Jeudi 12 décembre 2019

- Présidence de Mme Annick Billon, présidente de la délégation aux droits des femmes, et de M. Michel Magras, président de la délégation sénatoriale aux outre-mer -

Audition de Mmes Stéphanie Condon, directrice scientifique, et Sandrine Dauphin, directrice de projet, sur les premiers résultats de Virage dans les Outre-mer en Guadeloupe et en Martinique

M. Michel Magras, président de la délégation sénatoriale aux outre-mer. - Madame la présidente, chère Annick, mes chers collègues, Mesdames, nous avons le plaisir de tenir ce matin une nouvelle réunion conjointe avec nos collègues de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes, pour poursuivre nos travaux sur le thème des violences faites aux femmes dans les outre-mer.

Je me félicite vivement de cette synergie entre nos deux délégations sur ce sujet particulièrement préoccupant et qui nous mobilise depuis maintenant plusieurs mois.

Nous accueillons aujourd'hui Mmes Sandrine Dauphin, directrice de projet, et Stéphanie Condon, directrice scientifique, sur l'enquête concernant les Violences et rapports de genre dans les outre-mer (dite Virage Dom), afin d'échanger sur les résultats de cette étude en Guadeloupe et en Martinique.

Comme vous le savez, Virage Dom est une vaste étude, coordonnée par l'Ined, visant à mesurer les violences, qu'elles soient subies par les hommes ou par les femmes, et à approfondir la connaissance statistique des violences faites aux femmes.

La présente réunion fait suite au travail initié ensemble en février 2018, avec l'audition de Mme Ernestine Ronai et M. Dominique Rivière, auteurs d'un rapport de référence sur les violences faites aux femmes dans les outre-mer, au titre du Conseil économique, social et environnemental (CESE).

Elle complète l'audition de juillet 2019 de Mmes Stéphanie Condon et Justine Dupuis sur les résultats de l'enquête à La Réunion, qui avait également permis à de nombreux collègues venant de différents territoires - dont beaucoup sont présents et je les en remercie - de faire part de leurs témoignages et de leurs engagements.

Enfin, nous avons eu en octobre dernier un échange approfondi, ici même, avec Mme Michaëla Rusnac, haute fonctionnaire à l'égalité des droits au ministère des outre-mer, et responsable du groupe de travail outre-mer constitué en vue du Grenelle de lutte contre les violences conjugales. Ce groupe a formulé une cinquantaine de propositions, notamment sur les sujets que nous avons abordés ensemble comme la prévention, la formation des acteurs impliqués, la sensibilisation des publics ou encore la prise en charge des victimes.

Mesdames, vous pourrez donc faire le lien entre Virage Dom et les annonces du Grenelle de lutte contre les violences puisque vous avez été associées à ce groupe de travail.

Vous pourrez nous préciser en particulier dans quelle mesure ce travail a pu nourrir les propositions du Grenelle et quelles en seront, à votre connaissance, les suites.

S'agissant de l'enquête, nous aimerions savoir s'il est prévu de mener une déclinaison de Virage Dom dans d'autres territoires, comme Mayotte, la Polynésie ou la Nouvelle-Calédonie. Est-il, également, envisagé d'actualiser régulièrement l'enquête afin de mesurer l'évolution de ces violences, dont l'impression générale est qu'elles ont tendance à progresser ?

Nous avons aussi relevé que le champ de l'enquête ne couvre pas toutes les Antilles, puisque Saint-Martin et Saint-Barthélemy ne sont pas concernées. Faut-il considérer que les constats faits à la Guadeloupe et à la Martinique sont également valables pour les territoires voisins ?

Pour notre part, nous estimons qu'il était plus que temps d'intégrer les outre-mer à leur juste place dans les politiques publiques de lutte contre les violences conjugales.

C'est pourquoi nous saluons l'initiative du Sénat qui a adopté la semaine dernière, dans le cadre de l'examen des crédits de la mission « Outre-mer » inscrits au projet de loi de finances (PLF) pour 2020, un amendement présenté par le sénateur Antiste et plusieurs de nos collègues visant à créer un nouveau programme « Fonds de lutte contre les violences conjugales », doté de 5 millions d'euros. Ce fonds spécifique aux territoires ultramarins aura pour vocation d'accompagner les femmes victimes de violences conjugales et leurs enfants. Nous espérons qu'il permettra d'apporter des réponses concrètes à des situations d'urgence souvent dramatiques.

Je remercie encore chaleureusement Mmes Dauphin et Condon d'avoir accepté notre invitation et je cède sans plus tarder la parole à ma collègue Annick Billon, présidente de la délégation aux droits des femmes.

Mme Annick Billon, présidente de la délégation aux droits des femmes. - Merci Monsieur le président, cher Michel.

Mesdames, chers collègues, comme Michel Magras, je me réjouis de cette nouvelle occasion de travailler ensemble sur un sujet central pour la délégation aux droits des femmes.

Je salue l'implication des quatre collègues ultramarins qui ont rejoint notre délégation et qui enrichissent ses réflexions : Victoire Jasmin et Guillaume Arnell - qui sont présents ce matin, Nassimah Dindar et Viviane Malet.

L'Ined a dévoilé à l'occasion du 25 novembre, date symbolique, les premiers résultats de l'étude Virage Dom en Guadeloupe et en Martinique, que vont nous présenter dans un instant Sandrine Dauphin et Stéphanie Condon. Nous le savons, disposer de statistiques précises, actualisées et propres à chaque territoire, est un enjeu crucial de la lutte contre les violences faites aux femmes.

Je voudrais aussi rappeler que le Grenelle de lutte contre les violences conjugales n'est que le début d'un processus, et que tout ne s'arrête pas après le 25 novembre ! Il serait trop facile de régler le problème par quelques annonces...

Nous devrons donc continuer à nous engager contre les violences, tant au Sénat que dans nos territoires.

À ce propos, j'ai pu, à chacune de nos réunions, apprécier la véritable expertise de nos collègues ultramarins sur ce grave sujet ainsi que leur engagement sincère pour combattre les violences. Je pense donc, cher Michel, que nous n'avons pas fini de travailler ensemble dans ce domaine !

Mesdames, nous allons écouter avec intérêt les enseignements que vous avez pu tirer de l'enquête Virage Dom sur la prévalence des violences faites aux femmes à La Réunion, en Guadeloupe et en Martinique, et des conditions dans lesquelles elles surviennent, qu'il s'agisse des violences commises dans les espaces publics, au travail ou au sein des couples.

Mme Stéphanie Condon, directrice scientifique de l'enquête Virage dans les Outre-mer à l'Ined. - Mesdames les sénatrices, Messieurs les sénateurs, nous vous remercions pour votre invitation qui nous permet de clore cette première série de présentations. Pour rappel, les enquêtes dont nous venons de restituer les premiers résultats aux Antilles font suite à l'enquête Violences et rapports de genre (Virage) réalisée dans l'Hexagone en 2015. Au moment de l'annonce de cette enquête, des élus locaux avaient relayé la demande d'actrices et d'acteurs travaillant dans le domaine de la prévention des violences et de soutien aux victimes à La Réunion et aux Antilles, afin que ces territoires puissent, eux aussi, bénéficier d'une enquête Virage.

Ainsi, le Service des droits des femmes s'est tourné vers l'Ined, qui avait réalisé l'enquête Virage et qui avait été associé aux Enquêtes nationales sur les violences envers les femmes en France (Enveff) au début des années 2000.

Ces nouvelles enquêtes visent à actualiser et approfondir les connaissances dans les outre-mer depuis les enquêtes Enveff. Il s'agit aussi d'impulser des recherches au niveau local pour produire des données représentatives à l'échelle du territoire à partir d'un échantillon suffisamment important. Ces données permettent l'élaboration de prévalences des violences verbales, psychologiques, physiques et sexuelles au cours des douze mois précédant l'enquête et tout au long de la vie.

Ces données offrent également la possibilité d'analyser le contexte dans lequel les violences surviennent ainsi que leurs conséquences sur le parcours des personnes et, enfin, d'identifier les facteurs associés et des situations à risques, mais aussi les leviers pour sortir des violences.

Ces enquêtes ont été conduites par collecte téléphonique auprès d'un échantillon aléatoire de femmes et d'hommes résidant habituellement à La Réunion, en Guadeloupe ou en Martinique et âgés de 20 à 69 ans. À l'instar des enquêtes précédentes menées en France et ailleurs, ce sujet très sensible nécessite une formation et un accompagnement spécifiques des enquêtrices et enquêteurs, un travail dans lequel l'équipe de recherche de l'Ined s'est impliquée fortement.

Au total, les échantillons présentés ici sont constitués d'environ 3 000 personnes par territoire, dont 72 % de femmes dans chaque territoire.

Dans le prolongement des échanges réguliers avec les déléguées régionales aux droits des femmes dans chacun des territoires, et avec les partenaires associatifs, institutionnels et scientifiques, nous nous sommes d'abord rendus à La Réunion pour présenter devant un large public, à l'occasion du 8 mars, les premiers résultats de l'enquête sur les violences faites aux femmes.

Nous avons ensuite poursuivi nos analyses des enquêtes aux Antilles dans le but d'organiser des restitutions locales similaires à l'occasion de la Journée internationale pour l'élimination des violences faites aux femmes, qui a lieu le 25 novembre.

En Martinique, deux présentations se sont tenues le 22 novembre, dans le cadre du lancement de la campagne locale. En Guadeloupe, une restitution s'est déroulée à la préfecture de Basse-Terre lors de la journée du 25 novembre, et enfin une intervention a eu lieu devant des étudiants, des enseignants et des membres d'associations au campus Saint-Claude à l'Université des Antilles.

Nous passons maintenant à la présentation des premiers résultats des enquêtes aux Antilles. D'abord, Sandrine Dauphin va exposer les résultats de l'enquête dans le contexte du travail et des relations de couple, ensuite je vous présenterai ceux qui concernent les faits survenant dans les lieux publics.

Mme Sandrine Dauphin, directrice de projet de l'enquête Virage dans les Outre-mer à l'Ined. - Je vous remercie à mon tour de nous avoir invitées à présenter ces résultats devant vos délégations. Nous les présentons dans leur ensemble pour la première fois. En effet, jusqu'à présent, chaque territoire n'a eu accès qu'aux chiffres qui le concernaient.

Ces territoires possèdent des histoires et des contextes sociopolitiques différents : nous nous gardons donc pour l'instant de toute comparaison, la comparaison ne valant pas toujours raison ! Il ne s'agit pas d'établir un classement entre ceux qui font état de plus ou moins de violences envers les femmes. La réalité est bien plus complexe.

Notre présentation porte sur les violences subies durant les douze derniers mois précédant l'enquête dans les différentes sphères de vie et pas seulement dans la sphère conjugale, car il importe de montrer que les femmes subissent des violences dans tous les aspects de leur vie, que ce soit dans les lieux publics, au travail ou dans le couple.

Outre les aspects scientifiques en termes d'apports de connaissances, il s'agissait aussi de pouvoir, notamment à travers des présentations en préfectures, sensibiliser et orienter l'action publique. Sur le travail par exemple, domaine dans lequel des lois existent déjà, comment peut-on progresser ? Sur quelle profession faut-il davantage faire porter les actions de sensibilisation ?

Aucune étude ne s'était encore intéressée aux violences de genre dans la sphère professionnelle dans ces territoires. Les enjeux de l'Enveff étaient essentiellement de fournir des chiffres sur les violences conjugales. Ainsi, présenter des données précises sur le travail était une manière pour nous de montrer les types et l'ampleur des violences subies dans ce domaine.

L'indicateur global des violences au travail prend en compte le fait pour les femmes d'avoir subi au moins un fait de violence au cours des douze derniers mois.

Le travail constitue une sphère où la question même des violences est sans doute le moins acceptable. Les personnes engagées dans un contrat de travail ne sont pas censées en subir, et même si c'est le cas - d'ailleurs pas forcément du fait de l'employeur - ce dernier est tenu d'assurer la sécurité de ses employés. Dans ce contexte, un seul fait de violence est déjà un fait de trop. Or, un tiers des femmes ont subi des violences dans l'ensemble des territoires et, comme en métropole, ce sont les violences psychologiques qui sont les plus déclarées dans le cadre du travail.

Parmi ces violences psychologiques, sur lesquelles portait le nombre le plus important de questions, les faits les plus souvent relatés sont les mêmes dans les trois territoires : critiques injustifiées, sentiment d'humiliation et de mise à l'écart, et modification abusive de l'organisation du travail.

Comme en métropole, les violences psychologiques sont surtout exercées sur les cadres. Elles concernent les femmes et les hommes, mais parmi les femmes, la catégorie « Femmes de la fonction publique de l'État » - les femmes de la fonction publique territoriale déclarant moins de violences - est davantage concernée. Ces données nous ont permis de sensibiliser le personnel des préfectures à cette réalité. Le harcèlement moral fait parler de lui depuis déjà un certain nombre d'années. Il convient néanmoins de rappeler que les supérieurs hiérarchiques n'en sont pas les seuls auteurs. En Guadeloupe notamment, les collègues exercent autant de violences psychologiques que les supérieurs hiérarchiques. Quant aux violences physiques, elles sont relativement faibles. Il existe toutefois des catégories d'emplois plus touchées que les autres, notamment les femmes travaillant dans la santé et le travail social, qui accusent une prévalence des violences physiques plus forte que les autres dans le contact avec des tiers.

J'en viens au harcèlement sexuel, dont l'indicateur comprend les propositions sexuelles insistantes et le fait de se trouver dans un cadre de travail où sont proférés des propos sexistes ou sexuels qui mettent les déclarantes particulièrement mal à l'aise.

Le harcèlement sexuel concerne 3 % des femmes à La Réunion, équivalent à la métropole, 4 % en Guadeloupe et 5 % en Martinique.

L'enquête ne dénombre quasiment pas de viol ou de tentatives de viol dans les violences recensées, mais beaucoup d'attouchements des seins et des fesses, de baisers forcés.

Les auteurs de harcèlement sexuel sont principalement des collègues.

Après les collègues, la catégorie des usagers et des clients comporte le plus grand nombre d'auteurs de harcèlement sexuel, puis viennent enfin les supérieurs hiérarchiques.

Pour La Réunion et la Martinique, la comparaison est possible avec l'Enveff, puisqu'une enquête avait été réalisée en 2002 à La Réunion et en 2008 en Martinique. Les chiffres en Martinique sont particulièrement intéressants car ils démontrent une baisse du harcèlement sexuel de la part de supérieurs hiérarchiques, passant de 30 % à 16 % en 2018 alors que la part des auteurs parmi les collègues a dépassé les 40 %. Cette évolution témoigne de l'effort de sensibilisation des supérieurs hiérarchiques cette dernière décennie mais du faible impact du changement de la définition du harcèlement sexuel depuis la loi du 6 août 2012 qui n'est plus seulement caractérisée par une pression exercée par l'autorité hiérarchique. Manifestement les collègues semblent ignorer le cadre de la loi.

Les catégories de femmes qui font le plus état de faits de harcèlement sexuel sont les jeunes femmes, les femmes des professions intermédiaires de la santé et du travail social et les femmes cadres. Ces dernières cumulent violences psychologiques et harcèlement sexuel, qu'elles travaillent dans la fonction publique ou le secteur privé. 10 % de femmes cadres, donc une femme sur dix, déclarent du harcèlement sexuel sur les trois territoires. Les femmes de la fonction publique concernées vivent pour la plus grande part en Martinique et à La Réunion, un peu moins en Guadeloupe. Ces différences s'expliquent par les conditions de travail et d'emploi des femmes en fonction des territoires. Quant aux femmes des professions intermédiaires de la santé et du travail social, elles déclarent presque le double de faits de harcèlement sexuel sur l'ensemble des territoires.

Des spécificités ont été relevées aux Antilles : en Martinique, les femmes travaillant à leur compte déclarent davantage de harcèlement sexuel. Il s'agit d'une particularité liée au contexte de travail, puisque l'entreprenariat féminin en Martinique, comparativement à la métropole, est plus important ; dans le secteur du commerce en Guadeloupe, on compte deux fois plus de harcèlement sexuel que dans les autres catégories professionnelles.

Abordons maintenant les violences subies par les femmes au sein du couple au cours des douze derniers mois.

La difficulté, pour mesurer les violences dans la sphère privée, réside dans la différenciation entre ce qui relève de l'ordre du conflit et ce qui relève des violences conjugales.

Comme dans l'enquête Enveff, les violences psychologiques - faits répétitifs de dénigrement, jalousie, contrôle, etc. - sont les plus observées au sein des couples. Pour caractériser le harcèlement au regard de l'indicateur de violences conjugales, les faits de violences psychologiques doivent posséder un caractère répétitif marqué, avec un cumul de différents faits.

Les chiffres sont inquiétants, notamment en Guadeloupe qui se distingue nettement des deux autres territoires avec 36 % de violences psychologiques et 17 % de harcèlement.

L'enquête posait des questions adjacentes sur les sujets de disputes, les raisons de celles-ci et le fait d'en être venu aux mains. C'est en Guadeloupe que les deux partenaires en viennent le plus souvent aux mains lors des conflits.

Par ailleurs, 3 % de violences physiques ont été déclarées à La Réunion et en Martinique, 4 % en Guadeloupe.

Nous avons tenté de construire un indicateur qui puisse détecter les femmes en situation de violences conjugales. Sont considérées comme en situation de violences conjugales toutes les femmes ayant déclaré des violences physiques et sexuelles, mais également celles qui ont fait état de violences psychologiques répétées et qui les jugent particulièrement graves - une question subjective concernait en effet la gravité ressentie.

15 %, 18 % et 19 % des femmes subissent des violences conjugales respectivement à La Réunion, en Martinique et en Guadeloupe. L'indicateur de violences conjugales de ces deux derniers territoires est donc relativement proche.

Les facteurs associés des déclarations de violences conjugales sont pour l'essentiel les mêmes qu'en métropole. Il n'existe pas de profil type de femmes victimes ou d'hommes auteurs. Le premier facteur est associé au moment de la séparation. Si deux partenaires se séparent, c'est généralement qu'ils sont en situation de conflit : celui-ci peut parfois dégénérer en violences au moment de la séparation. Ainsi, pour les femmes séparées au cours de l'année, les indicateurs de violences conjugales sont multipliés par deux, et notamment des violences physiques qui représentent le triple de la moyenne. Les violences les plus graves, comme les menaces de mort ou les tentatives de meurtre, ne sont déclarées que par les femmes qui se sont séparées dans l'année, et sont donc liées au cadre de la séparation.

Ce sont les femmes les plus jeunes qui déclarent le plus de violences et qui les cumulent davantage, qu'elles soient physiques, sexuelles et/ou psychologiques. Ensuite viennent les femmes dites inactives - ce ne sont pas les femmes au chômage, mais celles qui ne recherchent pas d'emploi - dont l'indicateur de violences conjugales dépasse la moyenne. Plusieurs observations doivent toutefois être faites.

À La Réunion, les femmes inactives qui ont déjà travaillé auparavant se caractérisent par un indicateur de violences conjugales plus élevé que les femmes inactives qui n'ont jamais travaillé. Ce constat semble lié à une modification des rapports de genre, la quête d'autonomie des femmes et de remise en cause de leur place au sein du couple qui peut introduire davantage de conflits et parfois de situations de violences.

Aux Antilles, on observe plutôt l'impact de la situation économique, de la précarité. Lorsque la femme est inactive et l'homme en emploi, l'indicateur de violences conjugales est plus faible que la moyenne. En revanche, lorsque les deux sont inactifs, l'indicateur de violences conjugales concerne quasiment le tiers des femmes, passant de 18 % à 31 %. Il est également observé que l'asymétrie des situations peut engendrer davantage de violences. Lorsque la femme est en emploi et que l'homme est inactif, l'indicateur de violences conjugales s'élève à 33 % en Martinique.

Sur la question de facteurs associés aux risques de violences conjugales spécifiques aux Antilles, le pluripartenariat masculin - qui se définit par le fait, pour un homme, d'avoir plusieurs partenaires en même temps, à différencier du fait d'avoir plusieurs partenaires successivement dans l'année, comme l'Enveff l'avait déjà souligné en 2008, est un facteur aggravant des violences conjugales. Pour les femmes qui se disent sûres que leur partenaire entretient des rapports sexuels avec une autre femme, ou pour celles qui nourrissent de fortes présomptions, l'indicateur de violences conjugales dépasse les 30 % - bien au-dessus de la moyenne de 18 % ou 19 % - avec des violences physiques qui triplent et qui atteignent jusqu'à 11 % dans le cas de la Guadeloupe.

Enfin, l'indicateur de violences conjugales s'élève à 27 % et 28 % pour les femmes qui ont déclaré des difficultés connues dans l'enfance et l'adolescence, qu'elles aient été victimes ou qu'elles aient assisté à des violences entre leurs parents : punitions injustes, coups, scènes de tensions particulièrement fortes entre leurs parents.

Stéphanie Condon va maintenant évoquer les violences subies par les femmes dans les lieux publics au cours des douze derniers mois.

Mme Stéphanie Condon. - Il convient tout d'abord de préciser que le terme de « lieux publics » recouvre tous les lieux qui ne sont réservés ni au couple ni à la sphère professionnelle. Il s'agit de lieux que nous pouvons traverser en nous rendant au travail ou à d'autres activités, par exemple pour faire les courses, mais aussi pour des moments de détente ou de loisir. Il s'agit donc d'espaces très larges, où l'on peut croiser des personnes connues ou non.

Depuis les premières enquêtes, nous posons un certain nombre de questions qui permettent de déceler des types d'actes survenant dans ces espaces et qui peuvent être qualifiés de violents. Contrairement à la sphère professionnelle ou conjugale, peu de lois permettent la prise en compte des actes de violence commis dans ce contexte, en dehors des cas de violences physiques. Les actes de harcèlement sexiste, par exemple, sont souvent banalisés. Cependant, on observe depuis quelques années une mobilisation politique pour qu'ils soient dénoncés et sanctionnés, afin que les femmes puissent circuler librement dans les espaces publics sans se faire importuner ou agresser.

Les violences susceptibles de survenir dans l'espace public recouvrent également les violences verbales et physiques. Lors des phases préparatoires de l'enquête en Guadeloupe, les acteurs de terrain rencontrés avaient attiré notre attention sur ces agissements, souvent considérés comme de simples conflits, alors que certains peuvent être réellement violents. Ce sont des actes qui blessent, qui humilient, voire qui effraient.

L'indicateur global des violences perpétrées dans cette sphère implique qu'au moins un fait ait été subi au cours de l'année avant l'enquête. Dans cet indicateur global s'inscrit aussi le fait d'être sifflée ou interpellée sous prétexte de drague. Ces actes sont considérés comme sans gravité par la plupart des femmes - 7 % d'entre elles les estiment graves - mais ces attaques participent à une ambiance sexiste et menaçante pour les femmes.

Parmi les autres indicateurs se trouvent :

- les insultes, qui correspondent davantage aux violences verbales et qui peuvent aussi inclure des propos sexistes et racistes. Elles concernent plus d'une femme sur deux aux Antilles ;

- le harcèlement, qu'il faut distinguer des interpellations sous prétexte de drague. Le harcèlement recouvre le fait d'être suivie avec insistance ou d'avoir subi des propositions sexuelles insistantes malgré le refus opposé. 10 % et 14 % des femmes en Guadeloupe et en Martinique - soit une femme sur dix - disent avoir été confrontées à ces situations au cours de l'année, souvent plusieurs fois dans l'année. Ce fait mérite donc d'être considéré avec sérieux ;

- les violences physiques, comme dans les autres sphères de la vie, ne sont pas les actes les plus fréquents, mais sont déclarées par 3 % des femmes dans les deux territoires ;

- les violences sexuelles recouvrent le fait de subir dans des lieux publics des attouchements des fesses ou des seins, des baisers forcés et des tentatives de viol ou des viols. Ces violences touchent 4 % des femmes, soit une femme sur vingt-cinq.

Dans cette sphère où les auteurs peuvent être une diversité de personnes, ils sont quasiment tous des hommes. S'agissant du harcèlement et des violences sexuelles, les auteurs sont exclusivement des hommes. En revanche, les auteurs de violences verbales ou physiques peuvent être aussi des femmes.

Les violences se déroulent en général dans un contexte d'interconnaissance. Selon les types de violences, les femmes disent connaître ou reconnaître l'auteur des faits presque deux fois plus que dans l'Hexagone.

Contrairement à la représentation que l'on s'en fait, les violences dans les lieux publics ne sont pas réservées à des moments liés à la vie nocturne. Pour sept femmes victimes sur dix, elles surviennent régulièrement dans des lieux fréquentés, le plus souvent dans la journée.

Les femmes les plus concernées par ces types d'actes sont, comme dans les autres sphères de la vie, les jeunes femmes, davantage victimes de propositions sexuelles insistantes et d'autres formes de harcèlement sexiste et sexuel.

Les femmes en emploi ou à la recherche d'un emploi, qui circulent davantage dans les lieux publics, sont davantage les cibles de violences que les femmes inactives.

Enfin, nous avons commencé à étudier un dernier facteur souligné lors de l'enquête de 2008 : les femmes nées en métropole déclarent nettement plus de faits de violences dans les lieux publics que les femmes natives de ces territoires. Une différence d'approche dans l'appréhension de ces lieux publics semble en cause, car il s'agit de femmes socialisées en métropole qui ont l'habitude de sortir seules, à tout moment de la journée (malgré une perception de risques de subir des actes de violence), voire de participer à des activités de loisirs après la tombée de la nuit. Dans le cadre de l'enquête, aux questions « Avez-vous avez l'habitude de sortir le soir ? », et « Avez-vous peur de sortir ? », ces femmes déclarent beaucoup moins souvent qu'elles ont peur de sortir le soir et répondent plus fréquemment qu'elles ont l'habitude de sortir seules le soir.

Nous avons l'ambition de produire dans les mois qui viennent des publications sur les violences subies par les jeunes. Ce travail a déjà été entamé et encouragé lors de la restitution des résultats à la Martinique, qui a coïncidé avec le lancement de la campagne. Celle-ci mettait l'accent sur les jeunes femmes victimes de violences et nous avons pu partager les premiers résultats. Il s'agit d'une thématique importante, trop souvent mise de côté, et qu'il faut valoriser.

Nous avons également entamé un travail sur les violences intrafamiliales. Nous nous sommes engagées à retourner dans ces territoires pour présenter ces résultats et échanger avec les acteurs et les professionnels dans ce domaine. Des travaux ont aussi commencé avec les observatoires régionaux de la santé et deux collègues spécialisées dans les questions des violences et leurs incidences sur la santé.

Enfin, pour répondre à des préoccupations croissantes, nous allons également contribuer à une étude sur la question des violences et des migrations.

En attendant, vous pouvez déjà trouver les documents qui présentent de façon détaillée les résultats de ces trois premières exploitations. Il existe aussi des synthèses et des résultats que nous avons transmis lors des restitutions, disponibles dans divers formats.

Nous sommes à votre disposition pour répondre à vos questions.

Mme Annick Billon, présidente de la délégation aux droits des femmes. - Merci pour ces explications qui s'appuient, vous l'avez dit, sur un échantillon important, puisqu'il comporte environ 3 000 entretiens dans chacun des territoires.

Vous avez donc, Mesdames, présenté l'étude en trois parties : les violences faites aux femmes dans le cadre professionnel, les violences au sein du couple et les violences dans l'espace public.

Ce que je note sur les violences faites aux femmes au travail, c'est que ces violences sont particulièrement fortes là où on ne devrait pas s'y attendre. Je veux parler des chiffres relatifs aux violences dans la fonction publique de l'État que vous avez mentionnés. Une affaire jusqu'alors très peu médiatisée concerne le ministère de la culture, où un agresseur a de très nombreuses victimes à son actif. Les statistiques que vous avez développées s'agissant des outre-mer m'inquiètent : la fonction publique de l'État devrait être exemplaire !

Je m'interroge donc sur l'éventualité d'un travail de contrôle ou d'enquête portant spécifiquement sur cette question. Je trouverais utile d'approfondir ce sujet dont vous révélez les dimensions inquiétantes dans les territoires ultramarins, mais qui concerne aussi la métropole.

Vous l'avez dit, un tiers des femmes ont déclaré avoir subi des violences dans le milieu professionnel : ces chiffres m'interpellent. Au sein du couple, les violences concernent un peu moins de 20 % des femmes dans les trois territoires cités, avec parfois des facteurs tels que le « pluripartenariat ».

Le fait que les jeunes femmes entre vingt et moins de trente ans soient la cible de toutes ces violences, qu'il s'agisse du travail, de l'espace public ou du couple me préoccupe vivement. Ces jeunes femmes n'ont pas forcément la capacité à se défendre et constituent donc des cibles plus faciles.

Je voudrais donner la parole à Victoire Jasmin, sénatrice de la Guadeloupe, très investie dans la lutte contre les violences. J'ai eu l'occasion de participer, à Gosier, à une réunion sur ce sujet : en quelques jours, elle a mobilisé plus de 30 personnes dont j'ai pu mesurer l'engagement.

Mme Victoire Jasmin. - Madame la présidente, Monsieur le président, je vous remercie une fois de plus pour cette réunion conjointe des deux délégations et je salue le travail réalisé par Mmes Dauphin et Condon.

J'ai participé à la réunion initiée par le préfet de la Guadeloupe le 25 novembre 2019. Beaucoup d'associations ont assisté à une première présentation des travaux. Je tiens à féliciter les chercheurs qui ont contribué à cette enquête pour la qualité de leur travail, qui reflète parfaitement la réalité. Venant de Guadeloupe, et ayant participé en janvier dernier à un colloque en Martinique avec l'association Prospective, je peux confirmer que les situations des deux territoires sur le sujet qui nous concerne sont quasiment les mêmes. Je tiens à saluer d'autant plus ce travail qu'un féminicide a été commis cette semaine en Guadeloupe. Une jeune femme de trente-huit ans, mère de deux enfants de huit et treize ans, a été retrouvée égorgée à son domicile par sa fille revenant de l'école. La victime est morte des suites de cette agression perpétrée par son conjoint, qui s'est suicidé par pendaison. Le sujet des violences faites aux femmes est donc plus que jamais d'actualité, et c'est insupportable de se retrouver encore aujourd'hui, malgré toutes les initiatives prises, confronté à ce genre de drame.

Je tiens à vous remercier une fois de plus, Madame la présidente, vous qui m'entendez très souvent évoquer devant la délégation aux droits des femmes la réalité de nos territoires, de vous être rendue sur place il y a quelques mois. Vous avez pu vous rendre compte de la capacité des femmes de ce territoire à se mobiliser. Une réunion qui devait durer deux heures à peine s'est prolongée pendant trois heures : chacune voulait participer, s'exprimer.

Je tiens à souligner que ces résultats démontrent l'intérêt de nos travaux et l'urgence de dégager des pistes opérationnelles. À cette date, nous dénombrons 142 féminicides en France pour l'année 2019. Il est insoutenable que, malgré tous les travaux du Grenelle et toutes les manifestations du 25 novembre, ici et dans pratiquement tous les départements d'outre-mer, cette jeune femme ait été tuée.

J'ai également remarqué concernant les violences psychologiques, que ce soit au travail ou dans les couples, que les taux sont importants. Cette situation est anormale. Il serait intéressant également d'établir des statistiques sur les femmes politiques prises pour cibles sur les réseaux sociaux. Pour parler de mon cas, lorsque je me rends à une manifestation festive dans mon territoire, je parle avec mon coeur : il y a des gens que ça dérange et qui publient des choses sur les réseaux sociaux ensuite.

J'ai été cadre et si je n'ai pour ma part pas subi de véritables pressions, je sais que ces violences existent. Les femmes cadres les dénoncent beaucoup plus facilement parce qu'elles ont la capacité de s'exprimer et ne sont pas dépendantes économiquement. Les femmes qui se retrouvent sans travail deviennent brusquement sans ressources et dépendantes. Elles subissent de ce fait plus d'agressions. Il existe aussi des femmes qui ne travaillent pas : ce contexte socio-économique explique peut-être qu'elles soient plus exposées aux violences. Mais cela ne justifie en rien, chez nous comme ailleurs, cette façon de traiter les femmes.

Récemment, nous avons examiné une proposition de loi visant à lutter contre les violences éducatives. J'en ai parlé à la préfecture de Guadeloupe parce que nous avons vu à travers les propos d'une chercheuse qui a contribué à vos travaux, Stéphanie Mulot, professeure de sociologie, que certains parents estiment devoir frapper l'enfant pour lui inculquer des leçons. Pourtant, l'enfant peut comprendre si on lui explique sans qu'il soit nécessaire de lui donner des coups. Or on constate que les filles ayant reçu des coups quand elles étaient enfants sont plus souvent aussi confrontées à des violences conjugales arrivées à l'âge adulte. Ce n'est pas normal, malgré toutes les actions mises en oeuvre par les associations, par les services de l'État et dans le cadre de politiques publiques, que tant de travail reste encore à faire. Rien ne peut justifier qu'autant de femmes soient victimes de violences, que ce soit dans l'espace public, dans la fonction publique de l'État ou ailleurs.

Concernant les remarques formulées sur les violences subies en outre-mer par des femmes nées dans l'Hexagone, il faut dire que dans les petits territoires ultramarins, tout le monde se connaît ; les personnes issues de métropole se font statistiquement plus fréquemment agresser parce que leur mentalité est différente. N'ayant pas subi la pression de l'environnement proche, elles sont beaucoup plus autonomes et indépendantes et ne possèdent pas les prérequis de ceux qui ont toujours vécu dans le territoire.

Je tiens à féliciter une fois de plus Mmes Condon et Dauphin et à remercier le président Michel Magras et la présidente Annick Billon pour les occasions qu'ils nous donnent d'échanger avec nos collègues sur ces sujets qui me tiennent particulièrement à coeur.

L'enquête n'a pas donné lieu à des études comparatives entre les territoires car, comme vous l'avez dit, il ne s'agit pas d'établir des comparaisons. Mais il va falloir à un moment donné travailler de façon ciblée en fonction des particularités locales.

Mes chers collègues, vous m'avez souvent entendue évoquer la réalité de nos territoires au cours de réunions alors que nous ne disposions pas forcément de chiffres ou de ressources scientifiques. Maintenant que ces données existent, vous voyez qu'il reste encore beaucoup à faire chez nous.

Je vous remercie pour ce travail et pour tout ce que nous allons pouvoir faire ensemble désormais.

Mme Annick Billon, présidente de la délégation aux droits des femmes. - Merci, chère collègue.

Pourrions-nous revenir sur la situation des jeunes femmes qui, habituées aux usages de la métropole, semblent davantage exposées à certaines violences que celles qui possèdent les « prérequis » du territoire ?

Mme Victoire Jasmin. - Les femmes nées en Guadeloupe sont dans un environnement qu'elles connaissent déjà et les hommes les connaissent aussi. Elles se font donc moins agresser que celles qui viennent de métropole, car elles ont l'habitude de sortir à certains endroits et elles sont protégées par l'environnement familial - les frères, les cousins. En revanche, des jeunes femmes qui arrivent pour des vacances ne peuvent pas s'appuyer sur les mêmes cercles familiaux et amicaux et sont donc plus vulnérables.

Mme Jocelyne Guidez. - Je me sens concernée car, originaire de Martinique par ma famille paternelle, j'y séjourne régulièrement.

Je rejoins les propos de Victoire Jasmin. On ne peut pas évoluer dans ces territoires avec la mentalité de l'Hexagone. On sait très bien que l'on ne peut pas sortir n'importe où la nuit car ce peut être dangereux. Quand on sort le soir, on se rend donc plutôt dans des soirées privées ou alors on sort en famille, on ne s'aventure pas seule. Les façons de vivre dans l'Hexagone et sur nos îles sont différentes, c'est une réalité à respecter. Sortir le soir en toute sécurité est possible, à condition d'être dans un cercle protégé et fermé.

Mme Annick Billon, présidente de la délégation aux droits des femmes. - Comment faire pour sensibiliser à ces réalités les jeunes femmes qui, séjournant temporairement dans ces territoires, ne bénéficient pas nécessairement de la protection d'un cercle familial ?

Mme Stéphanie Condon. - Je reprécise que l'enquête est menée auprès de personnes qui résident habituellement dans ces territoires. Cela ne concerne donc pas celles qui se trouvent seulement de passage : touristes, étudiants ou enfants rendant visite aux grands-parents par exemple.

En revanche, les natives et natifs de métropole qui retournent sur les îles dont ils sont originaires y rencontrent des difficultés qui relèvent vraiment de questions de socialisation. Quand les auteurs des agressions sont des inconnus, en effet, les victimes peuvent être des natives de métropole revenues s'installer en outre-mer ou des touristes séjournant pour les vacances, ou avoir été identifiées par les auteurs comme telles.

M. Guillaume Arnell. - N'oubliez-pas que nous sommes sur des territoires relativement petits. Souvent, les populations se connaissent et l'on remarque très rapidement quelqu'un qui est seulement de passage par sa tenue vestimentaire, son physique ou autre. La distinction se fait rapidement. On voit quand quelqu'un est habitué au territoire ou n'est là que de façon occasionnelle et cela peut en faire une cible plus facile, même si cela n'excuse pas les choses.

M. Gérard Poadja. - Je ne vais pas rentrer dans les détails de l'enquête, puisqu'elle concerne d'autres territoires que la Nouvelle-Calédonie dont je suis élu, mais il y a une chose sur laquelle nous pouvons nous mettre d'accord : nos îles sont petites, nous nous connaissons tous.

Ce qui me préoccupe, c'est que durant ces derniers mois nous nous sommes rendu compte que les violences sont allées jusqu'au drame pour un certain nombre de couples. Face à ce fléau, j'estime que rien n'est fait. Je déplore cette situation qui nous alarme tous, et je n'arrive pas à comprendre que nous en soyons encore à ce stade. Les droits des femmes existent, tout le monde se bat pour les faire respecter, et vraiment, je n'arrive pas à comprendre que nous en soyons toujours là, particulièrement dans nos îles où tout se sait. Nous pouvons comprendre que les femmes n'osent pas en parler, mais les violences qu'elles subissent constituent un problème sur lequel tout le monde doit agir.

Ce qui m'inquiète tout particulièrement, ce sont les violences observées au sein des services de l'État. Si personne ne dénonce cette situation, c'est grave ! Cela existe aussi dans mon territoire, mais personne n'en parle. Or, lors de la journée du 8 mars ou le 25 novembre, jour dédié à la lutte contre les violences faites aux femmes, c'est souvent l'État qui est au premier plan. Où est l'erreur ?

Je vous félicite, Mesdames, pour le travail que vous avez réalisé. Vous avez mené des enquêtes aussi bien en métropole que dans les territoires d'outre-mer. Toutefois, à quel moment passons-nous à l'action ?

Je regrette également - mais il y a sans doute des questions budgétaires à examiner, c'est souvent le nerf de la guerre - les failles juridiques : les femmes victimes de violences ne bénéficient que de très peu d'accompagnement, quelles que soient les difficultés qu'elles rencontrent. L'aide nécessaire fait cruellement défaut. Nous rencontrons encore des difficultés dans un certain nombre, pour ne pas dire dans la totalité, de nos commissariats. Même dans le domaine judiciaire, les choses sont compliquées car le recours aux services d'un avocat représente un coût qu'il n'est pas facile d'assumer pour des personnes démunies. La situation est compliquée également dans nos gendarmeries, avec parfois des réponses inadaptées aux personnes souhaitant porter plainte. Je ne veux pas critiquer l'État en permanence, mais quand on parle de police, de gendarmerie et de justice, c'est bien de l'État qu'il s'agit...

Si en plus de toutes ces difficultés, les violences s'insinuent jusqu'au sein du ministère de la culture, comment faire ? À quel moment allons-nous réagir ?

Quand une victime est confrontée aux rouages juridico-administratifs, il faut se rendre compte de l'épreuve qu'elle traverse. Outre les violences qu'elle a déjà subies, au lieu de l'aide et du réconfort qu'elle essaie de trouver, elle est confrontée à de nouvelles violences à travers les questions qu'on lui pose et du fait de la lourdeur du système. Je ne peux que déplorer cette réalité.

Tout au long de cette année, à combien de drames, à combien de décès avons-nous assisté ? À quel moment allons-nous agir ?

Mme Marta de Cidrac. - Merci, Mesdames, pour la présentation des premiers résultats de l'enquête Virage Dom en Guadeloupe et en Martinique : ils sont édifiants, comme l'a d'ailleurs souligné Gérard Poadja.

En tant que membre de la délégation aux droits des femmes, il me semble néanmoins que les choses évoluent peu à peu dans le bon sens s'agissant de la lutte contre les violences conjugales.

Je citerai à cet égard la proposition de loi visant à agir contre les violences au sein de la famille, portée par le député Aurélien Pradié. Le Sénat examinera bientôt les conclusions issues de la commission mixte paritaire sur ce texte, déjà adoptées par l'Assemblée nationale.

Par ailleurs, je voudrais rappeler qu'une autre proposition de loi sur des sujets connexes, déposée par d'autres députés, sera débattue dans les mois qui viennent.

Vous soulevez à juste titre la question : « une fois que nous avons fait le constat, que faisons-nous ? ».

En tant que législateur, nous ne pouvons que nous saisir de l'opportunité qui nous est donnée d'enrichir un texte portant sur les violences conjugales et qui intéresse l'ensemble de nos territoires - de métropole ou des outre-mer -. En effet, votre indignation et l'émotion que vous venez d'exprimer, cher collègue, sont tout à fait légitimes. Nous ne pouvons rester ni indifférents, ni insensibles à ce que subissent nos concitoyennes.

J'espère aussi que Virage Dom pourra nous aider, à travers ses résultats, à porter cette voix avec nos collègues d'outre-mer dans notre travail de législateur.

Au-delà de ces propositions de loi et du Grenelle de lutte contre les violences conjugales qui vient de s'achever, nous devons aller plus loin pour éradiquer ce fléau.

M. Roland Courteau. - J'essaie de voir s'il existe des similitudes entre la situation des outre-mer et celle que nous connaissons en métropole, s'agissant plus particulièrement des violences au sein des couples. Dispose-t-on d'indications plus précises sur les auteurs de violence ? Qui sont-ils ? Retrouve-t-on les mêmes types d'individus qu'en métropole selon les profils établis par les psychiatres : le jaloux pathologique, le pervers narcissique, l'individu qui a peur de perdre l'autre, le psychorigide, celui qui a été exposé à des violences entre son père et sa mère ? Ces auteurs de violences dans les outre-mer présentent-ils les mêmes traits que ceux que nous connaissons en métropole, la plupart souffrant finalement de troubles de la personnalité ?

Existe-t-il des indications sur le rôle de l'alcool, qui favorise et désinhibe sans aucun doute le passage à l'acte ?

Quel est l'impact du chômage par rapport à ces violences au sein des couples ?

Les policiers et les gendarmes d'outre-mer bénéficient-ils d'une formation adaptée leur permettant de recevoir les victimes dans de bonnes conditions, lorsqu'elles viennent dénoncer leur agresseur et porter plainte ?

Ne faut-il pas, comme en métropole, mettre en place des centres de soins pour les victimes ? Gardons à l'esprit que les victimes de violences au sein d'un couple seront traumatisées durant des années, peut-être même toute leur vie. Il faut donc impérativement les soigner. Quand je parle des victimes, je pense aussi bien aux femmes qu'aux enfants, qui sont eux-mêmes victimes des violences, soit parce qu'ils sont exposés, soit parce qu'ils deviennent des victimes collatérales.

Faut-il également mettre en place des centres ou des unités de soins pour soigner les auteurs de violence et éviter les récidives ?

Finalement, constate-t-on la même situation qu'en métropole et faut-il déployer dans les outre-mer les mêmes outils pour lutter contre ces violences, ou bien y a-t-il des spécificités à prendre en compte pour y mener ce combat ?

M. Michel Magras, président de la délégation sénatoriale aux outre-mer. - Merci, cher collègue. J'apprécie tout particulièrement cette dernière intervention parce que je m'orientais justement vers une intervention dans ce sens.

Nous disposons d'un état des lieux qui nous enjoint à chercher les causes avant de légiférer pour trouver les solutions, et peut-être des causes spécifiques à l'outre-mer.

Je voudrais ajouter un autre élément à ce qui a été dit. Existe-t-il des phénomènes qui peuvent venir perturber et accentuer les violences ? Je me demande, à titre d'exemple - cela fait un lien avec un travail que nous avons fait récemment à la délégation - si les phénomènes traumatisants vécus par certains - comme les traumatismes post-Irma - n'engendrent pas des conséquences dans la société, au travail et à la maison, y compris dans les couples. N'existe-t-il pas des situations où le dérèglement psychologique vécu ou subi au sein des groupes quels qu'ils soient, professionnels ou familiaux, conduirait à un comportement plus agressif, moins tolérant, plus violent ? Je pense que c'est un élément à prendre en compte.

J'ajoute une dernière chose : il me semble que les interventions de Victoire Jasmin font apparaître l'homme ultramarin comme un dominateur. Et outre la notion de domination, il y a peut-être aussi l'idée que la femme reste une proie dans un monde où l'homme est prédateur.

Mme Victoire Jasmin. - Je voudrais répondre à Roland Courteau qu'il existe un peu de tous ces facteurs dans la survenance des violences, avec des problèmes liés à l'alcool et aux drogues. Cette violence est en effet plurifactorielle.

Des prises en charge sont effectuées. Il existe des centres d'addictologie et des personnes, dans le cadre d'une décision de justice, sont dans l'obligation de suivre des soins car on estime que l'alcool a joué un rôle dans leur passage à l'acte.

Des actions sont déjà mises en oeuvre en Guadeloupe. Le jour même du féminicide qui a eu lieu cette semaine, des magistrats, des policiers et toutes les personnes impliquées dans la prise en charge des femmes victimes de violences suivaient une formation destinée aux acteurs de la lutte contre les violences. L'importance de ces formations a été prise en compte lors de la restitution du Grenelle. Toutes ces personnes seront désormais mieux préparées à recevoir, écouter et aider les victimes de violences.

Cependant, comme le disait notre collègue Gérard Poadja, nous nous heurtons également à un manque de moyens pour la police et la gendarmerie. Les locaux, souvent exigus, ne sont pas forcément adaptés à l'accueil des victimes. Il faudrait les aménager de manière à préserver la confidentialité.

Dans certains commissariats, notamment celui de Pointe-à-Pitre, l'une des actions proposées par le Premier ministre lors de la restitution du Grenelle est déjà en place et des travailleurs sociaux prennent en charge les femmes victimes de violences et les orientent en fonction des situations de façon urgente.

Nous avons également une avocate qui accomplit un travail d'accompagnement des politiques publiques et qui est vraiment très investie. Elle est en train de mettre en place un certain nombre d'actions avec ses confrères et consoeurs.

Je voudrais aussi citer l'association Guadav, qui s'occupe de l'aide aux victimes et leur apporte une assistance juridique.

Un certain nombre de dispositifs existent déjà par ailleurs pour la prise en charge des auteurs de violence, notamment des associations comme Initiative Eco ou Forces. Il existe des stages pour les auteurs de violence : l'association Forces a un agrément pour prendre en charge les hommes auteurs de violences en leur assurant un encadrement psychologique par des professionnels, pour qu'ils puissent se remettre en question.

Il existe donc des causes et des actions très diverses, mais le premier élément sur lequel nous allons devoir travailler, c'est l'éducation au niveau de la famille. Nous devons repenser la façon d'éduquer les garçons et les filles, mais surtout les garçons, car leur éducation est préoccupante. Ils sont élevés dans un sentiment d'impunité et se sentent autorisés à faire un certain nombre de choses, quand les filles subissent beaucoup de restrictions.

Il me semble que c'est pour cette raison, madame la présidente, que vous avez exprimé des interrogations. Les garçons vont protéger leurs soeurs, leurs cousines, mais cela ne veut pas dire qu'ils ne vont pas agresser d'autres femmes. De plus, des viols surviennent dans le contexte intrafamilial...

M. Guillaume Arnell. - Je souhaiterais à mon tour adresser mes félicitations à nos deux intervenantes pour le travail accompli, et dire que j'ai la faiblesse de croire que ces situations existent dans l'ensemble des territoires, et pas seulement en Guadeloupe, en Martinique et à La Réunion.

Le président Magras a souligné que certains territoires des Antilles ne sont pas encore concernés par l'enquête Virage Dom. Je voudrais apporter à ce titre un éclairage pour nourrir notre réflexion. Bien que nous n'ayons pas connu de féminicides à Saint-Martin en 2019, nous avons observé une augmentation des violences intrafamiliales qui interpellent les associations, notamment Trait d'Union, la plus active sur le territoire de Saint-Martin.

Mon intervention constitue donc une demande d'élargissement de l'étude à d'autres territoires, pour que nous puissions, dans la mesure des moyens qui nous sont alloués, avancer le plus possible dans la réflexion.

Je voulais également parler d'un point sur lequel Victoire Jasmin m'a précédé : l'éducation des garçons, qui soulève une autre question. En outre-mer l'éducation est faite par les femmes. On peut donc aussi expliquer cette tolérance affichée envers le comportement des garçons par l'acceptation sous-jacente de la maman. Bien souvent, cette dernière se montre à la fois très stricte avec la fille, tout en étant beaucoup plus permissive avec le fils.

S'il est évidemment essentiel de savoir combien de faits de violences se sont produits, où ils se déroulent etc., il faut aussi aller en profondeur et en trouver les causes, comme l'a dit Roland Courteau.

Il existe, de mon point de vue, un autre facteur important à prendre en compte dans les territoires ultramarins : l'argent. Très souvent, les femmes ne possèdent pas d'emploi ou de ressources suffisantes pour subvenir à leurs besoins. Les hommes connaissent cette faiblesse. Par conséquent, celui qui est capable d'aider et d'accompagner la femme se fait plus insistant, car il sait qu'il détient ce pouvoir financier sur elle.

Cela veut dire aussi que la société doit s'interroger et trouver une réponse à la mise en valeur des femmes dans leur activité professionnelle, et briser cette dépendance que subissent peut-être un peu plus les femmes ultramarines. Des évolutions sont en cours dans ce domaine : leur autonomisation économique progresse. Mais n'oublions pas qu'autrefois, la femme était censée prendre soin de la famille et rester au foyer. Elle était totalement dépendante de son mari, y compris pour des besoins élémentaires.

Bien sûr, aussi, le poids de l'alcool, associé à la fête, est un facteur à prendre en compte.

Un dernier élément que j'ai déjà évoqué et qui constitue également l'une des raisons de ma présence dans la délégation aux droits des femmes : il faut impérativement que nous trouvions le moyen d'impliquer les hommes dans la lutte contre les violences faites aux femmes.

Mme Victoire Jasmin. - Concernant le « pluripartenariat », il existe un problème de chantage. En effet, certains hommes ont beaucoup de partenaires car il y a beaucoup plus de femmes que d'hommes, et ils abusent de cette réalité statistique pour exiger des femmes, notamment de celles qui vivent avec les minima sociaux, qu'elles leur donnent l'argent destiné à l'éducation des enfants.

Mme Marta de Cidrac. - Je voudrais rebondir sur les propos du président Magras. La réflexion autour de l'environnement et des traumatismes liés aux événements climatiques qui peuvent avoir une incidence sur les violences est très intéressante, mais je voulais revenir sur l'aspect législatif : je crois qu'une loi peut aussi être dissuasive.

L'accompagnement et la prévention sont bien sûr importants - la délégation aux droits des femmes y travaille tous les jours - mais le message de dissuasion envoyé à l'extérieur est tout aussi décisif. Cela peut porter ses fruits.

Ainsi, nous constatons déjà quelques évolutions positives dans les territoires où un certain nombre de dispositifs de ce type, y compris législatifs, commencent à se mettre en place. Il faut avancer sur ces deux volets, préventif et dissuasif.

Mme Jocelyne Guidez. - Je souhaite rappeler que l'on dénombre 40 % de chômeurs chez les jeunes aux Antilles. Si nous pouvions leur trouver du travail dans nos îles, même si nos territoires sont petits, cela pourrait contribuer à l'amélioration de la situation.

Mme Sandrine Dauphin. - S'agissant des violences subies au sein de la fonction publique de l'État, je voudrais dire que cette situation n'est pas propre aux outre-mer, mais se retrouve aussi en métropole. Lorsqu'elle est découverte, la personne auteur est souvent simplement mutée, et le manque de sanctions propres à la fonction publique va l'inciter à continuer à sévir dans ses différentes affectations. En outre, dans les territoires plus petits, cette personne pourra éventuellement demeurer sur le territoire et poursuivre ses agissements dans d'autres services.

En ce qui concerne la précarité, celle-ci joue très certainement son rôle dans les violences. Je rappelle toutefois que les femmes cadres et en emploi subissent aussi des violences conjugales et accusent parfois des indicateurs de violences conjugales plus élevés que certaines femmes inactives. L'emploi ne protège donc pas des violences.

Quant à la police et à la gendarmerie, elles ont accompli beaucoup de progrès. La législation est assez complète et s'applique partout, y compris dans les territoires ultramarins. La formation des policiers et gendarmes a beaucoup progressé ces dernières années ; les femmes s'adressent davantage à eux qu'auparavant. Les contacts que nous avons eus avec ces services ont été plutôt positifs. En revanche, ces personnels sont soumis à de fréquentes mobilités. Le rythme des mutations dans ces territoires pose problème, car il faudrait former les agents quasiment en permanence. De plus, si l'État consacre des moyens à la lutte contre les violences, il s'en remet en général aux associations pour l'accompagnement des victimes. La question du soutien financier des acteurs associatifs est ainsi cruciale pour les politiques publiques de lutte contre les violences faites aux femmes.

Enfin je voudrais ajouter que nous avons constaté des inégalités de situation entre les territoires, concernant les déléguées aux droits des femmes et à l'égalité entre les femmes et les hommes qui ont organisé les présentations des résultats de nos enquêtes. Celles de La Réunion et de la Martinique travaillent avec des observatoires locaux de lutte contre les violences faites aux femmes et disposent de davantage de moyens humains, contrairement à la déléguée de la Guadeloupe qui exerce ses missions seule, notamment l'observatoire féminin de ce territoire, issu du monde associatif, n'étant pas de même nature que les autres.

M. Michel Magras, président de la délégation sénatoriale aux outre-mer. - Je voulais vous remercier, mesdames, pour la qualité de votre travail et pour le document que vous avez produit. On dit souvent que les outre-mer manquent de statistiques, ce sont donc des données absolument fondamentales.

Je suis d'accord avec Marta de Cidrac sur la nécessité d'adopter les mesures législatives qui peuvent permettre des améliorations. La crainte des sanctions participe à l'évolution des mentalités mais, au-delà de cet aspect, c'est l'éducation et la culture qui doivent changer.

Derrière l'approche globale de la violence au travail, dans les transports, etc., il existe d'autres formes de violence liées au couple, à la jalousie, à la dimension sexuelle... Je parlais tout à l'heure de femmes perçues comme des proies, voire comme des trophées. L'évolution de ces mentalités dans les outre-mer représentera un progrès.

Mme Stéphanie Condon. - Depuis le début du projet, on nous sollicite dans le but de connaître les « causes » des violences. Si l'on se réfère au titre de l'enquête, Violences et rapports de genre, les termes « rapports de genre » soulignent l'importance de ces interrelations. En effet, ce sont les femmes qui élèvent seules les garçons, elles transmettent donc les rôles et modèles de ce système genré qu'elles ont-elles-mêmes intégré. Mais il faut aussi étudier les autres facteurs, notamment les inégalités sociales et territoriales.

C'est très utile pour nous d'avoir connaissance de toutes vos réflexions, dont nous prenons note pour la suite de nos analyses. Merci à vous.

Mme Annick Billon, présidente de la délégation aux droits des femmes. - Je joins mes remerciements à ceux de mon collègue Michel Magras. Les constats précis et extrêmement documentés que vous nous avez exposés étaient importants pour nos deux délégations.

Nous disposons donc aujourd'hui de chiffres et de données très précises qui nous permettent de prendre la mesure des faits et des processus qui mènent à la violence dans l'espace public, au travail ou dans la vie conjugale.

Cette connaissance devrait permettre à notre pays d'avancer dans la lutte contre les violences. Or les féminicides continuent ! C'est donc l'absence de volonté politique qui est en cause face à la persistance de ce fléau.

La prévention et l'information sont plus que jamais nécessaires, mais comme mes collègues l'ont souligné avec clairvoyance, il faut également apporter un changement dans l'éducation des garçons.

En outre, il est essentiel que les condamnations encourues par les auteurs de violences soient suffisamment dissuasives. Sans sanctions, rien n'avancera !

La lutte contre les violences faites aux femmes souffre aussi, nous le savons, d'un manque de moyens. Marlène Schiappa estime que les subventions aux associations sont stables, voire en légère hausse, mais on sait que la libération de la parole conduit à une forte augmentation des besoins de ces acteurs incontournables. Or à moyens constants, les associations ne peuvent apporter une réponse satisfaisante aux violences faites aux femmes, que ce soit dans les territoires ultramarins ou en métropole. Un réel effort budgétaire est donc nécessaire. Dans certains pays, des moyens substantiels ont été mobilisés contre ces violences. Nous devrions nous en inspirer.

Certes, une excellente proposition de loi, portée par Aurélien Pradié, permettra des progrès certains en matière de lutte contre les violences intrafamiliales. Le Sénat et l'Assemblée nationale se sont mis d'accord sur un texte commun, ce qui est positif, mais la situation est devenue très urgente et les avancées législatives, quoique très utiles, comme l'a souligné Marta de Cidrac, ne suffiront pas.

Je renouvelle mes remerciements aux intervenantes, qui nous ont éclairés sur la situation dans les outre-mer, où la réponse à apporter pour combattre les violences faites aux femmes n'est pas nécessairement la même qu'en métropole.

Avant de nous séparer, je vous souhaite à tous et toutes de belles fêtes de fin d'année.