Mardi 25 février 2020

- Présidence de M. Hervé Maurey, président -

La réunion est ouverte à 9 h 30.

Avenir des petites lignes ferroviaires - Audition de M. Jean-Baptiste Djebbari, secrétaire d'État auprès de la ministre de la transition écologique et solidaire, chargé des transports

M. Hervé Maurey, président. - Nous avons le plaisir de recevoir M. Jean-Baptiste Djebbari, secrétaire d'État chargé des transports.

Nous vous remercions, monsieur le secrétaire d'État, d'avoir accepté cette audition pour discuter des petites lignes ferroviaires. Celles-ci représentent une importante part du réseau ferré national - 9 000 kilomètres sur un total de plus de 28 000 kilomètres - et un enjeu d'aménagement du territoire.

Le 11 janvier 2019, Élisabeth Borne, alors ministre des transports, confiait à M. Philizot, préfet, une mission de définition d'une stratégie pour les lignes ferroviaires de desserte fine des territoires. Les conclusions de cette mission devaient être rendues à la fin du mois d'avril 2019. Elles avaient en outre vocation à nourrir le rapport que le Gouvernement devait rendre au Parlement avant le 27 juin 2019 en vertu de l'article 27 de la loi pour un nouveau pacte ferroviaire.

Après plusieurs reports des échéances prévues, vous avez indiqué devant le Sénat que « le temps des rapports était passé et qu'il était nécessaire de mettre en place un véritable plan d'action ». Vous avez ainsi demandé au préfet M. Philizot de repartir en mission pour présenter un plan d'action concerté, qui serait signé par la voie de protocoles d'accord dans chaque région d'ici à la mi-février.

Jeudi dernier, un document intitulé Petites lignes ferroviaires : des plans d'action régionaux a été publié sur le site du ministère de la transition écologique et solidaire. Permettez-moi de douter que l'annexe de neuf pages présentée comme le « rapport Philizot » reflète le travail du préfet. Je regrette que, malgré des demandes réitérées, ce rapport ne nous ait jamais été communiqué.

Les deux premiers protocoles d'accord ont été signés la semaine dernière : l'un avec la région Grand Est et l'autre avec la région Centre-Val de Loire. Pourriez-vous nous en détailler les principaux axes et nous indiquer où en sont les discussions avec les autres régions ?

Certaines petites lignes seront financées à 100 % par SNCF Réseau, d'autres à 100 % par les régions et les dernières seront cofinancées par l'État et la région dans le cadre des contrats de plan État-région (CPER). Il est en outre que prévu que ces protocoles d'accord, signés région par région, soient suivis d'accords de financement. Est-ce à dire que, pour l'heure, les modalités de financement ne sont pas définies ? Les besoins de financement du réseau sont pourtant estimés à 6,4 milliards d'euros.

Enfin, la loi de 2014 prévoyait la définition d'un schéma national des infrastructures de transport (SNIT). Or nous l'attendons toujours. J'ai plusieurs fois interpellé Élisabeth Borne à ce sujet, en vain. Pourriez-vous nous préciser ce qu'il en est ?

M. Jean-Baptiste Djebbari, secrétaire d'État auprès de la ministre de la transition écologique et solidaire, chargé des transports. - Je suis heureux que nous puissions aborder ce sujet important, malgré les vicissitudes que vous avez rappelées.

Vous avez rappelé ce qu'étaient les petites lignes ferroviaires : 9 000 kilomètres sur les 28 000 du réseau ferré national. 78 % d'entre elles sont des voies uniques et 85 % ne sont pas électrifiées. Elles sont de plus très hétérogènes selon les régions, tant par leur fréquentation que par leur place dans le réseau ferré. Une telle diversité appelle des réponses différenciées.

Dans le cadre du pacte ferroviaire, le Premier ministre avait rappelé que l'avenir des petites lignes ferroviaires ne se déciderait pas depuis Paris. J'avais alors demandé, en tant que député, la production du rapport Philizot pour estimer les coûts de régénération du réseau à vingt ou trente ans en vue de sortir d'une logique d'urgence en proposant des réponses structurantes. Je rappelle que l'État avait alors acté le désendettement du réseau avec l'objectif de trouver des réponses pertinentes à la régénération des petites lignes.

Près de 1 milliard d'euros sont consacrés chaque année à la régénération du réseau : l'État et SNCF Réseau apportent 780 millions d'euros et les régions 210 millions d'euros. Depuis 2010, l'État et SNCF Réseau ont investi 1,2 milliard d'euros pour la régénération des petites lignes. Il reste à trouver les 6,4 milliards d'euros que le rapport Philizot estime nécessaires.

Lorsque je suis arrivé au ministère, j'ai demandé que le rapport Philizot soit traduit en plans d'action. Il fallait pour cela s'accorder sur la typologie des lignes ferroviaires et sur des clés de financement. Les lignes les plus circulées seront financées par SNCF Réseau - nous proposons de faire remonter une quinzaine de lignes dans la trajectoire de SNCF Réseau -, d'autres lignes continueront d'être cofinancées par l'État et la région, et certaines lignes pourront être transférées aux régions qui en font la demande, ce qui leur permettra notamment de faire des expérimentations.

Tel est l'objet des plans que nous avons signés avec les régions Centre-Val de Loire et Grand Est, deux régions qui se sont montrées exemplaires. Le plan Grand Est concerne 400 kilomètres de petites lignes ferroviaires, pour un montant de 931 millions d'euros. Les discussions se poursuivent avec l'ensemble des régions, notamment les régions Bretagne et Provence-Alpes-Côte d'Azur. Nous communiquerons sur ces négociations après la période de réserve électorale.

Nous avons tenté de remettre de l'ordre dans la maison ferroviaire en remettant des trains sur les voies et des gens dans les trains, et ce afin de répondre aux grands enjeux contemporains, notamment à la nécessité de désenclaver les territoires ruraux et de montagne et de proposer une offre ferroviaire qui soit à la hauteur des attentes des usagers.

M. Hervé Maurey, président. - Vous n'avez pas répondu à ma question relative au schéma national des infrastructures de transport.

M. Jean-Baptiste Djebbari, secrétaire d'État. Les travaux sont encore en cours, mais je ne manquerai pas de revenir vers vous pour vous donner une réponse plus détaillée.

M. Didier Mandelli. - Je partage pleinement les propos de notre président. Le financement du programme d'action des deux régions ayant signé un protocole est encore hypothétique. Comment est-il prévu d'articuler les protocoles d'accord avec le contrat de performance ? Quel est l'état des négociations en la matière ?

Je souhaitais également vous interroger sur la récente loi organique relative à l'application du cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution, qui a entériné la suppression de l'audition du dirigeant de SNCF Réseau par les commissions parlementaires compétentes. Je connais votre attachement à l'indépendance du gestionnaire de l'infrastructure, mais la suppression de cette audition est une incongruité et je regrette que la position du Sénat n'ait pas été entendue.

M. Hervé Maurey, président. - Je ne peux qu'appuyer les propos de M. Mandelli. Nous avions en outre obtenu des garanties de la ministre des transports quant au maintien de représentants du Parlement dans les instances du groupe SNCF. Si le Sénat était majoritairement favorable à la libéralisation du transport ferroviaire et à la modernisation de la SNCF, la suppression de ces représentants et de l'audition du président de SNCF Réseau n'étaient pas dans le deal.

M. Jean-Baptiste Djebbari, secrétaire d'État. - La question du financement est importante. Des articles de presse font mention d'une somme de 1,4 milliard d'euros apportée par la trajectoire de SNCF Réseau. Ce montant est exact, mais il ne fait apparaître ni les optimisations industrielles, ni les recettes complémentaires, ni les surcoûts et aléas survenus depuis la loi de 2018. En y ajoutant les deux premiers items, y compris selon des hypothèses assez conservatrices, on arrive à l'équilibre financier.

Au total, le montant à couvrir devrait être de 300 millions d'euros sur dix ans, qu'il faut mettre en regard du coût de 150 millions d'euros pour les grèves, de 120 millions d'euros au titre des mesures de la loi Didier et de plusieurs centaines de millions d'euros pour financer des alternatives au glyphosate. À ce titre, il nous faudra, avec Jean-Pierre Farandou, travailler sur de nouvelles pistes, afin de poursuivre la séquence d'assainissement financier, tout en maintenant les investissements.

S'agissant des auditions organisées au titre de l'article 13, dans notre intention de réunifier le groupe ferroviaire, nous avons maintenu l'audition du directeur général de la holding SNCF, lequel est en mesure de répondre à toutes les questions. Mais j'entends la remarque formulée.

M. Claude Bérit-Débat. - Je partage le propos introductif du président et le questionnement de Didier Mandelli sur le financement des petites lignes. Quels moyens vont être accordés aux régions ? Envisagez-vous des moyens supplémentaires ? Avez-vous une visibilité plus grande sur la région Nouvelle-Aquitaine, que vous connaissez bien ?

Par ailleurs, lorsqu'aucune alternative ferroviaire n'existe, qu'en est-il de la circulation sur les routes ? Est-il vrai que vous envisagez de rétrocéder la gestion des routes nationales aux départements ? Avec quels moyens ? Que pouvez-vous nous dire sur la N21 ?

M. Jean-Baptiste Djebbari, secrétaire d'État. - S'agissant des moyens, on fait souvent référence à une clé de financement des CPER répartissant la charge entre 60 % pour les régions et 40 % pour l'État et SNCF Réseau. Cette répartition ne vaut pas pour l'investissement et l'entretien : sur les petites lignes, par exemple, l'État et SNCF Réseau investissent cette année 780 millions d'euros, contre 210 millions d'euros pour les régions.

Il n'existe aucun projet de transfert systématique de la gestion du réseau routier national aux collectivités territoriales. Certaines en font ponctuellement la demande sur des sections limitées pour des questions pratiques d'entretien. L'État est favorable à étudier ces cas.

Différentes propositions sont à l'étude pour la N21. Mais tant qu'aucun consensus n'est trouvé sur les hypothèses ou le tracé, nous aurons du mal à avancer au-delà de ce qui est déjà prévu dans les contrats de plan.

M. Patrick Chaize. - Il semble que les départements manquent de visibilité sur le volet mobilité des CPER et qu'ils aient, à ce sujet, relativement peu d'influence. Dans mon département, un retard est accusé sur tous les volets du CPER mobilité, pour des questions de mise en forme, à tel point que l'on évoque la prorogation du CPER en cours et la signature d'un nouveau CPER mobilité en 2020. Ne faut-il pas s'interroger sur le portage de ces dossiers ? Les départements ne doivent-ils pas être plus impliqués ?

Je profite de votre présence pour évoquer le dossier des ponts. À la suite de l'effondrement du pont de Mirepoix-sur-Tarn, vous avez ouvert plusieurs axes de travail : recensement des ponts communaux, mise en place d'un appui méthodologique aux collectivités, réflexion sur l'intégration dans les GPS des interdictions de circulation sur certains ponts. Où en est-on sur ce dossier ?

M. Jean-Baptiste Djebbari, secrétaire d'État. - On constate effectivement des taux d'exécution différenciés selon les CPER. Le principe retenu est le suivant : nous étendons les CPER jusqu'en 2022 sur le volet mobilité ; parallèlement, nous entamerons la discussion pour la future génération de CPER sur l'ensemble des volets, avec l'idée d'une contractualisation la plus souple possible avec les différents niveaux de collectivités, dans une logique de différenciation des besoins et des solutions. Cela nous permettra de rattraper le retard d'exécution dans certaines régions et de nous donner de la flexibilité.

S'agissant des ponts, la phase de recensement a été achevée le 31 décembre 2019. Il faut ensuite procéder à l'analyse, puis l'État prendra des mesures par décret. J'ai évoqué les surcoûts pour la SNCF - de mémoire, 4 400 ouvrages de rétablissement sont du ressort de SNCF Réseau. L'État les prendra en charge, tout comme ceux qui relèvent de Voies navigables de France, avec, à nouveau, une préoccupation quant à l'équilibre financier global du groupe SNCF.

M. Hervé Maurey, président. - Ce sujet ne se limite pas aux ouvrages de rétablissement. Le principal problème est celui des ouvrages dépendant des collectivités, notamment des communes et intercommunalités. Certaines n'ont pas les moyens de réaliser les travaux, voire de financer l'établissement des diagnostics !

Mme Michèle Vullien. - Nous sommes très heureux de vous entendre après l'arlésienne du rapport Philizot. Oui, il faut retisser un lien de confiance qui s'est détérioré au fil du temps. S'agissant de l'état du réseau, c'est l'incurie depuis quarante ou cinquante ans ! Pour ma part, cela ne fait que vingt-cinq ans que je suis impliquée sur ces questions pour la région métropolitaine lyonnaise et je peux témoigner du niveau d'« énervement » atteint sur le sujet des petites lignes dans certains endroits. En mettant de côté la question du « noeud » lyonnais, je prêche pour que les trois petites lignes de l'ouest - deux sont des lignes tram-train - soient sorties du réseau ferré classique de la SNCF. Comment puis-je vous aider pour que cela bouge ?

M. Jean-Baptiste Djebbari, secrétaire d'État. - Vous avez raison, madame la sénatrice, le sujet du moment, c'est de retisser le lien de confiance entre SNCF Réseau et les collectivités territoriales, qui s'est abîmé, notamment du fait des vastes travaux de régénération entrepris après l'accident de Brétigny-sur-Orge et qui n'ont pas toujours été coordonnés. C'est ce que nous essayons de faire avec la nouvelle gouvernance du réseau, notamment l'arrivée d'un nouveau dirigeant à la tête de SNCF Réseau, Luc Lallemand.

S'agissant des petites lignes évoquées, il faudra voir s'il y a mixité d'usage. Vous pourrez être un très bon relais avec la région, avec laquelle les discussions se poursuivent. Par ailleurs, nous lancerons très prochainement un cluster, une filière industrielle relative au train léger, secteur offrant de très nombreuses possibilités. Je pense, par exemple, à certains projets incroyables qui sont conduits, en Corée, sur des modules rail-route.

M. Guillaume Gontard. - Nous sommes heureux de pouvoir lire neuf pages du rapport Philizot ; depuis le temps que nous l'attendons...

On y trouve définis trois types de lignes, en particulier les lignes appartenant au réseau structurant, dont la régénération devrait être prise en charge à 100 % par SNCF Réseau. Or il me semblait que le contrat de performance et les règles d'or votées dans le cadre du pacte ferroviaire interdisaient un tel financement direct. Que va-t-on faire ?

S'agissant des rapports avec SNCF Réseau, je citerai l'exemple du CPER relatif à l'étoile ferroviaire de Veynes - je vous remercie d'ailleurs d'avoir tenu vos engagements quant à la pérennité de cette ligne. Il a fallu batailler très fermement pour que, dans ce cadre, SNCF Réseau accepte d'assumer les prérogatives de l'État. Quel est votre avis sur ces rapports difficiles ?

M. Jean-Baptiste Djebbari, secrétaire d'État. - Je vous remercie pour vos remerciements - ces derniers sont plutôt rares ! Cette ligne, emblématique, est essentielle pour l'aménagement du territoire et comprend, en outre, des ouvrages d'art qui sont plutôt en bon état. Il fallait donc avancer rapidement sur une solution structurelle et, je le reconnais, cela ne s'est pas fait sans quelques frottements.

La restauration de la confiance passe par l'amorce d'une nouvelle culture au sein du groupe ferroviaire. C'est en ce sens que nous travaillons : s'il est important de respecter les trajectoires financières, il faut aussi faire en sorte que le groupe ait pour raison d'être de construire des trains et de mettre des gens dedans, et ce d'autant que le contexte est favorable. La décennie 2020 peut être celle du ferroviaire, mais il faut tout faire en même temps : assainir le groupe SNCF, relancer un plan d'avenir pour les petites lignes et retisser un lien de confiance entre les collectivités et SNCF Réseau.

La trajectoire du contrat de performance sera respectée si l'on y intègre bien ce plan « petites lignes », ainsi que les aléas précédemment mentionnés - alternatives au glyphosate, loi Didier. Nous travaillerons à gager ces surcoûts par des recettes nouvelles et, pour répondre à une question qui risque d'être posée, une revue des actifs de la SNCF pourra être engagée.

M. Hervé Gillé. - Un grand nombre des orientations que vous présentez sont conditionnées aux négociations en cours dans le cadre des contrats de plan État-région. Or ces négociations manquent un peu de lisibilité. Pourriez-vous nous apporter des précisions supplémentaires sur le caractère opérationnel d'un certain nombre de vos intentions ?

Nous aimerions notamment avoir votre éclairage sur le courrier que vous avez adressé aux parlementaires de la Gironde à propos du cofinancement d'une étude relative au RER métropolitain à Bordeaux, étude conditionnée à un apport financier prévu par le CPER.

M. Jean-Baptiste Djebbari, secrétaire d'État. - Je rappelle que le préfet Philizot a rencontré les présidents des exécutifs régionaux à plusieurs reprises, ainsi que les vice-présidents chargés des transports. Si la question des petites lignes ferroviaires a vocation à être traitée dans le cadre des CPER, elle mérite d'être abordée isolément. En effet, certaines lignes seront reprises par les régions ou, au contraire, remontées au niveau du réseau dit « structurant ». En outre, un certain nombre de projets ferroviaires inscrits dans les CPER feront l'objet d'avenants, de sorte que les travaux les plus urgents puissent être réalisés.

En ce qui concerne le RER métropolitain à Bordeaux, la réflexion est en cours. L'État débloquera une enveloppe de 2 millions d'euros pour le financement des études inscrites dans le CPER. Pour le RER métropolitain de Toulouse, l'État versera 31 millions d'euros pour les travaux de « diamétralisation » et de « désaturation » du réseau. Toutes les opérations prévues par la loi d'orientation des mobilités (LOM) seront financées. Le plan relatif aux petites lignes ferroviaires viendra évidemment s'intégrer dans cette ingénierie financière un peu complexe.

M. Frédéric Marchand. - Dans son rapport, le préfet Philizot parle de faire du réseau ferroviaire et des petites lignes un champ d'innovation et d'expérimentation. Selon moi, la question ne peut cependant pas être envisagée sous le seul prisme du transport ferroviaire.

L'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe) a lancé un appel à projets pour le développement de la mobilité servicielle. Où en est cette démarche aujourd'hui ?

M. Jean-Baptiste Djebbari, secrétaire d'État. - Vous évoquez un appel d'offres qui s'est révélé infructueux, mais que nous comptons relancer. Il s'agit de favoriser le développement d'applications Mobility as a Service (MaaS) qui permettent de mieux connecter les offres de mobilité entre elles et qui, de fait, favorisent le report modal.

M. Jean-Michel Houllegatte. - En tant que sénateur de la Manche et ancien maire de Cherbourg, je souhaite mentionner la relance d'un service de ferroutage entre Cherbourg et Bayonne, sous l'impulsion de Brittany Ferries. Celle ligne permettra de transporter 25 000 remorques par an et devrait être opérationnelle en avril 2021.

Monsieur le secrétaire d'État, vous souhaitez rassembler tous les acteurs au sein d'une filière d'innovation, ce qui paraît très positif. Il est vrai que le train léger peut contribuer à corriger l'image négative accolée aux petites lignes, un peu à l'image du tramway, considéré comme vieillissant il y a soixante-dix ans, qui est aujourd'hui un symbole d'innovation et de renouveau. Selon vous, est-ce à la seule Ademe de financer ce type d'expérimentation ?

M. Jean-Baptiste Djebbari, secrétaire d'État. - Je vous le confirme, nous avons obtenu un premier sillon de la part de SNCF Réseau pour développer le ferroutage entre Cherbourg et Bayonne.

Concernant le train léger, l'État lancera très prochainement un appel à projet pour l'émergence de la mobilité hydrogène. La manière dont se dérouleront les différents appels à projets qui en découleront sera explicitée à ce moment-là. À ce stade, je ne peux malheureusement pas vous en dire davantage : la démarche se veut partenariale, avec, notamment, un gros travail de l'Établissement public de sécurité ferroviaire (EPSF), parce qu'il est évidemment hors de question de déroger aux règles de sécurité.

Retenons l'idée qu'un train léger pèse moins de dix tonnes à l'essieu, contre douze tonnes pour les trains actuels, et qu'il peut transporter entre 80 et 100 personnes, contre plus de 200 passagers aujourd'hui. Ce train permettra de faire des économies à l'acquisition et, surtout, en termes d'exploitation. Aujourd'hui, la plupart des voies sont dimensionnées pour accueillir des trains de 1 000 tonnes. Avec des trains plus légers, les besoins en termes de régénération des voies seront moindres, ce qui permettra des économies très substantielles. Le rapport Philizot fait ainsi état de 25 à 35 % d'économies envisageables.

M. Guillaume Chevrollier. - Si vous voulez que davantage de Français prennent le train, il faut développer les TER dans les territoires ruraux et faire en sorte que les lignes offrent des horaires adaptés aux contraintes des travailleurs de ces territoires.

Ma région, les Pays de la Loire, a subi la déconvenue de l'abandon du projet de Notre-Dame-des-Landes : quel soutien l'État entend-il lui accorder pour encourager la mobilité dans le cadre du CPER ? Vous avez parlé de l'importance de la régénération des lignes : les efforts ne viseront-ils que cet objectif ou envisagez-vous de créer de nouvelles petites lignes ? Dans mon département, par exemple, on parle de l'ouverture ou de la réouverture d'une ligne entre Laval et Mayenne : est-ce vraisemblable selon vous ?

M. Jean-Baptiste Djebbari, secrétaire d'État. - Vous avez parfaitement raison, il faut mettre un terme à ce cercle vicieux, qui fait que le mauvais entretien des petites lignes contribue à la baisse du nombre des voyageurs. Les MaaS peuvent être une solution : ils référenceront les demandes des usagers, ce qui permettra aux régions d'affiner leurs plans de transport. Je crois beaucoup à ce type d'initiatives pour les territoires ruraux.

S'agissant de Notre-Dame-des-Landes et, d'une manière plus générale, des Pays de la Loire, nous avons lancé un plan de réaménagement sobre de Nantes-Atlantique il y a quelques mois. Nous travaillons avec la région sur ce plan de mobilité particulier et nous nous acheminons également vers la conclusion d'un accord sur les petites lignes ferroviaires.

Enfin, à ma connaissance, il n'y a pas eu de demande de réouverture de petites lignes de la part des régions, mais rien ne s'y oppose sur le principe.

M. Michel Vaspart. - Monsieur le secrétaire d'État, vous le savez, nous avons mis en place une mission d'information relative à la gouvernance et à la performance des ports maritimes. Nous nous sommes déjà déplacés dans un certain nombre de grands ports français, notamment celui de Rouen où les autorités portuaires ont souligné l'urgence qu'il y a à rénover les fins de ligne servant à acheminer les céréales vers le port. Ces lignes, propriété de SNCF Réseau, sont en très mauvais état : le risque serait de voir ces gros volumes de céréales acheminés par la route, ce qui serait un comble en termes de transition écologique. Qu'envisagez-vous de faire pour aider SNCF Réseau à rénover ce type de ligne ?

La route de la soie maritime est un important sujet d'inquiétude pour nous : les Chinois sont très présents, notamment autour des ports français, au Pirée, à Trieste ou à Gênes. Comment le ministère assure-t-il le suivi de ce dossier ? Les entreprises chinoises comme China Communications Construction Company ont-elles été approchées par des opérateurs ou des ports français en France hexagonale ou en outre-mer ? Nos dispositifs de contrôle des investissements étrangers sont-ils adaptés à la protection de nos activités stratégiques ?

M. Jean-Baptiste Djebbari, secrétaire d'État. - La protection des intérêts stratégiques de la France relève d'un pilotage interministériel sous l'égide du Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN). Aujourd'hui, la Chine est confrontée à un vaste défi en raison de la fermeture d'un grand nombre de ces ports, dans le contexte géopolitique que vous connaissez. À mon sens, la route de la soie peut être une opportunité pour le secteur ferroviaire, y compris pour les acteurs du fret français et européen.

S'agissant des ports, votre constat est juste : ils sont mal connectés avec le réseau ferroviaire. Or, si l'on souhaite améliorer l'exploitation économique des grands corridors, la ligne Perpignan-Rungis par exemple, il nous faut réussir à mieux capter les flux existants. Pour ce faire, nous devons réaliser les embranchements nécessaires, d'ailleurs prévus dans le cadre des projets pluriannuels d'investissement, mais aussi négocier auprès de la Commission européenne pour qu'un certain nombre d'investissements soient financés dans le cadre du Green Deal européen.

Enfin, comme vous le savez, les ports font parfois l'objet de transferts de propriété : si l'on part de l'hypothèse qu'il faut à chaque fois transférer ce qui appartient à SNCF Réseau, on risque de perdre beaucoup de temps. Il faudra sûrement signer des conventions avec le nouveau patron de SNCF Réseau de manière à préserver les infrastructures telles qu'elles sont, puis trouver le bon mode de fonctionnement pour faire avancer les projets beaucoup plus vite. Je pense notamment à la régénération nécessaire du quai de Rungis.

M. Louis-Jean de Nicolaÿ. - Ma question porte sur la ligne Caen-Alençon-Le Mans-Tours, qui traverse trois régions. J'ai cru comprendre que la région Normandie était cheffe de file du réaménagement de cette ligne. Pourriez-vous me confirmer que la réfection de cette ligne est bien prise en compte ?

Ma seconde question concerne le bruit lié aux lignes ferroviaires, notamment celui des lignes LGV. Dans le cadre de la loi LOM, les pics de bruit ferroviaire sont dorénavant reconnus comme un problème environnemental. Si cette loi a été votée, nous attendons toujours la publication des arrêtés prenant les préconisations de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) comme référence. Où en est ce dossier ? Je rappelle que cette demande correspond à une attente forte des riverains, qui attendent des dispositifs plus efficaces pour les protéger des infrastructures ferroviaires.

M. Jean-Baptiste Djebbari, secrétaire d'État. - La ligne Caen-Alençon-Le Mans-Tours fait partie des lignes qui pourraient être intégrées dans la trajectoire du réseau structurant et prises en charge à 100 % par SNCF Réseau. Je ne peux pas en dire davantage, car les discussions sont en cours.

S'agissant du bruit causé par les lignes ferroviaires, notamment les LGV, nous avons déjà signé des conventions avec certaines régions, notamment les régions Pays de la Loire et Bretagne, qui prévoient des travaux d'insonorisation pour un montant de 30 millions d'euros.

M. Olivier Jacquin. - La situation apparaît on ne peut plus floue. Je rends cependant hommage à votre fair-play : sans cynisme, vous assumez les promesses non tenues lors du pacte ferroviaire et de la LOM. Le rapport Philizot, peu disert en matière de chiffres, a le mérite de pouvoir être lu rapidement. Il pose cependant de nombreuses questions. Le Gouvernement joue, avec ce rapport sans visibilité financière et la demande des régions de se voir confier la gestion de certaines lignes, une partition habile. La procédure, prévue par l'article 172 de la LOM, demeure floue, dans la mesure où le décret prévu n'est pas encore paru. Quand envisagez-vous de le publier ? Le Parlement disposera-t-il d'une vision d'ensemble des accords de transfert ou faudra-t-il attendre la signature des CPER ? Le coût des petites lignes assumé en propre par SNCF Réseau est évalué à 1,4 milliard d'euros selon la presse. Comment comptez-vous financer cela ? ? Des recettes supplémentaires seront-elles affectées à cette dépense ou sera-t-elle financée par des économies ? Qu'en est-il du contrat de performance de SNCF Réseau ? La redevance d'accès de 2 milliards d'euros payée par l'État à SNCF Réseau sera-t-elle réévaluée ? Élisabeth Borne a évoqué la possibilité de céder des actifs, à l'instar de Geodis, pour équilibrer le dispositif. Confirmez-vous cette option ? D'autres pistes sont-elles envisagées ? Pourrait-ce être la vente de Fret SNCF, en difficulté financière ? Quel vous semble être, par ailleurs, l'avenir de cet opérateur ? Enfin, compte tenu de l'échec de la négociation de l'accord de branche sur les rémunérations et la classification des métiers, une ordonnance devrait être prise. Dans quel délai interviendra-t-elle ?

M. Jean-Baptiste Djebbari, secrétaire d'État. - À titre d'illustration, l'accord conclu avec la région Grand Est prévoit 400 kilomètres de lignes transférées et 931 millions d'euros. Sur le territoire national, 1 500 kilomètres de lignes feront l'objet d'une remontée en lignes structurantes et, sur les 6 500 kilomètres de lignes concernés par les CPER, environ 1 000 kilomètres pourraient être transférés aux régions au titre de l'article 172 de la LOM, dont le décret sera publié d'ici l'été. L'objectif demeure de neutraliser le coût financier des transferts, dont les CPER constituent la traduction.

Il convient d'ajouter au montant de 1,4 milliard d'euros de dépenses pour SNCF Réseau une enveloppe de 330 millions d'euros pour les opérations prévues dans le cadre des CPER. Des recettes, à hauteur de 120 millions d'euros, seront issues de la suppression des ristournes sur les péages réalisées sur les lignes remontant en lignes structurantes, ainsi que de l'augmentation du trafic sur les lignes concernées. Dans une hypothèse conservatrice d'une croissance du trafic de 1 % par an, le plan pour les petites lignes sera à l'équilibre. J'ai ainsi évoqué le chiffre de 300 millions d'euros d'exposition. En revanche, le niveau de la redevance d'accès ne sera pas modifié. Quant à la cession d'actifs, le sujet sera traité dans le cadre du plan stratégique du groupe SNCF.

Nous menons une réflexion sur le fret. En France, le secteur apparaît effectivement en grande difficulté financière au regard de ses concurrents européens. Le marché, après un fort recul, est stabilisé depuis 2010. Il est constitué de petits acteurs atomisés en voie de consolidation. Des solutions peuvent être envisagées avec nos partenaires européens sur les trois marchés du fret que constituent le train massif, soit 70 % du marché, le wagon isolé, qui peut concerner des matières stratégiques, et le transport combiné, en lien avec les ports, et qui est subventionné.

S'agissant de la convention collective, si un accord a été trouvé avec l'UNSA et la CFDT, la CGT et Sud s'y sont opposés. Je le regrette, car le patronat ferroviaire avait fait de réels efforts. L'État, cependant, tiendra parole et prendra l'ordonnance prévue. Nous ne laisserons pas le secteur ferroviaire dans une situation de risque de dumping social.

M. Hervé Maurey, président. - Dans quel délai interviendra la ratification des ordonnances sur la gouvernance ?

M. Jean-Baptiste Djebbari, secrétaire d'État. - Je vous répondrai prochainement par écrit concernant le calendrier prévisionnel de ratification de ces ordonnances, mais le Parlement se trouve actuellement quelque peu engorgé...

M. Hervé Maurey, président. - Si vous ne déposez pas de texte, nous ne risquons pas de l'examiner !

Mme Nicole Bonnefoy. - Vous proposez trois niveaux d'intervention pour les petites lignes : la remontée en ligne structurante, le financement dans le cadre des CPER et le transfert aux régions. J'ai écouté avec attention vos propos sur les accords conclus avec les régions Grand Est et Pays de la Loire. Qu'est-il prévu en Nouvelle-Aquitaine ? S'agissant de la ligne Limoges-Angoulême, qui suscite des attentes fortes, où en est la réflexion de l'État ? L'appel à projets relatif aux trains légers me semble, à cet égard, pouvoir constituer une solution intéressante.

Le trafic de poids lourds atteint une densité très élevée sur les routes nationales. La LOM autorise la création de voies dédiées, mais cela, comme sur la route nationale 10, est parfois impossible. Lorsqu'une autoroute est proche, est-il possible d'y envoyer les poids lourds, afin que les routes nationales ne deviennent pas des autoroutes gratuites et engorgées ? Un groupe de travail sera prochainement créé au sein de notre commission sur ce sujet, afin d'établir des recommandations.

Un appel à manifestation d'intérêt (AMI) a été lancé pour le développement de la production de biocarburants aéronautiques. Il doit être clôturé au mois de juin. Où en est le processus ? De quels moyens sera doté le projet compte tenu des objectifs fixés ?

M. Jean-Baptiste Djebbari, secrétaire d'État. - La région Nouvelle-Aquitaine compte plus de 50 % de petites lignes, dont l'enjeu financier représente 1,2 à 1,3 milliard d'euros. Des discussions sont en cours avec Alain Rousset, président du conseil régional. La ligne Limoges-Angoulême, qui devra être traitée dans le pacte régional, est assez empruntée : dès lors, je ne suis pas certain que le train léger représente la solution la plus pertinente.

S'agissant du trafic des poids lourds, si une autoroute se trouve à côté de la route nationale, un itinéraire bis doit être praticable. Les maires, sur le territoire de leur commune, peuvent prendre des mesures pour éviter les engorgements. Nous avons, concernant la RN 10, mandaté la préfète pour réfléchir aux solutions envisageables au regard notamment des objectifs environnementaux.

L'AMI sur les biocarburants, lancé le 27 janvier, correspond à une phase intermédiaire pour la décarbonation du transport aérien, dans la perspective de tenir les objectifs fixés pour 2050. Il faudra probablement inventer une nouvelle génération d'avions fonctionnant avec des carburants synthétiques ou de l'hydrogène. Cette évolution pose la question de la production massive d'hydrogène et d'électricité décarbonés. Le Conseil pour la recherche aéronautique civile (Corac) poursuit, à cet effet, un programme de travail ambitieux. Il sera également nécessaire de faire voler des avions démonstrateurs de dix à quarante places qui seront hydridés. Le premier dépouillement des candidatures de l'AMI sera effectué au mois d'avril par la Direction générale de l'aviation civile (DGAC).

M. Jean-Marc Boyer. - Dans mon département, une usine d'embouteillage d'eau de source de montagne installée près d'une voie ferrée a réalisé, avec l'aide des collectivités territoriales, une voie de raccordement afin de limiter le trafic de poids lourds, d'économiser le réseau routier et d'améliorer la sécurité. Hélas, aucun accord n'a été possible avec SNCF Réseau, dont les propositions sont 15 à 20 % supérieures au coût du transport routier. La solution du fret n'apparaît donc pas rentable pour l'entreprise. Quelle solution envisager pour rendre le fret plus intéressant et participer ainsi à la poursuite des objectifs écologiques et à l'aménagement du territoire ?

M. Jean-Baptiste Djebbari, secrétaire d'État. - Votre question renvoie à la concurrence entre le rail et la route. Il existe, à mon sens, des zones de pertinence pour le fret, qui devrait prioritairement être utilisé pour de longues distances, ce que le fret français ne fait pas suffisamment. Il convient donc de raisonner en termes de complémentarité entre le rail et la route. Le plan fret comme le Green Deal devront apporter des réponses au manque de rentabilité que vous évoquez et au financement des grands corridors de fret. Les industriels peinent parfois à mettre du fret sur la route. Avec un réseau régénéré et des incitations publiques efficaces, l'offre de fret devrait être plus robuste.

Mme Angèle Préville. - Dans mon département, il existe beaucoup de lignes peu circulées. Elles font l'objet de nombreux travaux, subissent de multiples ruptures de correspondance et des trajets de remplacement en bus. Sur la ligne Brive-Aurillac, partagée entre trois régions, les retards se sont accumulés s'agissant des travaux prévus par le CPER. Dans quel délai sera établie la classification des lignes que vous proposez ? Ne sera-t-elle pas dommageable aux lignes les moins empruntées ? Il convient à cet égard de veiller à la présence d'entreprises sur les territoires concernés s'il était envisagé de choisir la solution du train léger. Ainsi, dans ma commune, est installée une industrie agroalimentaire internationale.

Le département du Lot, d'une superficie importante, est peu peuplé. Or, la ligne dite POLT - Paris, Orléans, Limoges, Toulouse - s'oriente de plus en plus vers une ligne entre Paris et Brive. Il ne faut surtout pas oublier de faire rouler des trains jusqu'à Cahors et Toulouse pour desservir ce département. L'incendie de la gare de Figeac, en novembre 2018, s'avère, à cet égard, fort préjudiciable. Si la région a racheté les locaux, l'aiguillage ne sera remis en service que dans un délai de cinq ans. La ville, qui représente un bassin dynamique de 8 000 emplois, notamment dans les nombreuses entreprises travaillant avec Airbus, souffre de la situation. Hélas, je n'ai à ce jour reçu aucune réponse à ma question écrite...

M. Jean-Baptiste Djebbari, secrétaire d'État. - La ligne Brive-Aurillac a vocation à appartenir à la deuxième catégorie, celle des lignes financées au titre des CPER. En 2019, 7 millions d'euros y ont été consacrés. L'objectif est d'accélérer la régénération de ces lignes. Le choix du train léger dépend grandement des coalitions territoriales et de la qualité de service apportée aux usagers. En région Nouvelle-Aquitaine, le réseau, très vaste, apparaît particulièrement dégradé ; dès lors, cette solution pourrait être utilement envisagée. Je vous ferai parvenir prochainement une réponse relative à l'aiguillage en gare de Figeac.

M. Hervé Maurey, président. - Cinq ans pour un aiguillage, c'est ce qu'il faut compter pour obtenir une réponse à une question écrite...

Mme Martine Filleul. - Les ports français, que je visite en ce moment avec Michel Vaspart, réalisent d'importants investissements et élaborent des stratégies de développement. Ils attendent néanmoins l'établissement d'une stratégie nationale pour s'inscrire dans son cadre. Où en est la réflexion à cet égard ? Quelle forme prendra cette stratégie ? Un projet de loi dédié sera-t-il présenté ? Nous nous rendons également dans des ports étrangers, dont l'hinterland, plus large, leur permet de bénéficier du report fluvial et ferroviaire. La future stratégie nationale intègrera-t-elle cette dimension ? Des solutions seront-elles avancées pour réduire les surcoûts de la manutention fluviale, qui représentent un frein considérable au développement du fret fluvial ?

M. Jean-Baptiste Djebbari, secrétaire d'État. - Les ports français doivent réaliser des investissements physiques et numériques pour se hisser au niveau de leurs concurrents européens, notamment s'agissant de leur chaîne logistique. Un plan d'investissement est établi, à cet effet, pour chaque port. Nous plaidons également pour une pleine utilisation des crédits, en particulier ceux dédiés aux grands corridors, pour mieux intégrer le report fluvial.

M. Éric Gold. - Le rapport Philizot propose un champ d'expérimentation pour les petites lignes. S'agissant des innovations relatives aux trains légers, l'appel à projets de l'Ademe pourra-t-il bénéficier aux constructeurs français ? Qu'en est-il, par ailleurs, de la situation de la région Auvergne-Rhône-Alpes ?

M. Jean-Baptiste Djebbari, secrétaire d'État. - Plusieurs régions ont conventionné avec Alstom et expérimentent son train à hydrogène. Cette initiative a vocation à prospérer. L'industrie ferroviaire va évoluer en ce sens ; les appels à projets actuels en traduisent l'amorce. J'ai récemment reçu une lettre de Laurent Wauquiez, président du conseil régional de la région Auvergne-Rhône-Alpes ; j'y répondrai. Le préfet Philizot a rencontré les autorités de chaque conseil régional, qui devraient prendre prochainement position.

Mme Pascale Bories. - Je vous remercie pour votre courrier en date du 17 février concernant les travaux d'urgence sur la ligne des Cévennes. S'agissant de la réouverture de la ligne sur la rive droite du Rhône, qui comprend de nombreux passages à niveau, une enquête publique a été réalisée. Quel sera le soutien de l'État à ce projet, notamment pour s'assurer que SNCF Réseau respecte la date de 2025 annoncée pour la réouverture de la ligne ?

Le train léger représente une solution utile. Les régions Sud et Occitanie se sont engagées sur le projet. Pour autant, de plus en plus de travailleurs utilisent le TGV pour leurs parcours quotidiens, mais, trop de trajets, le matin et le soir, sont réalisés par des Ouigo, sur lesquels les abonnements ne sont pas valables. Je pense notamment aux lignes Nîmes-Lyon ou Avignon-Marseille.

M. Jean-Baptiste Djebbari, secrétaire d'État. - Je partage votre ambition pour la ligne rive droite du Rhône. Un plan est à l'étude, dont les conclusions devraient être connues d'ici à dix-huit mois. Je rejoins également votre analyse sur le train léger.

Le Ouigo est victime de son attractivité et le sujet que vous évoquez fait l'objet de discussions entre la SNCF et les régions. Il convient de préserver le TGV dans son usage adapté aux trajets quotidiens. Du reste, sur les 1 500 dessertes quotidiennes, seules 15 % sont réellement à grande vitesse.

Mme Évelyne Perrot. - Dans mon département, une usine de production de biodiésel et de tourteaux pour l'alimentation animale utilise seulement deux trains par semaine, mais un camion toutes les sept minutes. Il faut revoir les équilibres entre le rail et la route.

M. Michel Dagbert. - Dans la région des Hauts-de-France, la desserte entre Lille et l'ancien bassin minier représente un enjeu important. La création d'un RER pourrait être envisagée. Vous êtes le bienvenu dans ce territoire, où le syndicat mixte a mis en service des bus à hydrogène circulant en partie sur d'anciennes voies ferrées. Il s'agit d'une innovation intéressante.

M. Jean-Baptiste Djebbari, secrétaire d'État. - L'opportunité de construire un RER entre Lille et l'ancien bassin minier a été identifiée. J'ai reçu un courrier de Xavier Bertrand, le président du conseil régional, sur les différentes hypothèses de travail. La région, cependant, avec seulement 22 % de petites lignes sur son réseau, est moins touchée que d'autres.

M. Jean-Pierre Corbisez. - J'avais alerté sur l'évolution potentiellement dommageable du bonus-malus automobile. Je ne m'étais guère trompé : un décret du 30 décembre 2019 en a réduit le montant de moitié, pour l'établir à 3 000 euros, pour les particuliers comme pour les entreprises. Pourquoi avoir pris une telle décision alors que la LOM soumet les entreprises à une obligation de verdissement de leur flotte d'ici à 2023 ? Certains constructeurs étrangers détourneraient le malus, qui s'établit désormais à 20 000 euros, en le remboursant à leurs clients ? Avez-vous connaissance de telles pratiques ? Comment les empêcher ?

M. Jean-Baptiste Djebbari, secrétaire d'État. - Il s'agit de pratiques commerciales que j'espère temporaires. Le montant individuel du bonus a certes diminué, mais l'État investit 400 millions d'euros supplémentaires dans le dispositif, en raison de l'augmentation importante du nombre de véhicules électriques vendus. Le Gouvernement poursuit sa politique d'accompagnement de la filière.

S'agissant du schéma national, le Gouvernement s'est engagé à donner une réponse d'ici à la fin de l'année 2020 avec le renouvellement des conventions sur les trains d'équilibre du territoire (TET).

M. Hervé Maurey, président. - Je vous remercie.

La réunion est close à 11 heures 10.

Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.

- Présidence de M. Hervé Maurey, président -

La réunion est ouverte à 18 h 34.

Audition de Mme Inger Andersen, sous-secrétaire générale des Nations Unies et directrice exécutive du programme des Nations Unies pour l'environnement (sera publié ultérieurement)

Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.

Le compte rendu de cette réunion sera publié ultérieurement.

La réunion est close à 19 h 49.