adaptation au changement climatique est un enjeu du quotidien dont nous devons nous emparer dès maintenant. Ce point rejoint la question sur la qualité de l'eau et les concentrations de polluants. N'oublions pas le rôle de régulation des étiages que jouent les ouvrages, car ils permettent de stocker les excès d'eau.

Concernant La Rochelle et Poitiers, les problèmes d'approvisionnement en eau potable ou d'abreuvement animal ont déjà été rencontrés dans de nombreux endroits du territoire français. La ville de Guéret, chef-lieu de la Creuse, a été, durant un long moment, approvisionnée en bouteilles d'eau car la réserve historique de Guéret ne suffisait plus pour alimenter le service de la ville.

La prospective sur les quantités de réserve disponibles est de la responsabilité des élus. En outre, nous devrions disposer de schémas départementaux favorisant les interconnexions de réseaux. Il faudra encore allouer des moyens financiers pour le petit cycle de l'eau. Dans l'Allier, il a par exemple fallu apporter de l'eau de l'aval pour alimenter la Montagne bourbonnaise durant les années de sécheresse.

N'oublions donc pas ces sujets de financements, qui renvoient à la question du prix de l'eau. Si le principe de « l'eau paie l'eau » est celui de la loi de 1964, nous voyons dans la pratique que l'eau paie largement l'eau, mais aussi la biodiversité. Le débat date de la création de l'Office national de l'eau et des milieux aquatiques (ONEMA). Une partie des recettes des agences de l'eau a en effet été utilisée pour faire fonctionner l'ONEMA, l'Agence française pour la biodiversité (AFB) devenue l'OFB. De vifs débats avaient alors eu lieu et les élus avaient très mal vécu ces prélèvements.

Outre que ce sujet pose des problèmes d'organisation de l'État dans ses différents outils, nous serons confrontés à l'acceptabilité sociale du prix de l'eau par les consommateurs d'eau du robinet, qui ne s'accommoderont peut-être plus de l'état actuel des conditions de financements de la politique de l'eau. Il s'agit éventuellement d'un sujet qui méritera que nous y revenions sur le plan législatif dans les années à venir.

M. Olivier Thibault. - Je préfère utiliser le mot « retenue » plutôt que celui de « bassine ». Le président des Irrigants de France, Éric Frétillère, m'a suggéré d'employer les termes « retenue de substitution » ou encore « retenue collinaire ». En effet, le mot bassine renvoie une image négative.

Le ministère de la transition écologique n'est pas opposé par principe aux retenues et s'est d'ailleurs fortement mobilisé pour conserver la circulaire PTGE, qui constitue un bon équilibre en partant des diagnostics de territoire et d'un partage sur les besoins entre les différents usages. Il n'y a aucune ambiguïté du ministère de la transition écologique quant à son soutien aux PTGE, qui permettent des créations de retenues ou de stations de transfert. Le gouvernement a d'ailleurs renforcé sa politique d'accompagnement de ces projets. Comme nous nous y étions engagés, 100 PTGE ont été lancés et 63 ont été approuvés. Vous connaissez tous des exemples de territoires rencontrant des blocages, mais notons tout de même qu'environ 150 projets sont lancés chaque année. Je garde en tête que 200 millions de mètres cubes ont été remobilisés ou encore que 150 ouvrages sont autorisés chaque année.

Néanmoins, des blocages subsistent dans certains territoires. Les méthodes pour y mettre fin font partie des réflexions du Varenne. Il existe en effet des positions dogmatiques de plusieurs côtés. Prendre de la hauteur et trouver la bonne direction est difficile quand un projet a mal débuté.

Une mission a été lancée par les ministères de la transition écologique et de l'agriculture et de l'alimentation. Elle dispose d'une task force, mobilisant certains de nos plus brillants ingénieurs et dont le rôle est d'accompagner 15 PTGE confrontés à une situation de blocage. Cette mission a été récemment étendue à la vallée de l'Aude, où il existait un sujet local. À la suite du Varenne de l'eau, nous avons évoqué la pérennisation de cette task force qui offre un outil d'accompagnement et un regard extérieur.

Concernant l'inventaire sur les retenues, nous avons mené un travail avec le Centre national d'études spatiales (CNES) sur la base d'images satellites, qui nous a permis de constater l'existence de 150 000 plans d'eau. Ce travail nous permet de disposer d'une base cartographique des plans d'eau. Cette carte vise à déterminer s'il existe des plans d'eau à proximité de territoires ayant des besoins hydriques. La question de leur mobilisation ou de leur remobilisation, avec un usage différent, peut être posée localement.

En outre, nous lançons des études sur l'optimisation du potentiel hydroélectrique et de l'utilisation de l'eau, notamment dans les bassins Adour-Garonne et Loire-Bretagne. Il ne s'agit pas d'opposer production d'énergies et eaux agricoles, mais de nous questionner sur la manière d'optimiser l'ensemble.

Si nous soutenons les PTGE et les retenues, nous ne soutenons pas le financement, à n'importe quel prix, de ces retenues. Les agences de l'eau connaissent l'action du ministère concernant la gestion quantitative, à laquelle plus de 600 millions d'euros sont alloués sur l'actuel programme d'intervention. Cette somme est supérieure à ce qui a été annoncé sur l'ensemble du Grenelle, France Relance ou encore France 2030. Peu de retenues sont créées sans l'aide des agences de l'eau.

En revanche, financer le développement de l'agriculture avec l'argent des agences de l'eau ne nous semble pas raisonnable. Ces agences sont légitimes pour intervenir afin d'effectuer de la substitution, soit limiter l'utilisation d'eau à l'étiage et la remobiliser lorsque l'eau ne manque pas. Une solidarité de financement permettrait que l'impact de l'agriculture soit moins fort sur l'environnement.

Toutefois, nous considérons qu'il n'est pas légitime, dans la structure actuelle de financement des agences de l'eau, de financer des retenues d'eau supplémentaires visant à développer davantage l'agriculture. Son développement ne doit pas être financé par le consommateur d'eau du robinet. Le ministère de l'agriculture et de l'alimentation affirme que la mobilisation de nouvelles ressources pour développer et sécuriser l'agriculture est légitime. Des financements sont alloués dans cet objectif. Nous devons être clairs sur le fait que l'argent de l'écologie et des agences de l'eau doit permettre de réduire l'impact sur l'environnement et de trouver des solutions de substitution, et non de développer l'agriculture. D'autres ressources doivent être trouvées en complément.

Des sujets sont curatifs tandis que d'autres sont préventifs. Concernant le partage de la ressource en eau, un point crucial est l'aménagement du territoire lorsque nous rencontrons des tensions sur l'eau. Si nous voulons garder de l'eau dans le territoire, nous avons intérêt à stocker l'eau le plus proche de l'endroit où elle tombe. Or, le meilleur stockage est dans le sol. Si nous créons des haies et que nous désimperméabilisons, nous éviterons de drainer toute l'eau pour l'envoyer à la mer. Cette eau ressortira alors à l'étiage en alimentant les rivières. Nous avons une certaine tendance à drainer, retourner les terres, enlever les haies, rectifier les rivières et envoyer l'eau le plus vite possible à l'aval alors que nous devrions faire tout l'inverse. De même, remettre la nature en ville est extrêmement important pour réduire les îlots de chaleur et disposer de davantage d'eau au moment de l'étiage.

Nous sommes très militants concernant la réutilisation des eaux usées. Nous devons veiller à ne pas opposer sanitaire et environnement. Les critères de qualité doivent nécessairement être suffisants pour inspirer confiance et ne pas créer des problèmes. Un décret, actuellement examiné par le Conseil d'État, permettra de rattraper une partie du retard et de nouveaux usages de réutilisation d'eau. Durant le Varenne agricole de l'eau, un autre décret spécifique à l'agroalimentaire a été validé. Ces avancées nous permettront de mieux utiliser l'eau dans le futur.

M. Éric Sauquet. - Je représente l'institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement (INRAE) qui vise à fournir de l'appui aux politiques publiques. Par exemple, nous cherchons à tester les effets bénéfiques de l'agriculture de conservation pour l'eau ou encore la biodiversité. Nous réalisons des expérimentations grandeur nature. Par exemple, un projet débutera prochainement sur l'agriculture de conservation combinée à l'irrigation goutte à goutte. Il me semble que c'est en combinant les différents leviers que nous avancerons collectivement.

M. Jean-François Longeot, président. - Je vous remercie. Ce sujet nous passionne toutes et tous et doit nous mobiliser. J'ai bien noté qu'un certain nombre de décisions doivent être prises, en tenant compte de la spécificité de chacun des territoires et de chacune des parties prenantes. Si nous arrivons à réaliser cette synthèse, nous éviterons les positions dogmatiques et les oppositions stériles.

Je ne sais si ce sujet majeur nécessitera des modifications législatives et d'autres débats, mais il doit en tout cas mobiliser notre attention. Afin d'éviter les écueils, nous devons être à l'écoute des territoires et des élus qui gèrent leur eau avec passion et méthode, sans oublier la gestion de l'assainissement, de la pollution et de nos rivières.

M. Jean Launay. - Ce sont les solutions fondées sur la nature qui permettront de répondre au bon fonctionnement des zones humides comme éponge.

Le principe de la solidarité entre l'amont et l'aval est inscrit dans la loi sur l'eau. Or, la question de la solidarité entre l'aval et l'amont se pose de plus en plus dans les bassins, à l'instar de l'exemple de la Montagne bourbonnaise.

L'eau est déjà inscrite dans le code de l'environnement comme un patrimoine commun de la nation. La prise de conscience qui doit avoir lieu dépasse le cadre national. Les conférences comme celle de Nantes, de Brest et le forum mondial de l'eau à Dakar en mars prochain permettront d'avancer sur le sujet.

Le régime assurantiel était l'objet de la thématique 1, portée par le député Frédéric Descrozaille. Il me semble que le texte sur la modification du régime est actuellement examiné au Sénat. J'ignore si l'effort de transformation des agriculteurs est inclus dans le texte, mais vous avez encore la possibilité de l'inclure.

M. Jean-François Longeot, président. - Je vous remercie de votre participation. Vous pouvez compter sur l'implication de la commission de l'aménagement du territoire et du développement et du Sénat dans son ensemble sur ce sujet.

Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.

La réunion est close à 10 h 50.

La réunion est ouverte à 16 h 30.

Audition de M. Arnaud Leroy, président du conseil d'administration de l'Agence de la transition écologique (Ademe)

M. Jean-François Longeot, président. - Monsieur le président, le 7 mars 2018, en application de l'article 13 de la Constitution, notre commission vous avait accordé sa confiance pour présider l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie - l'Ademe -, devenue depuis l'Agence de la transition écologique. Quatre ans plus tard, c'est avec le même plaisir que nous vous accueillons, sans doute une dernière fois en votre qualité de président de l'Ademe, que vous quitterez très prochainement.

Permettez-moi tout d'abord de vous remercier pour votre travail accompli et votre disponibilité : vous avez toujours su répondre présent aux nombreuses sollicitations de notre commission, que ce soit en audition plénière ou dans le cadre des travaux préparatoires des rapporteurs, à l'occasion des travaux législatifs ou de contrôle que nous avons menés. Je ne doute pas que les membres de la commission qui ont pu s'entretenir avec vous à ces occasions s'associeront à mes remerciements.

Ce dialogue a, je le crois, permis de faire avancer de nombreux dossiers. J'en citerai quelques-uns : la loi Anti-gaspillage et économie circulaire, dite loi AGEC, en 2020, qui a renforcé le rôle de l'Ademe dans le pilotage et la surveillance des filières de responsabilité élargie du producteur (REP), notre commission ayant activement soutenu, avec succès, le financement de moyens humains dédiés à ces missions ; la loi « Climat et résilience » du 22 août 2021, qui a confirmé le rôle pilote de l'Ademe dans l'expérimentation sur l'affichage environnemental ou la régulation environnementale de la publicité ; la loi visant à réduire l'empreinte environnementale du numérique, toujours en 2021, qui résulte d'une initiative du Sénat, qui crée notamment un Observatoire des impacts du numérique, auquel l'Ademe sera étroitement associée.

On le voit, à la faveur des différentes lois que j'ai citées, le rôle pivot de l'Ademe en matière de transition écologique s'est largement affirmé ces dernières années. Le plan de relance a également contribué à cette tendance, l'Ademe participant au déploiement des crédits en matière d'accompagnement des TPE/PME dans l'écoconception, de recyclage des friches industrielles et urbaines polluées, de décarbonation de l'industrie, de développement des réseaux de chaleur et de froid, d'intégration du plastique recyclé ou encore de développement de la collecte et du traitement des biodéchets.

Il y a toutefois un revers à ce succès : porter des politiques publiques nécessite des appuis humains et financiers et nous vous avons souvent entendu, monsieur le président, déplorer le manque de moyens chronique de l'Ademe, constat qui n'est peut-être pas étranger à votre départ...

J'aimerais donc, dans le cadre de votre propos liminaire, que vous dressiez un état de lieux de la situation dans laquelle se trouve l'Ademe aujourd'hui et de ses perspectives d'évolution dans les années à venir. À cette fin, vous nous donnerez certainement votre appréciation du contenu du projet de loi « 3DS », concernant la délégation aux régions d'une partie des fonds chaleur et économie circulaire ou sur le rôle de délégué territorial de l'Ademe confié aux préfets de régions.

Dans un second temps, je pense que mes collègues ne manqueront pas de vous interroger sur notre stratégie de décarbonation, laquelle a fait l'objet d'un récent rapport de l'Ademe, Transition(s) 2050, Choisir maintenant, agir pour le climat, étude prospective identifiant quatre scénarios pour atteindre la neutralité carbone en 2050.

M. Arnaud Leroy, président de l'Agence de la transition écologique (Ademe). - C'est toujours un plaisir pour moi de venir au Sénat ; dans le cadre de mes fonctions de président de l'Ademe, j'ai toujours tenu à entretenir un rapport étroit avec votre assemblée. Je regrette d'ailleurs que notre rendez-vous budgétaire annuel, comme il en existait avant 2017, ait disparu, car il permettait de discuter en profondeur des missions et des moyens de l'agence. L'Ademe est le plus gros opérateur en Europe consacré à la transition écologique. Par l'amplitude de ses missions, l'organisme a un rôle unique dans de nombreux domaines : l'économie circulaire, l'efficacité de la maîtrise de l'énergie, le numérique, le tourisme ou l'alimentation durables, la décarbonation de l'industrie - l'Ademe est le pivot du déploiement du Fonds pour la décarbonation de l'industrie, et devrait voir son rôle accru, si j'en crois les rumeurs, avec France 2030.

Après quatre ans de mandat, j'ai le sentiment du devoir accompli. Il me restait un an de mandat. J'ai demandé à la ministre de saisir la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique pour m'autoriser à partir, pour des choix personnels.

Le regard que je porte sur l'Ademe est double.

L'Ademe s'est imposée comme l'opérateur de la transition écologique. Nous sommes visibles, agiles, présents sur tout le territoire, y compris outre-mer, entretenant des relations fortes avec les collectivités locales, notamment les régions et les intercommunalités qui ont des compétences en matière de transition écologique. La thématique de la transition écologique s'est installée dans l'agenda public et concerne de plus en plus de domaines : la proposition de loi de M. Chaize visant à réduire l'empreinte environnementale du numérique en France aurait ainsi semblé bien ésotérique il y a peu encore. M. Jean-Baptiste Lemoyne m'avait confié la mission, avant le déclenchement de la crise sanitaire, de réfléchir, avec tous les acteurs, à la manière de faire évoluer le modèle touristique français pour développer le tourisme durable. La gestion du Fonds Tourisme durable nous a ainsi été confiée.

La thématique de la transition écologique s'est imposée. On ne reviendra plus en arrière. Chacun veut aller de l'avant en la matière. Dans ce contexte, ma présidence, en effet, fut assez active. J'ai souvent dû quémander l'obtention de postes supplémentaires pour faire face aux nouvelles missions. Par exemple, on nous a confié le pilotage et la surveillance des filières REP : mais lorsque nous sommes face à des opérateurs qui ont parfois des moyens de plus d'un milliard d'euros, comme les éco-organismes Citeo ou EcoMobilier, il faut que nous puissions agir, collecter des données, etc. Les attentes sont fortes à notre égard. Les éco-organismes contestent ainsi le calcul de la redevance prévue par la loi pour financer cette mission de pilotage et de surveillance des filières REP. Un contentieux est en cours, et on verra ce qu'il en advient au cours des prochaines semaines.

Nos moyens doivent correspondre à l'élargissement de nos missions. Par exemple, alors qu'il est beaucoup question d'hydrogène, et qu'un fonds hydrogène a été créé, l'Ademe a été bien seule pour le porter au début, et nous avons dû quémander des moyens pour pouvoir nous doter de l'expertise nécessaire.

Nous avons réussi cette année à inverser la tendance de destructions d'emplois à l'Ademe. Notre inclusion dans France 2030 devrait nous permettre d'obtenir des moyens humains supplémentaires.

En ce qui concerne la projection à 5 ou 10 ans, je suis toujours vent debout contre le projet de loi 3DS. Cette loi est une erreur. Elle fait peut-être plaisir aux préfets, mais est surtout source de complexité. L'Ademe est un établissement public à caractère industriel et commercial (EPIC). Je suis responsable des ressources humaines de l'agence sur tout le territoire. Je ne vois pas comment un préfet pourra demain, en tant que délégué territorial, avoir la main sur les effectifs de l'Ademe. Je dois gérer les problématiques classiques de ressources humaines : répartition de la charge de travail, management, problèmes éventuels de burn-out ou de harcèlement, etc. L'Ademe a signé un contrat d'objectifs et de performance avec l'État. Ce dernier siège déjà à notre conseil d'administration. Je ne vois donc pas la plus-value du texte, si ce n'est qu'il apportera davantage de complexité, puisqu'il faudra passer des conventions avec les préfectures. Je ne suis pas sûr que l'on gagnera en efficacité...

On travaille déjà beaucoup avec les régions, qui interviennent en cofinancement de nombre de projets dans la mise dans la mise en oeuvre des fonds européens. Si le texte peut apporter une avancée dans la réalisation des contrats de plan État-Région (CPER), tant mieux. Mais j'attends les décrets. Nous avons fait remonter nos demandes. Nous passons déjà beaucoup de temps en réunion, je n'ai pas envie d'en rajouter alors que nos équipes sont déjà très mobilisées dans les régions sur la thématique de la transition écologique. Nous travaillons déjà à l'échelle des départements avec l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) et avec les préfets de département ; on nous demande de discuter désormais avec les préfets de région. Je vous invite à exercer votre pouvoir de contrôle pour vérifier, dans quelques années, que cela marche vraiment mieux.

Notre taux d'exécution budgétaire est de 100 % depuis de nombreuses années. On ne peut donc pas dire que notre agence est inefficace. Simplement, les préfets ont fait un caprice ; ils ont voulu la tête de l'Ademe et ils l'ont eue, mais je ne suis pas sûr que l'on gagnera en efficacité. Il faudra évaluer l'efficacité du nouveau dispositif, et j'espère me tromper dans mon pronostic, mais je vois les difficultés. Dans le cadre du plan de relance, nous avons travaillé main dans la main avec les préfets et cela s'est très bien passé ; la question de savoir qui est chef de quoi ne se posait pas. Le préfet joue déjà un rôle important dans les instances de l'Ademe en région. Le statut d'EPIC implique l'autonomie. Je ne sais pas comment le nouveau dispositif pourra fonctionner. Il s'agirait par cette réforme de rendre l'action de l'État plus visible ? Mais je ne comprends pas pourquoi alors on ne donne pas aux préfets la main sur l'Office français de la biodiversité (OFB), qui a pourtant, à la différence de l'Ademe, des pouvoirs de police. J'avoue une certaine incompréhension...

La question centrale est de savoir comment on peut accélérer dans la mise en oeuvre de la transition écologique. Vous avez évoqué notre rapport, Transition(s) 2050, résultat d'un travail prospectif de deux ans, pas simplement sur la question énergétique, mais aussi sur toute la problématique de la neutralité carbone. On aborde de nombreuses questions : les puits de carbone, l'aménagement du territoire, le rapport à l'agriculture, la mobilisation de la biomasse, la mobilisation du vivant dans les évolutions des régimes alimentaires, l'évolution des mobilités, le rapport à l'innovation, etc.

Il reste des pans à explorer comme l'aspect macroéconomique, pour montrer que les scénarios axés sur la sobriété sont économiquement intéressants et qu'ils ne sont pas des scénarios de décroissance - il s'agit d'une croissance qualitative, dans laquelle on doit réinterroger nos modèles industriels pour favoriser le durable, l'écoconception, l'économie circulaire, etc. Nous présenterons les derniers résultats à Angers fin mars pour les 30 ans de l'Ademe.

En tout cas, nous devons aller vite si l'on veut atteindre l'objectif de neutralité carbone en 2050. L'objectif suppose de nombreux investissements, des efforts de préparation et d'animation dans les territoires. La question est de savoir si l'Ademe a la taille suffisante et si les acteurs ne sont pas trop éparpillés. Ne faudrait-il pas rapprocher l'Ademe et le Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (Cerema) pour créer un opérateur unique de la transition écologique, capable de mener des actions d'atténuation, d'adaptation, etc. ?

M. Jean-François Longeot, président. - Si je vous entends bien, à propos de la loi 3DS, il aurait été préférable de ne pas toucher à ce qui fonctionnait bien...

M. Guillaume Chevrollier. - Ayant été corapporteur de la proposition de loi de M. Chaize sur l'empreinte environnementale du numérique, je tiens tout d'abord à saluer l'action de l'Ademe en la matière. La question est celle des actions concrètes qui seront menées dans ce secteur à l'avenir. En particulier, le secteur du reconditionnement a besoin d'aide.

Je veux vous interroger sur le défi qui consiste à réduire la facture énergétique et environnementale du secteur du bâtiment, problématique sur laquelle l'Ademe est mobilisée dans le cadre de la stratégie de décarbonation et dans la perspective de l'objectif de neutralité carbone en 2050. Il reste beaucoup à faire sur la transition écologique. Certes des fonds ont été débloqués dans le cadre du plan de relance, pour le bâtiment individuel ou l'industrie, mais tout le monde n'a pas pu être satisfait : par exemple, les fours à chaux n'ont pas été aidés. Ne faudrait-il pas aider ces industries de nos territoires ? De même, les maisons passives coûtent plus cher à construire et supposent l'appui d'un bureau d'études, mais les ménages qui souhaitent investir dans ces projets sont mal accompagnés, alors que ces derniers répondent aux objectifs de la transition écologique. Comment mieux les aider ?

Mme Marta de Cidrac. - Je voudrais vous interroger sur l'application des lois AGEC et Climat-résilience. La loi AGEC a prévu l'expérimentation de l'affichage environnemental : deux initiatives semblent bien avancées, celles du Planet-score et de l'Eco-score. Quel bilan peut-on en tirer ? Pourriez-vous nous éclairer sur leurs avantages et inconvénients, et sur le calendrier ?

Vous considérez qu'il faut laisser le temps aux acteurs industriels de s'approprier la loi AGEC. Je partage cet avis. Vous aviez par ailleurs fait état de votre inquiétude quant à la capacité de l'Ademe à assurer pleinement sa mission de surveillance des éco-organismes, soulignant notamment que le pouvoir de sanction des filières se trouvait dans les mains du ministère de la transition écologique. Les échanges que vous avez menés depuis cette audition vous confortent-ils sur ce point ?

M. Joël Bigot. - Je m'associe aux réflexions sur la pertinence de l'action de l'Ademe et l'expertise qu'elle a acquise dans la transition écologique. En tant que membre de son conseil d'administration, j'ai pu apprécier le travail qui y était fait, qui a conduit à des évolutions sensibles.

L'article 45 du projet de loi 3DS, sur lequel la commission mixte paritaire vient de s'accorder, prévoit que le préfet de région sera désormais le délégué territorial de l'agence et des conventions transférant la gestion du budget de l'Ademe aux régions, à hauteur de 75 %.

Je sais l'agilité de l'Ademe et sa réactivité face aux projets présentés et étudiés en conseil d'administration. Même si les dossiers sont instruits dans l'esprit de ses préconisations, cette recentralisation ne va-t-elle pas dénaturer certains projets ? Des projets matures dans certaines régions ne se feront-ils pas au détriment d'autres projets, dans d'autres régions ?

Vous avez déclaré que les effectifs de l'Ademe avaient été contenus, au moins pour cette année. Effectivement, facialement, le nombre de salariés sera le même, mais il y a, parmi ces derniers, des salariés contractuels dont le contrat arrivera à terme en juin. Les moyens de l'agence auront donc bel et bien diminué. En dehors de toute langue de bois, pouvez-vous nous dire, monsieur le président, s'il y a un avis de tempête sur l'Ademe et, comme le laissent entendre certains syndicats, s'il existe une volonté d'en réduire les effectifs ?

Autre point d'actualité, nous allons examiner une proposition de loi ouvrant une dérogation à la loi Littoral pour permettre l'installation de centrales solaires sur des terrains dégradés ou des friches. Pouvez-vous nous apporter des informations sur le recensement des sites susceptibles d'accueillir ces installations qu'effectue l'Ademe ? Quand j'étais maire, j'ai reconverti une décharge en centrale photovoltaïque. Je suis tout à fait favorable au principe de cette dérogation, que nous avions voté lors de l'examen de la loi « Climat et résilience ». Qu'en pensez-vous ?

En dernier lieu, je souhaite vous interroger sur les conclusions de l'étude visant à inciter les Français à une consommation plus sobre que mène l'Ademe. Quels sont les grands enseignements de cette opération ?

Par ailleurs, la précarité énergétique est au coeur de nos préoccupations. Quelle est votre appréciation de président de l'Observatoire national de la précarité énergétique (ONPE) sur les mesures d'urgence prévues par le Gouvernement ? Pensez-vous que les collectivités - notamment les départements - puissent jouer un rôle dans l'accompagnement des ménages ?

M. Didier Mandelli. - Je veux rebondir sur les propos de Joël Bigot concernant l'implantation de parcs photovoltaïques sur des sites dégradés.

Nous avons eu l'occasion d'évoquer cette possibilité depuis plusieurs années, lors de l'examen de la loi pour l'économie bleue, de la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte ainsi que d'autres textes. Encore dernièrement, le Sénat a voté, à l'unanimité, dans le projet de loi « Climat et résilience », la possibilité de telles implantations. Cette disposition a été conservée au terme de la CMP, mais le Conseil constitutionnel a considéré qu'il s'agissait d'un cavalier législatif. Il faudra que l'on m'explique en quoi l'implantation de parcs photovoltaïques ne présente pas de lien avec la loi « Climat et résilience ».

En tout état de cause, le Sénat examinera très prochainement une proposition de loi que j'ai déposée pour permettre l'implantation de parcs de ce type. Nous nous rendrons d'ailleurs demain, avec le rapporteur Jean-Claude Anglars, sur l'île d'Yeu, qui dispose d'un espace susceptible d'accueillir un parc photovoltaïque pouvant fonctionner en autonomie. J'ai bon espoir que cette proposition de loi sera votée par le Sénat, via la procédure de législation en commission, puis par l'Assemblée nationale.

M. Arnaud Leroy. - Je veux rassurer le sénateur Guillaume Chevrollier : nous avons de l'argent pour accompagner les projets, notamment d'usines de chaux, y compris hors plan de relance. Des guichets BCIAT - Biomasse, Chaleur, Industrie, Agriculture et Tertiaire - sont notamment ouverts. L'objectif est de décarboner les process industriels, souvent en favorisant l'utilisation de biomasse, en gagnant considérablement en efficacité énergétique ou encore en électrifiant certains dispositifs industriels. Il faut simplement que les entreprises se rapprochent des locaux de l'Ademe en région pour obtenir les informations sur les dispositifs. Beaucoup d'informations sont disponibles sur notre plateforme internet agirpourlatransition.ademe.fr. Le groupe réalise des investissements, même si ce n'est pas toujours du financement à 100 %. Quoi qu'il en soit, des équipes sont en capacité de répondre aux questions et de regarder si l'on a pu accompagner des projets identiques dans la région.

Sur la question des maisons individuelles, nous ne faisons pas d'accompagnement, parce que le logement relève de la compétence de l'Agence nationale de l'habitat (Anah). Historiquement, l'Ademe a accompagné les particuliers sur leurs opérations de rénovation, avec des Espaces info énergie. Cette mission s'est arrêtée, au bénéfice de l'Anah, dans une logique de continuum entre bâtiment et occupant à laquelle je souscris. C'était la brique qui manquait à l'Anah. L'évolution des bâtiments pour le maintien à domicile des personnes arrivant à un certain âge est assez bien portée maintenant dans le cadre de « France Rénov ».

Nous continuons à alimenter l'Anah en termes techniques sur certains enjeux, mais, s'agissant de l'habitat individuel, nous ne sommes plus compétents que sur la question des matériaux utilisés, notamment pour voir comment on peut faire émerger telle ou telle filière de matériaux biosourcés, de manière que l'on puisse répondre, demain, avec des matériaux français, à la nouvelle réglementation RE2020. Souvent, les collectivités locales elles-mêmes cofinancent, animent et hébergent ces services de renseignements à but non lucratif. L'accompagnement est donc gratuit.

Sur ce sujet des maisons individuelles, nous faisons donc des campagnes d'information, mais pas d'accompagnement stricto sensu, ne serait-ce que parce que nous ne sommes pas équipés en termes d'effectifs.

Madame de Cidrac, comme la loi le prévoit, nous allons vous remettre, dans les prochaines semaines, un rapport qui fera le point sur l'affichage environnemental des aliments. Il est en cours de finalisation. C'est le conseil scientifique qui se prononce sur les nombreuses expérimentations passées et en cours, car il faut un regard croisé. Je ne peux vous en dire davantage pour le moment.

Vous m'interrogiez également sur la mise en oeuvre de la loi AGEC. Nous avons discuté des programmes d'écoconception dans le cadre de France Relance. Nous avons monté des programmes pour les plasturgistes, notamment pour les aider à sortir du plastique à usage unique, imaginer de nouvelles résines, intégrer les matières recyclées. Nous avons mobilisé 56 millions d'euros sur ce programme dans le cadre du plan de relance. Cela va continuer, parce qu'il y a encore la volonté, dans France 2030, de travailler sur ces sujets. Le PIA4 établissait clairement des stratégies de recyclage et d'intégration de matières recyclées.

Nous avons la chance d'avoir un secteur économique qui joue le jeu, mais qui demande un peu de visibilité et de stabilité, ce qui est tout à fait légitime. De fait, les investissements en jeu sont importants. Ainsi, les deux structures nord-américaines qui sont en train de s'installer en France pour faire du recyclage chimique vont investir plusieurs centaines de millions d'euros. Si l'on veut que ces changements de process soient également réalisés par des acteurs français, il faut leur donner le temps de pouvoir faire cette transition.

Il y a eu une lune de miel à la suite de la création de la direction des REP. Les spécialistes s'en sont emparés et il y a aujourd'hui des demandes assez pressantes de données auprès des éco-organismes, donc les relations se tendent. La loi n'est peut-être pas assez claire, notamment sur le rôle de la direction dans le contrôle et la supervision. Une clarification législative ou réglementaire sera peut-être nécessaire dans les années à venir.

Aujourd'hui, ce qui bloque, c'est la question du financement de ces missions : la direction qui s'occupe de la supervision des REP est financée par une contribution versée par les éco-organismes. Il existe un débat un peu ésotérique sur les missions de cette direction, ce qu'elle doit financer, ce qui lui revient... La notion de redevance, en particulier, implique un service en retour. Nous avons essayé, avec la direction générale de la prévention des risques (DGPR) du ministère de la transition écologique, de trouver les moyens d'articuler les choses. Il s'avère que ce n'est pas suffisant. Le juge administratif tranchera pour que l'on puisse travailler sereinement, sans que chacun se renvoie la balle.

La loi a été adoptée en avril 2020. Nous avons été très réactifs : en juillet, le sujet était évoqué en conseil d'administration. Voilà un certain temps que les choses sont un peu compliquées. J'attends donc beaucoup de la clarification par le juge administratif des règles du jeu.

Sur la question des effectifs, monsieur Bigot, les syndicats sont dans leur rôle. Alors que notre schéma d'emplois détruisait jusqu'à 19 ETP par an, ce qui n'était pas anodin - c'était à la fois la commande qui nous était passée par nos autorités de tutelle et la ligne du conseil d'administration -, cette année, 9 ETP supplémentaires ont été annoncés par Barbara Pompili lors de sa visite à Angers. Nous avons pu embaucher 120 personnes, sous statut intérimaire, pour nous accompagner pendant dix-huit mois dans le cadre du déploiement de France Relance. Aujourd'hui, avec France 2030, on annonce que plusieurs milliards d'euros seront confiés à l'Ademe. Nous avons toujours été très clairs avec le ministère, qui nous soutient. Il devrait être confirmé que nous aurons des ETP - et non plus des intérimaires - pour nous permettre d'accompagner des projets qui vont durer un certain temps. La loi de programmation de la recherche permet notamment aujourd'hui d'avoir des CDD fondés sur un projet. Nous attendons une clarification. Il est certain que le moment n'est pas le plus propice : avec les prochaines élections, les autorités de tutelle budgétaire cherchent à temporiser, malgré la décision du Premier ministre.

Cependant, 34 milliards d'euros ont été adoptés dans la loi de finances rectificative, et l'on nous a confié des fonds. Je suis assez confiant, mais force est de constater qu'il est toujours compliqué de s'y retrouver entre les différentes chapelles de l'État, le ministère de l'écologie, celui de l'agriculture, avec lequel nous travaillons également beaucoup, et nos tutelles budgétaires, qui nous donnent un euro tout en s'assurant qu'on ne le dépensera pas.

Sur la loi Littoral, je pense qu'il faut aller au-delà des simples parcs solaires. Très concrètement, on n'arrive pas, pour l'instant, à déployer des panneaux solaires en Corse pour produire l'hydrogène vert à même d'alimenter les bateaux dans le port d'Ajaccio et de Bastia. Dans la petite commune de Lanton, en Gironde, qui comporte une décharge désaffectée à plus de 3 kilomètres et demi du bord de mer, il est impossible d'installer des panneaux solaires, parce qu'il s'agit d'une commune littorale. Dans le cadre de l'examen de la loi Économie bleue, nous avons évoqué les biotechs liées à l'économie maritime, qui ont besoin de pouvoir aller chercher l'eau de la mer.

Il faudrait peut-être avoir une formule qui soit plus large, visant toute installation contribuant à la transition écologique. Si l'on sent un certain volontarisme, il est nécessaire de sécuriser les acteurs économiques sur leur accès au littoral. Aujourd'hui, il serait possible, à Ouessant, d'avoir un territoire totalement autonome en électricité, mais l'hydrolienne Sabella, que l'État a subventionnée via l'Ademe, doit être adossée à un mât d'éolienne. Pour le moment, le projet est bloqué.

Pour revenir aux travaux que nous avons réalisés sur Transition(s) 2050, il va être très difficile d'atteindre la neutralité carbone tout en assurant au pays le degré de confort que chacun veut conserver en matière d'énergie, si nous n'exploitons pas pleinement le potentiel de nos territoires en énergies renouvelables. Pour avoir fait du droit maritime, je connais très bien les préventions que peut inspirer l'ouverture de la loi Littoral. Je pense que nous sommes capables aujourd'hui de faire la différence entre une installation qui contribue à la réussite de la transition et une énième résidence qui vient défigurer un bord de plage, mais nous devrons être capables de nous adapter.

Nous sommes dans une situation de crise énergétique. La question qui se pose est celle de sa durée. J'ai l'impression que les décisions d'urgence qui ont été prises portent leurs fruits. Nous sommes en train de travailler, à la demande du Gouvernement sur la question des réseaux de chaleur, qui ne sont pas compris aujourd'hui dans le dispositif - certains, étant en partie adossés au gaz, sont impactés. Pour améliorer véritablement la situation demain, nous travaillons sur l'isolation, qui permet de réduire très fortement les dépenses de chauffage.

Se pose aussi la question de l'autoconsommation. Aujourd'hui, elle n'est pas foncièrement encouragée dans notre pays. Or les installations d'autoconsommation peuvent être intéressantes au regard de notre besoin de production électrique supplémentaire, à des coûts très avantageux pour les particuliers.

J'ai toujours dit qu'il y avait un gisement de gaz vert dans notre pays et qu'il fallait le pousser. À l'époque, le coût du gaz naturel s'élevait encore à 10 ou 20 euros par mégawattheure, quand celui du gaz vert était à 70. Aujourd'hui, le gaz naturel est passé à 140 ou 150 euros par mégawattheures, dans un contexte de tensions géopolitiques où l'on ne maîtrise pas la ressource. Il faut travailler sur le gaz vert à long terme.

Nous sommes en train de subir le coup de boutoir de cette crise. Nous avons démontré, avec l'ONPE, et cela a aussi été très fortement documenté pour la Covid, que de nouveaux publics pouvaient très vite basculer dans la précarité.

M. Jean-Michel Houllegatte. - Je souhaite d'abord saluer votre action à la présidence de l'Ademe, qui, depuis quelques années, fait preuve de dynamisme, de réactivité et de professionnalisme.

L'heure est au bilan. Notre président a souligné l'initiative qui a été prise par le Sénat, sous l'impulsion de Patrick Chaize, pour mettre en relief l'importance de l'empreinte environnementale du numérique. Cela s'est d'ailleurs traduit par une mission d'information, puis par un texte de loi.

Le rapport de l'Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (Arcep), auquel l'Ademe a contribué et dont une première version a été publiée le 15 décembre dernier, comporte un certain nombre d'axes. Le premier vise à améliorer la capacité de pilotage de l'empreinte environnementale du numérique par les pouvoirs publics, notamment en confiant à une entité publique le pouvoir de collecter des informations utiles auprès de l'écosystème, afin de disposer de données. Le rapport propose également la création d'un référentiel. Où en sommes-nous concrètement ?

Nous avons l'impression que la réduction de l'empreinte environnementale doit agir sur deux leviers : le soft - les choses avancent beaucoup sur ce plan, avec l'intégration de l'enjeu environnemental dans les actions de régulation de l'Arcep, ainsi que nous l'avions préconisé - et le reconditionnement, lequel semble, en revanche, patiner un peu, ainsi que Guillaume Chevrollier l'a souligné. Les débats sur l'assujettissement à la redevance pour copie privée ont été épiques, mais on note une certaine absence de soutien du Gouvernement au secteur du reconditionnement. Comment essayer de booster le reconditionnement de nos appareils, qui est un véritable sujet ?

Mme Denise Saint-Pé. - La France s'est dotée d'un programme ambitieux de rénovation des bâtiments, pilier essentiel de la réduction de nos émissions de gaz à effet de serre. Encore faut-il, pour cela, identifier les priorités et les besoins, ce qui requiert des données fiables et précises.

Je doute qu'elles le soient actuellement, tant elles sont éparpillées entre plusieurs bases de données - cadastre, Institut national de l'information géographique et forestière (IGN)... - et difficiles à recouper, car il n'existe pas aujourd'hui de référentiel national du bâtiment.

Au-delà d'être souhaitable, un regroupement de ces données serait-il techniquement possible ? Si oui, l'Ademe s'est-elle emparée du sujet ? Le cas échéant, comment procède-t-elle ?

M. Jean-Claude Anglars. - Mme Pompili a remis en cause, à la fin de l'année 2020, des contrats concernant des installations photovoltaïques dont la puissance est supérieure à 250 kilowatts-crête. Cette idée de revenir sur un contrat signé par l'État est-elle venue de l'Ademe ?

M. Arnaud Leroy. - Non, cette idée n'est pas venue de nous. Au reste, je pense que cette décision est une bêtise, car elle a remis en cause la signature de l'État. Aujourd'hui, alors même qu'il faut trouver des partenaires pour déployer l'hydrogène, on sent une certaine frilosité liée à cette décision et, dans une moindre mesure, à ce qui s'est passé avec l'éolien offshore. Je pense que nous n'avons pas fini d'en voir les effets, et nous n'avons pas encore les millions d'euros que nous étions censés récupérer.

Un secteur du reconditionnement existe en France, mais il est alimenté aujourd'hui par des appareils qui viennent en grande partie des États-Unis - ainsi, le marché de l'iPhone reconditionné en France est alimenté en grande partie par des iPhone importés. La filière en est à ses tout débuts. Il existe aussi certaines tensions entre ses acteurs : certains veulent en rester à une philosophie fondée sur l'économie sociale et solidaire, quand d'autres veulent faire de la filière une vraie filière économique, avec tout ce que cela implique en termes de compétitivité et de concurrence. Certains acteurs ont déjà une surface importante, comme Back Market. Nous essayons d'accompagner autant que nous pouvons le faire, mais ce n'est pas simple.

Nous travaillons avec la Fédération française des télécoms pour identifier le gisement - les fameux 80 à 100 millions de téléphones qui dorment dans les tiroirs des Français -, le mettre en valeur et démontrer qu'un produit reconditionné peut être de qualité. Cependant, nous sommes toujours dans une phase d'acculturation.

Le référentiel que vous avez évoqué commence à être discuté, mais la feuille de route gouvernementale n'a qu'un an. Le législateur a donné des missions supplémentaires claires à l'Arcep sur le sujet. Nous continuons à travailler avec celle-ci à l'étude dont nous avons publié la première mouture tout récemment. Nous sommes encore loin du compte en termes de rendu - c'est un «  » work in progress », si vous me permettez l'expression. Nous avons travaillé sur un référentiel qui permet notamment de mesurer l'impact carbone des pérégrinations sur internet des Français. Cela a beau être prévu par la loi, nous avons dû nous en expliquer. Ce n'est toujours pas simple.

Nous devons également réussir à mobiliser le numérique au profit de la transition écologique. Il est vrai qu'il faut agir sur les émissions du numérique, mais un smartphone permet également un pilotage de la consommation énergétique et une articulation avec l'économie circulaire. Ainsi, de nombreuses plateformes numériques reposent sur l'économie circulaire, comme la vente de vêtements en seconde main.

Sur la rénovation énergétique des bâtiments, il est vrai que nous avons un problème d'outils. Nous avons essayé, avec l'ONPE et avec les fournisseurs, qui détiennent de nombreuses données sur la consommation énergétique de nos compatriotes, de fabriquer un outil d'identification des ménages les plus précaires. Nous l'avons mis à disposition : des licences sont données aux collectivités, notamment aux départements, pour compléter ce qu'elles font déjà à certains endroits. Cela devrait nous permettre d'agir.

Pour ce qui est des bases de données sur le bâtiment, nous avons une mission en cours de déploiement sur le petit tertiaire. Un décret relatif à ce dernier est paru il y a un peu moins de deux ans, à la suite au Grenelle de l'environnement - dix ans plus tard, donc -, pour l'identification et la trajectoire de rénovation et d'efficacité énergétique de ces bâtiments, qui sont très nombreux. Nous sommes en train d'examiner l'opportunité d'un « numéro unique du bâtiment » permettant de suivre les évolutions et les travaux de rénovation, comme cela existe notamment en Grande-Bretagne. L'expérience britannique est plutôt concluante s'agissant de la politique de rénovation.

Nous avons rencontré d'importantes difficultés pour essayer de consolider certaines données, notamment fiscales, avec les crédits d'impôt, en particulier le crédit d'impôt pour la transition énergétique (CITE). L'État doit aussi s'aligner en interne pour que le ministère du logement ait accès à certaines données des services des impôts. Ce n'est pas toujours simple.

Nous allons devoir beaucoup y travailler, compte tenu des montants mobilisés pour la rénovation des bâtiments et de l'impact sur l'emploi, auquel les collectivités sont très attachées. Il va falloir continuer à professionnaliser l'ensemble du dispositif de rénovation du bâtiment, sachant que 80 % des bâtiments qui existeront en 2050 - et qui devront donc assumer la transition - sont déjà construits.

Les outils existant aujourd'hui sont assez nombreux et disparates, parce qu'il n'y a jamais eu de politique claire de rénovation énergétique des bâtiments.

Voilà quelques années que cet axe fort est porté, assumé, financé. De l'argent a été investi dans France Rénov', dans MaPrimeRénov'. Nous avons bénéficié de 200 millions d'euros pour animer un réseau de conseillers. Je crois donc que nous nous acheminons vers une plus grande convergence des bases de données.

Mme Nadège Havet. - S'agissant de la surconsommation, je souhaite évoquer l'expérimentation que vous avez effectuée auprès de vingt-et-une familles en les accompagnant pendant sept mois pour faire le tri de leurs affaires, avec pour objectif de les sensibiliser à la surconsommation. Selon vous, l'accumulation est particulièrement forte pour les jouets, les appareils électriques et les vêtements. Le législateur a également bien saisi cette ambition, avec des mesures pour valoriser l'économie circulaire. Comment alerter davantage nos concitoyens sur cette surconsommation qui n'est visiblement pas une préoccupation pour nombre d'entre eux ?

M. Arnaud Leroy. - Une des missions de l'Ademe s'attache aux changements de comportement, cette expérience était intéressante à ce titre. La richesse de cette étude provient particulièrement de la différence entre la perception que ces familles ont de leurs possessions et la réalité. Quand on demande aux gens « combien de paires de chaussures avez-vous ? », la réponse est dix, et quand on les compte, il y en a trente. C'est pareil pour les appareils électroniques.

Dans une étude précédente, on avait souligné le poids-carbone de ces objets, en prenant des hippopotames comme référence. Nous montrions donc le nombre d'hippopotames présents dans une maison au regard de l'ensemble des outils numériques, dont, pour certains, on ne se sert plus, mais qui sont toujours dans la maison. C'était vraiment intéressant.

Nous travaillons avec des collectivités sur ces sujets. Pendant longtemps, nous menions des opérations « zéro déchet » pour réduire les volumes et cela a plutôt bien fonctionné. Beaucoup de mouvements associatifs se sont intéressés à ces démarches, qui relèvent véritablement de l'éducation au plus proche des citoyens. Il revient aux communes d'animer cela à leur niveau. Avec cette dernière étude, nous avons mis en place une méthodologie qui peut être répliquée, elle est libre de droits, en sachant que la richesse de l'expérience se trouve dans le delta entre la perception et la réalité. On évoque ainsi le rapport à la qualité et à la durabilité, que vous avez abordé dans la loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire, avec la mise en place d'un indice de séparabilité, notamment sur l'électroménager.

Notre expérience a connu un grand succès médiatique, il peut être intéressant de voir sur quoi cela peut déboucher.

Mme Nadège Havet. - Je suis intéressée par votre méthodologie, afin de la diffuser auprès de ma communauté de communes, qui a un service en charge de l'économie circulaire.

M. Arnaud Leroy. - Nous vous l'enverrons.

M. Jean-François Longeot, président. - Je tiens à vous remercier pour la qualité de vos réponses nettes, franches et précises, sans langue de bois. L'Ademe mène des missions importantes. On parle beaucoup de politique environnementale, de maîtrise des énergies, de lutte contre la pollution, et dans toutes ces démarches, il est important d'avoir un fil conducteur, un chef de file. La meilleure façon pour que cela ne marche pas est d'éparpiller tout partout et nulle part.

À travers les politiques que vous menez, vous êtes un véritable acteur, mais aussi un organisme qui conseille. Je vous remercie.

Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.

La réunion est close à 17 h 35