Mercredi 21 octobre 2020

- Présidence de M. Christian Cambon, président -

La réunion est ouverte à 10 h 15.

Projet de loi de finances pour 2021 - Audition du général Philippe Lavigne, chef d'état-major de l'armée de l'air et de l'espace

M. Christian Cambon, président. - Mon général, merci d'avoir accepté cette invitation. Vous êtes entendu dans le cadre de l'examen du projet de loi de finances pour 2021.

Nous sommes un certain nombre à avoir pu mesurer la semaine passée à la base 105 d'Evreux, à votre invitation, les capacités de l'armée de l'air et de l'espace, ainsi que l'ampleur des défis que vous rencontrez et auxquels vous devez répondre. Cette base accueillera bientôt l'escadron franco-allemand de C-130. Nous tenons à vous remercier pour cette journée passionnante. Vous nous avez démontré tout le savoir-faire et l'engagement de vos militaires.

La loi de programmation militaire (LPM) doit permettre de répondre à l'ensemble des défis qui sont face à nous. Vous savez l'attention que nous portons à son exécution. Nous nous réjouissons que le projet de loi de finances pour 2021 soit conforme à la LPM.

Nous avons néanmoins quelques inquiétudes que je souhaitais signaler pour lancer le débat. Je voudrais souligner en premier lieu la problématique de l'exportation de nos Rafale. C'est la première fois que nous vendons des Rafale à un pays de l'Union européenne.

Le seul problème, qui va dans le sens du soutien que nous souhaitons vous apporter, est de savoir quelles sont concrètement les conséquences pour notre propre armée de l'air. Je rappelle que douze Rafale doivent être prélevés au profit de la Grèce. Six appareils neufs seront livrés ultérieurement.

Certes, en complément, la ministre a annoncé la commande de douze nouveaux Rafale, mais on ne fabrique pas un tel avion aussi facilement, et ceux-ci ne seront pas livrés à l'armée de l'air avant 2025. Comment va-t-on réaliser le « tuilage » de ces quatre années ?

Par ailleurs, la Croatie est à présent elle-même intéressée par l'avion de chasse français. Peut-être va-t-elle souhaiter elle aussi une livraison rapide. Prélever d'autres Rafale sur l'armée de l'air française au fur et à mesure qu'elle en achète risque de poser problème. Nous voudrions donc que vous nous disiez comment minimiser l'impact opérationnel de ce prélèvement. La ministre a évoqué une amélioration de la disponibilité des appareils. Cela sera-t-il suffisant ?

En second lieu, vous aviez indiqué l'an passé que vous deviez faire face à des vagues de départs qui n'étaient pas souhaitées. Quelle est la situation aujourd'hui ? L'épidémie a-t-elle perturbé le processus des recrutements ? Vous avez fait beaucoup d'efforts en direction de la jeunesse à travers les escadrilles air-jeunesse. Vont-ils commencer à porter leurs fruits ? Comment envisagez-vous la fidélisation des aviateurs placés sous votre commandement ? Comment en attirer de nouveaux ? La crise aura-t-elle comme conséquence de rendre un certain nombre de professions militaires plus attractives ?

Général Philippe Lavigne, chef d'état-major de l'armée de l'air et de l'espace. - M. le Président, Mmes et MM. les sénateurs, je vous remercie de m'accueillir au sein de votre commission, malgré les modalités inhérentes à la pandémie de Covid-19, pour faire avec vous le bilan de cette année 2020 très singulière, et pour dresser les perspectives de remontée en puissance qu'offre le PLF 2021, dans la lignée de la LPM.

2020 est d'abord l'année de naissance de l'armée de l'air et de l'espace, sur laquelle je reviendrai bien sûr.

Mais elle a aussi été marquée par la pandémie de COVID-19, qui a transformé nos méthodes de travail et a montré toute la résilience des armées, mobilisées aux côtés du personnel de santé au service de la Nation.

Elle a également été tragiquement endeuillée par la perte du SGC Pierre Pougin le 28 avril dans un accident d'hélitreuillage, et de Florian et Noémie, 2 jeunes lycéens scolarisés à l'Ecole des Pupilles de l'air, le 12 septembre dans le crash de leur DR400.

Pour autant les menaces n'ont pas faibli, bien au contraire.

Je voudrais tout d'abord vous exposer la vision que j'ai du monde aujourd'hui, décomplexé, imprévisible et fortement évolutif, ainsi que la manière dont l'armée de l'air et de l'espace y répond.

Grâce à la LPM, l'armée de l'air et de l'espace s'est vu délivrer des capacités supplémentaires déterminantes pour nos succès en opérations.

Mais face à la dégradation rapide et durable du contexte géopolitique et face à l'émergence de formes de conflictualité inédites, des nouveaux défis se dessinent, certains perdurent ; je les aborderai dans la dernière partie de mon propos.

Que vois-je dans le monde aujourd'hui avec des yeux d'aviateur?

Je vois d'abord un niveau de désinhibition inédit dans l'usage de la force, et notamment de la force aérienne et spatiale, qui vise à limiter notre liberté d'action par le recours à des outils de déni d'accès ou des démonstrations de puissance stratégique.

En Libye, le déploiement de MIG29 russes et de systèmes sol/air, rend le théâtre non permissif et entrave toute liberté d'action.

Au Levant, face à un regain de tensions, les Etats-Unis exigent de leurs alliés de ne disposer que d'avions polyvalents pour combattre le terrorisme tout en garantissant la supériorité aérienne nécessaire à la manoeuvre terrestre.

La Méditerranée est aujourd'hui le théâtre de tensions escalatoires. Elle est devenue pour la France une priorité politique, au même titre que le G5 Sahel, en proie à une instabilité accentuée par la situation politique, où l'emploi de l'arme aérienne est encore plus déterminant.

La zone indo-pacifique, fait l'objet de rivalités entre grandes puissances Alors que la France est le seul pays de l'UE géographiquement présent dans la zone, l'attente est forte de la part de nos partenaires américain, australien, japonais ou indien. Les sujets sécuritaires, humanitaires ou climatiques y demandent de la présence et de la puissance.

Dans cette désinhibition, nous assistons à une démonstration stratégique des grandes puissances : des vols à long rayon d'action américains de B2, B52 « bomber task force » effectuent des allers-retours aux Etats-Unis en passant par l'Europe; des bombardiers russes s'approchent de l'espace aérien OTAN en mer du Nord.

Notre espace aérien national est certes moins saturé depuis le début de la crise COVID, mais il fait l'objet d'une surveillance accrue : outre ces aéronefs russes à long rayon d'action approchant nos côtes et surveillés, voire interceptés en coopération avec les pays européens, le drone peut également constituer une menace qu'il faut savoir traiter, comme l'ont démontré les incursions sur des aéroports, l'attaque du site pétrolier saoudien d'ARAMCO ou leur emploi dans le conflit du Haut-Karabakh.

La menace dans la 3ème dimension est désormais élargie à l'espace. Nous couvrions une bulle de 15km d'altitude ; désormais notre plafond s'élève à 36000km ! Nous assistons à une démocratisation des pays mettant en oeuvre des satellites. Des objets non prédictifs changent d'orbite et se rapprochent. Le commandement de l'Espace observe depuis quelques mois la manoeuvre de 2 satellites militaires russes détectés pendant plusieurs semaines à 15m l'un de l'autre et dont l'un aurait libéré un objet propulsé.

Face à ces constats, l'utilisation de la 3ème dimension produit des effets de niveaux :

Politique : opération Hamilton en 2018, envoi de RAFALE en Méditerranée en aout dernier ;

Stratégique : dissuasion nucléaire aéroportée, capacités spatiales ;

Opérationnel dans tout le spectre des fonctions stratégiques (drone Reaper armé en BSS).

Le commandement de l'espace, créé le 3 septembre 2019, est une belle illustration de cette LPM de remontée en puissance, qui s'adapte aux nouveaux enjeux : l'année 2021 par exemple, sera marquée par des avancées capacitaires concrètes (lancement des infrastructures à Toulouse, livraison de satellites CSO2 (observation), CERES (spectre électromagnétique), Syracuse 4 (communication)).

À l'image de la montée en puissance du CDE, je tiens à saluer la trajectoire de la LPM qui, après 10 ans de baisse continue, s'exécute et offre, pour 2021, un budget de 39.2Md€, dont 22Md d'investissements en équipements et infrastructures.

Elle offre également une trajectoire croissante pour les ressources humaines des armées, et des mesures de fidélisation pour nos aviateurs, moteurs de nos réussites opérationnelles.

Cette LPM consolide les leviers dont dispose l'armée de l'air et de l'espace pour répondre aux objectifs politiques, de manière réactive, crédible et réversible, en tout point du globe avec une faible empreinte au sol.

Nous détenons ainsi 3 capacités clés : protéger la France et ses intérêts, dissuader et permettre la liberté d'action interarmées, intervenir vite et loin.

D'abord, protéger la France et ses intérêts grâce à la posture permanente de sureté aérienne : la police du ciel tenue par l'armée de l'air et de l'espace, veille, décolle sous très court préavis, intercepte, identifie et agit pour la protection de notre territoire et de nos concitoyens. En 2020, 305 décollages sur alerte de nos chasseurs et hélicoptères Fennec ont été réalisés à ce stade pour des pertes de contact radio, pénétrations de zones interdites, assistances en vol...

L'armée de l'air participe également aux missions de recherche et sauvetage (53vies sauvées en 2019), grâce à une flotte de PUMA fortement sollicitée et vieillissante. Je salue d'ailleurs la commande dans le cadre du plan de soutien aéronautique de 8 H225 qui contribueront au renouvellement des PUMA, en attendant les 12 supplémentaires espérés.

Je salue également la modernisation du RAFALE F3R, avec son missile METEOR qui contribue à la protection des intérêts français, mais aussi aux missions d'intervention notamment dans le domaine du haut du spectre.

C'est donc désormais jusqu'à une altitude de 36000km que nous est confiée la responsabilité de détecter, identifier et agir. Comme je l'ai évoqué, le CDE monte en puissance pour opérer dans, vers et depuis l'espace. Il contribue d'ores et déjà à l'appui aux opérations, au soutien aux opérations spatiales (le CDE a participé à la surveillance du lancement de la capsule américaine Crew Dragon en mai 2020), à la surveillance spatiale notamment grâce aux radars GRAVES et SATAM. À terme, une défense active de l'espace sera mise en place (un démonstrateur patrouilleur-guetteur YODA est en cours de développement).

Au-delà du déclaratoire (et je dois souligner que la stratégie de défense spatiale a apporté rapidement une grande crédibilité à la France) ; au-delà du déclaratoire donc, il y a l'action et des investissements : j'ai évoqué les très nombreuses livraisons capacitaires attendues en 2021. S'agissant des ressources humaines, l'objectif est d'atteindre un effectif de 450 à 500 personnes en 2025. L'infrastructure du CDE à Toulouse sera modulaire en 2021, et définitive entre 2023 et 2025 pour accueillir un Centre opérationnel dédié.

Ensuite, l'armée de l'air et de l'espace a la capacité de dissuader et permet la liberté d'action interarmées.

D'abord elle met en oeuvre la composante nucléaire aéroportée, en permanence, depuis 1964. Il y a quelques jours, nous retirions du service le 1er C135, entré en service le 20 janvier 1964 et totalisant plus de 36000 heures de vol. Il avait servi dès les premières heures de la dissuasion nucléaire française, et jusqu'à récemment dans l'opération Barkhane.

Les forces aériennes stratégiques réalisent tout au long de l'année des manoeuvres de montée en puissance et de démonstration de grande envergure de la composante nucléaire aéroportée. L'armée de l'air, plus largement, y entraine l'ensemble de ses moyens à des scenarii de très haute intensité, qui paraissent de plus en plus envisageables.

La composante aéroportée repose sur la triade modernisée : missile ASMPA-RAFALE-MRTT. Le 3ème MRTT a été livré en juillet 2020 et je salue l'arrivée des 3 A330 qui seront livrés entre 2020 et 2022 dans le cadre du plan de soutien aéronautique. Des choix structurants seront par ailleurs faits à partir de 2021 sur le futur missile ASN4G et le standard F5 du RAFALE qui l'emportera.

Ces moyens répondent à une logique d'emploi dual, à l'image du MRTT Phénix qui projette de la puissance, mais qui sauve aussi des vies dans sa configuration médicalisée MORPHEE et qui projette des forces, jusqu'à près de 260 passagers.

Plus largement, les avions de transport de l'armée de l'air permettent le déploiement de personnels et d'équipements, pour de la gestion de crise (comme l'opération AMITIE au Liban). Ils permettent également la projection de commandos ou de matériel au coeur d'un dispositif ennemi (un A400M parti de France a ainsi largué 17 tonnes de frêt par air au Mali avant de se poser sur la base aérienne projetée à Niamey).

Enfin, l'appréciation de la situation, en permanence et de manière autonome, à partir de la troisième dimension élargie est consolidée. Au-delà des capacités spatiales que j'ai abordées, nos moyens ISR ont été significativement améliorés en 2020 : le REAPER Block 5 livré à Cognac en janvier, en attendant un deuxième système en BSS fin 2020, apportera des capacités de renseignement et d'armement accrues. Les deux premiers avions légers de surveillance et de reconnaissance patrimoniaux auront été livrés en 2020 et un troisième sera commandé dans le cadre du plan de soutien pour une livraison en 2023, avancée de trois ans. Ces moyens ISR sont particulièrement utilisés aujourd'hui en Afrique et en Méditerranée.

Enfin, l'armée de l'air et de l'espace intervient vite et loin.

L'arme aérienne est particulièrement adaptée aux espaces lacunaires à forte élongation, comme la BSS. En témoigne le recours accru à la capacité combinée ISR-frappe, offerte par le Reaper armé depuis décembre 2019 avec près de 40 frappes déjà menées.

Au Levant, où le terrorisme se réactive, tandis que l'Iran et la Turquie déploient des drones dans le Nord de l'Irak et que les chasseurs russes patrouillent en Syrie, le Rafale F3R récemment déployé offre de nouvelles fonctionnalités indispensables pour agir dans un environnement complexe et peu permissif. Il a d'ailleurs effectué son premier tir dans l'opération Chammal le 12 septembre, détruisant une cache d'arme et neutralisant plusieurs terroristes.

Je voudrais ici insister sur deux points, qui sont essentiels pour que l'armée de l'air et de l'espace soit au rendez-vous de ses engagements opérationnels.

La préparation opérationnelle tout d'abord. Dans la troisième dimension, l'entraînement est nécessaire pour préparer les équipages à gérer des situations de combat éminemment complexes, à prendre des décisions vitales, en quelques secondes, sous fort facteur de charge, à proximité du sol et dans des conditions météorologiques parfois hostiles. La préparation opérationnelle des aviateurs est de ma responsabilité devant le chef d'état-major des armées. Je suis attentif aux moyens qui y sont consacrés : activité, équipements (petits et gros), environnement. La LPM offre une trajectoire favorable pour cela, c'est une nécessité.

Le deuxième point sur lequel je souhaite insister, c'est la nécessité d'entretenir nos coopérations pour préparer les opérations futures. Sur ce point, l'armée de l'air est particulièrement motrice. La pose de la première pierre, il y a quelques jours, de l'escadron franco-allemand de C130J à Évreux par les deux ministres des armées, est un exemple concret de coopération capacitaire et opérationnelle qui débutera dès l'été 2021.

En Afrique, dans la dynamique du sommet de Pau, l'armée de l'air travaille à renforcer le partenariat militaire opérationnel avec les pays du G5 Sahel, sur les volets formation, renseignement, coordination des moyens aériens.

Dans le domaine spatial également, la France est engagée depuis début 2020 dans la démarche « Combined Space Operations » visant l'interopérabilité entre les États-Unis, la Grande Bretagne, l'Australie, la Nouvelle-Zélande, le Canada et l'Allemagne dans les opérations spatiales.

Demain, nous nous apprêtons à faire face à des engagements plus durs, avec la résurgence des risques de conflits de haute intensité. Il faudra y être entraînés, et prêts à le faire aux côtés de nos alliés.

C'est pourquoi le premier défi qu'il me semble important d'anticiper est de disposer d'une aviation de combat dimensionnée en quantité et qualité pour pouvoir répondre aux contrats opérationnels. Le point de passage en 2025 à 129 Rafale est pour cela primordial, et les équipements (radars, armements) qui l'accompagnent sont tout aussi dimensionnants.

Dans un environnement complexe doté de moyens de déni d'accès, l'attrition est en effet à reconsidérer, ce qui justifie d'une masse globale suffisante. Aujourd'hui la masse nécessaire à toute opération d'ampleur est obtenue au travers d'opérations conjointes, interarmées, interalliées. Demain, la masse sera aussi décuplée par le combat collaboratif. La connectivité entre les effecteurs de tous les milieux sera nécessaire pour démultiplier les forces et produire un effet de saturation face aux systèmes de déni d'accès avancés.

Les travaux en cours sur le système de combat aérien futur s'inscrivent parfaitement dans cette dynamique grâce à son architecture de type « système de systèmes ». Il doit permettre à la fois de contrer le nombre et la puissance adverses, tout en défendant ses propres moyens. Et bien sûr il devra offrir des capacités de décision pour agir plus vite que l'ennemi. La volonté politique est très forte sur ce programme. La signature d'un contrat entre les trois nations France, Allemagne et Espagne, en 2021 sera primordiale pour tenir l'échéance d'un démonstrateur en 2026. Avec mes homologues allemand et espagnol, nous nous rencontrons régulièrement pour converger vers une architecture répondant aux attentes opérationnelles.

Mon deuxième défi porte sur le rôle confié à l'armée de l'air et de l'espace, en matière de coordination dans la troisième dimension. Le retour d'expérience COVID a d'ailleurs démontré toute la légitimité du Commandement de la Défense aérienne et des opérations aériennes, le CDAOA, pour coordonner en situation de crise la manoeuvre initiale interzonale des moyens aériens.

Ce rôle est aussi légitimé en particulier par son expertise dans le domaine de la lutte anti-drone, exercé lors des différents dispositifs particuliers de sureté aérienne (14  juillet...). Le caractère résolument interministériel de la mission de sûreté aérienne et les délais très courts des processus décisionnels positionnent naturellement le CDAOA au coeur de cette coordination interministérielle pour la lutte anti-drone. Nous montons en puissance, dans la perspective de la Coupe du monde de rugby en 2023 et des JO 2024.

Un autre enjeu capacitaire majeur dans la coordination 3D est le système de commandement et de contrôle des opérations aériennes (SCCOA). Le programme ACCS confié à Thales est un enjeu majeur pour la coordination des opérations aériennes à l'échelle de l'OTAN. Des progrès notables et de bon augure ont été enregistrés en 2020. Ils permettent d'envisager une mise en service opérationnelle avant 2030. D'ici là, le système actuel STRIDA devra être mis à niveau, afin de poursuivre les missions permanentes de sureté aérienne et la conduite des opérations depuis le centre de Lyon Mont Verdun.

Mon dernier défi, qui ne vous surprendra pas, ce sont les aviateurs. COVID a démontré encore une fois leur engagement, leur réactivité et leur efficacité. Je remercie en particulier les mécaniciens qui ont oeuvré pendant tout le COVID pour que les avions volent et que les opérations continuent.

2020 a été une année très particulière pour les RH. La conjoncture, temporaire, a induit un nombre moindre de départs, alors que les recrutements ont été finalement peu impactés par la crise, au bénéfice d'un plan de communication actif et d'une image dynamisante de l'Armée de l'air et de l'espace.

Le moral des aviateurs est bon, malgré une fatigue légitime liée à une très forte activité sur tout le spectre ; car même si la LPM et l'A2PM ont octroyé des droits supplémentaires, il me manque encore des ressources dans certains domaines (protection des emprises, contrôleurs, informaticiens) qui pèsent sur les effectifs.

Et je dois maintenir les efforts sur la fidélisation pour ne pas laisser partir des personnels très qualifiés. C'est tout l'enjeu de la NPRM : mes attentions portent sur la valorisation des compétences spécifiques et des absences répétées des aviateurs engagés.

La modernisation des formations est un levier important. Le maintien d'une activité satisfaisante contribue également à la fidélisation, ce qui ramène à l'effort réalisé sur le maintien en condition opérationnelle des matériels aéronautiques. Je ne développerai pas ces points faute de temps, mais nous pourrons y revenir si vous le souhaitez. J'y suis très attaché.

Enfin, l'accent mis par la madame la Ministre sur les plans Famille et Hébergement porte ses fruits, puisque près de 2500 places de crèches supplémentaires ont été attribuées et l'armée de l'air touchera près de 8600 lits supplémentaires sur ses emprises entre 2019 et 2025.

En conclusion, l'armée de l'air vient de vivre un moment historique en devenant l'armée de l'air et de l'espace.

Forte des capacités que lui offre la LPM, forte de ses aviateurs tournés vers l'avenir et forte de ses succès en opérations, elle s'apprête désormais à relever de nouveaux défis : « voir de plus haut, décider plus vite et être plus fort ».

Vous êtes toujours les bienvenus sur nos bases aériennes pour le constater!

J'ai d'ailleurs eu le plaisir d'accueillir certains d'entre vous à Evreux jeudi dernier, lors de la présentation des capacités de l'armée de l'air et de l'espace.

Et je vous invite d'ores et déjà, au colloque sur la « puissance aérienne et la maitrise de l'espace », le 24 novembre à l'École militaire, au cours duquel j'exposerai plus en détail ma vision stratégique pour l'armée de l'air et de l'espace.

Pour répondre à votre première question concernant l'export Rafale monsieur le Président, ce seraient, non pas douze Rafale d'occasion qui pourraient être cédés en 2021, mais six, suivis d'une livraison de six Rafale neufs, puis d'une autre cession de six Rafale d'occasion. L'objectif rappelé par Mme la ministre est que l'armée de l'Air et de l'espace dispose de 129 Rafale en 2025, conformément à ce qui est inscrit en LPM.

Comme je vous l'ai dit, la modernisation de l'aviation de combat est nécessaire au chef d'état-major des armées pour pallier le retrait d'un certain nombre de Mirage 2000, notamment l'ensemble des Mirage 2000-C et quelques Mirage 2000-D qui ne seront pas rénovés. Afin d'assurer un « effet biseau » , il faudra livrer une trentaine de Rafale avant 2025.

Après 2025, les Mirage 2000-5 seront à leur tour progressivement retirés du service. C'est pourquoi une commande d'une trentaine de Rafale supplémentaires est prévue pour une livraison avant 2030.

Face aux hypothèses d'export, le recomplètement en avions RAFALE sera absolument essentiel. Et la cession d'un avion impliquant celle de matériels d'environnement associés (lance-missiles, radars, ...), nous oeuvrons avec tout l'écosystème pour compléter l'ensemble des équipements, en plus des avions.

Temporairement, le parc d'avions utilisable pour exécuter les missions opérationnelles et d'entraînement sera donc réduit. Nous travaillons avec Dassault et l'ensemble de la base industrielle et technologique de défense (BITD) pour améliorer la disponibilité de ce parc, notamment à travers le contrat RAVEL signé en 2019. Ce contrat a déjà produit une augmentation de 10 % de la disponibilité des Rafale. Avec la direction de la maintenance aéronautique (DMAé), les industriels, la DGA et le ministère, nous faisons effort sur la réduction du nombre d'avions en attente de pièces qui doit influer positivement sur la disponibilité. Ceci permettra une meilleure activité des équipages et la formation des plus jeunes.

Pour ce qui est de la Croatie, les négociations sont en cours. Nous travaillons donc sur un calendrier compatible avec les hypothèses d'export grec, selon les mêmes principes : recomplètement, augmentation de la disponibilité.

Pour ce qui est des ressources humaines, vous m'avez interrogé, monsieur le Président, sur le recrutement et la fidélisation. Comme je vous l'ai dit, l'armée de l'air et de l'espace reste très attractive. Nous avons fixé un niveau annuel de recrutement, de l'ordre de 3000 personnes, qui malgré le contexte de la pandémie COVID-19, se réalise sans grande difficulté. Les objectifs de recrutement seront du même ordre de grandeur pour 2022, et en augmentation pour 2023. Selon un sondage « Harris Interactive et le Figaro Etudiant », l'armée de l'Air et de l'Espace est l'entreprise préférée des étudiants et jeunes diplomés dans la catégorie « institutions et établissements publics ».

Comme je vous l'ai exposé, la fidélisation s'opère par le biais des rémunérations, des primes, mais aussi grâce à la modernisation des outils de formation, à une préparation opérationnelle modernisée et complète, et à l'attractivité des activités en opérations. Une activité satisfaisante contribue indéniablement à la motivation. Je me réjouis des chiffres d'activité aérienne qui, malgré l'épidémie de Covid-19, avoisinent les 95 % de l'activité prévue sur la chasse et les hélicoptères, et 80 % sur le transport du fait de la fermeture de très nombreuses frontières internationales et d'une disponibilité compliquée du C-130.

La motivation et la fidélisation de nos aviatrices et de nos aviateurs passe également bien sûr par la reconnaissance de leur action sous toutes ses formes et par les nombreuses mesures qui sont prises en faveur de la famille et de l'hébergement.

M. Cédric Perrin, co-rapporteur du programme 146. - La France a acquis en 2013 quatre systèmes de drones Reaper. Trois sont aujourd'hui disponibles. La livraison du quatrième système est attendue prochainement. Le taux de projection de cette capacité est évidemment impressionnant, deux systèmes étant déployés à Niamey mais avons-nous une capacité suffisante ? Les deux premiers systèmes livrés doivent être rénovés comme prévu. Pendant combien de temps ces drones seront-ils indisponibles ? La rénovation va-t-elle avoir lieu en France ? Il fut un temps où General Atomics évoquait cette possibilité. Pouvez-vous nous apporter une réponse à ce sujet ?

Une solution de location est envisagée pour remplacer le véhicule perdu à Niamey en 2018. Cette solution pourrait-elle nous permettre d'accroître nos capacités ? À quel coût ?

Par ailleurs, la réalisation du projet de drone MALE européen doit être prochainement lancée, pour une livraison du premier système à la France, initialement prévu en 2026, repoussée en 2028, si mes souvenirs sont bons. Disposerons-nous d'ici là d'une capacité suffisante ? Le Royaume-Uni, vous le savez, a décidé d'acquérir à l'horizon 2023 une version du Reaper, le Sky Guardian, qui est homologuée sans restriction pour la surveillance du territoire national et européen.

Enfin, l'armement du Reaper, que nous avions demandé et obtenu avec Gilbert Roger en 2017, est désormais mis en oeuvre. Quels sont les premiers retours d'expérience ? Pouvez-vous nous apporter des précisions sur l'usage de cette force au Sahel, comparativement à l'usage de moyens aériens classiques ?

Je rappelle que, dans notre rapport, nous avions souhaité qu'un compte rendu quasi annuel puisse être fait devant le Parlement. Pour l'instant, cela n'a pas été le cas, mais peut-être pourriez-vous nous en dire quelques mots...

Mme Hélène Conway-Mouret, co-rapporteure du programme 146. - Mon général, merci pour votre enthousiasme. Cela fait du bien ! Félicitations également pour votre très beau logo et votre nouveau nom. La partie espace montera progressivement en puissance au cours de la LPM, ainsi que vous l'avez très bien rappelé.

Je voudrais aborder deux points directement liés à notre autonomie stratégique. Tout d'abord, l'espace est un nouveau champ de confrontations potentielles. Nos satellites militaires, comme les satellites civils, sont menacés par la prolifération des débris spatiaux. Une rénovation du radar GRAVES de l'ONERA a été engagée. Cela suffira-t-il pour continuer de parler d'égal à égal avec nos amis américains ? Pouvons-nous, demain, envisager une autonomie stratégique à l'échelle européenne dans ce domaine ?

Second point, le projet de loi de finances prévoit 100 millions d'euros au profit du CNES pour le développement de lanceurs spatiaux. Vous avez parlé de chiffres beaucoup plus importants, de l'ordre de 23 milliards. La somme de 100 millions paraît assez limitée. Ces crédits sont-ils bien des crédits supplémentaires pour le CNES ? N'a-t-on pas pris un retard difficilement rattrapable si l'on considère l'apparition de lanceurs renouvelables, l'extension des applications spatiales ou encore l'abaissement des coûts ? Ne pensez-vous pas qu'il est aujourd'hui nécessaire de revoir le modèle industriel européen ?

M. Olivier Cigolotti, co-rapporteur du programme 178. - Mon général, merci d'avoir attiré l'attention sur la préparation de vos personnels et la disponibilité de vos moyens aériens. J'aurais une question complémentaire concernant la livraison des Rafale à la Grèce et, éventuellement, à la Croatie. Les encadrants en matière de formation seront-ils épargnés par les obligations SOUTEX ? L'armée de l'air ne va-t-elle pas perdre à la fois des heures de vol et des formateurs ?

Concernant le maintien en condition opérationnelle, nous attendons toutes et tous une réactualisation de la LPM pour rattraper le sous-dimensionnement initial du besoin. Quelle en est votre évaluation, notamment concernant l'entretien programmé du matériel ?

S'agissant de la DMAé, quels objectifs prioritaires avez-vous éventuellement fixés à cette nouvelle direction ?

Enfin - question récurrente -, quand pensez-vous atteindre la norme d'activité individuelle de 180 heures pour chaque pilote de chasse ?

M. Pascal Allizard, co-rapporteur du programme 144. - Mon général, nous constatons un manque d'ambition et de moyens européens dans le domaine spatial. Cela constitue-t-il pour vous un facteur d'inquiétude, au moment où les armées françaises se dotent d'un commandement spatial ?

Deuxièmement, les difficultés récurrentes de l'ONERA éveillent-elles la vigilance de l'armée de l'air ?

Qu'en est-il par ailleurs de l'avancement du projet de laboratoire d'innovation spatial des armées ?

Enfin, quel est, de votre point de vue, l'état de la coopération avec les Britanniques ? Quels espoirs, pouvons-nous fonder quant à une implication plus grande dans les OPEX ?

M. Ronan Le Gleut. - Mon général, à Évreux, vous avez déclaré qu'il fallait à présent que le système de combat aérien du futur (SCAF) décolle. Pour un système de combat aérien, c'est un terme tout à fait approprié. Une séquence électorale démarre en septembre 2021 en Allemagne avec les législatives, pour se poursuivre en mai 2022 avec l'élection présidentielle française.

Dans le rapport que nous avons rédigé avec Hélène Conway-Mouret, nous avons souhaité que le SCAF accélère et qu'une phase rendant le programme irréversible soit franchie avant l'été 2021. Pensez-vous que ce soit possible ? Cette phase dépasse le milliard d'euros. Nous avons cité en exemple le projet avorté franco-britannique, pour lequel les montants déjà engagés étaient équivalents à ceux actuellement envisagés pour le SCAF.

M. François Bonneau. - Mon général, dans le cadre de la sollicitation, voire de la sursollicitation de nos appareils sur les théâtres d'opérations, quelle est aujourd'hui, en pourcentage, la capacité opérationnelle de nos appareils, notamment les Rafale et les hélicoptères de combat ?

M. Philippe Folliot. - Mon général, bravo pour votre présentation, digne d'un auditeur de la soixantième session de l'IHEDN et d'une première ligne de rugby !

La capacité de projection de l'armée de l'air et de l'espace constitue un élément important pour notre pays, qui est l'un des seuls à pouvoir entrer sur le théâtre des opérations de façon aéroportée. Il est en conséquence nécessaire d'avoir des moyens en matière d'aéronefs. Sur les dix-sept A400M dont nous disposons, combien sont aujourd'hui opérationnels ? Quels sont les autres moyens s'agissant des capacités d'entraînement de nos forces aéroportées, notamment en termes de CASA ? Que pourrait-on faire à l'avenir pour avoir une possibilité d'utilisation des matériels plus importante qu'aujourd'hui ?

M. André Gattolin. - Mon général, nous avons tous été choqués par les négociations concernant le cadre financier pluriannuel 2021-2027, qui est très loin des objectifs qui avaient été fixés. Néanmoins, quelque chose d'intéressant semble se produire au niveau européen. On a eu l'occasion de l'analyser dans le rapport que nous avons réalisé avec mon collègue maintenant président de la commission des affaires européennes, Jean-François Rapin, au sujet de la politique spatiale de l'Europe. On se détache de la forme de coopération purement civile qui était celle de l'Agence spatiale européenne pour aller vers une agence de l'Union pour le programme spatial européen, dont la vision de la politique spatiale est beaucoup plus duale, souveraine et intégrée.

Ce type de politique spatiale peut-il être intéressant pour nous, notamment dans l'objectif du renforcement de nos capacités actuelles de veille stratégique et de suivi des opérations à partir des instruments dont nous disposons, comme Copernic ou Galileo ?

Général Philippe Lavigne. - M. Perrin, nos drones Reaper sont effectivement utilisés de manière intensive en BSS en particulier, d'une part pour des missions de renseignement, en complément des capacités offertes par les avions légers de surveillance et de reconnaissance, par les chasseurs et bien sûr par le renseignement d'origine spatial. Ils y sont également fortement employés pour des actions cinétiques.

Je salue la livraison de deux nouveaux systèmes pour 2020: l'un est en cours de montage à Cognac, sur lequel sont d'ailleurs formés nos mécaniciens ; l'autre sera prochainement livré directement en BSS. Ce qui portera à 4 le nombre total de systèmes Reaper.

Ces deux systèmes, livrés en 2020, sont au standard « Block 5 », qui offrira progressivement des capacités supplémentaires, en matière d'armement et de renseignement d'origine électromagnétique. La rénovation des deux systèmes Reaper Block 1 au Block 5 est prévue aux Etats-Unis entre 2022 et 2023, suivant un calendrier qui sera sans incidence sur les opérations.

Nous sommes dans l'attente du drone MALE européen, à l'horizon 2028-2030, qui vise à assurer l'autonomie stratégique des quatre nations européennes impliquées, la France, l'Allemagne, l'Espagne et l'Italie. Ce drone sera plus puissant, plus rapide, pourra emporter davantage de charges et pourra évoluer au sein du trafic aérien général.

Mme Conway-Mouret a évoqué la surveillance de l'espace et les débris spatiaux. La système GRAVES, est un des moyens dont dispose l'armée de l'air et l'espace pour assurer la surveillance spatiale. Sa rénovation ne sera pas suffisante. Des études sont en cours sur son successeur. Par ailleurs, conformément à la stratégie spatiale de défense, des données sont et seront acquises par le biais de contrats de service pour améliorer la surveillance en orbites basse et géostationnaire. Il existe déjà deux contrats, un de type optique passé en 2019 et un de type radiofréquence passé en 2020. L'objectif recherché est de mixer les types de capteurs, civils et militaires, pour disposer de la meilleure connaissance possible de la situation spatiale. Cet effort devra être poursuivi en particulier pour la surveillance de l'espace depuis l'espace.

Vous avez également évoqué l'autonomie stratégique européenne. Elle fait l'objet de travaux, notamment avec l'Allemagne, afin d'augmenter notre niveau global dans le domaine de la surveillance spatiale, dans un esprit de complémentarité, pour détenir ensemble une plus grande capacité à surveiller l'espace. La France a, je crois, lancé une dynamique, grâce à sa stratégie spatiale de défense, et de coopération notamment européenne. Cette dynamique doit être poursuivie. Nous réfléchissons par exemple à réaliser des lancements plus réactifs.

M. Cigolotti, l'armée de l'air et de l'espace est sollicitée par de nombreux pays du fait de sa crédibilité en matière de formation. Il existe cependant des limites. Nous avons en effet connu le départ d'une partie de nos pilotes qui pénalise notre capacité à former. Ces départs ont toutefois été ralentis du fait de la pandémie de Covid-19.

Mais nous sommes ainsi passés de flux de 50 pilotes en formation par an à 100 pilotes, qui sollicitent grandement notamment notre escadron de transformation Rafale. Pour ce qui est de la formation dans le cadre du soutien aux exportations du RAFALE, il existe une « fenêtre de tir » début 2021 compte-tenu de la conjoncture. Il s'agira de toute évidence d'un travail d'équipe : nous pourrions assurer la formation des primo-formateurs avant de passer le relais aux industriels, sur le modèle suivi par les pilotes de RAFALE indiens qui sont maintenant en cours de formation chez Dassault, à Bordeaux.

Au-delà de la coopération en matière de formation, nous poursuivrons les interactions avec des échanges opérationnels, car c'est ce que recherchent les pays qui veulent acheter des RAFALE.

S'agissant du MCO, vous avez évoqué le sous-dimensionnement initial du besoin financé en LPM. Mme la ministre s'est exprimée dernièrement à Clermont-Ferrand, lors de sa visite au service industriel aéronautique (SIAé). L'effort passe évidemment par le travail réalisé par le ministère sur les marchés verticalisés, sous la direction de la DMAé : le contrat RAVEL, par exemple, a pour objectif d'augmenter la disponibilité des flottes de Rafale de 10 %. D'autres contrats ont été signés dernièrement : CHELEM concernant les Cougar et les Caracal notamment.

Un autre levier d'amélioration du MCO aéronautique porte sur la modernisation de notre soutien opérationnel. Vous avez déjà entendu parler du projet NSO 4.0 qui a permis, grâce à l'effort de nos mécaniciens, de progresser sur la réduction des temps de visite et de préparation des avions. Un travail est mené afin d'accroitre la dynamique entre tous les acteurs.

Le troisième facteur qu'il convient de réduire impérativement est le délai de livraison à nos armées des matériels neufs. Ces retards imposent de prolonger l'activité de flottes anciennes, qui génèrent un taux d'indisponibilité particulièrement important.

Vous avez évoqué les normes d'activité, fixées par l'OTAN à 180 heures de vol annuelles pour les pilotes de chasse. La LPM prévoit de rejoindre cette valeur progressivement par paliers. Pour l'année 2020, la LPM prévoyait une activité de 164 heures par pilote de chasse. Nous allons connaître une année particulière du fait de la Covid-19, mais nous assurerons 95 % de l'activité prévue, ce qui est exceptionnel, et ceci grâce au travail de nos mécaniciens.

M. Allizard m'a interrogé sur le programme 144 en revenant sur le manque d'ambition de l'Union européenne concernant l'espace. Je pense, comme je l'ai dit, qu'une dynamique est en cours, avec une réelle prise en compte de la dualité entre le civil et le militaire pour savoir ce qu'il se passe dans l'espace.

Quant à l'ONERA, il s'agit d'un partenaire très important, pour l'armée de l'air comme pour les autres armées, du fait de son très haut niveau de qualification et d'expertise dans de très nombreux domaines. Il est donc nécessaire que son financement soit à la hauteur de cette ambition. Je laisse le soin au délégué général pour l'armement de vous en parler lorsque vous l'auditionnerez.

Vous m'interrogez sur le laboratoire d'Innovation Spatiale Militaire (LISA), créé en 2019 dans l'Aerospace Valley de Toulouse. Porté par le commandement de l'espace, il constitue un véritable incubateur d'innovation pour l'espace militaire et ses applications. Quatre projets sont d'ailleurs en cours, tels qu'un outil de simulation pour les opérateurs de satellites militaires.

S'agissant de la coopération avec les Britanniques, elle comporte essentiellement deux volets, opérationnel et capacitaire. Sur le plan opérationnel, la « Combined Joint Expeditionnary Force », qui renforce la capacité des armées française et britannique à conduire des opérations conjointes, atteint sa pleine capacité opérationnelle. En BSS, la contribution britannique aux missions de transport tactique, grâce aux hélicoptères Chinook, est précieuse. Elle est prolongée jusqu'en 2021. Nous allons par ailleurs travailler sur la projection de chasseurs RAFALE avec des ravitailleurs aussi bien britanniques que français.

La police du ciel est également un axe fort de coopération opérationnelle. J'en veux pour preuve les actions que nous menons conjointement lorsque des avions à long rayon d'action russes descendent du Grand Nord, ou encore la mise en commun des données radars et l'augmentation des mesures actives transfrontalières.

Sur le plan capacitaire, nous étudions en coopération le remplacement du missile de croisière SCALP et nous partageons sur la lutte anti-drone.

M. Le Gleut a repris une formule que j'emploie: oui, le SCAF doit décoller ! En effet, la phase 2021-2026 est capitale. Elle doit être lancée avant l'été 2021. La volonté politique est très grande pour signer ce contrat au printemps 2021 afin de disposer de démonstrateurs en 2026. Les trois armées de l'air travaillent avec les industriels et les DGA de nos trois pays. Nous cherchons à définir l'architecture de ce système de combat - grands principes, avion de combat futur, drones, réseaux. Les armées de l'air seront au rendez-vous. Le défi est important à relever pour les industries. Le DGA pourra également vous en parler.

M. le sénateur Bonneau m'interroge sur les capacités opérationnelles de nos avions de combat, notamment lors des opérations. Comme je l'ai dit, nous avons besoin d'avions de combat polyvalents capables d'offrir la supériorité aérienne. Ces capacités sont améliorées grâce à la rénovation du Rafale qui est en cours dans sa nouvelle version F3R qui offre en outre des capacités air-sol accrues.

Le développement du prochain standard du Rafale, F4, également prévu, vise à mettre en cohérence les capacités du Rafale avec les exigences des engagements opérationnels récents et à venir, autour de quatre piliers clés : engagement, avec des armements plus performants, survivabilité augmentée par des outils de guerre électronique et radar, disponibilité, essentielle en opérations, et enfin connectivité, première brique du système de combat aérien futur.

M. Folliot, en termes de capacité de projection, la disponibilité augmente. Sur l'A400M, le contrat d'objectif actuel se situe à 6. Parfois, 11 appareils sont en ligne. L'A400M récemment déployé en Polynésie française n'a souffert d'aucune panne pendant plus d'un mois, malgré un nombre de vols importants.

S'agissant des capacités opérationnelles de l'A400M, depuis fin 2019 le largage d'une trentaine de parachutistes est possible, de même que le largage par gravité de 20 tonnes de fret, comme je l'ai évoqué dans mon propos liminaire. En 2021, de nouvelles capacités seront qualifiées : largage de parachutistes par les deux portes, largage de fret par éjection, autoprotection renforcée et ravitaillement en vol de chasseurs. En 2022 enfin, l'A400M permettra de larguer automatiquement 116 parachutistes.

Les 27 CASA de l'armée de l'air, dont la disponibilité est très correcte, apportent une capacité de transport médian complémentaire. Il me parait également important de citer le commandement européen du transport aérien (EATC), qui permet la mutualisation des capacités de transport stratégique et tactique des 7 nations engagées et représente un véritable succès dans la coopération européenne de défense.

M. Gattolin a évoqué l'évolution de la politique spatiale européenne, plus duale, souveraine et intégrée. Comme je l'ai souligné précédemment, la France n'est pas en retard. Au contraire, elle imprime une réelle dynamique à l'échelle européenne. La qualité de nos échanges dans le domaine spatial avec nos alliés américains atteste également de la crédibilité dont nous jouissons déjà. Le commandement de l'espace a proposé pour la France sa candidature en tant que centre d'excellence OTAN. Une décision est attendue début 2021 mais l'évaluation de la proposition française est d'ores et déjà jugée très crédible. En matière de formation spatiale, l'Institut supérieur de l'aéronautique et de l'espace (ISAE) travaille avec notre Ecole de l'air à la mise en place d'une académie spatiale de défense conformément à notre stratégie spatiale de défense. Le sujet de la dualité est nécessaire et prendra tout son sens avec l'intégration du CDE à Toulouse au sein du CNES et de l'écosystème reconnu du spatial français, voire européen. Je pense qu'il existe un intérêt à poursuivre cette montée en puissance et à s'appuyer sur cette dualité.

M. Christian Cambon, président. - Merci, mon général, pour l'ensemble de ces précisions. La commission sera attentive, au cours de l'année 2021, qui sera l'année de l'actualisation de la LPM, au respect des engagements qui ont été pris et régulièrement renouvelés, notamment par le Président de la République.

Vous avez absolument besoin de ces nouveaux matériels. Nous allons bien évidemment être plus particulièrement sensibles à l'affaire des Rafale afin que vous ne soyez pas pénalisés. Nous sommes à vos côtés.

J'ai fait une proposition au nom de la commission. Nous essaierons de l'introduire au moment du budget par un amendement afin de créer un compte d'affectation spéciale pour que la recette que nous tirerons de la vente de ces Rafale revienne au ministère des armées pour le financement des appareils complémentaires dont nous avons parlé. Je me méfie toujours de Bercy, pour ne pas le nommer, qui pourrait être tenté de fondre cela dans les ressources générales du budget. Je souhaite absolument que vous puissiez récupérer cet argent pour financer l'achat des 129 appareils dont nous avons absolument besoin en 2025.

Encore merci pour l'accueil que vous nous avez réservé à Évreux. Nous essaierons de vous rencontrer à nouveau en 2021.

Général Philippe Lavigne. - Ce sera avec un très grand plaisir, monsieur le président. Il est important de signaler que cette très bonne exécution de la LPM nous permet de disposer de capacités pour répondre aux nombreux enjeux et sollicitations opérationnelles.

Quant au Rafale, tout est fait au sein du ministère pour minimiser l'impact opérationnel de ces cessions.

Projet de loi de finances pour 2021 - Audition de M. Joël Barre, délégué général pour l'armement (en téléconférence)

M. Christian Cambon, président. - Monsieur le délégué général pour l'armement, merci d'avoir accepté notre invitation. Je commencerai par des compliments : dans nos visites successives aux forces armées, nous observons réellement la concrétisation de la LPM et les efforts conduits par la direction générale de l'armement (DGA). L'éreintement si souvent évoqué ces vingt dernières années commence à faire partie de l'histoire. Au titre des réussites, je citerai le récent tir de missile de croisière naval par le sous-marin nucléaire d'attaque Suffren. Le MdCN, tiré pour la première fois depuis un sous-marin, renforce considérablement la capacité de frappe de notre marine. Je souhaitais vous adresser mes félicitations, car ces résultats sont dus à l'engagement de la DGA.

Nous nous réjouissons de vous recevoir à l'occasion de l'examen du PLF 2021. Nous sommes particulièrement désireux de recueillir votre analyse sur le contexte de ce PLF, le troisième de la LPM.

La crise sanitaire a entraîné de nombreuses perturbations. Nous souhaitons savoir si un risque de sous-consommation des crédits est à déplorer du fait de la covid-19.

En particulier, sur les nouveaux véhicules blindés Griffon : moins d'une centaine devrait être livrés en 2020, au lieu des 128 prévus. Je crois que seuls 31 véhicules ont été reçus pour le moment, ils sont très attendus. Nous sommes très attentifs à la sécurité de nos troupes, notamment celles engagées dans les OPEX. Ces nouveaux matériels offrent des conditions de sécurité bien supérieures à ce que nous connaissions auparavant. Le retard pris en 2020 pourra-t-il être rapidement rattrapé ?

La DGA a été réactive face à la crise sanitaire. Un plan de soutien à la filière aéronautique d'un montant de 600 millions d'euros a été annoncé par le gouvernement en juin. Dans ce cadre, trois avions de transport et de ravitaillement MRTT ont été commandés cet été. Cela était attendu par nos industriels.

La DGA a participé à la recherche de solutions innovantes dans la lutte contre la covid-19 et s'est fortement impliquée dans le soutien à la BITD. Elle a notamment mis en place une indispensable cellule de soutien aux entreprises. Quel diagnostic faites-vous de l'impact de la crise sur les industriels, sur la BITD ? Quel est le bilan de l'action de cette cellule de soutien ?

Enfin, comment envisagez-vous l'actualisation de la LPM, moment fort de 2021 ? Nous nous réjouissons de la mise en oeuvre de la LPM 2019-2025, sur les trois exercices, conformément aux prévisions. Nous avons quelques inquiétudes : le coût d'achat de nouveaux Rafale ou encore les conséquences de l'incendie du sous-marin La Perle ne sont pas financés. Nous sommes attentifs aux informations que vous pourrez nous apporter.

Des marches budgétaires très importantes de la LPM restent à franchir : 3  milliards d'euros annuels, jusqu'à 44 milliards d'euros en 2023 et un effort de remontée en puissance qui devra être poursuivi. Sommes-nous d'accord sur le fait que l'actualisation de la LPM prendra la forme d'une loi ? Il s'agit en tout cas de la position du Sénat, nous l'avons rappelée au gouvernement.

M. Joël Barre, délégué général pour l'armement. - Merci Monsieur le Président. Je vous remercie pour vos propos introductifs chaleureux que je transmettrai à mes équipes.

Je vous propose de porter cette introduction sur trois points : d'abord, un premier point sur le budget 2020. Ensuite, j'évoquerai l'impact de la crise sanitaire à travers les sujets évoqués ; enfin, je m'attarderai sur le projet de loi de finances 2021. J'ajouterai également un point sur l'actualisation de la LPM en 2021 puisque vous m'interrogez à ce propos.

Concernant l'exécution 2020, pour les paiements du programme 146, les besoins de paiement ont été actualisés à 14,8 milliards d'euros, pour une ressource de 12,6 milliards d'euros, en incluant dans ces ressources les 504 millions d'euros de réserve, actuellement gelés.

Sur ce problème de la réserve, nous avons, au cours de cette année 2020, appliqué une modalité de gestion qui ajuste les engagements de l'année au fur et à mesure de nos prévisions de paiement ; en tenant compte de l'avancement des contrats passés, des évolutions de besoins de paiement liés à des retards de programmes ou des gains de gestion. Cette gestion dynamique, pilotée par Éveline Spina, directrice financière de la programmation, déjà mise en place en 2019, permet de nous rendre suffisamment résilients à ce qui pourra advenir d'ici la fin de l'année sur cette réserve budgétaire du 146.

La DGA est extrêmement attentive au report de charges à la fin de l'année 2020, pour l'instant conforme au chiffre de la trajectoire LPM, soit 2,4 milliards d'euros. Le mécanisme mis en place le permet : les retards pris dans la réalisation des travaux à cause de la covid-19 sont compensés par les dépenses additionnelles pour le soutien à notre industrie (en particulier aéronautique), mais aussi par les différentes mesures d'aides à l'industrie de notre BITD, prises au fur et à mesure du développement de la crise, comme la facilitation et l'accélération des paiements par exemple. À la fin de 2020, nous pensons être dans la trajectoire LPM sur le report de charges.

J'aborderai les principales livraisons attendues cette année. Pour l'armée de terre, vous avez évoqué le cas des Griffon, notre objectif de fin d'année est un peu en deçà de 100 pour un chiffre initial fixé à 128. De manière générale, tous les retards pris pour cause de crise sanitaire seront rattrapés dans le courant de l'année 2021. Pour les Griffon, il en sera ainsi au premier trimestre 2021, d'autres commandes prendront éventuellement un peu plus de temps.

Nous aurons fourni les deux premiers avions ATL2 rénovés de notre marine et réceptionné et livré le Suffren à la marine dans les semaines qui viennent.

Pour l'armée de l'air, les deux premiers avions légers de surveillance et reconnaissance seront livrés. Nous aurons livré un A400M de plus par anticipation et un MRTT Phenix. Il s'y ajoute les deux premiers A330 du plan de relance aéronautique.

Afin de terminer le panorama de la situation 2020, j'évoquerai les besoins de paiements du programme 144, à hauteur de 900 millions d'euros, sur la trajectoire de la LPM qui nous amène à 1 milliard d'euros en 2022. La totalité de la ressource des crédits sera consommée d'ici la fin de l'année.

Nous avons engagé, au titre de ces études préalables, la préparation du système de combat aérien du futur (SCAF), le char MGCS avec les partenaires allemands, le lancement de la phase de réalisation du porte-avions nouvelle génération, ainsi que des études préparatoires à nos systèmes spatiaux de prochaine génération.

Ainsi, pour conclure, sur la situation du budget 2020, nos retards de livraisons seront rattrapés au plus tard courant 2021.

Quant à l'activité de la DGA pendant la crise sanitaire, je souligne qu'au-delà du Suffren nous avons validé en juin le lancement d'un missile balistique stratégique M51 par le Sous-marin nucléaire lanceur d'engins (SNLE) Le Téméraire, dans le cadre d'un essai d'ensemble. Réussir l'ensemble de nos activités « sous-marins » n'était pas une chose aisée pendant la crise, compte tenu des difficultés à mettre en place les gestes barrière dans un tel contexte.

Nous sommes également parvenus à livrer les premiers systèmes de minidrones de reconnaissance (SMDR) pour expérimentation à l'armée de terre. Les essais Jaguar ont été entamés dans le cadre des objectifs de 2021.

Nous avons donc réussi à maintenir un plan de priorités concernant la dissuasion, le maintien des postures de sécurité et les opérations extérieures et maintien en conditions opérationnelles.

Nous avons retrouvé un niveau d'activité normal depuis l'été, avec un certain pourcentage de télétravail pour nos équipes quand cela est possible, de manière à garantir l'efficacité de notre mission et le respect des précautions sanitaires.

Vous avez évoqué la lutte contre l'épidémie à laquelle nous avons contribué avec l'appel à projets de notre agence de l'innovation de défense, avec le développement de solutions de transport et d'évacuation sanitaire et avec notre activité sur les masques qui en a facilité le déploiement sur l'ensemble du territoire.

Le plan de soutien aéronautique a été engagé en juin. Il représente un total de commandes d'un peu plus de 800 millions d'euros dont 600 millions pour le ministère des armées et le programme 146 avec la commande anticipée d'un troisième avion léger de surveillance et de renseignement (ALSR). Les trois avions A330 destinés à devenir les 13ème, 14ème et 15ème MRTT sont commandés, les deux premiers doivent être livrés d'ici la fin de l'année. Sont également inclus dans ce plan de soutien aéronautique les huit hélicoptères Caracal destinés au remplacement des Puma de l'armée de l'air. Ce plan de soutien comporte aussi des commandes de drones pour la marine. Les réalisations du programme 146 sont complétées par deux hélicoptères H145 pour la sécurité civile et dix hélicoptères H160 pour la gendarmerie nationale.

La cellule de soutien à la BITD a été mise en place au mois de mai : une centaine de personnels est mobilisée. Un peu plus de 1 200 ont été identifiées : à ce jour 1 075 entreprises ont été visitées et 120 relèvent d'une situation qualifiée de « préoccupante ». Pour ces dernières, des actions de remédiation ont été engagées : facilités ou accélérations de paiements, anticipations ou nouvelles commandes, aides à l'obtention de prêts auprès des banques, aides à l'obtention de prêts garantis par l'État (PGE), aides à la réponse aux appels d'offres prévus dans le plan de relance :des appels à projets existent dans le domaine aéronautique, dans le domaine de la résilience des industries et dans le domaine des territoires de l'industrie. Sur l'ensemble de ces appels d'offres pilotés par Bercy, nous travaillons avec la Direction générale des entreprises (DGE) et les régions pour les aider dans la sélection des projets retenus. Nous encourageons les entreprises à présenter des projets dans le cadre de ce plan de relance. Nous continuerons tout au long de la crise.

Nous complétons cet aspect d'aide directe à nos industries par l'aspect capitalistique, grâce à un doublement du montant du fonds Definvest, en place depuis 2017 pour soutenir les entreprises. Depuis la création de ce fonds, nous avons soutenu huit entreprises dans lesquelles une quinzaine de millions d'euros ont été investis. Nous avons pu faire bénéficier les entreprises d'un effet de levier de l'ordre de six, grâce à des investissements privés additionnels.

Dans les semaines qui viennent, un fonds complémentaire sera créé, visant à soutenir les start-ups et entreprises innovantes. Ce fonds, mis en place avec BPI France, porterait sur un montant de 200 millions d'euros.

Nous devons assurer la sécurité et la santé de nos salariés, nous respectons pour cela les consignes sanitaires. Si la situation ne s'aggrave pas de manière significative dans les mois qui viennent, nous pourrons continuer à répondre à nos missions.

En ce qui concerne le PLF 2021, nous sommes sur la trajectoire de la LPM pour le P146 et le P144. Le P146 prévoit d'augmenter l'allocation en crédits de paiement de 1,1 milliard d'euros (soit 13,6 milliards d'euros au total). Cet effort supplémentaire par rapport à 2020 portera essentiellement sur les programmes à effet majeur puisque ceux-ci représentent 700 millions d'euros dans la hausse évoquée. Le développement et la réalisation des commandes de la LPM pourront ainsi se poursuivre, tout en réduisant le report de charges. Celui-ci passera à 2,1 milliards d'euros, contre 2,4 milliards prévus fin 2020.

Au titre de l'année 2021, la commande des premiers hélicoptères interarmées légers Guépard est emblématique. Nous en commanderons une trentaine en 2021.

En 2021, nous livrerons les blindés Griffon prévus pour l'armée de terre, auxquels s'ajouteront ceux retardés en 2020. Les vingt premiers blindés Jaguar seront eux aussi livrés au début de l'année 2021 ; les quatre prévus en 2020 sont malheureusement, eux aussi, en retard en raison de la crise. Quoi qu'il en soit, la qualification du véhicule a commencé. Nous livrerons les véhicules blindés légers (VBL) utilisés en OPEX. Ces derniers demandent une régénération particulière puisqu'ils ont été largement utilisés et continuent de l'être. Le programme est désormais prêt à la livraison à partir de l'année prochaine.

Pour la marine, vous avez évoqué le Suffren qui avait déjà effectué un tir de torpille lourde, avant le tir du MdCN. Nous livrerons les torpilles pour la marine en 2021 de manière à être au rendez-vous de la mise en service du Suffren. Nous continuerons la livraison des pods de désignation laser de Thales pour l'armée de l'air et de l'espace, sur lesquels nous avons aussi pris du retard. Les livraisons se poursuivront de manière générale (MRTT Phénix etc.). À l'horizon 2021, nous rejoindrons le calendrier de livraisons prévu à l'origine de la LPM.

Puisque l'armée de l'air est devenue l'armée de l'air et de l'espace, en 2021, nous assisterons au lancement du satellite CSO-2, prévu en 2020 reporté pour cause de disponibilité de lanceur. Le système de satellite de renseignement d'origine électromagnétique CERES sera, lui aussi, lancé en 2021. Deux systèmes satellitaires de nouvelle génération seront donc livrés à notre armée de l'air et de l'espace.

Pour les études amont du P144, 900 millions d'euros de paiements sont annoncés, soit une hausse de 10 % par rapport à 2020, sur la trajectoire de la LPM, permettant la poursuite des études déjà évoquées sur la préparation des systèmes futurs.

En ce qui concerne l'actualisation, les travaux sont en cours et ne font que commencer. Les engagements pris au titre de la LPM sont tenus en termes de gestion budgétaire, d'avancement des livraisons (les effets covid seront rattrapés en 2021), en termes de démarrage des programmes capacitaires, et en matière de coopération européenne. Ces engagements sont également tenus en matière de transformation interne à la DGA : sur l'innovation, la préparation et la conduite des programmes.

Le contexte géostratégique ne s'est pas amélioré depuis 2017 : le modèle d'armée 2030, au fondement de la LPM est plutôt à conforter qu'à affaiblir.

Troisième considérant à prendre en compte, concernant cette actualisation : nous sommes dans une situation de nécessaire relance de notre industrie. La BITD demande le soutien que nous lui apportons, mais la LPM en soi est une LPM de relance à la fois sur le plan capacitaire et industriel. Il me paraît donc judicieux de poursuivre cette trajectoire.

Enfin, nous avons montré ces dernières années que la France peut être la locomotive de l'Europe de la défense aussi bien sur le plan capacitaire et opérationnel que sur le plan du développement de nos programmes. Nous devons poursuivre cette trajectoire.

M. Christian Cambon, président. - Merci, Monsieur le Délégué général. Nous adhérons aux priorités que vous avez évoquées. Avant de passer la parole à nos rapporteurs, j'aimerais revenir sur la Perle, sur laquelle nous souhaiterions avoir quelques précisions.

M. Joël Barre, délégué général pour l'armement. - Une solution a été proposée. La ministre l'annoncera prochainement. Il y aura une solution dont l'objectif est de garantir la posture des sous-marins nucléaires d'attaque en opération telle qu'elle est demandée par notre marine.

M. Christian Cambon, président. - Très bien. Je laisse donc la parole à nos rapporteurs, d'abord à notre collègue Cédric Perrin pour le programme 146.

M. Cédric Perrin. - Nous pouvons nous réjouir que cette loi de finances respecte la LPM. Cependant, quelques inconnues demeurent et constituent des dangers pour le budget de la défense. Comment sera financé l'achat des douze nouveaux Rafale, récemment annoncé par la ministre ?

Nous avons demandé que la recette issue de la cession des Rafale de l'armée de l'air puisse contribuer au financement de ces nouveaux appareils : comment y parvenir ? Faut-il créer un compte d'affectation spécial au sein du budget de l'État ou doit-on procéder à une forme de troc en cédant d'abord nos appareils à Dassault ?

Quel pourrait être le produit de cette vente d'occasion ? Les 400 millions d'euros évoqués sont-ils confirmés ? Si oui, cela sera évidemment très insuffisant pour financer les Rafale neufs. D'autres programmes devront-ils être sacrifiés ? Vous avez évoqué la question du P146. Sera-t-il pénalisé sur d'autres points ?

Des questions similaires se posent sur la réparation du sous-marin La Perle. La question est éminemment financière : où allons-nous trouver les crédits pour financer ces opérations non programmées ou pas suffisamment budgétées dans la LPM ? Des interrogations s'offrent à nous et impacteront rapidement le programme 146.

Enfin, concernant les crédits de l'AID, pouvez-vous nous éclairer sur l'articulation entre l'AID et la DGA, deux ans après la création de l'AID ?

Mme Hélène Conway-Mouret. - Vous avez évoqué un fonds de 200 millions d'euros pour les start-ups. Le 7 mai dernier, j'ai interrogé le ministère sur les difficultés d'accès au financement des entreprises du secteur de la défense, notamment les PME. Une mission d'information sera bientôt lancée par les députés sur le sujet. Est-ce un début de réponse à ce problème rencontré par nos PME ?

Ma question porte sur les relations franco-britannique et franco-allemande. Il existe un décalage sur la perception que nous avons de l'engouement français, notamment par rapport à nos homologues allemands. Sur la relation franco-britannique, nous avons adopté le 15 juillet dernier dans cette commission un rapport sur le SCAF. Nous prônions avec Ronan Le Gleut une accélération du programme au vu du calendrier, qui prévoit la sortie des Tempest en 2035, alors que celle du SCAF est prévue en 2040. Un tel calendrier serait préjudiciable aux ventes du SCAF.

Pendant nos auditions, nous avions l'impression que nous, Français, ne prenions pas suffisamment au sérieux la motivation des Britanniques, voire négligions l'importance de prendre en compte leur approche, beaucoup plus globale que la nôtre. Les Britanniques travaillent déjà sur le système de systèmes alors que nous sommes concentrés sur le démonstrateur avec 2026 comme objectif. L'usine 4.0 de BAE Systems fera appel à l'impression 3D et à la robotique pour réduire les délais et les coûts. La technologie, dite des jumeaux numériques, devrait accélérer le développement de cet avion sans utiliser de démonstrateur. Les Britanniques évoquent entre autres un cockpit portable et un co-pilote virtuel.

L'ambition est la même que la nôtre, mais l'approche est totalement différente. Une étude publiée la semaine dernière souligne que le programme Tempest pourrait générer plus de 20 000 emplois hautement qualifiés et qu'il serait susceptible d'injecter plus de 25 milliards de livres sterling dans l'économie britannique d'ici à 2050. Devrions-nous être plus attentifs à ce qui se passe Outre-Manche ?

De même, nous semblons plus engagés que nos homologues dans le partenariat franco-allemand. Êtes-vous confiants dans les progrès réalisés ? Pourrons-nous atteindre un niveau d'engagement financier en 2021 rendant les programmes SCAF et MGCS irréversibles ?

M. Christian Cambon, président. - Pour prolonger la question d'Hélène Conway-Mouret : toute collaboration avec les Britanniques sur le SCAF est-elle véritablement impossible ? Avec la crise sanitaire et les dettes invraisemblables contractées par les États, y-a-t-il de la place pour plusieurs nouveaux systèmes ?

Mme Hélène Conway-Mouret. - Monsieur le Président, pour les Britanniques comme pour nous, il s'agit d'un programme absolument nécessaire pour préparer l'avenir.

M. Olivier Cigolotti. - Monsieur le Délégué général, nous ne pouvons que nous réjouir de cette vente de Rafale à la Grèce et éventuellement à la Croatie. Pouvez-vous nous assurer que la charge ne sera pas trop lourde à porter pour notre armée ? Précédemment, nous avons fait part au Général Lavigne de notre inquiétude sur le fait qu'un certain nombre d'heures de vols ne soient plus disponibles et que les formateurs sur Rafale ne soient plus complètement libres pour nos aviateurs.

Concernant les contrats de maintenance dits verticalisés, vos services ont-ils pu en évaluer les bénéfices en matière de maintenance des équipements aéronautiques et terrestres ? Des éléments existants peuvent-ils nous être communiqués au titre de la LPM ?

Enfin, la propulsion du porte-avions de nouvelle génération devrait être nucléaire. Les décisions du Président de la République sont très attendues. Pour vos services, quelles sont les priorités en termes de crédits d'études amont et de calendrier dans le cadre de la LPM et du budget 2021 ?

M. Pascal Allizard. - Merci Monsieur le délégué général pour ces précisions. Vous avez exposé les dispositions prises pour aider les PME et ETI impliquées dans les programmes d'armement tout au long de la crise sanitaire. Nous sommes au commencement de la seconde phase. Pendant combien de temps pouvez-vous tenir à bout de bras certaines entreprises ? Certaines vous inquiètent-elles plus que d'autres, notamment dans le domaine aéronautique ? Ma question porte sur les entreprises qui présentent des risques de défaillance voire d'arrêt total.

À l'heure où le concept de souveraineté prend partout de l'ampleur, pensez-vous que nous fassions le nécessaire pour préserver notre souveraineté industrielle ? Vous n'éviterez pas la question sur le dossier Photonis, qui me donne l'impression d'être dans une impasse. Pouvez-vous nous donner quelques explications d'actualité sur ce sujet ? Cette impasse n'est-elle pas symptomatique des maux que nous subissons actuellement ?

M. Yannick Vaugrenard. - M. le délégué général, des conséquences sur les contrats et coopérations engagés avec les Britanniques sont-elles à craindre, dans un scénario où il n'y aurait pas d'accord sur le Brexit ? La continuité des projets est-elle garantie ?

Les PME qui s'occupent de défense sont souvent extrêmement compétentes et pourtant très fragilisées : elles doivent faire face à des sociétés étrangères prédatrices, très intéressées par leur savoir-faire. Indépendamment du soutien apporté par les pouvoirs publics aux PME, évoqué dans votre début d'intervention, une attention particulière est-elle portée à ces PME stratégiques de grande importance, très spécialisées et tournées vers la défense ?

Mme Vivette Lopez. - M. le Délégué général, en avril dernier, face à la pénurie de masques, la DGA s'était très fortement mobilisée pour identifier des solutions alternatives aux masques FFP2 et créer des homologations. Par ailleurs, des appels à projets pour des solutions innovantes, notamment sur les respirateurs artificiels, avaient été lancés. Pouvez-vous nous détailler les opérations que vous comptez mener face à la deuxième vague ?

M. Ronan Le Gleut. - Le 5 mai 2020, l'armée de l'air australienne s'est vu livrer le Loyal Wingman de la compagnie Boeing, un appareil autonome piloté par Intelligence artificielle. Cet été, le groupe aéronautique russe Kronstadt a également annoncé qu'il concevait un drone de combat de type Loyal Wingman au profit des forces aériennes russes, le « Grom ». Concernant le SCAF qui verra le jour en 2040, comment s'assurer de ne pas être « obsolete by design » ? Comment s'assurer de réaliser un véritable travail de prospective pour ne pas concevoir ce qui serait obsolète le jour de sa mise en oeuvre ?

M. Joël Barre, délégué général pour l'armement  - Merci pour toutes ces questions. À propos du programme 146 et de ses inconnues, vous avez raison de souligner M. Perrin, que l'exportation du Rafale constitue depuis le démarrage de la LPM une « hypothèque » à deux milliards d'euros. Nous avons besoin d'exporter le Rafale pour assurer la continuité nécessaire à la production des avions français. Tout ce qui advient aujourd'hui comme prospect à l'exportation, en particulier le prospect grec, est donc en soi une bonne nouvelle.

Évidemment, un problème de financement et de continuité de livraison à nos armées se pose. Nous y travaillons. Nous évaluons l'impact positif du prospect grec à six avions neufs auxquels s'ajoutent un peu plus de 400 millions d'euros pour les avions d'occasion, soit environ un milliard d'euros. Ce prospect lève donc la moitié de l'hypothèque de deux milliards d'euros.

L'exercice devra maintenant se mener en termes de flux budgétaires annuels au titre de l'actualisation. Les termes de l'actualisation, auxquels nous ajouterons d'autres prospects éventuels s'ils surviennent, vous seront présentés en début d'année prochaine. Ce sujet nous préoccupe mais tout prospect à l'exportation est bénéfique, sur le plan budgétaire comme sur le plan du maintien de la chaîne de production.

Sur la Perle, l'ordre de grandeur sur le plan budgétaire est d'environ 100 millions d'euros, dont une partie sera prise en charge au titre des assurances. Le montant résiduel, évalué à environ 60 millions d'euros, n'est pas déterminant pour l'exercice que nous mènerons.

Le porte-avions de nouvelle génération est prévu au titre de la LPM. Le calendrier du porte-avions a pour objectif une mise à disposition en 2038, avec une mise à la mer en 2036, à la fin de l'exploitation du Charles de Gaulle. Le niveau de crédits nécessaires a été identifié en fonction du mode de propulsion retenu.

M. Christian Cambon, président. - Avec un choix récent du Président de la République sur la propulsion nucléaire, selon la presse.

M. Joël Barre, délégué général pour l'armement  - Je ne m'exprimerai pas au nom du Président de la République.

Quant à l'articulation entre l'AID et la DGA, au mois de mai dernier, un premier bilan d'activité de l'AID a été dressé. Il est très satisfaisant, notamment sur ses relations avec les autres équipes de la DGA travaillant à la préparation du futur : les études des programmes ou le développement technologique. Des échanges de personnels ont été mis en place. L'appel à projets évoqué sur la covid-19, lancé par l'AID, a bien démontré l'agilité du dispositif en termes de réactivité et d'efficacité dans un domaine qui n'était pas le nôtre.

L'AID fait partie des engagements tenus en matière de transformation de la DGA et de modernisation de son activité de préparation des programmes.

Pour répondre à Mme Conway-Mouret sur Definnov, les entreprises de défense se heurtent de plus en plus fréquemment à un phénomène de frilosité bancaire.

Un fonds de 100 millions d'euros sur cinq ans est ciblé sur les entreprises critiques, stratégiques, qui risqueraient d'être menacées. Le fonds complémentaire de 200 millions d'euros sera ciblé sur les entreprises duales, transverses, d'innovation technologique pour essayer d'entraîner les autres investisseurs.

Notre effet de levier est de six sur les fonds d'investissement, la démarche est productive, mais il convient de s'inquiéter du comportement des banques.

M. Christian Cambon, président. - Nous devons porter ce débat sur la place publique : les banquiers se dérobent alors que tout le monde doit avancer ensemble dans cette industrie de la défense.

M. Joël Barre, délégué général pour l'armement  - Quant aux avancées des Britanniques, j'ai lu comme vous les travaux sur les jumeaux numériques et l'usine 4.0. Encore faudrait-il s'assurer de ce que recouvrent les annonces. Les Britanniques ont déclaré avoir investi 2 milliards de livres sterling ; nous avons déjà investi 150 millions d'euros sur les études préalables du SCAF et prévoyons d'investir 2,5 milliards d'euros sur la tranche 2021-2026. Cela est donc tout à fait comparable.

Je ne suis pas convaincu par les théories affirmant que les jumeaux numériques remplaceront les démonstrateurs. Les jumeaux numériques sont des maquettes numériques, la démonstration en vol est incomparable. Il n'est pas exact d'affirmer que nous ne réaliserions pas, contrairement à eux, un « système de systèmes ». Le démonstrateur de 2026 est bien un démonstrateur du « système de systèmes », pas seulement un démonstrateur de l'avion.

Cela rejoint une question posée par M. Le Gleut. Nous disposons aujourd'hui de cinq architectures de systèmes identifiées par les études préalables, au sein desquelles se présentent trois modèles d'avion différents et trois types de drones, y compris le Loyal Wingman. Ces études s'affineront encore et, en 2026, nous réaliserons une démonstration en vol, non pas uniquement de l'avion mais de l'avion et des drones retenus dans la configuration système.

Ainsi, nous aboutirons en 2027 à une définition du système de combat aérien du futur à l'horizon 2035-2040. Nous nous engagerons alors sur le calendrier de mise en service du SCAF. Nous ne pouvons pas le faire avant d'avoir réalisé l'ensemble des travaux préparatoires.

Nous ne fermons pas la porte aux Britanniques. Depuis qu'ils ont quitté le projet en 2017, nous avons veillé à maintenir le contact. Un programme de développement technologique conjoint existe. Il n'est certes pas de grande ampleur (25 millions d'euros chacun par an sur trois ans), mais nous avons veillé à maintenir ce lien.

M. Christian Cambon, président. - Il m'arrive d'être parfois plus confiant dans une coopération franco-britannique que franco-allemande.

M. Joël Barre, délégué général pour l'armement  - C'est pourquoi ce lien est essentiel.

Quant au programme 178, depuis que le MCO aéronautique a été repris en main avec la création de la DMAé, sur l'A400M nous avons doublé le nombre d'avions disponibles en moyenne :nous sommes passés de trois à six, avec des pics réguliers à onze avions disponibles sur dix-sept. Sur le Caracal, nous sommes passés de cinq sur dix-huit en 2017, à huit aujourd'hui. Nous avons doublé le nombre d'heures de vols réalisables dans l'année sur les Fennec de l'armée de terre, l'un des sujets les plus critiques (de 2500h de vol en 2018 à 5000 en 2020). Une mécanique d'amélioration de cette disponibilité est en marche, ses premiers résultats sont aujourd'hui tangibles.

Sur le Rafale, nous nous sommes accordés avec Dassault pour dégager de la disponibilité supplémentaire de six avions au cours de l'année prochaine, grâce à une meilleure pratique dans le remplacement des pièces qui tombent en panne. En 2022, la poursuite du contrat de verticalisation passé par la DMAé avec Dassault doit nous apporter dix avions disponibles en 2022.

Parfaitement conscients de ces difficultés sur la disponibilité des moyens aéronautiques depuis 2017, nous sommes sur la bonne voie pour les résoudre. Nos objectifs sont suffisamment solides et permettront de concilier l'exportation du Rafale et la nécessité de maintien du nombre d'avions en ligne nécessaire à nos armées.

La formation fait partie des contrats qui doivent être négociés entre Dassault et le client.

Sur les ETI-PME, notre dispositif de suivi rapproché est en place et sera maintenu. Sur un millier d'entreprises cartographiées, une centaine a eu besoin d'actions de remédiation. Sur cette centaine, quatre-vingt ont déjà eu lieu. Les risques d'arrêt que vous évoquez sont réels, nous en sommes conscients. L'action menée l'est avec les maîtres d'oeuvre industriels en première ligne, avec les organisations des industries de défense et avec la DGE qui pilote le plan de relance et les différents appels à projets. Le dispositif mis en place est donc de nature à nous garantir que les difficultés qui surviendront seront gérées au mieux selon nos disponibilités en matière d'action.

Ensuite, nous avons rappelé dès le début le rôle essentiel et stratégique du savoir-faire de Photonis. Nous avons donc affirmé que dans le cas où un étranger serait intéressé pour le rachat, nous appliquerions le dispositif d'investissement étranger en France.

Thales et Safran, d'abord consultés, n'ont pas souhaité réaliser d'offre et contribuer au sauvetage immédiat de l'opération. Nous avons donc défini avec le ministère de l'économie, face à Teledyne, le repreneur américain potentiel, les règles imposées en matière de rachat par une société américaine.

Le potentiel acheteur, au vu de ces règles particulières, a modifié le prix initial. Sur la suite, je n'en sais pas plus. Il me semble que rien n'est acté mais il s'agit du secret commercial. Si le rachat a lieu, il se fera à un moindre prix que le prix initial. De notre côté, nous mettrons en place les mesures nécessaires pour garantir la sauvegarde des intérêts stratégiques représentés par Photonis.

Le dispositif des IEF évoqué pour les investissements étrangers en France protège toute technologie considérée comme stratégique, nous l'appliquerons sur Photonis. L'opération ne se fera que dans des conditions que nous jugerons convenables.

Quant au Brexit, il n'impacte pas pour l'instant la coopération bilatérale de défense entre la France et le Royaume-Uni. Nos modèles d'armées, ainsi que nos bases industrielles et technologiques de défense sont très proches. Ce modèle de coopération, qui advient hors Union Européenne, ne semble aucunement être remis en question de part et d'autre.

Le retard pris par le gouvernement britannique dans sa loi de programmation militaire nous préoccupe plus fortement. Nous avons bien sûr étudié le document britannique « integrated operating concept » et échangé sur l' « integrated review » qui correspondent peu ou prou à ce que nous avons effectué au titre de la « revue stratégique ». Leur déclinaison capacitaire pluriannuelle détaillée, la « spending review », l'équivalent de la LPM, est quant à elle attendue depuis plusieurs années. Attendons.

Quant aux appels à projet pour la covid-19, nous avons effectivement réalisé un travail important sur l'homologation des masques au printemps dernier. Nous nous sommes retirés dans le courant de l'été au profit de laboratoires civils, publics ou privés, que nous avons aidés à se doter des procédures expérimentées. Quant à l'appel à projets de l'AID sur la covid-19 de 10 millions d'euros, une quarantaine de projets ont été proposés (d'expérimentation participative ou sur les diagnostics), certains viennent d'être retenus par l'autorité de santé. Nous avons donc contribué à ce niveau-là.

J'ai répondu tout à l'heure sur le Loyal Wingman : il s'agit du système de combat aérien du futur, un avion accompagné de drones. Ils peuvent être de plusieurs types, de masse variable, consommables ou récupérables, armés ou de surveillance. Tout est envisagé. J'espère que nous ne proposerons pas une technologie « obsolete by design », auquel cas nous ne mériterions pas les félicitations que Monsieur le Président a bien voulu nous accorder en début de séance !

M. Christian Cambon, président. - Je les renouvelle, les précisions apportées dans cette audition ont été passionnantes. Merci infiniment Monsieur le Délégué général.

La réunion est close à 12 h 45.

Désignation des rapporteurs budgétaires pour avis

La commission a désigné ses rapporteurs budgétaires pour avis :

Missions du budget général - projet de loi de finances pour 2021

Action extérieure de l'Etat

   

. Action de la France en Europe et dans le monde (programme 105)

Jean-Pierre Grand

André Gattolin

Les Républicains - Hérault

Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants - Hauts-de-Seine

. Diplomatie culturelle et d'influence (programme 185)

Ronan Le Gleut

André Vallini

Les Républicains - Français établis hors de France

Socialiste, Écologiste et Républicain - Isère

. Français de l'étranger et affaires consulaires (programme 151)

Bruno Sido

Guillaume Gontard

Les Républicains - Haute-Marne

Écologiste - Solidarité et Territoires - Isère

Aide publique au développement
. (Aide économique et financière au développement et Solidarité à l'égard des pays en développement)


Hugues Saury

Rachid Temal


Les Républicains - Loiret

Socialiste, Écologiste et Républicain - Val d'Oise

Défense

   

. Environnement et prospective de la politique de défense (programme 144)

Pascal Allizard

Yannick Vaugrenard

Les Républicains - Calvados

Socialiste, Écologiste et Républicain - Loire-Atlantique

. Préparation et emploi des forces (programme 178)

Olivier Cigolotti

Michelle Gréaume

Union Centriste - Haute-Loire

Groupe communiste républicain citoyen et écologiste - Nord

. Soutien de la politique de défense (programme 212)

Joël Guerriau

Marie-Arlette Carlotti

Les Indépendants - République et Territoires - Loire-Atlantique

Socialiste, Écologiste et Républicain - Bouches-du-Rhône

. Équipement des forces (programme 146)

Cédric Perrin

Hélène Conway-Mouret

Les Républicains - Territoire de Belfort

Socialiste, Écologiste et Républicain - Français établis hors de France

Sécurités :
. Gendarmerie nationale

Philippe Paul

Gisèle Jourda

Les Républicains Ratt. - Finistère

Socialiste, Écologiste et Républicain - Aude

Direction de l'action du Gouvernement :

. Coordination du travail gouvernemental (Cyberdéfense, SGDSN, IHEDN...)

Olivier Cadic

Mickaël Vallet

Union Centriste - Français établis hors de France

Socialiste, Écologiste et Républicain - Charente-Maritime

Audiovisuel extérieur :

(Comptes de concours financiers : avances à l'audiovisuel public, France Médias Monde et TV5 Monde)

Joëlle Garriaud-Maylam

Jean-Noël Guérini

Les Républicains - Français établis hors de France

Rassemblement Démocratique et Social Européen - Bouches-du-Rhône

La réunion est close à 12 h 45.

La réunion est ouverte à 16 h 40.

Audition de M. Jean-Yves Le Drian, ministre de l'Europe et des affaires étrangères sur la situation internationale (en téléconférence)

M. Christian Cambon, président. - Je salue mes collègues qui nous suivent en visioconférence, pour le respect des règles sanitaires.

Depuis la dernière fois que nous vous avons reçu, au mois de juillet dernier, monsieur le ministre, les crises se sont succédé. Vous nous aviez dit au printemps dernier : « Le monde d'après sera pire que le monde d'avant. » Vos propos étaient particulièrement prémonitoires.

Commençons par la Turquie, allié incontrôlé au sein de l'OTAN, dont on ne sait plus où son nationalisme hégémonique de reconstruction de l'empire va le conduire. Après les forages à Chypre, après les incursions en territoires syrien et irakien, après l'incident avec la frégate Courbet, la récente élection d'un gouvernement pro-turc dans la partie turque de Chypre va encore accentuer le désordre régional. Athènes demande à l'Union européenne d'examiner la suspension de l'union douanière avec Ankara : quelle est la position française, quelles initiatives souhaitent prendre le Président de la République et le Gouvernement pour montrer que la Turquie ne peut indéfiniment poursuivre cette politique agressive ?

Le Liban aussi nous préoccupe. Après tant d'épreuves, la résilience de la population force notre admiration ; mais au risque d'un effondrement économique et financier qui paraît inéluctable si les réformes indispensables ne sont pas mises en oeuvre, s'ajoute le spectre d'une faillite politique d'après les mots forts du président de la république. Vous nous direz comment la France peut soutenir le Liban, à quelles conditions, et quels effets ont les récentes interventions plutôt toniques du Président de la République. Comment ce message est-il passé auprès de nos amis libanais ?

Venons-en au conflit israélo-palestinien. La pandémie semble heureusement avoir gelé la mise en oeuvre de l'annexion de la vallée du Jourdain. En cas de changement de l'administration américaine, verra-t-on pour autant un retour au processus d'Oslo ? Le candidat Joe Biden a déclaré qu'il maintiendrait l'ambassade américaine à Jérusalem. Que répondez-vous à ceux qui jugent la position de la France de plus en plus hors-sol, à mesure que s'éloignent les possibilités de mise en oeuvre de la solution à deux États ? Jordanie mise à part, quels sont aujourd'hui les réels soutiens des Palestiniens dans un monde arabe obnubilé par la menace iranienne et prêt à coopérer avec Israël ? Les récents échanges entre Israël et les Émirats arabes unis vont dans ce sens.

J'en arrive enfin au Sahel, et la récente libération des djihadistes que nous évoquions avec le chef d'état-major des armées la semaine dernière, nous pose question. Si la France, qui a 5 100 soldats sur place dans le cadre de Barkhane, n'était pas au courant des tractations entre la junte malienne et Al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI), cela pose de vraies questions ! Vous nous éclairerez sur la manière dont vous avez vécu cet épisode. Nous pensons à ce qu'ont ressenti nos soldats, leurs familles, leurs frères d'armes blessés en luttant contre ces terroristes lorsqu'elles ont vu les images du terroriste en chef Iyad Ag Ghali festoyant autour de chèvres rôties pour fêter la libération des terroristes...Ces images nous ont marqués. Cinquante soldats français sont morts au Sahel en poursuivant ces mêmes terroristes !

Le processus enclenché à Pau n'est-il déjà plus qu'un lointain souvenir ? Quelle confiance accorder à une junte malienne qui relâche nos ennemis ? Je m'arrêterais là si le Canard Enchaîné n'avait pas publié, ce matin, un article intitulé « Réconciliation prévue à Bamako entre militaires et djihadistes d'al-Qaïda ». Vous vous êtes rendu à Alger, et il semble que vous vous apprêtiez à partir pour le Mali pour vérifier cette hypothèse : que le gouvernement malien discute avec ceux-là mêmes que nous poursuivons remettrait en cause notre présence au Sahel. Votre audition sera importante pour dissiper les doutes face à ces informations inquiétantes.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre de l'Europe et des affaires étrangères. - J'ai en effet eu un moins d'août assez occupé : explosion de Beyrouth, coup d'État au Mali, opération en Méditerranée orientale, crise au Belarus, soit une crise tous les quatre ou cinq jours.

Je souhaite commencer mon intervention par quelques mots sur les suites de l'assassinat de Samuel Paty. J'éprouve naturellement une grande émotion devant ce geste d'une abjecte brutalité qui vise notre République, notre école, nos valeurs humanistes. C'est ce modèle que nos diplomates partagent et expliquent à travers le monde.

De plus, cela fait huit ans que, dans mes différentes fonctions, je me bats contre l'islamisme radical. J'ai été parmi les premiers, en 2013, à pointer le lien intrinsèque entre celui-ci et le terrorisme, dans des écrits qui ont pu perturber, mais que je ne regrette pas. L'islamisme radical, c'est la négation de la liberté de conscience, de la possibilité du dialogue dans la tolérance. Aveuglés par une conception dévoyée et pernicieuse de l'islam, ses promoteurs assassinent au nom de leur foi. Il ne faut rien céder dans ce combat, et les diplomates et agents du Quai d'Orsay continuent à se battre avec détermination.

L'urgence est double. Il faut d'abord renforcer la sécurité de nos agents et emprises à l'étranger. Nous avons demandé aux ambassadrices et ambassadeurs de réunir sans délai les chefs d'établissement de leur pays de résidence pour évoquer cette question. Le paquet de mesures sécuritaires que j'avais initié précédemment a été mis en oeuvre, mais la sécurité de nos 35 000 enseignants et 365 000 élèves à l'étranger est une priorité. Les mesures prises seront mises en oeuvre à la rentrée dans les pays où il y a des congés de la Toussaint, et dans un ou deux jours ailleurs.

Seconde urgence, mettre en place une cartographie en temps réel des réactions internationales. C'est dans les épreuves que l'on reconnaît ses amis. Je dis à ceux qui m'entendent que rien ne sera oublié. Nous avons reçu de très nombreuses marques de sympathie qui nous touchent, mais il y a aussi des silences éloquents.

Après les attentats du 13 novembre 2015, j'avais eu le triste honneur d'être le premier à invoquer la clause d'assistance mutuelle, ce fameux article 42.7, du traité sur l'Union européenne. Elle a permis une plus grande solidarité sur les enjeux de sécurité. Il a également été possible d'accélérer la mise en place du dispositif de partage des données des passagers dans l'espace aérien européen - le Passenger Name Record (PNR) -, qui était alors bloquée.

Nous sommes aujourd'hui dans une autre logique, mais ce doit être aussi le moment d'avancer dans l'adoption du projet de règlement européen TCO, qui permettrait de supprimer tout contenu à caractère terroriste dans un délai d'une heure après sa publication. Les images sordides publiées à la suite de l'attentat ont été effacées par Twitter, mais dans le cadre de l'appel de Christchurch lancé à l'initiative de la France, après l'attaque qui avait endeuillé cette ville. Cela repose sur la seule bonne volonté des signataires de l'appel. Pour aller plus loin, il importe désormais que le projet de règlement TCO soit mis en oeuvre.

Sur le même sujet, il est indispensable d'apporter une réponse à la diffusion des contenus haineux sur les réseaux sociaux. Là aussi, la réponse est européenne. Le Digital Services Act, dont la publication est prévue le 2 décembre, fournira un cadre de régulation, de supervision et de modération des contenus numériques pornographiques, haineux, ou faisant l'apologie de crimes de guerre, de crimes contre l'humanité et d'actes terroristes. Il importe de bien en définir le champ d'application. Voici cinq ans, ces questions ne se posaient pas. Les traiter fait partie des missions qui incombent à l'administration dont j'ai la charge.

J'ai demandé à tous les postes des initiatives pour expliquer le renforcement de la laïcité en France, en coordination avec les instituts français, pour que la dynamique soit relayée auprès des acteurs et que notre stratégie d'influence prenne en charge ces fondamentaux républicains mis à mal par l'attentat.

Nous avons pris trois initiatives dans la lutte contre l'islamisme radical, en cohérence avec les déclarations du Président de la République dans son discours des Mureaux. D'abord, en concertation avec l'Éducation nationale, nous mettons fin au système des enseignements de langue et de culture d'origine (ELCO) auquel nous allons substituer les enseignements internationaux de langues étrangères (EILE), ouverts à tous les élèves et mieux contrôlés. Nous sommes en train de passer de nouveaux accords avec nos partenaires pour intégrer ces enseignements au sein de l'éducation nationale : nous l'avons fait avec le Maroc, la Turquie et la Tunisie, et nous espérons aboutir avec l'Algérie avant la fin de l'année.

La deuxième initiative porte sur la formation des imams qui exercent en France. Le Président de la République a annoncé la fin progressive du dispositif des imams détachés du Maroc, d'Algérie, de Turquie, pour les remplacer par des imams formés en France qui défendront un islam compatible avec les valeurs de la République.

Enfin, nous travaillons à organiser différemment le marché du hajj, dont la dérégulation est un foyer de pratiques frauduleuses et de propagation de l'islamisme radical. Les Français de confession musulmane forment le contingent le plus nombreux du hajj en Europe. J'ai bon espoir que les discussions avec mon homologue saoudien aboutissent dans les prochaines semaines.

Après ces initiatives que je tenais à vous présenter, j'aborde l'actualité internationale. Je me suis déplacé au Liban fin juillet ; le Président s'y est rendu le 6 août après l'explosion du port de Beyrouth, puis à nouveau le 1er septembre, pour marquer le centenaire de la création du Grand Liban. L'intervention du 6 août était à caractère humanitaire, et la France, à travers la mobilisation de ses collectivités territoriales, de ses ONG et du ministère de la défense, a été au rendez-vous de son histoire avec le Liban. Nous avons aussi mobilisé des financements internationaux ; au mois de novembre, une conférence fera le point sur l'ensemble des actions humanitaires engagées. La population libanaise est victime des incuries et impérities de ses dirigeants : plus de la moitié vit sous le seuil de pauvreté, sans compter les dégâts du covid-19. Tout cela justifie l'aide humanitaire, sous réserve qu'elle parvienne bien à ses destinataires - et le représentant des Nations unies à Beyrouth y veille.

Mais la crise humanitaire ne doit pas occulter la crise politique. Tout le monde sait ce qu'il faut faire pour sortir ce pays du naufrage. La conférence dite Cèdre initiée par la France en 2018 a permis une mobilisation de la communauté internationale à hauteur de 11 milliards de dollars, à condition que les réformes nécessaires soient engagées. Ces réformes doivent porter sur la Banque du Liban, le système des marchés publics, l'électricité, la lutte contre la corruption notamment. La liste est connue de tous, et le Premier ministre d'alors, Saad Hariri, s'était engagé à les mettre en oeuvre. Or rien n'a été fait depuis. Il y a des déclarations, mais pas d'action.

Le Président de la République a voulu rappeler les acteurs à leurs responsabilités : la France ne choisit pas le gouvernement libanais, mais elle demande un gouvernement de mission pour agir sur l'urgence. Moustapha Adib a tenté de constituer un premier gouvernement, mais les vieilles logiques de clan et de confession ont pris le dessus. Nous en sommes là. Il semble que l'ancien Premier ministre Saad Hariri soit prêt à composer à nouveau un gouvernement. Au président Aoun de faire les consultations nécessaires, mais elles ont été retardées ; or plus l'on tarde, plus le bateau coule. Le Liban jouit de ressources humaines, intellectuelles, historiques considérables. Si les réformes ne sont pas menées, le pays risque la dislocation. Chacun le sait, et le temps presse.

En marge de l'Assemblée générale des Nations unies, qui s'est tenue cette année en visioconférence, une réunion spécifique a été consacrée au Liban. La communauté internationale a, à cette occasion, réitéré ses positions. Il faut éviter que le Liban ne vienne s'ajouter aux complications et aux miasmes de la région.

Le coup d'État du 18 août au Mali est le résultat d'une crise de confiance entre le président Ibrahim Boubacar Keïta, dit IBK, et la population. Nous l'en avions pourtant alerté à plusieurs reprises, tout comme ses partenaires mauritanien, nigérien, burkinabè. Les accords d'Alger n'étaient pas mis en oeuvre, malgré les déclarations. Cela a provoqué le mouvement de rue dit M5 et, indirectement liée à celui-ci, l'initiative de quelques colonels.

Nous avons condamné le coup d'État, qui n'est pas une méthode démocratique. Cependant, le président IBK a démissionné, les chefs d'État et de gouvernement de la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest (Cédéao) ont envoyé des missions à Bamako pour rencontrer la junte. Un président et un Premier ministre civils ont été désignés. Une charte de transition a été rédigée, et des élections générales sont prévues dans dix-huit mois. Enfin, les membres de la Cédéao ont décidé de mettre fin aux sanctions décidées à l'encontre du Mali. C'est pourquoi je m'y rendrai demain.

En outre, j'observe que les nouvelles autorités ont renouvelé leurs engagements dans la force conjointe du G5 Sahel, leur soutien à Barkhane, et que l'armée malienne a continué le combat pendant cette période. La charte de transition a été validée par le nouveau gouvernement et le nouveau président. Le Conseil de transition devrait être constitué dans les prochains jours. Cette charte comporte des engagements sur la mise en oeuvre des accords d'Alger et le combat contre le terrorisme. La Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation au Mali (Minusma) poursuit son action, et l'Union européenne a repris ses activités de formation dans le cadre de l'EUTM Mali - European Union Training Mission. La stratégie de Pau est donc validée par l'ensemble des acteurs.

La situation politique de la région est particulière. Au Niger, des élections sont prévues pour la fin décembre. Le président Issoufou renonce à se présenter une troisième fois, ce qui est assez rare dans cette partie du monde pour être souligné. Au Burkina Faso, les élections auront lieu le 22 novembre. Je dois me rendre dimanche 25 octobre au Niger et le jour suivant à Ouagadougou.

L'Union européenne et la France souhaitent que les engagements pris par le président de transition, M. Bah N'Daw, et par son vice-président le colonel Assimi Goïta soient bien respectés. Le président algérien, que j'ai rencontré la semaine dernière, est sur cette même ligne. Il est essentiel d'aller au bout du processus d'Alger, dont le volet DDR - désarmement, démobilisation, réinsertion - n'a pas été engagé, pas plus que la décentralisation et le développement du nord du pays. Mon homologue algérien et moi-même envisageons de nous rendre ensemble à Bamako. Je pourrais participer à une réunion du comité de suivi des accords d'Alger (CSA) présidé par celui-ci. La ministre des armées s'apprête elle aussi à se rendre au Mali.

En Méditerranée orientale, les rivalités entre Grèce et Turquie durent depuis les traités de Sèvres et Lausanne, signés voici un siècle. Mais la zone est désormais le témoin de tensions aggravées par les perspectives d'extraction de gaz. Nous sommes extrêmement vigilants sur le respect du droit maritime international, or la Turquie ne le respecte pas en faisant itinérer des bateaux d'exploration dont l'Oruç Reis dans les eaux maritimes grecques, et dans les zones économiques exclusives (ZEE) grecque et chypriote. Ces tensions ont culminé au mois d'août. Nous soutenons la Grèce et Chypre dans le respect de leurs droits, en essayant de conjuguer nécessaire fermeté et ouverture au dialogue. La chancelière Merkel et le haut représentant de l'Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, Josep Borrell, y travaillent également. Le Président de la République s'est entretenu avec M. Erdogan. Nous avons engagé des pourparlers exploratoires, obtenant le retrait du bateau dans la zone maritime grecque, mais pas dans la zone chypriote. Mais aussitôt après le Conseil européen, les Turcs annonçaient le retour de l'Oruç Reis...

Lors du premier Conseil européen du mois de septembre, l'Union européenne a donc fait savoir aux Turcs que s'ils ne respectaient pas le droit international elle était prête à prendre toutes les options incitatives et dissuasives, y compris les sanctions, pour obtenir une désescalade. La date butoir est le Conseil européen de décembre.

Les zones de conflictualité liées à la Turquie s'accumulent : Libye, Méditerranée orientale, Irak, Azerbaïdjan (Haut-Karabagh), Syrie, Varosha à Chypre... Cela fait beaucoup. La position de l'Union européenne a été de défendre ses membres en Méditerranée orientale. Le rendez-vous de décembre est majeur.

Vous connaissez le contexte du Haut-Karabagh...

M. Christian Cambon, président. - Nous sommes très sollicités par les deux parties. Il serait bon de rappeler la position du Gouvernement français.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. - C'est un lieu de complexité géographique, ethnique et nationale entre deux pays qui faisaient auparavant partie de l'Union soviétique. Il y a le Haut-Karabagh, à dominante arménienne, au milieu de l'Azerbaïdjan, et une zone sous contrôle azéri en Arménie, le Nakhitchevan, qui ne pose pas problème pour le moment. L'Arménie et la Russie sont liées par un accord de défense. Nous avons des relations étroites et anciennes avec ce pays. Le dernier sommet de la francophonie s'est tenu à Erevan il y a deux ans. Mais nous avons aussi des relations avec l'Azerbaïdjan : les précédents chefs de l'État français se sont tous rendus à Bakou.

Nous sommes coprésidents du groupe de Minsk, créé en 1994 à la fin de la première guerre qui avait conduit à l'indépendance des États, une coprésidence que nous partageons avec les Russes et les Américains. En réalité, nous aurions dû prendre des initiatives dans ce cadre pour que les Azéris et les Arméniens parviennent à un accord dans ce conflit qui ne s'est jamais éteint ; la solution ne viendra pas par les armes. Je parle très régulièrement avec mes homologues des deux parties, chacun dit qu'il est d'accord pour un cessez-le-feu, pour ouvrir l'accès à l'aide humanitaire, pour l'engagement de négociations, mais demande que ce soit l'autre partie qui fasse le premier pas. Chacun accuse l'autre de ne pas respecter le cessez-le-feu, obtenu, le 10 octobre, par le ministre russe des affaires étrangères, Sergueï Lavrov - un cessez-le-feu qui était caduc deux jours plus tard. Le Président de la République a repris l'initiative samedi dernier, il a discuté tout l'après-midi avec les deux parties et obtenu un cessez-le-feu et un communiqué commun, qui a tenu...trois jours. Nous savons tous que la solution est le cessez-le-feu immédiat, l'accès de l'aide humanitaire, puis des négociations, nous le répétons aux deux parties. Il y aura prochainement d'autres initiatives, nous essayons d'avancer, pour la paix. Nos efforts suscitent des critiques dans la communauté arménienne en France, où certains nous reprochent notre impartialité, notre effort d'équilibre entre les deux parties, mais, en tant que coresponsables des accords de 1994, nous devons rester impartiaux, ou bien nous serons contestés, et alors qui nous remplacera, sinon la Turquie ?

M. Christian Cambon, président. - Comment modérer certains pays qui alimentent le conflit en vendant des armes très sophistiquées aux belligérants, en particulier des drones particulièrement dangereux et qui font beaucoup de dégâts ?

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. - Je le dis à mes homologues arméniens et azéris : leur intérêt n'est pas de poursuivre le conflit, de voir des supplétifs syriens venir combattre en étant acheminés via Ankara, ni d'acheter des armes de plus en plus sophistiquées, de plus en plus létales ; des solutions existent, nous ne cessons de le leur dire.

Sur la Libye, je dirai que, pour la première fois depuis longtemps, une évolution positive paraît se dessiner, et ce par la convergence de trois éléments. D'abord, une trêve de fait, sur la zone de Syrte et de Jufra. Il est convenu d'appliquer les décisions du sommet de Berlin de janvier dernier, avec le dispositif militaire « 5+5 » pour passer de la trêve au cessez-le-feu. Ensuite, un premier accord est intervenu pour lever le blocus pétrolier, ce qui est positif, car les revenus du pétrole vont être gérés de façon transparente plutôt que par les seules milices. Enfin, un forum politique inter-libyen s'est tenu cet été à Montreux, en Suisse, et il va se réunir de nouveau à Tunis dans quelques jours - c'est la raison pour laquelle je m'y rends ce soir - pour préparer des élections et une révision de la Constitution - c'est la seule façon de parvenir à un accord durable. Le risque de dégradation à la syrienne a donc diminué, le contrôle des armes progresse, il faut utiliser cette occasion pour parvenir à un règlement, les pays voisins et de la zone doivent jouer leur rôle maintenant.

Notre position est claire sur la Biélorussie : le conflit est interne à ce pays, ce n'est pas un conflit géopolitique. La protestation tient au sentiment d'une partie de l'opinion publique biélorusse de s'être fait voler les élections du 9 août dernier ; nous ne reconnaissons pas l'élection d'Alexandre Loukachenko, qui s'est auto-investi pour un sixième mandat, nous soutenons le mouvement démocratique et demandons un dialogue politique dans le cadre de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), dont c'est le rôle. L'Union européenne a sanctionné au 1er octobre dernier quelque quarante responsables politiques biélorusses - ils ne peuvent plus se déplacer en Europe, leurs biens situés en Europe sont gelés et il est interdit aux Européens de travailler avec eux, où que ce soit. Nous avons demandé à notre ambassadeur de ne pas rejoindre Minsk pour le moment.

M. Olivier Cadic. - Monsieur le ministre, je vous remercie d'avoir accédé à ma demande d'organiser une réunion avec les Français de l'étranger pour assouplir les modalités de l'aide sociale d'urgence, c'était nécessaire. Je vous sollicite à nouveau, cette fois contre une circulaire qui permet à certains fonctionnaires de s'abriter derrière une période de réserve de six mois avant toute élection : cette réserve limite trop l'action des élus des Français de l'étranger, je l'ai constaté personnellement, il faut trouver une solution.

Le 6 décembre prochain, le dictateur Nicolás Maduro veut imposer des élections législatives au Venezuela, pour se débarrasser du dernier rempart démocratique du pays, l'Assemblée nationale et son président Juan Guaidó, lequel est également président de la République vénézuélienne par intérim. Un tel dictateur, dont les crimes ont été établis par le Conseil des droits humains de l'ONU, le 16 septembre dernier, n'organise pas des élections pour les perdre. Comment la France compte-t-elle soutenir les droits humains et la dernière institution démocratique reconnue par notre pays au Venezuela ?

En Chine, nos démocraties découvrent l'ampleur de l'oppression des musulmans ouïghours au Xinjiang. Les chrétiens, eux aussi, sont persécutés. Les églises sont surveillées, des caméras Huawei avec reconnaissance faciale y sont installées pour contrôler les pratiquants. Certains lieux de culte ont été attaqués par des forces de sécurité. Des centaines d'églises ont été fermées l'an dernier. La fréquentation des églises est interdite aux moins de dix-huit ans, les personnes âgées ont été informées que leurs pensions seront réduites si elles ne renonçaient pas à leur foi chrétienne, des chefs religieux sont détenus, comme le pasteur Wang Yi, condamné à neuf ans d'emprisonnement en décembre dernier, une peine qu'Amnesty International a qualifiée d'injuste et scandaleuse. La France compte-t-elle demander la libération du pasteur Wang Yi ?

Enfin, la Suède vient, par mesure de sécurité nationale, d'interdire de son réseau 5G les équipements chinois Huawei et ZTE. L'entreprise Huawei étend ses connexions en France, elle vient d'ouvrir un sixième centre de recherche dans le 7arrondissement de Paris, à mi-chemin de l'Assemblée nationale et de l'Hôtel Matignon, à moins d'un kilomètre du centre où nous chiffrons les télégrammes diplomatiques : ne pensez-vous pas que nous faisons preuve de naïveté ?

Le sommet européen sur la Chine prévu le 16 novembre a été annulé : une nouvelle date est-elle programmée ?

Mme Hélène Conway-Mouret. - Merci pour les mesures concrètes que vous annoncez pour renforcer la sécurité des Français de l'étranger, qui pensent de plus en plus que le prix de leur propre tête a fortement augmenté avec la libération de 206 djihadistes et les millions d'euros versés pour la récente libération d'otages détenus par des terroristes. Je tiens également à vous en témoigner, l'affichage de la charte de la laïcité dans les établissements français de l'étranger est un soutien utile à l'enseignement du français à l'étranger.

La Chine accentue considérablement la pression en Asie du Sud-Est, diplomatique, commerciale, elle progresse au point que l'US Navy ne trouverait peut-être plus d'iles accessibles pour implanter de base pourtant nécessaire en cas de conflit majeur. Devant cette évolution, n'êtes-vous pas inquiet des vues de la Chine sur Taïwan ?

M. Yannick Vaugrenard. - Je reste dubitatif sur le Mali. Le gouvernement provisoire a certes pris des engagements envers l'opération Barkhane, mais ne l'a-t-il pas fait pour parer à une urgence ? Je m'inquiète de voir que l'imam salafiste Mahmoud Dicko est devenu un personnage central au Mali, lui qui a qualifié de « une punition divine » l'attentat du Radisson Blu de Bamako, le 25 novembre 2015. C'est le signe de l'inclusion de l'islamisme dans le champ politique malien : ne fait-il pas craindre qu'après « IBK dégage ! », le prochain slogan ne soit « France, dégage ! » ? N'y a-t-il pas un risque majeur pour le conflit libyen lui-même ? Plus largement, comment la France peut-elle continuer son engagement sans un soutien plus déterminé de la communauté internationale et de l'Union européenne en particulier ?

Mme Joëlle Garriaud-Maylam. - Je vous remercie de votre engagement à renforcer la laïcité, c'est très important dans l'enseignement du français à l'étranger. Cependant, le Quai d'Orsay supprime la Journée défense et citoyenneté (JDC) et j'ai entendu dire qu'une formation numérique serait mise en place : qu'en est-il ? Pouvez-vous faire passer un message clair aux ambassades et aux consulats sur le sujet ? Il serait également utile d'ouvrir les formations de l'Institut des hautes études de défense nationale (IHEDN) aux Français de l'étranger.

M. Hugues Saury. - Depuis 2012, la France a été tragiquement touchée par le terrorisme islamiste, au point que la lutte contre le terrorisme est devenue un volet essentiel de notre politique étrangère et de notre politique de défense. Pensez-vous que les accords de coopération, qui peuvent comporter des volets de formation dans le renseignement ou la sécurité, sont adaptés à la réalité du terrorisme ? Ne faudrait-il pas y adjoindre d'autres volets, en particulier celui de la lutte contre le terrorisme ? La France peut-elle continuer seule à lutter sur le terrain ? Sur quels relais pourriez-vous compter ?

M. André Gattolin. - Le comportement international de la Chine devient un sujet de vive préoccupation. Comme vice-président de l'alliance interparlementaire sur la Chine, qui regroupe 23 parlements et le Parlement européen, je veux signaler les initiatives que nous prenons, le plus possible par des demandes bipartisanes, pour essayer de peser dans le sens de la démocratie et des droits. Nous nous sommes félicités de la suspension des traités d'extradition de la France avec Hong Kong, en réponse à la loi chinoise de sécurité nationale. Un problème se pose cependant avec le traité d'extradition entre la France et la Chine, signé en 2007 et difficilement ratifié en 2015 : son résultat est complètement déséquilibré, une personnalité a été enlevée sur notre territoire en février 2017, nous subissons des pressions pour l'expulsion de citoyens chinois vivant en France... Est-il possible de suspendre ce traité d'extradition entre la France et la Chine ?

M. Pascal Allizard. - Nous entendons dire qu'il y aurait des discussions autour du ministre russe des affaires étrangères Sergueï Lavrov, pour un troisième cessez-le-feu dans le Haut-Karabagh : les Américains et les Français en sont-ils partie prenante ? D'autres pays sont-ils associés, comme l'Allemagne, la Suède, l'Italie ? Cette énième crise vous paraît-elle l'occasion de réactiver le groupe Minsk ou bien pensez-vous qu'il va disparaitre, faute de résultats ?

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. - Les trois coprésidents du groupe de Minsk sont garants du statu quo de 1994, ils travaillent ensemble pour avancer. Le problème, c'est que nous avons été trop passifs face à cette situation bloquée depuis le départ, il ne s'est quasiment rien passé depuis le début - il faut reprendre l'initiative, parvenir à un cessez-le-feu et mettre en place un outil de vérification du cessez-le-feu. Une troisième discussion est imminente à Washington, on va essayer d'avancer.

Je suis tout à fait disposé à ce que des formations relevant de la JDC puissent être dispensées par des outils numériques ; j'ai créé il y a un an le collège des hautes études de l'Institut diplomatique (Cheid), c'est un outil à utiliser également, en plus de l'IHEDN.

Monsieur Vaugrenard, je ne partage pas vos préventions contre l'imam Mahmoud Dicko, il n'est pas dans le Gouvernement malien, il a pris ses distances avec la politique depuis la chute d'IBK, il est moins acteur qu'il ne l'a été dans la protestation contre IBK. Je m'interroge plutôt sur le fait de savoir si le dispositif actuel, avec un gouvernement large, va tenir dans les mois qui viennent. C'est ce que je veux voir en m'y rendant demain et après-demain.

Nous avons suspendu le traité d'extradition avec Hong Kong et nous avons bien fait. Pour le moment, il n'est pas à l'ordre du jour de suspendre le traité d'extradition avec la Chine. Comme je l'ai dit lors des questions d'actualité, je crois qu'avec la Chine nous devons tenir trois axes. Une coopération sur les questions d'intérêt commun, et il y en a de très importantes, comme le climat, où nous pouvons faire avancer des dossiers essentiels ; une concurrence dans un grand nombre de domaines, en particulier sur la définition et la régulation des normes qui régissent le commerce, les investissements, la production elle-même, les échanges - et dans cette concurrence, où nous demandons plus de transparence, plus de réciprocité, chacun marque des points, alternativement, c'est ce qui arrive avec Huawei, où nous acceptons qu'il n'y ait pas de discrimination contre cette entreprise, mais exigeons qu'elle ne compromette en rien notre sécurité nationale ; enfin, une rivalité idéologique majeure entre deux systèmes idéologiques, dans laquelle nous ne devons plus avoir aucune naïveté. Le sommet UE-Chine a été reporté, mais il y a eu une réunion en visio-conférence, où les échanges ont été très fermes. Nous souhaitons une rencontre à 27+1, je le dis à mes homologues, l'hypothèse antérieure à 17+1 n'est pas la bonne solution, il faut que l'Union s'exprime à 27. On doit se battre sur les normes et sur la transparence. Quant au combat idéologique, il est majeur, la Chine vise le premier plan mondial en 2047. Quel que soit le résultat de l'élection américaine, la radicalisation de l'affrontement entre les États-Unis et la Chine va continuer dans les années à venir.

Nous ne reconnaissons pas Taïwan, chacun le sait, mais nous sommes soucieux du dialogue et du partenariat économique avec l'île, nous soutenons la participation de Taïwan à des instances internationales, par exemple à l'Organisation mondiale de la santé (OMS) - c'est dans l'intérêt sanitaire général.

Dans la lutte contre le terrorisme, notre politique étrangère et de défense comprend cinq aspects : l'aspect militaire - voyez notre présence au Mali, en Irak - où il nous faut tenir nos coalitions et nous avons des alliés, bien plus qu'au début des opérations ; l'aspect renseignement, où la coopération internationale est significative et où nous disposons d'un outil de qualité, nous l'avons démontré en prévenant des attentats en France et à l'étranger ; l'aspect financement du terrorisme : nous avons progressé sur les sanctions contre toute source de financement, avec l'initiative No money For Terror, avec des rencontres régulières entre experts; l'aspect numérique, je vous en ai parlé ; enfin, le développement des pays d'où proviennent les terroristes. Les cinq aspects vont de pair, il faut qu'ils progressent ensemble pour réussir contre le terrorisme. Les choses prennent du temps, parce que l'enjeu Sud est apparu bien plus tard que celui de l'Est, le dispositif oriental est donc bien plus développé, mais les choses sont appelées à s'équilibrer.

Dans le cadre d'un rapprochement opéré depuis 2013, des discussions ont été ouvertes entre le Saint-Siège et Pékin. Le Vatican espère, semble-t-il, faire respecter la communauté chrétienne chinoise. Il y a de nombreux témoignages attestant de la répression des chrétiens en Chine, en particulier de violences contre les prêtres et les évêques. Nous suivons les événements de très près. Une mission parlementaire est en cours sur la diplomatie du Saint-Siège, qui intègrera cette dimension particulière.

Sur le Venezuela, les conditions de l'élection prévue le 6 décembre prochain sont tout à fait discutables, nous avons diligenté sur place Josep Borrell. Il y a des divergences de vue dans l'opposition elle-même sur la tenue des élections à l'Assemblée nationale, alors qu'elle est la seule entité légale. Le groupe de contact que nous avons créé il y a deux ans s'est réuni le 17 septembre, il a constaté que les garanties de transparence n'étaient pas réunies pour cette élection : c'est la position de la France et celle de l'Union européenne, elle est parfaitement claire.

M. Christian Cambon, président. - Faut-il s'attendre à un no deal pour le Brexit ?

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. - Je souhaite dire aux Britanniques, s'ils m'entendent : vous êtes de très bons tacticiens, mais l'heure n'est plus à ces manoeuvres, et nous préférons, dans l'intérêt de tous, une absence d'accord à un mauvais accord. Nous considérons la dernière déclaration en date des Britanniques, le 16 octobre, comme une nouvelle manoeuvre tactique. Les trois sujets de contentieux, pêche, conditions de concurrence et gouvernance, demeurent sur la table. Nous n'avons pas avancé.

M. Pascal Allizard. - No deal égale nouveau délai...

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. - Les Britanniques ont les mêmes contraintes économiques que nous. Prennent-ils la mesure des conséquences ? De notre côté, nous sommes prêts. Les ministres européens concernés se réunissent régulièrement pour gérer l'éventualité d'un no deal. Cela signifie s'organiser pour une relation commerciale proche du cadre de l'OMC, sans compter les questions douanières. C'est colossal, mais nous sommes prêts à l'affronter ; je ne suis pas sûr que le Royaume-Uni le soit. Nous souhaitons un accord. Les Britanniques veulent traiter à part la question de la pêche, ce qui n'est pas étonnant, car ils y sont en position de force. Mais il faut l'éviter, car un accord nécessite de discuter de tous les sujets ensemble. Ce n'est pas le chemin que nous prenons.

M. Christian Cambon, président. - Je vous remercie. Nous vous retrouvons le 3 novembre pour l'audition sur le projet de loi de finances pour 2021.

La réunion est close à 18 h 25.

Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible sur le site du Sénat.