COMMISSIONS MIXTES PARITAIRES

Mercredi 8 juillet 2020

- Présidence de M. Jean-Paul Mattei, député, président -

La réunion est ouverte à 17 heures.

Commissions mixtes paritaires sur le projet de loi et le projet de loi organique relatifs à la dette sociale et à l'autonomie

Conformément au deuxième alinéa de l'article 45 de la Constitution et à la demande de M. le Premier ministre, une commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi organique relatif à la dette sociale et à l'autonomie, et une commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi ordinaire relatif à la dette sociale et à l'autonomie, textes adoptés par l'Assemblée nationale le 15 juin dernier et par le Sénat le 1er juillet, se sont réunies à l'Assemblée nationale le mercredi 8 juillet 2020.

Elle procède tout d'abord à la désignation de son bureau, constitué de M. Jean-Paul Mattei, député, président, M. Alain Milon, sénateur, vice-président, de M. Thomas Mesnier, député, rapporteur pour l'Assemblée nationale, et de M. Jean-Marie Vanlerenberghe, sénateur, rapporteur pour le Sénat.

Les commissions mixtes paritaires procèdent ensuite à l'examen des dispositions restant en discussion.

M. Jean-Paul Mattei, député, président. - M. le Premier ministre a informé M. le Président de l'Assemblée nationale et M. le Président du Sénat qu'il avait décidé de convoquer la réunion de deux commissions mixtes paritaires chargées de proposer un texte commun sur les projets de loi organique et ordinaire relatifs à la dette sociale et à l'autonomie. Nous nous retrouvons donc aujourd'hui à cette fin avec nos collègues sénateurs, auxquels je souhaite la bienvenue.

Comme de coutume, je donnerai d'abord la parole au vice-président, puis à nos rapporteurs, en commençant par celui de la dernière assemblée saisie. Une discussion pourra ensuite s'engager, sachant qu'elle portera bien sûr sur les deux textes dont nous sommes aujourd'hui saisis.

M. Alain Milon, sénateur, vice-président. - Je serai bref et précis. Le rapporteur aura l'occasion de revenir sur la position du Sénat. Mais pour le dire en quelques mots, nous pensons qu'il faut tenir bon sur les principes. C'est la pérennité de la sécurité sociale qui est en jeu. Cette préoccupation a guidé le travail du Sénat sur le texte que nous vous proposons aujourd'hui.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, sénateur, rapporteur pour le Sénat. - Mon propos portera à la fois sur le projet de loi ordinaire et sur le projet de loi organique. Le texte du Gouvernement conduit à transférer 136 milliards d'euros à la Caisse d'amortissement de la dette sociale (CADES), ce qui repousserait son extinction à décembre 2033. En quelque sorte, cela nous fait revenir à la case départ. Lorsque la CADES été créée, en 1996, l'extinction de la dette sociale devait intervenir en 2009 !

Au Sénat, nous avons considéré que nous devions nous poser les mêmes questions qu'en 1995-1996, lors des débats sur la création de la CADES. Devons-nous, oui ou non, viser l'extinction de la dette sociale ? À cette question, nous avons répondu par l'affirmative. Dès lors, comment sortir de la situation sans fin où nous nous trouvons aujourd'hui ? Premièrement, nous devons veiller à ce que la dette transférée à la CADES soit légitime. Deuxièmement, nous devons mettre un terme aux déficits cumulés de la sécurité sociale, qui viennent chaque année reconstituer cette dette.

Dans quelle mesure est-il légitime de transférer une dette à la CADES ? Il nous a semblé que le transfert des déficits passés et des déficits cumulés des différents régimes de 2020 à 2023 était légitime. En revanche, nous avons très largement rejeté l'amortissement par la CADES d'un tiers de la dette hospitalière, pour un montant de 13 milliards d'euros, car les hôpitaux sont la propriété de l'État. Tel est le sens du principal amendement que nous avons voté sur le projet de loi ordinaire.

Par ailleurs, comment mettre un terme à l'accumulation des déficits de la sécurité sociale ? Afin d'apporter une solution, le Sénat a voté l'introduction d'une règle d'or pour les comptes de la sécurité sociale, qui s'appuiera sur les éléments de pluriannualité qui existent déjà dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS). En vertu de cette règle, le solde cumulé des régimes obligatoires de base et du Fonds de solidarité vieillesse (FSV) sur les années n à n+4 devrait être positif ou nul.

Cette règle est à la fois contraignante et souple. Contraignante, car, pour la première fois, elle imposerait de faire de véritables choix financiers en matière sociale. Souple, parce que les déficits ponctuels restent possibles avec cette règle, l'équilibre s'appréciant sur un cycle économique de cinq ans, pouvant être porté à dix ans en situation de crise exceptionnelle. Il reviendrait au Haut Conseil des finances publiques et au Conseil constitutionnel de juger de la sincérité de la trajectoire proposée. En somme, ce que nous proposons est un décalque de ce que vous avez voté pour les retraites.

Sur le volet autonomie, ce que nous proposons sur la cinquième branche est tout à fait cohérent avec le travail effectué par l'Assemblée, bien que des doutes aient été émis quant à l'opportunité de créer cette branche en urgence.

Au total, nous pourrions nous entendre, n'étaient-ce ces deux questions du transfert de la dette des hôpitaux et de la règle d'or, pour lesquelles je comprends que nous ne parviendrons sans doute pas à converger. J'approuve néanmoins la méthode de travail : nos échanges nous permettent de faire entendre la voix du Parlement, et de ne pas être à la remorque du Gouvernement.

M. Thomas Mesnier, député, rapporteur pour l'Assemblée nationale. - Le Sénat a adopté la semaine dernière les projets de loi ordinaire et organique relatifs à la dette sociale et à l'autonomie.

S'agissant du projet de loi organique, deux articles demeurent en discussion, après l'adoption conforme de l'article 1er par le Sénat. Je voudrais me féliciter de l'accord entre nos deux chambres concernant la nécessité d'accepter, en responsabilité, un délai supplémentaire d'amortissement de la dette sociale, fixée désormais en 2033. L'ampleur des déficits à reprendre, d'un montant de 136 milliards d'euros, justifie cet effort supplémentaire, malgré la volonté que nous partageons tous d'éteindre la dette sociale aussi rapidement que possible, pour qu'elle ne pèse pas éternellement sur les générations à venir ni sur les nécessaires investissements dans notre protection sociale. Je pense qu'il faudra regarder également avec un oeil favorable les précisions apportées par le Sénat à l'article 2, concernant les annexes, qui me semblent aller dans le bon sens.

Cet attachement commun à la bonne gestion des finances sociales doit nous faire réfléchir sur la meilleure manière d'assurer un pilotage des finances sociales aussi proche que possible de l'équilibre, dès lors que les conditions macroéconomiques y seront à nouveau propices. Le Sénat propose en la matière un système de « règle d'or » budgétaire, à travers une annexe B clarifiée, complétée et renforcée. Le nouvel article 1er bis propose ainsi d'inscrire dans la loi organique la règle selon laquelle la prévision de soldes cumulés de l'ensemble des régimes obligatoires de base et des organismes qui concourent à leur financement, pour une période de cinq exercices, soit positive ou nulle. Cet article prévoit également la possibilité, en cas de circonstances exceptionnelles, dont nous ne pouvons que trop bien comprendre la portée aujourd'hui, de déroger à cette règle. Le cas échéant, un rapport annexé aux lois de financement de la sécurité sociale (LFSS) devra détailler la manière dont le Gouvernement entend assurer l'équilibre sur une période de dix ans. Le droit commun et l'exception prévoient tous deux le détail des mesures que devra prendre le Gouvernement pour respecter la trajectoire pluriannuelle des finances sociales qu'il présente.

Le mécanisme proposé est proche, même s'il s'applique à un champ différent, de ce qui a pu être examiné en son temps dans le cadre du projet de loi organique relatif au système universel de retraite. Aussi intéressante cette idée soit-elle, j'estime qu'elle doit s'insérer dans une réflexion plus large sur l'évolution du pilotage des finances sociales, à laquelle pourrait d'ailleurs s'adjoindre une nouvelle définition du champ des LFSS comme une modernisation de l'examen dans lequel nous nous engageons chaque automne.

La date retenue par le Sénat dans sa rédaction montre d'ailleurs l'absence d'urgence absolue sur ce sujet, en comparaison des autres dispositions. Nous gagnerions vraiment à faire prochainement une proposition cohérente et complète sur tous les aspects des LFSS. Je suis attaché par ailleurs à ce que nous ne mélangions pas tous les sujets, alors que ce texte porte déjà des mesures très fortes pour l'autonomie de nos concitoyens.

Je sais qu'à ce sujet, nos assemblées partagent un objectif commun, et je souhaite que nous menions un travail coordonné pour les faire avancer, d'ici quelques mois.

Le Sénat a adopté dans le même temps le projet de loi ordinaire. Concernant ce texte, trois articles restent en discussion, le Sénat ayant adopté deux articles conformes. Je tiens à souligner là aussi l'accord que nous partageons concernant le fond : je suis également animé, comme les sénateurs de la conviction que le transfert en 2024 d'une fraction de contribution sociale généralisée (CSG) de la CADES vers la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) constitue un engagement crucial dans le financement du soutien à l'autonomie.

Je vois également que les modifications apportées concernant la cinquième branche, dont nous avons acté la création en première lecture à l'Assemblée nationale, ont permis d'améliorer la qualité du texte, et je ne peux qu'y souscrire. Il en va de même pour l'article 3 concernant le transfert de la soulte des industries électriques et gazières à l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS), afin de soulager aussi rapidement que possible la trésorerie de la sécurité sociale.

Cependant, la suppression par le Sénat des dispositions relatives à la reprise par la CADES de la dette des établissements de santé, privés d'intérêt collectif et assurant le service public hospitalier fait obstacle à ce que nous trouvions un accord lors de cette commission mixte paritaire. Conformément aux annonces du Gouvernement en novembre 2019, le présent projet de loi prévoit en effet qu'un tiers du montant des dettes accumulées jusqu'au 31 décembre 2019, à hauteur de 13 milliards d'euros, soit transféré à la CADES. Le financement de ces établissements par l'assurance maladie constitue pour moi une preuve amplement suffisante du caractère social de la dette et donc des modalités de reprise proposées par le Gouvernement. Sa suppression, à l'inverse, maintiendrait les hôpitaux dans l'asphyxie budgétaire qui est la leur actuellement.

Ces éléments me semblent de nature à constater dès maintenant la divergence, partielle mais substantielle, entre nos deux chambres, et à acter dès à présent l'échec de notre commission mixte paritaire.

M. Jean-Pierre Door, député. - Mon groupe, Les Républicains, s'oppose à ce que la CADES devienne une caisse fourre-tout, une sorte d'« auberge espagnole », comme je l'ai entendu dans les débats au Sénat. C'est en contradiction avec l'esprit de la « loi Veil » de 1994, mais aussi de la loi organique de 2010, qui exigeait des ressources obligatoires en fonction des dépenses. Or, les nouveaux transferts résultent de l'exonération des cotisations sociales voulue par le Gouvernement, des mesures prises en réponse au mouvement des « gilets jaunes », et, maintenant, de la dette des hôpitaux ! Cela relève exclusivement de l'État. Par ailleurs, nous sommes favorables à la règle d'or proposée par nos collègues. C'est pourquoi nous voterons pour le texte du Sénat.

M. Yves Daudigny, sénateur. - Le groupe socialiste et républicain a exprimé sa perplexité, face à un texte qui acte le transfert de 136 milliards d'euros de dettes à la CADES et, en même temps, crée une nouvelle branche de la sécurité sociale ! Nous sommes totalement opposés au transfert de cette dette à la CADES, car elle n'offre aucune garantie pour l'avenir. Il existe une solution alternative, qui n'a pas été retenue mais n'a rien d'impraticable. Nous pourrions mutualiser la dette sociale avec celle de l'État, en actant le caractère très exceptionnel de la période actuelle. Cela permettrait de libérer environ 10 milliards d'euros de recettes fiscales par an, pendant dix ans, pour financer d'autres besoins, notamment l'autonomie.

Quant à la création d'une cinquième branche, finançant la dépendance liée à l'âge et au handicap, elle a toujours été appelée de ses voeux par le groupe socialiste. Mais telle que nous la propose ce texte, c'est une coquille vide ; il faut encore lui adjoindre un financement pérenne, une gestion, des prestations. Nous encourageons le Gouvernement à aller dans ce sens. Mais pour les raisons que j'ai évoquées, nous voterons contre ce texte.

Mme Cendra Motin, députée. - Je déplore que nos deux assemblées ne puissent se mettre d'accord sur un texte aussi engageant et urgent pour rendre soutenable le déficit de la sécurité sociale. L'ACOSS n'a pas été créée pour porter 90 milliards d'euros de dette. Les risques qui en résultent dans la capacité de refinancement de l'ACOSS rendent nécessaire l'intervention de l'État, nous plaçant alors dans une situation anormale.

S'agissant de la règle d'or, bien qu'y étant sensible et en comprenant la finalité, je crois davantage à la souplesse de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (ONDAM) pour nous permettre de donner tous les moyens à la politique de santé. En matière de retraite, la règle d'or répondait au contraire à l'objectif d'un rétablissement de l'équilibre des régimes sur plusieurs années.

S'agissant enfin des recettes, la France reste le pays dont le taux de prélèvements obligatoires est le plus élevé au monde - et ce en dépit de nos efforts depuis trois ans pour en baisser le niveau. Renforcer le niveau de taxation ne me paraît pas souhaitable face à la crise sociale et économique que nous nous apprêtons à traverser.

L'engagement du ministre, M. Olivier Véran, est fort, promettant de consacrer 1 milliard d'euros supplémentaires dès l'année prochaine à la dépendance. Nous devons poursuivre le travail, en attendant la conclusion des différents travaux dans la perspective du prochain PLFSS. Nous pourrons alors consacrer des crédits pour répondre aux engagements forts que nous prenons.

M. Bernard Perrut, député. - Nous sommes tous unis sur l'objectif de création d'une cinquième branche. Nous sommes en revanche étonnés par la méthode, dans le cadre d'annonces rapides, à la hussarde, sans que d'autres options puissent être discutées. Cette réforme intervient par ailleurs à un moment où les besoins liés au grand âge n'ont pas fait l'objet d'un débat. Nous risquons donc de créer une branche qui ne sera pas adaptée, sans en connaître les financements nouveaux.

La cinquième branche ressemble en réalité à une coquille vide, seul 1 milliard d'euros supplémentaires ayant été annoncé par le ministre, dans la perspective de 3 à 4 milliards d'euros supplémentaires d'ici 2024. Nous considérons ces moyens supplémentaires comme insuffisants par rapport aux 30 milliards d'euros annuels couverts par la dépendance - dont 7 milliards restant à la charge des familles.

Nous ne sommes évidemment pas contre la mise en oeuvre de ce dispositif juridique, quel qu'en soit le nom - bien qu'il faille éviter la référence à la notion de risque. Plutôt qu'un risque, la vieillesse est une chance et un défi qui doivent se préparer dès la retraite, dans l'objectif de construire un parcours de vie et de privilégier le maintien à domicile.

Mais nous ne pouvons pas nous limiter à des effets d'annonce : battons-nous ensemble, avec nos collègues de la majorité, pour obtenir des moyens adéquats. Il y a urgence dans ce domaine.

M. Philippe Mouiller, sénateur. - Je ne reviendrai pas sur le problème de méthode, avec l'annonce du chiffre de 1 milliard d'euros supplémentaires sans évaluation. Au regard notamment des travaux menés par notre commission des affaires sociales dans son groupe de travail consacré au handicap, ce chiffre semble largement insuffisant.

J'aimerais soulever ici la question du périmètre couvert par la notion d'autonomie. Il y a un vrai risque de réduire le handicap à cette notion, alors qu'il la dépasse largement, notamment dans la construction des parcours de vie. La politique du handicap est-elle limitée, dans la nouvelle architecture gouvernementale, à la seule perte d'autonomie ?

M. Paul Christophe, député. - Ne nous engageons pas dans des procès en paternité sur la réforme de la dépendance. Notre priorité était de cranter ce sujet. Le projet de loi organique n'a pas pour vocation de définir l'ensemble des éléments relatifs à la création d'une cinquième branche - qu'il s'agisse de la gouvernance ou des financements - mais d'acter une volonté certaine du Parlement d'avancer ensemble pour en porter création.

Les rapports remis par M. Dominique Libault et Mme Myriam El Khomri avaient des visions financières fixées à 2024 et 2030. Avec cette réforme, nous avons l'opportunité d'acter dès cette année la progression de 1 milliard d'euros des dépenses consacrée à l'autonomie. Nous serons tous d'accord pour considérer cette proposition comme insuffisante et pour la faire progresser.

Je partage l'interrogation relative à l'autonomie concernant le handicap, tout en précisant que nous ne devons pas nous limiter à la perte d'autonomie : les gains d'autonomie, qui sont réels, ne doivent pas être oubliés. Nous connaissons tous les bénéfices, pour la société dans son ensemble, de l'accompagnement des parcours de vie des personnes en situation de handicap. Le champ du handicap a toute sa place dans cette réflexion, au-delà du seul enjeu de l'autonomie.

La loi organique crée légitimement les conditions pour que la loi ordinaire puisse poser les fondations d'une cinquième branche, grâce à une initiative parlementaire prise par amendement.

Mme Jeanine Dubié, députée. - Je remercie nos collègues du Sénat qui ont soulevé des interrogations partagées concernant le périmètre, la gouvernance et le financement.

Nous sommes nombreux à demander, depuis longtemps, la création d'une cinquième branche, dès l'origine des débats relatifs à la mise en place de la CNSA. Nous regrettons la vision budgétaire de cette réforme, qui se limite à fusionner deux sous-ONDAM et à créer une annexe. Le groupe Libertés et Territoires a eu l'occasion d'exprimer toutes ses réserves à ce titre.

Plusieurs sujets de fond, relatifs notamment à la barrière de l'âge, n'ont pas été abordés, pour répondre notamment aux personnes en situation de handicap et non aux seules personnes âgées. L'inclusion ou non de l'allocation personnalisée d'autonomie et de la prestation de compensation du handicap dans la future cinquième branche ne l'a pas été davantage.

M. Alain Milon, sénateur, vice-président. - Je regrette tout d'abord que la notion de cohérence soit avancée pour défendre cette réforme, au moment où la reprise de la dette hospitalière par la CADES n'illustre pas une grande cohérence.

Je regrette également que la création d'une règle d'or soit considérée comme prématurée, contrairement au transfert d'une partie de la CSG, que nous devrions voter dès à présent pour une application en 2024.

M. Thomas Mesnier, député, rapporteur pour l'Assemblée nationale. - Je préciserai que nous avons donné, à l'Assemblée nationale, une impulsion pour que la CNSA participe à la construction de la future gouvernance, dans la perspective du prochain PLFSS.

S'agissant du handicap, nous ne pouvons pas le réduire à l'autonomie, et réciproquement. La CNSA travaille d'ailleurs aujourd'hui de manière bien plus large que sur le seul enjeu de l'autonomie. Il nous reste à attendre de connaître l'architecture complète du Gouvernement.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, sénateur, rapporteur pour le Sénat. - La qualité des interventions est réelle mais ne suffira pas à nous permettre d'obtenir un accord.

Je rappellerai uniquement que la dette des hôpitaux résulte, pour l'essentiel, de l'absence financement consacré au « plan hôpital » de 2007. Rien ne s'oppose à ce que les hôpitaux soient transférés à l'assurance maladie. Nous devons revoir l'architecture d'ensemble pour y retrouver de la cohérence.

Nous étions prêts à admettre cette facilité à une occasion, à condition toutefois de préciser plus clairement les conditions de transfert de dette à la CADES pour l'avenir. Cet objectif de précision supplémentaire était d'ailleurs également celui porté au titre de la règle d'or concernant l'ensemble des branches de la sécurité sociale.

Notre objectif d'un solde positif ou excédentaire sur cinq ans était clair. Nous reviendrons sur ce sujet en formulant des propositions dans les mois qui viennent.

S'agissant de la cinquième branche, enfin, le transfert de 0,15 point de CSG revient à déshabiller l'un pour habiller l'autre. Cela n'est une bonne technique ni en comptabilité, ni en gestion. Je souhaiterais que le ministre octroie sans attendre 2,3 milliards à l'autonomie, dès 2021, bien au-delà du milliard qu'il a annoncé.

Les 22 milliards de l'ONDAM médico-social sont à mettre au regard des quelque 66 milliards de dépenses totales actuellement consacrées à la perte d'autonomie, selon les chiffres donnés par Mme Marie-Anne Montchamp, présidente du conseil de la CNSA. Nous pourrions alors avoir une bonne vision des moyens de notre politique dès 2021.

Les 22 milliards de financements consacrés à la perte d'autonomie sont à mettre au regard des 66 milliards de dépenses actuellement, aux termes des chiffres donnés par Mme Marie-Anne Montchamp, présidente du conseil de la CNSA. Nous pourrions alors avoir les moyens de notre politique dès 2021.

Je remercie néanmoins le rapporteur pour l'Assemblée nationale d'avoir souligné les points d'amélioration du texte apportés par le Sénat.

M. Jean-Paul Mattei, député, président. - Il me semble que l'on n'était pas loin d'un accord et, même si mon rôle de président m'oblige à une certaine neutralité, j'ai pour habitude de dire ce que je pense : je dois donc dire que je regrette que l'on n'ait pu y parvenir. Je le regrette pour la règle d'or, car j'ai bien senti que nos amis sénateurs étaient ouverts à une reprise, même partielle, de la dette hospitalière. J'ai le sentiment qu'il y avait un blocage au niveau du Gouvernement sur la règle d'or : on peut le regretter mais c'est ainsi.

Je vais donc vous proposer de constater que les commissions mixtes paritaires sur la loi organique comme sur la loi ordinaire ne peuvent pas conclure, et ce avant tout pour des questions de temps : il y a une certaine urgence et, si nous devions arriver à un accord, j'ai bien compris que par l'effet des navettes successives, il serait alors un peu tard.

Les commissions mixtes paritaires constatent qu'elles ne peuvent parvenir à élaborer un texte commun sur les dispositions restant en discussion du projet de loi organique et du projet de loi relatifs à la dette sociale et à l'autonomie.

La réunion est close à 17 h 45.

Jeudi 9 juillet 2020

- Présidence de M. Philippe Bas, président -

La réunion est ouverte à 14 h 00.

Commission mixte paritaire sur la proposition de loi visant à protéger les victimes de violences conjugales

Conformément au deuxième alinéa de l'article 45 de la Constitution et à la demande du Premier ministre, la commission mixte paritaire chargée d'élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi visant à agir contre les violences au sein de la famille se réunit au Sénat le mercredi 27 novembre 2019.

Elle procède tout d'abord à la désignation de son bureau, constitué de M. Philippe Bas, sénateur, président, de Mme Yaël Braun-Pivet, députée, vice-présidente, de Mme Marie Mercier, sénateur, rapporteur pour le Sénat, et de Mme Bérangère Couillard, députée, rapporteur pour l'Assemblée nationale.

La commission mixte paritaire procède ensuite à l'examen des dispositions restant en discussion.

M. Philippe Bas, sénateur, président. - Nous examinons cet après-midi les dispositions restant en discussion de la proposition de loi visant à protéger les victimes de violences conjugales.

Mme Marie Mercier, sénateur, rapporteur pour le Sénat. - Permettez-moi de vous rappeler, en quelques mots, les principaux apports du Sénat sur cette proposition de loi, présentée par nos collègues Bérangère Couillard et Guillaume Gouffier-Cha, qui a d'abord pour ambition de protéger les victimes de violences conjugales, mais qui contient aussi des dispositions concernant les mineurs.

La commission des lois du Sénat a d'abord adopté treize amendements lors de l'élaboration du texte, puis dix-sept amendements ont été votés en séance publique. Cela ne nous a pas empêchés d'adopter conformes quatorze articles de la proposition de loi, ce qui témoigne d'une large convergence de vues entre nos deux assemblées.

Sur le volet civil, nous avons notamment été sensibles aux problèmes soulevés par le décret du 27 mai 2020 portant application des articles 2 et 4 de la loi du 28 décembre 2019 visant à agir contre les violences au sein de la famille - la loi dite « Pradié » - relatifs à l'ordonnance de protection. L'obligation faite au demandeur, c'est-à-dire à la femme victime, de remettre au greffe l'acte de signification dans un délai de vingt-quatre heures à compter de l'ordonnance fixant la date de l'audience, sous peine de caducité de la demande, nous avait paru excessivement contraignante et, pour tout dire, intenable. Le Sénat a donc approuvé un amendement, présenté par notre collègue Marie-Pierre de la Gontrie, prévoyant que la signification serait à la charge du ministère public ou qu'elle serait réalisée par la voie administrative. Ce décret controversé a depuis lors été modifié, ce qui est de nature à nous conduire à reconsidérer l'opportunité de conserver cet amendement - nous aurons l'occasion d'y revenir au moment de l'examen de l'article 1er B de la proposition de loi.

À l'initiative de notre collègue Thani Mohammed Soilihi, nous avons également adopté un amendement qui donne la possibilité au juge aux affaires familiales (JAF) de prononcer une interdiction de rapprochement, dont le respect pourra être contrôlé grâce à un bracelet électronique. Nous avons ainsi comblé une insuffisance de la loi « Pradié ».

Toujours en matière civile, nous avons voulu éviter une trop grande automaticité en ce qui concerne la décharge de l'obligation alimentaire, afin de nous mettre à l'abri de toute contestation sur le plan constitutionnel. Nous avons également élargi les hypothèses dans lesquelles l'indignité successorale peut être prononcée.

Sur le volet pénal, le Sénat a approuvé, sous réserve d'améliorations rédactionnelles, les dispositions relatives au secret professionnel ou à la saisie des armes, tout en soulignant que leur apport était en réalité assez limité.

Nous avons également créé une circonstance aggravante pour le délit d'envoi répété de messages malveillants lorsqu'il est commis par le conjoint ou l'ex-conjoint.

Pour mieux protéger les mineurs, le Sénat a enfin adopté, sur mon initiative, un amendement visant à confier au Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) un nouveau pouvoir de régulation pour ce qui concerne l'accès des mineurs aux sites pornographiques : les sites qui ne prendraient pas de mesures permettant de contrôler effectivement l'âge des personnes qui les visitent feraient d'abord l'objet d'une mise en demeure, puis, s'ils n'obtempèrent pas, l'accès au site serait bloqué. Je ne sous-estime pas le travail technique qui reste à réaliser pour mettre en oeuvre concrètement le principe que nous avons ainsi posé dans la loi. Je pense cependant qu'il était important que le législateur exprime une volonté et fixe un cap. Depuis trop longtemps, les mineurs peuvent visionner sans entrave n'importe quel contenu pornographique, même les plus extrêmes : il était donc nécessaire que nous y mettions un coup d'arrêt. Je tiens à rendre hommage au travail préparatoire réalisé par Bérangère Couillard, dont elle a rendu compte dans son rapport. Je me suis inspirée de ses conclusions au moment d'élaborer mon amendement, qui est le fruit d'une coproduction entre l'Assemblée nationale et le Sénat.

Il reste donc peu de points de désaccord et nos échanges pour préparer cette réunion me laissent à penser que nous devrions pouvoir dégager des solutions de compromis, de nature à faire aboutir cette commission mixte paritaire. Nous pourrons ainsi apporter une nouvelle pierre à l'édifice législatif de la protection des femmes et des mineurs victimes de violences.

Mme Bérangère Couillard, députée, rapporteure pour l'Assemblée nationale. - J'ajouterai peu de choses à ce que vient d'indiquer notre collègue Marie Mercier. Je ne peux que souligner, avec elle, les discussions immédiatement fructueuses qui ont abouti au compromis qui va vous être proposé. Nous n'avons pas imaginé une seule seconde que cette commission mixte paritaire pourrait échouer. Sur un sujet tel que les violences conjugales, nous savons tous où sont nos responsabilités d'élus, sur tous les bancs et dans les deux hémicycles.

Un mot sur la genèse de ce texte. J'en suis aussi l'auteure principale avec Guillaume Gouffier-Cha, également présent dans cette commission mixte paritaire. Nous y avons transcrit les préconisations du « Grenelle contre les violences conjugales », réuni l'an dernier, dont nous pouvons être fiers.

Je salue les rédactions retenues par le Sénat sur des sujets compliqués, comme l'obligation alimentaire et le secret médical. Je me range aussi volontiers à ses ajouts relatifs au contrôle de l'accès des mineurs aux sites pornographiques et à la protection accrue des victimes de nationalité étrangère.

Sur la plupart des articles, nous vous proposerons des coordinations ou des précisions de périmètre, que nous vous présenterons si vous le souhaitez.

D'autres articles, enfin, ont été judicieusement adoptés par le Sénat, mais leur raison d'être a depuis disparu. Je pense à l'article 1er B, adopté en lien avec le décret d'application de la loi du 28 décembre 2019, concernant les modalités de délivrance des ordonnances de protection. Les sénateurs se sont légitimement opposés à la procédure privilégiée par la Chancellerie. Un nouveau décret a été publié, à la fin de la semaine dernière, qui est conforme aux attentes des parties prenantes. L'article 1er B peut donc être supprimé, non parce qu'il était inopportun, mais parce qu'il est désormais satisfait.

Un dernier mot pour remercier tous ceux qui ont pris part à ce texte et qui permettent de parvenir à un accord : aux députés de la majorité qui en sont à l'origine, aux oppositions qui l'ont enrichi, aux sénateurs qui l'ont précisé, au Gouvernement qui l'a soutenu. Cette loi comporte des avancées concrètes, attendues sur le terrain, pour mieux protéger les victimes et sanctionner les comportements violents. Merci à tous, car notre tâche est noble et, aujourd'hui, nous avançons sur le bon chemin.

Mme Nicole Le Peih, députée. - La semaine dernière, j'ai reçu notre collègue Alexandra Louis dans le Morbihan dans le cadre de sa mission d'évaluation de la loi n° 2018-703 du 3 août 2018 renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes. Nous avons rencontré les acteurs de terrain engagés dans la prévention et la réparation des violences conjugales. Les lois ne sont rien sans l'implication des acteurs de terrain, dont l'action est fondamentale.

Cette proposition de loi comporte des avancées ; nous devrons nous assurer qu'elles soient effectives ; j'espère que nous saurons le faire de manière transpartisane.

Mme Marie-Pierre de la Gontrie, sénatrice. - Je rappelle que l'article 1er B n'a pu être adopté qu'après une contestation bien légitime, quand nous avons dit combien la voie administrative était de loin préférable à ce que la femme, victime de violence conjugale, doive prendre à sa charge la signification de la convocation. Il y a eu un débat public, largement repris au Parlement, contre le décret qu'avait pris la garde des Sceaux. Nous constatons, avec satisfaction, qu'un nouveau décret a été pris fort opportunément la semaine dernière. Il est plus satisfaisant, mais pas encore parfait : en effet, quand la demanderesse est assistée d'un avocat, elle doit prendre en charge l'organisation de la procédure de convocation. Cependant, l'architecture des mesures est plus protectrice. Les frais de signification pouvant relever de l'aide juridictionnelle, l'ensemble est acceptable. C'est pourquoi nous sommes favorables à la suppression de l'article 1er B, dès lors que le Gouvernement n'y reviendra pas - la vigilance des associations devrait l'en dissuader.

Mme Annick Billon, sénatrice. - Je partage ces propos. Ce texte comporte des avancées, mais force est de constater que le Grenelle a été suivi de plusieurs textes, au détriment de la clarté de nos débats. Plutôt que des lois abordant ces questions de manière parcellaire, mieux aurait valu débattre d'une loi-cadre, embrassant les grands sujets du Grenelle.

Ces avancées seront vertueuses si elles sont effectives : cela suppose des moyens pour la justice et pour les associations, qui sont en première ligne, nous ne manquerons pas de le rappeler.

Mme Alexandra Louis, députée. - Voici un bel exemple de travail parlementaire réussi, nous avons su nous réunir pour avancer sur un sujet particulièrement grave. Je suis aussi attachée à la clarté : nous y contribuons en reprenant des propositions faites par des acteurs de terrain, notamment lors du Grenelle contre les violences conjugales. Nous sommes attentifs au terrain, à ceux qui font le travail en direct et de qui dépend l'application de la loi. Nous devons continuer dans cette direction ; ce texte est une étape dans la lutte contre les violences conjugales et intrafamiliales.

M. Erwan Balanant, député. - Je me réjouis du consensus. Toutefois, je suis un peu plus nuancé sur l'article 11 bis A. Nous sommes tous d'accord pour empêcher l'accès des mineurs aux contenus pornographiques sur internet, mais il faut bien avouer que cet article ne fait guère plus qu'énoncer une déclaration d'intention, loin des résultats que l'on peut espérer d'une action publique forte. Je viens de conclure une mission que m'avait confiée le Premier ministre sur le cyber-harcèlement : je peux témoigner que, en ces matières, il y a loin des mots aux actes !

Mme Yaël Braun-Pivet, députée, vice-présidente. - On peut passer par de grandes lois-cadres embrassant tous les sujets. Mais celles-ci présentent l'inconvénient d'être plus sensibles aux aléas de la vie parlementaire, avec ses délais et ses blocages. Ou bien on peut choisir de voter des textes plus courts, d'initiative parlementaire, ce qui est le cas ici. Sur un sujet aussi grave, que l'impulsion vienne du Parlement est un signal important ! Nous avons avancé rapidement depuis le Grenelle contre les violences conjugales, en adoptant deux lois sur le sujet. C'est positif pour la vie de ces femmes victimes. Il faut s'en féliciter.

M. Philippe Bas, sénateur, président. - Parce que le sujet est grave, il importait de s'entendre, de se fédérer : nous devons effectivement nous féliciter d'y être parvenus.

Chapitre Ier

La commission mixte paritaire modifie l'intitulé du chapitre.

Article 1er A

L'article 1er A est supprimé.

Article 1er B

L'article 1er B est supprimé.

Chapitre Ier bis

La division et l'intitulé sont supprimés.

Article 1er C

L'article 1er C est supprimé.

Article 1er D

L'article 1er D est supprimé.

Article 1er E

La proposition n° 1, commune aux rapporteurs, est adoptée.

L'article 1er E est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission mixte paritaire.

Article 1er F

La proposition n° 2, commune aux rapporteurs, est adoptée.

L'article 1er F est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission mixte paritaire.

Article 1er G

L'article 1er G est adopté dans la rédaction du Sénat.

Article 3

Les propositions n° 3 et n° 4, communes aux rapporteurs, sont adoptées.

L'article 3 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission mixte paritaire.

Article 4

L'article 4 est adopté dans la rédaction de l'Assemblée nationale.

Article 6

L'article 6 est adopté dans la rédaction du Sénat.

Article 6 bis

L'article 6 bis est adopté dans la rédaction du Sénat, sous réserve d'une modification.

Article 7 ter

Mme Laurence Rossignol, sénatrice. - La proposition de rédaction no 5 de la rapporteure pour l'Assemblée nationale consiste-t-elle à supprimer le dépôt d'une plainte pour violences conjugales des critères qui permettent de réduire le délai de préavis imposé au locataire ? Si tel était effectivement le cas, j'aimerais en comprendre les motifs.

Mme Bérangère Couillard, députée, rapporteure pour l'Assemblée nationale. - Il s'agit effectivement de l'un des objectifs poursuivis par cette proposition de rédaction. Mme Marie Mercier et moi avons considéré qu'un dépôt de plainte ne pouvait suffire à réduire le délai de préavis, à la différence d'une poursuite ou du prononcé d'une ordonnance de protection. On peut craindre, en effet, le dépôt de plaintes qui seraient ensuite retirées, aux seules fins de bénéficier de la mesure et d'en faire peser les effets sur un tiers - le bailleur.

Le dispositif que je propose apparaît cohérent avec l'objectif de la proposition de loi de développer le recours aux ordonnances de protection. Il permet aussi de prendre en compte les violences faites aux enfants.

Mme Laurence Rossignol, sénatrice. - Je ne puis partager votre approche suspicieuse des femmes victimes de violences ! Vous imaginez quelque peu facilement qu'elles puissent tirer de la loi un bénéfice secondaire, même en l'absence de violences avérées. En outre, le dispositif proposé par le Sénat se limite à une réduction du délai de préavis. Dans un contexte où la justice peine à respecter les délais fixés - les avocats se déclarent notamment inquiets s'agissant de l'application effective du délai de six jours pour la délivrance de l'ordonnance de protection -, la mesure est de bon sens, car des cas existeront où un dépôt de plainte ne sera pas rapidement suivi par une enquête ou par une ordonnance de protection.

Mme Alexandra Louis, députée. - Dans ma profession d'avocate, j'ai traité des dossiers de baux et de violences conjugales. Lorsqu'il existe des règles de droit, certains, hélas, apparaissent toujours prêts à les contourner. Or, le délai de préavis constitue une sécurité importante pour les propriétaires, et il me semble essentiel de ne pas déséquilibrer, à cet égard, la loi du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs. Dès lors, la proposition de rédaction no 5 apporte des garanties satisfaisantes pour les deux parties.

Mme Laurence Rossignol, sénatrice. - Nous examinons un texte de protection des femmes victimes de violences, pas des propriétaires...

La proposition n° 5 est adoptée.

L'article 7 ter est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission mixte paritaire.

Article 8

Mme Cécile Untermaier, députée. - Je souhaite exprimer une position d'abstention sur cet article.

L'article 8 est adopté dans la rédaction du Sénat.

Article 9

L'article 9 est adopté dans la rédaction du Sénat.

Article 9 bis

La proposition n° 7, commune aux rapporteurs, est adoptée.

L'article 9 bis est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission mixte paritaire.

Article 10 quater

L'article 10 quater est adopté dans la rédaction du Sénat, sous réserve d'une modification.

Article 11 A

Mme Marie-Pierre de la Gontrie, sénatrice. - Nous avions exprimé des réserves sur le dispositif introduit au Sénat et je me réjouis donc de l'équilibre atteint grâce à la proposition de rédaction no 7.

La proposition n° 7, commune aux rapporteurs, est adoptée.

L'article 11 A est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission mixte paritaire.

Article 11 bis A

M. Erwan Balanant, député. - Pour les raisons précédemment évoquées, je souhaite m'abstenir sur cet article.

L'article 11 bis A est adopté dans la rédaction du Sénat, sous réserve de modifications rédactionnelles.

Article 12

La proposition n° 8, commune aux rapporteurs, est adoptée.

L'article 12 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission mixte paritaire.

Article 12 ter

L'article 12 ter est adopté dans la rédaction du Sénat, sous réserve de modifications.

Article 13

L'article 13 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission mixte paritaire.

Article 15

La suppression de l'article 15 est maintenue.

Chapitre XII

La commission mixte paritaire adopté cette division et cet intitulé nouveau.

Article 16

L'article 16 est adopté dans la rédaction du Sénat.

La commission mixte paritaire adopte, ainsi rédigées, l'ensemble des dispositions restant en discussion de la proposition de loi.

La réunion est close à 14 h 40.

- Présidence de M. Thierry Carcenac -

La réunion est ouverte à 14 heures.

Commission mixte paritaire sur le projet de loi de règlement du budget et d'approbation des comptes de l'année 2019

Conformément au deuxième alinéa de l'article 45 de la Constitution et à la demande du Premier ministre, la commission mixte paritaire chargée d'élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de règlement du budget et d'approbation des comptes de l'année 2019 se réunit au Sénat le jeudi 9 juillet 2020.

Elle procède tout d'abord à la désignation de son bureau, constitué de M. Thierry Carcenac, sénateur, président, de M. Éric Woerth, député, vice-président, de M. Albéric de Montgolfier, sénateur, rapporteur pour le Sénat, et de M. Laurent Saint-Martin, député, rapporteur pour l'Assemblée nationale.

Elle procède ensuite à l'examen des dispositions restant en discussion.

M. Thierry Carcenac, sénateur, président. - Le projet de loi initial, qui comportait sept articles, puis huit après son examen par l'Assemblée nationale, a été rejeté par le Sénat. Tous les articles restent par conséquent en discussion. Dans ces conditions, le rapporteur devrait être en mesure de nous dire rapidement s'il est envisageable de parvenir à un accord.

M. Éric Woerth, député, vice-président. - Il me semble a priori difficile de parvenir à un accord, mais je ne saurais en préjuger.

M. Albéric de Montgolfier, sénateur, rapporteur pour le Sénat. - Vous vous en doutez, il sera extrêmement difficile de parvenir à un accord, le Sénat ayant rejeté l'ensemble du projet de loi de règlement du budget et d'approbation des comptes de l'année 2019.

Ce rejet ne tient pas à proprement parler au non-respect de l'autorisation parlementaire initiale. L'exécution du budget est conforme à la loi de finances initiale. Je salue notamment le fait que le Gouvernement n'ait pas eu recours aux décrets d'avance en 2019. La réserve de précaution est aussi en baisse.

Au regard de la situation actuelle, l'examen de ce projet de loi de règlement peut sembler quelque peu surréaliste, compte tenu des conséquences de la crise que nous connaissons depuis quelques mois. Toutefois, considérant le manque d'ambition initiale sous-tendue par le projet de budget 2019 et avec finalement quasiment 100 milliards d'euros de déficit et 100 % de dette publique - je force à peine le trait -, nous n'avons pas désormais les marges de manoeuvre nécessaires pour faire face à la crise sanitaire, contrairement à nos voisins allemands.

Par cohérence avec notre vote initial, il me semble que nous ne pouvons donc parvenir à un accord sur ce projet de loi de règlement et d'approbation des comptes pour l'année 2019.

M. Laurent Saint-Martin, député, rapporteur pour l'Assemblée nationale. - Dans la mesure où le Sénat a rejeté l'ensemble du texte, il n'est effectivement pas possible que nous parvenions à un accord. Comme vous l'avez dit, il s'agit plus d'une question politique sur la bonne gestion de l'exercice 2019 pour préparer la crise que d'une contestation de la bonne exécution des crédits par rapport à la loi de finances initiale, exécution qui est pourtant l'objet même d'un projet de loi de règlement.

Sur le fond, nous sommes en désaccord avec votre position. On ne saurait considérer que l'exercice 2019 n'a pas permis d'affronter la crise : le Gouvernement a consacré les moyens nécessaires pour sauver notre économie. Nous allons d'ailleurs poursuivre aujourd'hui l'examen en séance publique, à l'Assemblée nationale, du troisième projet de loi de finances rectificative, en vue de déployer 15,5 milliards d'euros supplémentaires. La bonne gestion des comptes en 2019 a permis de lever la dette nécessaire pour faire face à la crise, reconnaissons-le. Le redressement des comptes publics était nécessaire et utile, notamment au regard de notre capacité d'endettement.

Le déficit public s'est établi en 2019 à 2,1 % du PIB, hors impact de la transformation du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE). Il convient de saluer la trajectoire constante de réduction du déficit public depuis 2017 jusqu'à l'année 2019 incluse - cela ne s'est pas vu depuis plusieurs décennies. Il faut également noter l'excédent conjoncturel de l'année 2019 ; les effets de la crise passée ont commencé à se résorber.

Je me félicite de la confiance retrouvée des acteurs économiques, des rentrées fiscales liées à une hausse des investissements et des créations nettes d'emplois. De même, la charge de la dette a été significativement réduite par notre bonne capacité à gérer notre refinancement.

Vous avez raison, les dépenses ont augmenté à hauteur de 6 milliards d'euros : à la suite de la crise des « gilets jaunes », le coût de la prime d'activité a été massivement en hausse, à hauteur de 4 milliards d'euros.

J'insiste sur la bonne exécution des crédits et la sincérité de l'exécution du budget. Les mises en réserve des crédits ont été maintenues au taux historiquement bas de 3 %, conformément à l'engagement du Président de la République. De même, les décrets d'avance ont été nuls pour la deuxième année consécutive - c'est inédit depuis plusieurs décennies. Aussi, si l'on s'en tient à l'objet même de ce projet de loi de règlement, celui-ci mérite d'être voté en l'état. C'est pourquoi nous ne pouvons nous rejoindre, et la commission des finances de l'Assemblée nationale examinera ce texte en nouvelle lecture demain matin.

La commission mixte paritaire constate qu'elle ne peut parvenir à l'adoption d'un texte commun sur le projet de loi de règlement du budget et d'approbation des comptes de l'année 2019.

La réunion est close à 14 h 10.