Mercredi 15 avril 2020

- Présidence de M. Christian Cambon, président -

La téléconférence est ouverte à 16 h 30.

Audition de M. Jean-Yves Le Drian, ministre de l'Europe et des affaires étrangères (en téléconférence)

M. Christian Cambon, président. - Monsieur le ministre, je vous remercie de vous être rendu disponible pour faire ce point sur la situation internationale avec notre commission. Je veux d'abord vous remercier personnellement : vous avez accompli l'exploit d'extraire plus de 150 000 Français de 140 pays en quelques semaines. Bien des problèmes ont pu être réglés grâce à votre engagement personnel. Veuillez transmettre nos remerciements à tout le personnel diplomatique, qui, malgré les contraintes budgétaires subies, s'est montré à l'écoute des Français vivant ou séjournant à l'étranger. Nous n'oublierons pas ce moment.

Vous allez évoquer devant nous l'état du monde, qui ne s'arrange pas : le Covid-19 est une sorte d'accélérateur géostratégique de toutes les menaces à l'oeuvre qui porte un coup au système multilatéral de l'après-guerre, comme en témoigne la décision dommageable du Président Trump de suspendre la contribution américaine à l'Organisation mondiale de la santé (OMS).

Vous nous retracerez l'action que vous menez en direction des Français à l'étranger ; vous attendez une deuxième vague de retours, depuis l'Afrique, l'Amérique latine, mais aussi l'Asie, où il y a encore beaucoup de jeunes Français.

Nous souhaitons ensuite connaître votre jugement sur la coordination européenne face à cette crise. Nous sommes par ailleurs très inquiets des conséquences sanitaires, économiques, sociales et politiques de la pandémie en Afrique, ainsi que de l'impact qu'elle peut avoir sur les régions qui connaissent déjà des crises de sécurité, que ce soit en Syrie, en Libye, en Irak, au Liban ou encore en Ukraine.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre de l'Europe et des affaires étrangères. - Je suis très heureux d'avoir cette occasion de converser avec vous. Dans cette période difficile, il est important de garder ce lien de compréhension mutuelle.

Je veux évoquer la situation des Français à l'étranger, puis celle des Français de l'étranger - la distinction est importante.

Il nous a fallu en premier lieu permettre à nos compatriotes en déplacement personnel ou professionnel de rejoindre le territoire national alors même que le trafic aérien international était de plus en plus limité et que les frontières et les aéroports de bien des pays fermaient. En dépit de situations difficiles, nous avons fait en sorte que 166 000 personnes rentrent de 140 pays différents. Il a fallu pour ce faire affréter des vols, téléphoner à des ministres, voire à des chefs d'État, mais nous sommes presque parvenus à la fin de cette étape, même si quelques complications sont encore possibles. Je pense notamment aux jeunes qui se trouvent en Australie ou en Nouvelle-Zélande dans le cadre d'un programme vacances-travail ; du fait du confinement, ils se retrouvent parfois sans activité et sans ressources. Nous les avons invités à se manifester auprès de nos consulats et nous avons mis en place des vols à tarifs attractifs pour leur permettre de rentrer en France ; ceux qui veulent rentrer pourront le faire.

Ce rapatriement global a pu se dérouler grâce à notre bonne relation avec Air France, mais aussi à la coopération d'autres compagnies aériennes, notamment Qatar Airways et Ethiopian Airlines. Dès la semaine prochaine, ce sera une nouvelle donne. Les compagnies aériennes ont réduit considérablement leurs liaisons et se sont repliées sur un réseau squelette ; nos ressortissants encore présents à l'étranger devront donc prendre d'autres dispositions. J'apprécie en tout cas vos remerciements : notre centre de crise et les postes diplomatiques ont su faire face et accomplir leur devoir.

Concernant les Français résidant à l'étranger, nous leur avons généralement conseillé de rester sur place et de respecter les mesures de confinement prises par les autorités locales. Environ 3,5 millions de personnes sont concernées ; la crise actuelle est d'ailleurs pour elles une bonne occasion de s'inscrire au registre des Français de l'étranger tenu dans chaque consulat. Nous leur conseillons aussi de nous faire connaître leurs éventuelles vulnérabilités sanitaires. À la demande du Président de la République, nous travaillons à la mise au point d'un dispositif de soutien médical et, éventuellement, d'évacuation sanitaire, afin de les rassurer. Ce dispositif sera différent selon les pays. Dans chaque pays vulnérable, nos ambassadeurs feront connaître aux expatriés toutes les mesures susceptibles d'assurer leur protection.

Il importe que nous puissions garder notre influence dans ces pays. La sécurisation de nos concitoyens qui y résident doit par conséquent être non seulement sanitaire, mais aussi éducative et sociale. L'enseignement doit être maintenu, notamment au sein des établissements de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE). Nous apprécions la continuité pédagogique assurée par tous leurs enseignants restés sur place, qui ont fait montre de professionnalisme et de loyauté envers la communauté française et les autres enfants placés sous leur responsabilité. Cela aussi fait partie de l'influence de la France.

Nous nous soucions particulièrement de trois aspects de notre système éducatif à l'étranger : les bourses existantes, l'aide sociale apportée à certaines familles rencontrant aujourd'hui des difficultés, mais aussi les problèmes financiers qui touchent certains établissements. Nous allons mettre en place dans les jours qui viennent, à la demande du Président de la République, un plan d'urgence visant à apporter un soutien massif à tout le réseau et à garantir ainsi sa continuité. Nous le rendrons public dans les plus brefs délais, de même que le dispositif sanitaire ; certaines mesures requerront des traductions législatives et budgétaires.

J'en viens à la réponse européenne à la crise.

La machine a connu un léger retard à l'allumage, comme Mme von der Leyen l'a reconnu elle-même. Il y a eu du retard dans la solidarité, parce que l'ampleur de l'épidémie a surpris et désarçonné tout le monde, mais aussi parce que la santé ne fait pas partie des compétences ordinaires de l'Union européenne. Devant l'urgence, les États ont d'abord réagi en ordre dispersé. Néanmoins, ce retard a été largement rattrapé. Des actes de solidarité concrète ont vite eu lieu : nous remercions nos voisins allemands, suisses, autrichiens ou encore luxembourgeois d'avoir pris en charge des malades français. Nous avons pu collaborer pour les rapatriements, par le biais d'un mécanisme européen de protection civile qui s'est avéré efficace. Nos instruments conjoints d'appui humanitaire et d'aide au développement ont été mobilisés.

Surtout, toutes les institutions européennes ont été au rendez-vous de la réponse économique à la crise, de la Commission à la Banque centrale européenne (BCE) et à la Banque européenne d'investissement (BEI). La BCE a très tôt procédé au rachat de 750 milliards d'euros d'actifs ; des commandes groupées d'équipements de protection ont été passées très vite. L'UE a levé des tabous et pris des décisions qui, auparavant, auraient été jugées impossibles ou irresponsables : les règles du pacte de solidarité et celles relatives aux aides d'État ont été assouplies. L'Eurogroupe de la semaine dernière a acté l'engagement de 540 milliards d'euros supplémentaires au travers de la BEI et de la mobilisation du mécanisme européen de stabilité ; l'initiative Sure aidera en outre les États à financer le chômage partiel. Cela sera complété par la mise en place du fonds de relance souhaité par la France, qui avait suscité des oppositions. Ce fonds, d'un montant d'environ 500 milliards d'euros, permettra d'engager ensemble les investissements nécessaires pour sortir de la crise économique une fois la pandémie jugulée.

Je suis convaincu que ce plan de réponse global sera validé au Conseil européen du 23 avril prochain et que cet épisode amènera l'Europe à se montrer plus pragmatique, plus réactive, plus solidaire, mais aussi plus souveraine dans ses décisions. La crise peut être un accélérateur de refondation ; elle permet en tout cas des actes que l'Union n'avait jamais osé entreprendre.

Concernant l'Afrique, je tiens d'abord à condamner avec la plus grande fermeté, comme le Président de la République ce matin, les propos humainement et moralement scandaleux que j'ai entendus sur de prétendues expérimentations qui pourraient se mener sur ce continent.

Nous considérons la situation sanitaire en Afrique sans catastrophisme, mais avec une extrême vigilance. La pandémie y est plus tardive qu'en Europe - on ne compte encore que 816 morts -, mais la vague monte et la quasi-totalité des pays est désormais touchée. On connaît la fragilité des systèmes de santé africains, les difficultés d'acheminement des médicaments, le manque de ressources et de personnel médical. Par ailleurs, les mesures de confinement peuvent avoir un effet dévastateur sur la part importante de la population qui tire ses ressources de l'économie informelle. Il est de notre devoir, en tant que bons voisins et amis, d'agir pour aider l'Afrique à faire face, mais c'est aussi dans notre intérêt. C'est un impératif sanitaire : nous devons écarter la menace d'un effet boomerang dans les prochains mois. C'est aussi un impératif sécuritaire : les terroristes ne sont pas confinés, ils continuent à frapper. Il importe donc que nous continuions à aider l'Afrique de manière très vigoureuse.

Je suis impressionné par la prise de conscience de l'enjeu par les autorités africaines, qui ont pris des mesures précoces de grande ampleur. J'ai également été frappé par la qualité de l'appel lancé par le Président de la République et relayé par de nombreux chefs d'État ou de gouvernement européens et africains : les actions proposées sont extrêmement fortes, ce doit être un grand sursaut.

Il faut soutenir et accompagner les efforts des États africains dans le domaine sanitaire. C'est pourquoi j'ai décidé de réorienter immédiatement 1,2 milliard d'euros de l'aide française au développement vers les enjeux sanitaires et alimentaires, afin de renforcer les systèmes de soins et les capacités de détection. L'Europe a également pris des initiatives ; Mme von der Leyen a annoncé la mobilisation de 15 milliards d'euros pour les pays en difficulté. Le compte n'y est pas tout à fait pour l'Afrique, mais nous allons continuer de travailler. Nous agissons enfin en collaboration avec l'OMS et le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme, pour que le multilatéralisme soit présent et efficace sur le terrain. Nous avons négocié un accord particulier avec le Fonds mondial pour que 5 % des sommes qui lui ont été remises puissent aller à l'assistance technique aux États, qui pourraient alors bénéficier de son important réseau.

Le secteur scientifique africain ne doit pas non plus être négligé ; il permettra, en relation avec les antennes de l'Institut Pasteur, d'accélérer la recherche sur les vaccins, en lien avec l'Alliance globale pour les vaccins et l'immunisation (GAVI) et l'OMS. Ces collaborations seront essentielles pour garantir qu'un vaccin soit disponible en Afrique, mais aussi aider à l'innovation.

La troisième priorité de notre action pour l'Afrique est l'urgence humanitaire. La restriction des transports et les fermetures de frontières engendrent des difficultés de ce point de vue. Nous allons donc mettre en place, à l'échelle européenne, un pont aérien humanitaire pour répondre à l'appel à la mobilisation lancé par le secrétaire général des Nations unies.

Enfin, le quatrième pilier de cette action est économique. Vous avez entendu l'appel relatif à la dette qu'a lancé le Président de la République en réponse aux initiatives des ministres des finances africains. Hier soir, une première étape a été franchie : les créanciers publics et privés bilatéraux se sont mis d'accord pour un premier moratoire de 20 milliards de dollars au sein du club de Paris ; le G20 a aussi validé cet accord. La Chine, devenue ces dernières années l'un des principaux créanciers des pays africains, a pris part à cet accord, ce qui représente un acte historique de sa part. Il faudra que les institutions multilatérales répondent à la même logique de manière à élargir ce dispositif ; parallèlement, conformément aux engagements du Président de la République, nous nous organiserons pour une annulation nette de la dette des pays pour lesquels cela s'avérera nécessaire. Ce qui paraissait récemment impossible se met en place ! Mentionnons aussi la mobilisation des droits de tirage spéciaux par le Fonds monétaire international.

Je veux à présent faire un tour d'horizon des crises internationales en cours. Le 23 mars, le secrétaire général des Nations unies a lancé un appel au cessez-le-feu mondial, auquel le pape François a fait écho le jour de Pâques. Malheureusement, malgré les efforts diplomatiques, les crises se poursuivent dans la violence.

Dans la région d'Idlib, au nord-ouest de la Syrie, l'accord conclu le 5 mars entre la Russie et la Turquie est toujours en vigueur, mais ni le régime de Bachar Al-Assad ni la Russie n'ont renoncé à l'ambition de reprendre leur offensive le moment voulu. Comme rien n'avance à Genève, Idlib reste une poudrière sanitaire : les personnes déplacées en particulier courront un risque énorme quand l'épidémie les atteindra. Nous travaillons à obtenir des dérogations pour que l'aide médicale et humanitaire parvienne dans cette zone.

En Libye, pendant la crise sanitaire, les combats continuent. La trêve conclue il y a trois semaines est restée lettre morte, le processus de Berlin est encalminé. Des offensives ont été lancées sur la bande côtière par le gouvernement dit « d'entente nationale », avec le soutien de la Turquie ; des villes, notamment Sabratha, ont été reprises à l'Armée nationale libyenne du maréchal Haftar. Celle-ci a riposté, les combats se poursuivent. Il faut que les causes profondes du conflit fassent enfin l'objet de négociations : un remplaçant doit être trouvé à M. Ghassan Salamé ; on doit désarmer les milices et faire partir les mercenaires ; les ressources pétrolières doivent être justement réparties. L'embargo sur les armes doit être respecté ; c'est l'objet de l'opération Irini, qui va bientôt se mettre en oeuvre et dont la France sera le plus grand contributeur.

Au Yémen, un cessez-le-feu de deux semaines a été annoncé par la coalition menée par l'Arabie saoudite, mais on relève de nombreuses violations de part et d'autre. Il est d'autant plus urgent de le faire respecter que les premiers cas de Covid-19 viennent s'ajouter au choléra dans un pays dont le système de santé est déjà dévasté. Nous soutenons les efforts de M. Martin Griffiths en la matière.

L'Irak, pour sa part, fait face à une accumulation de défis majeurs : une crise sanitaire - l'épidémie y a commencé -, une crise économique, du fait de l'effondrement des prix du pétrole, dont ce pays est très dépendant, une crise sécuritaire, liée aux tensions croissantes entre l'Iran et les États-Unis, enfin une crise politique interne, qui voit la poursuite de manifestations et une vacance institutionnelle : M. Al-Kadhimi a été chargé de former un gouvernement, mais nul ne sait s'il y parviendra. La lutte contre Daech demeure notre priorité, mais elle est entravée par la situation politique interne régionale. Il faut faire preuve d'une grande vigilance, l'organisation terroriste se réorganisant et demeurant très active, du moins dans sa propagande.

Au Liban, enfin, la crise économique et politique qui sévit depuis octobre se voit désormais aggravée par la crise sanitaire. J'ai des discussions régulières avec mon homologue libanais. Je lui transmets un message clair : au-delà des annonces du nouveau gouvernement, il faut que les actes soient au rendez-vous ; c'est indispensable pour restaurer la confiance dans les autorités politiques libanaises. Toutefois, le statu quo domine, les réformes urgentes ne sont pas engagées, la moitié de la population est maintenant sous le seuil de pauvreté et l'évolution économique est très préoccupante. L'arrivée du Covid-19 ne peut qu'aggraver encore la situation.

Les situations conflictuelles se poursuivent donc, ce qui rend urgente l'adoption par le Conseil de sécurité des Nations unies d'une résolution robuste qui fixerait le cadre d'une trêve humanitaire générale pour la durée de la pandémie. Nous travaillons à cette fin depuis quelques semaines avec les membres permanents du Conseil de sécurité. Une réunion des chefs d'État de ces pays pourrait se tenir bientôt.

M. Pascal Allizard, au nom du groupe Les Républicains. - Pourriez-vous nous rappeler quelles informations ont été fournies au Quai d'Orsay par notre ambassade en Chine au sujet du Covid-19 au début de l'épidémie, à la fin de 2019 et au début de 2020 ? Comment ces informations ont-elles été exploitées ?

Des appels à la solidarité ont été lancés, mais les luttes d'influence entre puissances perdurent. Le pays d'origine de la pandémie est le premier producteur mondial d'équipements sanitaires, le deuxième contributeur d'aide au développement et le créancier principal de beaucoup de pays. Comment la France se situe-t-elle par rapport aux autres pays européens dans la gestion de la pandémie ? Vous avez convoqué l'ambassadeur de Chine. Qu'est-il ressorti, concrètement, de cet entretien ?

Concernant l'aide publique au développement, le Président de la République a annoncé l'annulation de la dette des pays les plus pauvres. Quels pays seront concernés et quel sera le coût de cette mesure pour l'Agence française de développement (AFD) ? À ce propos, cette agence a participé au financement de l'entretien du sarcophage de Tchernobyl. Quel bilan faisons-nous de l'utilisation de ces fonds ? Des incendies semblent menacer celui-ci ; de quelles informations crédibles disposez-vous quant à cela ?

Enfin, les États-Unis suspendent leur participation au financement de l'OMS au prétexte du manque de transparence de cette organisation, qui serait dû à l'influence chinoise. Notre représentation diplomatique à Washington vous avait-elle informé de cette tendance ?

M. Michel Boutant, au nom du groupe socialiste et républicain. - L'Union européenne est à la croisée des chemins : soit elle viendra à bout du virus, soit le virus viendra à bout de l'Union ! On a assisté à une valse-hésitation entre les pays du nord et du sud de l'Europe au sujet des coronabonds, dont on a finalement compris qu'ils ne seraient pas émis. En revanche, un plan de relance de 540 milliards d'euros a été adopté. À quelles conditions l'accès à ces fonds sera-t-il soumis ? Face à l'irruption du virus en Europe, les réactions ont d'abord été nationales ; il n'y a pas eu d'unité d'action sanitaire. Si l'Europe ne se montre pas solidaire, elle aura un avenir bien sombre. Pouvez-vous nous rassurer ? Le volet social du plan de relance est-il assuré ?

Vous avez rencontré hier matin l'ambassadeur de Chine. Nous aurions bien aimé être de petites souris pour y assister ! L'activisme chinois nous donne l'impression de s'enflammer. Alors que le G20 envisage de suspendre les dettes de 76 pays, dont 40 en Afrique, la Chine continuerait impunément de leur prêter de l'argent. Y aurait-il deux poids deux mesures ? On voit bien l'influence de la Chine sur le modèle de développement de ces pays. La situation actuelle va-t-elle conduire l'Europe à modifier la manière dont elle pratique l'aide au développement ?

Enfin, je m'interroge sur les établissements publics d'enseignement français à l'étranger. Presque tous sont fermés, mais ils semblent persister à demander le paiement de frais de scolarité très élevés, alors que les familles peuvent rencontrer des difficultés financières. Qu'en est-il ? Que prévoyez-vous pour aider à la fois ces établissements et les familles ?

M. Olivier Cadic, au nom du groupe Union Centriste. - Comme Français de l'étranger, je salue, depuis mon domicile au Royaume-Uni, votre action dans ce rapatriement d'une ampleur inédite.

Vous venez d'annoncer un plan à destination du secteur éducatif. Prévoit-il d'abonder les bourses dans le cadre du programme 151 ? Avez-vous prévu un complément pour les écoles du réseau de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger dans le cadre du programme 185 ?

Au nom de mon groupe, je vous remercie d'avoir convoqué l'ambassadeur de Chine après les propos inacceptables qu'il a tenus. Le 20 janvier, le site de l'ambassade avait déjà comparé certains parlementaires français à « des crapauds qui nous sauteraient sur le pied ». Depuis ce week-end, le site de l'ambassade affiche un texte prétendant que « les autorités taïwanaises, soutenues par plus de quatre-vingts parlementaires français dans une déclaration cosignée, ont même utilisé le mot «nègre» pour s'en prendre au directeur général de l'OMS ». Cette fake news illustre la situation que Rachel Mazuir et moi-même analysons dans la note Désinformation, cyberattaques, cybermalveillance : l'autre guerre du Covid-19, que nous remettrons demain. Nous y recommandons la mise en oeuvre d'une force de réaction cyber pour lutter contre les fausses informations sanitaires et les campagnes d'influence de certains acteurs étrangers. Avez-vous obtenu des excuses de l'ambassadeur ? Je constate que ces propos sont toujours en ligne, avez-vous demandé leur retrait ?

Nos compatriotes qui vivent à l'étranger, notamment hors d'Europe, s'interrogent quant à la fermeture des frontières européennes annoncée par le Président de la République. Nombre d'entre eux souhaitent pouvoir rentrer pour des raisons sanitaires, mais les avions sont très peu nombreux, et ils doivent demander au consulat de leur permettre d'accéder aux rares sièges disponibles. Il en va de même s'agissant de l'approvisionnement en médicaments : il y en a peu, alors que les demandes sont massives. Le plan sanitaire que vous évoquez concerne-t-il ces compatriotes ?

Enfin, les étudiants et les jeunes actifs en volontariat international en entreprise (VIE) qui souhaitent rentrer en France depuis les États-Unis doivent s'acquitter de leur loyer, car leur bail ne peut être résilié qu'à son échéance. Mes échanges avec certains bailleurs américains m'ont indiqué que, pour rompre leur contrat de location, les intéressés doivent fournir un document consulaire attestant de la situation d'obligation dans laquelle ils se trouvent. Pourriez-vous mettre en ligne une telle attestation ?

M. Richard Yung, au nom du groupe La République En Marche. - À mon tour, je vous remercie du travail effectué pour rapatrier plus de 160 000 Français de l'étranger.

Je m'inquiète moi aussi pour le système éducatif français à l'étranger. Celui-ci doit être maintenu, mais la situation présente une difficulté : les deux tiers de ses élèves sont étrangers. Les efforts à faire doivent être mesurés à cette aune, car, sans ces élèves, il n'y aurait plus de système scolaire français à l'étranger.

Vous avez évoqué l'appel du 23 mars du secrétaire général de l'ONU, relayé par la France. Le Président de la République a déclaré que son endossement formel par les membres du Conseil de sécurité était à portée de main, mais qu'il manquait l'accord de la Russie. Peut-on espérer l'obtenir ? Est-ce bien sur cet appel que se base le projet de résolution de la France, qui demande une cessation des hostilités et une pause humanitaire et qui a été validé par les présidents chinois et américains ainsi que par le Premier ministre britannique ?

Devant nos collègues de l'Assemblée nationale, vous avez évoqué la réflexion en cours, menée par l'Alliance pour le multilatéralisme, sur la création d'une Haute Autorité mondiale de la santé, comparable au groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC), et travaillant avec l'OMS. Nos partenaires ont-ils accueilli favorablement cette idée ?

Enfin, j'imagine que votre conversation avec l'ambassadeur de Chine a été fraîche, mais le texte publié sur son site prétendait rétablir des faits alors qu'il ne contenait que des calomnies. Je suis un des quatre-vingts parlementaires dont il est question, et je n'ai pas souvenir d'avoir signé les propos qui nous sont prêtés. Considérez-vous que vos échanges ont été constructifs et faut-il en attendre une suite positive ?

M. Jean-Noël Guérini, au nom du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. - Le Président de la République n'a pas avancé de calendrier s'agissant de l'ouverture des frontières avec les pays hors de l'espace Schengen. Cela doit-il faire l'objet d'une décision commune européenne ? Quels contrôles seront mis en place ? Imposera-t-on une quarantaine à tout citoyen français de retour ? Qu'en sera-t-il des étrangers ?

Dans son intervention, le Président de la République a plaidé pour une annulation de la dette des pays africains. Comment entendez-vous négocier avec les banques et les organisations internationales pour y parvenir ? Par ailleurs, des sommes importantes vont être débloquées pour accompagner ces pays ; quels moyens de contrôle seront-ils mis en oeuvre ?

La gestion de la crise par l'OMS a suscité de fortes critiques, notamment de la part des États-Unis, qui ont mis un terme à leur financement. Quel regard la France porte-t-elle sur les choix de cette organisation ?

M. Pierre Laurent, au nom du groupe communiste républicain citoyen et écologiste. - Je vous félicite à mon tour pour le succès de ce rapatriement. Il reste toutefois un point de difficulté concernant les camping-caristes français présents au Maroc. M. Lemoyne affirmait que le problème était en passe d'être réglé, mais l'inquiétude persiste parmi les personnes concernées, et le dialogue avec l'ambassade est compliqué.

La crise du multilatéralisme préexistait à la pandémie, mais celle-ci la met en exergue. À ce sujet, je suis frappé que les appels du secrétaire général de l'ONU soient si peu repris en France, le Président de la République lui-même ne les évoque pas. Ne faudrait-il pas diffuser davantage cette parole et y souscrire, d'autant plus que la décision américaine à propos de l'OMS est indécente et scandaleuse ? Il est à la mode de relayer des propos désobligeants à l'égard de l'OMS, alors qu'il faudrait la consolider, voire la réformer. Comment la France aborde-t-elle cette situation et que comptez-vous faire pour protéger cette organisation mondiale ?

Sur la dette africaine, il semble que le mouvement se confirme, mais ne faudrait-il pas compléter cet effort en réfléchissant aux codes d'investissement en Afrique, lesquels privent les pays concernés de ressources fiscales, car les entreprises internationales sont exonérées d'impôts ? Ces pays ont besoin, pour construire leurs systèmes sanitaires, que leurs recettes fiscales soient restaurées et que la coopération soit envisagée autrement.

M. Robert Laufoaulu, au nom du groupe Les Indépendants - République et Territoires. - La France est présente sur tous les océans et lutte contre l'épidémie. Celle-ci va arriver avec quelques semaines de retard, mais nos territoires y feront face avec des moyens plus importants que ceux dont disposent nos voisins, avec lesquels la France demeure liée. Le rôle de notre pays est important, le Gouvernement envisage-t-il d'accueillir des malades venant de ces pays dans les hôpitaux de nos communautés ?

Un cyclone a récemment ravagé certains archipels du Pacifique, quelle aide apportez-vous au Vanuatu, un pays dont nous sommes proches et qui essaie de se reconstruire tout en se protégeant du coronavirus ?

Enfin, quelle est l'implication de la France dans le dispositif issu de l'accord Franz, qui la lie à l'Australie et à la Nouvelle-Zélande pour l'aide aux archipels du Pacifique ?

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. - Monsieur Allizard, nous avons été informés de l'épidémie en Chine par notre consul général à Wuhan au mois de janvier. Nous nous sommes alors organisés pour rapatrier nos compatriotes dans de bonnes conditions. Je souligne d'ailleurs que notre consul général et son équipe sont les seuls à être restés sur place, avec un entourage médical. Je tenais à leur rendre hommage.

Vous avez pris connaissance de mon communiqué. J'ai considéré que, dans le récit de l'ambassadeur de Chine en France, certains mots étaient inacceptables, et je le lui ai fait savoir. J'ai lu avec intérêt ce matin la réaction du ministère chinois des affaires étrangères, qui a longuement répondu en indiquant que la Chine ne fera pas de commentaires sur l'inadaptation de la réponse française à l'épidémie, qu'elle se tient aux côtés de la France face à ce défi, qu'elle a remarqué que, sous la direction du président Macron, le Gouvernement a promu des gestes barrières largement soutenus par le peuple et qui aboutissent à des résultats positifs. Il ajoute : « Nous faisons sincèrement l'éloge de cette action, nous soutenons la France dans la mise en oeuvre de mesures fortes en fonction de sa propre situation, et nous avons la conviction que la France vaincra sans aucun doute l'épidémie prochainement. » Je prends acte de cette déclaration, et je n'ai pas de commentaire à faire.

Au-delà de cela, nous avons avec la Chine une relation de clarté et de fermeté. Ce pays veut établir un nouveau multilatéralisme - c'est un concept que nous partageons -, mais il a tendance à ne l'envisager que dans un seul sens. C'est un interlocuteur incontournable avec lequel nous entretenons un dialogue franc et constructif sur trois séries de sujets, liés à l'établissement de ce nouveau multilatéralisme, sur lesquels nous sommes parfois en accord et parfois en désaccord : la réciprocité économique et commerciale, le climat et la biodiversité et, enfin, la convergence entre l'initiative des nouvelles routes de la soie et la stratégie européenne de connectivité. Nous respectons la souveraineté de la Chine, celle-ci doit également respecter notre souveraineté, notre unité et notre présence européenne collective. Comme vous l'avez constaté, nous disons ce que nous pensons. En outre, nous avons des discussions très étroites sur la crise du coronavirus - je parle moi-même régulièrement avec mon homologue M. Wang Yi pour résoudre diverses questions, s'agissant, notamment, des capacités en masques.

Je n'ai pas d'information sur l'évolution de la situation à Tchernobyl et sur les incendies dans les environs du site, mais, à ma connaissance, l'aide publique au développement n'a pas servi à la construction de la centrale.

Le Président de la République a indiqué que l'effacement de la dette concernerait les pays les plus en difficulté. Nous ne les avons pas encore identifiés, mais nous avons pu très vite accélérer sur les moratoires, c'est un bon signe. La tribune publiée par les chefs d'État ou de gouvernement d'Afrique et de l'Union européenne ainsi que par les présidents de l'Union africaine et de la Commission européenne fait sens dans la perspective de l'établissement d'un nouveau type de relation entre l'Europe et l'Afrique, notamment s'agissant des dispositifs financiers et fiscaux. Il existe également des initiatives du Fonds monétaire international en faveur des droits de tirage spéciaux. Monsieur Laurent, je suis preneur de vos propositions pour permettre à ces pays de retrouver des marges fiscales.

Nous regrettons la position américaine sur l'OMS. Il est dommage que, en période de pandémie, le seul outil de coopération mondiale soit ainsi mis en difficulté. L'OMS a un rôle normatif : elle doit dire le droit international sur la santé à partir des dispositions du règlement sanitaire international (RSI), qui n'est pas contraignant. Elle a aussi un rôle d'alerte, d'information et de coordination à travers les 150 bureaux dont elle dispose dans le monde, ainsi que de formation. Sur ce plan, une académie de santé doit d'ailleurs ouvrir à Lyon. Enfin, elle est chargée de la détection et de l'assistance technique. Son fonctionnement peut être discuté : elle manque parfois de réactivité comme d'autonomie par rapport aux États, ainsi que de moyens d'alerte et de capacités normatives, mais cette situation ne relève pas de sa responsabilité, qui est limitée. La crise actuelle devrait nous conduire à revoir le rôle des grands outils existants, car il faut conforter l'OMS. La France sera au rendez-vous sur cette question. Au-delà, il faut réfléchir à une meilleure articulation entre l'OMS, cadre général reconnu par l'ONU, et des outils comme le Fonds mondial de lutte contre le sida, le GAVI pour les vaccins ou Unitaid pour les brevets, de sorte que chacune de ces organisations ait sa place et joue son rôle et que l'OMS puisse elle-même être mature dans l'exercice de ses fonctions.

Avec mon homologue allemand M. Heiko Maas, nous avons lancé l'année dernière une initiative en faveur du multilatéralisme afin de retrouver une nouvelle dynamique. Nous avons été suivis par soixante-dix ministres présents à l'assemblée générale de l'ONU. Demain, nous prendrons ensemble des initiatives afin que l'Alliance pour le multilatéralisme avance des propositions de réforme du système sanitaire international pour le rendre plus cohérent et dynamique. Plusieurs pays vont nous rejoindre. Nous ambitionnons ainsi de refonder un multilatéralisme en tirant les leçons de cette crise. Nous allons donc lancer ensemble cet appel avec le relais de l'Union européenne.

Monsieur Boutant, vous m'interrogez sur le rôle que la Chine aurait pu jouer en endettant certains pays africains. Aujourd'hui, Pékin contribue au moratoire, pour la première fois ; c'est un signe positif.

S'agissant de la conditionnalité du plan de relance, en matière d'accès au mécanisme européen de stabilité, mobilisé la semaine dernière par l'Eurogroupe, les normes de conditionnalité précédentes ont été supprimées. La seule condition qui subsiste est que les financements soient affectés à la crise sanitaire. Le futur plan de relance n'est pas la resucée d'un dispositif antérieur, mais découle d'une volonté d'emprunter collectivement des fonds permettant la relance de l'investissement, chacun à égalité pour assumer l'emprunt collectif et chacun faisant ses propres choix nationaux. J'espère que cette nouvelle donne ira jusqu'au bout et sera l'objet d'une décision le 23 avril, lors du prochain Conseil européen.

S'agissant de l'AEFE, nous sommes face à une triple difficulté : la première concerne les écoles, qui ne fonctionnent plus et perdent donc des recettes, ce qui est en particulier un problème pour les petits établissements qui ne sont pas à gestion directe et qui voient leur avenir remis en cause, car ils ont aussi des élèves qui ne sont pas français et qui subissent des conditions économiques difficiles ; la deuxième touche les familles de Français et inclut la question des droits de scolarité et des bourses ; la troisième, enfin, concerne l'AEFE elle-même. Tout cela fait l'objet du plan de relance. Sur les bourses, comme sur le programme 185, il y aura donc sans doute des modifications, mais je ne suis pas encore en mesure d'en parler. M. Lemoyne gère ce dossier, et le plan sera rapidement mis sur la table. Pour les familles étrangères, des aides seront prévues, car il s'agit d'un outil indispensable d'influence.

Sur les VIE jeunes actifs, je vais regarder, je n'ai pas de réponse technique à vous donner.

Monsieur Yung, depuis l'appel du 23 mars du secrétaire général de l'ONU à une trêve humanitaire, beaucoup de discussions ont été engagées par la France, parmi lesquelles des relations directes avec le Président chinois comme avec MM. Trump et Poutine. Nous espérons que le P5 porte ce point de vue au plus loin, sa réunion en vidéoconférence sera un événement politique de grande ampleur, dont nous espérons qu'il intervienne rapidement. Je me suis entretenu à ce sujet avec mon homologue chinois, M. Wang Yi.

S'agissant de la Haute Autorité mondiale de la santé, j'ai indiqué la semaine dernière combien une instance indépendante composée des meilleurs scientifiques pour identifier les menaces sur la santé humaine et animale me semblait utile. Comme le GIEC en matière de climat, elle agirait comme un interpellateur. Après la crise actuelle, nous nous interrogerons sur l'ensemble de la stratégie de santé dans le monde et nous reviendrons peut-être sur certains engagements pris juste après la Seconde Guerre mondiale. L'Alliance pour le multilatéralisme vise à aborder cette problématique. Lorsque le GIEC prend position, cela fait bouger les lignes, il faudrait qu'il en aille de même en matière de santé.

Les frontières européennes de l'espace Schengen, de l'Union et du Royaume-Uni ont été fermées. Cette décision a été prise en commun, c'est en commun que la décision de rouvrir sera prise. Ce n'est pas pour demain, l'espace européen restera fermé pendant quelque temps.

S'agissant des camping-caristes au Maroc, nous avons affrété deux bateaux pour ramener 400 véhicules. Malheureusement, il restait des places sur le second. Certaines personnes concernées qui se trouvaient à Agadir pensaient y rester, puis ont finalement considéré qu'il fallait rentrer. Il faut savoir si l'on veut rentrer ou non, car la frontière est fermée et, à chaque fois, cela requiert des autorisations. Les intéressés ne se rendent pas compte du temps que l'on passe à cela ! Je veux bien organiser un troisième voyage en bateau, mais alors il faut que ceux-ci soient présents au rendez-vous. Si vous les connaissez, monsieur Laurent, je vous remercie de le leur dire !

Avec mes homologues néo-zélandais et australien, nous sommes mobilisés sur les conséquences du cyclone Harold, qui sont notre priorité, et nous coopérons dans le cadre de l'accord Franz, ce qui ne fait l'objet d'aucune critique. S'agissant de l'assistance sanitaire, nous avons des accords avec certains pays qui permettent, si nécessaire, d'opérer des évacuations sanitaires. Un envoi de fret sanitaire est par ailleurs en cours ; il sera acheminé par Nouméa pour traiter la crise au Vanuatu.

M. Jean-Marie Bockel. - Je salue vos propos sur l'Afrique et le fait que le Président de la République y ait fait allusion hier.

Je voudrais appeler votre attention sur les pays du G5 Sahel, en parallèle avec les déclarations, cette semaine, du directeur général de l'Agence française de développement. Nous sommes dans l'après-Alliance Sahel : tout se met en place pour le redémarrage économique, là où c'est possible. Or ce redémarrage est affecté par la crise sanitaire. Il me semble toutefois que l'état d'esprit de notre partenariat avec ces pays suppose de ne pas lâcher la proie pour l'ombre. J'aimerais donc que vous nous confirmiez que nous poursuivons notre soutien au développement, à côté du nécessaire soutien sanitaire.

M. Gilbert Roger. - Pensez-vous donner le feu vert à la reprise de l'activité des restaurants, cafés, campings et autres pour la période estivale ?

M. Jean-Pierre Vial. - À côté de la situation en Afrique, que notre commission suit de près, nous sommes également préoccupés par les zones de guerre. Je voudrais évoquer la question de l'Irak, de la Syrie et du Liban, trois pays en interaction très forte.

En Syrie, après la période de guerre, la crise sanitaire vient s'ajouter à une situation économique dramatique pour la population. Les humanitaires, les ONG et même les Églises rencontrent les plus grandes difficultés, non pas tant en raison des sanctions, qui ont été adaptées, mais surtout de la pesanteur de la position américaine.

Face à cette situation, le secrétaire général de l'ONU, M. António Guterres, le pape et le Président Macron ont appelé à la mobilisation du Conseil de sécurité. Pouvez-vous nous dire ce qu'il en est de la situation au sein du Conseil de sécurité et de la situation au Moyen-Orient, en particulier en Syrie ?

Mme Joëlle Garriaud-Maylam. - Merci, monsieur le ministre, d'avoir rapatrié nos compatriotes, mais il reste une poche de problèmes : des Français ayant adopté tout à fait légitimement des enfants en Haïti se sont rendus en Guadeloupe, mais ils n'ont pu récupérer leurs enfants, leur vol ayant été annulé. Un autre vol est ensuite parti pour la France, mais les enfants sont restés en Haïti. Il faut aider ces familles.

J'aimerais vous interroger sur Taïwan, même si je sais qu'il s'agit d'une question extrêmement difficile. La France s'honorerait de prendre une initiative diplomatique, avec le soutien des Européens, pour essayer de faire entrer Taïwan dans le cadre onusien. C'est un partenaire économique, fiable, démocratique, qui mérite notre soutien.

M. Jean-Marc Todeschini. - J'ai récemment interpellé Jean-Baptiste Lemoyne sur la question des travailleurs frontaliers. En Moselle, nous vivons l'Europe tous les jours : 19 000 frontaliers passent en Sarre quotidiennement, dont 6 000 Allemands qui habitent en France.

Depuis la fermeture des frontières, il ne subsiste que cinq points de passage. J'ai saisi Jean-Baptiste Lemoyne de cette question, j'ai également saisi l'ambassadeur d'Allemagne, qui s'est exprimé dans Le Républicain lorrain, mais rien ne s'améliore. Certains frontaliers sont obligés de parcourir cinquante kilomètres pour se rendre à l'un des cinq postes-frontière ouverts - et je ne dis rien du temps nécessaire pour présenter les laissez-passer...

Je sais que le traité de Schengen autorise ces fermetures de frontière. Je me permets d'intervenir de nouveau, parce que le ministre de l'intérieur allemand a annoncé la probable prolongation de cette fermeture jusqu'au mois de mai. Pour des gens qui vivent l'Europe tous les jours, pour qui l'Allemagne, c'est de l'autre côté de la rue, faire des centaines de kilomètres pour aller travailler devient invivable. Cette situation va faire monter le populisme. Je ne reviendrai pas sur les excuses qu'a dû présenter Heiko Maas après les insultes dont ont été victimes les Français au passage des frontières. C'est que l'Allemagne a déclaré le Grand Est zone à risque.

Je ne demande pas la réouverture de tous les postes-frontière - je comprends que les Allemands veuillent se protéger -, mais peut-on au moins intervenir dans le secteur de Bouzonville, par exemple, où la situation est vraiment infernale pour des gens qui veulent aller travailler en face de chez eux ?

M. Gilbert-Luc Devinaz. - Comment la crise du Covid-19 va-t-elle réinterroger le sens de l'aide publique au développement et de ses objectifs, notamment dans les programmes mis en oeuvre par l'AFD ?

M. Robert del Picchia. - Je voudrais revenir sur la question de l'AEFE. En fin d'année, nous risquons de faire face à de très grandes difficultés, de nombreux parents d'élèves étrangers décidant de retirer leurs enfants. Partout, je vois des parents inscrire leurs enfants dans des écoles locales, car les mesures prises ne leur semblent pas suffisantes pour maintenir le bon fonctionnement de l'AEFE.

André Vallini et moi-même, tous deux rapporteurs pour avis des crédits du programme « Diplomatie culturelle et d'influence », avons voulu interroger le directeur de l'AEFE. On nous a demandé d'attendre l'annonce du plan gouvernemental très important qui accorde une aide massive à l'AEFE. Voilà qui est essentiel.

Même en accordant des bourses à tous les Français de l'étranger, ce ne serait pas suffisant. Il resterait toujours la question des parents d'élèves étrangers, inquiets de l'avenir des écoles françaises. Je crois qu'il faut rassurer l'ensemble des parents au plus haut niveau, à travers une communication du ministre ou de plus haut encore.

M. Hugues Saury. - Merci, monsieur le ministre, des efforts réalisés pour rapatrier les ressortissants français ! Vous avez souligné combien cette situation avait été difficile à gérer. Or, selon les virologues et les épidémiologistes, la pandémie va probablement encore durer longtemps et connaîtra des périodes de rémission et de rebond. La situation que nous avons connue risque donc de se reproduire dans six mois ou dans un an. Quels enseignements peut-on tirer de ce qui vient de se passer pour faciliter le travail du ministère et pour sécuriser les voyages de nos compatriotes ?

Mme Hélène Conway-Mouret. - Merci de votre engagement sans faille, monsieur le ministre, et de celui de votre cabinet et de l'ensemble des équipes de nos consulats ! Nous restons mobilisés et nous attendons avec impatience les annonces à venir sur les actions concrètes que vous allez mener pour sauver l'AEFE.

Nous avons facilité les retours des Français de passage à l'étranger, mais quid des étrangers résidents permanents en France ?

Par ailleurs, sommes-nous en mesure d'accueillir certains membres du gouvernement de pays étrangers contaminés par le coronavirus - je pense notamment à plusieurs ministres du Burkina Faso ? Ces pays plutôt faibles ont besoin que leur gouvernement fonctionne correctement.

Mme Marie-Françoise Perol-Dumont. - Le Président de la République a parlé hier, sur RFI, de la solidarité que nous devons à l'Afrique. Il s'agit non seulement d'un devoir humanitaire, mais aussi, comme vous l'avez souligné, de notre strict intérêt, notamment pour éviter un reflux Sud-Nord de la pandémie.

Au-delà de l'aide que nous pouvons apporter dans la gestion immédiate de la crise, comment pouvons-nous aider les antennes de l'Institut Pasteur ? Lors de notre déplacement à Madagascar, nous avons pu voir la qualité du travail réalisé dans cet institut, avec des moyens limités.

Comment pouvons-nous aider les épidémiologistes africains, dont beaucoup sont de très grande qualité ? Il y a la crise et l'après-crise. Vous avez évoqué les échanges de données et de bonnes pratiques. Ne serait-il pas souhaitable de les aider également sur le plan logistique et sur celui des infrastructures. Le Président de la République a évoqué le Fonds mondial, mais ce fonds est déjà affecté à la lutte contre le VIH, contre la tuberculose et contre le paludisme. Quels outils français, européens et internationaux pourraient être mobilisés pour penser l'après-pandémie ?

M. Bernard Cazeau. - Que pensez-vous de l'annonce d'un cessez-le-feu au Yémen ? L'Arabie saoudite souhaite-t-elle mettre un terme à ce conflit ou s'agit-il seulement de s'octroyer un peu de calme durant cette crise sanitaire ?

M. Joël Guerriau. - - Vous avez évoqué le Liban. Ce pays, qui accueille plus de 2,5 millions de réfugiés, souffre économiquement depuis octobre 2019. Il s'agit d'un État en faillite qui le sera encore davantage en raison du confinement jusqu'au 15 mai. On ne peut faire de virement en direction du Liban, et les Libanais ne peuvent sortir de leurs banques plus de 100 euros par semaine. Il s'agit donc d'une situation très compliquée et qui ne peut que s'aggraver. Ils ont eu un contrôle partiel de la Banque mondiale. Comment pouvons-nous aider le Liban, pays très proche de notre culture et de nos racines ?

M. Ladislas Poniatowski. - Je ne partage pas du tout votre optimisme sur l'ONU. L'appel du secrétaire général à un cessez-le-feu mondial, le 23 mars dernier, a plutôt été un fiasco. Les choses ont un peu bougé dans seulement trois pays : au Yémen, où ça n'a pas très bien marché, en Syrie et en Libye. Dans le reste des zones de conflit, rien n'a changé.

Je suis très pessimiste. Tout est bloqué à l'ONU, y compris au sein des cinq membres du Conseil de sécurité. M. Trump refuse d'utiliser le terme « coronavirus », préférant parler du « virus chinois » !

Ce « truc » comme disait le général de Gaulle sert-il encore à quelque chose ?

M. Olivier Cigolotti. - Vous avez indiqué que la situation sanitaire en Afrique était contenue. Pourtant, des millions d'emplois sont d'ores et déjà menacés. Les secteurs du tourisme et du transport aérien sont particulièrement touchés. Les cours des matières premières sont en chute libre et les transferts des différentes diasporas sont en forte baisse. Ne pensez-vous pas que la récession économique de ses principaux partenaires soit le plus grand risque que court l'Afrique ?

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. - Faute de temps, je vais tenter de répondre aux points qui me paraissent les plus centraux et sur lesquels je ne suis pas déjà intervenu.

M. del Picchia et Mme Conway-Mouret, entre autres intervenants, ont fait part de leur inquiétude pour l'AEFE si aucune initiative forte n'était prise. Je ne peux qu'adresser un message politique fort de notre volonté d'agir pour permettre à l'AEFE de tenir le coup durant cette période, d'être au service des enfants de nos ressortissants ou de parents étrangers désireux d'inscrire leurs enfants dans une école française. Nous maintiendrons l'AEFE dans ses vocations. Il ne s'agit pas du message du seul ministre des affaires étrangères, mais aussi du message du Président de la République, qui a dit les choses avec une très grande fermeté hier, sur RFI. Je tiens à vous rassurer sur notre détermination à agir.

Madame Conway-Mouret, je souhaite aider les pays africains à combattre cette pandémie, mais sur leur territoire. Nous pouvons apporter l'aide nécessaire, avec la mobilisation financière que j'ai évoquée dans mon propos introductif, pour assurer la détection, les soins et la protection. Telle est la mission de l'AFD et de l'ensemble des acteurs qui sont aujourd'hui au rendez-vous.

Monsieur Vial, la situation politique en Syrie ne bouge pas. Le comité constitutionnel syrien mis en place à Genève ne répond pas à sa vocation. Par ailleurs, la situation dans la partie nord-ouest et nord-est du pays est très difficile pour les populations de réfugiés, de déplacés, voire de prisonniers. Nous souhaitons qu'un accès humanitaire à ces zones soit possible. La France est au rendez-vous, puisque nous avons mobilisé 50 millions d'euros pour l'aide humanitaire, qui est aussi aujourd'hui l'aide sanitaire, en particulier au nord-ouest. L'évolution politique laisse entrevoir peu de perspectives positives. Encore faut-il que nous puissions aider à éviter qu'il y ait trop de drames dans les zones où se trouvent le plus de réfugiés et de déplacés.

Monsieur Bockel, le dispositif mis en place à Pau continue de fonctionner. La crise du coronavirus n'a pas empêché la tenue d'élections au Mali. Le deuxième tour aura lieu dimanche prochain. Les grands engagements du sommet de Pau, que j'avais qualifié de sommet de la gravité, de l'unité, de la clarification et de la remobilisation, continuent d'être suivis, en dépit des difficultés que rencontre le Tchad dans sa lutte contre Boko Haram. La force conjointe du G5, les actions de Barkhane, la mise en oeuvre de la force Takuba et de l'action humanitaire se poursuivent. Vous faites bien de le rappeler tant on pourrait l'oublier en cette période.

Monsieur Roger, vous dire à quel moment les hôtels et restaurants pourront rouvrir n'est pas de ma compétence. Le Président de la République s'est prononcé lundi sur un agenda qui dépend aussi de l'évolution des conditions sanitaires. Nous allons mettre en place, avec Jean-Baptiste Lemoyne, un dispositif de soutien et de sauvetage pour toutes les entreprises liées au tourisme. C'est une profession qui souffre beaucoup et qu'il importe d'accompagner à travers un plan spécifique qu'annoncera le Premier ministre.

Monsieur Devinaz, l'AFD va reprogrammer des crédits pour déterminer des priorités intégrant la dimension Covid-19 et le combat contre la pandémie. Nous allons réorienter les financements.

Monsieur Saury, je ne suis pas prophète, mais il est certain que les habitudes de déplacement vont changer. J'espère qu'il n'y aura pas d'autre pandémie et que nous parviendrons à endiguer rapidement celle qui nous frappe.

Madame Perol-Dumont, je voudrais vous assurer de notre volonté majeure de voir émerger à l'échelle africaine un mécanisme de coordination scientifique de haut niveau. Il est nécessaire de s'appuyer sur les antennes de l'Institut Pasteur, mais aussi sur tous les outils scientifiques existant en Afrique pour créer ce réseau. C'est indispensable.

En France, la première victime médicale de la pandémie a été un médecin venu de Madagascar pour nous aider. Il s'agissait d'un épidémiologiste de grande qualité. Ce drame montre que les scientifiques africains peuvent aussi venir aider les médecins français dans une telle situation.

Monsieur Todeschini, j'essaierai de reparler avec mon homologue allemand de la question des travailleurs frontaliers et de la coopération avec l'Allemagne. Je sais que la situation est difficile. Je suis déjà intervenu à plusieurs reprises pour tenter d'alléger ces contraintes. J'ai bien entendu votre message, et j'essayerai de faire au mieux.

Heureusement, monsieur Poniatowski, que je me montre plus optimiste que vous. Je suis conscient des handicaps et des contraintes qui affectent l'ONU, notamment du blocage que peut entraîner le droit de veto. C'est la raison pour laquelle nous avons créé l'Alliance pour le multilatéralisme, dont j'espère qu'elle pourra aider à modifier certains comportements au sein des Nations unies.

Après la dernière guerre mondiale, la communauté internationale s'est dotée d'outils majeurs qui ont tenu, au moins jusqu'à maintenant, avec divers succès. Le travail mené entre les États s'est avéré très positif dans différents domaines. Sans doute passerons-nous à une nouvelle étape après cette autre crise, dont on dit qu'elle a autant d'ampleur que celles qui ont suivi les guerres mondiales. Peut-être nous permettra-t-elle de tirer les leçons de nos échecs et de recomposer notre multilatéralisme. J'ai cet optimisme. Il en faut toujours pour essayer de renverser les contraintes et l'immobilisme.

Madame Garriaud-Maylam, je vous remercie d'avoir évoqué Haïti. Vous m'avez déjà parlé de cette situation très douloureuse que nous allons essayer de régler. Malheureusement, nous avons dû suspendre les adoptions en cours en raison de conditions de sécurité dégradées.

Monsieur Guerriau, la situation au Liban nous inquiète, mais nous ne pouvons-nous substituer aux autorités libanaises. Un gouvernement a été constitué sur la base d'un programme de réformes. Il s'agit du point de passage obligé pour redonner confiance aux acteurs internationaux. Le Liban doit se prendre en main et poursuivre ces réformes, en particulier dans le domaine de l'électricité, de la gouvernance, de la régulation des secteurs clés, du fonctionnement de la banque centrale... Tout cela suppose de la transparence et une lutte extrêmement vigilante contre la corruption.

Par ailleurs, le Liban a fait défaut sur sa dette voilà un mois, sur décision de son gouvernement. Il est urgent que ce pays assure sa reprise en main. Je n'ignore pas la crise sanitaire liée au Covid-19. Elle est jusqu'à présent limitée, avec seulement 632 cas. Elle pèse toutefois sur l'économie et sur le système de santé libanais. Faisons tous en sorte que les Libanais prennent les décisions qu'il convient pour leur permettre de retrouver la confiance des acteurs que nous avions réunis à Paris dans le cadre du Groupe international de soutien au Liban, en décembre dernier. Nous étions tous prêts à agir pour aider le Liban à retrouver une dynamique positive. À lui de donner le signal de départ en prenant les mesures nécessaires. La période peut être opportune. Nous sommes tous très attachés, les uns et les autres, au Liban.

M. Christian Cambon, président. - Je vous remercie, monsieur le ministre, d'avoir répondu très précisément aux questions de nos collègues. Une dernière question n'a pu vous être posée sur les résidents marocains et tunisiens qui n'arrivent pas à être rapatriés dans leur pays d'origine, leurs titres de séjour étant bloqués. Peut-être faudra-t-il, là aussi, mener une action auprès des ambassadeurs ou des gouvernements en question.

La téléconférence est close à 18 h 35.

Vendredi 17 avril 2020

- Présidence de M. Christian Cambon, président -

La téléconférence est ouverte à 10 h 00.

Audition de Mme Maryline Gygax Généro, directrice centrale du service de santé des armées (en téléconférence)

M. Christian Cambon, président. - Nous accueillons ce matin Mme Maryline Gygax Généro, médecin général des armées, directrice centrale du service de santé des armées (SSA). Je rappelle que vous êtes docteur en médecine, agrégée, que vous avez été directeur adjoint de l'hôpital d'instruction des armées (HIA) du Val-de-Grâce à Paris et que vous avez ensuite dirigé l'hôpital Bégin à Saint-Mandé. Merci de vous être rendue disponible pour faire un point sur l'engagement du SSA dans la crise sanitaire effroyable qui frappe notre pays. Je remercie également l'ensemble du SSA, qui s'est mobilisé très tôt pour accompagner les équipes civiles et hospitalières dans la lutte contre le virus.

Cela étant, ce que notre commission redoutait, à savoir la contamination des militaires déployés ou en mission, s'est malheureusement produit. Le retour du Charles-de-Gaulle et l'annonce d'un nombre élevé de contaminations à bord a déclenché un vif émoi et empli l'espace médiatique. On dénombrait hier 688 marins positifs, et ce alors que tous les résultats des tests n'étaient pas encore connus.

Ces contaminations auraient-elles pu être évitées, alors que les caractéristiques du virus n'étaient pas encore parfaitement connues quand les missions en cours ont commencé ? Des précautions supplémentaires auraient-elles pu être prises ? Auriez-vous pu conseiller au Gouvernement de tester l'ensemble des marins et des militaires partant en opérations extérieures (OPEX) ? À ma connaissance, les marins qui embarquent actuellement ne sont toujours pas testés. Quelle est votre position sur ces sujets ? Comment est-on parvenu aux préconisations actuelles, qui ont malheureusement entraîné des contaminations ?

Il nous faut des réponses claires, car la contamination de l'équipage de ce porte-avions constitue un terrible symbole, pour le moral de nos militaires, pour la Nation, mais aussi pour le SSA, lequel doit faire face, après des années d'attrition de ses effectifs et de fermeture d'établissements d'excellence, à une situation très difficile. Notre but est de comprendre ce qui se passe et de vous soutenir, sachant que, avant la crise, il vous manquait une centaine de médecins.

Enfin, je salue l'ouverture de l'hôpital de campagne à Mulhouse. Vous nous préciserez comment chacune des composantes du SSA a été mobilisée au service de l'opération Résilience. Êtes-vous en mesure de mener de front toutes ces missions ? Les attentes ne sont-elles pas démesurées par rapport à vos moyens ?

Merci d'avoir accepté de vous exprimer aujourd'hui. Je vous laisse maintenant la parole. Les deux rapporteurs du programme 178 vous interrogeront ensuite, puis un orateur par groupe.

Mme Maryline Gygax Généro, directrice centrale du service de santé des armées. -C'est un honneur de m'exprimer devant vous ce matin sur la gestion par le SSA de la crise liée au Covid-19. Je tiens tout d'abord à dire que le SSA s'associe à la peine des familles et des camarades des militaires du 5e régiment d'hélicoptères de combat (RCH), encore une fois durement éprouvé par l'accident d'hélicoptère survenu avant-hier.

Je commencerai par vous présenter les actions du SSA dans le cadre de cette pandémie causée par un virus inconnu, très contagieux, qui peut être à l'origine d'une aggravation brutale de l'état respiratoire, y compris chez des sujets jeunes, et contre lequel il n'existe aucun traitement préventif ou curatif connu à ce jour. Cette pandémie a bien évidemment une incidence directe sur la santé des armées, dont le SSA est en charge.

Le SSA est amené, en coordination étroite avec les autorités de santé publique, à déployer tout son savoir scientifique, son expertise militaire de l'exercice médical en situation d'exception, et son expérience des maladies virales émergentes. Cette expérience a été renforcée il y a quelques années par la prise en charge de deux patients atteints par le virus Ebola au sein de l'hôpital militaire Bégin et le déploiement du centre de traitement des soignants en Guinée-Conakry. Conformément à la revue stratégique de défense et de sécurité nationale de 2017, dans laquelle sont évoqués le risque d'épidémie virale à grande échelle et la mobilisation régulière du SSA et de ses capacités de recherche en pareil cas, nous avons soigneusement entraîné nos personnels et maintenu les stocks de matériels nécessaires.

J'en viens au nombre de cas de Covid-19 au sein de nos armées. La réponse à cette question n'est pas univoque, et ce pour plusieurs raisons.

Comme vous le savez, les militaires peuvent librement choisir leur médecin traitant. Aussi le SSA n'a-t-il connaissance que des données issues de la surveillance épidémiologique qu'il exerce au sein du Centre d'épidémiologie et de santé publique des armées (CESPA). Nous disposons d'un système d'information permettant la sécurisation des données de santé, baptisé OSEA, et la déclaration anonymisée, par les médecins et les infirmiers de nos antennes médicales, de survenues d'événements de santé chez des militaires. Ainsi, 61 événements font l'objet d'une surveillance épidémiologique, dont des cas de Covid-19. Bien entendu, nos médecins ne peuvent déclarer que les cas dont ils ont connaissance, ce qui suppose une consultation en milieu militaire. Les militaires en arrêt de travail qui signalent leur cas à leur commandement sont une autre source, que nous baptiserons « cas signalés », lesquels peuvent se recouper avec les cas déclarés par le SSA. Enfin, il convient de rappeler qu'une distinction doit être faite entre cas confirmés, possibles et probables, conformément aux définitions de Santé publique France, et de souligner que, selon la phase de l'épidémie et selon les catégories de personnels, la confirmation par la réalisation de tests PCR n'est pas forcément réalisée.

À ce jour, 1 450 cas confirmés et 4 480 cas probables ou possibles sont dénombrés chez les militaires des trois armées, y compris les marins du porte-avions. Le nombre de cas signalés au commandement est de 1 520, ce nombre recoupant partiellement, je le rappelle, les données du SSA. Il s'agit bien des cas cumulés depuis le début de la crise. Pour les gendarmes, les nombres sont respectivement de 120 et de 1 900. Aucun décès n'est à déplorer chez les militaires du ministère des armées, mais un civil de la défense est malheureusement décédé, ainsi qu'un militaire de la gendarmerie. À notre connaissance, 63 militaires sont ou ont été hospitalisés, dont 12 en réanimation. Pour les guéris, j'ai signé une directive rendant obligatoires les consultations à l'antenne médicale lors du retour. Au total, 972 militaires guéris ont été vus au cours des dernières semaines. Les soignants du SSA sont inclus dans les cas de militaires. En cumulé, 180 cas confirmés et 218 cas probables ou possibles de médecins, infirmiers ou techniciens ont été dénombrés. Le nombre cumulé de soignants hospitalisés depuis la fin du mois de mars est de 14, dont 3 en réanimation.

J'en viens à l'opération « Résilience », à laquelle le SSA contribue au sein des hôpitaux militaires, mais aussi par des actions plus spécifiques, comme la mise en place de l'élément militaire de réanimation du SSA (EMR-SSA) à Mulhouse, la participation aux transferts interzonaux de patients, via des missions Morphée, et des évacuations héliportées ou maritimes sur le porte-hélicoptères amphibie (PHA) Tonnerre.

L'hôpital Bégin, qui est notre hôpital référent en infectiologie, a d'emblée été référencé par la santé publique comme établissement de premier niveau. Quatre autres hôpitaux (Percy à Clamart, Sainte-Anne à Toulon, Laveran à Marseille et Clermont-Tonnerre à Brest) ont été reconnus comme établissements de deuxième niveau. L'hôpital Robert-Picqué à Bordeaux est reconnu comme hôpital de rang trois. Comme leurs homologues de santé publique, ces six hôpitaux militaires ont très vite augmenté leurs capacités de réanimation. Ils ont ainsi presque triplé leur nombre de lits de réanimation, qui sont passés de 57 avant la crise à 166 actuellement, auxquels il convient d'ajouter les 30 lits de l'EMR-SSA. Parallèlement, des unités de lits permettant une prise en charge de patients Covid en médecine intensive ont été installées au sein des huit HIA - y compris ceux de Lyon et de Metz, qui n'ont plus de service de réanimation, nos anesthésistes-réanimateurs ayant été insérés chez les partenaires civils. Le SSA compte ainsi, en sus, 238 lits dédiés à la prise en charge de patients Covid hors réanimation. Depuis le début de la crise, près de 2 000 patients Covid ont été hospitalisés au sein des hôpitaux d'instruction des armées, dont 354 en réanimation. En outre, 5 000 patients Covid ont été vus en consultation. À lui seul, l'hôpital Bégin a réalisé 30 % de l'activité de réanimation liée au Covid-19 du SSA.

L'un des grands atouts du SSA est son aptitude à concevoir des unités de soutien médical des armées dans tous les environnements. Ainsi, lorsque le Président de la République a exprimé le 16 mars le souhait qu'une structure de réanimation militaire soit mise en oeuvre en appui de l'hôpital de Mulhouse, nous avons conçu, équipé et déployé à partir du 21 mars l'EMR-SSA. Je souligne qu'il s'agit non pas d'un hôpital de campagne à proprement parler - ce n'est pas une structure autonome -, mais d'un authentique service de réanimation de 30 lits, sous tente, sécurisé, créé ex nihilo en moins d'une semaine et déployé grâce au soutien des armées. Il est destiné à accueillir des patients très infectieux, ce qui est différent de la prise en charge des blessés de guerre à laquelle nous sommes rompus. Il fonctionne en très bonne collaboration avec l'hôpital de Mulhouse, qui assure une part de son soutien logistique et technique, et en parfaite entente avec les équipes médicales de celui-ci.

Je suis fière d'indiquer que cet EMR-SSA, qui est armé par une centaine de personnels du SSA et trente personnels du régiment médical, a pris en charge à ce jour 44 patients, selon une logique de flux, puisqu'il s'agissait de ne jamais être saturé et d'être toujours en capacité d'accueillir de nouveaux malades. Au total, 11 de ces patients ont été transférés dans d'autres régions, dont deux en Allemagne ; 18 ont été transférés vers le centre hospitalier universitaire (CHU) de Mulhouse, dont 12 en hospitalisation médicale post-réanimation. On déplore deux décès.

L'EMR-SSA a accueilli tous les patients qui lui ont été proposés par le CHU de Mulhouse. Depuis une semaine environ, une des trois travées de 10 lits reste vide, ce qui permet d'envisager son démontage et sa biodécontamination avant son redéploiement ailleurs, selon les besoins qui seront exprimés par la santé publique.

Le SSA a également réalisé six missions Morphée entre le 18 mars et le 3 avril. À la demande de la ministre des armées, Morphée a été mis en alerte immédiate dès le 16 mars. Une astreinte opérationnelle permanente, avec un préavis de 24 heures, est réalisée par nos anesthésistes-réanimateurs et nos personnels. Morphée est une authentique capacité de réanimation en vol, habituellement destinée à l'évacuation de 6 blessés de guerre gravissimes sur de longues distances depuis tout théâtre d'opérations, ou de 4 blessés en réanimation et de 8 blessés moins graves. Sa dernière utilisation datait de l'Afghanistan.

Le module Morphée n'avait jamais été employé sur le territoire national, ni pour des malades hautement infectieux, ni sur les avions A330 Phénix de l'armée de l'air, ni de façon répétée. Au total, 36 malades intubés et ventilés ont été transférés vers d'autres régions, sans aucune dégradation de leur état clinique, pour soulager les services de réanimation de la région Grand-Est. Des patients en état grave ont également été évacués par les hélicoptères de l'armée de terre, armés par des équipes du SAMU ou de notre médecine des forces. Nos équipes ont également participé au transfert de patients depuis la Corse sur le PHA Tonnerre, ainsi qu'à certains transferts par trains sanitaires. Au total, 106 patients ont été évacués par des soignants du SSA et 28 par l'escadrille aéro-sanitaire.

L'organisation de ces missions est assez complexe, car elle nécessite de prélever dans un délai court des personnels au sein des hôpitaux militaires ou des centres médicaux des armées. Je tiens d'ailleurs à saluer la disponibilité, la réactivité et le professionnalisme des personnels du SSA, comme des armées, ainsi que les renforts que nous avons reçus, notamment de 250 élèves de nos écoles et d'une centaine de réservistes.

J'en viens maintenant au soutien spécifique des armées. Toutes les missions que je viens de décrire ont été réalisées en préservant la mission première de soutien opérationnel des armées. Actuellement, 80 équipes de médecine des forces et 101 personnels hospitaliers sont en mission opérationnelle.

Le maintien de la santé des forces armées dans le contexte de l'épidémie actuelle est un véritable défi, qui exige la mise en oeuvre de toutes les aptitudes du SSA. Un des rôles majeurs du SSA est la prévention. Il s'agit de protéger les militaires individuellement et collectivement par la mise en oeuvre des mesures barrières et de mesures combinées en réalisant des enquêtes autour des cas afin de repérer et de casser les chaînes de transmission, mais aussi, indirectement, de protéger les familles.

Par essence, les activités militaires sont susceptibles de se dérouler en milieu confiné, comme un bâtiment de la marine, un sous-marin ou un avion. L'entraînement militaire suppose des activités au cours desquelles il est difficile de maintenir les règles de distanciation sociale. La vie en collectivité est une des bases de la vie militaire. Ainsi, dès le début de la crise, le SSA a émis de nombreuses recommandations sur la mise en oeuvre des mesures barrières et l'adaptation de la vie collective afin de permettre autant que possible une distanciation. Il a mis au point de nombreuses procédures adaptées à l'environnement des trois armées, chacune ayant ses contraintes particulières. Ces procédures ont été réfléchies, mises au point et largement diffusées, en lien étroit avec le commandement. La ministre et la secrétaire d'État ont chargé le SSA de cette prévention, ainsi que de l'évaluation de la mise en oeuvre de ces recommandations. Le SSA apporte des conseils en fonction des situations locales et des données scientifiques connues. Ces conseils sont donc extrêmement évolutifs. Ce travail est réalisé en grande proximité avec le commandement. Celui-ci décide de la mise en oeuvre des mesures préconisées. Pour être efficace, cette action coordonnée doit être continue, attentive, et les mesures prises expliquées en détail aux militaires pour obtenir leur adhésion à chaque instant.

Des mesures spécifiques concernant les opérations sont également mises en oeuvre, alliant par exemple une quatorzaine avant départ à la réalisation de tests PCR pour les unités très opérationnelles, parfois le port de masque dans certaines activités ou circonstances. En OPEX, des zones d'isolement ont été organisées. Un rapatriement sanitaire des formes susceptibles de s'aggraver a été prévu.

La médecine des forces s'est très vite adaptée à la situation en réorganisant les antennes médicales en circuits différenciés de prise en charge. Surtout, le déploiement d'une solution de télémédecine, aux heures ouvrables et non ouvrables, pour les militaires et leurs familles, ainsi que pour les civils de la défense, a permis d'apporter un soutien fort apprécié. Près de 1 000 téléconsultations sont réalisées chaque jour, dont 75 % en lien direct avec le Covid-19. Les psychologues du SSA participent également au soutien médico-psychologique, le périmètre de la plateforme Écoute Défense ayant été étendu au Covid.

Enfin, les chercheurs du SSA, notamment nos experts en biosécurité, sont pleinement mobilisés. Les HIA participent à des essais cliniques ou à des protocoles d'innovation.

Je reviens sur la réalisation d'enquêtes épidémiologiques par les épidémiologistes du CESPA sur les cas de Covid-19 au sein d'unités militaires. Dans tous les cas, il s'agit de comprendre la chaîne épidémique, de réaliser des tests autant que possible, d'isoler les patients et de mettre en quatorzaine les cas contacts. C'est ce qui est en train d'être réalisé s'agissant des militaires du porte-avions.

D'après les éléments dont nous disposions hier en fin de journée, environ 500 marins présentent des symptômes. Une vingtaine d'entre eux ont été hospitalisés à l'hôpital militaire Sainte-Anne, huit d'entre eux sont placés sous oxygénothérapie et l'un est en réanimation. Au total, un peu plus de 2 300 marins sont suivis. Parmi eux, 940 ont été testés positifs au coronavirus, 645 négatifs. Nous attendons les résultats du reste des tests. Tous les marins testés positifs sont pris en charge par le SSA, ceux qui sont testés négatifs sont placés en quatorzaine en milieu militaire à Toulon ou dans les environs, sous la responsabilité de la marine nationale. Chacun des marins, qu'il soit négatif ou positif, est suivi matin et soir par des médecins et des infirmiers du SSA. Leur température est prise deux fois par jour et leur taux d'oxygène contrôlé. L'enquête épidémiologique est en cours, elle est complexe en raison du grand nombre de marins et de la promiscuité à bord, liée à la construction du bateau. Je reviendrai sur la façon de renforcer les mesures préventives.

En conclusion, le SSA répond présent à hauteur de ses moyens, lesquels ne sont pas et n'ont jamais été conçus pour répondre à des problématiques de santé publique à l'échelle de notre pays. Sa raison d'être est le soutien des armées et la satisfaction du contrat opérationnel. Vous le savez, le SSA a subi des réductions significatives de format dans les précédentes lois de programmation militaire, en même temps que les armées. Depuis, les effectifs des armées ont été renforcés, et l'actuelle loi de programmation militaire permet de stabiliser ses moyens, voire de les augmenter légèrement dans sa deuxième partie. Des conséquences devront sans nul doute être tirées à l'issue de cette crise, même s'il est encore un peu tôt pour déterminer précisément le niveau et la nature des moyens, médicaux ou matériels, qu'il conviendra de réexaminer.

Je serai également attentive à la régénération des personnels du SSA et à l'organisation qui permettra de soutenir les armées lorsqu'elles reprendront la plénitude de leurs activités. Nous sommes en train d'élaborer les prévisions en la matière, dans la mesure du possible.

M. Jean-Marie Bockel, rapporteur du programme 178. - Madame la directrice, vous menez depuis 2017 avec courage la difficile mue du service de santé des armées. Notre commission sera très attentive aux conclusions de votre enquête épidémiologique sur les marins du porte-avions. Cette contamination aurait-elle pu être évitée ? Les attentes à l'égard du SSA ne sont-elles pas démesurées ?

Votre capacité d'adaptation mérite d'être saluée, compte tenu de vos moyens modestes. Votre apport à Mulhouse a été précieux. Pourriez-vous nous en dire plus sur l'opération de démontage ? Un retour d'expérience sera intéressant.

Sera-t-il possible de procéder au dépistage systématique de nos soldats avant leur embarquement ? Nous craignons en effet d'autres mauvaises nouvelles, en particulier au sein des porte-hélicoptères. Quels moyens doivent être mis en oeuvre pour limiter les risques de contamination de nos soldats, embarqués ou présents sur des théâtres extérieurs ?

Nous ne sommes ni des juges ni les médias, nous sommes à vos côtés, mais il s'agit aujourd'hui d'éviter une crise de confiance durant la crise sanitaire, mais aussi après, afin que nos armées puissent continuer d'attirer de futurs soldats.

Mme Christine Prunaud, rapporteure du programme 178. - Je tiens tout d'abord à saluer l'engagement et le dévouement sans faille du SSA, ainsi que le vôtre, madame la directrice.

Comment faites-vous face aujourd'hui au manque de personnels ? Dans quelles spécialités pose-t-il le plus de problèmes ? De quelle manière vous appuyez-vous sur les réservistes et sur les médecins libéraux que vous recrutez ? Les élèves médecins ont été inclus dans l'opération Résilience. Comment ce dispositif fonctionne-t-il ? Enfin, les infirmiers du SSA ont-ils tous les moyens, réglementaires notamment, de remplir sur le sol national les missions qu'ils effectuent en OPEX ? Devons-nous appuyer des évolutions dans ce domaine ?

Les marins contaminés du Charles-de-Gaulle sont-ils uniquement pris en charge par le SSA ou disposez-vous de relais dans les hôpitaux publics ?

L'appui de notre commission avait permis le gel des déflations de personnels avant que la loi de programmation militaire ne prévoie enfin une lente remontée des effectifs. Nous avons encore beaucoup de travail à faire, mais vous pouvez compter sur notre soutien.

M. Philippe Paul. - Madame la directrice, je vous remercie de votre communication complète et précise. Je voudrais revenir sur deux points qui m'inquiètent. La semaine dernière, lors de son audition, la ministre des armées a évoqué la possibilité de faire monter en puissance le SSA afin d'aider les hôpitaux civils si cela s'avérait nécessaire. Par ailleurs, elle a indiqué qu'une réflexion sur l'évolution des systèmes de santé, y compris militaires, s'imposerait après la crise. Si j'ai bien compris, votre service est déjà sous tension, n'y a-t-il pas une contradiction avec les déclarations de la ministre sur un éventuel renfort apporté par le SSA ? Sur le second point, que pouvez-vous nous dire ? Une politique plus attractive de recrutement et de fidélisation ne serait-elle pas la solution ?

Comme tous mes collègues, je suis très inquiet de la situation du Charles-de-Gaulle. La presse régionale bretonne se fait l'écho de la colère et de l'incompréhension qui règnent chez les familles de marins, ainsi que dans le corps médical. Hier, on évoquait 30 % de tests dont les résultats n'étaient pas encore connus. Quelle est exactement la situation sur le pétrolier-ravitailleur La Somme et dans les autres bâtiments de la marine actuellement en mer, notamment le sous-marin nucléaire lanceur d'engins (SNLE) en patrouille ?

Enfin, je voudrais parler des gendarmes, une catégorie de militaires dont on parle peu. Ils sont pourtant très exposés puisqu'ils sont en contact permanent avec la population. Je crois savoir qu'ils se plaignent du manque de masques et de gel hydroalcoolique. Pouvez-vous nous apporter quelques éclaircissements ?

M. Jean-Marc Todeschini. - Madame la directrice, je veux à mon tour vous remercier du panorama que vous nous avez dressé, répondant par avance à beaucoup de nos interrogations. Lors de votre précédente audition, nous avions bien compris que le SSA manquait d'une centaine de médecins pour assurer ses missions, qui sont très importantes. En Moselle, j'ai pu apprécier leur efficacité pour évacuer des patients vers l'étranger et soulager l'hôpital de Metz-Thionville. Je rappelle que la Moselle connaît le deuxième bilan en nombre de décès après le Haut-Rhin. Comment le SSA peut-il faire face à une charge supplémentaire dans le cadre de l'opération Résilience ?

Je ne reviendrai pas sur le Charles-de-Gaulle, mais pouvez-vous nous préciser les mesures qui peuvent être prises dans des milieux très confinés comme les sous-marins nucléaires en cas de contamination ? Quelle est votre approche pour les militaires qui vont partir en OPEX ?

Par ailleurs, vous avez parlé de l'antenne de réanimation déployée à Mulhouse. Cette structure pourra-t-elle être déplacée si un pic se déclare ailleurs sur le territoire ?

Enfin, les moyens dévolus à la médecine tropicale et aux maladies infectieuses ont été considérablement réduits ces dernières années, d'aucuns estimant que les risques avaient disparu. Fort heureusement, le SSA ne s'est pas désinvesti de ce champ disciplinaire. J'ai pu m'en rendre compte lorsque j'étais secrétaire d'État auprès du ministre de la défense. Pouvez-vous nous parler de l'action du SSA dans ces domaines et nous donner des indications sur les enseignements qu'ont pu tirer vos services de cette crise, enseignements qui pourraient être précieux pour le pouvoir civil à l'avenir ?

M. Olivier Cigolotti. - Dans le cadre de cette crise, nos forces armées sont pleinement mobilisées. Le groupe Union Centriste s'associe totalement aux remerciements formulés par notre président. Vous l'avez dit, le combat contre le terrorisme se poursuit, notamment au Sahel. Pourriez-vous nous indiquer quelles sont les mesures d'accompagnement psychologiques et sanitaires qui sont prises pour les régiments de retour de mission en OPEX ?

Mon collègue Gilbert Roger et moi-même étions à bord du Charles-de-Gaulle au début du mois de février, et nous imaginons parfaitement la difficulté à mettre en oeuvre de mesures barrières sur ce type de bâtiment, compte tenu de l'exiguïté, des conditions de vie, de travail. Tous les cas supposés ou avérés ont-ils pu être pris en charge à bord ? Des évacuations ont-elles été envisagées à un moment ou à un autre ?

M. Bernard Cazeau. - Je veux avant tout saluer les efforts du SSA. J'ai été particulièrement impressionné par votre action à Mulhouse. Pouvez-vous nous en dire plus sur le retour au travail des militaires infectés ou suspects de l'avoir été ?

S'agissant de la crise sur le Charles-de-Gaulle, nous attendons des précisions de la part du ministère. À ce stade, pouvez-vous quand même nous donner un début d'explication sur ce qui s'est passé ?

M. Raymond Vall. - Le groupe du RDSE s'associe à l'hommage rendu par le président Cambon au SSA. Avez-vous rencontré des problèmes de protection des soignants comme dans les hôpitaux civils ?

Le SSA a été profondément réformé depuis 2015. L'offre hospitalière a été mutualisée et concentrée. On explique actuellement la meilleure gestion de la crise en Allemagne par la déconcentration des moyens. Ne faudrait-il pas revenir en France sur cette logique de concentration, qui offre moins de souplesse en cas de crise ?

Mme Christine Prunaud. - Je ne pensais pas intervenir au nom du groupe CRCE. C'est une situation assez délicate en raison de ma qualité de rapporteur. Je reste néanmoins en cohérence avec mon intervention liminaire sur le SSA, que mon groupe défend à 100 %. J'espère que nous arriverons à tirer au clair ce qui s'est passé avec le Charles-de-Gaulle, mais nous n'avons nullement l'intention de critiquer d'emblée le SSA.

M. Joël Guerriau. - Mes questions porteront essentiellement sur les mesures de prévention et de précaution que nous devrons retenir pour l'avenir.

Nous sommes bien évidemment préoccupés par ce qui s'est passé sur le Charles-de-Gaulle. Il y a lieu de s'inquiéter pour les navires qui n'ont pas de médecin embarqué, plus particulièrement pour certains sous-marins. Est-ce qu'il y a des mesures spécifiques pour ce type de situation ? Cela pourrait être tragique si d'aventure le commandement d'un sous-marin était touché par l'épidémie loin de nos côtes.

Les moyens prévus dans les plans de lutte contre les catastrophes nucléaires, bactériologiques ou chimiques sont-ils adaptables pour affronter une crise telle que celle que nous connaissons ?

Enfin, vous l'avez rappelé, l'opération Résilience vise à lutter contre la propagation du coronavirus. Aussi, l'armée a-t-elle les moyens et les compétences pour fabriquer des masques comme cela se fait actuellement aux États-Unis, en Australie, en Suisse, et même au Liban, un État pourtant en faillite ?

Mme Sylvie Goy-Chavent. - Mes questions portent sur les éléments militaires de réanimation, les EMR, ces hôpitaux de campagne comme celui qui a été installé à Mulhouse, d'une capacité totale de 30 lits. Comme mes collègues, je salue l'action du SSA, mais il a fallu 11 jours à compter de l'annonce du président Macron pour déployer cet EMR. J'imagine pourtant que le SSA était déjà prêt avant cette annonce.

De combien d'EMR dispose la France ? Combien de lits cela représente-t-il ?

Cette période de presque deux semaines pour les rendre opérationnels me paraît très longue. Imaginez que nous soyons victimes d'une attaque nucléaire, bactériologique ou chimique. Ne peut-on pas essayer de gagner de précieuses journées ? L'installation des EMR dans des établissements comme des gymnases est-elle possible ? Pourrions-nous utiliser un autre type de matériel plus facile à installer ? Comment font les autres pays ?

Enfin, pour lutter contre le coronavirus, les médecins militaires français utilisent-ils le protocole de soins du professeur Raoult à base d'hydroxychloroquine ?

Mme Maryline Gygax Généro. - Sur la situation du porte-avions, qui représente un événement majeur, vous parlez d'incompréhension et d'inquiétude. En l'état de mes connaissances, le Charles-de-Gaulle a appareillé en janvier, c'est-à-dire au moment où l'épidémie était encore un lointain événement en Chine. Or il convient de replacer chaque étape de la prise en charge des marins du porte-avions en rapport avec la phase dans laquelle se trouvait l'épidémie, les événements qui se sont produits sur le territoire national et les données de la science.

À ce stade, je ne suis pas en mesure d'apporter des réponses très précises à vos questions, puisque l'enquête épidémiologique du SSA est en cours et qu'une enquête de commandement a été déclenchée par le chef d'état-major de la marine ; sa réalisation sera confiée à un amiral, assisté d'un inspecteur du SSA pour les questions de santé, afin qu'elle soit la plus pertinente et complète possible.

Comment garantir au commandement qu'aucune épidémie à coronavirus ne se répande au cours d'une mission ou qu'un virus ne soit pas embarqué à bord d'un bâtiment de la Marine nationale, voire pis, d'un sous-marin ?

Une garantie de niveau maximal peut être apportée au commandement en fonction des données scientifiques - et on ne les connaît pas encore toutes concernant ce virus -, du type de mission, ainsi que de la connaissance, de l'environnement, des conditions et de la durée de celle-ci, de l'existence ou non d'un confinement, des interactions potentielles avec des éléments extérieurs aux armées, enfin, des possibilités de disposer des équipements et de l'organisation nécessaires. Au titre de la prévention, que peut-on conseiller au commandement pour éviter des drames comme celui du porte-avions ?

Les mesures de protection des forces sont fondées sur les mêmes principes que celles qui s'appliquent au grand public. L'utilisation des solutions hydroalcooliques, dont l'approvisionnement a soulevé quelques difficultés au sein de la gendarmerie, est désormais possible pour toutes les unités militaires, en complément d'un lavage des mains fréquent lorsque les conditions le permettent. La distanciation sociale est plus délicate sur un porte-avions, conçu il y a une trentaine d'années, dont la conformation a pour but de se protéger contre un ennemi extérieur et non un agent infectieux interne ; les coursives étant étroites, il est quasiment impossible de ne pas se croiser. Les mesures barrières sont respectées très sérieusement, mais ne peuvent qu'être imparfaites et insuffisantes.

Par ailleurs, faut-il proposer le port permanent du masque pour tout l'équipage ? Sur ce point, les politiques évoluent en fonction des données scientifiques et de la disponibilité des masques de différentes catégories. Le ministère des armées continue à réserver les masques FFP2 aux soignants, ceux-ci se trouvant en contact rapproché avec les patients contaminés et contagieux, et à privilégier les masques chirurgicaux anti-projections dans certaines situations spécifiques. Quant aux masques alternatifs à destination du grand public, ils seront bientôt, je l'espère, largement disponibles.

J'en viens à la question des tests. Monsieur le président, vous avez évoqué l'intérêt de réaliser un dépistage systématique avant chaque mission. Compte tenu des multiples informations sur les différents tests, je concentrerai mon propos sur leur objectif préventif.

Les tests de diagnostic viral tendent à rechercher le virus et à s'assurer, dans la mesure du possible, qu'aucun militaire sur le point de partir en mission n'en soit porteur. Parmi ces tests, seuls les dispositifs PCR sont actuellement possibles, mais leur protocole est lourd : il a fallu plusieurs jours pour tester l'ensemble des marins du groupe naval. En outre, ces tests, bien que fiables, peuvent révéler de faux négatifs si l'échantillon contient une quantité très faible du virus.

Au-delà de la présence du virus, ces tests pourraient-ils présenter l'intérêt d'informer les armées sur les militaires qui disposent d'anticorps, en supposant qu'une immunité en découle ? Si les tests PCR n'ont pas été réalisés avant le départ du porte-avions, c'est parce que, au mois de janvier, notre pays n'était pas encore en état d'alerte maximale concernant ce virus. De plus, avons-nous les moyens de tester toutes les unités militaires avant leur départ ? Pour le moment, les réactifs manquent partout, en France et dans le monde, pour pratiquer des tests systématiques. C'est pourquoi nous avons proposé au commandement, avant tout départ en opération, d'associer une quatorzaine, destinée à s'assurer que, en l'absence de symptômes, les militaires ne sont pas porteurs du virus, à une évaluation clinique et à des tests PCR systématiques pour les missions les plus sensibles.

Néanmoins, ayant conscience des limites de ces dispositifs, nous attendons prochainement des tests sérologiques de diagnostic rapide, utilisables avec deux gouttes de sang et lisibles en quinze minutes, afin d'y ajouter l'évaluation des militaires porteurs d'anticorps. Ce sont donc des mesures combinées qui permettent d'apporter au commandement un maximum de garanties.

Sur les questions relatives aux sous-marins nucléaires, je ne pourrai vous répondre qu'à huis clos.

J'en reviens à la situation du porte-avions et de son ravitailleur La Somme. La direction centrale du service de santé des armées a été alertée le 7 avril au soir de l'existence de plusieurs dizaines de cas d'infections respiratoires aiguës. En accord avec le commandement, nous avons envoyé dès le lendemain une équipe d'épidémiologistes, de médecins et d'infirmiers-préleveurs sur le Charles-de-Gaulle pour commencer l'enquête épidémiologique et réaliser des prélèvements sur les 60 marins symptomatiques, dont 50 se sont révélés positifs. Sur les 16 négatifs, certains ont vu leurs symptômes s'amplifier dans les jours suivants, d'où la mise en place d'une autre série de tests à l'issue de laquelle 10 cas sont devenus positifs. Nous avons aussi, le lendemain de l'alerte, évacué trois marins, plus symptomatiques ou plus à risque, vers l'hôpital militaire Sainte-Anne.

Comme je l'ai dit, l'enquête épidémiologique est en cours et l'enquête de commandement va débuter. Je peux seulement vous donner les éléments dont j'ai connaissance aujourd'hui, mais la ministre et le chef d'état-major des armées ont, comme moi, la volonté de faire preuve de transparence au fur et à mesure que des mises à jour interviendront.

M. Christian Cambon, président. - Merci de ces réponses, madame la directrice centrale. Ne pensez-vous pas que le test systématique s'impose pour nos soldats qui partent en OPEX, notamment au Sahel, ou pour nos marins qui embarquent sur des bâtiments par définition confinés ? J'entends bien, comme le disent tous les médecins, que le test n'est pas définitif et conduit parfois à un faux négatif, mais cette solution améliorerait le moral des familles, de l'opinion publique et des militaires. Notre commission demandera ce test systématique, que le Président de la République a d'ailleurs ordonné pour tous les établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad). Il existe suffisamment de tests pour sauvegarder la santé de nos militaires à laquelle nous sommes aussi attachés que vous.

Mme Maryline Gygax Généro. - Je suis entièrement d'accord avec vous, monsieur le président, et je sais que la ministre et le chef d'état-major des armées partagent cette position : il faut tester le maximum de militaires, la totalité si possible, avant leur départ en mission. Ce dispositif requiert certes de nombreux moyens médicaux et matériels, ainsi que des ressources humaines importantes. Nous avons commencé par les unités opérationnelles, car nos moyens nous le permettaient à ce moment-là, mais notre objectif est bien d'élargir ces tests.

Nous nourrissons de grands espoirs dans l'apparition de tests de diagnostic rapide au cours des semaines à venir, permettant de rechercher le virus par des moyens moins lourds que les écouvillonnages nasopharyngés et l'utilisation d'appareils à PCR, afin d'obtenir la confirmation de négativité, condition pour laisser partir les militaires. Plus les tests seront aisés à mettre en oeuvre, plus nous les étendrons ; je m'y engage.

M. Christian Cambon, président. - La commission est à vos côtés, car il s'agit d'un élément extrêmement important. Vous avez raison d'indiquer que la situation est évolutive : on en sait plus aujourd'hui que le mois dernier. Qu'en est-il de cette lettre qu'aurait signée le médecin-chef du porte-avions en vue de diminuer les contraintes préconisées, y compris par vous-même, et qui aurait été adressée aux seules familles des marins à bord ? Est-il vrai que, au moment où des soldats étaient déjà contaminés, on prévoyait au sein du porte-avions une simplification des mesures de confinement ? De telles informations, dont je ne sais si elles sont exactes, ne risquent-elles pas de marquer l'opinion publique ? Ce point devrait être évoqué dans l'enquête de commandement. Puisque vous conseillez le Gouvernement sur la santé de nos soldats, il est très important que vous leur rappeliez que les consignes, même difficiles à tenir, doivent absolument être respectées à tous les niveaux.

Mme Maryline Gygax Généro. - Monsieur le président, je partage tout à fait votre analyse. Je ne dispose pas d'éléments précis concernant ce qui s'est passé sur le porte-avions, mais l'enquête de commandement répondra à toutes les interrogations. Les tests que je viens d'évoquer ne dispenseront jamais de l'application stricte des gestes barrières. Pour la Marine nationale, ces gestes sont recommandés dans la mesure du possible, associés au port du masque lorsque la distanciation sociale n'est pas possible. La question d'une interdiction des escales qui pourrait venir à l'esprit se heurte évidemment aux besoins de ravitaillement et à la nécessaire prise en compte du moral des marins.

Lorsque nous disposerons de tests pouvant être effectués rapidement sur un grand nombre de militaires, nous pourrons prendre des mesures de prévention plus pertinentes. C'est pourquoi j'ai demandé à l'Institut de recherche biomédicale des armées (Irba) de porter une attention extrême à ces nouveaux tests de diagnostic viral rapide, en participant éventuellement à leur mise au point, de garantir leur fiabilité et de nous en procurer dès que possible. J'insiste sur le fait que l'ensemble des mesures à prendre ne se résume pas aux seuls tests. Par exemple, pour le Dixmude, actuellement en transit, le fait que la traversée ait duré 14 jours, avec une surveillance clinique stricte, permet de garantir l'absence de cas suspect à bord. À chaque escale, tout ce qui montera à bord sera décontaminé et les membres de l'équipage devant à se rendre à terre porteront un masque.

M. Christian Cambon, président. - Encore une fois, notre souci est la santé de nos forces armées, qui constituent un public prioritaire. Le confinement, qui fait partie des conditions d'emploi de ces forces, particulièrement dans la marine, ne doit pas aboutir à ce que ces hommes et ces femmes, qui risquent leur vie pour notre sécurité, soient moins bien protégés. Le fait de pratiquer un test avant de partir en mission est un signe. Il serait inadmissible que l'on envoie des militaires testés positifs au Sahel : vous imaginez les conséquences politiques dans ces pays, où la population ne porte pas toujours des sentiments très amicaux à nos soldats. Nous allons vous aider à obtenir les moyens qui paraissent nécessaires, car les militaires sont tout aussi prioritaires que d'autres catégories.

M. Jean-Marie Bockel. - Nous avons été très attentifs à vos réponses et partageons votre souci d'apporter toutes les améliorations possibles. Pourriez-vous nous faire part du retour d'expérience concernant l'EMR mis en place à Mulhouse et sa possible réutilisation ailleurs ?

Mme Christine Prunaud. - Nous aurons certainement l'occasion de vous auditionner à nouveau, car la situation évolue constamment. J'espère que nous obtiendrons très prochainement ces fameux tests que nous réclamons, pour les militaires et la population civile. Je vous remercie de votre disponibilité.

M. Jean-Marie Bockel. - Je voudrais m'associer, ainsi que l'ensemble de nos collègues, à l'hommage que vous avez rendu aux militaires du 5e RHC encore durement frappés hier.

Mme Maryline Gygax Généro. - Je n'ai pas pu répondre à toutes les questions, mais je souhaiterais dire un dernier mot concernant l'EMR-SSA. Le SSA ne dispose pas actuellement d'hôpital de campagne. C'est prévu dans le contrat opérationnel et le budget permettant d'acquérir et de mettre en place cet hôpital de campagne au sein des établissements de ravitaillement sanitaire est en cours de discussion. L'EMR-SSA a donc été conçu et déployé en 6 jours et demi, et non 12 jours, ce qui constitue un exploit, parce que nous ne sommes entraînés que pour la prise en charge des blessés de guerre, très différente de celle de malades infectieux. L'installation sous tente, déployable rapidement, offre la solution la plus flexible. L'EMR n'est pas une structure autonome, c'est un service qui doit pouvoir s'appuyer sur un hôpital. D'autres pays ont déployé des lits de surveillance médicale dans des gymnases, mais déployer des lits de réanimation dans ce type d'enceinte ajouterait un degré supplémentaire de complexité, car il faut garantir la qualité des soins.

L'EMR-SSA est donc la structure modulaire qui correspond le mieux à ce que nous savons faire. Conçue dans un temps très court, elle a permis de garantir la qualité des soins. J'ajoute que mon homologue allemand m'a confirmé qu'il ne disposait pas d'un hôpital de campagne. Concernant le faible nombre de décès en Allemagne, je ne dispose pas à ce jour d'éléments permettant d'expliquer les écarts observés entre les différents pays.

Le désengagement progressif de l'EMR-SSA est destiné à permettre de le réutiliser ailleurs, plus ou moins complètement, en fonction des impératifs de santé publique, y compris outre-mer : il faut biodécontaminer la structure, la reconditionner, compléter le matériel, régénérer les équipes, de façon à pouvoir la redéployer d'ici à quelques semaines.

M. Christian Cambon, président. - Je tiens à vous rendre hommage, ainsi qu'à l'ensemble des personnels du service de santé des armées, qui ont montré leur courage, leur engagement et leur compétence. Je salue également les membres de la réserve, puisqu'un certain nombre d'anciens médecins militaires ont souhaité rejoindre la force de frappe du SSA. La commission tout entière est à vos côtés pour faire en sorte que la sécurité et la santé de nos soldats soient assurées dans les mêmes conditions que celles d'autres catégories de personnels exposés, car il y va non seulement de l'image de nos forces armées, mais aussi du respect et de la reconnaissance que nous leur devons.

Nous serons donc très attentifs à ce que des moyens vous soient donnés, comme nous l'avons déjà fait lors de l'examen de la loi de programmation militaire. Cet épisode dramatique ne fait que renforcer notre volonté en ce sens.

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