Mercredi 6 mai 2020

- Présidence de M. Christian Cambon, président -

La téléconférence est ouverte à 9 h 45.

Gestion de la crise sanitaire en Chine, conséquences économiques et géopolitiques de la crise du Covid-19 - Audition de M. Laurent Bili, ambassadeur de France en Chine (en téléconférence)

M. Christian Cambon, président. - Je salue Laurent Bili, notre nouvel ambassadeur à Pékin, que je suis heureux de retrouver dans de bonnes conditions de transmission. Je suis également heureux de vous retrouver, chers collègues, pour cette nouvelle réunion de la commission des affaires étrangères.

Nous auditionnons aujourd'hui Laurent Bili, notre nouvel ambassadeur de France à Pékin, à propos des conséquences de la crise sanitaire en Chine, sur le plan intérieur et sur le plan géopolitique puisque notre commission a compétence à la fois pour les affaires étrangères et la défense.

Monsieur l'Ambassadeur, vous avez été ambassadeur de France à Bangkok, Ankara et Brasilia. Vous avez été directeur général de la Mondialisation et président du Conseil d'administration de l'AEFE, organisme auquel notre commission accorde une attention toute particulière et dont le nouveau directeur sera auditionné prochainement. Nous sommes très heureux de vous entendre ce matin et vous remercions de vous être rendu disponible pour cette audition.

Je tiens à vous remercier, vous et votre équipe, Monsieur l'Ambassadeur, au nom de la commission des affaires étrangères, pour la formidable mobilisation qui a été la vôtre lorsqu'il s'est agi de favoriser le rapatriement de nos concitoyens qui souhaitaient rejoindre la France après les évènements de Wuhan.

Cette pandémie accentue la volonté de réaffirmation de la puissance chinoise qui s'enorgueillit d'avoir « bien géré la crise ». Nous sommes, à Paris, sous l'influence d'un ambassadeur de Chine qui utilise tous les moyens de communication pour faire passer ce message. Cette analyse, c'est le moins que l'on puisse dire, ne fait pas l'unanimité. La Chine est accusée d'avoir tenté d'étouffer la crise et d'avoir laissé se propager le virus en influant sur l'OMS (Organisation Mondiale de la Santé) et sur l'Organisation de l'aviation civile internationale (OACI) pour que la pandémie ne soit pas déclarée et que le trafic aérien avec la Chine ne soit pas interrompu. Depuis mars, Pékin s'est en quelque sorte lancée dans une diplomatie du masque tellement agressive qu'elle est parfois requalifiée de guerre du masque.

Le coronavirus est un accélérateur politique, aussi bien au plan intérieur qu'au plan géopolitique. La Chine n'échappe pas à cette double constatation. Elle paraît aujourd'hui propulsée sur le devant de la scène internationale, par choix et du fait du repli des autres acteurs. Elle est aussi confrontée en interne aux secousses dues à la pandémie.

Les tensions avec les États-Unis sont paroxystiques. Les formules assassines et les fake news sont utilisées à profusion dans un affrontement qui, on le voit bien, vise d'abord à convaincre un auditoire interne. Quelles sont les conséquences de cette politique ? L'accord commercial péniblement négocié en début d'année sera-t-il respecté ? La Chine achètera-t-elle les produits américains à hauteur de ce qui est prévu par cet accord ?

En Chine, les conditions économiques sont inédites, avec une contraction de son économie, pour la première fois depuis l'introduction des statistiques économiques en Chine en 1992. La relance chinoise avait été essentielle dans la reprise économique mondiale après la crise des subprimes en 2008. Vous nous direz si elle pourra contribuer à la sortie de la crise après le confinement et quelles seront les conditions que va, en quelque sorte, poser la Chine pour s'engager dans cette voie.

La volonté de proclamer la supériorité de la « gestion à la chinoise » de la crise par rapport aux démocraties occidentales met au jour une bataille des narratifs. Cela laisse craindre que la Chine ne tente de tirer profit de sa position dominante dans la production des principes actifs nécessaires à la fabrication de médicaments. Comme vous le savez, nous sommes très marqués en France par le fait que 90 % du paracétamol mondial est produit en Chine. Nous avons vu également ce qu'il en était pour la production de masques.

Vous nous direz, Monsieur l'Ambassadeur, si cette aide chinoise sera conditionnée par exemple à la non-adhésion de Taïwan à l'OMS, à la mise au pas de Hong Kong, à la généralisation d'un discours outrancier, dénigrant l'Occident par une diplomatie dite du loup combattant. Nous avons tous en tête la récente convocation de l'ambassadeur de Chine à Paris après des propos qui ont été considérés ici comme inacceptables. En d'autres termes, à quel point le pouvoir central chinois est-il ou non remis en cause par la crise du Covid ?

Des critiques fortes découlent de la gestion de la crise à Wuhan, et le risque d'effondrement économique inquiète le parti communiste chinois, dont on sait qu'il assoit sa légitimité sur l'émergence promise des classes moyennes chinoises. La convocation, les 21 et 22 mai prochains, de la double session parlementaire et la mise en examen du masque noir, Sun Lijun, en charge de la sécurité à Wuhan pendant l'épidémie, ne sont-elles pas les signes d'une reprise en main politique ? La fronde, si elle a jamais eu lieu, est-elle déjà maîtrisée ? Xi Jinping sortira-t-il renforcé ou affaibli de cet épisode et par conséquent cherchera-t-il à réaffirmer plus ou moins vigoureusement son leadership au plan international ? L'adhésion de la Chine au multilatéralisme ne remet-elle pas en cause le multilatéralisme issu de la Seconde Guerre mondiale, au moins autant que le désengagement américain ?

Vous le voyez, nos questions sont nombreuses. Cette audition est très attendue.

Je signale que nous avons entendu la semaine dernière Philippe Etienne, ambassadeur de France aux Etats-Unis. Nous équilibrons donc en quelque sorte notre promenade sur les continents afin de saisir au mieux, sur le plan international, les conséquences de cette crise. Monsieur l'Ambassadeur, je vous laisse la parole.

M. Laurent Bili, ambassadeur de France en Chine. - Merci Monsieur le président, et merci pour cette occasion qui m'est donnée. Je débuterai par un mot de précaution puisque nous sommes dans une bataille de narratifs qui évolue très rapidement. C'est d'ailleurs sur ce point que je voudrais débuter ma présentation, en soulignant que la communication autour de la gestion de la crise sanitaire, en Chine, a connu pas moins de 4 ou 5 temps différents, entre le moment où elle était absente des écrans radars, relativisée, locale, puis européenne et enjeux de débats sur les origines du virus.

Cette chronologie a naturellement des conséquences sur la façon dont la crise est ressentie sur le plan interne et au plan des relations internationales. Avant d'aborder ce chapitre, disons un mot des conséquences économiques de la crise. Celle-ci a créé un choc d'une rare brutalité : le PIB chinois est en recul de 6,8 % par rapport au 1er trimestre 2019 et de quasiment 10 % par rapport au trimestre précédent. C'est le résultat d'un arrêt quasi complet de la machine économique à partir du Nouvel An chinois. Celui-ci connaissait déjà une période d'activité relativement faible, ce qui a d'ailleurs pu aider à gérer la situation. Bien que le confinement ait pris fin le 10 février, la machine économique a été totalement désorganisée dans ses flux logistiques, dans sa production, jusqu'à la fin du mois de février.

La reprise est réelle, même si elle est diverse selon les provinces. On considère que la production industrielle a retrouvé quasiment 90 % de son niveau antérieur. Il existe néanmoins des perceptions très contrastées d'une province à une autre. La fréquentation du métro, à Shanghai, n'est en recul que de 10 % par rapport à une situation normale alors qu'elle est encore inférieure à la normale de 40 % à Pékin. Les communications intra-urbaines sont encore loin d'être revenues à une situation normale. Même si une reprise a été observée à l'occasion du weekend du 1er mai (qui constitue une parenthèse importante de cinq jours), le nombre de voyageurs est globalement en recul de 55 % en cette fin de 1er trimestre, par rapport à l'année dernière. La reprise est donc forte mais progressive et tend à s'accentuer en cette fin de période, après des difficultés importantes de remise en marche.

Un des points les plus problématiques est probablement celui de l'emploi, notamment celui des travailleurs migrants, c'est-à-dire des paysans ouvriers. 51 millions de personnes seraient sorties du marché du travail et n'auraient pas retrouvé d'emploi depuis le début de la crise.

Quant aux perspectives de rebond, dans l'attente des assemblées de la fin du mois de mai, une assez grande prudence semble de mise. Les paquets de relance représentent de l'ordre de 2 % du PIB. Le système bancaire est fortement endetté et n'a pas encore entièrement digéré les politiques de relance postérieures à la crise de 2008. Vous avez évoqué les menaces sur le commerce extérieur chinois et il est vrai que des réorientations pourraient se produire. De manière mécanique, la dépression qui s'annonce en Europe et aux Etats-Unis pèse sur les carnets de commandes, hors des produits de santé, dont la production s'envole en mars et avril. De grands partenaires ont annoncé des investissements et des mesures afin d'encourager la relocalisation de productions hors de Chine.

Parmi les transformations structurelles de l'économie, la Chine était déjà le pays du monde connaissant le taux le plus élevé en matière d'e-commerce. Cette position a été consolidée par la crise et de nouveaux domaines ont été conquis. L'e-commerce a joué un rôle essentiel dans la réussite du confinement, en particulier dans les zones où la population était confiée dans son groupement d'habitation.

Pour revenir aux conséquences politiques de la gestion de la crise, le premier constat est celui de la profondeur de la crise. Cette crise est sans commune mesure avec celle du SRAS en 2003. Pour autant, le régime n'a pas été ébranlé dans ses fondements. Force est également de constater que le parti communiste chinois a su, ensuite, mettre en place un dispositif d'attaque, contre l'épidémie, qui lui permet à juste titre de communiquer sur son triomphe face à celle-ci. Outre ce succès face à l'épidémie et dans la remise en marche de l'économie (qui tourne désormais à 90 %), les outils et logiques habituels ont été mobilisés, en particulier la fibre nationaliste et les comités de quartier pour le contrôle des populations.

Concernant l'adhésion des classes moyennes, le pacte social n'est pas remis en cause mais une question se fait jour quant à la capacité de rebond de l'économie chinoise dans la durée. Pour l'heure, la reprise de la machine est pour l'instant suffisante et cette catégorie de la population n'est pas celle qui a le plus souffert de la crise.

A très court terme, l'utilisation de l'étranger en tant que bouc-émissaire ou faire-valoir des succès intérieurs présente déjà un coût du point de vue de l'image de la Chine.

La crise met en évidence notre dépendance vis-à-vis de l'atelier du monde. C'est vrai pour certaines productions telles que le paracétamol. Des usines ont été mises en chômage technique en février en Corée ou en Europe parce qu'il leur manquait une pièce produite en Chine ou certaines molécules qui ne sont plus produites qu'en Chine. Parmi les grandes interrogations que fait surgir la crise figure celle du découplage entre les Etats-Unis et la Chine. Ces deux pays vont-ils réellement séparer leurs appareils de production ? Les autres partenaires de ces deux pays doivent-ils eux-mêmes construire des chaînes de production différentes ou les entreprises doivent-elles choisir de commercer avec l'un ou avec l'autre ? La question de la réorganisation des chaînes de valeur se pose également pour de nombreux pays, dont la France.

Vous avez évoqué le multilatéralisme dans sa version chinoise, par rapport au désengagement américain. Celui-ci donne un poids relatif beaucoup plus important à la Chine : il joue d'une certaine manière, contre les intérêts bien compris des Américains et place les Européens en première ligne. Ces questions demeurent assez ouvertes. Pour reprendre la formule du ministre, le monde de demain risque de ressembler à celui d'hier en pire. La France et l'Europe ont davantage à gagner dans leur rôle de puissances d'équilibre, défendant sans naïveté un ordre multilatéral basé sur les règles que dans un éventuel alignement sur les uns ou les autres. En ce qui concerne la Chine, l'enjeu, pour nous, consiste à maintenir le dialogue et à tenter d'amener le pays sur nos positions. C'est aussi conforter les positions de notre indépendance, tant la crise révèle peut-être une exposition excessive dans un certain nombre de domaines.

M. Christian Cambon, président. - Merci beaucoup Monsieur l'Ambassadeur. La parole est maintenant aux interrogations des représentants des groupes politiques.

M. Pascal Allizard. - Monsieur l'Ambassadeur, merci pour ce temps d'information partagé, à propos d'un pays et d'un sujet passionnants.

Ma première question concerne les Routes de la Soie, Belt and Road Initiative, qui ont un temps suscité des inquiétudes compte tenu de la dégradation de la situation économique en Chine et des critiques soulevées au motif du favoritisme qu'elles faisaient naître au profit des entreprises chinoises. Peuvent-elles, à vos yeux, connaître un nouvel essor à la faveur de la crise ?

S'agissant des Routes de la Soie de la santé en particulier, la Chine se dit prête à se joindre à ses partenaires internationaux afin de promouvoir l'amélioration de la gouvernance mondiale en matière de santé publique dans le monde. Cette politique vous paraît-elle pouvoir aboutir ?

Le risque pandémique mondial ne servira-t-il pas d'argument supplémentaire à la Chine pour justifier sa politique de bases à l'étranger et de renforcement de ses moyens expéditionnaires, sous couvert de porter assistance à ses ressortissants dans de nombreux pays, ou peut-être d'aider les populations locales ?

Plusieurs ambassadeurs d'Afrique, de même que l'Union africaine, n'ont pas hésité à mettre en cause récemment la Chine pour son attitude discriminatoire à l'égard de leurs ressortissants en Chine au moment de l'épidémie. Faut-il y voir un changement dans les relations sino-africaines et notamment une plus grande fermeté des pays de l'Union africaine face à l'emprise chinoise sur ce continent ?

A propos de l'Europe et de la Chine, en l'absence durable de solutions souveraines, l'achat massif d'équipements sanitaires et médicaux ne vient-il pas entamer la volonté de certains Européens de rééquilibrer cette relation ? Ma question fait écho à la fin de votre propos. Ne risquons-nous pas notamment de voir le format « 17+1 » prendre un peu plus de poids et d'importance aux dépens de l'Union européenne ?

Depuis quelques années, la Chine et la Russie se rapprochent. Les autorités russes s'attendent à une crise économique majeure. Vladimir Poutine a jugé la situation sanitaire « difficile », estimant que le pic des infections n'avait pas encore été atteint. La Chine a-t-elle, dans ce contexte, fait des offres particulières de soutien et de coopération à la Russie, en particulier dans le cadre de sa démocratie sanitaire ? La crise, que la Chine prétend avoir su contenir, avec un nombre limité d'infections et de victimes, alors que la Russie semble plus en difficulté, peut-elle être de nature à déséquilibrer un peu plus la relation entre les deux pays et renforcer de facto la position chinoise dans les organisations de coopération régionale (par exemple l'organisation de Shanghai) face à la Russie ?

Enfin, une publication a paru ce matin dans un grand quotidien français. Des militaires français, mais aussi luxembourgeois et suédois, disent avoir été contaminés à Wuhan dès la fin du mois d'octobre 2019 lors des Jeux militaires mondiaux. Que pouvez-vous nous dire à ce sujet ?

Mme Gisèle Jourda. - Monsieur l'Ambassadeur, merci pour vos propos. Lorsqu'on s'intéresse à la Chine, on ne peut qu'être frappé par la réactivité de ce pays. Vous avez souligné le choc qu'avait créé l'épidémie sur place mais aussi sa capacité à camoufler certains éléments. Vous avez également souligné le poids du parti communiste chinois et l'action des comités de quartier. Vous n'avez pas évoqué l'utilisation ni le poids, par rapport à la population, des crédits sociaux. Ont-ils constitué un outil efficace dans la lutte contre la pandémie ? Comment ce contrôle a-t-il été vécu par la population chinoise ? Vous avez évoqué la capacité immédiate de la Chine à limoger les responsables politiques de la région de Wuhan. Comment ces limogeages ont-ils été vécus ? N'ont-ils pas fait naître des craintes du parti communiste chinois ?

Les Routes de la Soie, mises en place stratégiquement par la Chine dans tous les domaines, se sont impliquées dans les organismes mondiaux, notamment au sein de l'OMS. Nous voyons bien que le retrait relatif des Etats-Unis a permis à la Chine de s'immiscer dans les Instances de l'ONU, où elle a installé son narratif. Le soutien qu'elle a apporté à l'Ethiopie, notamment, lui a permis de museler les critiques quant à son attitude de camouflage du virus et de la propagation de l'épidémie au cours de sa première phase. Comment percevez-vous cette présence de la Chine dans les Instances internationales ?

Ma dernière question portera sur l'Europe, à la lumière notamment des déclarations récentes de Josep Borell. Comment percevez-vous la rétention d'informations, en Chine, vis-à-vis de la population chinoise concernant les aides européennes ? Les ambassades européennes présentes en Chine se coordonnent-elles dans la bataille des récits et mènent-elles des actions conjointes ? Quelles conséquences cette situation pourrait-elle avoir sur les négociations actuelles et à venir entre l'Europe et la Chine concernant les Routes de la Soie ? Pascal Allizard a fait référence au format des « 17+1 », au regard desquels des craintes se font jour. Dans la mesure où l'Europe est en train de prendre conscience de l'impact des différentes politiques chinoises coordonnées sous l'ombrelle des Routes de la Soie, la situation actuelle devrait permettre à l'Europe de faire preuve d'une plus grande réactivité.

M. Jacques Le Nay. - Merci, Monsieur l'Ambassadeur, pour l'exposé clair et concis que vous venez de faire. J'aimerais revenir sur le rapport de forces entre Pékin et Washington. Comme vous l'avez rappelé, l'autorité américaine a durci sa position face à la Chine. Et pour cause, l'inquiétude n'est quasiment déjà plus à la crise sanitaire mais porte désormais sur la crise économique et politique qui risque de lui succéder.

Il y a 46 ans, Alain Peyrefitte prophétisait « quand la Chine s'éveillera, le monde tremblera ». Aujourd'hui, le monde tremble mais pour d'autres raisons : l'épidémie met en exergue les fissures d'un monde occidental qui peine à trouver sa place dans cette course au leadership mondial.

Quelle position la France doit-elle adopter face à ce nouvel équilibre des puissances ? L'OMS a appelé vendredi Pékin à participer aux enquêtes en cours ou prévues quant aux origines animales du virus. Dans ce pays où les chiffres suscitent la suspicion, ces enquêtes peuvent-elles être menées en toute impartialité ?

Enfin, l'arrêt quasi-total de l'économie chinoise, au plus fort de la crise, a porté un coup dur aux entreprises hexagonales en Chine. Comment évaluez-vous la reprise d'activité, tant pour nos entreprises industrielles que pour nos entreprises de services ?

M. Bernard Cazeau. - Vous avez évoqué, Monsieur l'Ambassadeur, les attaques répétées de Donald Trump contre la Chine, quant à l'origine de la pandémie. Le président américain évoque même le laboratoire de Wuhan. Il en a rajouté récemment, de même que son Secrétaire d'État, Mike Pompeo. Peut-on penser que ces attaques répétées pourraient avoir des conséquences graves en ce qui concerne la relation Chine-Etats-Unis et du point de vue de l'équilibre des relations internationales ?

Ma deuxième question portera sur les Routes de la Soie. L'impact du Covid-19 sur le projet chinois de Routes de la Soie ne risque-t-il pas de soulever des difficultés et notamment de susciter des manifestations de xénophobie qui se font jour aujourd'hui en Afrique et en Asie vis-à-vis de la Chine ?

M. Jean-Noël Guérini. - Monsieur l'Ambassadeur, merci pour votre exposé clair et précis. Vous avez déclaré, au début du mois de mars, que la diplomatie française était dans l'ère de l'après-Covid.

Peut-on accorder un réel crédit aux chiffres de la mortalité à Wuhan, tels qu'ils sont mis en exergue par Pékin ?

Comment la France gère-t-elle les relations scientifiques avec les équipes chinoises chargées du laboratoire P4 que nous avons aidé à construire à Wuhan ?

Bon nombre d'analystes estiment que les Occidentaux ont été naïfs avec la Chine. Partagez-vous ce jugement, qui peut sembler trop rapide mais qui est extrêmement répandu dans l'opinion française ? Quelle place la France peut-elle espérer tenir alors que les tensions entre Trump et la Chine s'exacerbent ? Pouvons-nous jouer les médiateurs ou devons-nous également hausser le ton ? Avons-nous d'ailleurs les moyens de cette politique ambitieuse ?

On mesure le poids économique représenté par les touristes chinois en France et en Europe. Plus de deux millions de Chinois ont visité notre pays l'an dernier, ce qui représente plus de 4 milliards d'euros de recettes pour notre pays. La France reste-t-elle une destination à éviter ? Les Chinois se concentrent-ils désormais et pour longtemps sur les sites touristiques de leur pays ? J'ai par exemple lu des articles évoquant le weekend des 4 et 5 avril derniers, lors duquel plusieurs dizaines de milliers de Chinois affluaient vers les sites touristiques du pays. Quelles mesures avaient-elles été prises par le gouvernement chinois, en termes de gestes barrières, afin d'éviter les débordements ?

Enfin, la Chine entendait mettre les bouchées doubles pour lutter contre la pollution, qui fait des ravages dans les mégapoles. Peut-on imaginer une percée de la croissance verte en Chine ? Devrons-nous attendre la reprise économique pour en revenir à des préoccupations écologiques ?

M. Pierre Laurent. - Monsieur l'Ambassadeur, ma question porte sur l'évolution possible des relations avec la Chine. Vous avez décrit, Monsieur l'Ambassadeur, la montée de la bataille des narratifs et souligné que nous n'aurions rien à gagner à nous laisser entraîner dans une nouvelle guerre froide. Mon inquiétude porte justement sur ce point. Je perçois, dans le débat politique en France, une évolution qui m'inquiète à la faveur de la crise du Covid. Je ne vois pas, au regard des fondamentaux de la situation, quel intérêt nous aurions à nous éloigner de la recherche d'un multilatéralisme qui ne cède rien sur nos valeurs, notamment sur la question des droits humains, mais permette de travailler avec ce grand pays qu'est la Chine, même si les systèmes politiques diffèrent.

Non seulement la crise ne doit pas nous faire quitter cette route, mais les questions posées par la pandémie nous inviteraient même plutôt, me semble-t-il, à travailler avec davantage de détermination dans cette voie. Or j'ai l'impression que le discours politique pourrait emprunter un autre chemin. Je ne vois pas quel intérêt nous aurions à emboîter le pas à la politique de Trump sur ce point. Je ne pense pas que la rhétorique anti-chinoise puisse constituer un facteur d'unification européenne. Elle pourrait aussi nourrir la montée de populismes dangereux en Europe. Comment percevez-vous les intentions des Chinois de ce point de vue et quel vous paraît être le chemin à emprunter pour notre diplomatie ?

M. Robert Laufoaulu. - Monsieur l'Ambassadeur, ni hao, merci pour votre exposé et pour votre présence française en Chine. Ma question porte plus spécifiquement sur la région pacifique ou indo-pacifique - dénomination privilégiée aujourd'hui, en particulier pour nous depuis le voyage du président de la République en mai 2018. La crise du Covid-19 a ou aura-t-elle des conséquences sur les relations entre la Chine et les pays qui forment l'axe indo-pacifique ? Je pense particulièrement à l'Inde et à l'Australie, sachant que la situation est déjà claire pour ce qui concerne les Etats-Unis et le Japon. Quelles sont les conséquences sur les relations avec les pays de l'ASEAN, que la Chine cherche à inclure dans sa zone de première influence ? Quelle est aujourd'hui la consistance de cet axe indo-pacifique, dont on peut rappeler qu'il a été mis en place afin de contrer l'influence de la Chine dans cette région, comme le président de la République l'a rappelé en 2018 ?

M. Laurent Bili. - Je reviens sur la première question du sénateur Allizard concernant les Routes de la Soie. Je suis un peu dubitatif quant à la possibilité d'un nouvel essor eu égard aux problèmes de financement que cela pourrait poser et aux réactions locales évoquées notamment par madame Jourda. Je crois que la Chine prend en compte cette pression internationale et que l'objet est en train de changer dans la durée, sans doute pour devenir plus vert et plus respectueux, mais toujours au profit des entreprises chinoises. La question la plus importante, aujourd'hui, me paraît être celle des financements.

Les Routes de la Soie de la santé font partie des sujets sur lesquels nous avons intérêt à travailler avec la Chine en recherchant des convergences. La Chine peut agir, du fait de son appareil productif, car personne d'autre n'a la même force de frappe en matière de masques, par exemple, pour le moment. Nous avons aussi une présence en Afrique qui peut s'avérer utile. Dans un domaine tel que celui de la lutte contre la pandémie, nous ne pouvons que regretter cette bataille de narratifs car nous aurions tous intérêt à travailler ensemble. Nous devons à mon avis saisir cette opportunité pour travailler ensemble.

La politique de discrimination contre les étrangers est un peu accidentelle. C'est en quelque sorte un dommage collatéral. Je ne crois pas que le gouvernement chinois ait voulu mettre en place une discrimination particulière à l'encontre des Africains notamment. Ce sont plutôt des faits qui se sont produits localement. Le gouvernement a d'abord été dans le déni. La force de réactions, notamment de certains pays africains, l'a contraint à se montrer proactif et à prendre des mesures pour que ces agissements cessent. Il sera intéressant de voir s'ils ont, dans la durée, une influence sur les relations avec ces pays. La mise en évidence du surendettement de certains pays peut s'entendre de la même façon. Alors que la Chine était parfois le seul pays prêt à financer certains projets de développement, à des taux parfois élevés, pour des projets économiques souvent fragiles, la crise va hâter l'heure de vérité.

En ce qui concerne les achats massifs de produits médicaux par les Européens en Chine, je crois que chacun doit d'abord se sentir encouragé à considérer qu'il y a un temps pour tout. Il y a le temps de l'urgence, durant lequel on a besoin de se fournir, de se protéger. Puis vient le temps des questionnements. Je pense que nous sommes en train de sortir de l'extrême urgence et de nouvelles questions surgissent quant à la façon de traiter la crise dans la durée. Je ne suis pas certain qu'en dehors de l'Italie, qui constitue un cas particulier, où l'aide chinoise a été massive et rapide, l'intervention de la Chine ait eu un impact positif du point de vue de ses relations avec l'Union européenne. La virulence de la campagne de communication, par la suite, a été telle qu'elle a annihilé une grande partie des bénéfices qui auraient pu en être tirés. S'agissant des relations entre la Chine et la Russie, la relation entre les deux pays a tout de même un peu souffert de la gestion de la crise, du fait des mesures prises dans un premier temps par la Russie pour arrêter le transit des Chinois et plus récemment du fait des mesures assez fortes prises par la Chine concernant les transits à la frontière terrestre avec la Russie. Je pense qu'une méfiance profonde demeure, en Russie, quant au poids de la Chine, d'autant plus que celle-ci est de plus en plus présente dans ce qu'elle considère son pré carré en Asie centrale. Les deux pays se coordonnent bien en ce moment sur les grands dossiers internationaux car ils partagent des réflexes assez proches. Fondamentalement, néanmoins, ces puissances me semblent rester potentiellement rivales, ce qui peut plaider pour un rapprochement de la Russie avec l'Europe. Cette réalité de la montée en puissance de la Chine peut constituer un facteur de déséquilibre au sein de l'organisation de coopération de Shanghai et donc d'inquiétude pour les tiers.

Je n'ai aucune information quant à une éventuelle contamination qui aurait eu lieu dès cette date. On vient de me transmettre un article indiquant que l'ambassadeur de France en Chine avait alerté le président de la République dès le mois de décembre. C'est totalement faux. Les premières informations que nous avons eues datent du 31 décembre, lorsque le sujet est clairement évoqué pour la première fois à Wuhan.

L'utilisation du dispositif de crédit social a plutôt été le fait d'initiatives locales, souvent à titre d'expérimentation. Ces initiatives sont restées assez modestes. Je ne crois pas que la population l'ait mal vécu. Cela fait partie des éléments qui ont plutôt rassuré les citoyens, dans un moment de panique, du fait de la capacité à tracer et isoler ceux qui avaient été en contact avec la maladie. Si ce type d'outil est mis en place dans la longue durée, je ne suis pas certain que ce premier sentiment de réassurance subsiste.

C'est la rapidité de la montée en puissance de la présence de la Chine dans les organismes internationaux qui est d'abord impressionnante. Je ne pense pas que l'on puisse exprimer un avis définitif quant à l'inféodation de l'OMS. Il y a certainement eu des pressions et une utilisation de cette institution mais les scientifiques ne se sont pas départis d'une certaine prudence au moment de la collecte d'informations. Je pense qu'il faut prendre garde à ne pas jeter le bébé avec l'eau du bain. Nous avons eu un échange que j'ai trouvé assez libre, avec l'OMS à Pékin, aux côtés des autres ambassades européennes, même si certaines questions sont restées en suspens - notamment celle du transport aérien. Fallait-il maintenir, au moment où l'épidémie battait son plein, le niveau antérieur de flux aériens ? Cette question rejoint celle de la réalité des chiffres à Wuhan. Sur la base des chiffres officiellement divulgués, peut-être le diagnostic était-il raisonnable. Si l'on considère que les chiffres ont été probablement minorés, le diagnostic change. L'OMS n'avait pas nécessairement les moyens d'une contre-expertise de la réalité des chiffres à ce moment-là, quant à la sévérité de l'épidémie.

Quant à la position de la France dans la querelle entre la Chine et les Etats-Unis, la force de la France vient du fait qu'elle constitue une puissance moyenne, de raison, capable de ramener les choses sur un terrain raisonnable, là où des facteurs idéologiques peuvent favoriser une exacerbation des tensions vers les extrêmes. En l'espèce, nous avons intérêt à prendre les uns et les autres au mot en plaidant pour une enquête scientifique. L'OMS a-t-elle vraiment les moyens d'enquêter en toute impartialité ? Il y a certainement des limites à son action mais il n'y a pas de meilleure alternative à celle-là pour dialoguer avec les uns et les autres. En ce qui concerne l'impact de la crise sur les entreprises françaises en Chine, la communauté d'affaires se montre plutôt optimiste, d'autant plus que la reprise est assez forte. Le secteur qui souffre le plus est celui de l'automobile. Un autre secteur qui touche les Français regroupe les auto-entrepreneurs de services. Dans de telles activités (restaurants, entreprises de tourisme, etc.), trois semaines sans client constituent un drame. Souvent, pour ces entreprises, le lien avec la France est donc assez ténu et ces entrepreneurs ne sont pas éligibles aux mesures d'aide françaises. En outre, les banques chinoises se montrent souvent réticentes à financer les très petites entreprises.

La question des origines de la pandémie fournit l'occasion d'un nouvel épisode de crise paroxystique depuis l'élection du président Trump. La France et l'Union européenne ont intérêt à y jouer leur partition d'un monde multipolaire et de l'ordre multilatéral basé sur des règles. C'est le seul chemin de la raison. Les autres options sont également mauvaises et ne présentent pas d'intérêt pour nous. Je partage votre remarque, Monsieur le sénateur Le Nay, quant aux difficultés que pourrait faire naître la crise du point de vue de la promotion des Routes de la Soie dans un certain nombre de pays.

Pour ce qui a trait aux chiffres du Covid, je fais vraiment une différence, comme je l'ai indiqué, entre les chiffres fournis par la Chine pour le Hubei et ceux communiqués pour le reste de la Chine.

Nous avons toujours un expert technique dans le laboratoire P4 de Wuhan. Il aide à mettre en place les dispositifs de sécurité. Une littérature abondante et d'assez bonne qualité a paru ces jours-ci, même si les articles mélangent parfois plusieurs types de données. C'est un outil que nous avons aidé à construire. Il fait encore l'objet de doutes. La meilleure façon de les dissiper est d'être présent dans ce laboratoire de façon plus dynamique. Dans la longue durée, certains des paris que nous avons faits se sont avérés perdants. Le pari selon lequel nous aurions toujours une longueur d'avance sur le plan technologique s'avère démenti par les faits dans certains domaines. Le pari de la transformation de la société ou du système politique vers une plus grande ouverture n'a pas tenu ses promesses. Il n'en demeure pas moins que le citoyen de base jouit, dans sa vie quotidienne, d'un niveau de liberté plus élevé que jamais auparavant. On constate un plus grand retour vers la centralité du pouvoir, ce qui ne veut pas dire que le citoyen de base n'a pas bénéficié d'ouvertures. Il y a 140 millions de VPN en Chine, ce qui permet à de nombreux Chinois de se connecter avec l'extérieur. Les Chinois qui voyagent sont aussi beaucoup plus nombreux que par le passé. Cette exposition vis-à-vis de l'extérieur est plus importante qu'on ne peut l'imaginer à la seule lecture des quotidiens chinois.

Nous devons maintenant composer avec une nouvelle réalité : la montée en puissance technologique de la Chine et sur le plan de son autonomisation a été beaucoup plus rapide que nous ne l'escomptions, dans de nombreux secteurs. L'exemple le plus évident est celui des trains à grande vitesse. Le réseau chinois à grande vitesse est assez impressionnant et s'est émancipé, en très grande partie, des technologies occidentales, en particulier françaises. Nous devons être plus réalistes en reconnaissant que nous avons face à nous un concurrent déjà mature, vis-à-vis duquel nous avons peut-être été trop enthousiastes dans les transferts de technologie, considérant que nous conservions de toute façon une génération d'avance. Ils sont parvenus à la même génération que nous et ont même désormais un degré d'avance sur nous sur certains terrains tels que l'intelligence artificielle ou les technologies de l'information. Nous devons en tenir compte dans notre positionnement.

Avons-nous les moyens de notre discours face au duopole Etats-Unis-Chine ? Seuls, nous représentons une petite province chinoise mais collectivement, au plan européen, nous représentons une masse qui reste raisonnable. C'est par la cohérence de notre discours et par notre capacité à l'organiser que nous pesons. Je crois que nous avons toujours une capacité à apporter des idées et à porter un discours. Contrairement à ces deux grands acteurs, nous avons dépassé la logique de la puissance pure et sommes plus à même de construire des coalitions plus larges. Cette capacité d'empathie et cette force d'entraînement constituent l'un des aspects de la force du soft power français et européen.

Le tourisme chinois vers l'étranger est totalement à l'arrêt pour le moment. Les liaisons aériennes avec l'étranger ne représentent plus que 2 % de leur niveau avant la crise. Les Chinois qui se rendent à l'étranger s'exposent à des tracasseries administratives et à des mesures de quarantaine au retour qui sont aisément dissuasives : si l'on a une semaine de congé, il est difficile de s'astreindre à deux semaines de quarantaine au retour. Ce n'est donc pas un sujet pour les prochains mois et cela représente un manque à gagner très important pour la France, de l'ordre de 4 milliards d'euros par an. Nous avons tout intérêt à faire en sorte de retrouver ce flux de visiteurs dès que les conditions seront réunies, d'autant plus que nous avons des visiteurs individuels plus matures. Ce sont des visiteurs de qualité qui dépensent beaucoup d'argent et qui ont un comportement moins moutonnier que les grands groupes, du point de vue des lieux où ils se rendent, ce qui est intéressant pour nos territoires.

Cette dimension de croissance verte me semble réellement prise en compte en Chine. Ce n'est pas seulement un discours obligé pour être dans l'air du temps. C'est une dimension prise en compte pour la santé de la population et dans une logique d'acceptabilité du pouvoir. Celui-ci estime ainsi devoir vendre une certaine qualité de vie aux citoyens. Lorsque vous habitez Pékin, vous suivez quotidiennement le taux de votre exposition aux particules dans l'air. Il doit avoisiner aujourd'hui 186 car le temps est assez gris et nuageux. Ceci explique d'ailleurs que, même en temps normal, les gens portent souvent un masque à Pékin. Les autorités sont conscientes de la demande du citoyen chinois, qui a été affecté par différents scandales sanitaires liés à la qualité des produits, par exemple sur le lait infantile. La qualité de l'air fait partie des demandes d'une société civile encore balbutiante mais qui existe. La crise crée, de ce fait, un dilemme, comme dans d'autres pays, entre la nécessaire reprise de l'activité économique - indispensable pour la stabilité sociale - et les préoccupations environnementales, qui sont réelles.

Monsieur le sénateur Laurent, je partage entièrement votre raisonnement quant à l'évolution des relations avec la Chine. Les questions posées par la pandémie appelleraient en principe une réponse collective. Il y a une responsabilité chinoise dans la surenchère actuelle visant à survendre le modèle chinois et à pointer du doigt la prétendue faillite du modèle occidental. Cette rhétorique a provoqué un choc en retour alors que, fin février et au tout début du mois de mars, le dialogue franco-chinois était assez soutenu en vue d'initiatives internationales conjointes dans la réponse à la pandémie.

Une fois que la passion sera descendue d'un cran, il faudra retrouver le chemin d'une réponse globale, qui demeure la meilleure réponse à un défi global.

M. Christian Cambon, président. - Nous avons terminé cette première série de questions, je passe à la deuxième.

Mme Sylvie Goy-Chavent. - Monsieur l'Ambassadeur, la Chine mène actuellement une stratégie très agressive vis-à-vis des pays européens, mêlant une pseudo-aide sanitaire, en livrant des masques ou des médicaments, et le dénigrement de ces mêmes pays.

Il se murmure par ailleurs qu'il y a quelques mois, au début de l'épidémie, l'Europe aidait la Chine mais que les pays européens avaient reçu consigne de la Chine de ne pas communiquer à ce sujet

Est-ce vrai ? Si c'est le cas, pourquoi nous sommes-nous conformés à un tel ordre ? La Chine est-elle si dominante que nous ne puissions rien lui refuser ?

Mme Hélène Conway-Mouret. - Monsieur l'Ambassadeur, merci pour votre éclairage, qui repose sur une analyse assez objective de la crise que nous traversons. Vous l'avez présentée avec des propos neutres. C'est ce que l'on attend de tout diplomate. Vous avez eu raison de rappeler qu'au moment où nous avons besoin de solidarité pour combattre cette pandémie, il faut apaiser toutes les tensions, notamment politiques.

Vous avez compris que notre Commission était particulièrement attentive à la relation sino-française. L'excellent rapport de nos collègues Gisèle Jourda et Pascal Allizard en atteste. Ils ont rédigé un document qui fait référence sur les Routes de la Soie.

Ne pensez-vous pas qu'il soit trop tard pour que l'Occident, même s'il le souhaitait, se détache de la Chine, dont il est devenu dépendant, notamment financièrement et pour la production d'un certain nombre de produits qui ont besoin de terres rares, devenues le monopole de la Chine ?

Un certain nombre de Français résidant de manière permanente en Chine sont bloqués en Europe, notamment en France, du fait de la fermeture des frontières et de l'interruption de leur visa. Etes-vous en mesure de recenser les personnes en difficulté ? Quel soutien pouvons-nous leur apporter ? Que vous disent les autorités chinoises quant à leur retour ? Des moyens de soutien sont-ils mis en place, comme nous l'avons fait en France, notamment pour les résidents français sous contrats locaux et pour les auto-entrepreneurs, qui sont assez nombreux à Shanghai et qui sont tous liés à des structures relevant de la législation chinoise ? Avez-vous, enfin, une évaluation de la situation de nos PME et de nos TPE ?

M. Jean-Marie Bockel. - Merci Monsieur le président Cambon. Le titre des Echos de ce jour, consacré à la Chine, montre que vous avez eu le nez creux, monsieur le président, en organisant cette audition avec Monsieur l'Ambassadeur Bili ce jour. Vous avez déjà répondu à de nombreuses questions. Il est vrai qu'on peut s'interroger quant à la crédibilité de la Chine au regard des engagements pris par le pays au moment de son adhésion à l'OMS. Ces difficultés sont probablement surmontables mais le sujet est devant nous.

S'agissant de l'intérêt de la France, vous avez commencé à avancer des éléments de réponse. Nous voyons que la dimension multilatérale est présente mais que la dimension française l'est également. Bientôt va de nouveau se poser la question de la participation éventuelle de Huawei aux enchères sur la 5G en France. Qu'en est-il, du point de vue de Pékin, des discussions ouvertes ? Si cette participation demeure envisageable, à quelles conditions pourrait-elle avoir lieu ?

M. Ronan Le Gleut. - Aux Etats-Unis, le député Jim Banks et des élus républicains souhaitent que le Secrétaire d'État Mike Pompeo dépose un dossier contre la Chine devant la Cour Internationale de Justice, au titre du règlement sanitaire international édité par l'OMS, qui oblige les Etats membres de l'ONU à un devoir d'information et de prévention des épidémies.

Alors que les confrontations entre les Etats-Unis et la Chine sont déjà nombreuses sur le plan commercial, technologique, cyber, allons-nous voir s'ouvrir un nouveau front, judiciaire et comment la Chine pourrait-elle y réagir ? Pouvons-nous nous attendre à une forme de contre-attaque chinoise sur ce terrain judiciaire ?

M. Olivier Cigolotti. - Monsieur l'Ambassadeur, compte tenu de la crise sanitaire qui sévit au plan mondial et du confinement qu'elle impose, de nombreux pays occidentaux se voient dans l'obligation d'intervenir financièrement pour soutenir leur économie. Il y a encore peu, de nombreux pays voyaient les entreprises chinoises d'État ou liées à l'État comme un anachronisme communiste sur le déclin et les critiques ne manquaient pas. Aujourd'hui, cette forme de dirigisme pourrait être une démarche adoptée par nombre de pays, ce qui aurait pour effet d'accentuer la sauvegarde des intérêts nationaux et d'amorcer une certaine forme de démondialisation.

N'y a-t-il pas un risque, Monsieur l'Ambassadeur, que dans ce contexte, et eu égard aux besoins croissants de la Chine, celle-ci n'exerce une pression sur le continent africain ?

La contestation est par ailleurs au point mort à Hong Kong du fait de la crise sanitaire mais les problèmes politiques sont loin d'être réglés. Les autorités de Hong Kong et de Pékin, qui semblent profiter de la crise sanitaire pour limiter les droits de l'opposition au Parlement, ne prennent-elles pas un risque en remettant sur le tapis le projet de loi de sécurité nationale ?

Mme Marie-Françoise Perol-Dumont. - Monsieur l'Ambassadeur, j'aimerais revenir sur l'agressivité diplomatique chinoise, dont notre pays, entre autres, a récemment fait les frais. Il serait sans doute naïf de penser qu'elle est le signe d'un malaise conjoncturel, tant il apparaît que cette crise violente n'a pas ébranlé les fondamentaux du régime.

Nous pourrions donc penser que cette agressivité sera le signe de ce que sera, à long terme, une diplomatie chinoise du rouleau compresseur. Dès lors, sans stigmatiser la Chine pour le Covid-19, ne conviendrait-il pas que la France et l'Europe se rendent moins dépendantes de la Chine au plan économique, sanitaire mais aussi en termes d'influence internationale ? Le fait que la Chine n'ait cessé, ces dernières années, d'accroître l'implantation de ses Instituts Confucius dans le monde, y compris en Afrique, alors que nous réduisons les budgets de nos Alliances françaises, ne doit-il pas nous interpeller en termes d'influence internationale ?

M. Olivier Cadic. - Monsieur l'Ambassadeur, comme vous le savez, la Chine ne reconnaît pas la bi-nationalité. De nombreux Français installés en Chine ont un conjoint chinois et des enfants. Ils sont, à nos yeux, Franco-Chinois mais ne sont que Chinois aux yeux des autorités chinoises. Il est souvent fait état de pressions, parfois psychologiques, à propos des voyages. L'ambassade de Chine en France s'est récemment plainte de tracasseries policières contre des Chinois à Paris. Des Français ont-ils été récemment arrêtés ou se sont-ils plaints de tracasseries éventuelles ?

Votre homologue à Paris, Lu Shaye, développe régulièrement des propos offensants contre les parlementaires français. Il l'a fait au moins à deux reprises de façon directe. Avez-vous pris une initiative pour manifester votre désapprobation sur les réseaux en Chine ? J'ai consulté le site de notre ambassade et ai été surpris que nous ne répondions pas à ces propos sur notre site. Je pense que vous avez une responsabilité pour nous aider à défendre notre démocratie, nos valeurs. Lorsque notre Parlement est attaqué, je pense que notre ambassade doit réagir. Si vous ne l'avez pas fait, pourquoi ne le faites-vous pas ?

M. Gilbert-Luc Devinaz. - Monsieur l'Ambassadeur, le projet de Routes de la Soie constitue, pour la Chine, une alternative à la mondialisation occidentale. C'est un objectif de long terme. Dans quelle mesure est-il fragilisé ou renforcé par la gestion chinoise de la pandémie ?

Je voudrais vous remercier, Monsieur l'Ambassadeur, pour votre exposé liminaire et les informations que vous avez apportées concernant la situation qui a prévalu à partir du mois de décembre. De quel niveau d'information disposiez-vous en décembre et en janvier et à quel moment avez-vous alerté les autorités en France à propos de la pandémie ?

M. Ladislas Poniatowski. - Monsieur l'Ambassadeur, j'ai une question sur la stratégie de la Chine en Asie du sud-est. Vous avez confirmé l'agressivité diplomatique actuelle, un peu tous azimuts, de la Chine. Cette attitude ne date pas de la crise du Covid. Elle date de l'entrée en fonction du président chinois actuel. Cette forte agressivité se manifeste de multiples manières. C'est le cas notamment en Asie. C'est le cas à Taïwan, l'ennemi intime qu'on ne lâche jamais. A Hong Kong, des pressions sont exercées sur l'opposition à l'approche des élections législatives, en septembre prochain. Des investissements colossaux se poursuivent par ailleurs, sur le plan militaire, dans de nouveaux îlots, qui sont rattachés administrativement à la Chine. On entend peu la voix de la France dans cette mer de Chine. On entend les Américains et les Vietnamiens, qui sont directement concernés. Ne commettons-nous pas une erreur à travers ce silence ?

Mme Joëlle Garriaud-Maylam. - Monsieur l'Ambassadeur, merci beaucoup. De nombreuses questions ont été posées par mes collègues. J'aimerais vous interroger à propos de la répression des minorités ethniques ou religieuses. Je pense bien sûr aux Ouïghours mais aussi aux chrétiens. La crise a-t-elle accentué cette répression ? Quelles sont ses conséquences sur le traitement de la question de Hong Kong, voire un durcissement de la politique conduite vis-à-vis de Taïwan ?

Je voudrais, pour terminer, vous remercier d'avoir évoqué les petites entreprises françaises. J'aimerais vous encourager à plaider leur cause auprès du ministre des Affaires étrangères et du gouvernement. J'avais par exemple déposé un amendement afin qu'elles soient incluses dans le fonds de solidarité des entreprises. Cet amendement n'a pas été accepté mais je crois qu'il faut trouver un mécanisme afin de les aider. Les 1 500 euros du fonds de solidarité auraient pu grandement y contribuer. Si ces entrepreneurs rentrent en France pour bénéficier du chômage, cela nous coûtera beaucoup plus cher alors qu'ils servent les intérêts de la France en Chine.

M. René Danesi. - Le 21 avril dernier, la Chine a publié en chinois les noms et coordonnées des 80 îles, récifs profonds et même monts sous-marins situés en mer de Chine méridionale. Or rien de tout cela n'appartient à la Chine, ni historiquement ni juridiquement. Celle-ci le sait d'autant mieux qu'elle a ratifié en 1996 la Convention des Nations unies sur le droit de la mer. La Chine poursuit donc sa politique d'expansion malgré la pandémie de Covid-19. En somme, pendant les travaux, la vente continue. Comment les États directement concernés par ce coup de force d'apparence sémantique - et en réalité hautement géopolitique - peuvent-ils y répondre ?

M. Laurent Bili. - Je reviens sur la question relative à la diplomatie des masques et au manque de publicité qui a entouré nos dons. Ce faible écho est dû aux difficultés d'accès de la presse aux lieux de déchargement et la difficulté pour le consul général, à Wuhan, à les remettre en personne aux représentants de l'hôpital qui allait recevoir les dons. J'ai eu plusieurs interventions dans les médias, qui ont eu un certain écho, car il était possible de faire passer un message, à travers un message de solidarité au peuple chinois, sur le soutien que nous avons apporté.

En ce qui concerne notre dépendance à la Chine, il faut avoir conscience que pour nos entreprises, la Chine demeure un marché important, dont elles ont besoin. Ce n'est pas seulement un marché vers lequel on délocalise pour réexporter en France. C'est aussi un marché pour nos grandes entreprises. Elle est devenue une part du gâteau du commerce mondial si importante que la question de la présence sur le marché chinois se pose presque dans les mêmes termes que pour le marché américain. La plupart des grandes entreprises ne comprendraient même pas qu'on les interroge quant à un éventuel désengagement du marché chinois.

Le problème des TPE françaises en Chine constitue un vrai sujet. Nous recensons de façon aussi précise que possible les situations complexes qui existent, de même qu'en ce qui concerne les Français bloqués en Chine. Il n'y a pas de perspective à court terme de retour des familles en Chine. Nous espérons entrer rapidement, comme l'ont fait la Corée du Sud et Singapour, dans la discussion d'un accord qui permettrait au moins aux hommes d'affaires résidant en Chine de rentrer. Nous allons nous efforcer d'élargir cette discussion le plus possible en y intégrant les familles et d'autres dimensions que la dimension économique. La seule ouverture que nous voyons poindre, depuis quelques jours, a trait à la reprise des relations humaines, sur le plan économique, avec notamment une possibilité de retour pour les résidents.

En ce qui concerne Huawei, la position de la France s'avère assez constante. Huawei aura une part de marché qui résultera de ses capacités et du respect de notre indépendance stratégique.

Il existe une littérature relativement abondante et de bonne qualité sur les dossiers juridiques qui opposent la Chine aux Etats-Unis. La plupart de ces publications estiment que les chances de succès sont assez limitées et que les risques de mesures symétriques sont assez élevés. La question est prise au sérieux ici. Elle contribue à la détérioration des relations et à la forme de surenchère que nous voyons dans les attaques. Je n'imagine pas qu'une procédure qui commencerait à prospérer devant des juridictions américaines ne trouverait pas un pendant pour les intérêts américains en Chine.

S'agissant du soutien aux économies et de la forme d'anachronisme que représenteraient les entreprises chinoises de ce point de vue, force est de constater que les SOE, entreprises d'État chinoises, ont connu ces dernières années un regain de légitimité et sont plutôt soutenues. Leurs performances sont tout de même en général moins bonnes que celles du secteur privé « pur ». Il en résulte un questionnement quant à l'efficacité de leurs investissements à l'étranger, qui ont connu de nombreuses déconvenues. Nous serons probablement confrontés à des prises de participation par des entreprises prédatrices de Chine ou d'ailleurs. Je crois que cette question est d'ailleurs inscrite à l'agenda parlementaire en France.

Je crois peu à une pression accrue en Afrique. Ces dernières années, après une phase d'expansion, les budgets disponibles pour les acquisitions de ces grandes entreprises sur le marché africain et sur le marché international ont été revus à la baisse, après de mauvaises acquisitions qui ont été réalisées. Je pense que nous allons assister, au moins dans un premier temps, à une raréfaction des ressources disponibles. C'est un pronostic qui reste à vérifier.

Il existe du point de vue de la diplomatie chinoise une doctrine d'ensemble et une déclinaison nationale qui peut être plus ou moins forte. Nous avons été assez généreux, en termes d'ouverture, au regard de la politique d'influence chinoise. La Chine consacre des efforts importants à sa politique d'influence. Nous avons été soumis, de ce point de vue, à des contraintes budgétaires relativement fortes. En tant qu'ancien directeur général de la mondialisation (DGM) du ministère des affaires étrangères, je crois qu'au-delà de la question des moyens, nous devons aussi trouver de nouveaux modes d'expression de cette politique d'influence, dans un monde où la présence virtuelle offre des capacités de démultiplication plus importantes.

Je n'ai pas eu connaissance de cas de tracasseries policières. En revanche, nous avons eu vent, dans le contexte du Covid, de problèmes de voisinage, ce qui s'est traduit par la dénonciation de citoyens français dont on a dit qu'ils n'avaient pas fait leur quarantaine ou qu'ils ne respectaient pas certaines consignes. Ce sont des difficultés qui sont apparues plutôt au niveau des comités de quartier, sans que la police ne soit en première ligne dans la période récente.

En ce qui concerne la façon dont nous avons informé les autorités françaises, c'est assez simple. Nous avons fait notre travail : nous n'avons pas eu d'information privilégiée avant le 31 décembre. Le 31 décembre, notre consul général à Wuhan adressait son premier mail au centre de crise et informait Paris des données dont nous disposions. La première note diplomatique consolidée sur la base de ces informations éparses date du 10 janvier. La première communication claire et ferme d'un risque de contamination interhumaine ne date que du 20 janvier. Jusqu'à la décision de confinement de Wuhan, le sentiment dominant - car relayé par les autorités chinoises, et que l'on retrouve dans les propos de virologues français fin janvier et début février - consiste à estimer que cette maladie n'est qu'une grippe. C'est à partir du 20 janvier et singulièrement au cours de la nuit du 22 au 23 janvier, que les choses vont basculer.

S'agissant des îlots et de la communication qui a entouré les faits que vous avez rapportés, je rappellerai que nous avons une politique de présence systématique de la Marine nationale en mer de Chine. Notre position est connue. Est-ce une erreur de ne pas en faire plus ? Je ne suis pas convaincu qu'il y ait une matière si neuve dans les derniers évènements, qui constituent plutôt la déclinaison d'évènements passés.

Nous avons très rapidement signalé les difficultés que rencontrent les TPE françaises en Chine. Nous peinons, pour le moment, à trouver des solutions. Nous sommes dans une phase de recensement et d'état des lieux, près de trois mois après le début de la crise.

Le problème des îlots est lourd puisqu'il relève désormais des intérêts vitaux chinois. La détermination de la réponse collective à l'attitude de la Chine fait partie de la stratégie indo-pacifique, sur laquelle je suis d'ailleurs passé rapidement tout à l'heure. Nous ne souhaitons pas faire partie d'une machine de guerre qui s'enclencherait contre la Chine. Dans le même temps, il est important que l'ensemble des puissances, fussent-elles moyennes, témoignent une solidarité avec les États de la région afin d'éviter qu'une relation fortement déséquilibrée ne se cristallise. Nous sommes dans une phase très basse avec l'Australie. Le fait que celle-ci fut très en pointe pour demander une commission d'enquête provoque une réaction de rejet. Globalement, l'ASEAN connaît à peu près les mêmes difficultés que celles qui existent avec quelques États de l'Union européenne, du fait de leur grande perméabilité vis-à-vis de la Chine, dont ils deviennent dépendants. Il est difficile pour l'ASEAN de présenter un front parfaitement uni vis-à-vis de la Chine.

M. Christian Cambon, président. - Merci Monsieur l'Ambassadeur. Je rebondis un instant sur la question qu'a posée Olivier Cadic. L'ambassadeur de Chine en France, qui est un francophone parfait, a tenu des propos, traitant nos collègues députés de « crapauds », qui n'étaient guère bienvenus.

Je vous signale également, car elle risque de faire un peu de bruit, la parution d'un article, ce matin, dans La Tribune, mettant en cause une entreprise française qui aurait construit le laboratoire de Wuhan avec le soutien du gouvernement français de l'époque.

M. Laurent Bili. - Je trouve assez désolante la confusion d'informations rapportées à propos de ce laboratoire. Les Américains sont censés l'avoir visité à des dates où, en réalité, il n'était pas ouvert. Nous assistons à une cacophonie assez regrettable à ce sujet.

M. Christian Cambon, président. - C'est la raison pour laquelle il serait utile de nous alerter si vous disposez d'informations à ce sujet. Ce type de polémique enfle sur les réseaux sociaux.

J'ai une question qui n'est finalement pas si éloignée que cela de l'affaire de Wuhan. Au vu des moyens diplomatiques qui sont à votre disposition, estimez-vous disposer, en nombre et en qualifications, des experts nécessaires pour être encore plus attentifs, peut-être, à l'avenir, à ce qu'il pourrait se produire en matière de pandémies qui naîtraient en Chine ? A trois reprises au moins, des pandémies d'ampleur mondiale ont pris leur origine en Chine. Disposez-vous des moyens de capacités d'expertise permettant de suivre leur développement ?

M. Laurent Bili. - Il s'agit d'une question compliquée.

Le fait de disposer de deux ou trois personnes supplémentaires ou d'un virologue à l'ambassade n'aurait sans doute pas changé grand-chose, à l'échelle d'un pays comme la Chine. Je pense qu'il importe surtout de disposer d'un flux de visiteurs et de missions. Un vrai programme de recherche conjoint, concernant ce laboratoire P4 de Wuhan, qui a tout de même permis d'effectuer le séquençage de la souche du virus, me paraît plus important. C'est ainsi que nous pouvons travailler, en étant au contact de nos partenaires chinois, par des échanges réguliers. Il me paraît difficile d'avoir un dispositif qui soit pleinement adapté à ce type de défi, car le défi de demain pourrait être assez difficile. Je dispose en tout cas de toutes les personnes clés permettant de « relever les compteurs » et d'encourager les mouvements, entre la France et la Chine, permettant d'avoir une vision aussi large que possible.

Nous avons envisagé, au mois de février, de mettre sur pied une mission de haut niveau afin de travailler à des échanges. Les parties chinoises se sont montrées assez ouvertes quant à cette éventualité. La principale difficulté a finalement eu trait aux contraintes de retour - notamment de mise en quarantaine - que nous-mêmes souhaitions imposer aux visiteurs. Cela a freiné la mobilisation de cette mission, jusqu'au moment où la détérioration de la situation en France a rendu indispensables, dans l'Hexagone, les personnes que nous souhaitions solliciter.

M. Christian Cambon, président. - Je terminerai par une question que j'avais également posée à Philippe Etienne à propos du président Trump. Quels sont le niveau et la qualité des relations actuelles entre le président Xi Jinping et le président Macron ? Se concertent-ils ? Comment qualifieriez-vous, aujourd'hui, la relation entre les deux chefs d'État ?

M. Laurent Bili. - Je crois que cette relation a franchi un cap l'année dernière à la faveur des trois rencontres qui ont eu lieu au cours de l'année, en incluant le sommet du G20 à Osaka. Il existe une vraie fluidité des échanges. Cela nous aide dans la relation bilatérale. C'est un peu notre valeur ajoutée, cette capacité à parler aux uns et aux autres.

M. Christian Cambon, président. - Monsieur l'Ambassadeur, merci infiniment, à vous-même et à vos équipes, pour cette audition passionnante. La Chine demeure pour nous un objectif très important d'information, de renseignement, afin de comprendre la façon dont les choses vont évoluer au cours des mois qui viennent.

Nous sommes sensibles au niveau de coopération entre les deux pays mais voyons aussi les conséquences qu'ont eues nos politiques industrielles, qui ont parfois conduit à pratiquer des délocalisations de manière excessive. Sans doute des réajustements sont-ils à venir aux niveaux français et européen. Nous aurons aussi, dès que nous le pourrons, des missions qui reviendront en Chine car je crois que les parlementaires français ont besoin de se rendre compte, sur le terrain, de la réalité que vous venez de décrire.

Merci infiniment, Monsieur l'Ambassadeur, pour votre participation à cette audition.

La téléconférence est close à 11 h 55.

Jeudi 7 mai 2020

- Présidence de M. Christian Cambon, président -

La téléconférence est ouverte à 10 heures.

Audition de M. Olivier Brochet, directeur de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE) (en téléconférence)

M. Christian Cambon, président. - Nous auditionnons Monsieur Olivier Brochet, directeur de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE), sur les conséquences de la crise sanitaire pour le réseau des écoles et lycées français à l'étranger, dont nous savons l'influence et l'importance pour le rayonnement de la France.

Nous vous avions auditionné le 4 décembre dernier sur le plan de développement de l'AEFE à l'horizon 2030. Bien évidemment, la situation a radicalement changé. La crise sanitaire mondiale a conduit à fermer provisoirement la quasi-totalité de nos établissements scolaires à l'étranger.

Fort heureusement, une continuité pédagogique a pu être mise en place. Je veux ici saluer l'action de l'agence et celle des enseignants et de l'ensemble des équipes pédagogiques, qui s'efforcent d'assurer, autant que possible, la continuité des enseignements. Un grand nombre de familles sont en très grande difficulté face aux conséquences économiques de la crise. Certains établissements seront durablement fragilisés.

Notre commission s'est immédiatement emparée du sujet. Une récente communication de nos rapporteurs, Robert del Picchia et André Vallini, a donné l'alerte. Certains d'entre nous ont présenté des amendements au projet de loi de finances rectificative pour tenter de venir en aide à l'AEFE.

Nous avons reçu des signaux d'alerte en provenance de tous les continents. Ce sont les plus petits établissements qui sont les plus impactés. Or ces établissements sont essentiels car ce sont eux qui assurent l'universalité de notre diplomatie culturelle.

Monsieur le directeur, vous nous ferez part de votre diagnostic sur la gravité de la crise et ses conséquences possibles pour les familles et les établissements.

Un plan de soutien aux Français de l'étranger a été annoncé par le ministre de l'Europe et des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, avec qui je me suis entretenu la semaine dernière. Ce plan prévoit une avance de France Trésor à hauteur de 100 millions d'euros pour aider le réseau de l'AEFE, ainsi qu'une revalorisation de l'enveloppe des aides à la scolarité à hauteur de 50 millions d'euros. Nous saluons cette mobilisation du gouvernement. Sera-t-elle suffisante ? Quelles sont vos orientations, Monsieur le directeur, pour la mise en oeuvre de ce plan d'urgence ?

Enfin, à l'invitation du Président de la République, l'AEFE porte depuis 2018 l'objectif ambitieux de doubler le nombre des élèves du réseau d'ici à 2030. La concurrence est vive : l'enseignement local est souvent gratuit, l'enseignement anglo-saxon connaît un grand succès et l'enseignement à distance, qui profitera certainement de cette crise, sera un nouveau concurrent. Sans doute est-il encore trop tôt pour analyser toutes les conséquences de la situation actuelle. Toutefois, pensez-vous que ce plan de développement de l'enseignement français à l'étranger est encore tenable ? Ne faudrait-il pas privilégier la consolidation des établissements existants avant de mettre en oeuvre le plan d'extension ?

M. Olivier Brochet, directeur de l'AEFE. - Merci, Monsieur le Président, de m'avoir invité à intervenir devant votre commission pour faire un état de la situation. Je voudrais en profiter pour remercier le Sénat dans son ensemble et votre commission en particulier pour votre engagement aux côtés du réseau et de l'agence dans la situation particulièrement difficile que nous connaissons depuis quelques mois.

Au mois de décembre, j'étais effectivement intervenu devant votre commission pour présenter le plan de développement de l'enseignement français à l'étranger. A cette époque, le contrat d'objectifs et de moyens était en voie de finalisation avec notre ministère de tutelle. En 3 mois, tout notre environnement et toutes les perspectives de court et de moyen terme ont été bouleversés par l'apparition de la crise du Covid-19. Si la problématique est véritablement apparue en France au mois de mars, c'est dès la mi-janvier que nous avions commencé à fermer des établissements, en Chine et au Vietnam notamment. 520 établissements sur 522 ont fermé. Nous commençons à voir quelques réouvertures se profiler. Il n'en demeure pas moins que le réseau d'enseignement français doit vivre dans un environnement totalement bouleversé.

Cette crise du Covid-19 a deux impacts immédiats. Elle nous a d'abord placés face à un défi pédagogique considérable qui consistait à fournir aux familles le service qu'elles attendaient de nous. Il s'agissait de compenser la fermeture des établissements par une offre adaptée permettant de maintenir la continuité pédagogique. Le défi était considérable. Par ailleurs, certaines familles ont été directement touchées par les effets économiques de la crise du Covid-19, voyant leurs revenus s'effondrer. Ces familles se trouvent en difficulté pour payer les droits de scolarité. En effet, les établissements scolaires à l'étranger sont payants, et tous les établissements dépendent de la capacité des familles à payer les droits de scolarité. Nous avons répondu à cet impact immédiat avec des échéanciers de paiement ou via le remboursement d'un certain nombre de frais annexes que les familles avaient parfois engagés en avance. Néanmoins, les retards d'encaissement conduisent tous les établissements à se retrouver en tension croissante du point de vue de leur trésorerie. Les petits établissements sont les plus fragiles.

A moyen terme, la prochaine rentrée scolaire est encore très incertaine. Nous ne savons pas si les familles continueront de scolariser leurs enfants dans nos établissements. Nous ne savons pas non plus mesurer l'impact qu'aura la crise sur les nouvelles inscriptions dans le réseau.

L'AEFE s'est fixé quelques grands objectifs à l'égard du réseau dans son ensemble, quel que soit le statut des établissements. Notre première responsabilité a consisté à aider les équipes à relever le défi pédagogique. Personne n'était préparé à cela. Un travail considérable a été effectué depuis la mi-janvier, dès que le problème s'est posé en Chine. Nous avons accompagné tous les établissements au fur et à mesure de leur fermeture pour mettre en place une continuité pédagogique de qualité et garantir que celle-ci s'améliore dans la durée. Nous avons produit un grand nombre de fiches d'accompagnement. Nous en sommes à la 4ème édition de notre vadémécum. Les inspecteurs et les enseignants formateurs de l'agence se sont pleinement mobilisés. En 3 mois, plus de 45 000 opérations de soutien et de formation ont été accomplies au bénéfice de l'ensemble des établissements du réseau pour aider les équipes à tenir.

Bien entendu, la continuité pédagogique ne peut pas remplacer la classe. Tout le monde s'en rend bien compte. Nous devons permettre à tous les enfants scolarisés dans l'enseignement français à l'étranger d'atteindre les objectifs pédagogiques de l'année, même si c'est avec des moyens différents. Nous devons également lutter contre les risques de décrochage, qui sont notamment liés au fait que nous avons beaucoup d'enfants allophones. Je voudrais vraiment la saluer la mobilisation absolument exceptionnelle des équipes de direction des établissements et des équipes enseignantes pour relever ce défi extrêmement difficile. Une charge de travail considérable pèse sur ces équipes. Je voudrais également remercier les parents. Sans eux, il aurait été impossible de mettre ce dispositif en oeuvre. C'est une lourde charge qui pèse sur eux, d'où les quelques incompréhensions qui ont pu voir le jour sur la mise en oeuvre du dispositif. Pour autant, je pense que ce dispositif répond globalement aux attentes et aux objectifs principaux.

Plus les enfants sont jeunes et plus la mise en oeuvre du dispositif de continuité pédagogique est difficile, notamment en maternelle. L'accompagnement des publics allophones est également compliqué. Globalement, ce travail est salué par les parents, même s'ils en soulignent parfois les insuffisances.

L'agence a également eu pour mission, durant cette crise, de faire l'interface avec le ministère de l'éducation nationale et de la jeunesse, pour s'assurer que les spécificités du réseau à l'étranger étaient bien prises en compte dans l'ensemble des décisions. Nous travaillons en permanence avec les services du ministère sur la question des examens. Je veux vraiment saluer la qualité du dialogue que nous avons avec ces services.

Nous avons pris des mesures d'accompagnement pour les familles dans les EGD. Toute famille le demandant obtenait un échéancier de paiement des droits de scolarité. Parallèlement, nous n'avons pris aucune mesure dans nos établissements en gestion directe qui mettrait en difficulté les autres établissements du réseau (conventionnés ou partenaires). Ainsi, nous avons décidé de ne pas toucher aux écolages et aux droits de scolarité du troisième trimestre pour ne pas mettre en difficulté les établissements du point de vue de leur trésorerie. Il était extrêmement important pour nous d'être exemplaire en la matière. Un trimestre d'écolage dans le réseau d'enseignement français à l'étranger représente environ 650 millions d'euros. Le coût d'une mesure de réduction de 10 à 20 % aurait été considérable, sans nécessairement résoudre le problème des familles en difficulté.

Aux côtés de notre ministère de tutelle, nous avons documenté la réalité de la crise et des besoins, et travaillé à la préparation du plan d'urgence qui a été annoncé la semaine passée.

Durant toute cette période, nous avons cherché à être réactifs et inventifs, dans le cadre des lois et des règlements, ainsi que de nos moyens budgétaires. Nous étions parvenus à équilibrer nos budgets après trois années d'efforts extrêmement importants, marqués notamment par la suppression de 500 ETP à l'agence. Nous avons souhaité être parfaitement responsables vis-à-vis des familles, sans engager de promesses que nous ne pourrions pas tenir.

Des annonces ont été faites. L'abondement de 50 millions d'euros pour les bourses doit nous permettre de répondre aux difficultés des familles françaises. Les familles peuvent déposer des recours gracieux directement auprès de l'agence pour obtenir une bourse de soutien qui leur permettra de faire face aux écolages du troisième trimestre. Ce recours est ouvert aussi bien à des familles qui étaient déjà boursières qu'à des familles qui ne l'étaient pas. A ce jour, nous avons reçu environ 1 500 demandes de recours gracieux. Nous pensons que nous aurons entre 10 et 15 millions d'euros de recours gracieux à gérer d'ici la fin du mois de mai. Pour l'année prochaine, les critères pour demander une bourse ont été revus. Les commissions locales des bourses ont été prolongées jusqu'au 30 mai. Elles tiendront compte des situations auxquelles les familles sont confrontées en 2020.

L'avance de France Trésor de 100 millions d'euros doit permettre à l'agence de prendre toutes les mesures d'urgence nécessaires pour soutenir tous les établissements qui seraient en difficulté. Il s'agit d'une avance. Par principe, elle est donc remboursable. Elle ne règlera pas l'ensemble des problèmes auxquels nous sommes confrontés. Néanmoins, cette avance est extrêmement importante car elle nous met à l'abri d'un risque de crise de trésorerie.

Nous attendons les derniers arbitrages sur l'orientation de ces fonds. Le ministre ne devrait pas tarder à nous les donner. Nous nous engageons à les mettre rapidement en oeuvre, au bénéfice de l'ensemble des établissements et dans le cadre de la loi. A cet égard, il convient de distinguer les établissements conventionnés, qui se sont vus reconnaître une mission de service public et qui bénéficient de certains moyens publics, et les établissements partenaires, qui sont des établissements privés étrangers. Les établissements partenaires reçoivent essentiellement des subventions sur projet, pas des subventions de fonctionnement. Il nous faudra venir en aide à ces établissements.

La situation de l'agence nécessitera un budget rectificatif. Nous le présenterons à notre conseil d'administration en juillet. Ce budget intègrera des mesures d'économies que nous sommes en train de prendre, ainsi que des pertes de recettes, qui seront importantes. Sans aide aux familles en difficulté, les pertes de recettes des EGD pourraient s'élever à 48 millions d'euros. Nous ne savons pas quel sera l'impact sur les effectifs de rentrée dans nos établissements. Nous essayons de le mesurer. Une baisse de 5 % en moyenne des effectifs dans les EGD représenterait une perte de chiffre d'affaires de 23 millions d'euros sur l'année 2020-2021. J'espère que nous aurons une estimation plus précise de cet impact d'ici la fin du mois de mai.

L'agence utilisera tous ses outils pour soutenir les autres établissements : baisse de la participation à la rémunération des résidents, délais de paiement, annulations de la participation à la vie du réseau pour les établissements partenaires, etc.

Un grand point d'interrogation entoure l'impact de la crise sur les inscriptions dans nos établissements. Des familles pourraient ne plus être en capacité de payer les écolages. Des élèves que nous attendions pourraient ne pas venir (notamment en maternelle). Les situations sont extrêmement complexes selon les pays et les établissements. Des décisions extérieures pourraient avoir un impact très lourd. Je pense notamment à de grandes entreprises qui, dans un pays, décideraient de rapatrier la majeure partie de leurs expatriés.

Il n'y aura pas de croissance des effectifs du réseau à la rentrée prochaine mais sans doute une baisse. Une baisse de 5 % à l'échelle du réseau représenterait une perte de chiffre d'affaires de 140 millions d'euros. Toutefois, je crains que la baisse ne soit plus importante. Il nous faudra porter une attention particulière aux petits établissements, qui sont les plus fragiles. Il nous faudra également suivre de près la situation au Liban, où la crise du Covid-19 s'ajoute à la crise politique et économique. Le Liban est notre premier réseau à l'étranger avec 60 000 élèves.

Deux petites lumières émergent de ce panorama assez sombre. Une vingtaine d'établissements ont rouvert, et leur nombre progresse. Toutefois, la majorité du réseau restera certainement fermée jusqu'à l'été. La réouverture est partout compliquée, pour des raisons sanitaires, mais également parce qu'elle demande un accompagnement très précis des établissements. D'ailleurs, nous travaillons sur un vadémécum de la réouverture. Les premières expériences sont positives. Nous travaillons à trouver un consensus au sein de la communauté éducative de chaque établissement sur les conditions de réouverture.

La seconde petite lumière tient au fait que les demandes d'homologations nouvelles ou d'extensions d'homologations restent assez nombreuses. Nous avons 35 premières demandes et 53 demandes d'extension. Ces demandes sont en cours d'instruction avec les ministères. Nous espérons que le réseau comprendra quelques dizaines d'établissements supplémentaires à la rentrée prochaine.

Les objectifs globaux du plan de développement devront être repensés pour tenir compte de la situation dans laquelle nous sommes. Néanmoins, les instruments que nous avons commencé à mettre en place et les axes de réflexion qui ont été engagés restent fondamentaux. Ce plan est important pour nous donner une dynamique et nous permettre de progresser.

M. Robert del Picchia, rapporteur. - Merci pour toutes les indications que vous venez de nous donner, qui éclairent très bien la situation.

Les enveloppées annoncées par le plan sont un premier apport. En cas de nécessité, elles pourront être revalorisées. Je suis persuadé que ce sera nécessaire. Malgré ces millions, nous restons assez inquiets. Tout le monde sait que le réseau tient et fonctionne grâce aux frais de scolarité payés par les parents. Si le nombre d'élèves baisse trop sensiblement, le réseau fonctionnera mal et sa réputation en souffrira. Disposez-vous déjà d'indications sur les intentions de réinscription pour l'année prochaine ?

Les EGD auront plus de facilité à combler le manque. En revanche, la situation est très difficile pour les petits établissements qui ont le statut de partenaire. Comment pensez-vous les aider ? Selon quels critères ? Les familles françaises auront accès à des bourses. Il faudra simplement faire une campagne pour demander aux parents de déposer des dossiers l'année prochaine.

Comment les conseillers consulaires seront-ils associés à la mise en place du plan ?

Aucun établissement ne doit fermer. Pouvez-vous vous y engager ?

Il faut absolument éviter une augmentation des frais de scolarité pour l'année prochaine. Quelle est votre position sur le sujet ?

En ces temps incertains, nous pensons qu'un communiqué du Président de la République engageant fermement la volonté de la France à maintenir un réseau scolaire de qualité à l'étranger devrait être adressé à chaque famille par e-mail. Ce serait un facteur rassurant pour les parents.

M. André Vallini, rapporteur. - Les aides à la scolarité seront revalorisées. Toutefois, elles ne concernent que les familles françaises. Les élèves étrangers représentent les deux tiers des effectifs de nos établissements. Leur contribution au rayonnement de la France dans le monde et au développement de la francophonie est essentielle. Quelles mesures envisagez-vous pour aider les familles étrangères à passer le cap de la crise ? Peut-on envisager des remises généralisées sur les droits de scolarité ?

La crise a mis en lumière l'importance des outils numériques. Les établissements français étaient-ils suffisamment préparés à cette transition vers le numérique ? Quels enseignements peut-on en tirer pour l'avenir ? Ne faudrait-il pas un grand plan numérique pour nos établissements afin de les rendre plus attractifs encore ?

M. Jean-Pierre Grand. - En matière d'offre éducative et culturelle, la France doit faire face à une forte concurrence de la Chine, de la Turquie ou de la Corée du Sud, qui y consacrent des moyens techniquement très innovants et financièrement importants.

La crise sanitaire mondiale a abouti à la fermeture de nombreux établissements, menaçant l'avenir même de l'agence. Quelles solutions ont été mises en place pour les élèves confinés ? Comment l'enseignement a-t-il été dispensé ? L'agence a-t-elle engagé une politique de recherche et de développement de supports web à la hauteur de la concurrence ?

Les familles françaises représentent 38 % des 375 000 élèves. Quelles mesures envisagez-vous pour fidéliser les élèves des familles étrangères ? Mettez-vous en place une politique d'attractivité de l'agence afin de monter en puissance en termes de fréquentation ?

Face à la menace terroriste, la sécurité est une question importante, qui s'ajoute à celle de la sécurité sanitaire. Je souhaite donc vous entendre sur ce point.

Nous craignons que les crédits de France Trésor ne servent à combler un déficit de fonctionnement. Tous les établissements scolaires pourront-ils en bénéficier, quel que soit leur statut ? Les aides seront-elles réparties par priorité géographique, sachant que les établissements restent soumis à la loi du pays d'implantation ?

A Hong Kong, les cours sont interrompus depuis 3 mois. Quelles réponses seront apportées aux familles des élèves qui préparent le bac ?

Comment les aides aux familles seront-elles distribuées, alors que les établissements ne peuvent pas leur verser directement de l'argent ? Envisagez-vous un suivi et une évaluation de l'efficacité de ces aides ?

Mme Hélène Conway-Mouret. - Monsieur le directeur, nous saluons les décisions que vous avez prises, notamment pour les EGD. Vous avez tout notre soutien. Les amendements que nous déposons témoignent de notre attachement au service public. D'ailleurs, nous avons accueilli avec satisfaction les 150 millions d'euros qui ont été annoncés. Ces montants correspondent à ceux que nous avions proposés en PLFR, ce qui nous donne un nouveau motif de satisfaction concernant l'utilité du parlement.

Comment les crédits inscrits dans le plan du ministère seront-ils répartis entre les établissements ? Tous les établissements homologués sont éligibles, notamment les établissements partenaires. Ce sont des établissements privés. Certains versent même des jetons de présence aux membres de leur board. Comment parler de subvention à projet ? Pourquoi ne pas utiliser ces crédits, qui sont de de l'argent public, sous forme de prêts à rembourser pour ces établissements ? Ces aides seront-elles adossées à des principes de bonne gestion ? Les rémunérations de certains proviseurs sont parfois très étonnantes.

L'enveloppe actuelle des bourses est de 102 millions d'euros. Comment sera utilisée la rallonge de 50 millions d'euros ? Quelles sont vos estimations de la demande ? Qu'en sera-t-il de l'enveloppe des bourses pour l'année 2020-2021, alors que de nouveaux établissements pourraient être homologués ?

Enfin, comment comptez-vous aider les établissements du programme FLAM (Français langue maternelle) ? L'enveloppe des FLAM a été réduite au sein de l'AEFE. Les budgets STAFE (Soutien au tissu associatif des Français à l'étranger) ont été supprimés. Qu'adviendra-t-il de ces petites associations qui sont extrêmement importantes pour la communauté française ? Nous demandons la réinstauration des crédits FLAM à hauteur de 1,92 million d'euros.

M. Olivier Cadic. - Voilà 2 mois que la crise a commencé et nous n'avons toujours reçu aucune note de synthèse de l'AEFE sur la situation. Quand l'aurons-nous ? Je vous serais reconnaissant de nous la transmettre.

Le 14 mars, vous avez donné pour instruction de maintenir les frais de scolarité dans tout le réseau, quelles que soient les circonstances. Cette décision a choqué. Les parents attendaient un geste, il n'est pas venu. Pourtant, l'enseignement à distance ne saurait coûter la même chose que le présentiel. Les parents du lycée Charles de Gaulle de Londres, qui est un EGD, ne comprennent pas pourquoi les économies réalisées grâce au dispositif de chômage partiel ne sont pas répercutées. Dans le même temps, l'EGD de Moscou a accordé une remise de 33,3 %. Tout ceci crée du malaise. 85 % des écoles sont privées. Comme l'argent ne rentrait pas, le comité de gestion d'une école conventionnée aux Emirats Arabes Unis a décidé de prendre les choses en main : ils ont réduit leurs coûts de 10 %, prélevé 10 % sur leurs réserves et accordé une remise aux parents. Or ils ont été intimidés pour renoncer à leur initiative. L'AEFE n'aurait-elle pas mieux fait de les imiter ? La stratégie de fermeté risque d'avoir un coût. Quel montant réclamez-vous pour soutenir les 71 EGD et le siège ?

De nombreux présidents d'écoles conventionnées ont fait part des lourdeurs du système. Certains s'interrogent sur l'opportunité de renouveler leur convention. De son côté, la MLF a demandé à bénéficier des avantages offerts au lycée conventionné de Mexico. Avez-vous prévu de répondre positivement à cette demande ? Les avantages accordés à Mexico semblent bénéficier à d'autres écoles conventionnées. Combien sont dans ce cas ? Lesquelles ? Quel montant d'aide sera alloué aux écoles conventionnées et aux écoles partenaires ?

M. Richard Yung. - Nous vivons un choc extraordinairement fort. Il est très difficile de faire face, mais notre système éducatif à l'étranger a plutôt bien réagi. Le plan de soutien présenté la semaine dernière représente un effort important. A cet égard, j'ai quelques questions.

Quelles sont les règles de remboursement attachées à l'avance de 100 millions d'euros consentie par le Trésor ? Nous craignons que cette somme ne doive être remboursée dans un délai raccourci.

Avec plusieurs mois de recul, quels enseignements tirez-vous du dispositif qui a été mis en place en Chine, en Vietnam et dans d'autres pays asiatiques ?

Connaissez-vous la situation des réseaux d'enseignement à l'étranger d'autres pays (Royaume-Uni, Allemagne, Espagne...) ?

Enfin, je rejoins ce qui a été dit concernant les programmes FLAM, surtout que les sommes en jeu ne sont pas très élevées.

M. Raymond Vall. - L'AEFE est la colonne vertébrale du réseau d'enseignement français à l'étranger. Son rôle pour l'influence de la France dans le monde est fondamental.

Le bac avait été un bon cru en 2019 dans la zone Afrique, avec un taux de réussite de 95 %. Pensez-vous que le contrôle continu permettra de conserver ces bons résultats ? La continuité pédagogique a-t-elle bien fonctionné ? L'accès au numérique a-t-il été plus compliqué dans certaines régions d'Afrique ?

L'Institut français a mis différents outils à la disposition de l'AEFE afin que les enseignants puissent proposer un maximum de contenus culturels et pédagogiques sous format numérique. Voyez-vous d'autres apports possibles en vue de pérenniser la coopération entre les deux établissements ?

Mme Christine Prunaud. - En 2018, nous avions eu le plaisir de visiter le lycée français de Ramallah avec quelques collègues de cette commission. L'établissement venait d'ouvrir. Il est magnifique et j'étais très fière d'y voir flotter le drapeau français. C'est un symbole très fort. L'équipe y est formidable. Quelle est la situation actuelle de cet établissement ? Lorsque nous l'avons visité, de nouvelles sections devaient ouvrir. Sont-elles ouvertes ? Par ailleurs, je pense qu'une aide aux familles palestiniennes sur les frais de scolarité serait la bienvenue.

M. Joël Guerriau. - Alors que les établissements français sont fermés, l'enseignement d'autres langues est-il en train de prendre l'avantage ? Sommes-nous soumis à ce risque dans certains pays ? Si oui, lesquels ? Y a-t-il des pays dans lesquels nous avons fermé nos établissements alors que les établissements locaux sont restés ouverts ? Certains de nos établissements sont-ils restés ouverts durant toute la période ? Qu'en est-il de ceux qui doivent bientôt rouvrir ? Comment organiser le baccalauréat en tenant compte de ces divergences ?

M. Olivier Brochet. - Il est encore très difficile de se faire une idée des intentions d'inscription pour la rentrée prochaine. Nous voyons une diminution des intentions sur les premières inscriptions, mais pas partout. En certains endroits, il y a toujours des listes d'attente. Cela dépend des pays. Il faudra procéder à une analyse très fine. Il en va de même pour les réinscriptions. Il sera difficile d'avoir des chiffres précis avant le mois de mai.

Les familles françaises seront aidées par le dispositif des bourses, que nous souhaitons mobiliser davantage aussi bien dans l'immédiat que pour l'année scolaire à venir. L'abondement de 50 millions d'euros doit nous le permettre. Le cadre d'attribution des bourses est bien établi. J'ai proposé aux membres de la commission nationale des bourses, qui l'ont accepté, que nous repoussions la tenue de cette commission au mois de septembre, de manière à repousser la date de clôture des commissions locales et à examiner davantage de demandes.

L'objectif général est de soutenir tous les établissements pour éviter les fermetures. S'agissant des petits établissements partenaires qui seraient en difficulté, nous avons deux possibilités d'intervention : leur proposer un conventionnement temporaire pour quelques années, ce qui nous permettrait de leur verser immédiatement une subvention d'aide, voire de mettre à leur disposition des personnels que nous prendrions à notre charge, ou signer un protocole afin de procéder à des avances de trésorerie remboursables.

Concernant l'aide aux familles étrangères, les établissements (EGD comme conventionnés) pourront procéder à des annulations ou à des remises partielles sur les droits de scolarité, puis se retourner vers l'agence afin qu'elle compense ces pertes de recettes. Ceci devra être organisé dans chaque établissement avec des commissions d'examen des demandes des familles.

En matière d'outils numériques, nous n'étions évidemment pas assez prêts, mais je pense que personne ne l'était. Notre réseau était tout de même un peu mieux préparé à réagir que d'autres systèmes nationaux car nous travaillions déjà beaucoup à distance. En revanche, l'équipement des familles était extrêmement varié. Il nous a fallu jongler avec tout cela. Il est évident que nous devrons réfléchir au renforcement de nos outils numériques et à notre manière de travailler avec ces outils. Le numérique ne remplacera pas le présentiel. Toutes les familles se sont rendu compte de l'importance du lien direct entre l'enseignant et ses élèves. Néanmoins, des outils complémentaires peuvent être utiles, ne serait-ce qu'en cas de nouvelles périodes de confinement.

Nous avions pour objectif que les équipes de terrain se sentent le plus à l'aise possible dans l'usage de cette nouvelle pédagogie. L'agence est intervenue pour leur donner des conseils et des ressources. Les enseignants formateurs ont expliqué à leurs collègues de terrain comment améliorer leurs pratiques pédagogiques. Nous avons été extrêmement attentifs à ce que le recours à la visio ne serve pas simplement à régler des problèmes d'ordre pédagogique, mais qu'il permette également d'accompagner les enfants. Pour cela, nous avons aussi mobilisé les CPE.

Le recours à l'Agence France Trésor est une mesure transitoire qui nous permet de prendre les premières décisions dans l'urgence. De notre point de vue, ce ne peut pas être une mesure exclusive des mesures budgétaires qui devront venir. Par exemple, une annulation des créances sur les établissements conventionnés ne peut pas être effectuée dans le cadre d'une avance de trésorerie. Sans budget complémentaire, nous enregistrerons des pertes très importantes.

A ma connaissance, il existe une perspective de réouverture du lycée de Hong Kong le 25 mai.

Concernant le baccalauréat, nous avons travaillé avec le ministère de l'Education Nationale à définir un cadre général qui corresponde au fait que les différences seront très marquées entre les pays, selon les dates de réouverture des établissements. Le contrôle continu nous paraît le seul dispositif adapté. Le ministère de l'Education Nationale a publié une FAQ sur l'organisation des examens. Les établissements homologués ou en procédure d'homologation avancée pourront avoir recours au dispositif de contrôle continu. Au besoin, ce dispositif pourra être adapté à chaque région.

Le premier axe d'utilisation des crédits consiste à venir en aide aux familles. Les établissements du réseau pourront accorder des remises totales ou partielles aux familles en difficulté. Nous avons procédé à des estimations des montants à mobiliser. Nous affinerons les besoins chaque semaine en fonction des remontées du terrain. S'agissant des établissements partenaires, nous pourrons supprimer leurs cotisations à la vie du réseau et consentir des avances de trésorerie en cas de difficulté. Ce second point est en cours de finalisation. L'agence endossera une forte responsabilité.

Concernant les FLAM, l'agence est avant tout un organisme gestionnaire. La subvention est fixée par notre ministère de tutelle. Un abondement budgétaire supplémentaire est prévu pour l'agence afin de répondre aux difficultés rencontrées par les associations.

Les analyses que nous faisons sont remises à notre ministère de tutelle. Je ne suis pas une association loi 1901. Je ne suis pas habilité à communiquer directement les analyses en profondeur. Je communique dans la mesure de ce que je peux faire sur l'état du réseau. Je pourrai mettre cela par écrit dans les prochains jours.

Nous n'avons pas souhaité prendre, dans une urgence qui ne se justifiait pas, de décisions qui risquaient de mettre à mal d'autres établissements du réseau. J'aurais pu inviter les EGD à faire comme bon leur semblait, mais j'aurais immédiatement mis en difficulté d'autres établissements. Il était inenvisageable de prendre ce type de décision tant que nous n'étions pas certains de pouvoir accompagner les autres établissements, notamment les établissements partenaires. Aux Emirats Arabes Unis, un établissement conventionné a pris des décisions seul, ce qui a placé des établissements partenaires en grande difficulté. J'espère que les moyens qui nous seront donnés nous permettront d'accompagner l'ensemble des établissements.

Concernant l'établissement de Moscou, nous n'avons pas décidé de baisser les droits de scolarité en lien avec le Covid-19. Nous avons tenu compte de l'effondrement du rouble face à l'euro, qui a entraîné une forte augmentation des droits de scolarité en roubles payés par l'immense majorité des familles de cet établissement. Les droits de scolarité ont baissé en euros, mais pas en roubles.

S'agissant de l'EGD de Londres, les parents ont fait des propositions. Je les ai reçus. Nous construisons une réponse solide et cohérente pour l'ensemble des familles. Aucune décision irréversible n'a été prise depuis que la crise est apparue.

Les 100 millions d'euros d'avances ne seront pas particulièrement fléchés. Cette somme sera utilisée au bénéfice de l'ensemble du réseau. La MLF a fait des propositions assez traditionnelles, qui méritent une discussion approfondie car elles remettraient en cause le fonctionnement du réseau tel que prévu par la loi de 1990.

Les règles de remboursement des avances France Trésor sont en train d'être précisées. Normalement, les AFT doivent être remboursées dans l'année qui suit leur émission.

Il n'existe pas beaucoup de réseaux comparables au réseau français, si ce n'est le réseau allemand. Il affronte les mêmes difficultés que nous. La directrice de ce réseau m'a confié être impressionnée par notre réactivité en matière de continuité pédagogique et par le soutien que nous avons apporté à nos établissements. Les établissements anglo-saxons ne sont pas du tout organisés en réseau.

Je ne doute pas que le contrôle continu confirmera les bons résultats de nos élèves au baccalauréat. Nous avions des craintes sur la mise en oeuvre de la continuité pédagogique en Afrique. Nous avons été très agréablement surpris. Nous avons rencontré quelques problèmes locaux, mais pas de problèmes majeurs. La continuité pédagogique s'est bien mise en place en Afrique.

La convention qui nous lie à l'Institut français est en cours de renouvellement, comme d'autres conventions qui nous lient à des opérateurs du ministère de l'Education Nationale.

Je ne connais pas la situation actuelle du lycée de Ramallah, mais je vous répondrai par écrit.

A ma connaissance, il n'y a qu'en Suède que nous avons fermé notre établissement alors que d'autres établissements sont restés ouverts. Cet établissement rouvrira bientôt.

M. Ronan Le Gleut. - Quel est l'impact de la crise actuelle sur la création des 16 instituts régionaux de formation (IRF) ? Qu'en sera-t-il du nouveau schéma pluriannuel de stratégie immobilière (SPSI) des EGD, le schéma actuel arrivant à terme en 2020 ?

M. Jean-Marc Todeschini. - Vous avez évoqué une perte de chiffre d'affaires de 23 millions d'euros. Quel est le coût réel de la crise, qui ira forcément au-delà ?

Le sauvetage des établissements français à l'étranger est indispensable à court et long terme, surtout dans un système très concurrentiel. Le troisième trimestre sera crucial. Les familles font face à de grandes difficultés. Vous avez évoqué des recours gracieux de 10 à 15 millions d'euros, et une baisse des inscriptions à l'échelle du réseau de 5 %. Avez-vous envisagé un gel des frais de scolarité ? N'est-il pas nécessaire d'envoyer un signal fort aux établissements conventionnés ? Ne pouvons-nous pas craindre une série de déconventionnements en chaîne ?

Dans quels domaines seront effectuées les économies annoncées ? Quel sera l'impact sur les détachements d'enseignants ?

M. Jean-Pierre Vial. - Vous avez évoqué la situation particulièrement difficile du Liban. Permettez-moi d'y associer la Syrie, où le seul établissement prestigieux encore ouvert est le lycée Charles-de-Gaulle. Les parents sont très inquiets d'une possible augmentation des frais de scolarité de 115 % compte tenu de l'effondrement de la monnaie locale. Est-il envisageable de répondre à ces inquiétudes de manière spécifique ?

M. Olivier Brochet. - La création de 16 IRF reste notre objectif, et nous y travaillons. Nous avons pris un peu de retard depuis 2 mois. Nous comptons bien mettre en place ces IRF, au sens administratif du terme, au 1er janvier prochain. La qualité de l'enseignement que nous assurons sera un élément déterminant de notre résilience.

Nous revoyons l'ensemble des projets immobiliers. Dans un certain nombre de pays, les chantiers ont été arrêtés. Certaines charges pourront être reportées. Nous proposerons de prolonger d'un an le SPSI en cours, ce qui nous donnera davantage de temps pour préparer le futur SPSI, qui tiendra évidemment compte de la nouvelle réalité économique. Il nous faudra tout de même rester dans une logique d'investissements.

A ce stade, il est difficile d'avoir une vision précise du coût de la crise. Une baisse de 5 % des effectifs à la rentrée prochaine représenterait 23 millions d'euros de recettes en moins dans les EGD, 50 millions d'euros de recettes en moins dans les établissements conventionnés et 68 millions d'euros de chiffre d'affaires en moins dans les établissements partenaires, soit un total de 142 millions d'euros pour le réseau. J'espère que nous n'en arriverons pas là, mais je ne peux rien exclure.

Le gel des droits de scolarité est une option. J'attends les derniers arbitrages. D'autres mesures pourront être envisagées pour aider les familles.

Le Liban est un sujet de préoccupation. L'immense majorité des établissements sont des partenaires locaux. Nos moyens d'intervention sont donc contraints. Toutefois, nous ne pouvons pas laisser ce réseau historique et fondamental s'affaiblir.

En Syrie, le lycée Charles-de-Gaulle n'a plus de relation officielle avec l'agence. Les personnels qu'il emploie ne dépendent pas du ministère de l'Education Nationale.

M. Christian Cambon, président. - Merci, Monsieur le Directeur, pour l'ensemble de ces précisions et pour tous les éléments d'information que vous nous avez apportés. Vous savez toute l'importance que nous attachons aux conditions dans lesquelles les établissements de l'AEFE pourront traverser la crise. Vous en avez souligné les impacts budgétaires et les répercussions sur les familles. Nous sommes à votre disposition pour vous aider lorsque viendront les textes budgétaires. Nous sommes très attentifs à cette politique qui contribue au rayonnement de notre pays.

La téléconférence est close à 11 h 30.

Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo disponible en ligne sur le site du Sénat.