Mercredi 1er juillet 2020

- Présidence de Mme Élisabeth Lamure, présidente de la Délégation aux entreprises -

La réunion est ouverte à 12 h 45.

Réunion faisant le bilan des activités 2014-2020 de la délégation aux entreprises

Mme Élisabeth Lamure, présidente. - Mes chers collègues,

À l'issue de cette session mouvementée, je me réjouis très sincèrement de vous retrouver pour ce déjeuner qui marque aussi la fin du mandat d'un certain nombre d'entre nous, dont le mien d'ailleurs.

C'est donc aussi le moment d'établir un bilan de nos activités, depuis la création de notre Délégation fin 2014, à l'initiative du Président Larcher.

Et je crois que nous pouvons collectivement être fiers de ce bilan, dont vous avez déjà eu un aperçu avec la vidéo qui vient de nous être présentée.

Une vidéo revenant sur les activités de la Délégation a été projetée à l'assemblée.

Quelques faits et chiffres permettent de résumer nos travaux.

La Délégation a été fidèle aux rencontres avec les entreprises dans les territoires puisque depuis 2014, en presque six ans, nous avons organisé :

- 29 déplacements dans les départements, lors desquels la Délégation aux entreprises a visité 74 entreprises ;

- 14 déplacements hors les murs en France et à l'étranger (dont Station F et la Cité de l'économie par exemple).

Nous avons rencontré plus de 1 000 entrepreneurs à l'occasion des déplacements, de la Journée des entreprises et des immersions de sénateurs en entreprise.

Les témoignages des entrepreneurs sont recueillis à l'occasion de visites d'entreprises ou de tables rondes : leur expression libre, souvent sans concession, est efficace pour faire émerger les points de blocage les plus saillants pour les entreprises, en fonction du contexte local. 7 rapports d'information ont tiré le bilan de ces échanges.

Par ailleurs, notre Délégation a pu poursuivre ses riches échanges avec les entrepreneurs de notre pays dans le cadre d'un évènement annuel organisé au Sénat : la Journée des entreprises.

Depuis 2016, nous accueillons chaque année, au Sénat, des chefs de petites et moyennes entreprises rencontrés sur le terrain, ainsi que ceux conviés par l'ensemble des sénateurs. C'est une occasion de valoriser les travaux de la Délégation et de débattre avec ceux qui font vivre le tissu économique des territoires. Ont été ainsi organisées 4 éditions de la Journée des entreprises, la 5e, prévue le 2 avril 2020, ayant été reportée compte tenu de la crise sanitaire du covid-19. 619 entrepreneurs venus de plus de 40 départements ont été reçus au Sénat dans ce cadre.

Des liens étroits avec le tissu entrepreneurial français ont également pu être tissés à travers les immersions en entreprises réalisées par les sénateurs. En 2017, le Sénat et CCI France ont signé une convention de partenariat, prévoyant que les sénateurs puissent réaliser des immersions de plusieurs jours en entreprise. 15 sénateurs ont depuis lors effectué des immersions en entreprise.

Fidèle à sa mission, notre Délégation a entrepris de nombreuses initiatives au service de la simplification pour les entreprises. Sur le fondement de ces remontées de terrain et conformément à la mission que lui a confiée le Bureau du Sénat, la Délégation s'est d'emblée concentrée sur la nécessaire simplification de la vie des entreprises avec :

- 2 débats en séance publique en juin 2015 et février 2017 ;

- 2 textes en décembre 2015 destinés à faciliter la vie des entreprises : une proposition de loi constitutionnelle visant à favoriser la simplification législative et une proposition de résolution tendant à favoriser la simplification réglementaire.

- des amendements au projet de loi pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques (dit « Macron »), au projet de loi relatif au dialogue social et à l'emploi (dit « Rebsamen »), au projet de loi relatif à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique (dit « Sapin 2 ») et à plusieurs projet de loi de finances ;

- 1 étude réalisée par la division de la Législation comparée du Sénat, sur la simplification dans d'autres pays européens et une matinée d'études de droit comparé sur ce sujet avec le Conseil d'État et la Société de Législation Comparée en 2016 ;

- 5 rapports d'information :

o Pourquoi le Royaume-Uni séduit les entrepreneurs français, que j'ai présenté avec Olivier Cadic en juin 2015 ;

o Droit du travail : ce dont les entreprises ont besoin, présenté par Annick Billon en mai 2016 ;

o Moderniser la transmission d'entreprise en France : une urgence pour l'emploi dans nos territoires, présenté par Claude Nougein et Michel Vaspart en février 2017 et qui a donné lieu à une proposition de loi ;

o Simplifier efficacement pour libérer les entreprises, présenté à nouveau avec Olivier Cadic en février 2017, et relatif aux moyens d'alléger le fardeau administratif des entreprises pour améliorer leur compétitivité ;

o Pour une France libre d'entreprendre présenté encore une fois en tandem avec Olivier Cadic en avril 2018.

Dans le même esprit, notre Délégation a cherché à opérer la simplification du droit européen transposé en droit français avec :

o 1 rapport, en collaboration avec la commission des affaires européennes : La surtransposition du droit européen en droit français : un frein pour la compétitivité des entreprises, présenté par M. René Danési en juin 2018 ;

o 1 débat en séance publique en octobre 2018 ;

o 1 proposition de résolution visant à revenir sur les surtranspositions réglementaires pesant sur la compétitivité des entreprises françaises, déposée en octobre 2018 ;

o Ces initiatives ont pu alimenter des amendements dans le cadre du projet de loi portant suppression des sur-transpositions des directives en droit français déposé au Sénat en octobre 2018. Ce texte n'a malheureusement jamais été mis à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale.

Nous avons par ailleurs, et dès le début, cherché à promouvoir l'apprentissage et le développement des compétences, avec notamment :

- 1 table ronde au Sénat, le 1er octobre 2015 ;

- 1 proposition de loi le 10 février 2016 visant à développer l'apprentissage comme voie de réussite, ce qui est toujours d'actualité, que j'ai déposé avec Michel Forissier, au nom de la Délégation ;

- 1 déplacement aux finales nationales des 45e Olympiades des métiers à Caen en novembre 2018 avec Agnès Canayer, et le soutien de la Délégation à la candidature du comité français des Olympiades des métiers pour l'organisation des mondiaux à Lyon en 2023 ;

- 2 tables rondes au Sénat, en novembre 2019 sur : « L'impact des nouvelles technologies, en particulier de l'intelligence artificielle, sur l'évolution des métiers et des besoins de formation » et en 16 janvier 2020 sur : « Formateurs et employeurs face aux défis du recrutement et de l'évolution des métiers » ;

- 1 rapport : Des compétences de toute urgence pour l'emploi et les entreprises, présenté par MM. Michel Canévet et Guy-Dominique Kennel, il s'agit du dernier rapport que nous avons examiné en juin 2020, et qui a été suivi d'un débat en séance publique la semaine dernière sur les conclusions du rapport.

Conjointement avec la Délégation aux collectivités territoriales, notre engagement pour le développement économique des territoires s'est exprimé à travers nos travaux sur la revitalisation des centres-villes et centres-bourgs, avec :

- 1 groupe de travail conjoint avec la Délégation aux collectivités territoriales ;

- 1 rapport d'étape : Revitalisation des centres-villes et des centres-bourgs : rapport d'étape, présenté en juillet 2017 par MM. Remy Pointereau et Martial Bourquin ;

- 1 proposition de loi portant Pacte national de revitalisation des centres-villes et centres-bourgs.

Nous avons aussi travaillé sur la transition numérique des entreprises avec :

- 1 table ronde organisée à Station F en juin 2019 ;

- 2 rapports :

o Accompagnement de la transition numérique des PME : comment la France peut-elle rattraper son retard ?, présenté par Mme Pascale Gruny en juillet 2019 ;

o Accès des PME à la fibre : non-assistance à concurrence en danger ?, présenté par Mme Élisabeth Lamure et M. Patrick Chaize en décembre 2019 ;

- 1 proposition de loi pour une concurrence facilitant l'accès des clients professionnels à la fibre optique.

Notre Délégation a également cherché à encourager la RSE, en particulier pour les TPE et PME, avec notamment :

- 1 table ronde, en mars 2020 sur : « Les PME et la RSE » ;

- 1 rapport : Responsabilité sociétale des entreprises (RSE): une exemplarité à mieux encourager, présenté par M. Jacques Le Nay et moi-même la semaine dernière. Un débat sur les conclusions de ce rapport sera demandé.

Nous avons par ailleurs réalisé et fait réaliser plusieurs études, dans le détail desquelles je ne vais pas entrer maintenant. Elles nous ont été utiles pour nourrir nos réflexions. Je peux citer pour exemple 2 études comparatives franco-allemandes, comparant l'effet sur l'emploi des seuils sociaux en France et en Allemagne d'une part, et les pouvoirs et la représentativité des salariés dans l'entreprise en France et en Allemagne, d'autre part. Réalisées toutes deux par l'Institut de recherche allemand IFO.
Par ailleurs, la Délégation a fait réaliser des études nécessitant des compétences ou des données dont elle ne disposait pas, comme en 2017 : une étude sur des pistes de réforme pouvant favoriser la transmission d'entreprise, annexée au rapport qu'elle a adopté sur ce thème la même année (réalisée par le cabinet Atexo), ou encore une étude de l'impact, pour les entreprises, de la mise en oeuvre du prélèvement à la source de l'impôt sur le revenu (réalisée par le cabinet d'avocats fiscalistes Taj). Plus récemment, fin 2018, il s'agissait d'étudier la régulation économique des contrats courts (étude réalisée par l'OFCE).

En conclusion, je dirai que nous avons tenté, et j'espère réussi, de nous adapter pour atteindre les objectifs ayant présidé à la création de la Délégation. Y compris pendant le confinement, grâce aux visioconférences et au travail à distance, aux questionnaires que nous vous avons transmis, aux difficultés d'entreprises que nous avons pu relayer auprès des ministres et de leurs administrations ou encore aux travaux que notre bureau a pu conduire conjointement avec la commission des Affaires économiques.

Le rôle de veille et de suivi de nos travaux pourra être poursuivi à la rentrée. Le projet de loi de relance donnera peut-être aussi l'opportunité de défendre quelques amendements. Savez-vous que 60 % des amendements dont nous avons été à l'initiative ont été adoptés ou satisfaits ?

J'aimerais aussi vous demander votre propre retour sur notre aventure commune et vos souhaits ou propositions pour la rentrée. Ce serait précieux pour pouvoir la préparer au mieux.

Je vous remercie toutes et tous pour votre implication dans notre Délégation.

M. Olivier Cadic. - Je tiens à remercier notre présidente pour son travail pendant ces six ans et de m'avoir permis de travailler et d'exprimer librement mes idées dans le cadre des travaux de la Délégation. Je suis ravi d'avoir pu réaliser ces rapports d'information, et d'ailleurs le premier, Pourquoi le Royaume-Uni séduit les entrepreneurs français, gagnerait à être enrichi d'un tome deux pour regarder si les constats d'alors se vérifient encore aujourd'hui. Les travaux de notre Délégation, qui se font fondamentalement « au contact », ont je crois permis de rapprocher le Sénat des entreprises. Je me rappelle que le président Larcher disait au départ qu'il s'agissait là de « changer l'image du Sénat ». Il était important d'avoir ce retour des chefs d'entreprise, c'est-à-dire d'aller les voir et d'ensuite les inviter à venir s'exprimer au Sénat. Cela permet aussi aux entrepreneurs de voir le travail réalisé entre notre déplacement et nos retrouvailles au Sénat, de comprendre la difficulté de légiférer. On dit souvent que les sénateurs ne connaissent pas la vie de l'entreprise, mais l'inverse est également vrai, il est difficile pour un chef d'entreprise de connaître la vie, le travail, les difficultés du législateur.

Mon travail à la Délégation a aussi été l'occasion de vivre le plus beau jour de mon mandat aux côtés de notre présidente, à Kazan, où la France a gagné l'organisation des Olympiades des métiers pour 2023. C'était un souhait de l'organisation française des Worldskills depuis des années, et la Délégation a soutenu ce projet en accueillant des membres du jury au Sénat pour appuyer la candidature, ce qui a montré l'implication du Sénat sur la question de l'apprentissage.

Je pense que, pour l'avenir, nous aurions beaucoup à apporter sur le thème de la dynamique à l'export. La façon dont on mène les entreprises françaises à l'export est à revoir, et je pense que la Délégation aurait des propositions à faire dans ce domaine.

M. Michel Forissier. - Dans le cadre de mon passé de chef d'entreprise, j'ai beaucoup oeuvré pour valoriser l'apprentissage et la formation professionnelle. L'Éducation nationale apporte un socle de connaissances, mais cela ne suffit pas à être opérationnel pour travailler dans une entreprise et participer à la croissance. Or, aujourd'hui peut-être plus qu'hier, la France doit produire. Plus on est loin des « grands » diplômes, plus il est important d'avoir un métier. C'est donc vraiment sur les formations initiales que j'ai voulu insister dans le cadre de nos travaux à la Délégation. Je pense que nos apports (rapports, amendements et propositions de loi) sur le thème de l'apprentissage, ont permis au Gouvernement d'aller dans le bon sens. Nous aurions bien sûr voulu aller plus loin. Personnellement je regrette que la formation professionnelle n'ait pas été confiée aux entreprises. Cela dit avec nos travaux, il me semble que le Sénat est devenu une assemblée très moderne. Nous avons passé un cap bien avant beaucoup d'autres. Je souhaite que les travaux continuent dans cet état d'esprit après le renouvellement. Nous regretterons notre présidente qui a su mener nos travaux d'une main de maître, avec à la fois souplesse et rigueur. Nous avons toujours réussi à nous adapter aux circonstances, à l'actualité, et cela même pendant la crise sanitaire des derniers mois. Dans cette optique, je pense que la priorité des travaux à mener dès la rentrée doit être le plan de relance pour l'économie, notamment face au déficit de compétences dont souffriront nos jeunes suite à la crise.

Mme Anne-Catherine Loisier. - Je remercie et félicite notre présidente pour l'impulsion qu'elle a su donner à cette nouvelle Délégation, dont elle était la première présidente. J'ai particulièrement apprécié la distribution des rôles dans le cadre de nos travaux. Chacun a pu s'emparer d'un certain nombre de sujets et les approfondir, ce qui relève pour moi d'un bel exemple de travail d'équipe, de responsabilisation et d'une répartition efficace des rôles et des tâches. La Délégation a su créer de véritables passerelles avec le monde de l'entreprise, notamment à travers le dispositif d'immersions.

J'ai une proposition pour l'année prochaine, qui avait été soulevée par le chef d'entreprise avec lequel j'avais réalisé mon immersion ; il s'agissait d'une start-up avec beaucoup d'attentes et d'audace par rapport à l'avenir. Il me paraitrait intéressant de confier un co-pilotage des rapports à un sénateur et à un professionnel, de manière à donner la main à ce professionnel, afin de travailler sur un sujet qui lui semblerait pertinent. Il est vrai que nous avons l'habitude d'identifier une problématique puis de lancer des travaux s'y rapportant, mais nous avons moins l'habitude de leur donner la parole pour qu'ils décident sur quoi nous devrions travailler. Je ne sais pas si cela serait réalisable. Cela permettrait d'aller encore plus loin dans le partenariat.

Quant aux sujets de réflexion pour nos travaux à venir, la relance bien sûr, mais surtout la place des jeunes dans le monde du travail, au-delà de l'apprentissage. Ce sont 20 % des jeunes, mêmes issus de grandes écoles, qui ne trouvent pas d'emploi, alors même que nos entreprises ont besoin de cadres, de salariés. Quelles formations et quels outils pour accompagner les jeunes professionnels vers l'emploi ?

M. Jean-Marc Gabouty. - La Délégation est importante pour l'image du Sénat mais aussi pour les travaux du Sénat car dans l'hémicycle, on entend encore parfois des discours assez surréalistes sur le monde de l'entreprise. Il reste encore une « éducation » des parlementaires à faire sur ce qu'est l'entreprise, son rôle, son fonctionnement. À cet égard les déplacements de la Délégation sont très formateurs.

Parmi nos travaux, je pense que les plus essentiels sont ceux qui se donnent pour objectif la simplification, qui est LA demande principale de tous les chefs d'entreprise de notre pays. C'est une matière inépuisable. Nous constatons des progrès ponctuels mais pour chaque simplification, nous ne réalisons pas forcément que nous complexifions par ailleurs. C'est valable pour les entreprises comme pour l'administration, tous les maires récemment élus auront le plaisir de découvrir le « guide à l'attention des nouveaux maires », qui doit peser trois kilos. L'inflation règlementaire et normative existe évidemment pour de bonnes raisons : la sécurité ou l'environnement par exemple, mais sa traduction ne s'est pas améliorée de manière suffisamment significative. C'est dans cette voie que la Délégation doit continuer à oeuvrer.

M. Michel Vaspart. - J'ai eu le plaisir de passer six années à la Délégation, dès sa création donc, fin 2014. Je tiens à féliciter notre présidente qui a toujours travaillé dans la nuance mais avec autorité, pour que les choses avancent. Je trouve les travaux des délégations particulièrement intéressants car ils sont transversaux. Notre pays est trop organisé en silo : c'est vrai pour le Gouvernement mais aussi pour nos institutions, Assemblée Nationale comme Sénat. Il est compliqué de réformer et aussi de s'organiser autrement, mais je dois dire que j'ai participé à deux commissions spéciales et leur travail transversal était passionnant ; nous avons pu travailler sur de nombreux sujets à cette occasion, avec des collègues issus de toutes les commissions, avec qui il était possible d'avoir des échanges fructueux. Lorsque l'on travaille verticalement, uniquement sur une thématique, il devient plus compliqué d'avoir une vision d'ensemble, on devient des « spécialistes » de la thématique, or le monde est différent et les entreprises travaillent de façon transversale. Je pense que nous avons un effort à faire dans les institutions de notre pays pour changer cette logique.

Mme Pascale Gruny. - Je tiens à remercier notre présidente d'avoir saisi ma question sur le numérique. C'est un sujet que nous pourrions continuer à suivre dans le cadre de nos travaux. Le thème m'est apparu après un débat sur l'intelligence artificielle qui m'a permis de réaliser l'immense « gap » entre l'avancement des technologies et nos chefs d'entreprise, de par mon expérience dans le secteur privé. Il pourrait être intéressant de travailler sur les métiers qui n'existent pas encore aujourd'hui car il nous faut préparer l'avenir. Cela nous permettrait également de revenir sur les questions de formation et des relations entre l'Éducation nationale et les professionnels.

M. Michel Canévet. - Je tiens à saluer le pilotage dynamique de notre Délégation, sous la houlette de notre présidente. J'ai beaucoup apprécié nos déplacements. Les entrepreneurs étaient très sensibles à cette démarche du Sénat allant vers eux, et cela a aussi permis d'identifier le Sénat comme interlocuteur effectif des chefs d'entreprise. Il reste, il est vrai, beaucoup à faire sur la simplification de la vie des entreprises. Je pense notamment à la simplification du code du travail qui pourrait nous donner de quoi travailler pour les six ans à venir.

M. Joël Labbé. - Je tiens à remercier Élisabeth Lamure pour le travail que la Délégation a pu fournir et pour sa présidence qui a permis de nourrir le consensus, alors même que la Délégation réunit des sénateurs de bords politiques différents. Je voudrais faire la transition entre l'entreprise, son développement économique et la transition écologique. Je souhaiterais que notre Délégation puisse s'intéresser aux entreprises de cette économie émergente autour de la transition écologique, comme par exemple les entreprises de l'herboristerie que j'ai pu découvrir dans le cadre d'une mission d'information du Sénat. Je serais par ailleurs ravi de participer au prochain déplacement de la Délégation en septembre prochain, dans mon département, le Morbihan, à l'initiative de mon collègue Jacques Le Nay, et qui comprendra la visite de l'entreprise Yves Rocher, entreprise qui travaille justement beaucoup avec les plantes et pour le bien-être.

M. Guy-Dominique Kennel. - Cette Délégation nous a permis de faire de belles découvertes, notamment lors de nos déplacements. La France a de magnifiques entreprises et il serait terrible que la crise actuelle casse cette force et cette richesse entrepreneuriales nichées dans nos territoires. Je pense que notre Délégation a aussi beaucoup apporté en matière d'expertise dans ses rapports. Elle aura la mission certaine de dire comment faire et que faire pour que nos entreprises retrouvent leur vitalité et survivent, car la grande force de notre Délégation est son ouverture sur l'entreprise et l'emploi.

Mme Annick Billon. - Je me rappelle que notre premier déplacement était dans mon département, en Vendée, et j'en garde un beau souvenir. Nos déplacements ont accordé une vraie visibilité aux sénateurs dans les territoires. Elle a permis de porter les sujets de manière pragmatique auprès des chefs d'entreprise et d'aboutir à une vision des sénateurs complètement renouvelée. Grâce à ces déplacements nous avons pu rencontrer des acteurs dans les territoires, autres que des élus, et cela est fondamental. Je tiens également à saluer l'initiative des immersions en entreprise, particulièrement intéressante, et à laquelle j'ai eu la chance de participer. C'est une expérience qui pourrait même être renouvelée tous les ans car elle serait différente à chaque fois.

Mme Martine Berthet. - Je tiens à remercier notre présidente, le chef d'orchestre qui a su donner la bonne tonalité à nos travaux. Les déplacements sur le terrain et les immersions en partenariat avec CCI France sont la force de la Délégation aux entreprises. En effet, même si on est ou si on a été chef d'entreprise, il est indispensable de voir d'autres secteurs et de voir comment les situations évoluent. Avec cette crise, au-delà des mesures conjoncturelles, les entreprises vont avoir besoin d'un accompagnement sur le long, voire le très long terme, et la Délégation a vraiment toute sa place dans cet accompagnement.

Mme Élisabeth Lamure. - Je tiens à vous remercier pour votre gentillesse et pour la bonne ambiance de travail dont nous avons profité ces six années. Il est vrai que l'ambiance est différente de la commission ou de l'hémicycle, avec cette transversalité des sujets et des approches, au-delà des clivages partisans, et ceci correspond aux attentes très pratiques et pragmatique des entreprises. Si je devais apporter un bémol à mon expérience, il serait celui des conditions qui nous sont imposées, notamment celle de nous réunir les jeudis matins, en même temps que les autres délégations, et que la commission des Affaires européennes, ce qui empêchait régulièrement certains de nos collègues de participer à nos travaux. D'autres commissions organisaient également des réunions le jeudi matin en plus de leurs réunions habituelles du début de semaine... Il faudrait je pense laisser plus de liberté aux délégations pour se réunir.

En définitive, l'ADN de notre Délégation est d'aller sur le terrain et les retours des entreprises ont toujours été très positifs. J'ai particulièrement apprécié la parole directe des entrepreneurs à l'occasion de nos échanges, loin de la langue de bois. Les travaux de notre Délégation à la rentrée seront certainement tournés vers les difficultés économiques rencontrées par les entreprises et vers la relance, et il serait pertinent que nous travaillions avec les commissions dans ce cadre, afin de ne pas reproduire ce que nous reprochons à l'administration, c'est-à-dire de travailler en silo.

Merci à tous, j'ai eu beaucoup de plaisir à travailler avec vous et j'espère vous revoir au mois de septembre pour ce déplacement dans le Morbihan.

La réunion est close à 14 h 00.

- Présidence de Mme Élisabeth Lamure, présidente de la Délégation aux entreprises -

La réunion est ouverte à 16 h 35.

Audition de Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d'État sur le plan de relance du Gouvernement

Mme Élisabeth Lamure, présidente. - Madame la Ministre,

Bienvenue à la Délégation aux entreprises du Sénat, puisque c'est la première fois que nous vous auditionnons, compte tenu de votre emploi du temps très chargé.

Je me réjouis donc de cet échange, les sujets d'intérêt commun ne manquant pas dans le contexte de crise que nous connaissons.

Vous le savez, l'ADN de notre Délégation est d'être à l'écoute des entreprises sur le terrain, en particulier les entreprises de taille intermédiaire (ETI), petites et moyennes entreprises (PME) et très petites entreprises (TPE), qui représentent le tissu économique local et l'essentiel de l'emploi dans notre pays. En près de six ans, nous avons rencontré ainsi plus de 1 000 entrepreneurs. Nous avons pris des initiatives pour que la vie des entreprises soit simplifiée, pour revitaliser les centres villes et centres-bourgs, faciliter les transmissions d'entreprise, promouvoir le développement des compétences des Français, créer les conditions d'une accélération de la nécessaire transition numérique des entreprises, ou encore pour rendre la RSE plus facile d'accès aux PME et mieux l'encourager.

Lundi après-midi, en séance publique à l'Assemblée nationale, à l'occasion de l'examen du troisième projet de loi de finances pour 2020, le gouvernement a présenté son plan de soutien aux commerces de proximité, artisans et travailleurs indépendants.

Au-delà des mesures conjoncturelles, nécessaires, nous aimerions aussi - et surtout - vous entendre sur les conditions de la réussite de la relance de l'activité des entreprises.

Tant dans le cadre de nos travaux, que de ceux conduits conjointement avec la commission des Affaires économiques du Sénat, nous avons avancé de multiples propositions. Nous avons parfois été entendus, parfois seulement partiellement, parfois pas du tout.

Nous espérons donc que vous prendrez pleinement en compte nos réflexions et recommandations. Le prochain PLFR 3 vous en donne l'opportunité, de même que le futur projet de loi de relance, dont vous pourrez, nous l'espérons, nous tracer maintenant les grandes lignes.

J'aimerais aussi attirer votre attention sur deux points importants à nos yeux, sachant que mes collègues vous poseront aussi des questions à l'issue de votre intervention liminaire.

En premier lieu, nous nous inquiétons de la situation ubuesque dans laquelle se retrouvent les entreprises qui se sont mobilisées pour fabriquer en urgence des masques chirurgicaux et du matériel médical. Elles ont fait preuve d'une remarquable agilité et se sont ainsi inscrites dans la volonté de relocalisation des industries stratégiques et de souveraineté économique et sanitaire. Or, paradoxalement, nombre d'entre elles rencontrent aujourd'hui des difficultés pour écouler leurs stocks, alors qu'elles avaient redirigé parfois entièrement leur production pour répondre aux impératifs. Ce manque de débouchés est un frein à la reprise de ces entreprises mais également une menace pour leur survie. Quelles mesures sont envisagées par l'État pour les soutenir et quelle est la politique d'achat envisagée pour l'avenir ?

En second lieu, la Délégation aux entreprises est préoccupée par le retard des PME et TPE françaises en matière de numérisation. L'une des causes de cette situation tient à l'insuffisante concurrence sur le marché de gros des télécoms, d'ailleurs reconnue par les régulateurs. Avec notre collègue Patrick Chaize, nous avons récemment déposé une proposition de loi pour une concurrence facilitant l'accès des clients professionnels à la fibre optique. L'accès à la fibre et à des services numériques adaptés, à un tarif raisonnable, est un prérequis pour rattraper notre retard. La situation actuelle montre à quel point il y a urgence et nous formons le voeu que le gouvernement et les régulateurs permettront de sortir d'une situation très dommageable pour l'activité économique et l'emploi sur nos territoires.

La parole est à vous, Madame la ministre, pour une quinzaine de minutes afin de laisser le temps pour les questions de mes collègues.

Mme Agnès Pannier-Runacher, Secrétaire d'État. - Madame la Présidente, chère Élisabeth Lamure, Mesdames et Messieurs les Sénateurs, tout d'abord je voudrais vous remercier pour cette audition.

Dans la période difficile que nous traversons, il est effectivement très important que la représentation nationale soit tenue informée des mesures prises par le Gouvernement.

- 11% : ce sont les prévisions de récession pour la France dans le projet de loi de finances qui a été présenté par Bruno Le Maire lundi à l'Assemblée nationale. À titre de comparaison, la crise de 2008 a entraîné une récession autour de - 4,5%.

Il en va de même chez nos partenaires européens qui eux aussi subissent des chocs violents. La question est de savoir si la violence est comparable car lorsqu'on observe l'Allemagne, on aurait des raisons de s'interroger. C'est toute l'économie mondiale qui s'est arrêtée et chaque pays va devoir faire face à la récession.

Ce qui fera la différence, ce sera notre capacité à nous relancer rapidement et à construire une économie plus compétitive, plus résiliente et plus écologique. L'horizon est un changement de modèle productif.

Permettez-moi de revenir rapidement sur la réponse puissante du Gouvernement face à l'urgence et à la brutalité du choc économique du début de crise.

Pour protéger nos concitoyens et endiguer la propagation du virus, nous avons été amenés à arrêter du jour au lendemain l'activité économique qui n'était pas absolument nécessaire pour faire fonctionner le pays. Plus de la moitié de la population mondiale s'est retrouvée confinée.

Tout d'abord, la réponse s'est organisée rapidement, grâce au travail que nous avons mené main dans la main avec les entreprises, les filières et les collectivités territoriales. La première bonne nouvelle est que nos réseaux numériques ont tenu sur la 4G et sur le très haut débit. Ils ont mieux tenu que dans des pays proches comme l'Italie, car nous avions accéléré leur déploiement ces trois dernières années.

C'est un travail de longue haleine mené par ce Gouvernement.

Ensuite, nous avons accompagné massivement les entreprises. Les chiffres illustrent mon propos.

Nous avons mis en place le dispositif de chômage partiel le plus généreux d'Europe. Il a bénéficié à 12 millions de salariés.

Près de 500 000 entreprises françaises ont bénéficié d'un prêt garanti par l'État, pour un total de 104 milliards d'euros, selon les chiffres arrêtés le 19 juin.

Enfin, pour protéger spécifiquement les indépendants et les plus petites entreprises, le fonds de solidarité a mobilisé 4 milliards d'euros pour 3 millions d'entreprises.

Maintenant que le déconfinement a eu lieu et que l'économie redémarre, nous devons nous mobiliser pour permettre à nos entreprises de rebondir.

Ce que nous voulons c'est d'abord permettre aux secteurs qui sont les plus fragiles et les plus touchés par la crise de se redresser. C'est le volet défensif de notre action.

C'est pourquoi nous avons défini plusieurs plans sectoriels ciblés. Le plan pour le tourisme, l'hôtellerie, la restauration et l'événementiel mobilisera 18 milliards d'euros. Le plan automobile, 8 milliards d'euros ; le plan aéronautique - dont le secteur a connu une perte d'activité de 40 % - 15 milliards d'euros. Et 1,2 milliard du fonds d'investissement pour le secteur de la tech.

Lundi est venu s'ajouter un plan pour le commerce et l'artisanat ambitieux dont je vais rapidement exposer les trois volets.

Le premier concerne la trésorerie : il faut aider à la reprise grâce à plus de 900 millions d'euros supplémentaires disponibles dès 2020. Ce sont la prolongation du fonds d'un mois, la facilitation pour l'accès au « deuxième étage » du fonds, ainsi que des mesures de simplification - je pense notamment au dispositif « Madelin ».

Le deuxième consiste à accélérer la transformation numérique et écologique. Vous avez pointé ce sujet et il faut accompagner les entrepreneurs qui ne savent pas par où commencer dans ce domaine, par manque de culture de l'outil ou en raison de mauvaises expériences passées.

Notre objectif, c'est qu'une entreprise sur deux puisse utiliser le numérique pour augmenter son chiffre d'affaires et accroître sa clientèle. Dès juillet, nous allons mettre en place un accompagnement renforcé pour les TPE et PME qui souhaitent engager ou accélérer leur transition numérique. Cela peut passer par le référencement par une marketplace qui peut être la commune, selon la logique du programme « Action coeur de Ville ». Il n'y a pas une solution unique mais une approche en plusieurs étapes pour faire le diagnostic de l'entreprise, accompagner la numérisation puis financer, avec notamment le prêt France Num qui sera mis à disposition début juillet.

Concernant la transition écologique de nos artisans et commerçants, nous suivrons la même logique d'accompagnement.

Le troisième volet vise à redynamiser le commerce de proximité dans nos territoires. Il faut permettre à la Banque des Territoires de mener des actions du même esprit qu' « Action Coeur de Ville ». Puis, en lien avec les territoires, nous allons créer des foncières spécialisées - beaucoup existent déjà -, afin de racheter et rénover au moins 6 000 petits commerces dans les prochaines années.

Mais notre action est aussi offensive. Nous devons faire de la France une nation qui produit.

Une France qui produit, c'est une industrie qui relocalise et crée de la valeur. Pour cela, il faut identifier les chaînes de valeur stratégique pertinentes.

Une France qui emploie, ce sont des entreprises qui protègent et valorisent leur capital humain. C'est le moment d'accélérer l'investissement sur la formation et avec des mises à disposition de compétences d'une entreprise à l'autre, ce qui pourra servir pour utiliser les compétences des personnels d'Airbus au profit d'ETI et de PME, avec quelques jours de chômage partiel par semaine en complément. La ministre du Travail étudie les projets de partage des compétences avec une mobilité interentreprises.

Augmenter l'employabilité de nos concitoyens, c'est aussi relever le défi des compétences. Pour cela, nous avons deux réponses.

La première, c'est la mise en place d'une gestion prévisionnelle des compétences à l'échelle, que nous menons sur tous les territoires en lien avec les régions.

La seconde, c'est l'apprentissage et la formation, que ce Gouvernement a soutenu avec succès durant les trois premières années du quinquennat. Nous allons renforcer le dispositif en incitant les entreprises à embaucher des apprentis grâce à une prime de 8 000 euros pour un majeur et de 5 000 euros pour un mineur.

Enfin, une France qui innove, investit massivement dans l'industrie du futur et accompagne la modernisation de ses PME et ETI.

Je ne détaillerai pas les financements de l'innovation qui ont toujours pour objectif de favoriser la transition écologique : l'avion le plus « décarbonné possible ou le passage à la batterie électrique pour la voiture.

C'est pourquoi nous travaillons à l'élaboration d'un plan de relance global qui doit assurer notre croissance potentielle pour les années à venir.

Nous espérons pouvoir vous présenter un projet de loi au tout début du mois de septembre, avec un possible décalage des dates d'examen compte tenu des échéances du Sénat.

Ce plan de relance, il doit rendre notre économie plus solidaire et plus durable, en mettant en son centre le partage de la valeur et la responsabilité sociétale et environnementale, je sais que vous avez travaillé sur ce sujet.

La loi PACTE a permis des avancées majeures. Elle a notamment introduit dans le code civil l'obligation pour toutes les entreprises de prendre en considération les enjeux sociaux et environnementaux de leur activité, ainsi que des dispositions relatives au partage de la valeur et à l'implication des salariés dans la gestion des entreprises.

L'enjeu est aussi européen pour la solidarité et l'exemplarité.

Pour la première fois, l'Europe fait un pas en se dotant de ressources propres pour accompagner l'ensemble des pays. L'Allemagne a pris une position très forte en accompagnant ce mouvement avec une capacité de 750 milliards d'euros pour l'ensemble de l'économie européenne.

C'est ce qu'ont réaffirmé lundi à Meseberg le Président de la République et la Chancelière allemande.

Et nous allons avoir aussi besoin des régions et des collectivités locales.

C'est pourquoi nous allons organiser une large consultation au cours des prochaines semaines afin de donner corps à ces orientations.

Je souhaite revenir enfin sur les deux questions que vous m'avez posées. Sur la situation des producteurs de masques : nous avons accompagné la montée en puissance de ces différentes entreprises, qualifié leur production. Si cette production ne s'était pas mise en place, beaucoup d'entreprises auraient déposé le bilan, car elles n'avaient pas d'autre alternative. Il suffit d'observer la filière de l'habillement, particulièrement sinistrée. Cette production a donc sauvé des centaines d'entreprises et des milliers d'emplois.

A la date d'aujourd'hui, trois entreprises font la moitié des volumes de masques produits en France. Une entreprise a produit vingt millions de masques à usage unique, sans avoir de contrat. Il est évidemment d'usage de fabriquer en ayant des commandes. Certaines entreprises ont quatre à six jours de stocks et ont arrêté car elles doivent recharger leur carnet de commandes sur ce qui était leur métier initial. D'autres entreprises ont poursuivi leur production.

Nous avons demandé à la filière textile d'effectuer une mission sur ce sujet afin d'accompagner les entreprises qui ont déjà réduit leurs stocks à hauteur de 2,5 millions de masques en deux semaines. Le Président du Slip français et le Président de l'Union des industries textiles pilotent ce travail. Il s'agit de responsabiliser les entreprises ou les collectivités locales qui ont passé des commandes, certaines les ayant annulées. Ainsi la colère est légitime pour les entreprises qui ont produit pour répondre à de telles commandes et ont ensuite fait face à des annulations.

Avec la ministre du Travail et le ministre de la Santé, nous préparons la rentrée avec un risque de nouvelle circulation de la Covid-19 ; nous demandons aux entreprises de prévoir 10 semaines de stocks masques avec, en parallèle, une incitation à privilégier les filières françaises. Les masques lavables réutilisables sont, à l'usage, beaucoup moins chers que les masques chirurgicaux et sont compétitifs au regard du prix du masque chirurgical importé de Chine avant la crise. Il y a un vrai intérêt écologique, productif, et économique à utiliser les masques dans l'environnement de travail.

L'État dispose de stocks car il s'agissait de couvrir les besoins des écoles et des personnes en difficultés à compter du 11 mai. Nous les avions commandés à un moment où les fabricants français n'étaient pas en capacité de fournir. Le retard TPE-PME a été illustré au travers du Plan commerçants, je n'y reviendrai donc pas.

Je vous remercie.

Mme Élisabeth Lamure. - Je vous remercie de votre intervention.

Je vais donner la parole à mes collègues.

M. Michel Canévet. - La Délégation sénatoriale aux entreprises a adopté il y a quelques jours un rapport sur les difficultés de recrutement dans les entreprises, qui intègre une approche sur l'évolution des métiers. Nous avons organisé la semaine dernière un débat sur les conclusions de ce rapport avec la ministre du Travail dans l'hémicycle. Nous proposons 24 recommandations dont certaines concernent une meilleure valorisation des compétences. Parmi elles, nous recommandons que dans le cadre du plan comptable, les formations puissent être intégrées dans les actifs immatériels de l'entreprise et donc soient amortissables à ce titre.

Au sujet du plan de relance, nous constatons les efforts effectués à destination de différentes filières, notamment l'aéronautique. Or, Air France et sa filiale HOP ont annoncé un plan social particulièrement difficile qui impactera beaucoup le département du Finistère. Ainsi, l'antenne de HOP à Morlaix sera amenée à disparaître. En matière d'aménagement du territoire, cette décision ne semble pas adaptée. Il s'agit ici de recentrer un certain nombre de services à Nantes, où se situe le siège social. Cela ne paraît pas constituer une répartition équilibrée de l'activité sur le territoire, d'autant plus que cette zone est également affectée par les difficultés du transport maritime. En effet, on parle beaucoup du transport aérien, mais quid du transport maritime de passagers ? Les premières rotations vers la Grande-Bretagne ont repris la semaine passée et les acteurs de secteur sont également très affectés par les difficultés liées à la crise sanitaire, en plus de celles liées au Brexit. Il faut donc également les accompagner.

Enfin, le leitmotiv de la Délégation est de simplifier la vie des entreprises. Dans ce cadre, je souhaiterais évoquer le sujet de la participation des salariés aux fruits de de l'expansion de l'entreprise, puisqu'il est normal que la valeur ajoutée soit répartie. Mais pourquoi est-il nécessaire de faire valider les accords d'intéressement par les DIRECCTE ? Supprimer cette obligation serait une mesure de simplification administrative. La loi donnerait ainsi la grande orientation sur les accords d'intéressement, et les entreprises pourraient les mettre en oeuvre ensuite de manière autonome, sans retour de l'administration.

M. Olivier Cadic. - Mme la ministre, j'ai bien noté votre objectif d'augmenter le chiffre d'affaires dans le numérique des PME et TPE. J'ai travaillé sur un rapport concernant les cyber-menaces, et pour anticiper et permettre aux PME et TPE de réagir aux menaces cyber, il est nécessaire de mieux faire connaitre la plateforme cybermalveillance.gouv.fr et de diffuser les « gestes barrières numériques ». J'ai alerté à ce sujet M. Thomas Courbe, votre Directeur général des entreprises (DGE), lors de son audition devant notre Délégation ; avez-vous prévu d'agir pour soutenir la communication de cette plateforme pour alerter nos entreprises sur les menaces cyber ?

J'ai ensuite deux questions sur le contrôle des investissements étrangers, puisque dans ces temps incertains, nos pépites sont des cibles de choix.

Je vous avais interrogée à ce sujet il y a un an lors des discussions autour de la loi « PACTE » et vous m'aviez déclaré que le dispositif Montebourg était « régulièrement utilisé chaque année, pour plus de dossiers qu'on ne le croit », et donnait lieu à des décisions du Gouvernement. J'avais donc demandé à votre ministère, par le biais d'une question écrite, un état statistique de la mise en oeuvre de ce décret relatif aux investissements étrangers en France. Il m'avait été répondu, il y a un an, que par souci de bonne information du Parlement dans ce domaine, ces données seraient rendues publiques dans les prochaines semaines, après l'entrée en vigueur dans la loi PACTE. Pourriez-vous m'indiquer quand nous disposerons de ces données statistiques sur la gestion du Gouvernement des investissements étrangers soumis à autorisation préalable ?

Dans le même esprit, mon second point porte sur un cas pratique. Une société française de haute technologie est sur le point d'être vendue à un industriel américain, ce qui serait désastreux pour notre indépendance technologique, et démontrerait une fois de plus qu'en France, nous sommes plus « start » que « up ». À l'heure où le Président de la République et les ministres de l'Économie et des Armées ne cessent de rappeler la nécessité de maîtriser nos technologies de sécurité, il semblerait que Gouvernement soit disposé à autoriser cette vente. Il avait pourtant exprimé son veto oralement fin mars. Cependant, des solutions alternatives existent pour cette ETI, et pour d'autres sociétés du même calibre, permettant de rester sous contrôle majoritairement français. J'ai écrit à Bruno Le Maire le 23 juin dernier à ce sujet ; quand pourrons-nous nous rencontrer pour évoquer les solutions alternatives avant la cession imminente, semble-t-il, de cette société à des compétiteurs américains ?

Enfin, quelles mesures envisagez-vous dans le cadre du plan de relance pour soutenir les chambres de commerce à l'international afin qu'elles appuient l'implantation des entreprises françaises à l'étranger et facilitent leur développement commercial à l'international ?

Mme Martine Berthet. - Je tiens à souligner que dès le début du confinement, nous avons pu assister à un réel accompagnement des entreprises. Cet accompagnement était nécessaire et a été apporté à la fois par les agences économiques régionales, mais aussi par les CCI et les CMA qui se sont fortement mobilisées pour faciliter l'accès aux aides mises en place par l'État aux très nombreuses entreprises à l'arrêt. Cet accompagnement devra se poursuivre dans la durée, peut-être très longtemps, notamment pour le remboursement du prêt garanti par l'État (PGE). Or, malgré leur impact positif, les CCI manquent cruellement de moyens ; pensez-vous maintenir leurs ressources fiscales sur 2021-2022 pour qu'elles puissent continuer ce qu'elles ont mis en oeuvre ? Quelles mesures d'accompagnement des entreprises envisagez-vous à moyen terme ?

Mme Anne-Catherine Loisier. - Je salue la clarté de vos propos concernant l'ingénierie pour les territoires et pour les entreprises, de manière à leur permettre de cibler leurs actions et de les accompagner dans ces outils de digitalisation, de transition écologique, qui constituent véritablement des outils de relance. Je salue aussi l'intérêt que vous accordez à la formation, qui est un élément de résilience et de compétitivité de notre pays, et qui sera notre capacité demain, à adapter nos formations et nos ressources humaines.

Je souhaiterais tout d'abord vous poser une question conjoncturelle. Dans le cadre de la gestion de la crise sanitaire, la DGCCRF a octroyé une dérogation aux règles d'affichage concernant notamment des produits carnés. Ces dispositions, si elles se prolongeaient, pourraient aller à l'encontre de nos préoccupations en matière de traçabilité, de transparence et d'information des consommateurs. Ces dispositifs dérogatoires sont-ils toujours en vigueur ? Quand s'achèveront-ils ?

J'ai par ailleurs une proposition à vous soumettre pour accompagner les entreprises : le crédit assurance inter-entreprises a été rouvert il y a quelques semaines, mais il s'avère à l'usage être un dispositif assez lourd. Dans l'esprit de simplification qui anime la Délégation aux entreprises, envisagez-vous de simplifier ces procédures, notamment sur le modèle de ce qui existe chez nos voisins allemands, et envisagez-vous un ajustement en volume de ces crédits inter-entreprises qui sont essentiels en matière de relance de l'activité ?

Ensuite, pour mobiliser l'épargne privée des français, au-delà des dispositifs projetés en partenariat avec Bpifrance, pourrait-on envisager que les fonds d'assurance-vie en unité de compte puissent investir dans le capital des entreprises et, dans ce cadre, bénéficier d'une garantie de l'État ?

Enfin, à plus long terme, il est un dispositif inscrit dans la loi de finances pour 2020 qui tend à imposer la facturation électronique de tous les clients en B2B, donc pour les entreprises, au 1er janvier 2023. Cela nous ramène à l'enjeu de digitalisation, et au questionnement autour du déploiement de la 5G. Le calendrier de ce déploiement sera-t-il repoussé ? Où en est-on sur cet enjeu majeur de numérisation des entreprises ?

Mme Pascale Gruny. - La relance économique doit passer par une montée en compétences numériques, vous l'avez rappelé. J'ai récemment commis un rapport au sein de la Délégation sur la numérisation des PME et des TPE. Parmi les recommandations de ce rapport, j'avais préconisé d'inscrire à l'actif du bilan des entreprises les investissements immatériels, y compris les prestations de conseil et de formation. L'autorité des normes comptables a proposé fin décembre 2019 une modification du plan comptable en ce sens, notamment pour la formation externe. Quel est votre avis à ce sujet ? Cela permettrait d'avoir un amortissement fiscal, voire aussi un suramortissement, ce que nous avons déjà proposé par voie d'amendement. D'autre part, concernant l'accessibilité du crédit d'impôt recherche aux petites entreprises, il s'agit d'un autre enjeu de simplification, car le CIR est aujourd'hui inaccessible pour les très petites entreprises. Enfin, vous avez parlé d'accompagnement pour la numérisation des TPE, mais il est important d'intégrer l'accompagnement en temps, car il s'agit souvent d'entrepreneurs seuls dans leur entreprise. Pour France Num, vous évoqué le mois de juillet, comment avance ce projet attendu depuis longtemps ?

En outre, je souhaiterais vous interroger sur les crédits que la mission Économie a ouvert et qui permettront de financer « des mesures de restructuration, de soutien aux conseils aux petites et moyennes entreprises et aux très petites entreprises et d'accompagnement à la numérisation, pour 40 millions d'euros ». Le montant ne semble-t-il pas faible dans la mesure où, comme l'a rappelé ce lundi le ministre de l'Économie, "chacun a constaté, pendant la crise, que les commerces digitalisés s'en sortaient mieux que les autres" ?

Par ailleurs, on parle beaucoup d'apprentissage mais peu des contrats de professionnalisation. Il est dommage que ceux-ci ne bénéficient pas de la même prime, alors même qu'ils coûtent plus chers aux entreprises que les contrats d'apprentissage. Il est également dommage que cette prime n'aille pas au-delà de la licence car nous sommes en retard sur l'apprentissage, et nous étions, avant la crise, quasiment en plein emploi sur tous les postes de niveau au-delà de la licence, il y a donc là de vrais besoins qui sont moins bien accompagnés. Pour finir, j'entends beaucoup de petites entreprises expliquer qu'elles n'ont pas pris le PGE car elles ont peur de ne pas pouvoir le rembourser. Quant aux exonérations de charges patronales, incluent-elles l'ex RSI ?

M. Joël Labbé. - Afin de répondre aux défis environnementaux et climatiques, vous avez évoqué la nécessité d'un changement de modèle productif, dont le corolaire est aussi un changement de modèle de consommation. Il va falloir sortir de la surconsommation pour avancer vers une sobriété de consommation qui soit choisie, vertueuse et heureuse, pour citer Pierre Rabhi. Cela signifie tout un changement de comportements, la nécessité d'une éducation à cet égard. Nous vous recevons la bonne semaine puisque, ce lundi, les conclusions de la Convention Citoyenne pour le Climat, dont on va beaucoup entendre parler dans les mois à venir, ont été rendues publiques. Parmi elles, un sujet concerne la consommation, il s'agit de la question de la publicité. Elle propose, et cela fait partie des engagements du Président de la République, dès 2023, d'interdire « de manière efficace et opérante » la publicité des produits les plus émetteurs de gaz à effet de serre sur tous les supports publicitaires d'une part, et de réguler la publicité afin de limiter fortement les incitations quotidiennes, d'autre part. Enfin, elle propose de mettre en place des mentions pour inciter à moins consommer, ce qui est tout l'inverse de nos modèles de sociétés de consommation. Toute l'industrie qui tourne autour de la publicité va devoir être remise en question. Comment réagissez-vous à ces propositions ?

M. Jean-Marc Gabouty. - Il est vrai que les dernières évolutions économiques amènent des remises en cause mais elles nécessitent une analyse approfondie et lucide pour éviter d'aller vers des leurres ou de fausses bonnes solutions.

Madame la ministre, je voudrais vous poser trois questions indépendantes les unes des autres.

Au sujet des masques, le Gouvernement a-t-il prévu une gestion publique d'un stock de masques dans la durée, en tenant compte des masques périmés, et donc prévoit-il la mise en place de marchés pluriannuels d'approvisionnement ? Il ne faudrait pas retomber dans les travers d'un précédent gouvernement car, au coeur de la crise, on savait plus ne plus où les masques étaient stockés, ni quel était leur état. Un stock public doit donc être géré dans une logique de moyen terme. Il doit sans cesse être renouvelé ce qui permettrait par ailleurs d'étaler la commande dans la durée et donc de donner des assurances de plans de charge à certaines entreprises spécialisées sur plusieurs années.

Nous évoquions le partage de la valeur, notamment les questions de l'intéressement et de la participation, et je regrette qu'à plusieurs reprises, y compris dans la loi « PACTE », le gouvernement ait refusé une extension de l'intéressement. Je sais qu'il y a eu la suppression du forfait social qui était incitative et dont on ne peut pas encore mesurer les effets, mais je pense qu'il est nécessaire d'aller dans cette direction et de rendre l'intéressement obligatoire non pas à 50 salariés mais beaucoup plus bas. De plus, ont été refusés également plusieurs amendements sénatoriaux qui facilitaient la mise en place de l'intéressement, d'abord dans les entreprises de moins de 10 salariés, puis dans les entreprises de moins de 50 salariés. Il s'agissait pourtant de moyens très simples, et qui participaient à la simplification, puisque dans les entreprises de moins de 10 salariés, cela pouvait être une décision unilatérale du chef d'entreprise, et dans celles de moins de 50 salariés, d'une décision temporairement unilatérale et ensuite classique.

Concernant l'écologie, je ne partage pas forcément les réflexions de mon collègue de groupe et ami Joël Labbé. Je pense qu'il nous faut faire attention, puisque que par exemple, l'économie numérique au niveau mondial a aujourd'hui une empreinte carbone beaucoup plus élevée que la totalité de la circulation automobile dans le monde, y compris celle des poids lourds. Il nous faut faire attention quand on pense que la dématérialisation ne génère pas de pollution, ou n'épuise pas les ressources ; c'est faux, car elle conduit à l'utilisation de métaux rares, de métaux épuisables, pour lesquels on ne prévoit que quelques années ou quelques dizaines d'années d'exploitation supplémentaires, dans des pays lointains. Nous voyons dans la Convention Citoyenne pour le Climat, qui personnellement n'est pas ma tasse de thé car je ne crois pas être de la génération du tirage au sort, des propositions comme la réduction de la vitesse sur autoroutes à 110 km/h. Pourtant, quiconque roule de nuit remarquera qu'il croise 90 % de poids lourds. Ne pourrions-nous pas imaginer dans un cadre européen et français, un plan massif d'investissements pour revenir à un fret ferroviaire digne de ce nom ? Remettre une grande partie des marchandises sur les voies ferrées, ou en mettant en place du ferroutage, aurait ainsi un réel impact sur les gaz à effet de serre. Or, cette possibilité n'est que très peu prise en compte, peut-être parce qu'elle suppose des dizaines de milliards d'euros d'investissements étalés sur une décennie, et qu'elle ne serait donc pas la réalisation d'un seul gouvernement.

M. Michel Vaspart. - Nous avons présenté ce matin en commission un rapport sur la performance et la gouvernance des grands ports français, et leurs conséquences. Cette mission de six mois a mis au jour quelques mauvaises surprises. Déjà avant l'épidémie de la Covid-19, les ports français étaient dépassés par un certain nombre de ports du nord, mais aussi méditerranéens, rachetés pour certains par des entreprises chinoises. Cela signifie de l'activité en moins pour les ports français ou, en tout cas, pas suffisamment de progression dans leur activité. Pour prendre l'exemple des conteneurs, nous estimons dans notre rapport qu'il nous manque en France, en création d'emplois, entre 30 et 70 000 emplois, par rapport à ce qu'ont pu faire les ports du nord en matière de développement du conteneur. La transition écologique est dans toutes les bouches aujourd'hui, et tant mieux. Mais nous devons nous donner les moyens de cette transition : les grands ports français aujourd'hui ont un sérieux problème en matière d'intermodalité, qu'il s'agisse du fer ou du fluvial. Dites-vous bien qu'à Rouen, premier port céréalier français, sont acheminés des céréales qui viennent de la campagne et qui sont stockés dans des silos, ceux-là sont desservis par ce que le Réseau ferré de France appelle des « capillaires ». Ils sont en si mauvais état qu'on envisage aujourd'hui de transférer les transports qui se font actuellement en fer, sur la route ! Comment parler de transition énergétique quand nous avons des exemples de ce type ? Il faut donc des moyens supplémentaires, moyens que nous avons essayé d'estimer dans ce rapport afin de redonner de la performance à nos grands ports français, et donc à l'industrie en général et aux entreprises. Je terminerai mon propos en exprimant une crainte fondée sur la présence chinoise, à bas bruit, partout. Des ports sont rachetés, ainsi que des terminaux entiers. Nous avons la chance en France d'avoir le troisième armateur mondial de marchandises, avec un risque stratégique et souverain de voir passer cet armateur dans d'autres mains. Le ministère doit en être conscient et ne pas laisser faire ; c'est un risque dont mes collègues et moi avons l'intime conviction suite à ce rapport de mission.

Mme Annick Billon. - Concernant la transition numérique et votre satisfaction par rapport au réseau qui aura tenu, je pense plutôt que la crise sanitaire a mis en exergue la véritable fracture numérique car un certain nombre de salariés n'ont pas eu la capacité, compte tenu de leur faible connexion, de faire cohabiter télé-enseignement pour les enfants et télétravail pour les parents. Nous avons donc encore beaucoup de progrès à faire sur la transition numérique, et certains territoires ont pris du retard en ce domaine. Comment les aider ?

Concernant la transition écologique, nous partageons tous l'envie d'aller vers cette transition, cependant, la France est constituée d'un tissu de PME et TPE extrêmement riche, qui ont été particulièrement fragilisées par cette crise, avec des trésoreries tendues. Comment imaginer que ces petites entreprises puissent investir dans un avenir très proche, avec un retour sur investissement qui se ferait à plus ou moins long terme ? J'en doute fortement.

Concernant l'apprentissage, la rentrée se profile et les jeunes choisissent en ce moment de se tourner ou non vers cette filière. Le statut scolaire alternant sera-t-il efficace et proposé dès cet été pour que les jeunes qui n'ont pas encore trouvé d'entreprise pour les prendre ne se détournent pas de l'apprentissage ?

Vous avez mis l'accent sur le rôle des collectivités et des régions notamment. En effet, les collectivités ont été extrêmement réactives ; est-ce donc l'annonce d'une décentralisation forte pour prendre des décisions au plus près du terrain ? Comment imaginez-vous cette décentralisation ?

Enfin, je rejoins ma collègue Pascale Gruny lorsqu'elle faisait référence au PGE dans son intervention. Aujourd'hui, la France a été en capacité de mettre en place un certain nombre de mesure salutaires pour les entreprises, mais les délais de remboursement restent limités dans le temps et risquent de décaler les difficultés pour les entreprises à moyen terme.

Mme Agnès Pannier-Runacher. - M. Canévet, sur les difficultés de recrutement, vous êtes revenu sur l'importance de mieux valoriser les compétences, je partage votre point de vue. Dans les études préparatoires au pacte productif, il est ressorti un « mismatch » de compétences entre les salariés et leurs postes. Cela concerne à peu près 60 % des salariés ce qui est considérable. Il y a donc un vrai besoin de montée en compétences des salariés et d'accompagnement pour continuer à progresser.

Cela a des conséquences sur le terrain pour les entreprises en difficulté. Il y a des opérateurs industriels qui ont des compétences extraordinairement spécifiques, fines. Dans le dossier Luxfer, qui a un peu défrayé la chronique, j'ai beaucoup échangé avec le responsable CGT de l'entreprise qui me disait : « Mes gars sont capables de faire des alliages avec une technologie unique au monde. » Il s'agit d'alliages qui permettent de comprimer encore plus le gaz que vous mettez dans les bouteilles, et donc d'avoir une efficacité décuplée et des propriétés industrielles très utiles. Mais certains d'entre eux, parce qu'ils n'ont pas de parcours académique, sont dans une grande difficulté pour se reconvertir dans des compétences qui correspondent à leur savoir-faire. Beaucoup sont partis dans le domaine du transport routier, mais cela ne correspond pas à leur savoir-faire ce qui est extrêmement dommage. C'est un vrai sujet que d'accompagner ces décalages. Il existe des questions de mobilité, mais également la question de comment faire venir les réimplantations industrielles vers les compétences. En effet, on ne peut faire de mobilité avec tout le monde. Si vous prenez le site de Bessé-sur-Braye, la fermeture concerne 500-600 salariés, et tout le monde ne peut pas partir, tout le monde ne peut pas vendre sa maison. Il n'y a pas 600 candidats pour racheter une maison à Bessé-sur-Braye ou dans ses environs. Nous avons donc mis spécifiquement en place une expérimentation avec Action logement pour permettre à la personne qui souhaite partir d'évacuer le problème de la vente de sa maison, et d'avoir une solution de portage.

Ensuite, la construction de solutions ne passe pas uniquement par la décentralisation car elle reste encore en hauteur par rapport aux territoires quand elle concerne la région. En revanche, les Territoires d'industries fonctionnent bien pour la plupart. Nous avons plus de 1 000 « fiches actions » qui sont remontées, dont une centaine concernant des projets très précis et spécifiques aux territoires et pouvant être délivrés à la fin de l'année. C'est pour moi une forme de décentralisation qui peut permettre d'asseoir tous les acteurs à une même table, c'est-à-dire les opérateurs de l'État, les collectivités locales dans leur vision stratégique d'attractivité, et les chefs d'entreprise. Cela permettrait d'avoir la construction d'une vision commune entre les entreprises, les élus locaux et l'État qui proposerait des solutions plutôt que de réguler ou de bloquer des projets. L'enjeu est d'accompagner ces projets en leur amenant de la souplesse dès lors qu'ils intègrent toutes les parties prenantes.

Concernant la simplification de la vie des entreprises, cette question est traitée à destination des PME dans le « Plan commerçants », notamment sur le point des OGA (organismes de gestion agréés) dont les demandes sont récurrentes. Les entreprises ne comprennent pas pourquoi elles font l'objet d'une taxation lorsqu'elles n'adhèrent pas à un OGA. C'est une des simplifications que nous portons, comme nous l'avons fait dans la loi ASAP qui en portait un certain nombre. Pour être tout à fait claire, nous sommes preneurs des éléments de simplification, sentez-vous libres de nous faire remonter des éléments.

Au sujet de la validation des accords d'intéressement par les DIRECCTE, je ne vais pas répondre à la place de ma collègue ministre du Travail, mais je peux affirmer que les DIRECCTE sont très réactives dans leur validation de ces accords. Cette validation est rarement le facteur bloquant de ces accords mais j'entends votre point qui pose la question du dilemme entre la décision ex-ante et le contrôle a posteriori. On pourrait éventuellement faire confiance aux acteurs du territoire et procéder à des vérifications ex-post, surtout lorsque l'application des accords ne se passe pas comme prévu, mais il existe toujours un risque juridique. D'ailleurs, nous avons un comité de pilotage qui simplifie les CERFA et qui réécrit les lettres d'avertissement aux entrepreneurs afin qu'elles soient plus compréhensibles et moins « juridiques », avec la présence d'un contact pouvant les accompagner dans la mise en conformité. Cela nous permet d'adopter une posture d'accompagnement plutôt qu'une posture de contrôle. Les entreprises ont besoin d'être accompagnées, on ne peut pas demander aux chefs d'entreprise de maitriser la complexité administrative qu'il faut reconnaître. C'était l'enjeu des lois ESSOC, du droit à l'erreur et du dispositif « dites-le nous une fois » sur lesquels nous continuons de travailler.

Concernant le site cybermalveillance.gouv, nous en faisons la publicité et je note ce point afin de voir si nous pouvons le faire de manière plus systématique. Les CCI, les CMA et les fédérations peuvent nous y aider. France Num et l'Autorité nationale en matière de sécurité et de défense des systèmes d'information (ANSSI) font un bon travail de conseil notamment sur les réseaux sociaux et avec des formats vidéo courts. Nous travaillons avec le Comité stratégique de filière « Industries de sécurité » sur ces questions-là, car il y a un tissu d'ETI, de PME et de start-ups particulièrement brillantes sur le sujet de la cybersécurité.

Au sujet du contrôle des investissements étrangers en France (IEF), nous avons plus de 100 dossiers qui passent chaque année à Bercy. Chacun des dossiers ne donne pas lieu à des décisions - auquel cas le projet est rejeté - mais c'est la discussion qui est importante.

Concernant le dossier industriel que vous évoquiez, nous avons fait passer un certain nombre de messages à l'actuel propriétaire afin que la transmission de cette entreprise se fasse dans des conditions qui nous conviennent, mais il n'y pas de décision imminente pour le moment.

Au sujet du commerce extérieur, je ferai le lien avec le financement des CCI et les mesures d'accompagnement. Je préciserai d'abord que nous avons bien travaillé avec les CCI et les CMA pendant le démarrage de la crise : les DIRECCTE ont d'abord pris la majorité des appels. J'en profite pour vous préciser que les DIRECCTE ont vu leurs effectifs divisés par trois et que vous ne verrez pas d'augmentation d'effectifs dans les prochains budgets. Les DIRECCTE se sont articulées avec les CCI afin de traiter des appels et des messages entrants : 800 000 pour les CCI et 1,5 million pour les CMA. Mais surtout, ils ont traités des appels sortants, notamment avec la mise en place d'un accompagnement psychologique des chefs d'entreprise par la redirection vers des professionnels, au vu des situations individuelles délicates dont les interlocuteurs ont pu être témoins. Cela a très bien fonctionné au prix d'une réallocation des missions, certaines n'ayant pas été effectuées, ce qui n'était pas illégitime.

À ce stade, nous restons sur la trajectoire financière que nous avons donnée aux CCI et sur laquelle elles ont travaillé. Le sujet, c'est la transformation : il est important que les CCI puissent fournir ce service aux entreprises de la manière la plus appropriée possible. Nous avons des remontées de satisfactions diverses à ce sujet. Nous sommes aux côtés de Pierre Goguet et du nouveau président de la CMA, mais nous opérerons cette transformation car nous pensons qu'elle sera bénéfique pour les entreprises. Le plan de soutien aux entreprises est une opportunité pour les CCI et les CMA. Il pourrait être accompagné de moyens supplémentaires mais avec l'idée qu'une augmentation du budget sera compensée par une diminution par ailleurs.

L'engagement sur le numérique est un véritable défi. Il est très difficile d'attraper toutes les TPE et PME pour les engager dans cette transformation. Cela suppose d'avoir une cartographie claire des acteurs pouvant les aider rapidement mais sans forcément les diriger vers des outils internationaux comme des plateformes, sur lesquels on peut avoir des réticences en matière de souveraineté. On peut alors aller vite avec certains acteurs ou plus lentement avec notre écosystème qui n'est pas encore structuré. Nous avons besoin de médiateurs qui accompagnent ces PME et TPE, malheureusement pas toujours disponibles. Nous essayons de travailler sur une approche par des tiers-lieux mais ils n'ont de sens que s'ils sont dirigés à la fois vers les particuliers et les professionnels. Il y a un vrai enjeu d'exécution qui doit être discuté avec BPI, CCI, CMA, les régions et les agences de développement sur les territoires : nous choisirons la solution la plus adéquate en fonction des territoires en nous appuyant sur France Num. Les prêts de ce dernier seront prêts début juillet. Les conditions seront moins attractives que les PGE, les banques ne réalisant pas de marge sur le PGE, mais ils seront disponibles avec une enveloppe de 750 millions d'euros, ce qui est plutôt conséquent.

Au sujet des règles d'affichage de la DGCCRF, tous les délais figurent sur leur site internet, je vous invite à le consulter.

Concernant les crédits interentreprises, nous avons eu des problèmes au démarrage mais le nombre de dossiers est en diminution, nous faisons donc l'hypothèse que les démarches ont été simplifiées. Je vous invite à nous faire remonter les situations de façon groupée afin de faciliter nos discussions avec les interlocuteurs.

Nous avons défini de façon très claire des priorités dans le plan de relance, telles que la rénovation thermique ou le fret ferroviaire. Nous continuons à travailler sur la mobilisation de l'épargne en tenant compte des effets d'aubaine, de l'efficacité et de l'appréhension des Français sur le déblocage ou l'accumulation de leur épargne. Vous avez pu voir que nous avons proposé dans le projet de loi de finances rectificative la possibilité de déblocage de sommes des contrats dits « Madelin ». Au sujet du fléchage de l'épargne vers les entreprises, je m'exprimerai à titre personnel : nous pourrions construire un instrument de solidarité entre tous les Français par le biais du livret A, en leur proposant d'investir sur des projets concrets comme la rénovation thermique, voire dans des entreprises. Nous avons également lancé une mission avec l'Inspection générale des finances sur la distribution de chèques à la consommation, système basé sur les titres restauration et qui stimulerait la consommation de proximité. Certaines municipalités travaillent sur ce système, fléchant la consommation sur des secteurs géographiques bien définis. La question serait de savoir quel traitement fiscal serait appliqué à ce dispositif, la mission devrait rendre ses conclusions en septembre.

La facturation électronique arrivera bien au 1er janvier 2023, nous sommes sur la bonne voie et travaillons avec les experts-comptables pour mettre en place les instruments nécessaires.

Je délie cette question de la 5G étant donné que l'usage de cette dernière est industriel, notamment dans des environnements d'objets connectés comme par exemple dans les ports. Il existe des usages pour les particuliers, en augmentant la bande passante dans des endroits déjà saturés, mais il n'y a pas d'intérêt à la déployer sur tout le territoire. Les usages sont industriels, ils peuvent être liés à la santé pour les CHU, ou les établissements médicaux en milieu rural, mais ils restent à inventer. Nous sommes le dernier pays à déployer la 5G parmi les grandes économies industrielles. Je fais confiance à ces pays qui déploient de façon réfléchie et responsable cette technologie. Les questions sont justes, nous avons une trajectoire sur les réseaux numériques pour limiter notre impact environnemental d'ici 2025. Cela passe en effet par l'utilisation de la 5G, moins énergivore que la 4G, la 3G ou le cuivre, il faut donc trouver un équilibre entre cette économie et l'augmentation de la masse de données traitées. Il faut néanmoins créer une économie d'usages responsables et permettant de rendre le consommateur actif et acteur de sa consommation. L'IGAS, l'IGF, le Conseil général de l'économie (CGE) et le Conseil général de l'environnement et du développement durable (CGED) lanceront une enquête sur les bonnes pratiques sanitaires en matière de fréquence, je veux également associer la représentation nationale à ce sujet important.

Nous avons travaillé sur l'amortissement de la formation, le problème est que la formation est une dépense d'exploitation directement déductible de l'impôt sur les sociétés. Il n'y a pas forcément d'utilité à le matérialiser, sauf s'il y a d'autres objectifs.

Concernant, le crédit d'impôt recherche (CIR) pour les PME, je suis d'accord, il faut simplifier le dispositif.

Pour l'ouverture des 40 millions d'euros de crédit pour la numérisation des PME et des TPE, c'est un début et je suis favorable à ce qu'on aille plus loin.

Les contrats de professionnalisation seront discutés avec les contrats d'apprentissage dans le projet de loi de finances rectificative.

Au sujet du dispositif de prêts garantis par l'État. On ne peut pas aller au-delà d'un an plus cinq ans sur le délai de remboursement, compte tenu des critères européens. Nous avons un droit des entreprises en difficulté de très grande qualité, en particulier avant le redressement judiciaire, et il faut utiliser toutes les procédures qui permettent d'accompagner les entreprises. Notre droit permet de rééchelonner les créances jusqu'à 10 ans ; les entreprises utilisent malheureusement ces dispositifs beaucoup trop tard et il faut les inciter à en faire usage.

Concernant les charges patronales, le Conseil de la protection sociale des travailleurs indépendants (CPSTI) a pris en charge jusqu'à 1 500 €, ce qui équivaut à un effort total d'un milliard d'euros à destination des indépendants.

Je partage l'avis de Joël Labbé sur la publicité. À l'instar des entreprises Veja, le Slip français et 1083, lors de la relocalisation, il faut repenser le modèle de distribution, de publicité et de promotion. Afin de proposer un prix correct pour le consommateur, il faut trouver une autre expression du partage de la valeur. Nous avons lancé une réflexion avec la mission sur la relocalisation de produits textiles en France.

Sur le marché pluriannuel et les stocks de masques, je me suis occupée de faire de l'appui sur les masques « grand public » et je vous renvoie donc à Santé Publique France pour les masques médicaux. L'objectif est effectivement d'avoir un stock stratégique et il sera bien constitué en septembre.

Au sujet des accords d'intéressement, je partage le souhait d'aller plus loin. Je rappelle qu'il est possible de procéder unilatéralement à la mise en place d'un contrat d'intéressement dans les entreprises de moins de 11 salariés, mais que la durée des contrats peut être d'un an renouvelable afin d'inviter les entreprises à se familiariser avec ce dispositif, dans le but qu'il devienne pérenne.

Le fret ferroviaire est un des sujets sur lesquels nous souhaitons travailler dans le plan de relance.

Sur la performance des ports français, la mission menée par Patrick Daher et Éric Hémar concluait qu'il y avait un écart de compétitivité de 15 % avec nos concurrents. Nous avons mis en place France Logistique. Il reste un grand travail à faire pour réaménager des routes résistantes et redonner de la compétitivité aux ports. Cela suppose qu'il y ait de l'inter-modalité et qu'on organise de plus grands centres logistiques regroupés, ce qui est plus écologique dès lors qu'ils sont efficaces et bien positionnés sur le territoire. Anne-Marie-Idrac, présidente de France Logistique, s'est saisie de ce sujet attendu par les industriels, je compte sur elle pour formuler des propositions.

Concernant la présence d'entreprises chinoises dans notre économie, je ne m'inquiète pas, notamment en ce qui concerne l'entreprise CMA CGM, qui a une très grande résilience.

Nous tiendrons notre engagement sur la 4G et sur le newdeal. Nous allons rattraper le retard pris pendant le confinement, Julien Denormandie a fait un point à ce sujet vendredi dernier. Sur le déploiement du très haut débit, nous devons regrouper tous les acteurs autour de la table, y compris les collectivités territoriales, afin de procéder à l'instruction des dossiers. Nous allons examiner les offres commerciales existantes qui parfois n'arrivent pas jusqu'aux entreprises. C'est une des priorités, peut-être plus que le sujet traité par la proposition de loi. Sébastien Soriano, président de l'ARCEP, y travaille, notamment avec Orange.

Sur la transition écologique et énergétique des PME, cela pourrait être un des objets du plan de relance et passer par la subvention d'une partie des investissements. Cela est aussi envisagé pour l'investissement vers le numérique, qui entraine un retour rapide sur investissement, contrairement aux investissements dans la transition écologique dont le retour est plus lent.

Je vous remercie.

La réunion est close à 18 heures.