Mercredi 27 janvier 2021

- Présidence de M. Jean-François Longeot, président -

La réunion est ouverte à 9 h00.

Audition de Mme Laurence Tubiana, coprésidente du Comité de gouvernance de la Convention citoyenne pour le climat et de M. Jean-Pierre Cabrol, coprésident de l'association « Les 150 »

M. Jean-François Longeot, président. - Mes chers collègues, nous sommes très heureux d'accueillir aujourd'hui Mme Laurence Tubiana, coprésidente du Comité de gouvernance de la Convention citoyenne pour le climat (CCC). Je rappelle que vous êtes par ailleurs présidente du conseil d'administration de l'Agence française de développement, et que vous avez été ambassadrice de la France pour le changement climatique ainsi que représentante spéciale pour la COP21 en 2015.

Nous accueillons également M. Jean-Pierre Cabrol, membre de la Convention citoyenne pour le climat et coprésident de l'association « Les 150 », créée par les membres de la Convention pour suivre l'application des 149 propositions formulées en juin 2020.

Avant de revenir plus spécifiquement sur le projet de loi « Climat » dont le Parlement sera saisi dans quelques semaines et qui est censé reprendre les propositions de nature législative de votre rapport de juin dernier, j'aimerais que nous nous arrêtions un instant sur l'exercice singulier qu'a constitué la Convention citoyenne.

En premier lieu, sur la forme, cet exercice a bel et bien constitué un mode de démocratie participative d'un genre nouveau. Un rapport de Terra Nova de décembre propose, à l'initiative de Thierry Pech, quelques « enseignements pour l'avenir », à l'issue de cette expérience. Ce rapport met en évidence le fait que, loin de concurrencer la démocratie représentative, les conventions citoyennes en constituent une nouvelle forme. Qu'en pensez-vous ? Pensez-vous également qu'il convient désormais d'inscrire dans la loi un certain nombre de principes permettant d'encadrer les conventions futures ?

Sur le fond, je souhaiterais également que l'on puisse s'arrêter sur l'application de vos recommandations, certaines ayant déjà été mises en oeuvre par voie réglementaire, ou par le biais de la loi de finances et du plan de relance.

Selon le tableau de suivi publié par le Gouvernement, 75 des 149 propositions auraient déjà été mises en oeuvre : partagez-vous cette estimation ? Certaines des 149 propositions ont un caractère très général et il faut entrer dans le détail de votre rapport pour trouver le contenu précis et opérationnel de vos recommandations.

Chacune des 149 propositions ou 149 objectifs contient en réalité plusieurs sous-objectifs et sous-propositions précises. On peut donc légitimement considérer que vous avez formulé bien plus de 149 propositions.

Aussi, si le Gouvernement a affirmé ne vouloir recourir qu'à trois jokers et adhérer aux 149 autres propositions de la CCC, il nous semble qu'une étude plus fine, s'attachant aux recommandations opérationnelles que je viens d'évoquer plutôt qu'aux propositions générales, montrerait un taux d'application bien moins satisfaisant. À votre sens, l'outil de suivi mis en place par le Gouvernement n'est-il pas biaisé ?

J'en viens maintenant à l'élaboration du projet de loi « Climat » à proprement parler.

Commençons par la méthode. Je rappelle que notre assemblée a fait le choix de ne pas participer aux groupes de travail mis en place par le Gouvernement au deuxième semestre 2020. Le Président du Sénat a en effet estimé « primordial de veiller au respect de la séparation des pouvoirs » : au titre de la Constitution, le rôle législatif du Parlement s'exerce dans un lieu spécifique - l'enceinte du Sénat ou de l'Assemblée nationale, et non en dehors - et selon un calendrier lui aussi bien déterminé. Il revient tout naturellement au Parlement d'examiner des projets de loi dès lors qu'ils lui sont transmis par le Gouvernement, et pas avant.

En tout état de cause, le bilan que l'association « Les 150 » tire de cette phase préparatoire semble mitigé : d'aucuns ont pointé « l'absence de concertation » depuis le début du processus et le caractère très vertical de la prise de décision.

D'après vous, peut-on réellement considérer que le projet de loi a fait l'objet d'une véritable co-construction, comme l'estime le Gouvernement ?

Sur le fond, l'avant-projet de loi apparaît moins ambitieux que les propositions que vous aviez formulées initialement : selon vous, quels ajustements, quels renoncements vous semblent les plus problématiques au regard des objectifs climatiques que la France s'est fixé ?

A contrario, quelles mesures du projet de loi disposent du plus fort potentiel de réduction des émissions de gaz à effet de serre ?

Enfin, partagez-vous l'estimation de l'étude d'impact selon laquelle le projet de loi « sécurise » a minima la moitié de la réduction d'émissions de gaz à effet de serre d'ici à 2030 ? Qu'en est-il de l'autre moitié ? Faut-il comprendre que l'autre moitié de la réduction est portée par les propositions de la Convention d'ores et déjà mises en oeuvre ?

Avant de vous laisser répondre à ces premières questions, je tenais à vous assurer de la volonté du Sénat d'améliorer le projet de loi dont nous serons saisis : comptez sur nous pour examiner avec pragmatisme, et de manière indépendante, les écarts potentiels entre le texte qui nous sera soumis et la volonté initiale de la Convention. Comptez également sur nous pour aborder d'éventuels angles morts. Nous en avons déjà identifié un - et non des moindres - concernant le numérique, dont l'empreinte environnementale est un sujet de préoccupation majeure qui ne cessera de prendre de l'ampleur avec le développement exponentiel de ce secteur.

Ce sujet figurait pourtant parmi l'une des 149 propositions, sans qu'aucune traduction dans le projet de loi n'ait été prévue à ce stade. Je rappelle que le Sénat a voté ce mois-ci une proposition de loi visant à réduire l'empreinte environnementale du numérique en France. Celle-ci est très largement alignée sur les recommandations de la Convention. Nous attendons toujours que le Gouvernement s'engage à ce qu'elle soit reprise par l'Assemblée nationale.

Vous avez la parole.

Mme Laurence Tubiana, coprésidente du Comité de gouvernance de la Convention citoyenne. - Tout d'abord, merci de m'entendre avec M. Cabrol qui, avec ses collègues, est le véritable acteur de cette incroyable aventure.

Quelques mots à propos de mon engagement. Je suis également membre du Haut Conseil pour le climat (HCC), que vous avez auditionné récemment, à l'installation duquel j'ai beaucoup oeuvré. Je me réjouis qu'on ait un organe scientifique qui permette de réfléchir et de prendre un peu de distance par rapport au cours quotidien des événements.

Je ne vous apprendrai rien en disant que la situation climatique est très préoccupante pour tout le monde. L'année 2020 a été la plus chaude jamais enregistrée par les organismes météorologiques. Pour moi, répondre à cette urgence signifie un changement très profond des sociétés dans lesquelles nous vivons.

La France s'est engagée aux côtés d'autres pays à parvenir à zéro émission nette en 2050. Or la France est très en dessous de l'objectif de réduction annuelle qu'elle s'était fixé. Nous aurions dû réduire nos émissions de 1,5 % par an. Il va donc falloir accélérer, les émissions françaises n'ayant baissé que de 0,9 % par rapport en 2019, alors que les besoins en chauffage ont été assez limités. Le décalage demeure très grand entre les objectifs politiques, auxquels je m'associe, et la réalité sur le terrain.

Certains points sont cependant positifs. C'est pourquoi il faut accompagner ce changement. L'accord de Paris, que j'ai eu le privilège de négocier, génère un effet domino positif. L'impact sur l'économie réelle n'est évidemment pas suffisant, mais l'Union européenne a provoqué un mouvement important en Chine, aujourd'hui rejoint par les États-Unis. Beaucoup de pays émergents se fixent un objectif qui paraissait complètement hors de portée en 2015, celui de parvenir à zéro émission nette en 2050 ou peu de temps après, c'est-à-dire en renonçant aux puits de carbone.

On doit revoir nos objectifs, renforcer nos stratégies, notamment la stratégie nationale bas-carbone française. Celle-ci ne figure malheureusement pas dans la feuille de route de tous les ministères ; c'est sans doute l'objectif de ce nouveau projet de loi que d'en assurer une application transversale.

La Fondation européenne pour le climat, que je préside, essaye de soutenir les actions des citoyens, des entreprises et de tous ceux qui veulent aller plus vite. Le seul constat que l'on peut faire est qu'il existe dans la société un consensus vis-à-vis du risque climatique. Les études que nous avons financées montrent une convergence de vues au sein de la société française concernant la perception de ce risque et la nécessité de lutter contre celui-ci. Il ne s'agit pas d'un facteur de division, comme aux États-Unis.

Les changements sont si profonds qu'une décision par le haut ne peut pas fonctionner. Une prise de conscience rapide est certes en train de s'opérer en matière d'agriculture, d'alimentation, de transports. On ne peut que se féliciter de cette tendance. L'intérêt de la Convention citoyenne pour le climat est de permettre que ces enjeux ne soient pas seulement abordés par le haut. Rappelons-nous la crise des « gilets jaunes » et la réaction très vive de certains groupes de population suite à l'augmentation non concertée de la taxe carbone.

On peut bien sûr recommander aux uns et aux autres d'être vertueux, mais ne plus prendre l'avion ou sa voiture n'entamerait que bien peu les émissions françaises de gaz à effet de serre.

Certes, les émissions d'origine française sont moins élevées - environ 6 tonnes d'équivalent CO2 par an par habitant -, mais nous émettons 11 tonnes par habitant en tenant compte des importations. En 2050, il nous faudra tous parvenir à zéro émission nette. Ce budget carbone nous contraint et la difficulté politique de répondre à cet enjeu est grande pour tous les gouvernements.

Il faut donc un grand changement, et le fait de recourir à la Consultation citoyenne est certainement un exercice d'une ampleur inédite en France. Il faut évidemment saluer l'intention du Gouvernement et du Président de la République, mais d'autres pays l'ont fait, comme l'Irlande, à propos de questions sociales.

L'idée est de consulter directement la population pour élaborer des politiques plus en phase avec ce que pense la société. Je m'occupe de climat depuis très longtemps et je suis toujours frappée par le fait que beaucoup de responsables politiques estiment que les citoyens ne sont pas prêts.

On peut comprendre l'émotion des élus, mais ces conventions citoyennes n'ont évidemment pas vocation à remplacer l'exercice démocratique représentatif. En revanche, la confiance des citoyens dans les institutions de la République et la relation entre citoyens et élus me paraît pouvoir progressivement être rétablie par ce biais.

C'est certainement un moyen d'instaurer à nouveau un dialogue. On n'a pas seulement demandé leur opinion aux citoyens que l'on a consultés, on leur a également demandé de formuler des propositions parfois très abouties. C'est maintenant à la représentation nationale, dans toute sa diversité, d'imaginer de nouveaux processus, de nouvelles opportunités, pour dialoguer avec leurs électeurs et les citoyens. Vous qui êtes très ancrés dans les territoires, vous voyez beaucoup d'exercices de cette nature se réaliser.

Faut-il des règles en la matière ? Il nous faut d'abord procéder à des expérimentations et en tirer les leçons. Une fois l'exercice achevé, il faudra faire preuve d'un grand respect pour le travail de ces citoyens, qu'il conviendra de ne pas traiter à la légère. Admettre la valeur de ce qui a été fait me semble être la première condition pour établir la confiance.

Certains points restent à améliorer. Il faut à présent tirer un bilan plus spécifique, mais on a réussi à prouver que les Français sont attentifs à la chose publique, qu'ils ne sont pas désengagés ou passifs. Ce ne sont pas des enfants. Leurs idées sont assez claires et ils peuvent être responsables. Ils sont prêts à opérer des choix difficiles, à condition que ceux-ci soient mûris collectivement.

Vous avez raison, monsieur le président : dans le rapport de la Convention citoyenne, il y a bien plus de 149 mesures. Nous savons cependant que même en mettant en oeuvre l'ensemble des mesures proposées, on ne parviendrait pas à une baisse de 40 % des émissions de gaz à effet de serre d'ici 2030 par rapport à 1990.

Le projet de loi reprend une bonne partie des idées qui ont été émises, mais pas toutes. Certains secteurs, comme le numérique, en sont absents. Les instruments fiscaux sont mal acceptés par le Gouvernement. Je pense à la TVA différenciée sur un certain nombre de produits. Pour le reste, on repousse les obligations et les objectifs à plus tard. C'est peut-être ce qui me préoccupe le plus, car on ne dispose pas de temps.

La question de l'électrification du transport en France, par exemple, est compliquée. Les Britanniques ont fixé la fin de la vente des véhicules thermiques à 2030. Je pense que ce mouvement va s'étendre très rapidement à d'autres pays, comme l'Allemagne. Dans le cas contraire, on va être envahi de véhicules chinois extrêmement rapidement. Est-il dans ce cas raisonnable de repousser encore les décisions ?

La rénovation des bâtiments nécessite une organisation de la filière. Le fait de repousser cette obligation ne provoque pas d'effet d'entraînement sur le secteur. Il existe une résistance, qui est normale, mais il arrive un moment où il faut pouvoir avancer.

Faut-il recourir à la co-construction ? L'idée du Comité de gouvernance, que nous avons animé avec Thierry Pech, était de laisser les citoyens faire leurs propositions et de les écouter. L'interprétation de la promesse du Président de la République de reprendre les propositions « sans filtre » a été assez extensive, mais c'est ensuite au Gouvernement et surtout à la représentation nationale de prendre leurs responsabilités. Le fait qu'il n'y ait pas eu de co-construction ne me choque pas. Peut-être y'aura-t-il une sorte de phase 2, avec élaboration de projets de loi, de règlements, de lois de finances et échanges interactifs. Je n'ai pas participé au groupe de travail et je n'ai pas d'avis sur la question.

La question de la justice sociale a été posée dans la lettre de mission du Premier ministre. Les citoyens l'ont prise très au sérieux. J'ai l'impression que cela a disparu des réflexions. La Convention citoyenne a formulé beaucoup de propositions intéressantes. Certaines reviennent après la réunion entre le Président de la République et les citoyens à propos des chèques alimentaires. 14 % des ménages français sont concernés par la précarité énergétique. Le budget de beaucoup de Français est très fortement grevé par la facture énergétique, qu'il s'agisse du transport, du chauffage, etc. La technologie de l'information, de façon très sournoise, entame également ce budget, en contribuant à augmenter la consommation d'électricité.

Par ailleurs, l'inégalité territoriale est forte vis-à-vis du changement climatique. La France est l'un des pays qui sera le plus touché.

Nous sommes loin d'avoir atteint nos objectifs, et il va certainement falloir les réviser. Je suis d'accord avec vous à propos du fait que l'absence du numérique de l'avant-projet de loi constitue un vrai souci. Les émissions liées à la technologie de l'information ont bondi lorsqu'on est passé de la 3G à la 4G. Il n'y a pas vraiment de raison que ce soit différent pour le passage à 5G.

Un moment de réflexion est sans doute nécessaire. Il serait extraordinairement utile que les représentants que vous êtes réfléchissent aux mécanismes à mettre en oeuvre pour permettre une consultation de tous. Cela doit-il se faire sur le plan territorial ?

Je me réjouis de constater que vous êtes très vigilants concernant le projet de loi. On doit reconnaître l'effort considérable accompli par les citoyens qui ont proposé la majorité des mesures figurant dans la Convention citoyenne.

M. Jean-Pierre Cabrol, coprésident de l'association « Les 150 ». - Monsieur le président, mesdames, messieurs, merci de nous recevoir et de nous prêter attention. J'ai la lourde tâche de parler au nom des 150.

J'ai bientôt 58 ans, je vis en Haute-Savoie, face au Mont-Blanc, dans la vallée de l'Arve, l'une des plus polluées de France. Je suis chef d'entreprise dans le secteur du recyclage des matières plastiques. Cela fait trente ans que j'exerce cette activité, mais ce n'est pas pour autant que j'avais une notion très précise du dérèglement climatique et de l'impérieuse nécessité de travailler à l'amélioration du climat.

La majorité des 150 membres de la convention citoyenne ne sont pas des écologistes. La notion que nous avions du dérèglement climatique et de la nécessité de bien faire s'arrêtait en quelque sorte au bout de notre jardin. L'information qui circule en France sur la nécessité du recyclage ou de bien traiter notre environnement est relativement limitée.

Au cours du premier week-end de nos sept sessions, nous avons reçu une multitude d'informations sur le dérèglement climatique, ses causes et ses effets. Je dois dire que, pour la majorité d'entre nous, la question a été de savoir s'il fallait poursuivre nos travaux ou rentrer chez nous en courant pour attendre que les choses se passent et ignorer ce que nous avions appris.

Si rien n'est fait, en 2050, la température moyenne augmentera de 3 à 5 degrés. Les accords de Paris consistent à limiter cette augmentation à 1,5 degré. Si rien n'est fait, à la fin de ce siècle, près de la moitié de la surface terrestre ne sera plus habitable.

Pour respecter les engagements pris par la France dans le cadre de l'accord de Paris - notamment la réduction de 40 % des émissions de gaz à effet de serre d'ici 2030 par rapport à 1990 - il faut pouvoir chaque année, à partir d'aujourd'hui, réduire de 7,5 % nos émissions de gaz à effet de serre. C'est l'objectif qui nous a été fixé. Or, je rappelle que cette cible sera bientôt obsolète, l'Europe ayant décidé d'augmenter nos engagements à - 55 % d'émissions de gaz à effet de serre d'ici 2030.

L'organisation de notre travail était assez simple : il s'agissait d'identifier les principaux secteurs pollueurs. Le premier d'entre eux reste le transport, avec 30 % des émissions de gaz à effet de serre liés à l'automobile, au maritime et à l'aérien.

La deuxième source de pollution provient de l'agriculture, qui représente 27 % des émissions.

Le troisième poste important est enfin l'habitat, avec 25 % des émissions de gaz à effet de serre.

Les représentants de cette convention ont été tirés au sort, vous le savez. Cela fait presque un an que nous participons à ce débat. On ne peut pas s'impliquer dans une telle question sans se passionner pour le sujet.

Le  150 assurent une véritable représentativité de la population française, et je puis vous assurer que les gens, au sein de la Convention, font preuve d'une intelligence extraordinaire. Certains ont des ego démesurés, d'autres sont des personnes très simples, de tous âges, de tous bords politiques et de tout milieu social. Ce qui est formidable, c'est que la Convention les a tous écoutés, entendus, et leur a permis d'oeuvrer ensemble.

Nous avons travaillé à partir des groupes identifiés comme gros pollueurs ou émetteurs de gaz à effet de serre. Nous avons étudié tous ensemble les mesures qui nous paraissaient les plus essentielles en termes d'efficacité. Nous n'avons cependant pu mesurer le gain d'émissions de gaz à effet de serre que nous proposons dans notre rapport par manque de temps, mais également parce que le travail qu'il était nécessaire de réaliser pour ce faire est immense. Il existe, au sein de la Convention, un groupe d'appui qui se charge aujourd'hui d'essayer de quantifier la réduction proposée à travers nos mesures.

Il est vrai, même si on n'a pas une idée précise des effets de nos mesures, que nous n'atteignons pas les - 40 % avec les mesures proposées, ce n'est pas pour autant que le projet de loi ou les futurs projets de loi doivent faire moins, bien au contraire. Ils doivent aller plus loin. Je répète qu'il faut réduire à partir d'aujourd'hui, et chaque année, nos émissions de gaz à effet de serre de 7,5 %. Si l'on décide dans le projet de loi de n'appliquer certaines mesures qu'à partir de 2028, comme j'ai pu le lire, on ne sera pas « dans les clous ».

Le sujet n'est pas de parvenir à des mesures effectives en 2030, car il nous faudra alors dix ans supplémentaires pour parvenir au résultat. L'effort qu'il est nécessaire de réaliser aujourd'hui sera d'autant plus difficile si on n'agit pas dès maintenant.

Au-delà de l'aspect politique, que je peux prendre en considération même si les membres de la Convention ne sont pas des professionnels dans ce domaine ni dans celui du climat, nous avons une réflexion simple et claire sur la nécessité impérieuse de travailler à des mesures de réduction des gaz à effet de serre.

Les efforts qui sont nécessaires sont-ils un facteur de division au sein de la société ? Je ne le crois pas. Nous représentons la France, et nous étions tous d'accord sur le fait qu'il est impératif de travailler en ce sens. Ce qui manque au sein de nos sociétés, c'est l'information. Nous avons pris une véritable claque lors du premier week-end en apprenant tout ce qu'on nous a dit sur les causes et les effets du réchauffement climatique.

Je puis dire aujourd'hui, pour en avoir discuté avec mes voisins, mes amis, les habitants de mon village, que la population n'est pas informée de ce qui se passe. Les gens ont conscience que le climat se réchauffe, peut-être davantage dans la région du Mont-Blanc parce qu'on le voit fondre chaque été un peu plus, mais cela s'arrête là. Je prends souvent l'image du tabagisme : on continue à fumer, puis un jour, le diagnostic tombe, et c'est malheureusement un peu tard.

Je crois donc qu'il est nécessaire de se mettre en marche, même si cela nous coûte de l'argent, même si c'est un changement de vie, et qu'il faut entreprendre des efforts assez importants. Sans cela, ce sera pire demain : il faudra faire plus encore, et les choses seront plus douloureuses et plus difficiles à mettre en oeuvre.

M. Jean-François Longeot, président. - Merci pour ce témoignage intéressant d'un industriel qui travaille dans le recyclage du plastique. Vous avez eu une phrase forte en disant qu'il faut communiquer. Il faut souvent expliquer les choses pour essayer de convaincre. De ce point de vue, la comparaison avec le tabac est intéressante.

La parole est aux commissaires.

Mme Évelyne Perrot. - Madame Tubiana, en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre, Peut-on évaluer en pourcentage l'impact des 149 propositions en économie de CO2 par rapport à la totalité de l'effort à fournir ? Quel en est l'impact sur l'activité économique ?

M. Ronan Dantec. - Monsieur le président, vous avez dit que la loi représentait environ la moitié du chemin par rapport à l'objectif de la Convention citoyenne, qui était à - 40 % en 2030. Depuis, l'Union européenne a fixé un objectif à - 55 % en 2030. La loi telle qu'elle est aujourd'hui ne tient donc qu'un tiers de l'objectif et on n'est pas du tout sur une trajectoire compatible avec l'accord de Paris.

Une des difficultés pour le Parlement et les décideurs en général vient du fait qu'on est assez peu adossé à des scénarios quantitatifs crédibles ou à des scénarios alternatifs permettant aux politiques de prendre des décisions. Où en est-on à ce sujet ?

Par ailleurs, la grande absente du débat stratégique, qui est pourtant incontournable, est l'Europe. On parle des émissions importées : c'est le cadre européen qui est central à ce sujet, avec les grands accords internationaux et des mécanismes aux frontières sur la tonne de CO2.

En matière de mobilité, par exemple, la stratégie de la Suède est à l'opposé de celle de la Norvège, et très différente de celle de l'Allemagne ou de la nôtre. Il n'y a finalement pas de stratégie commune industrielle dans les politiques des pays européens, et ce morcellement ne permet pas d'atteindre l'objectif. Je pose donc la question à Laurence Tubiana : où en est-on du rapprochement des politiques publiques en Europe, et quelle est la volonté de l'Union européenne d'aller dans ce sens ?

Mme Nicole Bonnefoy. - Je suis co-rapporteure, avec mon collègue Rémy Pointereau, d'une mission d'information sur le transport des marchandises face aux impératifs environnementaux. La Convention citoyenne a formulé un certain nombre de propositions sur le sujet, mais je souhaitais connaître votre sentiment général sur la question du transport des marchandises à destination des particuliers.

Vous avez dit que les transports étaient les plus gros émetteurs de gaz à effet de serre. En plus des dispositifs de verdissement des véhicules, qui constituent des réponses techniques ou technologiques et les différents leviers fiscaux, ne pensez-vous pas que nous devons questionner le modèle existant et interroger nos modes de consommation ? Il me semble, par exemple, que le développement du système de production « juste à temps » (JAT) est particulièrement néfaste sur le plan environnemental.

Vous avez dit que les citoyens sont prêts à s'engager et à faire des choix difficiles à condition que ceux-ci soient mûris collectivement. Pensez-vous qu'on puisse faire en sorte que les citoyens participent au changement de modèle ?

Par ailleurs, l'avant-projet de loi « Climat » aborde la question de manière hexagonale. Or beaucoup d'aspects de cette problématique sont internationaux et européens. Je pense à la taxation du kérosène pour les vols internationaux, aux normes environnementales pour les véhicules, au verdissement du transport maritime et du transport routier, etc. Comment faire pour que les travaux de la Convention pèsent également à l'échelle européenne ?

M. Philippe Tabarot. - Nous avons hier, dans le cadre de la mission consacrée au transport de marchandises, entendu des transporteurs qui nous ont paru avoir pris conscience de la situation écologique et qui ont montré leur volonté de décarboner.

Ils nous ont cependant dit qu'ils pensaient qu'il n'existait pas d'énergie propre adaptée à leur type d'activité. On parle aujourd'hui beaucoup de l'hydrogène : ils ont été amusés par les décisions que le Gouvernement prend dans le cadre du plan de relance pour l'hydrogène, alors que pour eux, l'hydrogène est une solution très lointaine.

Ils ont par ailleurs considéré qu'il n'existait pas de production suffisante de matériels, notamment sur notre continent, pour permettre le renouvellement de leur flotte.

Enfin, ils estiment que leur modèle économique ne supportera pas certaines des décisions prévues soit par la Convention, soit dans le cadre du projet de loi, notamment concernant une hausse supplémentaire de la TICPE.

De manière plus générale, ne pensez-vous pas que certaines de vos propositions s'appliquent à des citoyens certes de bonne foi en matière de protection de la planète, mais qui souhaitent néanmoins que leur colis Amazon soit livré en 24 heures et gratuitement ?

Mme Laurence Tubiana. - Que signifient ces mesures sur le plan économique ?

Si l'Union européenne a modifié son objectif, c'est parce que, aux termes de l'accord de Paris, tous les pays devaient présenter en 2020 des propositions plus cohérentes avec l'objectif de limitation des températures à 2 degrés ou, éventuellement, à 1,5 degré. Tout le monde sait que la France s'est battue pour un objectif plus ambitieux à l'horizon 2030.

Il y a donc aujourd'hui un décalage entre la stratégie nationale bas-carbone pour 2030 et ce qui a été demandé aux citoyens pour 2020. En 2021, à Glasgow, la France devra exposer sa stratégie pour arriver à un nouvel objectif national.

Par ailleurs, il n'y a pas de solution magique en matière de transport de marchandises. Il existe plusieurs solutions, dont celle des équipements. Il y a cinq ans, le camion électrique n'existait pas. Aujourd'hui, certains d'entre eux roulent, même s'ils sont encore chers. Comment aurait-on pu imaginer qu'en 2022, le prix de la voiture électrique serait compétitif par rapport à celui de la voiture à essence ? Personne n'y pensait. C'est grâce à l'accélération du progrès technologique que l'économie réelle se transforme.

C'est pourquoi l'évaluation quantitative est forcément plus systémique. Jean-Pierre Cabrol l'a rappelé : il faut faire quelque chose en matière de transport et d'agriculture. L'agriculture peut devenir un facteur positif de la lutte contre changement climatique et non un secteur émetteur net. Il en va de même pour le bâtiment.

Quels sont les scénarios ? Il y en a peu. Les premiers modèles économiques essayaient de comprendre l'impact des mesures de lutte contre le changement climatique, d'en mesurer le coût et d'arbitrer entre celui-ci et le résultat climatique afin de savoir comment optimiser le coût de la réduction de la tonne de carbone.

Ces modèles ont un gros défaut. C'est pourquoi ils ont été abandonnés. Ils ignoraient le coût du changement climatique, des constructions sur le cordon littoral, des dégâts dus aux tempêtes sur les centrales électriques, etc. Il y avait donc une sorte de contradiction entre les modèles. Or il se trouve que, dans certains pays, les compagnies d'assurances refusent d'assurer les risques climatiques, jugés trop chers. Les modèles ont donc changé.

Que faire, en 2050, pour parvenir à zéro émission nette ? Quel est le résultat économique ? On commence à examiner ces scénarios. En France, un certain nombre d'études ont été menées par le cabinet Ernst & Young, qui estime qu'il existe un potentiel de création d'emplois, avec un taux de croissance possible de 1,5 % à 2 % par an après la crise de la Covid-19. On obtient le même taux de croissance, voire plus élevé, avec un basculement de l'investissement au profit de l'investissement vert. Cela ne veut pas dire que l'on ne perd pas d'emplois dans d'autres secteurs ou que des changements ne doivent pas être apportés.

Les flottes de camion doivent être renouvelées très fréquemment, ce qui constitue une chance mais représente également un coût. Aller vers une économie décarbonée, c'est d'abord un investissement en capital et en accompagnement social important. Je pense à la fermeture des mines de charbon en Allemagne et en Espagne. Comment gérer ceci ?

Les innovations technologiques commencent à mûrir. L'hydrogène n'en fait pas encore partie : même si des trains circulent déjà en Allemagne, de même que des camions, il faut attendre une dizaine d'années encore pour qu'il soit compétitif. Un effort d'investissement est nécessaire car une simple correction par les seuls instruments fiscaux ne suffit pas.

Il faudrait pour cela augmenter très significativement la taxe carbone. En Suède, elle est d'environ 150 euros la tonne, mais parce que ce pays a réalisé, il y a trente ans, une réforme fiscale très profonde, ce qui lui permet de décarboner l'industrie lourde. La Suède a ainsi lancé les premières usines de fabrication d'acier à zéro émission nette. Ce sera bientôt le cas pour le ciment.

On est donc en pleine réflexion, et il existe des traditions économiques différentes. Nicholas Stern, économiste du climat, dit qu'il est illusoire de penser que la courbe de croissance peut continuer à croître si on n'arrive pas à décarboner.

En effet, le coût du changement climatique va se révéler trop élevé. On va assister à des pertes en capital au niveau des infrastructures. Je le vois par exemple dans les petites îles les plus affectées par le changement climatique : d'une tempête à l'autre, l'investissement sur les routes, les ponts, les voies ferrées est anéanti par les dégâts causés par les tempêtes. Les pays s'endettent pour financer leurs investissements, ce qui est normal, mais avant même qu'ils aient vraiment pu rembourser, le capital est détruit. C'est donc un appauvrissement des infrastructures, sans parler du capital social, dans le cas des maisons détruites par exemple. Il s'agit là d'un raisonnement économique de long terme.

Cela vaut-il la peine d'utiliser tout le plan de relance européen dans des activités qui accompagnent la transition ? Ces questions se sont posées notamment lors des discussions relatives aux aides accordées à Renault ou Air France. Ce sont des choix politiques compliqués. Personne ne dispose de la recette, mais il existe aujourd'hui des scénarios de plus en plus nombreux. Ceux concernant la France et certains pays européens présentent un taux de croissance similaire à celui qu'on espère avoir après la crise, cette croissance permettant d'aller vers une réduction des émissions d'ici 2050.

On a besoin d'un très grand effort de recherche et de débats entre économistes à ce sujet. Ma fondation finance d'ailleurs le plus grand nombre possible de scénarios.

S'agissant du volet des importations européennes, je serai peut-être un peu moins pessimiste que Ronan Dantec. Certes, l'habitat et les transports relèvent de la politique nationale. L'Europe produit des normes qu'on applique ensuite comme on le souhaite, mais il existe une grande convergence en matière de modèles. Comment décarboner le transport privé ? Personne ne se pose plus la question : chacun va aller plus ou moins vite vers l'électrification. Le problème concerne le réseau électrique et les bornes.

On va cependant plus loin aujourd'hui. Toutes les grandes villes européennes (Milan, Florence, Valence, Londres) connaissent les mêmes affres : comment réduire le nombre de voitures ?, Doit-on prévoir des transports de substitution ? Personne n'a de recette miracle, mais la discussion est ouverte.

Malgré la spécificité des politiques domestiques, je constate une grande convergence entre pays européens. Même si je sors ici de mon rôle, je pense qu'il est temps de réfléchir à un Green deal français. La Commission européenne réfléchit à ce Green Deal pour tous les secteurs, et je pense que cela pourrait être beaucoup plus intéressant que de réfléchir seulement en tonnes de carbone. Il faut quelque chose de plus large !

Certes, les questions de transport « juste à temps » et de déforestation sont bien présentes, mais la relocalisation de certaines chaînes de valeur paraît importante en termes de souveraineté économique européenne et nationale. Être plus indépendant vis-à-vis des chaînes de valeur entraîne certaines transformations technologiques, qui sont déjà à l'oeuvre, et des décisions concernant l'abandon du colis Amazon livrable dans la journée. Des choix sont à faire. Ils peuvent être débattus. On ne peut à la fois favoriser le commerce de proximité dans les centres-villes pour les revitaliser et estimer que la seule solution réside dans Amazon et le colis livré dans la journée. C'est un choix de société, un choix politique.

La question du transport de marchandises est passionnante. On avait l'impression qu'il était impossible de s'en emparer. L'Europe prônait la compétition à outrance, entraînant de mauvaises conditions de travail pour beaucoup de salariés dans ce secteur. Son atout réside cependant dans la connectivité des territoires. Ne doit-on pas relancer de grandes infrastructures ferroviaires européennes ? Je pense que c'est le moment d'y réfléchir sur le plan technologique, industriel et en matière de santé.

Par ailleurs, il existe un modèle alternatif. Elon Musk a parié sur le camion électrique : on assiste dans ce domaine une véritable explosion. Le transport ne sera plus comme avant !

La France et l'Europe parient d'abord sur le ferroviaire, secteur très complexe. Je me souviens du pessimisme qui régnait à Matignon, à propos du report modal, lorsque j'y travaillais. Cependant, l'évolution technologique arrive. Il est normal que les transporteurs craignent de ne pouvoir y arriver, mais tous les secteurs y travaillent. Chacun défend son activité, même si tout le monde est conscient que des changements sont nécessaires. C'est pourquoi il faut accompagner et réguler les évolutions.

Les normes sur les camions vont se durcir d'ici juin 2021, y compris en matière de transport de marchandises. Le cadre européen nous oblige à une certaine convergence, même si les voies peuvent être différentes - transfert modal ou évolution technologique. Peut-être la solution qui repose sur l'hydrogène est-elle encore trop lointaine. La batterie électrique équipant les camions va peut-être se développer plus rapidement, mais l'évolution des normes, comme pour les voitures individuelles, va accélérer les transformations.

M. Jean-Pierre Cabrol. - Tout changement nécessite une période de transition. C'est malheureusement le moment le plus difficile. Des efforts doivent donc être réalisés, et cette période est indispensable pour acquérir un minimum d'expériences.

La solution en matière de transport et de déplacement repose-t-elle sur l'électrique, l'hydrogène ou autre chose ? On n'en sait rien pour le moment. Il est indispensable d'entamer cette transition le plus tôt possible.

La Convention citoyenne a mis en évidence le fait que le modèle sociétal actuel ne fonctionne plus. On n'a plus la capacité d'acheter trois à quatre téléphones par an, de se déplacer comme on le désire, avec le véhicule que l'on souhaite, d'habiter dans une grande maison avec un terrain immense. Émettre du gaz à effet de serre, du CO2, n'est pas anormal en soi : ce qui est essentiel, c'est de ne pas trop en émettre et, surtout, de disposer de capacités de stockage.

Je faisais partie du groupe de travail « Se loger » au sein de la Convention. L'artificialisation des sols est un sujet important. On artificialise tous les deux ans l'équivalent d'un département. C'est autant de capacités de stockage de carbone en moins. Le fait de cultiver les terres à outrance a pour conséquence d'émettre du CO2 et de se priver de capacités de stockage.

Je transporte tous les mois 500 tonnes de matières plastiques, par camion essentiellement. Un camion transporte en moyenne entre 20 et 22 tonnes de matière. Il faut établir un distinguo entre le transport industriel et le transport particulier. Il ne s'agit pas du même type de véhicule. A priori, la technologie future ne sera pas forcément la même. Peut-être s'agit-il pour le transport routier de s'orienter vers l'hydrogène - je n'en sais rien, je ne suis pas technicien. Il faut faire des essais. Ce qui est certain, c'est que la technologie électrique qui est offerte aujourd'hui aux particuliers pour livrer les colis Amazon fonctionne très bien. Il existe des plateformes de regroupements des colis, qui sont ensuite distribués dans des secteurs définis.

Le remplacement du matériel représente des coûts importants, même si je ne connais pas précisément la valeur d'un camion. La période de transition passe par des efforts et des mutations qui touchent les différents métiers dans le domaine des transports.

Je l'ai vécu dans ma profession : à une certaine époque, la récupération consistait à offrir un service à un industriel ou un particulier pour collecter ses déchets, préparer la matière et la vendre. C'est devenu un marché mondial tellement important sur le plan des quantités qu'il a fallu s'organiser entre prestataires de services et industriels afin de régénérer les matières et les vendre.

C'est un peu pareil dans le transport, où on assiste aujourd'hui à une guerre de prix phénoménale. Je mets tous les mois en concurrence des transporteurs directs ou des affréteurs. Parfois, les affréteurs sont moins chers que des transporteurs. C'est un métier assez compliqué, où une mutation profonde est indispensable.

Je n'ai pas de solution à proposer, mais on va devoir accepter certaines mutations. Dans ma profession, je reporterai le coût à la tonne sur l'achat ou la vente de mon produit. C'est ainsi que cela fonctionne. À partir du moment où tous les industriels du transport sont d'accord sur les tarifs, cela ne constitue pas un problème !

M. Stéphane Demilly. - À titre personnel, j'étais assez dubitatif vis-à-vis de la Convention citoyenne, que je considérais comme un gadget un peu démagogique. Avec un peu de recul, cela montre tout l'intérêt de rencontrer des gens intéressants.

En vous écoutant, je me suis souvenu d'un enseignant qui disait que, lorsqu'on ne veut pas entendre certaines réponses, on ne pose pas de questions. Cette convention met les questions sur la table, et on est obligé d'y apporter une réponse. C'est d'ailleurs le danger de cet exercice de démocratie participative.

Le président Longeot l'a dit avec la diplomatie propre à sa fonction : le projet de loi issu des propositions de la Convention dévoilé par le Gouvernement le 8 janvier dernier a suscité la déception. Il marque un recul par rapport aux mesures de la Convention citoyenne. Les propositions brillent par leur absence, comme l'obligation de rénovation thermique des logements, ou l'interdiction des coupes à ras dans les forêts, alors qu'elles avaient été plébiscitées par les citoyens.

Les mesures contenues dans le projet de loi ne font pas l'objet d'évaluations climatiques détaillées. Il faudrait pourtant que les hypothèses de réduction des émissions de gaz à effet de serre soient claires, mesurables, pédagogiques et transparentes.

Comment mettre en place un processus visible et lisible d'évaluation de ces différentes mesures ?

M. Cyril Pellevat. - Votre rapport recommande une réduction de l'impact énergétique du secteur du bâtiment, notamment par le biais de la rénovation. Nous sommes nombreux à partager ce constat. Cet objectif a été l'un des points d'orgue du plan de relance mis en place par le Gouvernement. De nombreuses mesures allant en ce sens ont été intégrées au projet de loi de finances pour 2021. Avez-vous pu vous pencher sur celles-ci ? Vous semblent-elles satisfaisantes ? Quels seraient les points à améliorer pour atteindre un niveau de réduction suffisant ?

Se pose par ailleurs la question du financement des mesures que vous avez proposées. M. Blanchet, rapporteur général de la Convention citoyenne pour le climat, avait indiqué, lors d'une précédente audition à l'Assemblée nationale, que les aspects financiers ne faisaient pas partie de votre mission. Même si vous avez eu l'opportunité de l'aborder à quelques reprises dans votre rapport, le fait que ce sujet n'ait pas été étudié en profondeur semble dommageable. Comment peut-on réfléchir à des mesures sans évaluer l'impact financier pour l'État et les ménages et la façon de les financer ?

Le fait de ne pas traiter de ce sujet vous a-t-il frustré ? Pensez-vous que ce soit la raison pour laquelle plusieurs des mesures que vous avez proposées ont été modifiées ou refusées par le Gouvernement dans l'avant-projet de loi ?

Mme Angèle Préville. - Je suis d'accord avec vous : on est loin de faire les efforts suffisants pour réduire les gaz à effet de serre, d'autant qu'un problème va s'ajouter avec le réchauffement climatique, celui de la fonte du permafrost, entraînant des dégagements de méthane, gaz encore plus puissant pour ce qui est de l'effet de serre.

En premier lieu, avez-vous une idée de la façon dont on pourrait mieux communiquer ?

Avons-nous fait jusqu'à présent beaucoup d'efforts ? La question du modèle économique n'est-il pas un sujet auquel on va se heurter ?

D'autre part, monsieur Cabrol, comment le consensus est-il sorti de cette Convention citoyenne ?

Enfin, je suis totalement d'accord avec Mme Tubiana lorsqu'elle dit que nous n'avons plus le temps d'attendre. La stratégie nationale bas-carbone ne fait pas partie de la feuille de route de tous les ministres, nous nous en sommes rendu compte ! Lorsque nous déposons des amendements sur la précarité énergétique et sur la nécessité d'aller beaucoup plus loin en termes de rénovation thermique, nous nous heurtons à un avis défavorable du Gouvernement.

Mme Marta de Cidrac. - Je tiens à saluer le travail qui a été réalisé par la Convention citoyenne, bien que quelques points suscitent l'interrogation.

Certains aspects de la transition écologique paraissent peu traités dans le rapport définitif, alors qu'ils me semblent primordiaux - le président Longeot a évoqué le travail du Sénat portant sur l'empreinte environnementale du numérique.

S'agissant de la question énergétique, si plusieurs mesures se concentrent sur l'aval et la phase de consommation, les moyens de production sont en réalité très peu évoqués dans vos travaux, alors que c'est un aspect essentiel si l'on souhaite atteindre la neutralité carbone. Pourquoi la Convention citoyenne n'a-t-elle pas investi pleinement ce terrain ?

Par ailleurs, avez-vous pu disposer de tous les moyens nécessaires pour chiffrer l'empreinte carbone de vos propositions ? On a évoqué des pistes, mais on n'a rien de précis à ce sujet. Pourriez-vous nous éclairer sur ce point ?

M. Gilbert-Luc Devinaz. - Merci d'avoir pris de votre temps pour participer à un exercice de démocratie participative. Je souhaiterais bénéficier de votre éclairage sur trois points.

En dix ans, les problèmes pulmonaires dus aux particules fines des plus jeunes ont augmenté de plus de 20 %. C'est un réel problème. Mme Tubiana a évoqué la nécessité d'aller vers des zones à faibles émissions. Comment concilier cette orientation dans une agglomération comme celle de Lyon sans exclure de nos centres-villes les foyers les plus modestes, qui n'ont pas forcément les moyens de changer du jour au lendemain leur voiture, qui se trouve souvent parmi les plus polluantes ?

En deuxième lieu, j'ai été pendant quelques années président d'un grand parc de 2 400 hectares qui accueillait chaque samedi et dimanche 50 000 citadins. Comment se donner les moyens d'une politique publique ambitieuse en matière de protection de l'environnement ?

D'autre part, le projet de loi aborde la question de l'artificialisation des sols. Dans le département du Rhône - mais je crois que c'est une règle générale -, plus de 50 % de nos agriculteurs vont prendre leur retraite d'ici cinq ans. Trois jeunes sur quatre qui se destinent à l'agriculture ne viennent pas du monde agricole mais du milieu urbain. Je fais donc un lien avec l'artificialisation des sols, et je me pose la question : comment lier ce sujet à la nécessaire réflexion sur une loi foncière afin de faciliter la transmission des terres agricoles ?

Enfin, la COP26 va se tenir en fin d'année. Qu'en attendez-vous ?

Mme Denise Saint-Pé. - Ma question s'inscrit dans le prolongement de celle de Marta de Cidrac : dans le rapport final de la Convention citoyenne, vous ne mentionnez que marginalement la méthanisation, sans vraiment évoquer l'utilité que peut remplir le biogaz dans la transition écologique. Or cette énergie n'est pas intermittente, contrairement à l'éolien ou au photovoltaïque. Elle valorise les territoires de France et coûte peu cher au consommateur.

Vous avez, madame la présidente, déclaré être très sensible aux 14 millions de personnes précaires que compte actuellement la France. Tout cela doit selon moi guider votre réflexion : pourquoi marquez-vous une réserve vis-à-vis du biogaz ? Je considère pour ma part que nous devons assurer l'acceptabilité sociale de notre mutation écologique et énergétique.

M. Jean-Pierre Cabrol. - Une des questions portait sur la rénovation de l'habitat, sujet que je connais bien pour avoir fait partie du groupe de travail « Se loger » dans le cadre de la Convention citoyenne pour le climat. Nous avons écrit dans notre rapport qu'il était nécessaire de rénover l'intégralité des habitations. Nous avons défini des seuils - A, B, C, D, E, F, G - pour arrêter les critères de conformité des habitations. Il nous est apparu évident que rénover globalement offrait plus d'efficacité. Le résultat est en effet immédiat et, en outre, le bilan final se révèle plus efficace.

Le projet de loi n'en parle pas. Certaines habitations, qu'il s'agisse de biens de propriétaires occupants ou de bailleurs, sont des passoires thermiques. Il faut, pour « être dans les clous », rénover 500 000 logements par an a minima, ce qui représente beaucoup d'argent. On parle de 150 milliards d'euros sur dix ans. Il s'agit du coût des travaux et non du montant des subventions qu'il convient d'allouer.

L'habitat, comme je l'ai dit, représente 25 % des émissions de gaz à effet de serre. La rénovation des bâtiments paraît donc essentielle. Dans la vallée de l'Arve, où je vis, on trouve encore beaucoup de chauffage au fioul et beaucoup de cheminées qui polluent énormément. On estime que le coût moyen d'une rénovation se situe entre 40 et 50 000 euros. C'est problématique pour les foyers les plus modestes, mais ce n'est pas impossible. Comme je disais, l'effort est nécessaire faute de quoi les choses seront pires demain et forcément un peu plus coûteuses.

Pour rénover une habitation, il faut commencer par établir un diagnostic, puis choisir des entreprises possédant un certificat de conformité.

Nous avons également proposé la mise en place d'un guichet unique, qui nous apparaît essentiel. C'est une mesure nécessaire au développement de la rénovation globale. Elle n'est pas actée par le Gouvernement. Je ne sais pas où on en est. Un comité de pilotage est organisé par le directeur de la Caisse des dépôts et consignations pour trouver des systèmes de financement.

Concernant la question du financement, cela ne faisait pas partie de la mission et le temps nous aurait manqué. Nous avons consacré neuf mois de travail à la Convention citoyenne. Or pour traiter du financement, il faut avoir un minimum de connaissances sur le sujet. Nous avons émis des pistes pour générer des ressources afin d'aider les foyers les plus modestes, mais nous ne sommes pas allés très loin.

S'agissant de l'abaissement de l'ambition de certaines propositions dans l'avant-projet de loi, je suppose que quelques mesures n'ont pas trouvé de financement ou n'ont pas été jugées prioritaires. Je n'ai pas plus d'informations sur le sujet.

Comment communiquer à propos du climat et des gaz à effet de serre ? Le peu de notions que nous avions du climat s'arrêtait, je l'ai dit, au bout de notre jardin. Nous aurions continué à utiliser quotidiennement un véhicule diesel et à acheter un téléphone portable chaque fois que nous en avions envie si nous n'avions pas participé à la Convention citoyenne pour le climat, qui a eu un impact profond sur nos vies.

Je pense que tout Français est capable de comprendre ce qu'il est nécessaire de faire pour le bien-être de tous et celui des générations futures. Nous avons pensé à un score-carbone pour les produits. Cela fait partie des mesures du plan France Relance et du projet de loi « Climat ».

Je me souviens, lorsque j'étais petit, d'une publicité où l'on voyait des gens qui jetaient leurs déchets par la fenêtre. Cela m'a marqué. Je constate aujourd'hui une différence par rapport à cette époque. Je me rends souvent au Portugal, où les habitants jettent couramment leurs déchets par la fenêtre. En France, c'est devenu assez rare. Je pense que la communication y est pour beaucoup. Il faut toucher les gens. Je pense que la publicité télévisuelle peut jouer un rôle essentiel dans ce domaine.

Comment avons-nous échangé et comment sommes-nous parvenus à un consensus ? Nous avons vécu en autarcie, chaque week-end, du vendredi matin au dimanche soir. Nous prenions notre petit-déjeuner, déjeunions et dînions sur place. J'ai parfois fini à une heure du matin. On nous ramenait ensuite à l'hôtel en bus.

Le premier midi, dans la file d'attente de la cantine du CESE, Hugues Olivier, que je ne connaissais alors pas du tout, a dit : « J'ai trouvé la solution, on va supprimer les avions ». Je lui ai fait remarquer que cela risquait d'être compliqué. Il m'a rétorqué qu'on allait mettre en place des montgolfières. J'ai fait valoir qu'il allait en falloir beaucoup. Nous avons commencé à discuter, et il a reconnu que ce n'était peut-être pas une bonne idée. Voilà comment les choses se sont passées. Les idées farfelues fusaient, on prenait le temps de les écouter malgré tout. Il y avait des idées brillantes dont on prenait le temps d'analyser la faisabilité. Il faut rappeler que nous disposions d'une équipe d'encadrants assez extraordinaire pour temporiser tous ces débats et nous guider dans l'écriture de nos propositions.

Les moyens de production énergétique constituent en effet un sujet que nous n'avons pas abordé - ou très peu. C'est pourtant essentiel. J'ai un avis personnel sur ce que je crois être le mieux en la matière, mais cela n'engage que moi. Je n'ai pas participé au groupe de travail « Produire et travailler ». Pourquoi ce groupe n'a-t-il pas traité ce sujet ? C'est peut-être une question de choix politique. Le consensus a pu être difficile à trouver. Je n'ai pas de réponse particulière à vous apporter à ce sujet.

Quant à la question du biogaz, peut-être ne l'a-t-on pas traitée faute d'expérience ou par manque d'informations à ce sujet. Ce n'est certainement pas apparu comme évident pour ce groupe. Je crois que le Président de la République a été très clair à propos de l'énergie de demain. Le débat est peut-être clos en soi.

M. Jean-François Longeot, président. - J'ai rencontré hier le président de la Commission de régulation de l'énergie (CRE). Je pense qu'on le fera venir à ce propos, car cela constitue un sujet important. Je crois qu'il a des réponses à apporter. Celles qu'il m'a fournies hier m'ont quelque peu ébranlé.

Mme Marta de Cidrac. - Il est frustrant pour nous de ne pouvoir aller au bout de l'exercice.

M. Jean-Pierre Cabrol. - Nombre de conventionnels se sont fait la même remarque.

Mme Marta de Cidrac. - Le débat a manqué sur ce sujet.

M. Jean-Pierre Cabrol. - En effet. Au cours de cette Convention, les idées fusaient. Par chance, il était impossible de dévier de la mission qui nous a été fixée. Certains avaient envie de sauver les crevettes du Pacifique. Il fallait donc se recentrer sur les sujets, et si l'on avait laissé libre cours à notre imagination et à nos envies, le rapport aurait fait 1 000 pages ! Il faut aussi être conscient de ce qu'il est possible de réaliser.

Dans le groupe « Se loger », on s'est demandé s'il fallait aborder une multitude de sujets ou se focaliser sur les plus importants en termes de réduction des gaz à effet de serre. Tel a peut-être été le sens de la réflexion du groupe « Produire et travailler », bien que le sujet énergétique soit primordial.

Comment modifier le climat de façon positive et réduire la pollution en ville sans pénaliser les moins favorisés ? Les personnes qui émettent le plus de gaz à effet de serre se trouvent parmi les catégories plus aisées. Ce sont eux qui dépensent le plus, ont les plus grosses voitures, se déplacent souvent. La population la moins aisée n'est donc pas nécessairement la plus pénalisée par les mesures de réduction des émissions de gaz à effet de serre.

Comment les aider, notamment en matière de transport ? En ville, il faut essentiellement travailler sur des transports collectifs pratiques, afin d'éviter les déplacements en voiture. Je n'ai pas de solution miracle sur le sujet.

Le groupe de travail « Se loger » a réfléchi à la réorganisation de nos habitats urbains et de nos déplacements au sein des villes. On a étudié l'artificialisation et la réduction des zones commerciales et artisanales pour éviter de préempter des terres supplémentaires, mais aussi essayer de réduire les déplacements en favorisant le commerce de proximité. On sait tous que la sortie du week-end consiste parfois à se rendre au supermarché situé à 10 kilomètres, l'offre n'étant pas assez présente en ville. C'est donc cela qu'il faut repenser.

J'ai assisté récemment à une conférence dans le Grand Chambéry sur les territoires à énergie positive (Tepos), impulsés par Ségolène Royal en 2014. Ces territoires, qui s'inscrivent dans une logique d'énergie positive, travaillent à réduire les émissions de gaz à effet de serre par les bâtiments publics et se penchent sur la fabrication d'une énergie propre et renouvelable.

Selon les élus présents, 75 % des budgets passent dans la consommation d'énergie. Dans le Grand Chambéry, les bâtiments publics de dix-sept communes sont encore chauffés au fioul. Une multitude de ces communes n'ont pas développé de sources d'énergie renouvelable. Un formidable effort est accompli au sein des Tepos. Aucun des maires de France ne sait comment évaluer ce qu'il est nécessaire de faire au sein des bâtiments publics pour réduire la consommation d'énergie.

En premier lieu, il convient d'établir un diagnostic. En deuxième lieu, il faut choisir des artisans qu'on ne connaît pas et réaliser un suivi des travaux pour réaliser des travaux cohérents.

J'en reviens à notre rapport : le guichet unique pour les particuliers est aussi valable pour les collectivités.

M. Jean-François Longeot, président. - J'ai été président d'un syndicat départemental d'énergie où a été mise en place une maîtrise d'ouvrage pour l'enfouissement des réseaux et l'accompagnement en faveur des économies d'énergie afin d'aider les collectivités à savoir comment établir un diagnostic des bâtiments et à qui s'adresser. Un inventaire a été réalisé à la demande des communes et des maires.

Il y a là deux sujets, celui de l'accompagnement financier, qui n'est pas négligeable, et de l'accompagnement technique. Il est important de pouvoir disposer d'une telle structure pour les collectivités.

M. Jean-Pierre Cabrol. - Non seulement on participe à l'effort de réduction des gaz à effet de serre, mais c'est également un enjeu touristique.

Mme Laurence Tubiana. - S'agissant de la COP26, l'enjeu sera celui de la mise en oeuvre de l'accord de Paris. Initialement prévue en 2020, la réunion a été repoussée d'un an à cause de la Covid-19. 2020 était le moment pour les pays de revoir les accords à la hausse, puisqu'on doit revoir les engagements tous les cinq ans. L'enjeu de la COP26 sera donc de réduire l'écart entre la trajectoire climatique de l'accord de Paris et les engagements pris par les États en 2015.

On attend que les pays revoient leur contribution nationale à la hausse, et prévoient des stratégies de long terme afin d'être cohérent avec l'objectif de hausse des températures nettement en dessous de 2 degrés.

L'évolution du climat n'étant malheureusement pas bonne, s'y ajoutent des mécanismes d'adaptation au changement climatique dans la plupart des pays, et des soutiens financiers et techniques pour les territoires les plus affectés. On voit à présent émerger l'idée d'assurance et de responsabilité des États développés vis-à-vis des pays les plus touchés. C'est un nouveau champ du droit qui va se développer. Il existe d'ailleurs d'ores et déjà une judiciarisation croissante en matière de dommages climatiques.

Le climat n'est pas que l'affaire des gouvernements, mais aussi des villes, des entreprises, des acteurs économiques, des institutions financières privées ou publiques. Tous doivent s'adapter à l'objectif contraignant figurant à l'article 2 de l'accord de Paris, qui vise à limiter l'élévation de la température moyenne de la planète nettement en dessous de 2 degrés.

Si l'on veut respecter cet objectif, il faut avoir des objectifs tendant à zéro émission nette de gaz à effet de serre pour tous les acteurs. On ne peut donc plus compter sur les autres pour réduire nos propres émissions, ce qui était la philosophie des accords internationaux jusqu'à l'accord de Paris.

La Chine était jusqu'à présent très peu engagée. Tout n'est pas encore réglé, mais les Américains vont redonner une dynamique à la discussion politique internationale.

Il faut ensuite que les actes suivent les paroles, ce qui nécessite des vérifications et la pression de la société civile. Il y a cinq ans, personne n'aurait dit que l'industrie automobile allait se diriger vers un transport zéro émission nette, ce qui est le cas aujourd'hui. Ceci est dû à la pression exercée par les différents acteurs.

M. Olivier Jacquin. - Je suis depuis le début convaincu de l'intérêt de la démarche de la Convention citoyenne, qui est complémentaire de la parole du Parlement. Les différents textes sur l'écologie examinés au Sénat montrent d'ailleurs que les positions de la Haute Assemblée ne sont pas les mêmes que celles de la Convention citoyenne.

J'ai apprécié les propos de Mme Tubiana, notamment sur le fait que tout ce qui relève de la justice sociale est très peu traduit dans le projet du Gouvernement.

Dans votre discours introductif, vous avez dit que les parlementaires estiment bien souvent que les citoyens ne sont pas prêts. N'est-ce pas plutôt le Parlement qui n'est pas prêt ?

J'ai porté la parole de mon groupe dans la discussion générale sur la proposition de loi sur la pénalisation de l'écocide, il y a deux ans. Vous savez ce qu'il en est de cette position. À l'époque, il n'y avait presque personne dans l'hémicycle, le scrutin public ayant été décidé à l'avance, manière de dire que le sujet n'était pas d'actualité. Il le deviendra, j'en suis persuadé.

Monsieur Cabrol, je salue votre engagement comme chef d'entreprise dans ce dispositif participatif ainsi que la qualité de vos propos.

Bien souvent, on nous dit, au nom du réalisme économique, que des propositions, comme l'interruption de l'éclairage publicitaire la nuit nuisent à l'activité économique. Cela fait deux ans que je porte, avec d'autres collègues, un amendement en ce sens. À chaque fois, on nous oppose le réalisme économique. Quand on propose un dispositif plus pointu, on nous rétorque qu'il est trop compliqué, et on nous parle de concurrence. En tant que chef d'entreprise, ne pensez-vous pas qu'on pourrait avoir beaucoup plus d'opportunités économiques si on anticipait le réchauffement climatique, et si on en faisait des opportunités industrielles ?

On s'est fait complètement distancer concernant les éoliennes, alors qu'on disposait de toutes les bases technologiques et industrielles pour produire des turbines. Pour des raisons politico-idéologiques et du fait d'autres choix énergétiques, on est à présent complètement « à la ramasse » sur ce dossier.

Ne pensez-vous pas que si l'on était les champions du monde de la rénovation énergétique de l'habitat, on pourrait avoir des opportunités énormes en termes de technologie et de croissance verte ?

J'avais porté l'amendement issu de la Convention citoyenne sur la TVA à 5,5 % sur les billets de train, voté à l'unanimité dans cette belle commission, repris par le Sénat mais non repris en commission mixte paritaire.

M. Jean-François Longeot, président. - On aura l'occasion de revenir sur ces sujets lors des débats sur le projet de loi « Climat ».

M. Joël Bigot. - Je tiens à saluer le travail important de la Convention citoyenne sur le climat. Dans une formule inédite - un tirage au sort -, elle a fourni un travail très important et très intéressant qui a reçu un très bon écho dans l'opinion publique.

Le Président de la République, qui s'était engagé à reprendre sans filtre ses propositions, s'est cependant ravisé et a indiqué qu'il ne reprendrait pas tout. On entend à présent s'exprimer çà et là des inquiétudes sur la transcription des mesures que vous avez formulées.

Vous avez fort bien expliqué, monsieur Cabrol, que pour assurer l'irréversibilité des mesures et aller vers le changement de système auquel on est obligé de recourir, nous allions devoir passer par une période transitoire. Je souscris à cette affirmation, mais j'aimerais vous entendre davantage sur ce point.

Il convient de réaliser une étude d'impact sur les propositions que vous avez faites. Certains problèmes ont leur solution à l'échelon international et européen. Il faudra sans doute graduer les mesures, mais il faut s'engager significativement pour bien montrer qu'on va vers une réduction des gaz à effet de serre.

Selon vous, quelles sont les dispositions à inscrire prioritairement dans le projet de loi « Climat » pour préserver la justice sociale, lutter contre la précarité, oeuvrer en faveur de la rénovation thermique des bâtiments, travailler sur les déplacements, l'alimentation - qui touche également l'agriculture - et l'éco-conditionnalité des aides publiques ? Quelles sont les priorités ?

Mme Martine Filleul. - Une question un peu provocatrice et décalée par rapport aux interventions de mes collègues : pensez-vous que le référendum proposé par le Président de la République ait un intérêt ? Sera-t-il utile par rapport à votre travail ?

En second lieu, j'ai constaté une sorte d'essaimage de la Convention : des chefs d'entreprise organisent leur propre convention citoyenne pour améliorer les projets des entreprises. Pensez-vous que ce soit intéressant ? Quelle légitimité peut-on accorder à ces conventions ?

Par ailleurs, dans le courrier que vous aviez envoyé au Président de la République le 12 octobre, vous expliquez que vous allez vous rendre sur le terrain et porter vos propositions jusque dans les plus petites communes de France jusqu'aux institutions européennes. Vous réclamiez un mandat de suivi de vos travaux. Qu'en est-il ?

Enfin, pour reprendre la formule de Ronan Dantec, j'ai l'impression que, parmi toutes les questions évoquées aujourd'hui, la grande absente est la recherche. Il me semble en outre que l'on manque d'éléments concernant la santé environnementale, les outils d'évaluation, la prospective par rapport au remplacement des énergies fossiles. Avez-vous eu accès à des éléments scientifiques objectifs lors de vos travaux ?

M. Frédéric Marchand. - Je voudrais revenir sur le sujet de la méthode, en m'appuyant sur le témoignage fort de M. Cabrol quant au manque d'informations touchant les sujets climatiques. Le président Longeot a évoqué dans son propos introductif le rapport de la fondation Terra Nova, qui trace des perspectives législatives qui, je pense, méritent d'être creusées.

Parmi ces pistes, je voudrais revenir sur ce qu'a évoqué Mme Tubiana sur la nécessité d'imaginer des espaces interactifs de co-construction qui peuvent, je pense, être le gage d'un travail collectif et apaisé. Pour l'avoir vécu, je pense qu'il serait sans doute judicieux qu'ils aient lieu en amont plutôt qu'en aval.

J'ai eu la chance de participer à un déplacement organisé chez Safran avec des collègues députés, des sénateurs et des membres de la Convention citoyenne. J'avoue que cette confrontation très amicale nous a permis, les uns et les autres, de nous enrichir quant aux idées préconçues, aux discours. Pensez-vous que ces échanges entre le pouvoir législatif, la démocratie représentative et le monde économique représentent une possibilité d'avancer sur ces sujets ?

M. Guillaume Chevrollier. - Ce débat met en lumière une énième contradiction française. J'ai le sentiment qu'il y a eu de très nombreux débats sur ces questions environnementales et climatiques ces dernières années.

Mme Tubiana est mobilisée depuis longtemps sur ces sujets. Dans le même temps, M. Cabrol estime que l'opinion ne dispose que de peu d'informations et qu'il n'y a pas suffisamment de communication sur le sujet. Cela s'explique peut-être par le fait qu'il y a une absence de cap très clair pour faire face au changement climatique.

Quelles adaptations, quelles politiques publiques claires pour faire face au changement climatique ? On sait que les résultats ne s'obtiennent que sur le temps long. Il faut donc une certaine stabilité des orientations. Or force est de reconnaître qu'on n'en dispose pas vraiment. On dénombre beaucoup de textes, beaucoup d'articles de loi, mais ils sont peu efficients, ce qui entraîne un certain nombre de difficultés.

En matière de rénovation thermique des logements, on a connu le crédit d'impôt transition énergétique, l'aide MaPrimeRénov' : cette instabilité pose des problèmes d'acceptabilité sociale, c'est un point à souligner.

Est-ce également dû au fait que les politiques environnementales, en France, souffrent d'un poids politique insuffisant et que le ministère de l'environnement ne rend pas ce sujet suffisamment attractif ?

Enfin, s'agissant du référendum, quel est votre sentiment sur la rédaction proposée, précisant que la France doit « garantir la préservation, la biodiversité et l'environnement » ? Que pensez-vous de la proposition de remplacer ces termes par le mot « agir » afin de trouver un équilibre ?

M. Rémy Pointereau. - Sur la question du transport de marchandises face aux impératifs environnementaux, sujet sur lequel nous menons une mission au nom de la commission, et dont je suis co-rapporteur avec Nicole Bonnefoy, l'avant-projet de loi comporte différentes propositions: définition d'une trajectoire de suppression du remboursement de la TICPE, intégration d'un enseignement à l'écoconduite dans la formation des conducteurs, possibilité pour les régions de mettre en place une contribution sur le transport routier de marchandises, ou encore obligations de reporting et de plans d'action pour les entreprises.

Quel regard portez-vous sur la traduction législative de vos propositions initiales ? Cela correspond-il à vos attentes ? Le cas échéant, quels sont les sujets qui n'y figurent pas de manière satisfaisante et que vous souhaiteriez voir repris ?

Mme Marie-Claude Varaillas. - La France, leader dans la constitution de l'accord de Paris lors de la COP21, devrait faire la course en tête en matière de politique climatique vertueuse.

Les travaux de la Convention citoyenne ont le mérite d'aboutir à des propositions concrètes qui, à mon avis, devraient être prises en compte. Or le Président de la République et l'exécutif ont effectué une sélection parmi les propositions de la Convention citoyenne en écartant un certain nombre de dispositions, notamment s'agissant de l'habitat et du transport.

Aussi le projet de loi ne reprend-il pas un certain nombre de préconisations comme la nécessité d'un vaste plan de rénovation globale des logements dès 2024. De ce point de vue, la loi de finances pour 2021 ne permettra pas d'atteindre l'objectif de rénovation thermique des 500 000 logements par an. Or nous savons qu'en France, un ménage sur cinq est en situation de précarité énergétique.

Nous savons aussi que ces travaux sont très vertueux, car ils servent à la fois la planète, le pouvoir d'achat des personnes concernées et donnent du travail aux entreprises du BTP dans des secteurs non délocalisables.

Le développement des transports ferroviaires, fluviaux et maritimes manque également d'ambition dans ce budget.

Par ailleurs, la réduction de nos émissions de CO2 implique selon moi des mesures fortes et rapides s'agissant de l'énergie et la création d'un pôle public de l'énergie. Il ne semble pas, à travers le projet Hercule, qu'on s'oriente vers de telles dispositions.

La volonté d'aider à la mise en place d'un modèle de production agricole durable conjugue l'impératif écologique et l'obligation de nourrir l'humanité. Ne pensez-vous pas que ces mutations sont indispensables à la transition écologique, qui nécessite également solidarité et justice sociale, incontournables, à mon sens, pour atteindre les buts que nous nous sommes fixés ?

M. Philippe Pemezec. - Je suis sénateur, mais aussi élu d'une commune de banlieue francilienne qui réalise beaucoup de rénovations urbaines. J'ai bien compris que ce qui pollue le plus, ce sont les transports et l'habitat.

Or le Plessis-Robinson est actuellement dans une politique de rénovation de l'habitat. J'ai vu, madame Tubiana, que vous avez été championne de haut niveau pour l'action climatique. Êtes-vous en mesure de relever un nouveau défi et à nous aider pour faire en sorte que la Haute autorité environnementale, la police de l'eau, la Direction régionale et interdépartementale de l'hébergement et du logement (DRILL), et tous ces organismes qui encerclent notre bon préfet des Hauts-de-Seine cessent de nous empêcher de détruire les 1 000 logements de la commune, qui sont de vraies passoires énergétiques, afin d'atteindre l'objectifs de réduction de 40 % de la pollution 2030 ?

Nous sommes un chantier exemplaire : nous densifions, nous reconstruisons la ville sur la ville pour éviter de l'étaler à l'infini, et nous réduisons en outre les zones imperméabilisées. Nous allons donc dans le sens de l'Histoire et des exigences de l'État, et créons de plus de la mixité sociale en détruisant d'affreux logements sociaux qui sont autant de vraies passoires énergétiques. J'ai besoin de votre aide : pouvez-vous me l'apporter ?

M. Jean-François Longeot, président. - Si je comprends bien, c'est un tort d'être vertueux trop tôt !

Mme Laurence Tubiana. - Je rappelle qu'en principe, d'ici fin février, on réunira à nouveau la Convention citoyenne pour qu'elle rende son avis sur le projet de loi qui sera bientôt présenté en conseil des ministres, sur les dispositions du projet de loi de finances rectificative et du projet de loi de finances pour 2021 et sur les mesures réglementaires qui ont été prises depuis le mois de juillet.

Certains éléments du débat me paraissent se limiter encore à la place de la politique de transition écologique en France. Personne n'est parfait, mais j'ai l'impression qu'on n'en est pas encore au moment où le sujet du climat et de l'écologie sera un sujet parmi d'autres. C'est là le problème principal. Il serait bon que l'on dispose d'un secteur où l'on puisse faire les choses. Ce serait plus simple, et les préfets s'y retrouveraient sûrement mieux, car ce ne sont évidemment pas ceux qui ont reçu le plus d'informations sur la transition écologique - c'est en tout cas mon impression.

Il s'agit, à mon sens, d'un véritable problème de transversalité politique et d'inadaptation de l'appareil d'État.

Je connais toute l'équipe qui s'occupe du climat aux États-Unis, à la fois la politique domestique, la politique internationale, la politique des États, l'énergie. Les Américains disposent là d'un système qui doit évaluer toutes les politiques, les règlements, les projets de loi, la finance, en lien avec le budget, à l'aune de l'objectif climatique que le président Joe Biden a annoncé.

Je rêve de la même chose pour la France. Je rêve, ainsi que nos collègues du Haut conseil pour le climat (HCC) l'ont recommandé, d'évaluations ex ante plus systématiques. Ce n'est pas au HCC de vérifier les politiques menées. C'est à une partie de l'administration ou du Gouvernement d'étudier les conséquences de chaque projet de loi afin de savoir si les choses vont dans le bon sens.

Personne ne peut dire que telle mesure va avoir tel résultat, car il existe toujours des effets inattendus. On peut toujours démontrer qu'une taxe sur le trafic aérien est un drame économique et risque de détruire des centaines de milliers d'emplois. Certes, le secteur aérien connaît des problèmes, le secteur des transports également, mais il faut prendre du recul, indiquer la direction que l'on doit emprunter et accompagner les mesures décidées.

Cela fait longtemps que je le recommande. Peut-être cela va-t-il finir par arriver. Le ministre de l'économie néerlandais est également celui du climat. En Suède, le vice-Premier ministre est en charge du climat afin d'embrasser l'ensemble des politiques.

Quant à nous, nous hésitons un peu, mais il y a un moment où il faudra trancher pour ne pas que problématiques environnementales et économiques soient continuellement mises en concurrence.

Par ailleurs, je suis frappée par le manque de confiance qui sévit en France. On dit souvent que les citoyens doutent des institutions, mais les responsables politiques ont-ils confiance dans les citoyens ? Ce n'est pas toujours vrai. On les prend souvent pour des enfants, des imbéciles, des gens peu sérieux.

J'ai entendu beaucoup de choses sur la Convention citoyenne, en particulier qu'il s'agissait de personnes manipulées par des écologistes fondamentalistes - dont je ne suis pas ! Peu de responsables politiques français ont passé autant de temps que nous sur la question du climat. C'est une question de respect du travail accompli.

S'agissant de la justice sociale, le plan de relance met l'accent sur la rénovation des bâtiments publics. C'est un sujet très compliqué, et il faut tenir compte des expériences lorsqu'elles sont réussies, mais il faut aussi prioriser les mesures sociales. On se pose des questions très compliquées sur le financement de la rénovation des bâtiments des plus pauvres. À un certain moment, la collectivité nationale doit dire que, pour telle frange de population, ce n'est pas la peine d'essayer de récupérer de l'argent sur des factures d'électricité en tablant sur le fait qu'elles seront moins chères dans vingt ans. Il faut un soutien massif et direct, comme on veut le faire pour la rénovation des bâtiments des hôpitaux, par exemple.

Il y a là aussi des implications de santé publique très importantes : les logements mal isolés ne sont pas des logements sains. J'ai trouvé formidable la proposition des citoyens concernant les transports propres : les voitures non polluantes n'étant pas abordables, ils ont suggéré un leasing subventionné pour les ménages les plus pauvres afin d'acquérir des véhicules propres. L'accès à une alimentation saine et à des transports zéro émission nette ne concerne pas seulement les « bobos » parisiens. C'est ainsi qu'il faut changer les choses !

M. Jean-Pierre Cabrol. - Nous avons encore plein de choses à dire, mais je suis persuadé que vous allez nous demander de revenir - du moins je le souhaite - afin que nous puissions continuer à débattre...

M. Jean-François Longeot, président. - Nous vous reverrons certainement dans le cadre de l'examen du projet de loi « Climat ».

M. Jean-Pierre Cabrol. - Je voudrais revenir sur la question de l'éclairage public de nuit et son intérêt pour un chef d'entreprise. J'ai eu une grosse entreprise de recyclage de matières plastiques avec une devanture qui donnait sur la route nationale et une belle enseigne éclairée toute la nuit. À part flatter mon ego, cela ne m'apportait rien. Je l'ai rapidement éteinte, car elle consommait de l'énergie et n'apportait rien de plus en termes de chiffre d'affaires.

Dans mon métier, il existe de grandes entreprises en périphérie de ville ou en bordure d'axes routiers importants qui éclairent leur devanture toute la nuit. Cela ne sert à rien ! Ce n'est pas ainsi qu'on fait du chiffre d'affaires ni qu'on est rentable. Éteignons les vitrines la nuit. Cela nous permettra de redécouvrir le ciel en diminuant la pollution lumineuse.

Par ailleurs, quelles priorités formuler dans le futur projet de loi ? Les priorités sont celles qui vont contribuer à réduire un peu plus les gaz à effet de serre. On l'a déjà écrit : le ferroutage, le fluvial, la rénovation de l'habitat sont des secteurs à développer. Aucune réponse claire n'est apportée dans l'avant-projet de loi sur ces sujets. Ce qui nous manque surtout, c'est un plan de relance clair et précis à court ou moyen terme, dans les cinq ans.

Laurence Tubiana l'a rappelé : certains pays ont décrit ce qu'il était nécessaire de faire pour atteindre l'objectif. Ils reconnaissent qu'ils ne savent pas tout faire dans l'immédiat, mais ils vont agir dans le futur. Ce qui nous importe, ce n'est pas de défendre pied à pied toutes les mesures que nous avons pu suggérer pour qu'elles passent dans un seul et même projet de loi, mais qu'on nous donne un plan sur deux ans, trois ans, cinq ans afin d'atteindre les - 55 % et non de se contenter de - 40 %.

Une autre question portait sur le référendum. Personnellement, cela m'importe peu. Ce qui m'intéresse, c'est qu'on atteigne l'objectif de - 55 % en 2030. Il existe un code de l'environnement : c'est peut-être celui-là qu'il faut étoffer. Je ne m'attache pas aux symboles. Je suis factuel et assez terre à terre, comme tout chef d'entreprise. En tout état de cause, je ne suis pas persuadé que cela nous aide à atteindre l'objectif.

A-t-on manqué d'éléments scientifiques ? Non. Nous avons eu tous les éléments que nous avons souhaités. Si certains sujets n'ont pas été travaillés, comme l'énergie, c'est simplement qu'on a manqué de temps ou qu'on a fait un choix particulier. On a même rencontré des lobbyistes, et on a travaillé en toute indépendance et en toute liberté.

Il y a quelques années, un dessin m'avait fait beaucoup rire - c'est bien moins le cas aujourd'hui. Il représentait un chef d'entreprise assis par terre, dans une grotte, devant un feu de camp, avec un costume et une chemise déchirés. Il était tout ébouriffé. En face de lui, ses enfants l'écoutaient dire : « Certes, on a détruit le monde mais, pendant longtemps, on a beaucoup donné à nos actionnaires ». Je n'ai pas envie de ressembler à cette personne. Ce sera ma conclusion.

M. Jean-François Longeot, président. - Nous aurons l'occasion de débattre à nouveau de ces sujets particulièrement importants, qui seront à l'ordre du jour lors de l'examen du projet de loi « Climat ».

Merci pour votre franchise.

Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.

Présentation du rapport « Pollution plastique : une bombe à retardement ? » fait au nom de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques

M. Jean-François Longeot. - Mes chers collègues, nous poursuivons cette réunion de commission avec une audition un peu particulière, puisque nous accueillons deux de nos collègues parlementaires, Angèle Préville, membre de notre commission de l'aménagement du territoire et du développement durable et vice-présidente de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (l'OPECST) et Philippe Bolo, député, membre de la commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale et membre de l'OPECST. Nous vous entendons sur votre rapport relatif à la pollution plastique, publié en décembre 2020, et qui fait suite à une saisine de l'OPECST par l'ancien président de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, Hervé Maurey.

J'aimerais tout d'abord vous féliciter pour la qualité et l'ampleur du travail réalisé : vous dressez dans votre rapport un état des lieux particulièrement complet et pédagogique d'un fléau environnemental, la pollution plastique, moins connu qu'il n'y paraît. Si votre travail aborde bien entendu la question de la pollution visible, celle des macroplastiques, il élargit l'analyse à la pollution microplastique et nanoplastique, plus insidieuse et moins connue du grand public.

Ces pollutions ont des impacts multiples encore sous-estimés : atteinte à la biodiversité, contribution au réchauffement climatique, risques probables sur la santé humaine...

Le plastique est le témoin matériel le plus manifeste de l'Anthropocène. Un large faisceau d'indices scientifiques, minutieusement répertoriés par le rapport, invite ainsi les pouvoirs publics à envisager une sortie d'urgence de l'ère du plastique.

Des initiatives politiques majeures ont été engagées, tant au niveau européen que national. Deux textes récents - la directive sur les plastiques à usage unique de 2019 et la loi AGEC de 2020  - illustrent l'implication croissante des pouvoirs publics pour en finir avec la pollution plastique. Notre commission de l'aménagement du territoire et du développement durable avait d'ailleurs largement contribué à l'élaboration de la loi AGEC, dont notre collègue Marta de Cidrac avait été rapporteure.

Si ces textes charnières posent les fondements d'une transition vers un modèle plus durable et plus circulaire, beaucoup reste encore à faire pour en finir avec le fléau de la pollution plastique. Votre rapport est porteur d'un certain nombre de recommandations, il identifie également des idées reçues à écarter. Nous vous laisserons en présenter les principales conclusions, qui alimenteront, j'en suis certain, les travaux de notre commission pour l'échéance cruciale que constituera l'examen du projet de loi « Climat ».

Mme Angèle Préville. -L'Office parlementaire des choix scientifiques et technologiques (OPECST) rassemble 18 sénateurs et 18 députés, j'en suis vice-présidente. À la suite d'un débat demandé par mon groupe politique sur la pollution plastique, j'ai demandé une saisine de l'OPECST afin de travailler sur ce sujet, et j'ai été rejoint par Philippe Bolo, ce qui fut l'occasion de découvrir des personnes avec qui nous avons véritablement plaisir à travailler. Ce rapport a été adopté à l'unanimité le 10 décembre et salué par le président Cédric Villani comme un rapport qui fera date.

Le titre de notre rapport est « Pollution plastique : une bombe à retardement ? ». Il faut d'abord parler de ce qu'est un plastique, car c'est essentiel de le savoir pour comprendre les impacts qu'il aura une fois relâché dans l'environnement. Un plastique est une matière constituée d'un ou plusieurs polymères auxquels sont ajoutés des charges, des plastifiants et des additifs (colorants, anti-oxydants par exemple). Les plastiques peuvent avoir des formulations diverses, parce que les charges, les plastifiants et les additifs sont différents. Il existe des centaines de formulations différentes, ce qui constitue une source de difficultés.

On distingue les thermoplastiques qui sont recyclables - ils représentent 80 % de la consommation de plastiques - et les thermodurcissables qui ne peuvent être fondus pour être réutilisés et ne sont donc pas recyclables. On peut également distinguer les plastiques fossiles - ils représentent 99 % des plastiques - et les biosourcés qui proviennent de la biomasse, mais il s'agit des mêmes polymères. Un polymère biosourcé et biodégradable est qualifié « biopolymère ».

Les plastiques ont des propriétés très intéressantes : ils sont légers, ils sont très peu coûteux, ils sont très résistants, et ils ont des propriétés adaptables aux objets que l'on veut fabriquer. Leur principal inconvénient est qu'ils cassent et qu'il est impossible de les réparer. En moins de cent ans, le plastique est devenu le troisième matériau le plus fabriqué au monde après le ciment et l'acier. On en produit plus de 400 millions de tonnes par an, et cette production devrait doubler d'ici 2050.

Si à l'aube des années 50, chaque habitant consommait 800 grammes de plastique par an, nous sommes à 60 kilogrammes actuellement. La cause à une dérive de l'utilisation des plastiques, initialement conçus comme des matériaux résistants à grande durée d'utilisation, qui se sont transformés en objets à très courte durée d'utilité, notamment dans le secteur de l'emballage, qui représente mondialement 36 % du marché du plastique. 80 % des plastiques mis en circulation deviennent des déchets en moins d'un an.

M. Philippe Bolo. - Dans le cadre de ces travaux, nous avons eu la chance de rencontrer 458 personnes durant 240 heures, fournissant une matière première d'avis, parfois contraires, convergents d'autres fois, qui nous a permis de réaliser ce document et de montrer que certaines idées reçues étaient à revoir.

La première d'entre elles est de limiter la pollution plastique aux macroplastiques. Nous avons tous l'idée que la pollution plastique se résume aux bouteilles retrouvées sur les plages, ou aux déchets asphyxiant des tortues ; mais il existe d'autres formes également, moins visibles et plus insidieuses. La forme visible est due à une explosion des déchets, souvent mal gérés, ou à certains usages qui font que l'on s'éloigne du tri.

Les microdéchets sont une continuité des macrodéchets. Un déchet abandonné dans la nature, sous l'effet de paramètres biotiques et abiotiques, va se transformer. La réaction d'oxydation du plastique, en plus des facteurs mécaniques (vent, vagues, etc.) font que des objets uniques vont se diviser en particules de plus en plus fines, et notamment en microplastiques.

Il y a deux types de microplastiques : des microplastiques ajoutés intentionnellement, dans certains produits cosmétiques par exemple, et ceux qui apparaissent à la suite de la dégradation de l'objet dans la nature. L'usure est donc une source de microplastiques, dans le cas par exemple des vêtements synthétiques (chaque lavage relâche un certain nombre de microfibres synthétiques), ou encore des pneumatiques.

Il existe également les nanoplastiques, dans le domaine de l'invisible. La recherche travaille toujours sur le sujet, et de grands questionnements subsistent. Il faut néanmoins être vigilant, car sur d'autres sujets analogues, comme d'autres nanoparticules, nous savons déjà qu'il y aura des conséquences néfastes. Il n'y a pas de raison que les nanoplastiques ne le soient pas également.

Mme Angèle Préville. - Cette pollution constitue une menace, pour les écosystèmes mais aussi pour la santé humaine.

De manière générale, on estime que la pollution plastique est liée à 80 % à des activités terrestres et à 20 % à des activités maritimes. Le plastique provenant des activités maritimes vient principalement de la pêche et de l'aquaculture : 640 000 filets de pêche seraient abandonnés chaque année dans les océans, souvent faits de fibres plastiques très résistantes. Ces filets génèrent une « pêche fantôme », entravant les animaux. Le transport maritime y contribue également via la perte de conteneurs, de l'ordre de plusieurs milliers par an. Enfin, cette pollution provient également des activités de plaisance.

Cette pollution est dynamique : dès lors qu'un déchet est dans la nature, il sera emporté par le vent, la mer, les courants, se retrouvant parfois dans les gyres, ces « soupes plastiques » principalement constituées de microplastiques invisibles à l'oeil nu. Ces pollutions viennent notamment des microbilles introduites dans les produits de manière intentionnelle, ou des microfibres émises en continu lors de l'usure de vêtements polaires par exemple.

Cette pollution insidieuse a un impact économique : le programme des Nations Unies pour l'environnement estime qu'à l'échelle mondiale les dommages causés aux environnements marins sont de 8 milliards de dollars par an ; le port de Barcelone consacre chaque année 300 000 euros pour son nettoyage ; dans l'Union européenne le nettoyage des plages est chiffré à 630 millions d'euros par an... Enfin, cette pollution réduit également la quantité de poissons dans les mers et les océans. Les plastiques ont des impacts sur la biodiversité qui ne se limitent pas à l'enchevêtrement et l'ingestion par des animaux. Néanmoins, ce phénomène impacte 1,4 million d'oiseaux et 14 000 mammifères, retrouvés morts chaque année en raison de l'ingestion des macroplastiques. Certaines espèces, comme les tortues, sont tout particulièrement impactées.

Les plastiques peuvent également être sources de contaminants. Les plastiques étant hydrophobes, des substances comme des PCB, ou des hydrocarbures, sont comme attirées par le plastique et s'y rattachent. L'ingestion d'un plastique implique donc la consommation de ces contaminants. Les plastiques, y compris ceux de petite taille, sont souvent des habitats pour de la microfaune, ou des microalgues. Ils vont donc attirer les oiseaux marins qui vont les ingérer, ce qui a un impact non négligeable sur ces espèces.

M. Philippe Bolo. - Les parties prenantes dans la lutte contre ces pollutions rassemblent les pouvoirs publics aux échelles internationale, européenne, française, même locale via les lois Grenelle ou AGEC qui ont réformé la régulation dans ce domaine. La société civile est également impliquée, via le nettoyage, et les industriels également. Concernant les industriels, il s'agit d'être vigilant à leur politique de réduction plastique qui n'est pas une véritable substitution, ou au risque de greenwashing. La recherche est également très impliquée ; nous avons néanmoins constaté que l'Europe arrive derrière les États-Unis et la Chine en la matière.

Je vais évoquer une deuxième idée reçue : le recyclage. Le recyclage n'est pas une solution miracle, comme pour le verre ou les métaux. Il est confronté à de nombreux obstacles, dont le premier est technique. En effet, les polymères sont des molécules très longues, et le recyclage coupe cette molécule ; il y a donc une modification des propriétés de la matière. Il ne peut pas y avoir de recyclage infini avec le plastique, car il perdra à un moment ses propriétés. La notion du décyclage apparait : on fait autre chose avec le plastique lors d'une deuxième utilisation.

Il existe également des limites réglementaires, avec le problème des substances héritées, par exemple dans le cadre de l'automobile. Des véhicules avec des polymères vieux de 15-20 ans sont difficiles à intégrer dans les circuits de recyclage au fur et à mesure qu'évoluent les réglementations sur la composition des polymères.

Il existe également un frein économique : les coûts de production d'un plastique recyclé sont plus élevés que ceux d'un plastique vierge lorsque les prix du pétrole sont très bas.

Par ailleurs, le recyclage a une face cachée : l'exportation des déchets. De nombreux plastiques sont exportés vers des pays tiers, souvent en Asie du Sud-Est, qui n'ont pas les infrastructures nécessaires, ce qui fait que les déchets finissent souvent dans la mer. Il n'y a aujourd'hui ni responsabilité ni traçage de cette pratique. L'Union européenne travaille actuellement à ce sujet, et nous avons profité de cette mission pour contribuer à ses travaux.

En tant que sénateurs, vous connaissez bien l'engrenage que représente le recyclage en termes de dépenses publiques pour les collectivités territoriales. Ce sont des infrastructures lourdes, qu'il faut amortir : les collectivités veulent que le recyclage dure aussi longtemps que possible. Une transition vers un autre modèle sera donc complexe du point de vue de ce retour sur investissement.

Il faut également souligner l'effet rebond associé au recyclage : le recyclage dédouane le consommateur, qui ne connait pas ses faces cachées. Il y a une réflexion à mener sur la meilleure manière d'informer le consommateur.

Un dernier aspect caché du recyclage est l'effet d'amortisseur temporel qu'il joue. Il est impossible de recycler de manière mécanique le plastique à l'infini. À un moment donné, il deviendra un déchet. Le recyclage ne fait que décaler dans le temps l'échéance de gestion du plastique.

Nous avons étudié le recyclage chimique, mais il persiste de nombreux questionnements à son sujet ; cette solution vise à dissoudre les plastiques pour en récupérer les monomères.

Mme Angèle Préville. - Le premier volet de nos recommandations est de sensibiliser, d'éduquer et d'impliquer les citoyens.

Je retiens notamment l'idée d'intégrer dans les parcours scolaires au moins une opération de ramassage de déchets plastiques, car il s'agit d'une forme ludique d'éveil des consciences. Je souhaite également rendre obligatoire par voie d'étiquetage la mention « relargue des microfibres dans l'environnement » pour tous les textiles à base de fibres plastiques. On ne sait pas aujourd'hui l'effet de ces particules, mais comme on l'a vu avec l'amiante, un problème sanitaire peut vraisemblablement se poser.

Il y a également un volet « réduire la production de plastique ». Je souhaite accélérer l'interdiction des microplastiques, et notamment des microbilles intentionnellement ajoutées en les reconnaissant comme des polluants organiques persistants (POP). Un plastique ne se décompose pas naturellement : il reste dans l'environnement pendant des centaines d'années. Il y a donc un problème d'accumulation des plastiques.

Il y a également un volet visant à prévenir la fuite des plastiques dans l'environnement, un autre qui tend à favoriser le réemploi et un troisième qui appelle à rendre le recyclage plus efficient. Plus particulièrement, je préconise d'ajouter une mention « 0 % de plastiques recyclés » lorsque le produit ou l'emballage n'incorpore pas de matière recyclée.

Un quatrième volet vise à soutenir l'acquisition des connaissances et de la recherche, et un dernier volet promeut de nouvelles actions, notamment par un traité mondial visant à réduire la pollution plastique.

M. Philippe Bolo. - Je souhaite mettre en lumière trois préconisations que je considère comme particulièrement importantes.

La première concerne la hiérarchisation des plastiques. Nous avons mis en évidence le rôle majeur des plastiques dans une forme de pollution, qui est à combattre. Mais cette pollution n'existe que dans le cas où les plastiques se retrouvent dans la nature : il ne faut pas mettre tous les plastiques au même niveau, et tomber dans la vision binaire qui considérerait que tous les plastiques sont néfastes. Il faut identifier les plastiques à l'origine du problème : le suremballage, les bouteilles, les objets jetables. Cette préconisation fait écho à la cartographie présente dans notre rapport, qui illustre la diversité des plastiques.

Une deuxième préconisation : l'évaluation de ce qui a déjà était fait. Nous avons eu une loi AGEC, la loi de transition énergétique pour la croissance verte ; vérifions qu'elles sont bien appliquées et évaluons-les avant de rajouter des outils réglementaires. Le contenu des décrets d'application est d'ailleurs parfois difficile à vérifier.

Enfin, au sujet de l'exportation : mettons en place des réglementations pour éviter que d'importants volumes de déchets soient envoyés en Asie du Sud-Est, où ils sont rejetés dans la mer. La Commission européenne s'y intéresse désormais, et travaille à un dispositif qui nécessiterait l'accord du pays importateur des déchets. Une autre question est celle de la traçabilité dans les bilans massiques de déchets plastiques, ce qui implique notamment un suivi douanier.

M. Jean-François Longeot. - Je vous remercie pour ce propos liminaire. Je donne la parole à Pascal Martin.

M. Pascal Martin. - Ma question est une question prospective. Le plastique fait partie de notre quotidien, et est présent dans tous les domaines de notre vie. Avez-vous une idée de la part des plastiques que l'on pourrait remplacer, et de ceux dont on ne peut pas en l'état actuel de la technique se passer ?

Mme Marta de Cidrac. - Votre rapport dresse un panorama fidèle et complet des dispositions adoptées dans le cadre de la loi AGEC afin d'améliorer la prévention et la performance en matière de gestion des déchets plastiques. En la matière, quelles avancées de la loi vous paraissent les plus significatives ? Je considère pour ma part que la modulation des écocontributions associées à des objectifs que nous avons rendus contraignants en matière de recyclabilité, de recyclage et de réemploi pourraient constituer un levier majeur d'amélioration pour la performance des filières REP. Partagez-vous ce constat ?

Par ailleurs, notre priorité doit être de développer plus largement le réemploi des contenants et des emballages. Le recyclage est en effet un pis-aller, qui ne fait que repousser le statut de déchet ultime. Pourtant, la généralisation du réemploi se heurte à des pratiques de consommation ancrées dans notre mode de vie. La loi AGEC fixe des objectifs en la matière avec des cibles de 5 % d'emballages réemployés mis sur le marché en 2023 et de 10 % en 2027. Cela peut sembler modeste au regard de vos observations : comment pourrions-nous accélérer ces tendances ?

Enfin, votre rapport pointe les effets pervers induits par certaines dispositions législatives récentes visant notre consommation plastique, comme l'interdiction des sacs plastiques à usage unique remplacés par des sacs plastiques supposés réutilisables. On observe également des effets de substitution peu optimaux, comme la commercialisation de couverts en bambou. Comment à l'avenir mieux intégrer ces effets pervers dans l'élaboration de notre politique de lutte contre la pollution plastique ?

M. Jean-Paul Prince. - Ma question porte sur la récupération des bouteilles. J'ai une entreprise qui fabrique des machines qui trient les bouteilles, et qui peuvent être disposées dans des villes, ou dans des déchetteries, ou près d'un grand magasin. Le plastique est trié et directement broyé pour faciliter ce recyclage. Que pensez-vous de ces machines, qui font des tris directs ?

Mme Angèle Préville. - Monsieur Martin, il s'agit effectivement d'une question complexe. Le maître mot est de réduire partout où l'on peut l'usage du plastique. Pour certains objets les plus utilisés comme les bouteilles en plastique, le sujet des fontaines a été évoqué dans la loi AGEC. Nous devons aller plus loin, dans ce domaine, en France mais également sur le plan international. Des petits pays comme le Rwanda ont d'ailleurs fait de grandes avancées à ce sujet.

Sur la question des interdictions détournées, nous l'avons vu s'agissant des couverts en plastique qui sont désormais qualifiés de réutilisables. Il parait difficile de lutter contre ces contournements ; je ne vois pas à ce stade de solutions à ce problème.

La loi AGEC a permis des avancées, c'est vrai. Je crois que les consciences s'éveillent, et que nous devons progresser également ; j'ai la conviction que nous devons agir plus vite et plus fort. Partout où nous pouvons réduire le plastique, nous devons agir. Nous devons continuer la mise en place des REP. Même si la loi vient d'entrer en application, il faut continuer à avancer car nous ne sommes pas allés suffisamment loin, notamment parce que tout le monde n'était pas suffisamment conscient du problème.

M. Philippe Bolo. - Monsieur Martin, nous pouvons évoquer les bioplastiques, qui sont par définition biodégradables et biosourcés. Les plastiques biodégradables ne satisfont pas nécessairement les obligations de certains secteurs, comme l'alimentaire. Les plastiques biosourcés, s'ils impliquent d'importer des polymères naturels de pays lointains avec des effets pervers de déforestation, ne semblent pas non plus souhaitables. La substituabilité n'est donc pas universelle et est moins importante que notre capacité à nous dispenser des plastiques.

Nous devons être attentifs au transfert de charges. Dans le cadre d'une audition, une sociologue de la consommation nous avait expliqué comment les innovations des industriels font disparaitre les charges qui pèsent sur les consommateurs, grâce aux objets jetables, dans le cadre d'un pique-nique par exemple. Ainsi, la charge disparait grâce au plastique, et nous nous habituons à ce confort quotidien. Pour s'en sortir, le consommateur doit accepter de reprendre certaines de ces charges à son compte.

Au sujet de la loi AGEC : nous devons faire plus d'évaluations. Légiférons moins et mieux.

Concernant la question de M. Prince, la réponse est complexe. Le système que vous évoquez peut fonctionner si le territoire n'est pas doté d'une consigne de tri. Il ne faut pas éliminer cette innovation, mais garder en tête les éléments positifs et négatifs associés. Plusieurs questions se posent : qui paiera pour le service associé ? Quel rôle jouera la collectivité territoriale dans la collecte du plastique ? Nos collectivités ont beaucoup investi et leur équilibre financier dépend de leur capacité à effectuer ce recyclage.

M. Jean-François Longeot. - En effet, c'est une question qui a été beaucoup évoquée lors des débats sur le projet de loi AGEC, notamment autour de la consigne. Les collectivités vertueuses qui ont mis en place des mécanismes de tri peuvent alors être privées de ressources pour rembourser leurs investissements et le coût de ce recyclage devra nécessairement augmenter pour les citoyens.

Mme Angèle Préville. - Il faut faire attention au terme de consigne, car cette machine n'en est pas une. Il est difficile de développer les consignes car ont disparu de France toutes les entreprises qui réalisaient le lavage des bouteilles, sauf une brasserie à Strasbourg. En effet, les recettes des collectivités qui ont investi dans le centre de tri dépendent des bouteilles plastiques mais également du papier et des canettes métalliques. Il est important de prendre en compte l'action de la collectivité.

M. Jean-Paul Prince. - Je tiens à souligner que cette solution peut être installée dans les villes pour trier directement les bouteilles, sans tri manuel derrière. Il s'agit surtout d'une simplification de l'industrie.

M. Philippe Bolo. - Nous ne voulons pas vous donner l'impression, monsieur Prince, qu'il n'y a que des effets négatifs à votre solution ! Elle permet de l'innovation, des emplois... On pourrait imaginer ce type de point dans les villes pour éviter des pertes de bouteilles mises dans les poubelles. Il s'agit simplement de s'assurer que ce nouveau paramètre ne dégrade pas le modèle économique actuel des collectivités.

Mme Marta de Cidrac. - Nous avions beaucoup débattu de la consigne lors du projet de loi AGEC et l'un des effets pervers aurait été la déresponsabilisation des consommateurs. Votre rapport le souligne, car vous vous intéressez à la production elle-même du plastique. Or, sur le volet de la consigne, nous avions identifié qu'un problème aurait été de donner le sentiment que le plastique n'était pas si mauvais que ça, puisqu'on pouvait le recycler. Il s'agit, comme vous l'avez dit tout à l'heure, d'une affaire d'équilibre.

Mme Laurence Muller-Bronn. - Je souhaitais témoigner également au sujet de la consigne, étant à la frontière avec l'Allemagne. Nos voisins outre-Rhin ont mis partout des consignes en verre, qui fonctionnent d'ailleurs très bien. J'aimerais dire que le premier sujet doit être celui de la production et que le recyclage n'est pas à favoriser. La visite de certaines infrastructures de recyclage m'a fait prendre conscience que cette situation, c'est en quelque sorte le serpent qui se mord la queue : il faut des produits à recycler pour alimenter les infrastructures afin de rentabiliser les investissements des collectivités, ces produits sont labellisés « recyclés » par des industriels et repartent sur le marché... Nos collectivités doivent arrêter d'investir de manière démesurée dans ce type d'infrastructures : les gens font des efforts, mais le coût de retraitement ne baisse pas avec la sophistication de ces infrastructures ! Et la sobriété n'est pas une solution pour eux, car les collectivités doivent récupérer leur investissement. Cette certification de recyclage est absurde, car il s'agit d'un déchet ultime. Il est nécessaire de le faire comprendre à la population, et qu'il y a une vraie nécessité de changer nos modes de production.

Un impératif est sans doute d'effectuer une campagne de communication, visant à présenter le plastique comme ringard. On voit comment la décision européenne d'interdire les couverts en plastique a été aussitôt détournée. Or, une campagne de communication permettrait de changer les esprits, et d'éviter que l'on aille dans le mur. L'éducation est également un vecteur important, dès la maternelle.

Enfin, je soulignerais qu'en Allemagne, il n'y a plus de poubelles dans la nature. Il faut intégrer que les déchets apportés doivent être remportés chez soi. Les poubelles débordent, servent à se dédouaner et coûtent cher à la collectivité. Il y a un vrai changement de mentalité à faire, et je crois que les habitants peuvent être prêts à ça.

M. Hervé Gillé. - Je souhaite revenir sur la question du droit international. De quelle manière cette conscience peut-elle être portée à l'échelle de l'Europe et d'une manière plus globale, notamment au niveau de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) ? En effet, ce phénomène est global, il concerne l'ensemble des pays. Afin d'avoir une action à moyen et long terme, il est nécessaire que cette prise de conscience pénètre l'ensemble des parties prenantes. Vous mettez en évidence un certain nombre d'évolutions, certes significatives, mais dont on voit bien les limites. Y-a-t-il des réflexions au niveau de l'OMC sur ce sujet ? Quelles seraient vos préconisations en la matière ? La mobilisation européenne et mondiale actuelle vous semble-t-elle suffisante ? Comment aller au-delà ?

M. Gilbert-Luc Devinaz. - Dans votre rapport, un axe concerne le soutien à la recherche et à l'acquisition de connaissances. Concerne-t-il également la recherche portant sur la destruction des plastiques ? J'ai vu dernièrement qu'il existait une bactérie se nourrissant de plastique : est-ce une piste sérieuse ?

En octobre, plusieurs ONG ont mis en évidence que la société Coca Cola était le premier pollueur au monde en matière de plastiques. Ne devons-nous pas responsabiliser ces entreprises ? N'y-a-t-il pas des mesures incitatives que nous pouvons prendre afin d'orienter ces entreprises vers d'autres matériaux que le plastique ?

Mme Angèle Préville. - Je partage votre position, Mme Muller-Bronn, sur la consigne en verre. L'avant-projet de loi « Climat » comporte d'ailleurs des dispositifs sur la consigne, qu'il faudra appuyer et éventuellement étoffer.

Au sujet de la suppression des poubelles, je suis également d'accord : la situation est bien meilleure sans poubelles - je pense par exemple aux problèmes engendrés par les poubelles des plages. Il y a effectivement des campagnes de communication à faire.

Au sujet du droit international, l'OMC repose sur un principe de libre-échange, ce qui va à l'encontre des contraintes que l'on pourrait imposer. La mobilisation de l'Union européenne est présente, mais peut-être pas suffisante ; nous pouvons jouer un rôle afin d'impulser des efforts pour un traité mondial. Cependant, nous n'en avons pas encore pris le chemin ; il s'agirait en premier lieu de réunir l'ensemble des grandes puissances émettrices de déchets.

La bactérie que vous mentionnez existe, monsieur Devinaz, mais il s'agit d'un processus extrêmement lent, et applicable uniquement pour certains polymères. Il ne s'agira jamais d'une solution suffisante pour résoudre le problème de la pollution plastique. Dans les faits, la pollution plastique existe et les bactéries qui auraient donc pu l'éliminer ne l'ont pas fait.

Quant aux ONG qui dénoncent les grandes enseignes et font des opérations de ramassage de déchets, elles font un travail, qui est important mais peut-être pas suffisant. Les grandes enseignes sont en effet pointées du doigt, mais est-ce assez pour qu'elles changent leurs pratiques ? En tout cas, ces ONG sont dans leur rôle et nous avons un autre rôle à jouer.

M. Philippe Bolo. - Pour revenir sur l'absence de poubelles dans l'espace public : ma commune a testé cette solution, mais les résultats n'étaient pas si concluants. Il y a un aspect de sensibilisation que nous n'avions pas fait, mais qui est essentiel ! À ce sujet, la sensibilisation la plus pertinente semble être à l'échelle des scolaires.

Au sujet du droit international, monsieur Gillé, je vois trois préconisations. Tout d'abord la traçabilité, qui ne vise pas à limiter les échanges mais à les documenter. Ensuite, il est nécessaire de demander l'accord au pays qui reçoit les déchets plastiques ; et, enfin, d'intégrer ces informations dans le bilan massique des entreprises, afin de disposer de toutes les informations sur les exportations et les importations. Ces informations permettent aux ONG ou autres parties prenantes de plaider, d'argumenter, et de ne pas nous défausser de nos responsabilités.

Sur la question des recherches : il s'agit en vérité de l'enzyme associée qui dégrade le plastique. Certaines pistes existent, comme les cyclodextrines, des molécules-cages qui contiennent les enzymes et peuvent les relâcher quand on le souhaite. Cependant, nous avons rencontré des acteurs qui nous indiquent que le seuil de rentabilité économique est de 400 000 tonnes de plastiques. Faut-il donc générer 400 000 tonnes de plastiques pour développer cette filière ? C'est une question qu'il faut se poser.

Mme Martine Filleul. - Je m'indigne avec vous, monsieur Bolo, de l'exportation de nos déchets vers les pays du Sud-Est asiatique, et notamment la Malaisie. Il s'agit d'un scandale environnemental mais également éthique. Vous avez évoqué quelques pistes pour limiter ces exportations, notamment la piste européenne d'obtenir l'accord des pays qui reçoivent les déchets, ou bien l'option des contrôles douaniers. J'aimerais attirer votre attention sur le fait que certains centres de tri ne sont pas complètement rigoureux et se débarrassent trop vite de déchets en les classant comme non-recyclables, avec derrière ces pratiques quelques circuits financiers opaques. Avez-vous eu connaissance de ces problèmes ? Pourrait-il être utile de renforcer également les contrôles internes, dans nos propres organisations ?

M. Joël Bigot. - Ce rapport nous rappelle certains moments vécus lors de l'examen de loi AGEC. Le « Plastiquocène » est une réalité environnementale objective que personne ne peut nier : la matière plastique pénètre les sols, les mers et les chaines alimentaires. La présence de microplastiques de 10 microns de diamètre a même été détectée dans le placenta des femmes enceintes. Aucun filtre ne peut retenir ces particules dans le corps humain, dont l'impact sanitaire est encore inconnu. Vous pointez d'ailleurs un déficit de la recherche au sujet de la pollution plastique. Existe-t-il à votre connaissance des moyens de dépollution des sols, notamment en ayant recours à la phytoremédiation ?

De plus, je tiens à souligner que dans un moment où l'on parle de réussir la transition écologique, l'éco-conditionnalité des aides à la recherche permettant d'améliorer la santé humaine me paraît être quelque chose de pertinent.

Le plastique est le troisième matériau le plus présent dans notre vie : pensez-vous que l'on pourra l'arrêter complètement ?

M. Guillaume Chevrollier. - Je souhaite vous interroger sur l'accueil réservé à vos travaux par les industriels du secteur de la plasturgie, qui font un certain nombre d'efforts. Comment les auditions se sont-elles passées ?

M. Jean-Michel Houllegatte. - Je m'associe au concert de louanges pour vous féliciter sur la qualité de ce rapport. Le bicamérisme qui caractérise les travaux de l'OPECST devrait faciliter la traduction législative de ces travaux. Ma question porte également sur la recherche : nous mesurons les impacts, nous effectuons de la recherche dans le domaine de la destruction des plastiques. Cependant, considérez-vous que notre recherche est suffisamment structurée en matière de substitution ? L'activité économique de mon département se caractérise par l'industrie agroalimentaire, qui valorise des produits locaux, souvent produits par des coopératives, grâce au plastique. Ces industriels se posent la question : que faire pour remplacer ces emballages nécessaires ? Ne faut-il pas un grand plan recherche à ce sujet ? La France est-elle la bonne échelle ou bien faut-il agir au plan européen ?

M. Philippe Bolo. - Au sujet des centres de tri qui ne sont pas rigoureux : ce genre d'informations n'est pas revenu jusqu'à nous. Ce que vous dites accentue encore plus la nécessité d'éviter ces exportations.

Monsieur Bigot, une mission d'information spécifique a été lancée à l'Assemblée Nationale au sujet des additifs toxiques, dont nous avons utilisé les résultats. Au sujet de la phytoremédiation : montons une visite à l'Ademe d'Angers ! Cependant, cette technique fonctionne mieux sur les métaux que sur les plastiques.

L'éco-conditionnalité des aides fait partie des recommandations de notre rapport. Mais il ne faut pas oublier que certains plastiques nous procurent des avantages. On peut citer par exemple les plastiques médicaux, on encore les plastiques dans le transport qui permettent d'alléger les poids des véhicules et les émissions. Il ne faut pas s'en priver totalement : les inconvénients de certains plastiques ne doivent pas amener à un abandon total.

Au sujet de l'accueil réservé par les industriels : une seule audition nous a été refusée, celle des métiers de la croisière. Les autres industriels nous ont tous présenté leurs actions et sont revenus vers nous ; il est important de bien distinguer les plastiques qui nous posent problème et ceux qui en posent moins. Les acteurs engagés dans des processus de substitution, de recyclage interne ne doivent pas subir les dommages collatéraux de ceux qui produisent des objets plastiques dont on pourrait se passer.

Il est important de ne pas créer d'autres problèmes en essayant de maîtriser celui-ci. Enfin, il faut souligner que les industriels du plastique doivent faire des efforts de simplification des formulations, afin de faciliter le recyclage. Encore une fois, il s'agit de bien positionner le curseur afin d'éviter les généralisations.

Mme Angèle Préville. - Au sujet des centres de tri : je me souviens de la première visite que j'ai effectuée. Le décalage entre les investissements nécessaires à ces centres et le faible volume des objets recyclés m'avait mise mal à l'aise.

Au sujet des problèmes de santé liés au plastique : nous sommes face à l'inconnu et il ne se passe pas un mois sans qu'une étude ne montre la présence de microplastiques dans le corps humain. Ceci devrait nous inciter à beaucoup réduire notre utilisation des plastiques. Il ne s'agit pas de les éliminer totalement, car ils ont de nombreux avantages : légèreté, durabilité... Mais le plastique jetable qui devient un déchet rapidement est un véritable problème.

Les industriels considèrent parfois que les parlementaires ne connaissent pas le sujet et qu'ils peuvent donc faire passer des messages, notamment que la faute est celle des citoyens. La fédération de la plasturgie, que nous avions auditionnée pendant l'examen de la loi AGEC, avait commencé à nous parler des amendements déposés sur l'interdiction des granulés de plastique vierges... que j'avais moi-même rédigés ! Les visites d'entreprises ont cependant été très fructueuses, elles ont suscité beaucoup d'intérêt et permis de d'entamer un dialogue.

La question de l'alimentaire est un vrai sujet : à la suite de ce rapport, des citoyens nous ont rapporté que dans les sites de méthanisation, ils retrouvaient des plastiques alimentaires dans les boues d'épuration. La question des contenants se pose, mais elle n'est pas simple, car ces habitudes se sont énormément développées, et aujourd'hui nous ne savons plus comment gérer une telle quantité de déchets.

Mme Laurence Muller-Bronn. - Nous sommes en plus dans une période de crise qui a développé le recours à l'emballage unique. Nous associons d'ailleurs le tout-jetable à l'hygiène, une orientation d'idées qui ne va pas dans le bon sens ! Je constate que tous ces emballages plastiques ont d'ailleurs pu être fournis, a contrario des masques. Nous allons à rebours de ce que nous devrions faire.

Mme Angèle Préville. - Nous savons d'ailleurs que le virus vit plus longtemps sur le plastique que sur les autres matériaux !

M. Jean-François Longeot. - Il s'agit d'un sujet sur lequel nous pourrions débattre pendant encore un long moment. Les questions soulevées concernent les plastiques mais également tout ce qui concerne nos déchets et il paraît clair que la meilleure solution est d'en produire moins. Un point important est également ce qui a été dit sur le fait de ne plus mettre de poubelles dans la nature ; j'avais moi-même déposé un amendement pour lutter contre les dépôts sauvages, un phénomène très important. Il faut s'attaquer au sujet de l'éducation, sensibiliser nos enfants !

Le sujet du tri est également important, avec un effet qui n'est pas toujours positif. J'ai été surpris dans mon département d'apprendre que le tri impliquait une diminution du nombre de déchets, ce qui voulait dire que l'on ne pouvait plus chauffer des quartiers entiers. Si le coût du tri et du traitement des déchets augmente, et qu'en plus, le tri fait du mal à notre modèle économique, les citoyens ne comprendront plus rien ! Il sera nécessaire d'avoir une réflexion globale sur notre manière de gérer nos propres déchets. Le déplacement que j'ai fait à Taïwan était à ce sujet très enrichissant, avec un travail très différent du nôtre sur la collecte et le tri des déchets.

Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.

La réunion est close à 12 heures 50.