Mardi 11 janvier 2022

- Présidence de M. Alain Cadec, président d'âge -

La réunion est ouverte à 14 h 30.

Réunion constitutive

M. Alain Cadec, président. - En tant que président d'âge, il me revient l'honneur d'ouvrir cette première réunion de la mission d'information intitulée « L'exploration, la protection et l'exploitation des fonds marins : quelle stratégie pour la France ? ».

Cette mission a été créée à la demande du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants (RDPI) dans le cadre du droit de tirage prévu à l'article 6 bis du règlement du Sénat. Les membres de notre mission ont été nommés en séance publique le jeudi 9 décembre dernier.

L'initiative en revient à notre collègue Teva Rohfritsch, que je remercie d'avoir mis en exergue ce sujet passionnant. Les grands fonds marins restent, pour une large part, inexplorés. Leur conquête est souvent mise en parallèle avec la conquête spatiale, avec des enjeux non seulement économiques et écologiques, mais aussi scientifiques, technologiques et géopolitiques. Les grands fonds marins sont en effet de plus en plus convoités et leur connaissance est un enjeu en termes d'autonomie stratégique.

Nous devons au cours de cette réunion procéder à la désignation de notre bureau, en commençant par celle du président. Je rappelle que seuls les collègues présents physiquement dans la salle peuvent prendre part à ces désignations.

Pour la présidence de cette mission, j'ai reçu la candidature de Michel Canévet.

La mission d'information procède à la désignation de son président, M. Michel Canévet. (Applaudissements.)

- Présidence de M. Michel Canévet, président -

M. Michel Canévet, président. - Je vous remercie de votre confiance. C'est un honneur de présider cette mission, qui rassemble des élus connaissant bien les problèmes maritimes. Le sujet des fonds marins est en effet passionnant et essentiel, et nous allons l'étudier dans ses trois dimensions : l'exploration, la protection et l'exploitation. La France possède le deuxième espace maritime du monde : elle doit faire de cet atout un outil de développement pour l'avenir.

Avant d'évoquer les enjeux sur le fond, il nous revient de procéder à la désignation des onze autres membres du bureau, à commencer par celle du rapporteur.

L'article 6 bis du règlement du Sénat prévoit que le groupe à l'origine de la demande de création d'une mission d'information obtient de droit, s'il le demande, que le rapporteur soit désigné parmi ses membres. Le groupe RDPI propose la candidature de notre collègue Teva Rohfritsch. En conséquence, il est nommé rapporteur.

La mission d'information procède à la désignation de son rapporteur, M. Teva Rohfritsch. (Applaudissements.)

M. Michel Canévet, président. - Je le sais, le rapporteur, qui est élu de la Polynésie, est passionné par le sujet.

Compte tenu de la désignation du président et du rapporteur, la répartition des postes de vice-président et de secrétaire est la suivante : pour le groupe Les Républicains, deux vice-présidents et un secrétaire ; pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, deux vice-présidents ; pour le groupe Union Centriste, un secrétaire ; pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, le groupe communiste républicain citoyen et écologiste, le groupe Les Indépendants - République et Territoires et le groupe Écologiste - Solidarité et Territoires, un vice-président chacun.

La mission d'information procède à la désignation de ses vice-présidents, M. Alain Cadec, Mmes Micheline Jacques et Angèle Préville, MM. Jean-Michel Houllegatte, Stéphane Artano, Gérard Lahellec, Joël Guerriau et Jacques Fernique.

La mission d'information procède à la désignation de ses secrétaires, Mme Vivette Lopez et M. Pascal Martin.

M. Michel Canévet. - Pour ce qui est du calendrier, notre mission est constituée pour une durée de six mois, ce qui nous conduira à rendre notre rapport en juin prochain.

Nous procéderons à des auditions et à des tables rondes, en réunion plénière ou dans le cadre de réunions du rapporteur, qui seront alors ouvertes à l'ensemble des membres de la mission.

Nous commencerons dès la semaine prochaine avec l'audition de Mme Annick Girardin, ministre de la mer, et de M. Denis Robin, secrétaire général de la mer.

M. Teva Rohfritsch, rapporteur. -En tant que sénateur de Polynésie française, je suis naturellement très intéressé par le sujet des fonds marins. Je suis heureux et honoré d'être le rapporteur de cette mission d'information. Le Sénat a tenu, la semaine dernière, un débat sur la souveraineté maritime, auquel je n'ai malheureusement pas pu participer. La maîtrise de nos fonds marins constitue un aspect essentiel de cette question de la souveraineté, alors qu'une course pour l'accaparement des ressources, que l'on compare à la conquête spatiale, est lancée au niveau international. Nous ne pouvons pas l'ignorer ni être absents de cette course.

Les grandes puissances sont à l'affût, depuis quelque temps déjà. Ainsi, en 2007, la Russie plantait son drapeau au niveau du pôle nord, au fond de l'océan Arctique. La Chine est également très active dans ce domaine - en 2020, un sous-marin chinois s'est posé dans la fosse des Mariannes, à 11 000 mètres de profondeur -, tout comme les États-Unis, qui sont en avance sur le plan technologique. La rivalité stratégique entre ces superpuissances ne fera qu'accélérer les tendances déjà observables.

Comme l'espace, les fonds marins sont aujourd'hui la nouvelle frontière vers laquelle se tournent des esprits pionniers, en quête, pour les uns, de découverte et, pour les autres, d'enrichissement. Nous devrons apprécier le difficile équilibre entre ces deux finalités.

Grâce à ses outre-mer, la France possède la deuxième zone économique exclusive (ZEE) en superficie au niveau mondial, après celle des États-Unis. Notre pays a donc des intérêts économiques et stratégiques à préserver, mais aussi des normes, des valeurs et une éthique à défendre.

Les fonds marins représentent une richesse exceptionnelle, encore mal connue. Leurs ressources minières sont particulièrement recherchées pour répondre à un possible épuisement des terres rares, dont le marché est contrôlé par la Chine. L'enjeu est majeur pour la transition énergétique.

La richesse des fonds marins est également unique en termes de biodiversité : le rôle de ce milieu pour la régulation du climat et de la vie marine est mal connu, de même que son potentiel dans le domaine de la recherche médicale.

La connaissance des fonds marins reste en effet très limitée : 80 % des fonds océaniques mondiaux n'ont pas été cartographiés de manière détaillée et on estime que seuls 3 à 4 % des espèces marines vivant dans les grands fonds sont identifiées à ce jour.

La France a relancé en 2021 sa stratégie nationale d'exploration et d'exploitation des ressources minérales dans les grands fonds marins, complétée par le plan France 2030 qui prévoit un financement de 2 milliards d'euros tant pour l'espace que pour les fonds marins.

Toutefois, de nombreuses incertitudes subsistent. L'exploration demande des investissements considérables. Les enjeux juridiques sont complexes, à la croisée du droit international, du droit minier et du droit environnemental. Les perspectives pour les outre-mer doivent être précisées.

Ce sont tous ces enjeux que je vous propose d'examiner dans le cadre de cette mission d'information.

La France dispose d'acteurs scientifiques, industriels et militaires de premier plan, que nous pourrons auditionner individuellement ou dans le cadre de tables rondes, de même que les ONG. Une dimension essentielle de cette mission sera, il me semble, de permettre la participation d'un large champ d'acteurs, à tous les niveaux - national, territorial et notamment ultramarin -, pour enrichir notre réflexion et parvenir, autant que possible, à des recommandations partagées par le plus grand nombre. Un vaste programme !

M. Michel Canévet, président. - Avez-vous des suggestions d'auditions que nous pourrions mener ?

M. Alain Cadec. - Nous pourrions rencontrer des représentants de la Compagnie maritime d'expertises (Comex).

M. Jean-Michel Houllegatte. - La Comex a été fondée par Henri Germain Delauze. Elle s'est diversifiée dans différents domaines, mais a conservé un département chargé de la maintenance des installations hyperbares.

Mme Vivette Lopez. - Il serait intéressant d'entendre Jean-Louis Étienne, qui prépare une mission d'exploration à bord du Polar Pod.

M. Philippe Folliot. - Le Polar Pod explorera l'Antarctique.

La Commission européenne a classé le gaz parmi les énergies vertes. Pourquoi la France n'a-t-elle pas renouvelé le permis d'exploration des gisements gaziers situés sous Juan de Nova ? Il faut interroger les responsables de cette décision pour comprendre leur stratégie. La loi Hulot, qui a fixé la date de 2040 pour achever toute exploitation d'hydrocarbures, prévoit une exception pour les permis en cours. Je siège au conseil consultatif des Terres australes et antarctiques françaises (TAAF) : nous avons rendu un avis, dont personne ne s'est préoccupé.

Explorer n'est pas exploiter. Le canal du Mozambique est la mer du Nord du XXIsiècle. Total exploite un gisement gazier au Mozambique, et a d'ailleurs dû faire face à des problèmes de sécurité en raison des attaques de groupes islamistes : ce gisement est le même que celui qui est sous Juan de Nova.

M. Michel Canévet, président. - Il serait utile d'organiser une table ronde avec des entreprises concernées par l'exploitation des fonds sous-marins.

Pour les ONG, qui sont le plus souvent tournées vers la protection de ces fonds, je vous propose d'entendre Greenpeace, WWF et Bloom.

M. Teva Rohfritsch, rapporteur. - L'ONG Pew est particulièrement active dans le Pacifique, avec des méthodes d'ailleurs plus ou moins appréciées par les gouvernements.

M. Joël Guerriau. - La délégation sénatoriale aux outre-mer avait fait un rapport sur les ZEE qui mettait en lumière le problème du code minier. Ce code mériterait un certain nombre d'adaptations, notamment sur la question du respect de l'environnement s'agissant des fonds marins.

Il faut aussi se pencher sur la convention de Montego Bay : la Chine, qui est signataire de l'accord, ne le respecte pas, et les États-Unis qui ne sont pas signataires s'offusquent de cette situation... Des auditions, peut-être des ambassadeurs chinois et américain en France, nous permettraient d'y voir plus clair.

M. Teva Rohfritsch, rapporteur. - Le rapport sur les ZEE ultramarines date de 2014 : il faudra en tirer des enseignements, notamment sur les différentes règles de compétences en matière minière.

Nous pourrions organiser une visioconférence avec le Forum des îles du Pacifique, dont le nouveau secrétaire général est l'ancien premier ministre des îles Cook. Cela nous permettrait de connaître les pratiques de la Chine dans le grand Pacifique en matière non seulement de pêche, mais de plus en plus d'exploitation des fonds marins.

M. Jean-Michel Houllegatte. - L'Institut français de recherche pour l'exploitation de la mer (Ifremer) est incontournable. Anaïs Joseph, qui travaille à l'Ifremer, a écrit Un océan de promesses, un ouvrage didactique qui inventorie les « promesses » de l'océan : l'océan qui nourrit, qui soigne, qui fournit de l'énergie...

Mme Angèle Préville. - Nous allons examiner la question de la protection des fonds marins. Des associations oeuvrent pour lutter contre la pollution plastique : No Plastic In My Sea, Plastic Odyssey, Oceanoplastic, et The SeaCleaners. Des laboratoires de recherche travaillent aussi en France sur ce sujet. Une table ronde sur la question pourrait être intéressante. La quantité de plastique qui est au fond de la Méditerranée est inquiétante...

M. Hussein Bourgi. - Je suggère l'audition de Laurent Ballesta, un photographe et biologiste naturaliste installé en Occitanie. Il a publié des ouvrages et réalisé des documentaires, et fait autorité en ce qui concerne les fonds marins en Méditerranée. Il témoigne, par ses clichés, de l'empreinte de l'activité humaine sur les fonds marins.

Mme Vivette Lopez. - Je pense aussi à l'Ifrecor (Initiative française pour les récifs coralliens).

M. Michel Canévet, président. - Je vous remercie pour ces propositions.

Comme le Sénat suspend ses travaux à la fin du mois de février et que le rapporteur est élu d'un territoire lointain, nous serons certainement amenés à organiser un certain nombre de visioconférences.

Nous commencerons donc nos auditions la semaine prochaine.

La réunion est close à 15 h 10.