Mercredi 5 janvier 2022

- Présidence de Mme Catherine Di Folco, vice-président -

La réunion est ouverte à 9 heures.

Communication

Mme Catherine Di Folco, présidente. - Mes chers collègues, je vous présente mes meilleurs voeux pour l'année 2022. Je vous souhaite une bonne santé - nous en aurons besoin pour faire face à tout le travail que nous aurons à abattre !

Je laisse la parole à M. le président de la commission, qui est avec nous en visioconférence.

M. François-Noël Buffet, président de la commission des lois. - Mes chers collègues, je ne peux être physiquement parmi vous aujourd'hui, à l'isolement pour cause de covid, mais je serai de retour au Sénat demain matin. Je veux d'ores et déjà vous souhaiter à toutes et à tous une bonne année.

Je veux vous communiquer les dernières informations concernant le projet de loi instaurant le passe vaccinal. L'Assemblée nationale a siégé hier soir et cette nuit, mais a suspendu ses travaux. À l'heure où je vous parle, elle doit encore examiner 449 amendements. Elle ne reprendra sa séance que cet après-midi à 15 heures et rien ne garantit que nous recevions le texte demain matin.

Notre agenda s'en voit bien évidemment bousculé. Je vous propose, sous réserve que nous puissions disposer d'un texte demain très tôt dans la matinée, que nous auditionnions Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé, demain en début d'après-midi, et que notre commission des lois se réunisse à 17 heures.

Bien évidemment, ces informations doivent être prises avec les réserves qui s'imposent, compte tenu de l'état d'avancement des travaux à l'Assemblée nationale. À défaut, nos travaux pourraient être décalés à nouveau d'un ou plusieurs jours.

M. Jean-Pierre Sueur. - Nous sommes dans une situation confuse. Au-delà de la confusion du calendrier et des horaires, il y a quelque confusion des esprits, y compris éminents... Quand on a une certaine idée de la République et des plus hautes fonctions, on ne peut qu'être sidéré par certains propos qui ont pu être tenus... Cela contribue à un climat qui n'est pas celui que l'on pourrait souhaiter pour notre pays.

Notre groupe a pris position voilà plusieurs mois pour l'obligation vaccinale. On nous a vilipendés, mais, d'une certaine façon, nous avons dit ce à quoi l'on arrive aujourd'hui sans le dire.

Notre position était claire. C'est le jeu de la démocratie que chacun puisse exprimer ses positions, mais le moins que l'on puisse dire est que certains propos ne sont pas de nature à rassembler les Français ni à convaincre ceux qui ne souhaitent pas se faire vacciner de changer d'avis.

J'espère que nous pourrons suivre le calendrier qu'a indiqué le président de notre commission des lois, mais rien n'est certain : nous sommes soumis à un aléa. Il ne serait pas absurde que nous demandions au Premier ministre ce qu'il pense de cette situation. Quoi qu'il en soit, il faudrait peut-être qu'il y ait une parole sur ce sujet. Les conditions de travail qui nous sont imposées ne sont pas les meilleures que l'on puisse imaginer.

Désignation de rapporteurs

Mme Catherine Di Folco, présidente. - En application de l'article 19 bis de notre règlement, nous devons désigner un rapporteur sur la proposition de nomination de M. Didier Leschi par le Président de la République aux fonctions de directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII), en application de loi organique et de la loi du 23 juillet 2010 relatives à l'application du cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution.

M. le président de la commission des lois est candidat à cette désignation.

M. Jean-Yves Leconte. - Est-ce une procédure nouvelle ?

M. François-Noël Buffet, président de la commission des lois. - C'est effectivement la première fois que nous appliquons la modification de notre règlement qui consiste, lorsque nous avons à procéder à une audition en vue d'une désignation proposée par le Président de la République, le président du Sénat ou le président de l'Assemblée nationale, à ce qu'un rapporteur soit nommé, au sein des commissions, pour préparer un rapport préalable à l'audition, ce qui était déjà un peu le cas en pratique.

Je vous propose de me charger du premier rapport qui sera rédigé en application de cette modification.

M. Jean-Pierre Sueur. - La formalisation d'un rapport est une bonne idée.

M. Jean-Yves Leconte. - Pour l'OFII, c'était d'ailleurs une suggestion de la commission des lois.

La commission des lois désigne M. François-Noël Buffet rapporteur sur la proposition de nomination de M. Didier Leschi par le Président de la République aux fonctions de directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII), en application de loi organique n° 2010-837 et de la loi n° 2010-838 du 23 juillet 2010 relatives à l'application du cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution.

Mme Catherine Di Folco, présidente. - Nous devons également désigner un rapporteur sur le projet de loi renforçant les outils de gestion de la crise sanitaire et modifiant le code de la santé publique.

M. le président de notre commission propose qu'il s'agisse de M. Philippe Bas, qui rapporte les travaux du Sénat sur ces questions depuis désormais vingt-quatre mois.

La commission des lois désigne M. Philippe Bas rapporteur sur le projet de loi n° 4857 (A.N., XVe lég.) renforçant les outils de gestion de la crise sanitaire et modifiant le code de la santé publique, sous réserve de sa transmission.

Projet de loi renforçant les outils de gestion de la crise sanitaire - Désignation des candidats de l'éventuelle commission mixte paritaire

La commission soumet au Sénat la nomination de M. François-Noël Buffet, M. Philippe Bas, Mme Chantal Deseyne, M. Philippe Bonnecarrère, M. Jean-Pierre Sueur, Mme Laurence Rossignol, M. Alain Richard, comme membres titulaires, et M. Stéphane Le Rudulier, Mme Catherine Di Folco, Mme Nadine Bellurot, M. Hervé Marseille, M. Jean-Yves Leconte, Mme Maryse Carrère, Mme Éliane Assassi, comme membres suppléants de l'éventuelle commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi renforçant les outils de gestion de la crise sanitaire et modifiant le code de la santé publique.

Proposition de loi visant à combattre le harcèlement scolaire - Examen du rapport pour avis

Mme Catherine Di Folco, présidente. - Nous allons examiner le rapport pour avis de Mme Jacqueline Eustache-Brinio sur la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, visant à combattre le harcèlement scolaire.

Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure pour avis. - Madame la présidente, mes chers collègues, notre commission s'est saisie pour avis de la proposition de loi visant à combattre le harcèlement scolaire, examinée au fond par la commission de la culture, de l'éducation et de la communication.

La proposition de loi compte 12 articles, répartis en trois titres.

Le titre I, relatif à la prévention des faits de harcèlement scolaire et à la prise en charge des victimes, modifie à cette fin le code de l'éducation. Son examen relève de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication.

Le titre II tend à l'« amélioration du traitement judiciaire des faits de harcèlement scolaire et universitaire ». Il modifie le code pénal, le code de procédure pénale et le code de la justice pénale des mineurs. C'est ce titre dont l'examen a été délégué au fond à notre commission.

Le titre III comportait un gage, levé par le Gouvernement en séance publique à l'Assemblée nationale.

Le caractère faiblement normatif des mesures soumises à l'examen du Sénat reflète la difficulté à traiter du harcèlement scolaire par la loi, alors qu'il relève, d'une part, des projets d'établissement et des protocoles élaborés par l'éducation nationale au plus près du terrain, et d'autre part, de la régulation des réseaux sociaux, dont la complexité appelle une réponse de niveau européen.

La mission d'information du Sénat sur le harcèlement scolaire et le cyberharcèlement, que présidait notre collègue Sabine Van Heghe et dont la rapporteure était Colette Mélot, a formulé ce constat dans son rapport publié en septembre dernier, tout en soulignant la nécessité d'une prise de conscience et d'une mobilisation de tous les acteurs. L'ampleur du phénomène appelle effectivement une action rapide, déterminée et efficace, mais qui ne soit pas nécessairement de nature législative.

La volonté de marquer par la loi un engagement contre le harcèlement scolaire conduit les auteurs de la proposition de loi à proposer des dispositions qui sont soit de nature réglementaire, soit « expressives », selon la formule consacrée. Elles sont largement redondantes avec les infractions existantes sur la qualification des faits, mais cherchent à s'en distinguer par un quantum de peine supérieur.

L'article 4 de la proposition de loi propose ainsi de créer un délit spécifique de harcèlement scolaire puni de quatre à dix ans d'emprisonnement et de 45 000 à 150 000 euros d'amende, soit un alignement sur les peines prévues pour le harcèlement au sein du couple et plus de trois fois plus que les peines actuellement prévues. Ce délit viserait les faits de harcèlement tels qu'ils sont déjà prévus par l'article 222-33-2-2 du code pénal, qui vise le délit général de harcèlement, mais uniquement lorsque le ou les auteurs - élèves ou personnel - et la victime étaient présents à l'origine au sein d'un même établissement d'enseignement. Je souligne que la notion d'établissement d'enseignement couvre tous les établissements - écoles, collèges, lycées, mais aussi universités - et tout établissement d'enseignement supérieur. Le nouveau délit est, en fait, un cas particulier du délit général de harcèlement, mais avec un quantum de peine nettement plus élevé.

Le rapport de la mission d'information sénatoriale avait souligné le risque lié à cette approche, en affirmant : « notre mission ne préconise pas de créer un délit spécifique de harcèlement scolaire. Au-delà de réaffirmer un interdit social - ce que nous ferons d'autres façons -, cette solution risque de n'être qu'un «tigre de papier» et n'aura pas ou très peu d'effet. Elle risquerait même de créer un sentiment de «bonne conscience» et de nuire à la nécessaire mobilisation générale. »

Dans le prolongement des travaux de cette mission, et pour conserver la cohérence des infractions pénales, je vous proposerai donc de ne pas retenir l'idée d'un délit spécifique, dont le périmètre pose question et qui se trouverait assorti d'un quantum de peine difficilement justifiable au regard de l'objectif de prévention et de réinsertion qui prime en matière de justice des mineurs, car ce sont principalement des mineurs qui sont auteurs de harcèlement scolaire.

Il me semble néanmoins que c'est à juste titre que les députés ont souligné que les faits de harcèlement survenant dans les établissements scolaires doivent être identifiés et faire l'objet d'une sanction renforcée. Je vous proposerai donc une nouvelle rédaction de l'article 4 du projet de loi, réintégrant le harcèlement scolaire au sein du délit général de harcèlement, dont il constituera une circonstance aggravante, complétant les circonstances aggravantes déjà prévues.

Cette réintégration répond à trois objectifs.

Le premier est d'assurer la cohérence des dispositions pénales applicables au harcèlement et d'éviter la multiplication des infractions visant à réprimer les mêmes comportements, d'autant plus que l'article 222-33-2-2 du code pénal a justement été créé par la loi du 4 août 2014 afin de prendre en compte le harcèlement scolaire et le cyberharcèlement, au-delà du harcèlement au travail et du harcèlement au sein du couple, qui étaient déjà sanctionnés - les rapports de notre ancienne collègue Virginie Klès et de l'Assemblée nationale de l'époque sont clairs sur ce point.

Le deuxième objectif de l'amendement que je vous soumets est d'assurer la cohérence des peines applicables pour des faits similaires et d'éviter ainsi tout risque de rupture d'égalité. En effet, fonder la possibilité de sanctions lourdes sur la seule coprésence de l'auteur et de la victime au sein d'un même établissement d'enseignement, comme le fait la proposition de loi, paraît trop restrictif par rapport à la réalité des faits de harcèlement susceptibles de toucher les élèves : cela conduirait à ce que les cas de harcèlement impliquant des élèves d'établissements différents, mais réunis géographiquement ou survenant à l'occasion d'un ramassage scolaire seraient moins sévèrement sanctionnés, alors même que la victime ne pourrait pas se soustraire à la présence physique du ou des auteurs plus facilement que s'ils se trouvaient dans la même structure juridique. L'amendement que je vous propose conduit à ce que tous les faits de harcèlement touchant les élèves soient pris en compte et sanctionnés de la même manière.

Le troisième objectif de l'amendement est de recentrer la caractérisation du harcèlement scolaire sur les faits impliquant les élèves. En effet, la proposition de loi met sur le même plan les faits de harcèlement entre élèves et ceux dont l'auteur est membre du personnel de l'établissement. Or, si les faits relevant du personnel des établissements d'enseignement doivent évidemment être réprimés lorsqu'ils sont constitutifs d'un harcèlement, il m'apparaît qu'ils ne peuvent être appréhendés de la même manière.

La solution que je vous propose vise donc à assurer la cohérence des infractions et des sanctions, tout en renforçant la prise en compte des faits survenant dans les établissements d'enseignement. C'est, me semble-t-il, une solution équilibrée.

J'en viens à l'article 4 bis de la proposition de loi, qui prévoit la possibilité de saisie et de confiscation des téléphones portables et ordinateurs qui auront été utilisés par des personnes pour harceler un élève en utilisant les réseaux sociaux, conformément au droit existant. Je vous proposerai ici encore un amendement de réécriture afin de tirer les conséquences de deux décisions du Conseil constitutionnel en matière de confiscation des biens ayant servi à commettre un harcèlement et de réquisition des données de connexion. L'absence de disposition en la matière serait, en effet, de nature à gravement entraver la conduite des enquêtes. C'est après des échanges avec le ministère de la Justice que nous vous proposons cet amendement.

L'article 5 modifie le code de procédure pénale pour favoriser l'enregistrement de l'audition du mineur victime de harcèlement dans le cadre d'une procédure pénale, déjà recommandée, mais non explicitement prévue par la loi. Bien que faiblement normatif, il n'appelle qu'un amendement de coordination.

L'article 6 modifie le code de la justice pénale des mineurs pour préciser que les stages ordonnés par le juge dans le cadre de la mise à l'épreuve éducative peuvent comporter un volet spécifique de sensibilisation aux risques liés au harcèlement scolaire. Il relève du domaine réglementaire ; je propose donc de le supprimer.

Enfin, l'article 7 renforce les obligations pesant sur les fournisseurs d'accès internet et les hébergeurs en matière de traitement des cas et de signalement aux autorités des faits de harcèlement scolaire. Par coordination avec la réécriture de l'article 4, la commission propose de le supprimer.

Nous partageons tous la volonté de lutter contre le harcèlement scolaire, et des ajustements aux mesures législatives existantes peuvent toujours être utiles, mais nous payer de mots ne sert à rien et peut même parfois s'avérer dangereux. Je vous propose donc de veiller à ce que les mesures pénales de la proposition de loi soient réellement normatives, utiles et applicables. Il me semble que c'est notre responsabilité en tant que législateurs, surtout en ce domaine.

M. Thani Mohamed Soilihi. - Notre groupe a inscrit ce texte dans son espace réservé, car il lui paraît porter des dispositions utiles pour affermir l'effectivité de la lutte contre les phénomènes de harcèlement scolaire. Ces agressions répétées, souvent effectuées en « meute », font de nombreuses victimes, ébranlent les valeurs de l'école ainsi que le développement des personnes.

Notre Haute Assemblée a elle-même produit un travail d'importance sur le sujet, au travers d'une mission d'information qui a fait état de 800 000 à 1 million d'élèves victimes de harcèlement scolaire chaque année, soit plus de 10 % des élèves.

Le rapport d'information a souligné la trop faible connaissance des outils en vigueur, mais également l'insuffisance de ces outils face aux vecteurs, notamment numériques, du harcèlement scolaire.

La présente proposition de loi de nos collègues députés renforce ces outils, au travers, d'une part, de dispositions qui arment la communauté éducative et, d'autre part, de dispositions pénales améliorant le traitement judiciaire des faits de harcèlement scolaire et universitaire.

Dans la continuité de l'unanimité rencontrée à l'Assemblée nationale, nous pourrons assez largement converger sur ce texte au Sénat, comme en témoignent d'ailleurs les propositions d'amendements techniques et cohérentes de notre rapporteure pour avis.

Au-delà des textes, c'est un ensemble de moyens qu'il faudra déployer pour notamment faire de la prévention en matière de harcèlement scolaire.

M. Philippe Bonnecarrère. - Chacun comprend que le harcèlement scolaire soit un sujet de société, qu'il y ait à cet égard des éléments très préoccupants et que, plus globalement, la société doive assurer la prévention de telles difficultés. Reste à savoir si cela doit être fait par le droit pénal, alors qu'existent déjà des dispositions en cette matière.

Je veux simplement rappeler que, depuis quelques années, nous avons multiplié les dispositions pénales, dans les lois sur le respect des principes de la République, ou Climat et Résilience ou encore dans les textes récents en matière, par exemple, de prévention des mesures concernant l'orientation sexuelle. D'autres dispositions sont dans le circuit législatif s'agissant des lanceurs d'alerte. Nous ne cessons de prendre des dispositions pénales, mus par l'illusion que celles-ci sont de nature à réguler la société et avec l'inconvénient supplémentaire que, plus l'on crée de catégories d'infraction, plus on crée de difficultés d'application.

Nous le faisons alors même que se déroulent des états généraux de la justice - du moins sont-ils censés se dérouler -, dont nous savons que l'un des objets est précisément de nous exhorter à laisser le système juridique se stabiliser.

Je ne peux donc, madame la rapporteure pour avis, qu'exprimer un soutien à tout ce qui permettrait de satisfaire le besoin sociétal évident de lutte contre le harcèlement, mais il convient de toucher le moins possible à notre code pénal.

Mme Marie Mercier. - Je vous remercie, madame la rapporteure pour avis, de votre travail éclairé sur ce sujet infiniment douloureux.

Vous avez parfaitement raison : on ne peut pas se payer de mots. Le harcèlement scolaire est une vraie tragédie. Comme vous l'avez souligné, il s'agit souvent de violences commises par des mineurs sur d'autres mineurs. Depuis la nuit des temps, l'adolescence est un âge sans pitié, et les réseaux sociaux sont un outil terrible, puisque, comme chacun le sait, internet reste un royaume sans roi, ni loi, ni frontière, malgré tout ce que l'on peut essayer de mettre en place.

Il faut peut-être laisser toute sa place à l'éducation qui est faite dans les lycées et dans les collèges et qui doit être faite dans les écoles primaires, de manière à généraliser cette prévention et à protéger nos enfants. Ce n'est pas à nos enfants de se protéger eux-mêmes.

Mme Françoise Gatel. - Je veux remercier notre rapporteure pour avis de la qualité de sa réflexion.

Nous rêvons d'un monde ultra-simple, où chaque problème aurait sa solution et où la solution serait la loi. Je ne pense pas que la loi puisse guérir tous nos maux. Elle devient plutôt encombrante et engendre parfois plus de difficultés qu'elle n'en résout, puisque nous sommes parfois même dans l'incapacité de l'appliquer. À cet égard, j'approuve les propos tenus par mon collègue Philippe Bonnecarrère sur l'encombrement qui en découlerait pour la justice.

Le harcèlement est un vrai sujet, qui prend aujourd'hui des proportions considérables et plonge des enfants dans des difficultés importantes et dans une grande solitude. On en connaît les conséquences parfois dramatiques. Même pour des enfants qui ne commettent pas l'irréparable, le harcèlement laisse des traces et crée des difficultés dans leur construction.

Il me semble que la solution relève plus de la détection et de la prévention qui doit être mise en place à l'école, parfois même dès la maternelle, où le personnel doit être attentif aux signes de marginalisation de certains petits enfants - cela peut parfois être le début d'une opération de harcèlement qui le suivra tout au long de sa scolarité.

Au-delà de l'école, il faut considérer tous les lieux d'accueil des enfants, comme les accueils périscolaires. Il faut entourer l'enfant d'une sorte de filet de sécurité et lui donner confiance, en lui apprenant à se protéger et à se défendre. L'ensemble des structures - éducation nationale, communes, associations sportives ou culturelles - doivent développer des réflexes et déployer ensemble des procédures pour détecter puis corriger. Ce sera beaucoup plus efficace qu'une loi, qui, en l'espèce, serait illusoire.

Mme Brigitte Lherbier. - Madame la rapporteure pour avis, votre analyse est très claire et judicieuse. Nous avons tous la volonté de lutter contre les harcèlements, mais nous sommes unanimes : créer un nouveau délit ne semble pas très pertinent.

Souvent, les auteurs sont des jeunes qui ne se rendent pas compte de ce qu'ils font et qui cherchent à s'amuser.

C'est effectivement au niveau de la prévention qu'il faut agir.

Les conséquences du harcèlement peuvent être horribles, certains adolescents tentant de se suicider.

Je veux vous faire part de ce qui existe dans le Nord : un établissement de santé mentale dispose d'équipes mobiles qui vont à demeure, dans les écoles, chez les parents, pour essayer de comprendre ce qui se passe et pour dénouer les liens qui ont engendré le harcèlement. Cette formule a beaucoup de succès, et est beaucoup plus humaine que d'obliger les jeunes à se déplacer. Les jeunes se sentent compris.

M. Hussein Bourgi. - Je remercie à mon tour Mme la rapporteure pour avis de son travail. Je souscris au constat qu'elle a dressé au début de sa présentation.

Il me semble que les leviers d'action se situent à un autre niveau. Lorsque j'ai participé à la mission d'information sénatoriale sur le harcèlement scolaire, nous avons identifié deux sujets prioritaires.

Premièrement, pour participer à la nécessaire sensibilisation de la société, nous avions émis l'idée que la lutte contre le harcèlement scolaire puisse être décrétée « grande cause nationale ». C'est véritablement par ce genre de décisions que l'on pourra davantage impliquer les chefs d'établissement et les équipes pédagogiques. En effet, lorsqu'ils sont confrontés à une situation de harcèlement scolaire, ces derniers disent souvent qu'elle ne concerne pas l'institution, puisqu'elle se déroule sur les réseaux sociaux.

Or les différents protagonistes se sont rencontrés dans le cadre scolaire. La rencontre se prolonge ensuite en dehors du cadre scolaire - il y a parfois des incidents à bord des cars de transport scolaire -, puis sur les réseaux sociaux. C'est le règne de la défausse : personne ne veut avoir à gérer ce genre de conflits - au reste, on comprend bien qu'il y a suffisamment de problèmes à régler dans les établissements...

Pour cette raison, il nous avait semblé plus intéressant et plus utile d'en passer par la grande cause nationale et par des mesures de prévention, d'éducation, de sensibilisation et de mobilisation. Puisque les protagonistes se rencontrent dans le cadre de l'éducation nationale et ont vocation à s'y retrouver quasiment tous les jours, c'est à celle-ci de prendre la part la plus importante.

Nous avons relevé beaucoup de réticences à mentionner et à signaler les incidents de la part de certains chefs d'établissement, qui redoutent que celui-ci ne soit stigmatisé, les classements des meilleurs établissements qui sont établis chaque année étant fondés non seulement sur le taux de réussite au baccalauréat, mais aussi sur le nombre d'incivilités et de conseils de discipline.

Il nous faut absolument accompagner les établissements dans le nécessaire engagement de tous les acteurs : conseillers principaux d'éducation, infirmières scolaires, chefs d'établissement, enseignants, mais aussi parents - ceux-là mêmes qui sont susceptibles d'offrir la tablette ou le smartphone qui pourra devenir un outil de harcèlement...

Deuxièmement, nous avions identifié un autre levier d'action : la responsabilisation des fournisseurs d'accès et des hébergeurs. À cet égard, je forme le voeu que la présidence du Conseil de l'Union européenne puisse servir à la nécessaire harmonisation entre les différents pays de l'Union. Lors des auditions, les fournisseurs d'accès et les hébergeurs nous ont paru à mille lieues des préoccupations que nous exprimons aujourd'hui.

Les actions prioritaires se situent ailleurs. Cette proposition de loi contient quelques dispositions mineures. Nous essaierons de les parfaire pour que l'arsenal législatif et juridique soit le plus fonctionnel et opérationnel possible.

Je pense qu'il y a entre nous un consensus.

Dans le cadre des travaux de la mission que j'ai évoquée, on a bien vu que, selon le projet d'établissement, les choses ne sont pas gérées de la même manière. Nous avons rencontré des chefs d'établissement dont c'était la priorité.

Les choses évoluent. Il est vrai, monsieur Bourgi, que le problème numéro un aujourd'hui est l'accès aux réseaux sociaux, l'anonymat et l'impossibilité de savoir qui se cache derrière tel ou tel pseudo.

Nous ne pouvons pas être insensibles à ce qui est aujourd'hui un vrai problème de société, principalement dans les collèges, ni faire abstraction de ce sujet majeur pour nos établissements scolaires.

Nous avons abordé le texte sous le prisme de la gravité du harcèlement, mais n'avons pas voulu surcharger encore les codes en créant un délit spécifique. Nous pouvons améliorer les outils dont nous disposons. C'est ce que nous vous proposons de faire aujourd'hui.

S'agissant du périmètre du texte au titre de l'article 45, il a été défini en accord avec la commission de la culture, saisie au fond.

Je vous propose de considérer qu'il comporte les dispositions relatives au harcèlement scolaire et au cyberharcèlement ainsi que les mesures visant à les prévenir et à lutter contre ceux-ci et le délit de harcèlement au sein des établissements d'enseignement, mais qu'il ne comprend pas le harcèlement moral dont serait victime un personnel de l'éducation nationale ou de l'enseignement supérieur.

EXAMEN DES ARTICLES

Article 4 (délégué)

Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure pour avis. - L'amendement  COM-1 vise à supprimer le délit spécifique de harcèlement scolaire. C'est ce que je vous propose également de faire mais en intégrant les éléments au sein de l'infraction existante. Par conséquent, je sollicite le retrait de l'amendement au profit du mien ; à défaut, j'émettrai un avis défavorable.

La commission proposera à la commission de la culture de demander le retrait de l'amendement COM-1 et, à défaut, de ne pas l'adopter.

Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure pour avis. - L'amendement  COM-4 réécrit l'article 4 : il supprime le délit spécifique de harcèlement scolaire, qui devient une circonstance aggravante dans le droit existant.

L'amendement COM-4 est adopté.

La commission proposera à la commission de la culture d'adopter l'article 4 ainsi modifié.

Article 4 bis (nouveau) (délégué)

Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure pour avis. - L'amendement  COM-5, que je dépose notamment suite à mes échanges avec la Chancellerie, vise à réécrire l'article 4 bis pour régler les difficultés soulevées par deux décisions récentes du Conseil constitutionnel.

L'amendement COM-5 est adopté.

La commission proposera à la commission de la culture d'adopter l'article 4 bis ainsi modifié.

Article 5 (délégué)

L'amendement de coordination COM-6 est adopté.

La commission proposera à la commission de la culture d'adopter l'article 5 ainsi modifié.

Article 6 (délégué)

Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure pour avis. - L'amendement  COM-7 supprime l'article 6, qui relève du domaine réglementaire.

L'amendement COM-7 est adopté.

La commission proposera à la commission de la culture d'adopter l'article 6 ainsi modifié.

Article 7 (délégué)

L'amendement de coordination COM-8 est adopté ; l'amendement COM-2 devient sans objet.

La commission proposera à la commission de la culture d'adopter l'article 7 ainsi modifié.

Proposition de loi relative au port du casque à vélo et dans le cadre d'autres moyens de transport - Examen du rapport et du texte de la commission

M. Jérôme Durain, rapporteur. - Madame la présidente, mes chers collègues, inscrite à l'ordre du jour réservé du groupe de l'Union Centriste, la proposition de loi présentée par notre collègue François Bonneau et plusieurs de ses collègues tend à imposer le port du casque pour, d'une part, les cyclistes et, d'autre part, les usagers d'engins de déplacement personnel motorisé (EDPM), c'est-à-dire notamment les trottinettes électriques et autres gyroroues.

En effet, l'obligation du port du casque n'est à ce jour pas généralisée pour les cyclistes et utilisateurs d'EDPM.

Il n'est imposé que dans deux hypothèses, toutes deux récentes : depuis 2017, pour les conducteurs et passagers de vélos de moins de 12 ans, sous peine de l'amende prévue pour les contraventions de quatrième classe, en application de l'article R. 431-1-3 du code de la route ; et, depuis 2019, pour tous les utilisateurs d'EDPM, qui doivent être âgés de 12 ans minimum, lorsqu'ils sont autorisés par l'autorité de police à circuler hors agglomération, sous peine de la même amende, en application de l'article R. 412-43-1 du même code.

Par comparaison, le casque est obligatoire depuis 1980 pour tous les usagers de motocyclette, tricycle ou quadricycle à moteur.

À l'étranger, nous pouvons observer que peu de pays ont opté pour une obligation généralisée du port du casque à vélo. Au sein de l'Union européenne, on compte seulement la Finlande - sans sanction toutefois - et, dans le monde, l'Argentine, Singapour, l'Australie, le Canada et la Nouvelle-Zélande, avec parfois des exceptions dans certains États.

J'ai souhaité, comme nous en avons l'habitude, entendre le maximum d'acteurs concernés dans le temps qui m'était imparti. Certains collègues ont d'ailleurs pu participer à mes auditions, notamment Guy Benarroche, et je l'en remercie. Il ressort de ces auditions que la recherche scientifique atteste de la protection du port du casque en cas d'accident. D'après la délégation à la sécurité routière, il existe un consensus scientifique sur l'efficacité du casque, qui protège notamment des traumatismes crâniens ou de la fracture du crâne.

Le professeur Philippe Azouvi, chef du service de médecine physique et de réadaptation de l'hôpital de Garches, qui est notamment à la pointe de la prise en charge des polytraumatisés, a plaidé pour le port du casque obligatoire tant à vélo qu'à bord d'un EDPM.

Une étude de l'Université d'Australie, publiée en 2016, incluant les résultats de 40 études internationales et portant sur près de 65 000 cyclistes impliqués, a conclu que le port du casque à vélo était associé à une réduction de 51 % en moyenne des risques de blessures à la tête, avec une réduction importante de 69 % pour les blessures graves et 65 % pour les blessures mortelles.

Rémy Willinger, professeur à l'Université de Strasbourg et spécialiste en biomécanique des chocs, a plaidé dans le même sens lorsque je l'ai entendu. Les travaux du laboratoire ICube de cette université montrent notamment que, dans le cas d'une collision avec un véhicule roulant à 45 km/h, le risque de fracture crânienne est divisé par trois grâce au casque. Il faut toutefois noter que l'efficacité du casque décroît fortement au-delà d'une certaine vitesse - 45, voire 30 km/h.

Les conclusions de l'étude conduite par le même laboratoire pour les EDPM sont encore plus frappantes : l'utilisateur d'un tel engin non casqué risque une fracture du crâne dans près de 95 % des cas, même à faible vitesse, et une commotion cérébrale dans 90 % des cas lorsque la vitesse de l'EDPM dépasse 20 km/h.

Philip Roche, président de l'Association nationale des utilisateurs de micro-mobilité électrique, a confirmé qu'un grand nombre d'utilisateurs d'EDPM blessés l'étaient au niveau de la tête, ce qui plaide, selon lui, pour l'obligation du port du casque.

Pour autant, le port du casque est encore minoritaire : s'il a progressé de 10 points depuis 2016, seuls 31 % des cyclistes le porteraient en 2020 d'après l'Observatoire national interministériel de la sécurité routière. La proportion d'usagers d'EDPM propriétaires portant un casque est quant à elle estimée à 86 %, contre 9 % pour le libre-service.

Or la mortalité cycliste a augmenté de 21 % depuis 2010, et le nombre de blessés en EDPM a augmenté de 40 % en un an : 62 % ne portaient pas de casque. L'accidentalité de ces véhicules est, de surcroît, en hausse sur les dix premiers mois de l'année 2021, par comparaison avec la même période en 2019 : on dénombre 30 cyclistes et 5 utilisateurs d'EDPM décédés en plus.

L'obligation du port du casque ne fait toutefois pas consensus, en particulier pour les cyclistes. La Fédération française des usagers de la bicyclette (FUB), que j'ai entendue, s'y oppose, craignant qu'elle ne décourage la pratique du vélo, dont les bénéfices en termes de santé publique sont connus. D'après l'avis de l'Institut national de santé publique du Québec publié en 2018, qui fait référence sur le sujet, si un effet « désincitatif » ne peut être exclu, en particulier chez les plus jeunes, il est toutefois difficile de l'affirmer définitivement, compte tenu des limites méthodologiques des évaluations sur le sujet.

La proposition de loi de François Bonneau nous invite donc à passer de l'incitation à l'obligation. Cette ambition est légitime, et je la salue. Je partage l'intuition et l'intention de notre collègue.

Pour atteindre cet objectif louable, le texte propose deux dispositifs qui ne sont toutefois, à mon avis, pas viables sur les plans juridique et pratique.

Premièrement, il tend à étendre la possibilité d'immobiliser ou de mettre en fourrière un véhicule à moteur qui existe aujourd'hui à l'article L. 431-1 du code de la route pour les conducteurs de deux roues à moteur en cas de défaut du port du casque ou de gants moto, aux cycles et EDPM. L'immobilisation et la mise en fourrière seraient également rendues possibles en cas de défaut des autres équipements obligatoires destinés à la sécurité du conducteur : gilet réfléchissant hors agglomération pour les usagers de vélo ou d'EDPM ; éclairage complémentaire pour les EDPM.

Deuxièmement, la proposition de loi vise à ajouter un nouvel article L. 431-2 au sein du même chapitre du code de la route pour sanctionner l'infraction de l'usage sans casque de ces véhicules par l'amende déjà applicable, dans la même situation, aux deux roues à moteur. Cette infraction contraventionnelle figure dans le droit positif dans la partie réglementaire du code, à l'article R. 431-1.

Bien que partageant l'objectif de renforcer la sécurité d'usagers vulnérables de la route, je ne peux que constater que ce texte relève de la responsabilité du Gouvernement. En effet, comme nous l'avons vu, l'obligation du port du casque est une disposition de nature réglementaire, tout comme les peines applicables aux infractions contraventionnelles ou même, par comparaison, l'obligation du port de la ceinture de sécurité. Nous sommes tous soucieux, je le sais, du respect de la Constitution, notamment de ses articles 21, 34 et 37. Dans ces conditions, la commission ne peut pas se montrer favorable à l'adoption de ces dispositions.

De surcroît, la possibilité d'immobiliser ou de mettre en fourrière un vélo ou un EDPM, seule disposition législative de la proposition de loi, me paraît disproportionnée et source de difficultés pratiques.

L'immobilisation des motos ou des voitures est rendue possible par le retrait de la carte grise, qui n'existe pas pour les vélos ou les EDPM. La mise en oeuvre par les forces de l'ordre paraît donc trop complexe et coûteuse, notamment pour la mise en fourrière, d'autant plus qu'elle s'appliquerait dès le 1er mars 2022, date d'entrée en vigueur trop rapprochée pour une application effective.

En revanche, le débat est légitime sur cette importante question de sécurité routière et de santé publique.

Les nombreuses études scientifiques sur le sujet attestent de la protection qu'offre le port du casque en cas d'accident à vélo ou à bord d'un EDPM. Il est donc crucial de l'encourager fortement.

Nous pourrions inviter le Gouvernement à envisager de rendre obligatoire le port du casque, au moins pour les EDPM dans un premier temps.

Pour le vélo, la situation mérite que nous prenions en compte le risque de décourager la pratique. Nos préconisations sont guidées par une recherche d'équilibre, avec une forme de volontarisme dans le port du casque et de prudence dans la dimension obligatoire.

Ces mesures pourraient aussi s'accompagner d'une nouvelle campagne de communication sur les dangers du non-port du casque, ainsi que d'autres mesures, comme la poursuite de la sécurisation des infrastructures, pour renforcer l'effet « sécurité par le nombre », ou le développement d'innovations pour rendre le transport du casque moins contraignant et permettre sa mise à disposition dans les flottes de véhicules partagés.

À titre personnel, je comprends véritablement la motivation et la sincérité de la démarche de François Bonneau sur ce sujet extrêmement important. Si j'ai indiqué en quoi elle posait problème, cette proposition de loi qui a une dimension d'appel ouvre un débat nécessaire.

Mais, pour toutes les raisons que j'ai indiquées, je vous propose, mes chers collègues, de ne pas l'adopter. En conséquence, en application de l'alinéa 1er de l'article 42 de la Constitution, le débat sur cette importante question de sécurité routière et de santé publique aurait lieu en séance publique sur la base du texte initial de la proposition de loi.

M. Guy Benarroche. - Je veux remercier notre rapporteur de son travail et de ses auditions sur cette intéressante proposition de loi, dont, comme lui, je souscris aux objectifs.

Notre groupe suivra sa position, en raison des problèmes techniques qui ont été expliqués.

La balance entre les avantages de la pratique du vélo, qui semble diminuer dans les pays où le port du casque est obligatoire, avec les incidences que cela peut avoir sur la santé publique, et les accidents invalidants, voire mortels, qui sont liés à l'absence de casque, n'est pas clairement établie.

Du reste, de nombreuses études ont démontré les limites de la protection apportée par un certain nombre de casques. Adopter aujourd'hui une disposition qui imposerait le port du casque, alors que l'on sait parfaitement que, techniquement, les casques qui sont aujourd'hui mis sur le marché ne sont pas suffisamment protecteurs, créerait aussi un réel problème, la sécurisation n'étant pas aussi optimale qu'elle paraît l'être.

Pour toutes ces raisons, et parce que nous pensons qu'un certain nombre de mesures très importantes doivent être prises pour protéger les utilisateurs de vélo, en particulier sur les infrastructures routières - pour l'instant, tous les plans de déplacements urbains que j'ai pu voir, en particulier celui de la métropole Aix-Marseille-Provence, accusent un retard considérable en termes d'aménagements par rapport à Grenoble ou à d'autres pays d'Europe -, je suivrai la position du rapporteur. Notre groupe ne votera très vraisemblablement pas cette proposition de loi.

M. François Bonhomme. - Je souscris sans réserve aux propos du rapporteur.

Au-delà de la question juridique du caractère réglementaire de ces mesures, je dois dire que ce texte nous interroge sur la part de liberté qui nous serait encore laissée dans l'appréciation de la nécessité de nous protéger dans tout un tas d'activités, dont le vélo.

Le vélo se développe, mais je note que les pratiquants portent plus ou moins le casque suivant les risques qu'ils prennent et qu'ils arrivent peu ou prou à évaluer. Ainsi, les sportifs qui pratiquent le vélo à une vitesse importante portent le casque, et les parents dotent de plus en plus les jeunes enfants de casques.

Au final, je suis favorable à une forme de liberté et à une appréciation éclairée du risque pour chaque utilisateur.

Si l'on prévoit une obligation, il faut prévoir une sanction, ce qui me paraît peu proportionné à l'enjeu de la pratique du vélo.

M. Philippe Bonnecarrère. - Je remercie M. le rapporteur de son travail et d'avoir souligné la convergence scientifique sur la pertinence du port du casque. À cet égard, je comprends que vous ayez apporté un soutien à l'esprit de la démarche de notre collègue François Bonneau, sans forcément approuver la méthodologie qu'il propose.

Nous sommes convaincus que vous saurez trouver les mots pour l'aider à obtenir des engagements du Gouvernement sur des dispositions réglementaires adéquates permettant d'avancer dans le sens de la proposition exprimée, car nous avons bien compris que les éléments d'équilibre n'étaient pas totalement assurés.

Mme Françoise Gatel. - Une société par trop hygiéniste serait un enfer. Il ne faudrait pas que chacun reste dans sa chambre pour éviter tout danger...

Rouler à vélo est tendance, et l'on voit aujourd'hui une pratique du vélo parfois un peu désordonnée, certains cyclistes empruntant leur vélo sur des trajets qui ne sont pas très accueillants pour eux. On voit parfois, sur des routes qui ne sont pas sécurisées, une cohabitation plus ou moins heureuse entre voitures, vélos et piétons, chacun pouvant manquer de civisme. On sait que les accidents de vélo peuvent parfois être extrêmement graves, avec notamment des chutes sur la tête.

Je trouve la question extrêmement intéressante, raison pour laquelle j'ai d'ailleurs cosigné la proposition de loi. S'il est plutôt agréable de faire du vélo sans casque, je pense tout de même que le débat doit pouvoir avoir lieu afin d'essayer de trouver des dispositifs de caractère éducatif, comme dans les écoles, où l'on permet aux enfants de passer un permis vélo.

Je vous remercie, monsieur le rapporteur, de votre travail, de la manière dont vous abordez la question et dont vous contribuerez à apporter des solutions.

M. Alain Marc. - Je veux dire tout le bien que je pense du travail du rapporteur.

Tout à l'heure, nous avons considéré qu'il n'était pas forcément nécessaire de créer un délit supplémentaire en matière de harcèlement et qu'il s'agissait surtout d'éducation.

Dans une société de liberté, on peut être parfaitement éduqué. Si l'on sensibilise aux dangers de la conduite du vélo sans casque, les cyclistes le porteront peut-être. Je crois beaucoup plus à l'éducation qu'au traitement législatif de ce genre de problèmes, d'autant que le dispositif qui nous intéresse est plutôt de nature réglementaire.

Dans le même ordre d'idée, si l'on imposait un arceau dans les quads, il y aurait moins de conducteurs qui se trouveraient paralysés.

Mme Marie Mercier. - Je veux féliciter M. le rapporteur de son travail très objectif, de son bon sens et de l'état d'esprit dans lequel il a abordé cette proposition de loi.

Il faut responsabiliser les sportifs, comme ceux qui pratiquent des sports dangereux.

Nous sommes abrutis par des slogans comme « manger cinq fruits et légumes par jour ». S'agissant du vélo, on pourrait peut-être ressortir le slogan « Sortez couverts »... Cette recommandation n'avait pas été traduite dans la loi !

M. Ludovic Haye. - Je suis tout à fait d'accord avec l'impératif sécuritaire : les personnes qui conduisent ce type de deux roues et estiment qu'elles ont besoin de porter un casque doivent le mettre.

Tout cela est aujourd'hui bien couvert, dans le domaine de la compétition, par les fédérations sportives. On ne peut pas participer à certains événements sportifs sans disposer de l'équipement nécessaire.

Dans le contexte actuel de restriction des libertés, pouvoir prendre son vélo pour se changer les idées est pour ainsi dire tout ce qui nous reste... S'il y a, derrière, la crainte de pouvoir être verbalisé si l'on n'est pas en règle, cela peut encore aggraver le climat social.

Je remercie M. le rapporteur du travail qu'il a effectué.

Mme Catherine Di Folco, présidente. - Effectivement, l'éducation est importante, mais, dans le volet éducatif, il faudrait peut-être aussi rappeler l'existence du code de la route. Beaucoup de cyclistes se mettent aussi en danger parce qu'ils ne respectent pas ce code, notamment les panneaux qui les concernent spécifiquement.

M. Jérôme Durain, rapporteur. - J'observe qu'il y a un assez large consensus pour plaider en faveur du port du casque. Les auditions ont été assez accablantes pour les non-casqués.

Il est extrêmement important de porter le casque. Je vous invite vraiment à le faire, à le faire faire à vos proches, tout en sachant que cela ne procure pas d'invulnérabilité. Nous avons collecté un certain nombre d'informations, notamment du professeur Willinger, qui nous a indiqué, par exemple, que, pour les motos, les casques étaient testés à 30 km/h. La protection est donc nécessaire, mais relative.

Nous n'épuiserons pas le sujet par la seule question de la liberté ou de l'obligation de porter le casque, puisque se pose également la question très importante des infrastructures, des aménagements urbains et de la conception de l'espace public.

Il me semble que, sur toutes ces questions, François Bonneau voit juste et nous invite à aller vers une mobilisation collective et une incitation faite au Gouvernement à poursuivre les efforts entrepris en matière de pédagogie et de communication. Je pense que nous pourrons avoir un débat véritablement utile lors de l'examen de la proposition de loi, jeudi 13 janvier prochain.

La proposition de loi n'est pas adoptée.

Conformément au premier alinéa de l'article 42 de la Constitution, la discussion en séance portera, en conséquence, sur le texte initial de la proposition de loi.

La réunion est close à 10 h 10.