Jeudi 11 juin 2020

- Présidence de Mme Eustache-Brinio, rapporteure -

La réunion est ouverte à 10 h 30.

Audition de Mme Marie-Anne Lévêque, secrétaire générale du ministère de l'éducation nationale et de la jeunesse et du ministère de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation (ne sera pas publié)

Cette audition s'est déroulée à huis clos. Le compte rendu ne sera pas publié.

Audition de M. Mohammed Moussaoui, président du Conseil français du culte musulman

Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure. - Nous auditionnons aujourd'hui Monsieur Mohammed Moussaoui, président du Conseil français du culte musulman.

Il nous a semblé important de vous entendre sur la question de la radicalisation islamiste. Je rappelle que notre commission d'enquête porte sur la réponse que les pouvoirs publics y apportent. Nous sommes inquiets et interrogatifs sur certains phénomènes.

Vous êtes l'interlocuteur naturel des pouvoirs publics et vous avez réagi à ce que le Président de la République a dénoncé comme une volonté de séparatisme de la part de certains musulmans. Il est donc important pour nous de connaître votre analyse de la situation et de la réponse des pouvoirs politiques et publics nous est importante.

Avant de vous laisser la parole, je me dois de vous rappeler qu'un faux témoignage devant notre commission d'enquête serait passible des peines prévues à cet égard par le Code pénal.

Je vous invite à lever la main droite et dire « je le jure ».

Conformément à la procédure applicable aux commissions d'enquête, M. Moussaoui prête serment.

M. Mohammed Moussaoui, président du Conseil français du culte musulman. -Merci madame la rapporteure. Mesdames et Messieurs les parlementaires, je suis honoré de cette invitation.

Permettez-moi une petite introduction concernant l'appellation de la commission, « combattre la radicalisation islamiste ». Je n'en ferai pas l'essentiel de mon intervention, mais je pense que le terme de « radicalisation » se trouve dans quelques décisions de la jurisprudence du Conseil d'Etat. J'ai le souvenir d'un arrêt de 2018, dans lequel une ressortissante étrangère demandant la nationalité française avait essuyé un refus en raison de la pratique radicale de sa religion. Ce n'est pas le seul exemple.

Cette forme de pratique religieuse, relevant d'un ensemble d'attitudes, d'actes ou de paroles, souvent marginale dans la société, suscite à juste titre l'inquiétude et le rejet de l'immense majorité des musulmans de France et de nos concitoyens.

Le spectre de ce qu'englobe le radicalisme est très large. Le radicalisme allant jusqu'à la violence et le crime est une réalité. Certains jeunes Français ont joint les champs de bataille. Ils ont également commis des attentats et actes criminels sur notre territoire.

Le terme « islamiste » et le contenu qui lui est donné me posent problème. Je comprends le titre de combat contre la radicalisation islamiste, cet extrémisme se revendiquant de l'islam et instrumentalisant la religion musulmane. Nommer de cette manière cette idéologie ou le groupe de personnes la partageant pourrait paraître juste. Seulement, j'attire votre attention sur le fait que ces extrémistes ont réussi à s'approprier le langage et les concepts musulmans. Le groupuscule se nommant « Etat islamique » s'est approprié le terme « Etat ». Il n'en est pourtant pas un. Il s'est approprié le terme « islamiste », bien qu'il n'ait rien d'islamique. Ces extrémistes ont compris que pour occuper le terrain, ils devaient s'approprier ces termes. Malheureusement, je pense que nous les y avons aidés, consciemment ou non.

L'islamisme est aujourd'hui synonyme de terrorisme, d'extrémisme. Pourtant, sa signification littéraire se réfère à celui qui se réclame de l'islam. C'est ainsi que le définissaient les dictionnaires en langue française jusqu'aux années 1970. Il est équivalent aux termes de « bouddhiste » ou « hindouiste », se réclamant des religions bouddhiste ou hindouiste. Sur le plan politique, il pourrait s'approcher des termes de « centriste », « communiste », « socialiste » et autres.

Force est de constater que lorsque nous entendons le mot « islamiste », il ne concerne pas nécessaire celui qui se réclame de l'islam. Il est utilisé avec une connotation négative. C'est bien là que réside le problème. Nous avons validé l'appropriation, la prise d'otage de ces concepts. Lorsque vous entendez les mots « judaïsme » ou « christianisme », ils renvoient à l'apport de ces 2 religions aux civilisations humaines et à la marche humaine. Pourtant, lorsque vous entendez le mot « islamisme », vous êtes censés y comprendre un sens négatif, d'islam politique par exemple.

Cette distorsion dans l'utilisation du langage a permis à ces extrémistes d'être associés d'une manière abusive à une religion. Ils sont même allés plus loin : ils se sont approprié cette religion.

Vous pourriez nous demander quels termes nous aurions choisis pour les nommer. Nous pourrions les appeler des extrémistes. Un terroriste est un vulgaire criminel. Nous devrions le nommer de la sorte et ne pas l'associer à une religion. Vous pourriez objecter que ces individus se réclament de l'islam. En effet. Dans ce cas, le terme de « terroriste se réclamant de l'islam » ne me dérangerait pas. Nous créons ainsi une distanciation entre ceux qui s'en réclament et la réalité. Nous avons l'obligation de ne pas les valider tels qu'ils se présentent. C'est là la juste attitude de nommer les choses par ce qu'elles sont.

Je ferme cette parenthèse sur les terminologies et les concepts. J'estime que cette bataille est importante. Vous savez que sur internet et sur les réseaux sociaux, les mots clés ont une importance primordiale en termes de référencement des pages web. Il est dommage de systématiquement tomber sur des résultats négatifs en recherchant le terme « islamique ». Lorsque vous utilisez tous les termes et concepts pris en otage par ces extrémistes, vous tombez sur leurs pages web. De ce point de vue, ils sont présents par l'appropriation des termes utilisés. Pour cette raison, je revendique le fait que nous devions trouver un moyen de nommer cette réalité. « Mal nommer les choses, c'est ajouter au malheur du monde » comme le disait Camus.

Vous savez, un jeune ne devient pas radical ou extrémiste subitement. Il suit un cheminement lié à des facteurs de son histoire et de son environnement, d'ordre social, économique, politique, ethnique ou religieux. Nous devons y ajouter d'autres facteurs psychologiques et émotionnels. Historiquement, la présence structurée de la jeunesse et de la société civile, que nous appelons le corps intermédiaire, offrait aux jeunes des espaces d'apprentissage aux valeurs collectives. Elle permettrait également à la contestation sociale de s'exprimer de façon sereine et respectueuse du cadre démocratique. Privée de cette structure, cette contestation a pris la forme d'une délinquance défiant toutes les autorités : celle de la famille, de l'école, des institutions religieuses, et l'autorité publique. Cette délinquance peut donner lieu à des incivilités, des dégradations, des vols, des conflits avec la police. À la rencontre d'une idéologie extrémiste, elle peut également se transformer en une violence terroriste.

Les jeunes se radicalisant sont recrutés via une campagne essentiellement véhiculée par internet et les réseaux sociaux. Elle fait appel à des méthodes d'endoctrinement et d'embrigadement alliant des arguments théologiques fallacieux, justifiant la haine de l'autre, et une mise en perspective des récits historiques et des représentations des différents conflits internationaux, et notamment au Proche et Moyen-Orient. Elle laisse ainsi s'installer l'idée que les musulmans sont victimes de persécutions et d'humiliations.

Les promoteurs de cette idéologie mortifère ont réussi à créer un modèle particulièrement séduisant, en manipulant d'une manière perverse des codes et ressorts de communication ciblant les jeunes. Ce mode vise à marier la bravoure héroïque avec l'idéal du saint qui accomplit une prétendue mission presque divine et altruiste. Ces promoteurs offrent une forme de considération et d'estime de soi, et créent chez ces jeunes l'illusion d'être importants, d'être élus pour accomplir ce que l'immense majorité des musulmans est incapable de réaliser, par faiblesse ou traîtrise.

L'histoire nous apprend qu'à chaque fois que se sont retrouvées réunies les perceptions justes ou injustes du développement des inégalités et d'un défaut de représentativité dans le débat public, politique et démocratique, la porte s'est ouverte au populisme et à l'extrémisme.

Comment lutter contre l'instrumentalisation des textes religieux ? Je crois qu'il s'agit de notre combat le plus important en tant qu'institution religieuse. Comme l'indiquait Thierry Tuot dans son rapport « La grande nation : pour une société inclusive », remis au premier ministre en 2013, « l'islam ne génère pas le terrorisme. Il n'est pas inscrit dans ses gènes. Comme toute religion, et comme aucune n'y a fait exception, l'histoire le montre assez, elle a ses obscurantistes et ses fanatiques. À cela, aucune pitié de notre part, bien sûr : mais ils sont dans notre pays rares, minoritaires et sans rapport aucun avec l'islam. » Le monde compte 1,6 milliard de musulmans, soit 23 % de sa population. Si l'Islam était cette religion de haine et de barbarie que ses opposants veulent décrire, l'ensemble de la planète, et non quelques états seulement, serait à feu et à sang.

Par ailleurs, ne perdons pas de vue qu'à l'échelle mondiale, l'immense majorité des victimes de ce terrorisme est de confession musulmane. Nous nous devons de constater que le détournement des textes religieux musulmans par des organisations terroristes et par les radicaux est une évidence à laquelle nous devons faire face. Nous ne devons pas rester dans le déni, mais regarder cette réalité en face. Les cadres religieux doivent offrir aux jeunes des clés de lecture de ces textes, et les aider à décrypter la masse colossale d'informations qui transite sur internet et les réseaux sociaux.

En premier lieu, nous devons rappeler avec force que la foi ne saurait aller à l'encontre de la raison. Les objectifs et finalités d'une religion ne sauraient s'opposer aux valeurs universelles constituant l'humanité de l'Homme. Une religion ne servant pas l'humain ne mérite pas d'en être une.

Permettez-moi de citer quelques principes sur lesquels tout enseignement religieux doit mettre l'accent. D'abord, la vie humaine est unique et indivisible. Je pourrais citer le texte coranique, sourate 5, verset 32 : « quiconque tue un être humain injustement tue l'humanité. Quiconque sauve la vie d'un seul être humain est considéré comme ayant sauvé la vie de l'humanité tout entière ».

Ensuite, l'égalité entre les humains est le corollaire de l'égale dignité humaine. « Certes, nous avons rendu dignes tous les fils d'Adam », Coran, sourate 17, Verset 70. Nous devons mettre en avant le respect de la dignité humaine, dont découlent toutes les autres égalités que nous pouvons citer, indépendamment de l'appartenance religieuse, de la philosophie, du sexe ou encore de la couleur de peau. Toutes ces égalités résultent de l'égale dignité.

Le troisième principe consiste en un respect de la liberté de conscience et de religion. Il est une volonté divine pour la tradition musulmane, comme le stipule le verset 256 de la sourate 2, « nulle contrainte dans la religion », ou encore la sourate 10, verset 90 : « si ton seigneur l'avait voulu, tous ceux qui sont sur la terre auraient cru en ton message. Est-ce à toi, prophète, de contraindre les gens à y croire ? »

Le quatrième principe demande d'être implacable face à l'injustice. « Celle-ci ne saurait être justifiée ou excusée, même dans les pires situations d'adversité. Ne laissez pas la haine et l'animosité que vous opposent certaines personnes vous inciter à être injustes. Restez justes, c'est ce qui vous préservera. » Sourate 5, verset 8.

Enfin, le cinquième principe est le suivant : la lutte contre le désordre et pour la préservation de la paix est un devoir universel. « Si Dieu ne repoussait pas certains hommes par d'autres, les cloîtres auraient été démolis, ainsi que les églises, les synagogues et les mosquées où le nom de Dieu est souvent mentionné. » Sourate 22, 34 à 40. Comme pour montrer l'universalité de ce principe, les mosquées sont citées en dernier lieu.

Tous les textes à apparence belliqueuse dans le Coran doivent être compris au travers de ce filtre. Il sacralise la vie, et considère que s'attaquer à une personne en raison de sa religion est un crime allant à l'encontre de la volonté divine qui a fait la pluralité religieuse et la pluralité des consciences. Ne pas empêcher ce désordre et ce crime commis par les extrémistes est également contraire à une injonction divine faisant de la préservation de la paix un devoir universel.

Ces valeurs, parmi d'autres, ont trouvé leur résonnance dans la tradition vivante du prophète de l'Islam. Dès son arrivée à Médine, il a rédigé le pacte de Médine, définissant les règles de vivre ensemble entre tous les citoyens de la ville, et ce quelle que soit leur confession. Ainsi, les juifs de Banu Awf font partie de la communauté des croyants. Le prophète de l'Islam a également accueilli les chrétiens de Najr?n, et leur a permis de célébrer leur culte à l'intérieur de la Mosquée de Médine, deuxième lieu saint de l'Islam. Lors du premier conflit imposé au prophète de l'Islam, ce dernier avait proposé aux prisonniers leur liberté en échange d'un seul service : apprendre à lire et écrire à 10 habitants de la ville.

Ces quelques filtres de connaissance devraient être placés au coeur de chaque enseignement religieux, pour permettre à la jeunesse de se prémunir contre les propagandes extrémistes, celles qui détournent les textes religieux. Ces principes permettent d'opposer une résistance à la propagande.

Que pourraient faire les responsables musulmans face à ce radicalisme ? L'Union des Mosquées de France, que je préside, a dès 2014 appelé aux États généraux sur le radicalisme, immédiatement après l'attentat commis par Medhi Nemmouche contre le musée juif de Bruxelles. Elle a pu rencontrer des centaines d'imams et d'aumôniers. Le lancement a été réalisé le 18 juin. Si nous n'avons pas choisi cette date, j'y vois une coïncidence avec le fait que nous lancions une résistance face à cette idéologie extrémiste. Des journées de réflexion, entre le 18 juin 2014 et le 13 février 2015, ont permis d'aboutir à un certain nombre de recommandations.

Dans un premier temps, nous avons constaté que les imams et aumôniers agissaient individuellement. Il n'existe pas d'espace de dialogue ou de conseil les réunissant et leur permettant d'agir collectivement au niveau local. Aujourd'hui, comme vous le savez, le conseil français du culte musulman est organisé avec une instance nationale, puis des instances régionales dans les 22 anciennes régions administratives. Une forte demande s'est élevée pour créer un échelon départemental, permettant une proximité avec les acteurs locaux. Il était demandé que cet espace soit mis en place non seulement avec les gestionnaires de mosquées, mais également avec les imams et aumôniers, en première ligne de la lutte contre le radicalisme.

Dans un second temps, nous avons constaté que le contenu du prêche du vendredi, auquel participe près d'un million de personnes chaque semaine, était un véritable moyen d'élévation spirituelle. Il doit faire l'objet d'un travail collégial avec les imams. Lorsque ces conseils d'imams seront créés, leur parole sera plus forte.

Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure. - Nous avons bien entendu vos propos. Il me paraîtrait adéquat que nous puissions maintenant échanger, si la connexion nous le permet.

Cette commission d'enquête n'a pas pour objet d'évoquer le terrorisme et l'action violente. De nombreux travaux ont été menés sur le sujet. L'État a mis en place diverses actions pour lutter contre cet islam violent et terroriste. Vous en avez rappelé l'Histoire et la genèse. Pour notre part, c'est ce que nous appelons l'islam politique, et ses revendications, qui nous inquiètent. J'entends et comprends vos propos. Pour autant, nous ne pouvons nier les revendications subies par notre république laïque au nom de l'Islam, sans doute dans des poches particulières de la population, et pas partout, j'en suis convaincue. Vous l'expliquez vous-même, les écrits contredisent cette façon d'être. C'est pourtant une réalité.

On nous a fait part d'un nombre croissant de demandes d'ouverture d'écoles hors contrat et sous contrat, de confession musulmane. Elle a observé une forte demande de scolarisation à domicile. Nous sommes inquiets de voir des enfants quitter l'école de république.

Nous ne pouvons nier que certaines revendications sont faites au nom de l'Islam. Nous devons les combattre. Vous devez les combattre. Vous ne disposez certainement pas de toutes les clés. Nous non plus. C'est pourtant un vrai sujet. Nous faisons aujourd'hui face au risque de voir des morceaux de territoire sortir de la république. Ce n'est pas notre conception du vivre ensemble.

La place des frères musulmans et des salafistes dans certains quartiers a été pointée du doigt depuis le début de cette commission. Ils ont pris une place que nous sommes peut-être tous responsables d'avoir laissé vacante. Lorsque des manifestations ont lieu dans les banlieues, je peux vous assurer que nous y repérons des personnes associées à ces mouvances. Ces dernières nous inquiètent beaucoup. Elles agissent parfois sur les plus fragiles, en les manipulant dangereusement.

J'aurais aimé savoir comment vous pouviez travailler sur ce sujet. La réponse des textes est importante, mais elle ne suffit pas pour contredire la volonté d'une minorité présente, agissante, qui fracture notre société.

Dans notre société française, nous sommes citoyens avant d'être religieux. La religion, quelle qu'elle soit, est un engagement personnel que nous n'avons pas à imposer aux autres. Le rôle du CNSM est probablement difficile : si l'Etat ne réussit pas à mener cette mission à bien, je comprends qu'elle soit également compliquée pour vous.

Que pensez-vous de la réalité des frères musulmans et des salafistes, qui poussent à ce séparatisme ? L'égalité hommes - femmes est remise en cause dans certains quartiers. Certaines jeunes filles ne peuvent plus s'habiller comme elles le souhaitent, car elles sont agressées physiquement. L'homosexualité est un vrai sujet par endroits. Certains musulmans homosexuels sont obligés de déménager. Dans certains cas, les individus renonçant à leur religion doivent eux aussi quitter leur quartier.

Le délégué général du CFCM ne s'exprime pas toujours avec délicatesse. J'ai été heurtée de l'entendre dire il y a quelques mois que les élus devaient « fermer leur gueule sur certains sujets ». Il n'a pas été très facilitateur concernant l'affaire Mila non plus. Cette parole au sein de votre conseil me trouble. Nous avons tous l'obligation d'avoir du courage pour lutter, mais également d'avoir un peu d'apaisement dans nos paroles.

M. Mohammed Moussaoui. - J'entends et je partage votre inquiétude. Vous savez que lorsque des pratiques marginales de la religion se présentent, elles peuvent faire l'objet d'un rejet de la part de la société. Les musulmans dans leur ensemble peuvent en pâtir, puisqu'ils sont mis à l'index.

Il est vrai que la république laïque laisse un espace très large à la liberté individuelle. De ce point de vue, il est souvent difficile d'aller au-delà de ce que la loi permet. La liberté religieuse, comme toutes les autres, n'est pas absolue. Les seules limites que pourrait imposer la loi sont les impératifs de l'ordre public, auquel chaque limitation doit être proportionnée : le verbe, l'action, mais également la protection sanitaire. Avant le confinement, le CFCM était amené à prendre des décisions sur l'adaptation de toutes les dispositions funéraires ou la fermeture des lieux de cultes, par exemple. Aucune mosquée n'a enfreint la règle que nous avions fixée concernant cette fermeture. La préservation de la vie est passée avant tout, y compris chez les plus rigoristes. Nous avons suspendu la toilette mortuaire pour les défunts, sans poser de problème puisque nous avons là aussi rappelé ce même principe fondamental.

Lorsque c'est nécessaire, nous prenons la parole, et dictons des règles conformes à ce principe, sans l'outrepasser. Nous ne pourrions par exemple pas interdire à une personne sa pratique religieuse si elle respecte la loi. Nous devons tenir compte du spectre très large de la pratique religieuse, allant de celui qui pratique peu à celui qui pratique beaucoup. La seule limite que le CFMC pourrait émettre concernerait une personne dont la pratique religieuse la mène à une marginalisation. Quand une pratique pousse un individu à considérer que les autres sont dans l'erreur absolue, et qu'il ne respecte plus les choix de ses concitoyens en matière d'orientation sexuelle, de convictions religieuses ou autres, nous établissons une limite. Les imams de nos mosquées font un travail considérable sur le sujet. Il n'est peut-être pas suffisant pour enrayer ce phénomène. Vous devez comprendre que notre conseil, tout comme tout concitoyen, ne peut imposer d'autres limites que celles de la loi à un individu.

Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure. - La France subit une poussée communautariste. J'entends que le CFCM établit ses propres limites pour lutter contre ce phénomène. À titre personnel, je pense que l'État n'a pas à s'immiscer dans l'organisation d'une religion. Les musulmans doivent trouver les clés pour éradiquer ce problème - même si ce n'est facile pour personne.

Vous ne m'avez pas répondu concernant votre ressenti face aux frères musulmans et aux salafistes. Ils sont présents et maillent le terrain contre vous et contre la république depuis une vingtaine d'années, en ayant des projets clairs dans certains quartiers. Le CFCM a-t-il un projet pour s'élever contre ce phénomène dont vous êtes, vous aussi, les victimes ? Tout le monde doit agir et dénoncer ce qui doit l'être. Nous devons unir nos discours sur les sujets qui nous réunissent, et combattre ce qui nous sépare. Si nous ne le faisons pas, nous nous inquiétons de l'avenir de l'unité de notre pays.

Vous n'avez pas non plus répondu à mes propos concernant votre délégué général mais je le comprends très bien.

M. Mohammed Moussaoui. - Au-delà des individus, je parle des principes généraux. La pratique religieuse musulmane communautariste que vous évoquez existe probablement. Sa portée est toutefois à relativiser. Il n'existe pas de média ou de radio communautaire. Combien comptez-vous d'écoles privées musulmanes sur le territoire, en les comparant aux autres communautés religieuses ?

Nous souhaitons éviter un traitement sociologique. Imposer l'invisibilité des musulmans de France sur le territoire national révélerait une vision bien particulière de la laïcité. Cette dernière permet l'égalité et la liberté de tous les citoyens. Seuls les impératifs de l'ordre public peuvent limiter cette liberté.

En effet, certaines pratiques restent marginales. Elles ne mettent toutefois pas en péril notre vie en société. Nous devons faire confiance aux valeurs que partagent l'immense majorité des musulmans du pays.

Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure. - Vos propos sont vrais. Mais un certain nombre d'individus, bien qu'ils soient minoritaires, affichent de claires revendications.

Dans certaines villes, le nombre d'enfants sortant de l'école de la république explose. Ils ne la quittent pas pour rejoindre des écoles privées sous contrat ou hors contrat, concernant lesquelles nous avons quelques inquiétudes, mais pour être scolarisés à domicile. Ils sortent alors totalement de la vie sociale et collective.

M. Mohammed Moussaoui. - Cette inquiétude doit être partagée par tous. L'école est une chance pour les jeunes musulmans, et pour tous les jeunes d'ailleurs. Elle leur permet de développer leur esprit critique en suivant des enseignements. Nous ne pouvons la dessaisir de ses prérogatives, quel que soit le discours religieux tenu. Nos enfants doivent y apprendre à vivre ensemble et à respecter toutes les valeurs de la vie en société. Ce qui peut être demandé au culte musulman me semble disproportionné par rapport aux moyens dont il dispose. La présence de l'enfant à l'école entend des prérogatives, que sont l'éducation et la transmission de savoir, qui dépassent de loin le peu des contacts qu'il peut avoir avec un religieux. Il ne passe que peu de temps devant un imam.

Je pense que l'école porte cette responsabilité. Je suis contre la déscolarisation des jeunes, quel que soit le cadre d'enseignement que les parents pourraient prétendre mettre à disposition de leurs enfants. Souvent, nous surestimons la capacité des familles à suivre la scolarité de leurs enfants. Il n'ont pas besoin que d'un savoir, mais également de vivre avec des jeunes ne partageant pas nécessairement leur culture et leur religion. C'est ainsi que se construisent les jeunes de demain, ceux qui savent vivre dans la diversité et la pluralité dès leur plus jeune âge. Les retirer de l'école met leur avenir en otage. Nous devrions mettre en oeuvre ce qui est en notre pouvoir pour mener toutes les vérifications et ne pas mettre de barrières excluant ces enfants de la vie en société.

Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure. - Vos propos sont importants. L'école fédère et unit. Les parents ont également leur rôle à jouer, vous l'avez dit. Toutefois, un autre phénomène nous échappe : la rue. C'est là qu'il est possible d'agir sur les plus fragiles. Nous voyons bien que les difficultés de ce genre arrivent dans la rue, ou parfois dans des clubs sportifs et des associations. Elles échappent aux écoles et aux familles. Nous avons besoin d'un constat honnête et partagé sur les dangers d'un certain nombre d'organisations agissant sur les plus fragiles, et les sortant du chemin que vous tracez et que la République française trace.

M. Mohammed Moussaoui. - Bien sûr.

Le fait d'avoir cantonné des populations dans un même espace sans favoriser la mixité a donné naissance à certains problèmes. Ensuite, les quartiers ont été presque vidés de tous les corps intermédiaires. Ceux qui resteront sont peut-être ceux qui ont les moyens de militer au sein de ces territoires. Je pense que la mixité sociale doit être revue. Dans certaines écoles, elle est inexistante.

Au-delà de la situation de ces quartiers, la faiblesse des corps intermédiaires dans notre société a peut-être mené à l'organisation de réseaux intermédiaires par internet, et à l'émergence de rassemblements et de manifestations. Ces derniers n'ont pas d'organisateurs visibles qui pourraient nous rassurer sur une potentielle contestation maîtrisée.

Dans l'absence de cette contestation maîtrisée, nous pourrions nous attendre à des difficultés.

Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure. - Au sein du CFCM, avez-vous pris une position claire sur le combat que nous devons mener contre les frères musulmans en France ? Je ne cherche pas à vous piéger, mais avez-vous clairement dénoncé leur présence ou leur emprise en France ? Je suis consciente que ce domaine dépasse nos frontières.

M. Mohammed Moussaoui. - Avant de vous répondre, nous devons préciser ce que nous entendons par « frères musulmans ».

Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure. - Je parle des frères musulmans et de ceux qui partagent l'idéologie de la confrérie. Souvent, des individus nous assurent qu'ils ne sont pas des frères musulmans, car ils ne font pas partie de la confrérie, ce qui ne les empêche pas de partager leur idéologie.

M. Mohammed Moussaoui. - Leur idéologie a évolué, elle a pris plusieurs formes par rapport à son lieu de naissance. Elle a pu s'adapter à des environnements différents à l'échelle internationale. Comme toute idéologie, elle comporte des éléments à garder et d'autres à jeter.

Si vous parlez de l'ex-UOIF en France, membre fondateur du culte musulman, il siège dans notre conseil. Parmi les 43 élus, un seul vient de l'ex-UOIF. Sur certains sujets de société, leurs positions ne diffèrent pas de celles de l'ensemble des composantes de l'islam de France.

Je pense que d'une manière générale, si nous souhaitons dénoncer un groupement de personnes, nous devons spécifier l'idéologie, les paroles et les actes que nous ciblons. Nous ne pouvons affirmer qu'un groupement quelconque est entièrement négatif. Si nous le faisons, nous entrerons en contradiction avec nous-mêmes.

Le fait que l'ex-UOIF partage une partie de la vision des autres composantes de CFCM explique le fait qu'elle y soit encore présente. Si ce n'était pas le cas, elle en serait sortie depuis longtemps.

Je pense que ceux qui souhaitent une pratique religieuse musulmane de juste milieu dans notre société vont combattre des idées plutôt que des personnes. Surtout, les limites offertes par le droit ne permettent pas à notre conseil de faire sortir une de ses composantes en raison de ses positions particulières sur certains sujets. Je peux le comparer au Front national, qui n'est pas interdit de siéger à l'Assemblée nationale malgré ses postions. Il sera combattu en raison de certaines de ses idées, mais certaines autres ne sont pas farfelues. Nous ne pouvons pas rejeter en bloc l'intégralité d'un mouvement en raison d'une partie extrémiste de ses idées. Pour cette raison, le CFCM, regroupant un spectre très large, essaie d'imposer ce qui est commun aux composantes de l'institution. Heureusement, l'immense majorité de ceux qui y siègent partage des points de vue similaires sur les questions de société qui nous intéressent.

Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure. - Merci pour cet échange franc et fructueux.

Je crois que la franchise de nos propos était importante. Vous devez comprendre que nos inquiétudes portent sur l'avenir commun de ceux qui vivent sur notre territoire, sur des règles communes que nous devons tous porter. Notre commission d'enquête a été ouverte et menée dans cet objectif. Nous essaierons, avec pragmatisme et réalisme, de faire des propositions pour préserver l'unité de notre république laïque, dans ces temps où nous en avons extrêmement besoin.

Je vous remercie infiniment.

M. Mohammed Moussaoui. - Je partage totalement votre conclusion.

Je dois attirer votre attention : dans notre société, d'autres diviseront sur d'autres bases. Certains individus refusent aujourd'hui aux musulmans d'être des citoyens. Ils considèrent la présence musulmane au sein de la société comme un problème. Nous devons leur opposer le même combat, avec la même force. Les citoyens de confession musulmane ont cette liberté de culte et de vivre leur religion en privé comme en public. C'est le principe de la laïcité.

Leur retirer ce droit sous le couvert du respect d'une certaine laïcité, qui n'est pas la laïcité telle qu'elle existe comme principe juridique, doit également nous inquiéter. Je pense que cet équilibre nous permettra de faire adhérer l'immense majorité des musulmans de France à ce discours.

Nous devons combattre l'ensemble des marginaux, et pas uniquement ceux qui relèvent de cette idéologie se réclamant de la religion musulmane.

Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure. - Il n'existe qu'une laïcité. Je ne fais pas partie de ces hommes et femmes politiques qui estiment qu'elle doit être adaptée. Elle n'a pas de qualificatif. Nous devons tous la respecter de la même manière, que nous soyons juif, catholique, musulman, bouddhiste ou encore protestant.

Je vous rejoins sur celles et ceux que nous devons combattre collectivement. Pour autant, je ne connais pas la laïcité dite « ouverte ». La seule laïcité qui existe doit être respectée par tous. Elle n'a pas été simple pour les catholiques lorsqu'elle a été mise en place en 1905. Nous ne devons pas la remettre en cause. Elle nous a permis de vivre ensemble au-delà de nos différences, de nos couleurs de peau, de nos religions ou de nos origines. C'est cette valeur que nous devons défendre.

M. Mohammed Moussaoui. - Je vous assure que les musulmans souhaitent respecter cette laïcité.

Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure. - Il me semble que nous sommes des républicains avant tout. Nous devons tous mener un combat contre les extrêmes.

Merci infiniment.

La réunion est suspendue à 12 h 40.

- Présidence de Mme Nathalie Delattre, présidente -

La réunion est reprise à 14 heures.

Audition de Mme Roxana Maracineanu, ministre des sports

Mme Nathalie Delattre, présidente. - Mes chers collègues, nous recevons cet après-midi Mme Roxana Maracineanu, ministre des sports, qui a bien voulu répondre à notre invitation.

Je vous rappelle que cette audition est diffusée en direct sur le site du Sénat.

Madame la ministre, la question de la radicalisation dans le sport est un sujet qui nous a préoccupés très en amont dans cette commission d'enquête. Nous avons mené, vous le savez, plusieurs auditions à ce sujet. Vous avez, madame la ministre, pris des initiatives pour lutter contre la radicalisation dans le domaine du sport. Nous allons pouvoir les aborder au cours de cette audition.

Cependant, la prise de conscience du monde sportif nous paraît récente, et demeure inégale selon les acteurs et les fédérations. Nous serons donc particulièrement intéressés par votre analyse et la description de vos actions.

Avant de vous passer la parole, madame la ministre, je dois vous rappeler qu'un faux témoignage devant notre commission d'enquête serait passible des peines prévues aux articles 434-13, 434 14 et 434 15 du code pénal. Je vous invite donc à prêter serment.

Conformément à la procédure applicable aux commissions d'enquête, Mme Roxana Maracineanu prête serment.

Je vous remercie infiniment.

Je vous laisse la parole pour que vous puissiez nous présenter en quelques minutes votre action et les messages que vous souhaitez nous délivrer.

Mme Roxana Maracineanu, ministre des sports. - Madame la présidente, madame la rapporteure, mesdames les sénatrices et messieurs les sénateurs, avant d'aborder les questions de radicalisation, permettez-moi de vous présenter en quelques mots mon action depuis mon arrivée au ministère des sports, car la plupart d'entre vous ne sont pas habitués aux sujets sportifs, et j'aimerais encadrer la thématique de la radicalisation dans mon action de manière plus générale.

Depuis septembre 2018, celle-ci a toujours été guidée par la dimension éducative du sport. À l'heure où la crise mondiale actuelle nous met collectivement au défi de repenser nos rapports à la collectivité, nos activités humaines, mais aussi et surtout ce que nous laisserons aux générations futures, mes convictions sont renforcées quant au rôle du sport pour une société plus juste, plus inclusive, plus respectueuse de l'altérité.

Car le sport crée du lien social, il bénéficie à notre santé et à notre bien-être, il est générateur de compétences, il apprend la différence, la solidarité, la complémentarité. Du fait de mon parcours personnel, j'ajouterai même qu'il nous apprend la place que nous pouvons occuper dans la société.

Au-delà de l'apprentissage du geste technique sportif, l'utilité sociale du sport s'illustre par l'éducation non formelle, la place donnée au corps et l'épanouissement dans le projet commun entre coéquipiers, sportifs, éducateurs, adhérents d'une même association. Nos gymnases, nos stades, nos piscines sont des lieux où la citoyenneté se vit, où nos valeurs républicaines se partagent et sont portées auprès de nos enfants, les enfants nés dans notre pays, mais aussi auprès les enfants venus d'ailleurs, que nous choisissons d'accueillir.

Bien sûr, pour que ces valeurs républicaines nous guident, il nous appartient de les connaître, de les enseigner à nos éducateurs et à nos dirigeants, et de les incarner. Pour accompagner les différents parcours des acteurs du quotidien sportif, j'ai souhaité impliquer plus efficacement l'ensemble de l'écosystème à travers une gouvernance partagée du sport, associant les compétences et les responsabilités de l'État, du mouvement sportif, des collectivités locales et des entreprises du monde économique sportif.

L'Agence nationale du sport (ANS) est née il y a plus d'un an. Elle mobilise des moyens financiers au bénéfice du développement des activités physiques et sportives pour toutes et tous.

Au-delà de ces missions sur la haute performance, j'ai fixé à cette agence l'objectif de garantir une pratique du sport pour tous les publics, à tous les âges de la vie et sur tous nos territoires, mais aussi de privilégier des actions visant à corriger les inégalités sociales et territoriales, notamment en matière d'accès aux pratiques et aux équipements sportifs.

Avec l'ANS, nous avons ainsi lancé des dossiers majeurs, tels que le sport-santé, avec l'intégration de l'activité physique adaptée dans le parcours de soins des femmes qui ont subi un cancer du sein, la labellisation des maisons sport-santé, l'aisance aquatique, afin que cessent les décès par noyade de nos concitoyens, le savoir rouler à vélo, notamment auprès des six à onze ans, mais aussi des adultes.

Chacun de vous mesure aussi combien la mobilité douce et l'écoresponsabilité s'inscrivent avec acuité dans nos enjeux sociétaux actuels.

Vous le savez, l'actualité médiatique de ces derniers mois a aussi révélé les terribles situations de violences sexuelles dont ont été victimes des sportives et des sportifs depuis des années.

Je me suis engagée avec une détermination sans faille à permettre la libération de la parole de toutes les victimes, à créer les lieux pour les accompagner, à modifier les comportements et les systèmes pour que plus jamais de tels faits ne se reproduisent.

Un plan national de prévention des violences dans le sport sera déployé sur l'ensemble du territoire à la rentrée sportive 2020 pour offrir aux clubs, aux dirigeants, aux éducateurs, aux collectivités et aux familles un cadre plus sécurisé mais aussi plus exigeant quant au dispositif de prévention mise en oeuvre.

Sous la coordination de la déléguée ministérielle chargée de la prévention des violences dans le sport, Fabienne Bourdais, que j'ai nommée en début d'année, le ministère construit actuellement les outils de ce plan dans une démarche associant tous les acteurs : mouvements sportifs, bien sûr, collectivités locales, associations nationales de soutien aux victimes, ainsi que d'autres départements ministériels concernés.

J'ai posé la consigne que notre démarche de prévention vise, par une approche convergente, toutes les formes de déviance susceptible de porter atteinte aux valeurs d'inclusion et de tolérance. L'enjeu commun à toutes ces dérives, qu'il s'agisse de discrimination, de violence, du risque de radicalisation ou de dérive communautaire, mais également de dopage, réside d'abord dans la détection des situations à risque et des mécanismes de repli.

Mieux former nos éducateurs et nos dirigeants pour qu'ils puissent être éveillés à ces situations, qu'ils sachent les aborder, réagir et engager des procédures claires et efficaces est mon principal objectif.

S'agissant spécifiquement du phénomène complexe de la radicalisation, nous devons veiller à combattre toute approximation et raccourci. Dans ce domaine, le ministère des sports mène une action volontariste et travaille en étroite collaboration avec le Comité interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation (CIPDR), sous l'égide du préfet Frédéric Rose, et l'unité de coordination de la lutte antiterroriste (UCLAT).

Un officier de liaison, Philippe Sibille, nous a rejoints au ministère en octobre 2018. Il a pour mission de coordonner toutes les actions ministérielles au plan national et territorial et de faire le lien avec tous les acteurs du sport.

Depuis presque deux ans, plus de deux cents actions de sensibilisation ont été lancées par le ministère des sports et nos services déconcentrés auprès du réseau des référents des fédérations sportives, des CREPS et autres établissements publics, ainsi qu'auprès d'acteurs divers.

Quelque 7 800 acteurs du champ sportif, entraîneurs, dirigeants de club, pratiquants, cadres d'État et fédéraux, élus des collectivités ont été ainsi sensibilisés et formés à détecter les cas, réagir et alerter.

Ces formations se sont faites à travers des conférences, des soirées, des sessions complètes sur une ou plusieurs journées, et cela sur de nombreux territoires.

En complément, j'ai installé, en début d'année, une mission nationale d'appui concernant l'éthique et la responsabilité afin d'impulser et d'étendre les initiatives territoriales, notamment en matière de formation et de sensibilisation des acteurs. Il s'agit, par exemple, de travailler à la mise en place d'un code de déontologie des éducateurs sportifs intégrant la dimension des valeurs républicaines.

Dans le prolongement des actions déjà menées, j'ai engagé divers chantiers, comme l'extension du premier cercle actuel des référents pour la prévention de la radicalisation à l'ensemble des fédérations. Ce réseau, vous l'avez constaté lors d'une précédente audition avec les représentants de directions régionales et départementales, est essentiel à un maillage territorial de toutes les actions de prévention et de contrôle au plus près du terrain.

La mobilisation sur cette problématique des réseaux territoriaux, à travers les prochaines conférences régionales du sport, sera mon prochain objectif.

Le resserrement des liens avec les collectivités, les mairies et les directeurs des sports, en particulier sur la gestion des équipements sportifs et des situations à risque, sera étudié dans le cadre de ces conférences régionales du sport.

Les travaux de recherche, notamment avec le Conseil scientifique sur les processus de radicalisation (COSPRAD), seront documentés pour qu'on arrive à déterminer les liens véritables entre le sport et le processus de radicalisation de manière scientifique et partagée.

Le renforcement des engagements des fédérations agréées et délégataires en matière d'actions de promotion des valeurs éthiques et républicaines, de mixité et d'égalité, est aussi un objectif qui aura vocation à figurer dans une loi sport et société que nous appelons de nos voeux.

En complément de cette stratégie d'entrave et de lutte contre les atteintes aux valeurs de la République, il est essentiel de conduire, en parallèle, une politique de reconquête républicaine de certains quartiers.

Dans cet objectif, le sport a toute sa place et doit offrir des alternatives à des jeunes qui se retrouvent désoeuvrés, déscolarisés, et qui ont besoin de conserver un lien fort avec la société.

Puisque le sport est un ciment social et un lieu de construction de la citoyenneté, d'apprentissage de la laïcité et de la mixité et qu'il est de l'essence même de l'État et du mouvement sportif de garder le lien avec ces jeunes et de les accompagner vers leur vie d'adulte, je me suis engagée pleinement dans le plan aujourd'hui porté par le Président de la République, qu'il a inauguré le 18 février dernier, lors de son déplacement à Bourtzwiller.

Bourtzwiller est un des dix-sept territoires de lutte contre la radicalisation où sont mises en place des cellules contre l'islamisme et le repli communautaire dont le chef de l'État souhaite aujourd'hui renforcer l'action. J'ai pu y constater le rôle de prévention que jouent les associations et les clubs sportifs.

Aussi, par le biais de l'Agence nationale du sport, nous souhaitons amplifier notre action dans les quartiers prioritaires de la ville. Nous insisterons sur l'accompagnement vers une plus grande mixité des pratiques dès le plus jeune âge, comme l'apprentissage de la natation dès l'âge de quatre ans, mais également du savoir rouler à vélo et autres actions qui pourront être menées de concert avec l'éducation nationale, notamment à l'école maternelle et à l'école primaire.

Nous voulons mettre l'accent également sur les financements consacrés aux équipements sportifs de proximité et aux aides à l'emploi pour les éducateurs intervenant dans ces quartiers.

Avec un appel à projets spécifique, lancé en 2019 par l'Agence nationale du sport, et renouvelé pour l'année 2020, nous soutenons également les actions des associations sociosportives qui utilisent le sport comme un outil d'éducation et d'intégration.

Nous accompagnons d'ailleurs la structuration de leur réseau sociosportif, qui a vu le jour hier. Un collectif de la performance sociale du sport a été formé. Les associations se sont réunies de manière à pouvoir être plus présentes dans les différents appels à projets des ministères - intérieur, la politique de la ville, éducation, cohésion des territoires et sports.

Vous l'avez compris, mesdames les sénatrices et messieurs sénateurs, je défendrai toujours l'idée qu'un sport sain et éducatif ne peut être qu'un sport républicain, où s'incarnent les principes fondamentaux de liberté, de conscience, mais aussi d'unité et de fraternité. L'héritage olympique que la France entend laisser aux générations futures sera celui d'un sport humaniste, à la fois riche de son multiculturalisme, et fondamentalement attaché au principe d'égalité entre tous les citoyens.

Je vous remercie.

Mme Nathalie Delattre, présidente. - Merci beaucoup, madame la ministre. Je pense que nous aurons beaucoup de questions à vous poser à la suite de vos propos liminaires.

Je ne sais si vous avez reçu le questionnaire que nous vous avons adressé. Nous vous y demandions plusieurs précisions. Êtes-vous en mesure de nous les apporter, ou souhaitez-vous le faire au fur et à mesure ? Nous vous demandions certaines données chiffrées, notamment sur la montée du prosélytisme religieux ou des incidents à caractère religieux que vous avez pu détecter depuis quinze ans dans le secteur du sport.

Lors de nos auditions, ce matin encore, on nous a relaté des faits assez stupéfiants. Pourquoi le sport a-t-il mis autant de temps à se rendre compte de la problématique de la radicalisation et lui a permis d'entrer dans certains clubs sportifs ? Sans vouloir les montrer du doigt, nous savons que le football, la boxe ou d'autres sports ont abrité le prosélytisme. C'est aujourd'hui une vraie problématique pour certains quartiers.

Enfin, quelles sont les sanctions par rapport à ces actes de prosélytisme ? On a vu qu'il était assez difficile pour le ministère des sports d'agir directement face à des associations et des fédérations qui disposent d'une certaine autonomie. Quelle est votre marge de manoeuvre en tant que ministre des sports ?

Mme Roxana Maracineanu, ministre. - Nous avons bien sûr préparé un certain nombre de données, que nous mettons à votre disposition. Nous allons vous les faire parvenir. Si vous voulez des réponses plus générales, nous pouvons bien évidemment échanger sur ces sujets.

Je crois que le phénomène de radicalisation est un phénomène dont notre société a pris conscience il n'y a pas si longtemps. Le sport n'est que le miroir de la société. Les violences sexuelles n'interviennent pas que dans le milieu sportif, pas plus que la radicalisation. Les personnes radicalisées qui ont versé dans le terrorisme sont passées par un club sportif, comme beaucoup d'autres. Pour autant, on ne peut dire que c'est dans le sport qu'elles se sont radicalisées.

Nous ne disposons pas de données précises, chiffrées et scientifiques pour dire qu'il y a un réel lien entre la pratique sportive dans une association ou en dehors d'une association et la radicalisation. C'est pour cela que nous cherchons à mener des études universitaires sérieuses sur ce sujet, d'autant que le phénomène est difficile à cerner.

Vous avez employé le terme de prosélytisme religieux. Le prosélytisme fait partie de la liberté de conscience et de religion. L'expression religieuse, en soi, n'est pas incompatible avec la pratique d'un sport dans un cadre associatif de droit privé ou dans le cadre d'équipements sportifs publics.

Le ministère des sports peut tenter de détecter, si tant est qu'il en ait l'occasion, de déterminer si ce prosélytisme entrave l'ordre public, le bon fonctionnement du club, les règles d'hygiène et de sécurité, et si c'est un comportement abusif et excessif au regard des populations accueillies dans les clubs, mineures pour certaines, avec une relation hiérarchique entre un entraîneur ou un adulte et plusieurs enfants.

Lorsque le ministère contrôle une association sportive, il mène un contrôle de conformité par rapport aux diplômes de l'éducateur, aux règles d'exercice de cet éducateur dans l'association, à la bonne conformité de l'équipement en lien avec la pratique proposée. Ce n'est pas le ministère des sports qui est aujourd'hui compétent pour détecter une personne radicalisée. C'est bien pour cela que, depuis la circulaire de 2018 signée entre le ministère des sports et le ministère de l'intérieur, le choix a été fait de cibler certaines associations détectées par le ministère de l'intérieur, chacun rapportant, dans son périmètre, ce qui peut relever d'un incident relatif à la laïcité.

Encore faut-il s'entendre sur ce qu'est la laïcité. Chacun peut en avoir sa propre définition, alors que celle-ci est clairement inscrite dans la loi. Les contrôles sont réalisés à un moment donné, les personnes étant évidemment informées par avance. Ces pratiques n'ont pas lieu en cas de contrôle.

Le ministère des sports a donc plutôt choisi d'axer son action sur la sensibilisation et la formation des intervenants en milieu associatif au repérage des signaux faibles, afin de les signaler à l'administration pour que cela puisse parvenir au ministère de l'intérieur et qu'on puisse croiser les données.

Aujourd'hui, le ministère des sports n'a pas lui-même accès aux données que gère le ministère de l'intérieur, qui sont d'ailleurs classées secret-défense. Quand le ministère de l'intérieur nous invite à aller contrôler avec lui certaines associations, nous le faisons, mais nos contrôles ne ciblent pas cette thématique. Le ministère l'a fait lors d'une inspection générale commanditée par M. Kanner dans chaque département sur des établissements d'activités physiques et sportives. Sur l'ensemble, on a totalisé cinq fermetures d'établissements, dont trois étaient motivées par d'autres questions que la radicalisation.

Ce motif n'est donc pas celui pour lequel on contrôle les associations sportives.

Mme Nathalie Delattre, président. - La parole est à Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure.

Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure. - Madame la ministre, j'ai bien entendu ce que vous avez dit à propos de l'intérêt du sport dans la construction d'un jeune ou d'un adulte. La commission d'enquête réfléchit beaucoup aux deux piliers que constituent l'éducation et le sport.

Si vous êtes ici aujourd'hui, c'est parce qu'on ne peut nier qu'il existe un certain nombre de difficultés dans le monde sportif. Nous avons auditionné le monde du football, qui en est bien conscient, mais d'autres sports sont concernés. Il est important que nous ayons la même analyse et la même vision des choses pour protéger un environnement qui est une vraie chance pour tous les enfants et les adultes de ce pays qui pratiquent le sport.

J'ai cependant une différence d'appréciation avec vous. Vous dites que chacun peut avoir sa propre définition de la laïcité - laïcité ouverte, etc. À mon sens, ce n'est pas possible : si tout le monde y va de son interprétation, cela remet en cause le socle de la République.

Par ailleurs, vous avez dit que le code de déontologie des éducateurs sportifs intégrera les valeurs de la République. Dispose-t-on d'une date concernant l'aboutissement de ces travaux ? Avez-vous rencontré des freins pour analyser objectivement la situation ? Ne faut-il pas des outils plus contraignants ?

Vous avez évoqué, en particulier dans les quartiers de la politique de la ville, la mise ne place d'associations sociosportives. Ces associations vont-elles être labellisées ? Comment va être attribué le label ?

Vous avez aussi parlé de mixité des pratiques. Qu'est-ce que cela signifie pour vous ? Pouvez-vous la définir ?

Vous avez dit que l'expression religieuse, dans le sport, pouvait ne pas constituer un véritable combat. Je n'ai pas bien compris cette phrase.

Vous avez abordé le sujet des Jeux olympiques : ne serait-il pas intéressant d'introduire l'article 50 de la charte olympique qui prône la neutralité politique et religieuse dans le règlement des fédérations ? J'espère que la France, en 2024, appliquera l'article 50 à toutes les nations sans exception, afin que notre pays s'honore en matière de neutralité religieuse et politique en matière sportive. C'est le moment ou jamais de démontrer que nous en serons de fervents défenseurs.

Il existe aujourd'hui, dans certains sports, une tentative pour mettre la main sur les jeunes de certains quartiers. Si nous ne menons pas le combat tous ensemble, cela être compliqué. Quelle est la déontologie des éducateurs ? Ne peut-on faire signer une charte de la laïcité à tous les clubs et associations qui bénéficient d'argent public ? Il existe des droits, mais aussi des devoirs. Il faut des gestes forts pour préserver le monde sportif, qui constitue un outil extraordinaire de développement individuel, mais qui doit faire abstraction de toute influence religieuse, quelle qu'elle soit.

Mme Roxana Maracineanu, ministre. - La définition de la laïcité n'est pas simple. Nous l'avons constaté dans le champ sportif en écoutant les remontées des associations, des éducateurs et des établissements. C'est la raison pour laquelle nous avons décidé d'éditer un guide intitulé La laïcité et le fait religieux dans le champ du sport. L'idée n'est pas de définir la laïcité comme l'interdiction de tout signe religieux dans la pratique sportive, comme vous l'entendez, mais de parler de neutralité, en expliquant aux associations et aux éducateurs que le moment sportif est un moment de loisir dans la vie de nos concitoyens et de leurs enfants. Il faut éviter que les parents ne claquent la porte d'une association pour en rejoindre une autre proposant de faire pratiquer le sport aux filles et aux garçons de manière séparée, en les encadrant idéologiquement. On s'éloignerait alors complètement des valeurs de la République - en tout cas de celles de la mixité, que je défends.

Sans entrer dans le débat religieux, arriver à faire en sorte que les femmes et les jeunes filles aient plus accès au sport est déjà un combat en soi, tout comme faire en sorte d'augmenter le nombre de femmes dans les instances dirigeantes des clubs, des associations, des fédérations ou des grandes institutions sportives.

Le sport que je défends est un sport inclusif, où tout le monde a sa place, où chacun arrive comme il est, et qui permet à l'individu de se construire, de découvrir l'autre, de s'exprimer sur ce qu'il est, sur ce que sont ses parents, sa culture, son origine.

Le sport, de mon point de vue, peut avoir cette vocation éducative et conduire à la citoyenneté. Si les enfants doivent se présenter, comme à l'école, sans aucun signe distinctif alors qu'il s'agit d'un moment facultatif, les parents risquent de les retirer du seul endroit où ils peuvent venir comme ils sont. C'est pour moi un idéal républicain.

C'est à ce moment qu'on risque d'aller vers le séparatisme et les dérives communautaires. Nous voulons promouvoir les acteurs sociaux sportifs dans les quartiers les plus compliqués par rapport au fait religieux. Même si ces acteurs sont là depuis longtemps, le ministère des sports ne les avait encore jamais reconnus ni financés.

L'année dernière, l'Agence nationale des sports a débloqué 2 millions d'euros pour lancer un appel à projets afin de prendre contact avec les associations. Huit cents d'entre elles ont répondu. Nous avons augmenté notre fonds d'un million d'euros. Il va à nouveau augmenter cette année de manière à pouvoir créer un lien avec ces associations, à appuyer leur présence et à proposer un label citoyen républicain à celles qui s'engageront à nos côtés, grâce à la signature d'une convention spécifique, la plupart d'entre elles n'étant pas fédérales.

Nous essayons aujourd'hui de créer des ponts entre ce réseau associatif et les fédérations. Nous avons en effet davantage de leviers d'action : contrats de délégation - que je désire renforcer -, projets sportifs fédéraux en faveur de l'insertion des publics les plus fragiles dans les quartiers, formation des éducateurs grâce aux modules de formation « éthique et intégrité », que j'ai souhaité thématiser afin de les familiariser avec toutes les dérives que peut connaître le sport.

Je crois que les valeurs du sport ne sont pas intrinsèques au sport, mais portées par des éducateurs qui sont au contact des enfants. C'est sur ces encadrants et leurs valeurs qu'il nous faut travailler. Les modules de formation qui existent sont optionnels et ne sont pas évalués. On veut aujourd'hui enrichir leur contenu, les rendre obligatoires, qu'un temps spécifique leur soit accordé dans la formation et qu'ils soient évalués.

Beaucoup d'éducateurs ne sont pas passés par là. Il faut donc recourir à la formation continue et croiser les regards. En effet, ce n'est pas parce qu'un éducateur a suivi ces modules qu'il ne va pas en dévier une fois en activité.

Il n'existe de toute façon pas d'autre solution que de se reposer sur les personnels municipaux qui ouvrent le gymnase chaque jour, qui peuvent détecter ce qui se passe dans les vestiaires et alerter sur des comportements déviants de l'association sportive.

Le prosélytisme, je le répète, n'est pas interdit en France, pas même au sein d'une association. Aujourd'hui, une association sportive n'est pas le droit d'utiliser un équipement ni de rassembler des enfants pour autre chose que la pratique sportive, comme pour la prière, par exemple. Nous y veillons.

Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure. - Vos propos me perturbent. On est tous d'accord - et on se bat pour cela - pour dire que le sport, comme l'école, est un vecteur d'intégration républicaine et porte les valeurs que nous défendons. Si cette commission a été créée, c'est parce que nous pensons que le socle de notre République est aujourd'hui en danger.

Vous partez du principe qu'on ne peut aborder les choses de la même manière dans le sport, qui est un loisir, et à l'école, qui est obligatoire. Cela signifie - vous me reprendrez si je me trompe - que le monde sportif baisse les bras et laisse faire les choses parce que ce n'est pas obligatoire. On cède aux pressions communautaristes pour que les gens ne claquent pas la porte. Je pense au contraire que c'est en étant exigeant qu'on les gardera avec nous - mais c'est un point de vue très personnel.

Quelle est pour vous la place de l'expression religieuse dans le sport, madame la ministre ? On ne peut laisser faire parce qu'on n'a pas les mêmes objectifs que l'école. Cela m'inquiète. On est tous d'accord pour ne rejeter personne, mais la République doit lutter contre ces phénomènes, et je ne vois pas comment faire si on laisse la religion s'exprimer dans le sport. Je n'ai peut-être pas compris ce que vous avez dit, mais vos propos me le laissent croire.

Mme Roxana Maracineanu, ministre. - L'expression religieuse n'a pas sa place dans le sport. On ne vient pas dans un club sportif pour exprimer sa religion.

Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure. - Jusqu'où cela va-t-il ?

Mme Roxana Maracineanu, ministre. - On peut venir dans un club sportif comme on est. Il existe des règles qui tiennent à la sécurité et à l'hygiène de la pratique sportive...

Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure. - Le port du voile, qui est une expression religieuse, ne vous gêne-t-il pas dans le cadre de la pratique sportive ? Soyons clairs !

Mme Roxana Maracineanu, ministre. - Le port du voile n'est pas du prosélytisme...

Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure. - Mais c'est un signe religieux...

Mme Roxana Maracineanu, ministre. - C'est un signe religieux. On peut venir avec sa croix autour du cou, avec son voile.

Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure. - Ne comparons pas la croix et le voile ! C'est un peu réducteur.

Mme Roxana Maracineanu, ministre. - Les jeunes ne peuvent pratiquer voilées lorsque cela contrevient au règlement sportif, pour des questions de sécurité, dans le cas du judo ou de la lutte par exemple, et qu'il existe un risque d'étranglement.

Si cela ne gêne pas la pratique sportive en tant que telle, si c'est un jeu de ballon, on peut venir comme on est, dans le cadre de ce moment de loisirs, comme on peut se promener dans la rue. C'est cela, la laïcité.

Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure. - Pourquoi n'impose-t-on pas les mêmes choses dans le sport et à l'école ? Pourquoi la question ne se pose-t-elle pas ?

Mme Roxana Maracineanu, ministre. - Les associations sont des entités de droit privé. Les personnes qui interviennent dans ce cadre sont bénévoles. Certaines fédérations ont choisi d'inclure la neutralité au moment des compétitions fédérales dans leur règlement intérieur. La réalité des faits n'est pas toujours celle-ci, puisque nous voyons parfois à la télévision des signes religieux lors de compétitions nationales. Un joueur de football qui se signe en entrant sur le terrain ne va pas être exclu, bien que ce soit dans le règlement fédéral de la fédération française de football.

De mon point de vue, inclure cette neutralité dans le monde du sport irait plutôt dans un sens d'exclusion des individus que dans un sens inclusif. Le sport que je défends est inclusif. Il permet d'accepter dans une pratique sportive ceux qui respectent les règles républicaines.

C'est un moyen de travailler ce sujet de l'intérieur, non de s'en défaire. Il serait plus simple de se débarrasser de cette question plutôt que de la travailler, d'amener les gens à s'interroger sur cette thématique et de trouver des réponses qui vont plutôt dans le sens de l'acceptation de l'individu et son émancipation. Lors d'une session que nous réalisions sur cette thématique, j'ai entendu une responsable d'association se vanter d'avoir demandé à une adhérente de retirer son voile ou de ne pas revenir. Pour moi, ce n'est pas une solution. La jeune fille est partie et n'est plus revenue.

A-t-on pour autant résolu le problème ? Peut-être était-ce ce que recherchait la personne qui a renvoyé la jeune fille, qui avait peut-être un parcours intéressant à faire au sein de cette association et de notre République. Ce n'est pas parce qu'elle portait un voile que, d'un seul coup, toutes les filles de l'association se seraient mises à en revêtir un - si tant est que le voile soit un signe de prosélytisme religieux que nous voulons combattre.

M. Jean-Marie Bockel. - Je salue la ministre qui a été citoyenne de Mulhouse et qui a été notre fierté comme sportive. Nous n'avons pas toujours été d'accord politiquement mais j'ai énormément de respect pour elle. Cependant je partage les interrogations qui ont été formulées et les réponses apportées aux questions de la rapporteure m'amènent à faire la réflexion suivante. Je pense qu'il faut être pragmatique, qu'il ne faut pas empêcher les jeunes de faire un parcours vers la République, cela je l'entends. Mais tout dépend de là où on parle. De mon point de vue, quand on est ministre de la République, surtout dans le contexte français actuel, il est important d'être clair sur un certain nombre de principes. Accepter certaines réalités sur le terrain est une chose. La frontière entre accepter...

Mme Nathalie Delattre, présidente. - Nous avons malheureusement perdu la connexion avec Jean-Marie Bockel. Pour prolonger ce qu'il vient de nous dire je pense que, même si nous avons tous beaucoup de respect pour la championne que vous avez été, vos propos, en tant que ministre, me semblent un peu laxistes. Certains propos ou faits qui nous sont relatés quotidiennement confirment que les choses ont commencé par quelques signaux. Puis, le bureau de l'association ou du club ayant été renouvelé, le sport a été interdit aux filles.

Un trop grand laxisme produit l'effet contraire à celui qui est recherché. Nous sommes surpris par les propos que vous tenez, même si nous comprenons qu'il ne faut pas interdire l'entrée dans les clubs. Avez-vous besoin d'outils législatifs complémentaires pour vous aider à mener cette reconquête de certains territoires, qui passe aussi par la reconquête des associations ?

Mme Roxana Maracineanu, ministre. - N'hésitez pas à nous faire part des faits qui vous remontent. Nous avons effectué 171 contrôles ciblés en collaboration avec le ministère de l'intérieur. Ils ont entraîné sept fermetures administratives, sans objet express avec la radicalisation. Nous avons besoin de données précises et d'études approfondies.

Sur 30 millions de pratiquants, on considère que mille personnes radicalisées auraient eu un lien particulier avec le champ du sport. Nous avons, depuis 2016, mis en place des référents « radicalisation », des référents « éthique et intégrité », aussi bien dans nos directions départementales que régionales, dans nos établissements, nos fédérations. On en compte aujourd'hui 210. Nous les formons de façon accrue sur ces thématiques. Ils sont en mesure de sensibiliser tous les acteurs et de nous faire remonter des informations qui nous permettraient d'effectuer des contrôles et de rendre compte de fermetures liées à la radicalisation. Vous pouvez certes dire que nous ne cherchons pas au bon endroit...

Mme Nathalie Delattre, présidente. - Ce n'est pas le nombre de fermetures qui nous intéressent, mais plutôt les signalements qui ont pu être faits et le travail que vous allez réaliser ensuite. Il existe des signes avant-coureurs qui ne réclament pas une fermeture mais une étroite surveillance ou, en tout cas, un recadrage de la structure.

C'est une question de gradation : selon vous, à quel moment doit-on s'inquiéter et quels sont les premiers signes ? Plus on attend pour réagir, plus certaines influences peuvent mettre en danger de jeunes adultes ou des mineurs et les faire basculer, alors que cela ne se serait pas produit si ces signes avaient été pris en compte en amont.

Pourrons-nous avoir des réponses détaillées à notre questionnaire et obtenir le bilan des contrôles réalisés par le ministère de l'intérieur ?

Mme Roxana Maracineanu, ministre. - Bien sûr, vous les aurez. Je peux également vous fournir le rapport de l'inspection générale de l'époque.

Mme Nathalie Delattre, présidente. - Volontiers.

Mme Roxana Maracineanu, ministre. - J'imagine que si vous avez appris l'existence d'un signe avant-coureur de radicalisation dans une association, vous l'avez signalé et qu'on l'a contrôlée. Nous effectuons des inspections à chaque fois que nous recevons un signalement. Les 170 contrôles ne sont pas venus de nulle part : il s'agit de contrôles ciblés, soit parce que le ministère de l'intérieur suit spécifiquement certaines personnes et nous en fait part, soit parce que des signalements nous remontent par les collectivités, les éducateurs eux-mêmes, les fédérations. Nous agissons dès cet instant.

Quand le problème existe, nous le traitons. Nous disposons d'un réseau. Le problème n'est toutefois pas celui de la neutralité du sport. Vous avez évoqué l'article 50 de la charte olympique. C'est précisément cet article qui va permettre de voir à la télévision des jeunes filles voilées faire du sport pendant les Jeux olympiques.

Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure. - J'espère que non ! Paris doit être exemplaire. Nous sommes le pays de la liberté.

Mme Roxana Maracineanu, ministre. - Certes, mais l'article 50 mentionne que le voile constitue un signe culturel et non cultuel. Inclure l'article 50 dans le règlement des fédérations n'irait donc pas dans le sens que vous souhaitez.

Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure. - Le voile serait un symbole culturel ?

Mme Roxana Maracineanu, ministre. - Pour le CIO...

Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure. - Il est hallucinant, au XXIe siècle, d'entendre une ministre des sports dire que le voile est un symbole culturel.

Il existe des femmes qui se battent pour se libérer et qui doivent hurler à travers le monde en entendant des propos pareils, permettez-moi de le dire !

Mme Roxana Maracineanu. - Je ne suis pas favorable à ce que l'article 50 ou un article de ce type soit inclus dans le règlement de nos fédérations. C'est vous qui l'êtes !

Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure. - Pourquoi ?

Mme Roxana Maracineanu, ministre. - Précisément parce qu'il dit que le voile est un objet culturel.

Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure. - De toute façon, que l'article 50 fasse partie du règlement des fédérations ou non ne vous pose pas de problème. Mais je trouve assez fou que nous ne disposions pas un constat objectif de ce qui se passe dans les clubs sportifs.

Certes, le ministère des sports n'a pas la main sur les fédérations sportives, mais venez voir ce qui se passe dans les banlieues, sur les terrains de football le week-end. Les prières, les hommes qui refusent de serrer la main des femmes sont c'est une réalité. Même si cela ne concerne que des poches du territoire, on ne peut pas le nier.

Mme Roxana Maracineanu, ministre. - Je pense que cela peut se résoudre, se discuter et se travailler grâce au sport.

Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure. - Si les règlements sportifs autorisent le port du voile et le considèrent comme normal, non !

Mme Roxana Maracineanu, ministre. - Ce n'est pas ce que j'ai dit. J'ai dit que le sport accepte tous les publics, comme ils viennent.

Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure. - Si vous dites cela, vous ouvrez la porte à tout. Si on ne met pas de limites au séparatisme, on n'est pas près de s'en sortir. Le sport doit être un exemple. Plus on laissera faire, plus ce sera compliqué à gérer.

Mme Roxana Maracineanu, ministre. - C'est un sujet complexe, Je préfère qu'on se pose les bonnes questions et qu'on ne prenne pas le parti d'exclure de fait mais, au contraire, qu'on demeure inclusif et qu'on fasse barrage aux dérives communautaires et aux notions de séparatisme. C'est ce que j'ai dit dans mon propos introductif : une association sportive a surtout pour objet la pratique d'un sport en commun, quelles que soient la religion et la culture. On doit veiller que des valeurs républicaines de tolérance et de mixité y prévalent.

M. Antoine Lefèvre. - Madame la ministre, existe-t-il pour les fédérations et les éducateurs une sorte de vade-mecum indiquant les domaines à propos desquels il convient de rester vigilant ?

Vous l'avez dit vous-même, il y a dans les fédérations beaucoup de bénévoles qui n'ont pas connaissance du fait religieux. Les religions n'étant pas enseignées en tant que telles dans notre pays, le public a souvent une connaissance diffuse, voire inexistante des religions.

Existe-t-il par ailleurs des modules de formation à destination des éducateurs ? Est-ce en projet ? De quels outils à l'usage des fédérations, des bénévoles et des éducateurs votre ministère dispose-t-il ?

Mme Roxana Maracineanu, ministre. - Il existe un guide de la laïcité afin de prévenir la radicalisation dans le champ du sport. Il explique comment repérer certains signes, par exemple lorsque les hommes ne serrent pas la main des femmes, lorsque les vestiaires sont utilisés pour la prière, lorsqu'on impose un type de nourriture lors des repas. Cela permet ensuite de déclencher les contrôles dont je vous ai parlé.

Nous avons besoin des collectivités pour distribuer des affichettes et les placarder dans les divers équipements sportifs. L'Agence nationale du sport va devenir de ce point de vue très utile dans les prochaines années en fournissant un outil de discussion avec les territoires qui va permettre de sortir de la seule relation État-fédérations. Nous allons mettre en place cette année un contrat de délégation renforcée pour communiquer au sujet de l'éthique et de l'intégrité que nous souhaitons que les fédérations délégataires respectent, en particulier en matière de valeurs citoyennes.

Cependant, ni les fédérations ni l'État ne peuvent avoir la main sur tout le tissu associatif. Il existe en France 380 000 associations. Nous allons avoir besoin des mairies, des territoires, des directeurs des sports qui, au moment d'attribuer les subventions aux associations, vont prendre conscience de la nécessité de disposer d'une sorte de contrat d'usage de ces équipements, moyennant le respect d'une charte républicaine à définir par chaque élu dans chaque commune où existent des associations sportives.

Nous intervenons actuellement par le biais fédéral, par le biais de nos services déconcentrés pour contrôler, former, sensibiliser et aider à détecter les cas de radicalisation pour les contrôler ensuite.

Nous avons, pour couvrir tout le maillage territorial associatif, édité des outils que nous allons diffuser via l'Agence nationale des sports, avec une session spécifique au moment de chaque conférence territoriale de l'Agence. Toutes ces thématiques autour de la radicalisation, du dopage et des violences sexuelles dans le sport seront abordées lors de chaque conférence régionale, dans le cadre d'un temps « éthique et intégrité », afin de mobiliser les collectivités pour qu'elles se saisissent des outils fournis par le ministère.

Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure. - Dans votre propos liminaire, vous avez évoqué la mixité des pratiques. Qu'est-ce que cela signifie ?

Mme Roxana Maracineanu, ministre. - La mixité des pratiques consiste à faire pratiquer ensemble les filles, les garçons, les personnes handicapées, dans le cadre de différentes sections, si le sport le nécessite, et de valoriser la mixité des publics. Nous poussons les associations à s'adresser à tous les types de publics pour des raisons éthiques et républicaines, mais aussi économiques.

Pour ne pas parler des filles et des garçons ou des convictions religieuses, je prendrai ici l'exemple de la pyramide des âges : historiquement, les clubs sportifs se sont plutôt adressés à de jeunes enfants et des adolescents et n'ont pas tellement d'offres pour les adultes ou les personnes du troisième âge. On n'en comprend pas la raison, et nous souhaitons développer aujourd'hui la mixité des pratiques au sein de chaque association, afin qu'elles couvrent l'intégralité des publics.

Le ministère des sports dispose d'un plan spécifique de développement de la pratique féminine pour prendre davantage en compte cette spécificité, afin que les femmes puissent accéder plus facilement aux instances dirigeantes et donner une dimension plus féminine et familiale à l'offre qui sera proposée par l'association ou la fédération.

Je rappelle que sur 34 fédérations olympiques, seules deux d'entre elles comptent une présidente. Ce n'est pas le cas des fédérations affinitaires, mais c'est une véritable problématique. La loi impose une parité progressive dans les conseils d'administration et au niveau national, mais pas dans les structures déconcentrées des fédérations et encore moins dans les associations, où on ne peut que l'encourager en favorisant une offre adaptée aux femmes.

Vous allez sûrement me dire qu'il ne faut surtout pas leur proposer de créneaux spécifiques...

Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure. - C'est certain !

Mme Roxana Maracineanu, ministre. - En même temps, il existe des moments dans la vie des femmes où elles ont besoin du sport. Je pense notamment à la maternité : après un accouchement, ce sont plutôt les femmes qu'on va accueillir de manière privilégiée, et non les hommes - même si on peut leur trouver une place dans un entraînement quelconque.

C'est aussi une question d'interprétation.

Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure. - Le sujet de la commission d'enquête ne concerne pas les femmes dans le sport, mais la radicalisation dans le sport. Qu'il y ait des créneaux pour des femmes pour la gymnastique post-maternité n'est pas le sujet. Le sujet, c'est de savoir jusqu'où on peut combattre la radicalisation dans la société et dans le sport, où elle existe aussi.

Avez-vous ciblé des sports plus spécifiquement touchés par les problèmes de radicalisation ?

Mme Roxana Maracineanu, ministre. - Les contrôles que j'ai évoqués ont été principalement réalisés parmi les mille personnes figurant dans les fichiers du ministère de l'intérieur et concernent les sports de combat, les sports collectifs, les sports de tir, où l'on peut penser qu'il y a matière à rencontrer un phénomène de groupe et de prosélytisme actif sujet à une possible radicalisation ou à une action terroriste, parce qu'on apprend à se battre ou à utiliser les armes à feu.

Nous portons une attention particulière à ces sports, en relation avec le ministère de l'intérieur, que nous éclairons afin de déterminer les comportements normaux ou anormaux par rapport aux règles sportives.

Mme Nathalie Delattre, président. - Madame la ministre, vous avez dit que vous avez besoin des collectivités locales. Je pense qu'elles ont également besoin de vous.

Envisagez-vous de les rencontrer au cours d'un tour de France, ainsi que les maires ? Vous dites qu'ils disposent d'informations que vous n'avez pas. Nous avons auditionné des associations d'élus et des organismes de formation qui interviennent auprès d'élus qui nous ont adressé des signalements.

Mme Roxana Maracineanu, ministre. - J'ai assisté l'année dernière, à Villeneuve-la-Garenne, à une session de sensibilisation et de formation des élus et des associations locales avec nos services déconcentrés qui expliquent durant une demi-journée ou une journée entière le fait religieux dans le sport, comment le repérer et le signaler, tout en rappelant la loi.

C'est dans l'une de ces associations de Villeneuve-la-Garenne que la jeune fille à qui on a interdit de porter le voile n'est pas revenue. Si elle avait porté plainte, elle aurait eu gain de cause et aurait dû être acceptée voilée. J'aimerais qu'on considère le sport comme un temps de respiration laïc pour les enfants qui vont à l'école de huit heures à dix-sept heures. C'est à vous, législateurs, de savoir s'il faut changer la loi.

À un niveau plus large, nous comptons démarrer le travail avec les conférences régionales de l'Agence nationale des sports lorsque la déclinaison territoriale sera mise en place à un niveau régional. Ce ne sera certes pas à l'échelon municipal, mais on pourra porter ces messages, présenter nos outils et laisser les acteurs s'en emparer.

Mme Nathalie Delattre, présidente. - Une région comme la Nouvelle Aquitaine compte douze départements. Réunir les collectivités locales et instaurer un dialogue dans ces conditions est un peu difficile. Je pense que cela mériterait que vous fassiez un peu plus de déplacements. Les élus locaux ont besoin de contacts directs avec les ministres, d'après les retours que nous avons eus.

Madame la rapporteure, avez-vous encore des questions ?

Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure. - Non. Nous avons une divergence de vues avec madame le ministre, mais il était important qu'on échange et que chacun puisse exprimer ses positions et sa manière de voir les choses.

C'est à la commission d'enquête de savoir quelles lignes dégager pour lutter contre ce qui gangrène des pans entiers de la République. Il faut que vous en soyez convaincue, madame la ministre. Villeneuve-la-Garenne en est un bon exemple, mais ce n'est pas le seul.

Je pense avoir la bonne lecture de l'article 50 de la Charte olympique. J'aimerais que nous ayons la même.

Mme Nathalie Delattre, présidente. - Merci, madame la ministre, d'avoir répondu à notre invitation. Nous attendons les différents documents que vous avez proposé de nous faire parvenir.

Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.

La réunion est close à 15 h 20.