Mercredi 23 octobre 2019

- Présidence de M. Alain Milon, président -

La réunion est ouverte à 8 h 40.

Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2020 - Audition de Mme Isabelle Sancerni, présidente du conseil d'administration, et de M. Vincent Mazauric, directeur, de la Caisse nationale d'assurances familiales (Cnaf)

M. Alain Milon, président. - Après l'audition des ministres, nous poursuivons ce matin nos travaux sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2020 en accueillant Mme Isabelle Sancerni, présidente du conseil d'administration, et M. Vincent Mazauric, directeur, de la Caisse nationale d'allocations familiales (Cnaf).

J'indique que cette audition fait l'objet d'une captation vidéo retransmise en direct sur le site Internet du Sénat et consultable à la demande.

Comme l'année dernière, le conseil d'administration de la branche famille a émis un avis majoritairement défavorable sur le PLFSS pour 2020, tout en accueillant positivement certaines mesures comme la création d'une prestation pour les aidants familiaux, le passage automatique à la retraite à soixante-sept ans pour les bénéficiaires du revenu de solidarité active (RSA) et de l'allocation aux adultes handicapés (AAH), ou encore les mesures visant à améliorer le paiement des pensions alimentaires par l'Agence de recouvrement des impayés des pensions alimentaires (Aripa).

La branche famille serait, pour la troisième année consécutive en excédent, de 700 millions d'euros en 2020, ce qui lui permettrait de poursuivre, en l'absence de transfert à la Caisse d'amortissement de la dette sociale (Cades), l'apurement de sa dette qui devrait s'élever 1,4 milliard d'euros fin 2019. Compte tenu des prévisions pluriannuelles associées au PLFSS, cet apurement serait achevé à la fin de l'année 2021.

Au-delà des mesures du PLFSS et de la trajectoire financière, nous souhaitons faire le point aujourd'hui sur les perspectives d'évolution de la branche qui a la caractéristique d'être opérateur pour un grand nombre de prestations et s'implique à ce titre dans des chantiers structurants ; je pense notamment à celui de la base ressources.

Je vous laisse la parole, madame la présidente, monsieur le directeur, pour un propos introductif, avant de laisser la parole à notre rapporteure, puis d'engager le débat avec les membres de la commission.

Mme Isabelle Sancerni, présidente du conseil d'administration de la Caisse nationale d'allocations familiales (Cnaf). - C'est toujours avec un grand plaisir que nous venons échanger avec vous sur la branche famille de la sécurité sociale.

Comme vous l'avez rappelé dans votre propos liminaire, le conseil d'administration a émis un avis défavorable sur le PLFSS, eu égard aux non-compensations financières notamment, tout en soulignant unanimement les trois points que vous avez relevés.

Permettez-moi tout d'abord de revenir sur l'action de l'Aripa. Les familles monoparentales en difficulté ne font pas forcément appel à ce service ou le font malheureusement trop tard. Il est donc beaucoup plus difficile de récupérer les impayés. Nous nous réjouissons de la création du dispositif d'intermédiation financière et je me félicite des effectifs alloués avant même la mise en place de ce dispositif, contrairement à ce qui s'était fait avant l'instauration de la prime d'activité - les effectifs seront doublés. Ce dispositif montera en charge en deux temps : nous allons d'abord travailler sur le flux, les nouveaux entrants à partir de juin 2020, puis sur le stock - pour l'heure, je ne sais pas si le calibrage sera suffisant. Cette mesure répond à une préoccupation des familles concernées ; les enfants devraient être moins pris en otage, si je puis dire.

Nous nous félicitons également de la simplification du passage à la retraite pour les personnes bénéficiant des minima sociaux et les adultes handicapés, une mesure demandée à la fois par la branche famille et la branche vieillesse.

Concernant l'indemnisation du congé de proche aidant, ce nouveau dispositif nous permet de faire le lien avec d'autres services que nous pouvons apporter à ces familles. En effet, nous ne sommes pas qu'un guichet ; nous apportons des services aux familles, ce qui est de nature à proposer des parcours cohérents. Nous accueillons donc avec satisfaction cette nouvelle tâche.

M. Vincent Mazauric, directeur de la Caisse nationale d'allocations familiales (Cnaf). - J'apporterai quelques éléments d'information complémentaires.

Sans revenir sur les dispositions du projet de loi de financement de la sécurité sociale, l'année 2018, qui a été marquée par l'instauration d'une nouvelle convention d'objectifs et de gestion (COG), a été, hélas, en quelque sorte une année de transition, le premier semestre ayant été consacré à la discussion avec l'État de ce dispositif. Néanmoins, au cours du second semestre, le conseil d'administration a mis sur les rails les trois bonus prévus par la COG : le bonus « inclusion handicap », dès le premier enfant porteur d'un handicap accueilli dans une crèche et qui s'applique à toutes les places de la crèche ; le bonus « mixité sociale », qui permet d'accorder plus de places à des enfants issus de familles très précaires, et ce quel que soit l'établissement et où qu'il se trouve ; et le bonus « territoire », qui est d'une nature quelque peu différente en ce qu'il est destiné à encourager la création d'établissements dans des territoires où les moyens sont insuffisants pour lancer des projets. Ces mesures, qui se poursuivront jusqu'en 2022, témoignent, d'une part, de la forte association de la branche famille à la mise en oeuvre du plan Pauvreté, qui prend son socle sur la question de la pauvreté dès l'enfance, et, d'autre part, de la vocation universelle de notre branche à rendre disponible sous plusieurs formes l'accueil du jeune enfant partout.

Notre objectif de créer 30 000 places supplémentaires de crèches ne sera pas facile à atteindre, même s'il est plus réaliste et plus modeste que celui de la période précédente. Nous projetons la création de 29 000 places au cours de la période, tout en sachant qu'il existe une différence entre le brut et le net : il peut arriver, sur une année donnée, que deux places s'ouvrent alors qu'une place ferme pour différentes raisons. Aussi, nous devons renforcer notre soutien en conseil de gestion et en bonne santé financière des établissements.

Permettez-moi de dire un mot sur le secteur de la petite enfance.

En application de la loi d'août 2018 pour un État au service d'une société de confiance (Ésoc), l'une des ordonnances en instance de préparation sera destinée à aménager le cadre normatif et opérationnel de la petite enfance. Sans altérer la qualité de l'accueil du jeune enfant, l'un des points forts de notre système, certaines inflexions permettront de maîtriser le coût d'exploitation de la place de crèche, qui est élevé dans notre pays. Cela sera de nature à soutenir le dynamisme de ce secteur et à faciliter auprès des maires ou des présidents d'établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) la prise de décision de construire des places de crèches.

Eu égard au rapport de votre collègue Mme la députée Peyron sur l'avenir de la Protection maternelle et infantile (PMI), une autre piste consiste à envisager les manières de recentrer cette fonction absolument essentielle sur son coeur de mission, explorant ainsi la possibilité que certaines tâches plus administratives soient remplies autrement, voire, le cas échéant, par la branche famille. À la demande du Gouvernement, une mission de l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS) est en train d'y travailler en collaboration avec nos services. Il s'agit de rassembler des fonctions qui, de notre point de vue, peuvent faire sens, sans altérer la bonne gestion de ce secteur. Nous connaissons bien les établissements d'accueil du jeune enfant.

Je dirai quelques mots sur l'année 2019. Le début de cette année a été marqué par la mise en oeuvre de la décision annoncée par le Président de la République au mois de décembre dernier, qui a été concrétisée dans la loi portant mesures d'urgence économiques et sociales, d'augmenter de manière la prime d'activité. Ainsi, en trois ou quatre mois, nous avons eu 1 million d'allocataires supplémentaires. L'ensemble du réseau des CAF a absorbé ce pic. À cet effet, nous avons obtenu 140 emplois supplémentaires ; et j'en remercie la présidente, car il s'agit d'une charge durable. Aujourd'hui, s'agissant de nos stocks et du délai de délivrance des prestations, nous sommes dans une meilleure position que l'année dernière à la même date, laquelle était la meilleure année depuis 2013, et ce tout en tenant les objectifs de réduction de nos emplois.

Pour en revenir au dispositif d'action sociale de la COG, je veux souligner que nous avons lancé un dispositif modeste, mais important à nos yeux, et plutôt fondateur : la prestation de service « enfance et jeunesse ». Il s'agit là de soutenir des projets montés, portés et construits par des jeunes. Voilà deux semaines, à Lyon, Mme la présidente a récompensé les premiers projets. Certes, l'enveloppe de 25 millions d'euros est modeste, mais c'est en quelque sorte un fonds d'amorçage.

Enfin, vous avez rappelé, monsieur le président, la base ressources, dont la création a été actée dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2019. Nous avons déployé beaucoup d'efforts pour préparer la mise en oeuvre du premier usage de cette base ressources, qui est, au fond, l'enfant du prélèvement à la source, pour être capables, à partir du mois de janvier de l'année prochaine, de calculer d'une manière nouvelle, en se référant à des revenus plus récents, les aides au logement. Au cours de l'année 2020, et d'un commun accord avec le ministère des solidarités et de la santé, nous préparerons - nous y travaillons dès maintenant - un nouvel usage de la base ressources tourné vers la prime d'activité. Cette prestation, dont l'importance est indéniable, demeure complexe pour les bénéficiaires, car ils doivent faire connaître leurs ressources à quatre reprises au cours de l'année. Nous devons travailler à alléger ces formalités, qui sont pesantes, et sont source d'erreurs. Le cadre juridique et le dispositif technique nous permettront désormais de collecter dans la base ressources les éléments de revenus des allocataires pour les dispenser de procéder à ces déclarations.

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure pour la branche famille. - Ma première question concerne la sous-revalorisation des prestations familiales à hauteur de 0,3 %, ce qui impute d'autant le pouvoir d'achat des familles. Nous avions déjà reproché l'année dernière au Gouvernement de ne plus considérer la famille comme une priorité.

L'article 49 du PLFSS pour 2020 fait obligation aux professionnels de la petite enfance de déclarer un certain nombre d'éléments, notamment sur la disponibilité d'accueil, le nombre d'agréments. Or les représentants des assistantes maternelles que nous avons entendus nous ont fait part de leurs inquiétudes et craignent que cette mesure ne soit aussi une sanction. En effet, elle est vue comme une sorte de flicage. Selon eux, la diversité serait alors source de rivalités.

Par ailleurs, la Cnaf s'est vue reconnaître de nouvelles missions, telles que la gestion de nouvelles allocations. Mais n'a-t-elle pas aussi un devoir d'expertise ? Ne devriez-vous pas alerter le Gouvernement lorsque les choses ne vont pas assez loin ou en cas de financements insuffisants ? Je pense à l'allocation de proche aidant, dont la durée est de trois mois. N'est-ce pas insuffisant au vu des remontées de terrain que vous pouvez avoir ?

Enfin, ma dernière question concerne la mise en oeuvre de la COG, notamment les incitations financières pour le développement des places en crèche. La COG prévoit le versement de bonus « mixité » et « inclusion handicap » aux établissements. Plusieurs gestionnaires nous ont alertés sur les critères d'éligibilité au bonus « mixité », qui seraient trop restrictifs et ne permettraient pas de soutenir les crèches situées dans les territoires défavorisés. Pourriez-vous nous indiquer combien d'établissements sont éligibles à ces bonus et s'ils sont, selon vous, bien calibrés ?

Mme Isabelle Sancerni. - Au travers de la nouvelle COG, nous nous félicitons de la mise en place de ces nouveaux bonus, qui permettent de cibler certaines situations. Le bonus « handicap », rebaptisé « inclusion handicap », a pour objet de favoriser l'accueil des jeunes enfants au plus près du lieu de résidence familial. Le bonus « mixité » est plutôt à nos yeux un bonus « mixité sociale ».

Certains acteurs s'interrogent sur la pertinence de ces bonus. Ceux-ci ont été mis en place au 1er janvier 2019 ; ils n'ont pas encore été versés puisqu'il a été convenu qu'ils le seront en fin d'année, avec le solde des financements liés à la prestation de service unique (PSU) versée aux crèches. Le premier versement aura lieu en avril 2020. Nous disposerons alors d'un diagnostic et pourrons procéder à une véritable analyse en vue, si besoin, de les revoir. Nous n'attendrons évidemment pas la fin de la COG si l'un ou l'autre bonus ne répondait pas aux objectifs poursuivis. Je pense que les acteurs ont plus un problème de visibilité : le bonus « inclusion handicap », par exemple, peut varier d'une année sur l'autre en fonction du nombre d'enfants accueillis. Mais nous estimons que ces deux bonus contribuent à solvabiliser davantage les établissements. D'ailleurs, le bonus « territoire » complètera cette offre. Il est préférable d'attendre le mois d'avril pour voir s'il faut apporter des modifications.

Concernant la sous-revalorisation des prestations familiales, je rejoins vos propos. Cette perte de pouvoir d'achat est regrettable et cette question a déjà été soulevée l'an passé. Nous n'avons pas été consultés sur ce point, mais je partage votre sentiment et votre analyse.

S'agissant de l'article 49, je laisserai le directeur de la Cnaf vous répondre, mais sachez que nous avons besoin du maximum d'informations pour permettre une véritable visibilité à destination des familles si nous voulons avoir des outils particulièrement performants. À cet égard, le site www.monenfant.fr a été refondu.

La Cnaf a été retenue pour verser le congé de proche aidant. Celui-ci vient compléter le parcours naissance, le parcours séparation et le parcours deuil. Concernant le montant de cette allocation, nous n'avons pas été consultés.

M. Vincent Mazauric. - Le dispositif n'est pas intangible. Nous sommes à l'écoute des critiques et des interrogations de toutes sortes. En particulier, on se demande si nous avons bien fait de proposer ce bonus pour l'occupation des places existantes. Qu'aurait été la réaction à la proposition inverse ? La mixité sociale est déjà présente dans les établissements d'accueil du jeune enfant (EAJE). Le coût ne se mesure pas qu'en termes d'encadrement ; la gestion aussi sera complexifiée. L'ordre de grandeur est de 60 millions d'euros, pour 88 000 places, selon une simulation sur les données de 2018. Cela concerne 28 % des EAJE, ce qui n'est pas négligeable. Mme Dubos a répété que nous serons complètement à l'écoute. Dès le départ, nous observerons l'évolution, et n'aurons aucune difficulté à procéder aux ajustements nécessaires.

L'article 49 demande aux EAJE et assistantes maternelles de faire connaître leurs disponibilités et les caractéristiques des modes d'accueil offerts sur un site internet public, monenfant.fr, qui n'est ni Booking.com ni Airbnb ! Dans le rapprochement de l'offre et de la demande, tout ce qui aide sans trop peser en termes de contraintes opérationnelles ou administratives sur les acteurs est une bonne chose. Pas question, bien entendu, de fliquer les assistantes maternelles ! Nous prévoyons un meilleur accompagnement d'un secteur qui n'est pas assez dynamique, alors que nous consacrons beaucoup d'énergie et de ressources à le soutenir, avec des crédits publics importants - le complément mode de garde - consacrés à aider les familles à confier leurs enfants à des assistantes maternelles. Il s'agit en fait d'une vision incitative. Le dispositif qui vous est proposé est certes marquant, mais nous en aurons une approche pédagogique : notre métier n'est pas le flicage des assistantes maternelles. Notre objectif est l'amélioration pour tous, dans tous les territoires, dans toutes les circonstances, de l'accueil du jeune enfant, et nous voulons pour cela nous reposer davantage sur le métier d'assistante maternelle.

Les espaces de rencontre ont pour fonction de permettre à un enfant dont les parents sont séparés, dans 80 % des cas sur prescription du juge, de voir dans un lieu neutre le parent qui n'a pas sa garde. Ces institutions associatives sont très fragiles, et on nous a signalé leur situation. Les listes d'attente peuvent durer jusqu'à six mois, ce qui, pour un petit enfant, est un grand morceau de vie ! Se saisissant de ce constat, le conseil d'administration a décidé, proprio motu, de doubler notre concours aux espaces de rencontre. C'est aussi une invitation à nos collègues du ministère de la justice pour en faire autant mais pour l'instant, nous sommes de loin des principaux financeurs.

M. Jean-Marie Morisset. - En effet, les assistantes maternelles nous ont fait part de leur inquiétude. Elles ont déjà un partenaire privilégié : le département, qui leur donne l'agrément. Nous avons cherché à bien comprendre comment tout cela va fonctionner concrètement, dans nos territoires, où il n'y a parfois pas d'internet. Gérer l'offre et la demande ? Pour cela, il faut des informations concrètes, réelles, vérifiées. En tant qu'ancien président de département, je crains que tout cela ne débouche sur quelques sanctions. On nous annonce des retraits d'agréments en cas de non-déclaration. Qu'en sera-t-il ?

Il est vrai qu'on vous confie de plus en plus de missions. Certains départements auront quelques difficultés à suivre la mise en place de ces nouveaux outils. Avez-vous l'assurance qu'au 1er juin de l'année prochaine vous aurez obtenu satisfaction pour les pensions alimentaires ?

On nous dit que la proximité va être réglée par les maisons France Services. Comment voyez-vous leur développement ?

Mme Frédérique Puissat. - Vos équipes sont des appuis forts aux élus, départementaux comme territoriaux, notamment au niveau des intercommunalités. L'ensemble des organisations syndicales ont exprimé un avis défavorable sur le PLFSS pour 2020 dans l'ensemble des caisses, et un certain nombre d'entre elles considèrent que cette situation est inédite pour la sécurité sociale. Que pensez-vous de ce terme ?

Nous avons tous été interpellés sur la réforme du calcul de l'allocation logement. Son calcul était bénéfique pour tout le monde et sa réforme a engendré, de par la périodicité de sa mise en oeuvre, et de par l'agressivité engendrée par l'incompréhension d'un certain nombre d'administrés, des tensions au sein du personnel. Espérons que l'Aripa ne produise pas le même effet...

Mme Brigitte Micouleau. - Dans ce désastreux déficit de la sécurité sociale, la branche famille reste excédentaire. Après la double baisse du plafond du quotient familial, la modulation des allocations familiales, la réforme du congé parental, la réforme de l'association pour adultes et jeunes handicapés (Apajh), comment expliquer aux familles françaises les deux nouvelles mesures contenues dans ce PLFSS qui les pénalisent un peu plus, soit le quasi-gel des prestations familiales pour la deuxième année consécutive et la réduction des indemnités journalières maladie pour les familles nombreuses ?

Mme Michelle Meunier. - Vous avez dit à juste titre que l'Aripa existait déjà. On a parfois l'impression que les choses n'arrivent qu'à partir du moment où le Gouvernement les a pensées.

M. Alain Milon, président. - C'est vrai pour tous les gouvernements.

Mme Michelle Meunier. - Ce dispositif, qui existait, a été amélioré, et sera systématisé. Tant mieux, car trop peu de familles le connaissaient. L'inclusion des enfants dans les crèches, cela a été mon travail pendant presque dix ans. On n'appelait pas cela bonus « inclusion »... Même remarque sur le bonus « mixité », ou le bonus « territoire ». J'aimerais bien aussi un bonus « bébé » ou un bonus « qualité de l'accueil » !

Sur l'article 49, je mentionnerai simplement la difficulté d'accéder à votre site. Il faut le mettre à jour - et chacun n'a pas toujours un ordinateur à disposition. Avez-vous des détails à nous donner sur le guichet unique ? Nous l'avions rejeté au Sénat. Y a-t-il des avancées concrètes sur le terrain ? Le tiers payant pour les assistantes maternelles fait l'objet d'expérimentations dans deux départements. Quel est le résultat de ces expérimentations ? Pour les agents des CAF, le changement de calcul des aides personnalisée au logement (APL) va apporter du mouvement. Et la moitié d'entre elles sont gérées par informatique. On peut faire le pari que ce sont plutôt les jeunes qui sont concernés l'allocation logement. Quel accompagnement réservez-vous à ceux qui sont plus éloignés du numérique ?

M. Jean-Louis Tourenne. - Sur la désindexation, il me semblait que le Conseil constitutionnel avait donné un avis défavorable il y a un an. Celle-ci sera lourde de conséquences : l'an dernier, l'Apajh a eu moins de bénéficiaires, et le volume de son financement a diminué. Une indexation à 0,3 % signifie une perte supplémentaire. Jusqu'où irons-nous à la baisse ?

Vous avez évoqué deux sujets qui sont des compétences des départements : les assistantes maternelles et la PMI. Retirer l'agrément des assistantes maternelles serait empiéter sur les prérogatives du département. Quant à la PMI, vous parlez d'accompagner davantage et de mettre en place des moyens administratifs. Mais, là encore, c'est de la responsabilité des départements. Je ne nie pas la nécessité de faire mieux. Mais dans ce cas, mettez des moyens supplémentaires à la disposition des départements ! Sinon, on finira par faire des départements de simples exécutants des décisions nationales. Que pensez-vous de la disparition du complément de ressources pour les bénéficiaires de l'AAH ? Quand on a augmenté l'AAH de 860 à 900 euros, on a retiré à certains 170 euros de complément de ressources. Je m'étonne que vous n'ayez pas protesté.

Sur la lutte contre la pauvreté, quelle est la politique de la Cnaf ? Il y a eu 400 000 pauvres supplémentaires dans notre pays entre 2009 et 2018. Quels moyens consacrez-vous à ce problème ? Quelles discriminations positives mettez-vous en place ?

La France est la championne du monde du déterminisme social. Quand on est né dans un milieu populaire, on n'a pratiquement aucune chance d'en sortir : l'OCDE dit qu'il faut 150 ans pour qu'un enfant né dans un milieu pauvre accède au salaire moyen ! Quelle est, en la matière, la politique de la Cnaf ? La crèche, par exemple, est un moyen essentiel. Mais prenez-vous toutes les dispositions nécessaires pour que les enfants de milieux populaires puissent y accéder ? On a tendance à confondre la demande et le besoin. On considère que la crèche est faite pour des parents qui veulent tous deux travailler, alors que les compétences qui y sont déployées devraient profiter à des enfants qui sont en carence dans leur famille, où ils n'entendent que quelques mots jusqu'à l'âge de trois ans. Ces enfants-là devraient être accueillis en priorité. Vous parlez de mettre en place un bonus. Le département d'Ille-et-Vilaine avait procédé ainsi : cela n'a pas fonctionné. Nous avons donc créé une obligation, en conditionnant les subventions à un taux de 40 % d'enfants de milieux populaires et d'enfants handicapés. Les réactions ont été vives et, désormais, 80 % des crèches ont atteint cet objectif. Enfin, pour les crèches, le maître d'ouvrage, ce n'est pas la CAF, mais la collectivité locale. Seules les collectivités locales qui ont des moyens s'engagent dans cette opération, car une crèche coûte très cher en fonctionnement. Résultat : ce sont les quartiers les plus favorisés qui ont le plus de crèches. Ce n'est pas conforme à l'idée qu'on peut se faire de l'égalité des chances... Quels moyens allez-vous mettre en place pour rassurer les maires engagés dans de tels projets et assurer la pérennité de leur financement ?

M. Philippe Mouiller. - Quel est le montant global, au niveau national, des aides à l'investissement pour la création de places pour les jeunes enfants ? Quelle est la part dédiée au volet handicap et à l'inclusion ? Nous vivons en ce domaine une mutation, avec une volonté d'aller plus vite et plus loin dans l'inclusion des jeunes enfants, qui débouche sur une diminution des places en instituts médico-éducatifs (IME), la mise en place de nouveaux services et l'automatisation de la scolarisation - en théorie - et le débat sur la garde d'enfants. Êtes-vous associés à l'organisation mise en place par les agences régionales de santé (ARS) sur les territoires en anticipation des projets ?

Vous avez évoqué l'aide financière pour l'arrivée d'un enfant handicapé, et sa réactivité. Encore faut-il que la maison départementale des personnes handicapées (MDPH) et la commission départementale des droits puissent statuer. Or, dans certains départements, malgré des efforts conséquents, il faut parfois attendre six mois ou un an. Ne pourrait-on anticiper par un forfait la décision de la commission ?

Les travaux menés par le Gouvernement sur le revenu universel d'activité concernent votre périmètre. Y êtes-vous associés ? Comment anticipez-vous une mesure qui, logiquement, devrait être applicable en 2022 ou 2023 ?

M. Daniel Chasseing. - Votre action sur les pensions alimentaires est très attendue, tout comme la simplification des retraites, le plan pauvreté, ou la prime d'activité. Vos effectifs ont doublé, cela nous rassure. Pour la prime d'activité, il y a un million de demandes supplémentaires... Vous êtes à jour dans vos objectifs, félicitations ! Question importante en milieu rural : les micro-crèches, les maisons d'assistants maternels (MAM) ou les accueils de loisirs sans hébergement (ALSH) vont-ils continuer à être aidés ?

Mme Isabelle Sancerni. - Merci pour l'intérêt que vous portez à la branche famille, dont les équipes sont très sollicitées - je les remercie. Nous avons bénéficié d'effectifs supplémentaires pour l'Aripa - mais pas pour l'ensemble de nos actions ! En cinq ans, nous avons perdu 2 100 collaborateurs et les 140 CDI prévus pour la prime d'activité ne nous resteront pas toujours. De nombreuses missions nous sont confiées sans être accompagnées d'effectifs supplémentaires. Résultat : sur le terrain, ce n'est pas facile. Notre production s'est améliorée, puisque nos stocks ont diminué. Pour autant, tout n'est pas rose : nous ne sommes pas en mesure de payer toutes les allocations en temps et en heure. Bien sûr, il y a rétroactivité, mais ce n'est pas l'indice d'une bonne qualité de service.

Le début d'année va être difficile pour les équipes qui gèrent les APL. Déjà, depuis de nombreux mois, les informaticiens sont à l'oeuvre : c'est un chantier titanesque. La réforme des APL ne s'appliquera qu'au début de l'année prochaine, mais il va y avoir deux chocs de contact. D'abord, quand nous allons commencer les campagnes de communication - début novembre, sans doute. Puis, au moment où ce nouveau système se mettra en place réellement. Pour la majeure partie des personnes, cela sera automatique. Et celles dont les APL constituent une part importante de leur budget, même si elles n'ont rien à faire, risquent de nous solliciter plusieurs fois.

En effet, le vote sur le PLFSS est inédit, puisqu'il n'y a eu aucun vote positif ! L'année passée, le vote était globalement défavorable, mais il y avait eu des votes positifs par certaines tendances. Cela ne signifie pas que toutes les tendances ont voté négativement... Outre la partie financière, il y a des éléments qui vont dans le sens d'une amélioration pour les familles.

Nous sommes conscients du fait que le bonus « inclusion handicap » n'est fléché que pour les enfants qui sont reconnus. Dans notre convention d'objectifs et de gestion, ce bonus a été bâti en deux temps. On voulait le mettre en place très vite, dès le début de 2019, avec ce qui existait. Mais la commission d'action sociale de novembre examinera la possibilité de l'élargir, pour que davantage d'enfants en bénéficient avant la reconnaissance. Une proposition en ce sens sera examinée par le conseil d'administration, avec un objectif de mise en oeuvre en janvier 2020.

La convention d'objectifs et de gestion a été signée avant le lancement du plan pauvreté, mais notre action est concomitante, puisque cette convention comprend des éléments financiers repris par le plan pauvreté. Nous faisons les mêmes constats que vous, monsieur le sénateur : selon que les enfants sont nés dans une famille plus ou moins aisée, ils n'ont pas les mêmes chances. Et ces enfants sont moins accueillis dans les crèches. D'où ces trois bonus, qui apportent des financements nouveaux. L'objectif est qu'il y ait davantage d'aides dans les quartiers prioritaires de la ville ou les zones de revitalisation rurale, pour solvabiliser la création et le fonctionnement de places de crèches. Nous le faisons avec le bonus « mixité » sur des places déjà existantes afin de garantir la pérennité de certains établissements en difficulté, car le financement n'est plus à la place : il dépend désormais de la présence réelle de l'enfant. Or les familles les plus défavorisées ont tendance à moins respecter les contrats avec les crèches, ce qui pénalise ces dernières. Le bonus « mixité sociale » compensera. Nos simulations montrent que 26 % de crèches devraient bénéficier d'un complément de financement, de 18 000 euros en moyenne. Pour la création de structures en quartiers prioritaires de la ville (QPV), nous cherchons comment associer l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU), lorsqu'il y a des opérations de réhabilitation. Cela permettrait de financer les 10 % restants. Une fois le bonus territoires déployé, nous l'avons lancé immédiatement sur les QPV, sans attendre le 1er janvier 2020, comme le prescrivait notre COG.

M. Vincent Mazauric. - Le cabinet de la secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé a consulté sur l'article 49 l'Association des maires de France et l'Assemblée des départements de France. L'étude d'impact dit qu'il faut voir ce dispositif comme logique et incitatif, et non pas d'abord comme punitif. Si cela doit, in fine, être un motif de retrait d'agrément, cela ne peut être qu'un motif parmi d'autres, certainement pas à soi seul, et dans une démarche contradictoire passant par une commission départementale, après que tous les contacts ont été pris, notamment en s'appuyant sur les relais d'assistants maternels, pour persuader la personne concernée de son propre intérêt à procurer ce type de renseignements. C'est un dispositif aidant, et non punitif. Il n'est pas question que quiconque se substitue aux prérogatives du conseil départemental. Le texte ne fait qu'ajouter cette perspective d'obligation. Un décret en Conseil d'État devra préciser les renseignements que doit porter à connaissance l'assistant maternel et la manière de le faire. Ce sera encore une occasion d'échanges. Il est exact que le site dont nous parlons, monenfant.fr, a connu des difficultés d'accès. Nous les avons surmontées.

Les caisses d'allocations familiales (CAF) ne seront pas les seuls soutiens des maisons France Services. Elles soutiennent déjà 75 % des actuelles maisons de service au public. Lorsqu'il s'agira d'une maison France Services, avec une densité plus forte donc, nous devrons nécessairement apporter notre appui. Le Premier ministre a décidé qu'on devrait toujours trouver dans une maison France Services deux interlocuteurs, et non pas un seul. Cela nous conduit à augmenter notre contribution à leur fonctionnement. C'est aussi un gage de solidité.

Je ne crois pas que les maisons France Services soient une panacée ou un substitut à toute autre forme de prise en charge de la situation d'une personne, qu'elle le demande ou non. Quand on a saisi l'importance de la présence territoriale, la densifier et la rendre plus visible est un choix auquel nous ne pouvons que nous associer.

La loi de financement de 2019 avait apporté des compléments très utiles, notamment la prolongation du complément de libre choix du mode de garde au-delà du troisième anniversaire si l'enfant n'a pas pu rentrer à l'école maternelle, plutôt que le couperet. Le complément mode de garde modernisé tiers-payant, cela existe déjà sur tout le territoire, en vertu de la loi de financement de 2018. C'est une co-construction avec l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss) et Pajemploi. Cette modernisation comporte une offre spécifique de tiers payant. Aujourd'hui, 10 % des 800 000 familles qui bénéficient du complément de libre choix du mode de garde (CMG) y ont eu recours. Il serait souhaitable que cette proportion s'accroisse : la famille est complètement déchargée des aspects administratifs de son rôle d'employeur, qui naturellement demeure. De plus, il est avantageux de faire appel à ce système de tiers payant à la veille de l'entrée en vigueur du prélèvement à la source.

Dans la mise en oeuvre de cette modernisation, nous avons rencontré des difficultés au début de l'été 2019. Il s'agissait de difficultés d'amorçage et de difficultés de bonne gestion des communications croisées entre les systèmes de la CAF et ceux de Paje emploi, donc de l'Acoss. Nous ferons beaucoup d'efforts pour mieux gouverner ensemble ce système, afin que ne se reproduisent pas les difficultés qui ont touché au moins 10 000 familles, au point que nous avons dû dans certains cas délivrer des aides d'urgence !

Les travaux relatifs à un futur revenu universel d'activité comportent des études de conception et une concertation, lancée récemment pour durer jusqu'au mois de mars. Nous sommes étroitement associés aux travaux de conception, et nos collègues sur le terrain sont invités à accompagner les dialogues et la concertation. Il y a sept ateliers thématiques assez techniques, dans une pensée générale assez simple : faire en sorte que, dans toutes les combinaisons possibles, le travail paie plus que le non-travail ; laisser toute leur place à des dispositions qui existent aujourd'hui et qui n'ont aucune raison de s'estomper ou de disparaître : les APL et l'AAH. Les étapes plus concrètes, à partir de la base ressources dont vous avez vu la naissance l'an dernier, sont la réforme du mode de calcul de l'aide au logement et le branchement de la prime d'activité sur la base ressources.

Vous nous demandez la garantie que le soutien de la branche famille continuera d'être apporté aux micro-crèches, aux maisons d'assistantes maternelles et aux ALSH. Je vous la donne, sous la réserve, figurant dans la convention d'objectifs et de gestion, que nous restreignons l'aide à l'investissement dans des micro-crèches à des cas où c'est de manière certaine la micro-crèche qui est la bonne solution sur un territoire, faute d'autre solution et, le cas échéant, après un appel à projets. Le conseil d'administration et la branche ont souhaité sinon restreindre, du moins cibler l'aide à l'investissement à la micro-crèche, pour éviter aussi des comportements concurrentiels dont l'intérêt collectif est douteux.

Sur les maisons d'assistantes maternelles et les ALSH, notre soutien est constant - ou augmenté en ce qui concerne les MAM. S'agissant des ALSH, il est clair que nous n'avons pas dans notre convention d'objectifs et de gestion beaucoup de moyens supplémentaires par rapport à l'existant. Le conseil d'administration, en examinant les perspectives de report de nos crédits de 2018 sur 2019, a néanmoins décidé une légère augmentation du niveau de la prestation de service aux ALSH, ce qui est un signal positif.

Nous travaillons par ailleurs aux moyens d'améliorer en le soutenant l'accueil en ALSH d'enfants porteurs d'un handicap. Enfin, la mise en oeuvre de la prestation de service « Jeunes » est un outil nouveau et convergent avec l'objectif de soutenir les politiques de jeunesse et les établissements destinés à accueillir les jeunes sur les temps périscolaires ou extrascolaires.

Mme Isabelle Sancerni. - Concernant l'accompagnement des personnes qui sont le plus éloignées de nos dispositifs, nous favorisons l'accès électronique pour les personnes qui le souhaitent, et nous portons une attention très particulière aux personnes qui auraient des difficultés. Nous avons des téléprocédures, mais il existe toujours une possibilité de procéder par une voie autre s'il y a une difficulté : il y a toujours un pourcentage de personnes qui ne passent pas par les téléprocédures. Nous avons des accueils et nous souhaitons rester au plus près des territoires. La Cnaf est vraiment proche de ses allocataires. Les quelque 300 000 rendez-vous des droits que nous organisons chaque année sont destinés aux personnes le plus en difficulté ; 40 % donnent lieu à l'ouverture de droits, notamment au RSA. Nous déployons aussi des techniques de data mining - comme dans la lutte contre la fraude - pour regarder s'il y a des droits qui ne sont pas ouverts. Cela débouche à 10 % sur des ouvertures de droits nouveaux. Nous nous adaptons à nos allocataires, dont nous recevons de fortes demandes pour avoir de plus en plus de services numériques. Nous avons un ancrage départemental et un maillage fort auquel nous tenons.

M. Alain Milon, président. - Merci de votre participation.

Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.

Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2020 - Audition de M. Yann-Gaël Amghar, directeur de l'agence centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss)

M. Alain Milon, président. - Nous accueillons à présent M. Yann-Gaël Amghar, directeur de l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss), accompagné de M. Alain Gubian, directeur « centrale trésorerie banque financement et investissement et des statistiques, des études et de la prévision ». Cette audition fait l'objet d'une captation vidéo retransmise en direct sur le site du Sénat.

Depuis la loi de financement de la sécurité sociale pour 2018, les missions de l'Acoss se sont enrichies puisque, outre le recouvrement et la trésorerie des différentes branches, elle assure une mission d'interface financière ou de caisse de compensation entre le régime général de sécurité sociale et d'autres administrations de sécurité sociale, en particulier les régimes de retraite complémentaires et l'assurance chômage.

Conjuguée à celle de la compensation par l'État des pertes de recettes de la sécurité sociale, la question de la dette des différentes branches préoccupe énormément nos collègues sénateurs. La dette cumulée des différentes branches sera en effet de 29 milliards d'euros fin 2019, et pourrait atteindre 49,5 milliards d'euros fin 2023. Si les déficits des différentes branches se compensent en trésorerie, ils restent bien attachés à une branche, ce qui nourrit notre différence d'appréciation avec le Gouvernement sur les montants, mais ne suffit pas, à mon sens, à expliquer notre désaccord de fond. Le PLFSS comprend également plusieurs dispositions de fond relatives au recouvrement qui semblent appelées à des évolutions profondes à la suite du rapport Gardette. Je vous prie d'excuser l'absence du rapporteur général, que je représenterai.

M. Yann-Gaël Amghar, directeur de l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss). - Merci pour votre accueil. Les deux grandes missions de l'Acoss sont de faire la trésorerie de la sécurité sociale - et au-delà - et d'être la tête de réseau des unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (Urssaf).

L'exercice 2019 est marqué par un revirement de situation par rapport à ce que nous anticipions il y a un an. L'année dernière, on prévoyait une trajectoire de désendettement de l'Acoss, qui devait conduire, à la fois par l'apparition d'excédents et par une reprise de dette, à une situation en 2023 où la dette de l'Acoss aurait été tout à fait résiduelle. Cette année, nous avons connu une dégradation de la conjoncture - qu'il faut toutefois relativiser : la situation de l'emploi et la trésorerie des entreprises restent assez bonnes, et l'évolution des demandes de délais de paiement des entreprises n'est pas alarmante, malgré l'impact des mouvements sociaux de cet hiver sur certains commerces. L'évolution de la conjoncture et l'impact des mesures d'urgence ont dégradé dès 2019 les comptes de la sécurité sociale, ce qui se retrouve dans les comptes des exercices suivants.

Il y a plusieurs manières de regarder cette situation. En termes comptables, on parle de déficit. Du point de vue de la trésorerie, il s'agit de besoins de financement. En termes comptables, le déficit porté par l'Acoss sera de 26 milliards d'euros en 2019. Si on ne regarde que les déficits des différentes branches, sans prendre en compte le fait que ces déficits peuvent se compenser entre branches et qu'une même branche peut avoir des déficits certaines années, et des excédents d'autres, on aboutit pour 2023 à un chiffre très élevé, dépassant les 50 milliards d'euros. Si on considère qu'il y a une forme de compensation entre les excédents et les déficits des différentes branches, le déficit porté par l'Acoss serait, en 2022 - qui serait le point bas - de 37,8 milliards d'euros. La trajectoire annexée au PLFSS prévoit un retour à un très faible excédent en 2023 et, implicitement, à l'équilibre au-delà.

En termes de besoins de trésorerie, la situation se regarde différemment. D'une part, l'Acoss porte aussi des besoins de financement autres que ceux du régime général, notamment ceux d'un certain nombre de régimes, dont le régime agricole. D'autre part, il y a des variations de trésorerie assez importantes au cours de l'année. Enfin, nous ne sommes pas en situation d'avoir un solde nul, puisque nous avons toujours un solde de sécurité pour financer les besoins des branches, et notamment l'échéance importante du paiement des pensions chaque mois.

Le point bas de trésorerie de l'année se traduit par le plafond de dette qui est proposé chaque année à l'approbation du Parlement. En 2019, le point bas est assez en deçà du plafond qui avait été retenu - en prenant une marge de sécurité. Du coup, en 2020, ce plafond devrait peu varier. Il est prévu à 39 milliards d'euros. Mais le point bas de trésorerie de l'Acoss devrait dépasser dès 2021 les 40 milliards d'euros pour se situer en 2023 autour de 45 milliards d'euros.

Quel regard pouvons-nous porter sur la situation ? Techniquement, notre dette est financée dans des conditions satisfaisantes : les taux sont négatifs et les émetteurs publics bénéficient de la confiance des marchés. La dette de l'Acoss engendre, chaque année, 110 millions d'euros de produits financiers. S'agissant des taux, aucune évolution ne se profile dans les deux prochaines années, voire davantage - l'État français émet, sur dix ans, des titres à des taux négatifs : le marché anticipe un statu quo -, mais sans certitude. Il apparaît plus intéressant que la dette sociale soit portée par l'Acoss que par la Caisse d'amortissement de la dette sociale (Cades), qui supporte des taux positifs. Après 2022-2023, la question portera plutôt sur le niveau de la dette que l'Acoss finance avec des titres à court terme, à moins d'un an, et sur les capacités d'absorption par les marchés financiers. Nous serons toutefois en deçà du niveau de dette des années 2008 à 2010 qui avait nécessité un accompagnement de l'État.

L'article 10 du PLFSS accélère et systématise la rationalisation du recouvrement des cotisations par un collecteur unique, les Urssaf. Le processus est déjà engagé, par exemple pour le régime social des indépendants (RSI) et pour les marins. Le texte prévoit des exceptions et un calendrier aménagé jusqu'en 2023, dans la perspective de la réforme des retraites. Le chantier est d'importance.

M. Alain Milon, président. - Notre rapporteur général, Jean-Marie Vanlerenberghe, m'a chargé de plusieurs questions à votre intention.

Le PLFSS acte de forts déficits des régimes obligatoires de base de sécurité sociale (ROBSS) pour 2019 et 2020. En outre, le transfert de 15 milliards d'euros de déficit à la Cades doit être annulé. L'Acoss peut-elle gérer cette situation, un retour à l'équilibre du régime général n'étant pas prévu avant 2023 ?

Le texte propose également d'adapter le calcul des contributions chômage intégrées dans les allègements généraux au système de bonus-malus sur les contrats courts. Dans certains cas, des entreprises pourraient se voir accorder des contributions négatives. Quelle est votre opinion sur cette innovation ? Quelles sont vos relations financières avec l'Unedic et l'Agirc-Arrco désormais intégrées dans les allègements généraux ?

L'article 10 du PLFSS engage l'unification du recouvrement dans la sphère sociale en le confiant à l'Acoss. Une répartition des compétences entre l'Acoss et l'Agirc-Arrco est prévue : comment la coordination entre les deux réseaux va-t-elle s'opérer ? Ce sujet intéresse particulièrement notre collègue René-Paul Savary.

Pouvez-vous enfin évoquer les travaux concernant la simplification du calcul et du recouvrement des cotisations et des contributions sociales des travailleurs indépendants ? Où en est la mise en place du service d'autoliquidation ? Quid des travaux en cours relatifs au pré-remplissage de la déclaration sociale des indépendants et de sa suppression à terme ?

M. Yann-Gaël Amghar. - Le déficit porté par l'Acoss doit être regardé sous l'angle des taux et de la capacité des marchés à l'absorber. Les taux demeurent profitables, mais, dans un souci de sécurité, le Gouvernement avait proposé le portage de la dette par la Cades. En 2010, lorsque la dette sociale dépassait 50 milliards d'euros, le marché s'est trouvé à la limite de sa capacité d'absorption à court terme et Bercy a dû faire appel à plusieurs concours financiers, dont celui de la Caisse des dépôts et consignations. La question se posera en 2022-2023, même si la dette devrait être inférieure et le niveau de liquidités sur les marchés diffère en raison des politiques menées par les banques centrales. En cas d'incertitude, il conviendra de prévoir des accompagnements via le concours bancaire de la Caisse des dépôts et consignations ou l'assouplissement réglementaire des titres de dette portés par l'Acoss. L'Inspection générale des affaires sociales (IGAS) a posé la question du maintien de la limitation à un an dans un récent rapport. Il y aura toutefois, en cas d'assouplissement, un enjeu sur la compréhension de la dette par les marchés. Quoi qu'il en soit, les années 2022 et 2023 ne devraient pas constituer des points d'alerte : la situation sera gérable, car les investisseurs ont confiance en l'Acoss. La crédibilité de l'institution est essentielle : il sera plus aisé d'accepter une augmentation de la dette si les perspectives sont favorables pour les comptes sociaux après 2022. Des excédents futurs légitimeront la dette ; il nous faudra alors présenter des perspectives crédibles aux investisseurs.

S'agissant des contributions chômage, la mise en place du bonus-malus concerne les entreprises de plus de onze salariés appartenant à sept secteurs d'activité. Dans certains cas, effectivement, les bonus seront supérieurs aux contributions patronales dues, mais le nombre d'entreprises concernées ne devrait pas excéder quelques centaines. Nous réfléchissons au moyen de gérer la situation, lorsque le bonus ne pourra être imputé aux cotisations patronales dues pour d'autres salariés.

La réforme de la collecte des cotisations sociales poursuit plusieurs objectifs : une meilleure efficience - les opérations concernées, assises sur la paie, ressortent du même processus -, une simplification pour les entreprises et une efficacité accrue du recouvrement - l'Agirc-Arrco, qui ne dispose pas des mêmes outils juridiques, affiche un point de moins que l'Acoss. La réforme doit également garantir la fiabilité des données personnelles déclarées aux régimes complémentaires. Dans la perspective du rapprochement prévu, nous avons commencé à travailler avec l'Agirc-Arrco.

La définition du processus cible fait l'objet de travaux entre nous et l'Agirc-Arrco. Voici à quoi ce système devra ressembler : un seul recouvrement, un seul encaissement et une fiabilisation des données déclarées, avec des contrôles de cohérence et des retours vers l'entreprise en cas d'anomalies constatées.

La manière dont les activités aujourd'hui réalisées par l'Agirc-Arrco s'intégreront dans ce processus cible reste à définir ; les travaux que j'évoquais donnent toute leur place à la question de cette articulation.

Quelle que soit la manière dont nous nous organisons, il faut garantir aux entreprises une interlocution unique, assurée par les Urssaf, pour un même recouvrement : l'entreprise ne doit pas se retrouver ballottée entre les deux réseaux, ce qui suppose un pilotage global et cohérent de l'ensemble des opérations - l'IGAS et l'Inspection générale des services (IGS) ont travaillé sur ce sujet, qui a fait l'objet d'un cadrage de l'État.

Concernant les évolutions relatives aux travailleurs indépendants, nous avons dès le départ abordé la question de l'autoliquidation selon une approche d'expérimentation, qui traduit le souhait du Gouvernement de sécuriser la réforme du régime social des indépendants (RSI). Les faits ont montré combien ce choix s'est révélé sage. Nous avons en effet constaté, en début d'année, un besoin de réglage technique très important. Si les anomalies constatées sont restées gérables, c'est que nous nous étions limités à un petit échantillon de 200 entrepreneurs. L'approche que nous avions adoptée était donc prudente et expérimentale ; nous y sommes toujours. L'idée est d'élargir cet échantillon, en fin d'année ou en début d'année prochaine, à mesure que nous résolvons les anomalies détectées, afin d'éviter un bug à grande échelle. Nous avançons, tout en restant très prudents.

Quant au préremplissage qui était prévu par la loi de financement de la sécurité sociale votée l'an dernier, il s'agit plutôt d'une information donnée aux entrepreneurs visant à résoudre la difficulté créée par le fait que l'assiette de cotisation des indépendants est l'assiette nette de cotisations - autrement dit, on demande aux indépendants de déclarer les cotisations qui sont pourtant le résultat de leurs déclarations, détour complexe à comprendre s'il en est. À partir de début 2020, nous allons mettre à la disposition des indépendants un simulateur leur donnant de la visibilité sur le passage du brut au net, en nous appuyant sur un site dédié, mon-entreprise.fr.

Par ailleurs, la loi de financement pour cette année prévoit bien, à l'horizon de 2021, la suppression de la déclaration sociale des indépendants et son intégration dans la déclaration fiscale, avec transmission des données aux Urssaf.

Sur les relations financières entre l'Acoss, l'Unédic et l'Agirc-Arrco, je passe la parole à M. Gubian.

M. Alain Gubian, directeur de la Direction financière de l'Acoss, directeur des statistiques, des études et de la prévision. - Pour 2019, l'Acoss est chargée de compenser à l'euro près l'impact des allègements généraux des cotisations de retraite complémentaire et d'assurance chômage via l'affectation d'une part de TVA et d'une taxe sur les salaires, pour un montant de 6,6 milliards d'euros.

Nous avons mis en place des conventions entre les partenaires, signées fin 2018, avec des échéanciers de versement qui visent la neutralité financière : les dates des versements sont calées sur celles des échéances. Aucune perte, donc, ni pour l'assurance chômage ni pour l'Agirc-Arrco. Le bilan financier global n'est pas encore disponible, les comptes n'étant pas arrêtés, mais l'écart devrait être extrêmement faible. Le mécanisme symétrique qui avait été monté l'année précédente sur les cotisations salariales avait abouti à un écart très faible avec la prévision retenue en projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Mme Brigitte Micouleau. - Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2020 prévoit une revalorisation différenciée des retraites : au niveau de l'inflation, soit de 1 %, pour les retraites inférieures à 2 000 euros, de 0,3 % seulement pour les autres. Ce plafond est arbitraire ; comment seront traitées les retraites dont la pension dépassera d'un montant infime ce seuil de 2 000 euros ?

Mme Florence Lassarade. - La philosophie du budget à l'année vous gêne-t-elle dans la gestion de votre dette ?

Abordez-vous des sujets comme celui de l'utilité de la prévention en médecine, ou vous cantonnez-vous à une logique purement comptable ? Je pense à la prévention par le sport santé de la récidive des cancers du sein ou du colon, qui a des conséquences très positives sur les finances de la sécurité sociale.

M. René-Paul Savary. - Vous envisagez de porter la dette, et vous dites que vous en êtes capables. J'ai même cru sentir que vous vous estimiez capables de remplacer la Cades, qui, en 2024, aura achevé sa mission, l'ancienne dette sociale étant remboursée ; mais la nouvelle dette, portée désormais par l'Acoss, sera d'un montant équivalent à celui de l'ancienne, qui avait présidé à la création de la Cades ! C'est pourquoi vous évoquez, insidieusement, des titres supérieurs à un an. L'Acoss pourrait-elle remplacer la Cades ?

L'Acoss deviendrait recouvreur unique pour les prestations sociales. Il s'agit d'une amélioration, d'autant que cette réforme est préparée par la mise en place d'un document unique, la déclaration sociale nominative (DSN). Mais pourquoi le service des retraites de l'État ne se met-il pas lui-même à la DSN, qui ne concerne que les entreprises privées ? Si l'on veut un régime universel clair et lisible, l'État devrait montrer l'exemple !

J'irai même plus loin. La logique actuelle voit coexister un seul recouvreur fiscal, la Direction générale des finances publiques (DGFiP), et un seul recouvreur social, l'Acoss, effectuant leurs calculs sur les mêmes bases, d'autant que l'impôt est prélevé à la source. Pourquoi ne simplifie-t-on pas encore davantage la vie des entreprises en allant vers une logique de recouvrement unique, fiscal et social ?

Dernier point : il faut préparer la fusion qui va avoir lieu en 2022. J'ai auditionné les responsables de l'Agirc-Arrco et les ai trouvés assez enthousiastes sur la fusion avec l'Acoss. Le coeur de métier de l'Acoss, c'est le recouvrement, adossé sur une véritable puissance juridique ; le travail de l'Agirc-Arrco est davantage ciblé sur le contrôle mensuel. Une coconstruction du dispositif peut donc s'avérer « gagnant-gagnant » en matière de simplification, pour les employeurs et les déclarants.

Mme Cathy Apourceau-Poly. - Concernant le recouvrement des cotisations sociales, le périmètre des Urssaf va continuer de s'agrandir, puisqu'elles se verraient confier les recouvrements auparavant assurés par l'Agirc-Arrco et par les industries électriques et gazières, en 2022, par la Caisse nationale des retraites des agents des collectivités locales (CNRACL), l'Institution de retraite complémentaire des agents non titulaires de l'État et des collectivités publiques (Ircantec) et l'Établissement de la retraite additionnelle de la fonction publique (Erafp), en 2023. L'intégralité du recouvrement social doit leur être transférée d'ici 2025, à l'exception du régime des salariés agricoles. Quel sera le nombre de postes impacté par ces fusions ? Quel reclassement et quelle formation pour les salariés concernés ?

M. Yves Daudigny. -Nous assistons à la réapparition d'un déficit de la sécurité sociale ; les causes de cette situation déplorable relèvent pour partie de la conjoncture et d'une décision politique : le Gouvernement a décidé de faire réapparaître un fort déficit de la sécurité sociale. À cette situation, il est apporté des solutions qui confinent à l'absurde : aujourd'hui, l'Acoss, en empruntant, s'enrichit de 100 millions d'euros par an !

Par ailleurs, nous construisons les quelques années à venir sur d'hypothétiques excédents. Or - l'exemple de l'année dernière en témoigne - rien, aujourd'hui, ne peut indiquer de façon certaine que les excédents seront bien au rendez-vous dans deux ou trois ans.

Je poserai deux questions, que René-Paul Savary a déjà formulées. S'agissant d'abord de la distinction entre la Cades et l'Acoss, la Cades emprunte à long terme à des taux positifs, alors que vous empruntez, vous, à des taux négatifs, pour régler des problèmes de trésorerie de court terme ; les rôles respectifs de ces deux institutions se confondent-ils ? L'Acoss ne finira-t-elle pas par jouer, dans quelques années, le rôle de la Cades ? Sur l'Agirc-Arrco, je rejoins les propos de René-Paul Savary.

M. Yann-Gaël Amghar. - Je ne peux répondre ni à la question de Mme Micouleau, qui concerne davantage mon collègue de la Cnav, ni à celle de Mme Lassarade, qui touche à la conception de la politique publique de santé et de sécurité sociale, laquelle ne relève pas de notre compétence.

Pour ce qui concerne la Cades, l'Acoss n'a pas l'ambition de s'y substituer. En effet, notre agence s'occupe des besoins de financement liés aux cycles conjoncturels, quand les missions de la Cades ont une charge politique forte. Par ailleurs, la raison pour laquelle nous gérons la dette tient à une conjoncture très particulière, qui n'a pas vocation à perdurer. À cet égard, il est nécessaire d'afficher une crédibilité, que la réforme des retraites rend d'autant plus nécessaire, en termes de retour à l'équilibre.

Dans une situation d'équilibre des comptes de la sécurité sociale, on pourrait imaginer que la Cades ne soit plus nécessaire. Le législateur a d'ailleurs encadré sa durée de vie. L'Acoss pourrait alors supporter les déficits, dès lors qu'ils seraient conjoncturels ou liés à un moment démographique, et qu'ils auraient vocation à s'équilibrer grâce à des excédents futurs : tel est le point à prendre en compte pour savoir si l'on peut se passer de la Cades.

S'agissant de la déclaration sociale nominative, les particularités de la paie dans la fonction publique expliquent que celle-ci soit prise en compte plus tardivement dans ce fichier. Dès 2020, plusieurs employeurs publics s'y inscriront : de grandes collectivités territoriales, des établissements hospitaliers ainsi qu'un ministère, afin de préparer l'avenir. La DSN facilite les transferts de recouvrement sur l'Acoss, dans la mesure où est garantie la cohérence entre le cotisé et les droits.

Les missions de l'Acoss sont tout à fait distinctes de la sphère fiscale, sur le plan tant des assiettes que des cotisations. Il y a une véritable différence de nature entre l'acompte prélevé dans le cadre du prélèvement à la source et les cotisations sociales. Entre ces cotisations et les impôts collectés par la DGFiP, les assiettes et les faits générateurs ne sont pas les mêmes. Les interlocuteurs de la DGFiP et ceux des Urssaf ne sont pas non plus les mêmes dans les entreprises et dans les cabinets comptables. Les processus étant distincts, le gain pour l'employeur ainsi qu'en termes d'actes de gestion publique ne paraît pas évident.

La collecte sociale est très ancrée dans l'appréciation de la relation de travail, et le droit de la sécurité sociale est étroitement lié au droit du travail : le corpus juridique est donc très différent de celui qui existe en matière fiscale. Le collecteur social doit prendre en compte, dès l'origine, le lien entre cotisations et droits, une problématique qui n'existe pas en matière fiscale. Il y a donc des missions spécifiques, en dehors des questions de statuts et d'organisation, ce qui rendrait une fusion très coûteuse ; les personnels relèvent en effet, d'un côté, du droit privé, et de l'autre, de la fonction publique.

La réforme de l'Agirc-Arrco sera très bénéfique pour la collectivité, les régimes et les entreprises, et de grande ampleur ; il convient donc de la mener de manière méthodique, sérieuse et prudente. Elle s'élabore dans le cadre d'une concertation positive entre l'Acoss et l'Agirc-Arrco. La coconstruction de la cible ne devra pas se traduire par un copilotage du recouvrement. Nous avons deux ans pour y parvenir.

Pour répondre à Mme Apourceau-Poly, la Mutualité sociale agricole (MSA) n'entre pas dans le champ de l'article 10 du PLFSS. En effet, la MSA assure d'ores et déjà un guichet unique sur l'ensemble des cotisations, qui va donc au-delà du recouvrement. Les employeurs qui ont affaire à cet organisme n'ayant pas de contact avec l'Acoss, il n'y a pas de redondance.

L'article 10 du PLFSS ne précise pas quelles seront les conditions du transfert des personnels concernés. Plusieurs schémas sont envisageables pour les opérations de collecte.

Les personnels pourront être transférés au sein des Urssaf, comme cela s'est fait pour le RSI, pour le régime des artistes auteurs professionnels (Raap), et pour les organismes assureurs et mutualistes recouvrant les cotisations des professions libérales. Il y aura, dans ce cas, mise en place d'une négociation sociale avec les représentants des salariés pour définir leurs conditions d'intégration en termes de rémunération et de réaffectation. Un tel processus s'accompagne d'engagements à ne pas licencier, à ne pas imposer de mobilité géographique et à maintenir la rémunération. Les retours d'expérience en la matière, notamment pour le RSI, sont positifs.

Autre option : les personnels restent au sein de l'organisme collecteur actuel, soit parce qu'ils ne sont pas assez nombreux à être concernés, soit parce qu'il existe des différences importantes de statuts. L'organisme doit alors organiser leur reclassement.

On ne saurait appliquer un schéma unique aux différentes opérations, et une solution spécifique devra être définie pour chaque organisme. S'agissant de l'Acoss, les transferts ne se sont jamais été accompagnés de licenciements et les salaires ont été maintenus.

M. Alain Milon, président. - Même si l'on pouvait, un jour, se passer de la Cades, je ne pense pas, en revanche, que l'on pourrait faire de même avec le montant de la contribution pour le remboursement de la dette sociale (CRDS), compte tenu du développement futur des problèmes de dépendance.

Nous vous remercions de votre participation.

Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.

Désignation de rapporteurs

M. Alain Milon, président. - Nous allons désigner le rapporteur sur la proposition de loi tendant à instituer une carte Vitale biométrique.

Nous examinerons ce texte en séance publique le mardi 19 novembre prochain, après le vote solennel du projet de loi de financement de la sécurité sociale, et le mercredi 13 novembre en commission.

La commission désigne Mme Catherine Deroche rapporteure sur la proposition de loi (n° 517, 2018-2019) tendant à instituer une carte Vitale biométrique, présentée par M. Philippe Mouiller et plusieurs de ses collègues.

M. Alain Milon, président. - Nous allons désigner le rapporteur sur la proposition de loi visant à améliorer l'accès à la prestation du handicap.

Nous examinerons ce texte en séance publique le mardi 5 novembre après-midi, et la semaine prochaine en commission.

La commission désigne M. Philippe Mouiller rapporteur sur la proposition de loi (n° 16, 2018-2019) visant à améliorer l'accès à la prestation de compensation du handicap, présentée par M. Alain Milon.

Questions diverses

M. Alain Milon, président. - Mes chers collègues, je souhaite que les rapporteurs de la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel, nos collègues Michel Forissier, Catherine Fournier et Frédérique Puissat, fassent devant nous un point d'étape sur l'articulation, en matière de droit du travail, entre le droit de grève et le droit de retrait et, si cela était nécessaire, sur les modifications susceptibles d'y être apportées.

Nous avons tous été sensibles à ce problème, quand nous n'étions pas directement concernés, à la veille des congés scolaires. Il me paraît important que notre commission ait les idées claires sur ces sujets. Nous aurons l'occasion d'interroger à cet égard la ministre du travail, dont l'audition est d'ores et déjà programmée dans le cadre de nos travaux sur le projet de loi de finances.

J'invite nos rapporteurs à nous faire des propositions, et les collègues qui seraient intéressés par leurs travaux à s'y associer.

Mme Élisabeth Doineau. - Nous observons depuis quelques années un glissement des prérogatives et des compétences des conseils départementaux vers la Cnaf, ce qui est inquiétant. Or le Gouvernement n'a pas manifesté d'inflexion contraire. La nécessité pour les départements de poursuivre leurs travaux semble même posée.

Les présidents de conseil départemental ont récemment expliqué, à Bourges, qu'ils manquaient de moyens pour exercer leurs compétences sociales. Moult missions ont été lancées, et l'on accuse parfois les élus de ces collectivités de ne pas accomplir leur tâche correctement, notamment dans le domaine de la protection de l'enfance.

Notre commission ne devrait-elle pas mener un travail sur l'avenir de ces sujets au sein des départements ?

M. Alain Milon, président. - Nous examinerons prochainement le PLFSS et le PLF. Nous aurons donc l'occasion de discuter avec le Gouvernement de tous ces sujets. Il y a quelques jours, Bercy a publié une note indiquant comment travailler à la territorialisation de la médecine ! Ce PLFSS risque fort d'être intéressant au Sénat...

Ma chère collègue, je vous donne un accord de principe pour soumettre cette question au bureau de notre commission qui détermine les travaux de contrôle.

- Présidence de M. Gérard Dériot, vice-président -

Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2020 - Audition de MM. Gérard Rivière, président du conseil d'administration, et Renaud Villard, directeur, de la Caisse nationale d'assurance vieillesse (Cnav)

M. Gérard Dériot, président. - Je souhaite la bienvenue à M. Gérard Rivière, président du conseil d'administration de la Caisse nationale d'assurance vieillesse (Cnav), et à M. Renaud Villard, directeur, pour cette troisième audition de la matinée sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2020.

Comme les précédentes, cette audition fait l'objet d'une captation vidéo retransmise en direct sur le site internet du Sénat et consultable à la demande.

Monsieur le président, monsieur le directeur, beaucoup de choses ont changé depuis votre audition de l'an dernier et la branche vieillesse a connu une évolution particulièrement défavorable. Après trois années d'excédent, la branche renoue avec un déficit, à hauteur de 2,1 milliards d'euros en 2019 et de 2,7 milliards d'euros en 2020, alors qu'un excédent était prévu pour 2019 et 2020 par la précédente loi de financement de la sécurité sociale.

En l'absence de transfert à la Caisse d'amortissement de la dette sociale (Cades), la branche aura accumulé 15,8 milliards d'euros de dette à la fin de la période couverte par le projet de loi de financement de la sécurité sociale fin 2023.

Nous attendons que le Conseil d'orientation des retraites (COR) présente, à la demande du Premier ministre, les perspectives financières du système de retraites, mais, au vu des seuls résultats de la branche, combinés à ceux du fonds de solidarité vieillesse, le montant des déficits est préoccupant. Sans attendre la réforme systémique annoncée, dont le calendrier semble plus incertain, ne faudrait-il pas prendre rapidement des mesures correctrices ?

Monsieur le président, monsieur le directeur, je vous laisse la parole pour un propos introductif avant de passer la parole à notre rapporteur, puis aux commissaires qui souhaitent vous interroger.

M. Gérard Rivière, président du conseil d'administration de la Caisse nationale d'assurance vieillesse (Cnav). - La Commission des comptes de la sécurité sociale (CCSS) prévoyait un déficit pour la Cnav en 2019 de 0,7 milliard d'euros. In fine, d'après le PLFSS pour 2020, le déficit s'élèverait à 2,1 milliards. La situation s'est donc aggravée de 1,4 milliard d'euros.

Plusieurs raisons expliquent ce phénomène. La loi portant mesures d'urgence économiques et sociales (MUES) a prévu des exonérations de cotisations qui ne seront pas compensées. Avec l'accélération du calendrier d'exonération des heures supplémentaires, cela représente une perte nette pour la Cnav de 1,2 milliard. Par ailleurs, avec la fin de la réforme Sarkozy de 2010, nous avons renoué en 2018 avec un rythme soutenu des départs en retraite : 6 % de plus qu'en 2017. La Commission des comptes de la sécurité sociale a également enregistré en 2019 une plus faible évolution de la masse salariale, notamment sous plafond. Le RSI sera définitivement intégré au régime général, au 1er janvier prochain, mais les comptes sont, eux, d'ores et déjà intégrés. Or la masse soumise à cotisations des travailleurs indépendants a évolué moins vite que la masse salariale. L'ensemble de ces mesures explique très largement l'aggravation du déficit de la branche vieillesse.

La situation prévisionnelle continue de se dégrader. Les déficits cumulés s'élèveraient à 15,8 milliards, ce qui n'est pas négligeable. Parallèlement, le Fonds de solidarité vieillesse (FSV) bénéficie de l'amélioration régulière de l'emploi et des rentrées soutenues de la contribution sociale généralisée (CSG).

Le conseil d'administration de la Cnav a été saisi du projet de loi de financement de la sécurité sociale et a émis le 3 octobre dernier un avis négatif par quatorze voix contre, douze prises d'acte et quatre abstentions. Vous remarquerez qu'il n'y a pas eu un seul avis positif. Sans parler de la condamnation forte et très largement partagée de la fin des compensations systématiques des exonérations de cotisations. La délégation employeur critique fermement cette mesure.

La fiscalisation croissante du financement de la sécurité sociale insécurise également les recettes. La loi de programmation des finances publiques de 2018 a instauré le « chacun chez soi », ce que Bercy a traduit par le « chacun chez moi » c'est-à-dire je compense ce que je veux, quand je veux ! Cette tendance pourrait prendre une tournure particulièrement grave et dangereuse pour la pérennité du système de sécurité sociale et de retraite.

Les exonérations générales et ciblées ont progressé de 80 % entre 2017 et 2020, notamment avec la transformation du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE). Nous sommes passés de 39 milliards d'euros en 2017 à 71 milliards d'euros en 2020. Le financement de la branche vieillesse, dans le même temps, a vu sa part fiscale augmenter de 18 %.

S'agissant des revalorisations différenciées, le conseil d'administration condamne très largement cette initiative. C'est évidemment une perte de pouvoir d'achat, mais aussi une rupture du pacte intergénérationnel. Il ne me paraît pas judicieux de stigmatiser la population des retraités en les présentant aux jeunes générations comme des nantis et des privilégiés !

Enfin, vous avez évoqué la réforme systémique annoncée. Grâce au système universel mis en place après 2025, la valeur du point serait désormais indexée sur l'évolution du revenu moyen par tête (RMPT) alors qu'on n'est pas fichu aujourd'hui de respecter la loi et d'appliquer la stricte inflation !

M. Renaud Villard, directeur de la Caisse nationale d'assurance vieillesse. - Le président a rappelé la renaissance d'un déséquilibre, que l'on peut schématiquement très fortement imputer à la dégradation de la prévision macro-économique. Nous avons une sensibilité très forte à la masse salariale, qui explique plus de la moitié de ce déficit nouveau. En outre, la dynamique des dépenses est supérieure à celle qui avait été anticipée, notamment parce que l'accord Argirc-Arrco rapporte finalement très peu à la branche retraite en raison d'effets de bord. Les dépenses augmentent plus vite que prévu, les recettes sont moindres, indépendamment de la non-compensation de 1,2 milliard d'euros de la loi portant mesures d'urgence économiques et sociales.

Aujourd'hui, le déficit est relativement modéré, mais les perspectives s'assombrissent.

Deux articles du PLFSS concernent particulièrement la branche retraite, les articles 52 et 53. Le premier prévoit la revalorisation différenciée des pensions. Schématiquement, les retraites inférieures à 2 000 euros par mois seront revalorisées au niveau de l'inflation, celles qui sont supérieures à 2 014 euros le seront à hauteur 0,3 %. C'est un énorme chantier technique puisqu'il va falloir récupérer l'ensemble des retraites, de base et complémentaires, de tous les pensionnés français. La Cnav sera opératrice sur ce chantier pour l'ensemble des régimes de retraite. Ce sera également lourd en termes de gestion puisqu'il va falloir expliquer la mesure aux assurés à compter du 1er janvier.

L'article 53 prévoit d'éviter le plus possible les ruptures de ressources lors du passage d'un minima social à la retraite. Les règles de gestion existantes étaient ainsi faites que certains assurés cessaient brutalement de percevoir leur minima social alors qu'ils ne percevaient pas encore leur retraite. D'autres assurés se trouvaient dans une situation kafkaïenne, la CAF et la caisse de retraite se renvoyant la balle les concernant. La mesure proposée vise à réduire, voire à éliminer ce risque grâce à un mécanisme emprunté à celui qui existe pour assurer le passage de la branche maladie à la branche retraite en cas d'invalidité. Les caisses de retraite auront une obligation de résultat, et non plus une obligation de moyens. Ce sera lourd et complexe en termes de gestion, mais c'est une mesure de service public dont on comprend l'intérêt.

M. René-Paul Savary. - L'article 52 induira un transfert de charges pour les départements, de l'ordre de plusieurs millions d'euros. Que peut-on proposer aux départements dans le PLFSS ?

Le déficit de la branche vieillesse est inquiétant à la veille d'une réforme des retraites, d'autant plus que la réforme doit se faire à périmètre constant et que l'équilibre doit être trouvé pour 2025. Avez-vous des idées de réformes paramétriques, monsieur le président ?

Alors qu'il y a moins de cotisants que de pensionnés, que, compte tenu de l'espérance de vie, on vit plus longtemps à la retraite, il n'est pas inconcevable de penser, si l'on ne veut ni accroître les cotisations ni diminuer les retraites, qu'il faut augmenter la masse salariale et donc travailler plus longtemps en reportant l'âge de liquidation de la retraite. Les régimes spéciaux sont régulièrement montrés du doigt, alors qu'ils s'expliquent par des raisons historiques dont il faut tenir compte. S'ils sont inéquitables, pourquoi reculer et ne pas régler au plus vite ce problème d'injustice ? Si la réforme ne devait s'appliquer qu'aux nouveaux entrants, pourquoi attendre 2025 ? Le risque, c'est que le régime général, qui couvre 85 % des assurés, ne soit le dindon de la farce. Avez-vous, monsieur le président, des propositions à faire à notre commission à cet égard ?

Les charges de la Cnav augmentent de plus de 600 millions d'euros. Pourriez-vous nous fournir quelques explications techniques sur cette hausse ? Quelle part représentent les dépenses de compensation démographique, monsieur le directeur ? Enfin, arriverez-vous techniquement à mettre en oeuvre l'article 52, compte tenu des seuils et des coefficients prévus dans la loi ?

M. Gérard Rivière. - Je laisserai Renaud Villard répondre aux questions sur l'article 52 et sur l'évolution tendancielle des comptes.

Puisque vous me posez une question personnellement, je vous répondrai à titre personnel. Mon avis n'est pas forcément celui du conseil d'administration de la Cnav, qui, sur le sujet, n'a d'ailleurs pas d'avis, car nous évitons de débattre des sujets qui ne concernent pas la gestion directe de l'organisme et ainsi de nous fâcher. Mon avis n'est pas non plus forcément celui de mon organisation. Entre ma réflexion propre et mon expérience de président de la Cnav, je regarde les choses sous le prisme du réalisme.

Comme je suis profondément attaché à la sécurité sociale et à la retraite par répartition, je n'accepte pas, en tant que président de la Cnav, mais aussi en tant que citoyen, la dérive, même lente, des comptes, laquelle met en danger, alors que l'on parle d'une réforme systémique, le devenir de notre système, qui est assez largement apprécié à l'intérieur comme à l'extérieur de nos frontières.

Avant de parler des mesures d'âge ou de durée, j'évoquerai les conditions qui permettent à des assurés du régime général ou d'autres régimes de partir plus tôt que d'autres, en fonction d'un certain nombre de critères plus ou moins anciens. Je veux bien qu'on invoque l'histoire, mais le régime général et son régime frère, l'Argirc-Arrco, pourraient en effet être les dindons de la farce d'une réforme systémique qui serait supportée, notamment économiquement, par les salariés de l'ancien régime général et par les entreprises. Je pense aux entrées différenciées ou éloignées dans le système de certains membres de régimes spéciaux, au maintien pendant un certain nombre d'années, voire de décennies, de dispositions particulières, par exception à la règle générale qui prévaudrait pour 85 % de la population cotisante du nouveau système.

Je considère que les retraites anticipées pour carrières longues étaient pleinement justifiées en 2003-2004, car elles bénéficiaient à une population qui avait commencé à travailler à 14 ou 15 ans, et alors que l'on s'apprêtait à porter l'âge légal de la retraite à 62 ans. On ne pouvait pas traiter ces salariés de la même façon que ceux qui avaient commencé beaucoup plus tard. Il s'agissait de prendre en compte une forme de pénibilité en termes de durée de l'activité professionnelle. Les populations concernées étaient des ouvriers, au sens manuel du terme. Il s'agissait de personnes qui avaient connu des débuts de carrière, voire une carrière complète, extrêmement pénibles.

Soyons réalistes, les départs anticipés servent à faire passer des pilules. Ils ont ainsi servi à faire passer la pilule des 62 ans. Idem en 2012-2014, sauf que là, des moyens spécifiques ont été mis sur la table, les cotisations ayant augmenté. Aujourd'hui, les carrières longues sont moins nombreuses, mais elles représentent toujours entre 20 % et 25 % de nos flux de départ. La situation n'est plus du tout la même. Je rappelle que ces départs anticipés concernent les plus grosses retraites, les salariés concernés ayant eu la chance de faire des carrières complètes, sans rupture pour cause de maladie, de chômage, de congé maternité ou parental. Ce sont majoritairement des hommes, qui ont commencé à travailler avant l'âge de vingt ans et qui sont issus du secteur tertiaire. Il me semble donc que l'on dévoie là les principes de solidarité de la sécurité sociale. La règle devrait être « trimestres plus âge » pour tous. Ces salariés devraient cotiser un peu plus longtemps que d'autres, par solidarité.

Je pense que l'on doit mettre fin aux dispositifs injustifiés et dégager de l'argent - les carrières longues représentent 3 milliards d'euros pour le seul régime général. Voyons combien on peut réaffecter à l'équilibre général du système et, pour partie, à une véritable prise en compte de la pénibilité des métiers qui, aujourd'hui, n'est pas traitée.

L'amorce a été faite par la loi de 2014, très rapidement remise en question. Le C3P a été transformé en C2P. On était dans la demi-mesure ; on est tombé dans le quart de mesure. La vraie pénibilité, dans le régime général, n'est pas prise en compte ; or il faut absolument la traiter. Celles et ceux qui ne relèvent pas de cette situation doivent, quelle que soit leur durée d'assurance, contribuer au régime jusqu'à l'âge légal.

Des réflexions sont en cours sur l'emploi des seniors. Tant que l'on arrêtera la formation professionnelle à 40 ou 45 ans, il est évident que l'on aura des quinquagénaires inemployables. On les laisse sur la touche puis on considère qu'ils ne savent plus rien faire - c'est un peu facile. Ce n'est ni le Parlement ni même le Gouvernement qui sont responsables de cette situation. Il faut une prise de conscience collective. Conditionnons une partie des exonérations de cotisations à l'emploi des seniors. C'est tout de même 32 milliards d'euros.

Mettons à plat tous les départs anticipés, dans toutes les catégories socioprofessionnelles ; redynamisons l'emploi des seniors, avant d'examiner les mesures nécessaires. Je considère qu'il n'est peut-être pas inéluctable de regarder du côté de l'âge légal - c'est un avis personnel. Le report de l'âge légal est la mesure la moins injuste dans un système en annuités. Je n'adhère pas au système en points, même si ce n'est pas lui qui est mauvais, mais le système universel à trois plafonds de sécurité sociale. Si le Gouvernement avait limité son ambition à un seul plafond, on aurait pu préserver la démocratie sociale qui s'est exercée par la création et la gestion rigoureuse et positive des systèmes de retraite complémentaire des salariés et non-salariés. En noyant tout cela, on a une appropriation collective des plus de 160 milliards d'euros des différentes réserves.

M. René-Paul Savary. - Merci à M. Rivière pour sa franchise. Les départs en retraite anticipée pour carrière longue représentent 25 % pour la Cnav, mais, sur 2018, pour l'ensemble des départs anticipés, une liquidation sur deux intervient avant l'âge moyen de retraite, qui est de 62,8 ans. Cet âge est de 63,1 ans sans les départs anticipés. On est déjà presque à 64 ans. Ce n'est pas un sujet tabou. Les Français sont capables de le comprendre.

Remettre en cause les mesures de départ anticipé n'est pas préconisé par le haut-commissaire, mais c'est un point à considérer. Leur montant est de 4 milliards d'euros pour le régime général, auquel il faut ajouter les autres régimes.

Nous partageons votre point de vue sur l'emploi des seniors ; il faut porter un regard nouveau sur eux. J'espère que vous vous inspirerez des préconisations du rapport que nous avons présenté avec Monique Lubin sur ce sujet.

M. Renaud Villard. - Vous nous avez demandé pourquoi les dépenses avaient augmenté plus vite que prévu l'an dernier. Il y a un double effet qui pèse quasiment 1 milliard d'euros. Le premier est que nous avions surestimé l'impact comportemental de l'abattement temporaire Agirc-Arrco et sous-estimé la dépense de quelques centaines de millions d'euros. Le deuxième est le moindre rendement sur les salariés agricoles à hauteur de 300 millions d'euros, puisque le régime général agrège le solde d'autres régimes, dont les salariés agricoles.

La compensation démographique arrive peut-être au bout de sa logique, compte tenu du périmètre croissant du régime général. Celui-ci devient schizophrène : il verse 5 milliards d'euros au titre de la compensation démographique et reçoit 1,4 milliard au titre de la compensation démographique pour les artisans et commerçants. L'extension du champ du régime général fait qu'il est donneur et receveur universel. Le mécanisme de la compensation démographique, que je renoncerais à expliquer sur les marchés de France et de Navarre, devient encore un peu plus baroque.

La variation des coefficients de revalorisation selon que l'on a 2 000, 2 008, 2 012, 2 014 ou 2 016 euros est juridiquement imparable, mais politiquement et administrativement compliquée à expliquer. Je crains que nos plateformes téléphoniques ne soient prises d'assaut en janvier 2020. Je comprends toutefois l'intention de lissage.

Mme Cathy Apourceau-Poly. - Monsieur le président, je ne partage absolument pas vos propos sur les carrières longues. Je rappelle qu'elles concernent les personnes qui ont cumulé cinq trimestres avant l'âge de 20 ans et 169 trimestres au total, soit plus de 42 ans de carrière. On va expliquer à des gens qui ont travaillé toute leur vie sur des chantiers dans des conditions très difficiles qu'ils ne peuvent pas prendre leur retraite à 60 ans.

En revanche, je partage tout à fait vos propos selon lesquels les retraités ne sont pas des nantis.

Il faut accepter le vieillissement de la population et l'anticiper. Malheureusement, nous ne prenons pas ce chemin. Nous regrettons que l'ambition du Gouvernement en matière de financement de la dépendance ne soit pas au rendez-vous. Les 500 millions d'euros annoncés pour financer la perte d'autonomie des personnes âgées et le recrutement de 5 175 personnes dans les établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) en 2020 pour ce qui concerne les soins sont largement insuffisants par rapport aux estimations des professionnels, puisque cela correspond à un demi-poste supplémentaire par établissement. Ces établissements bénéficient de 130 millions d'euros pour se rénover et se transformer, sachant que les besoins de rénovation des 3 000 Ehpad publics sont estimés à 15 milliards d'euros. L'association des directeurs d'établissements au service des personnes âgées réclame 40 000 postes dès 2020, soit deux postes dans chaque maison de retraite et structure d'aide à domicile, pour un coût estimé à 1,5 milliard d'euros. Qu'en pensez-vous ? Nous avons entendu, il y a peu, la souffrance des personnels des Ehpad, qui dénoncent leur manque de moyens.

Mme Monique Lubin. - Le Gouvernement désire mettre en place sa réforme à partir de 2025 en ayant des comptes à l'équilibre. Cela paraît carrément impossible. Le Conseil d'orientation des retraites a commencé à travailler sur ce sujet, à la demande du Gouvernement. Aucune solution ne permettra de revenir à l'équilibre en 2025. L'effet d'un report de l'âge de la retraite n'aurait de toute façon des bénéfices que dix ans plus tard.

Monsieur le président, vous avez été très franc ; je le serai aussi. Je ne peux pas entendre ce que vous avez dit sur les carrières longues. Vous avez cité un exemple personnel. Moi-même, j'ai 56 ans. Je suis issue d'un territoire qui a connu autrefois une forte industrie. Un grand nombre de personnes de mon âge sont entrées dans le monde du travail à 16 ou 17 ans. À 56 ans, elles ne sont pas à la retraite. D'ici à quatre ans, à 60 ans, elles auront travaillé et cotisé 44 ans - et ce n'est pas du travail en bureau, mais sur des toits, sous des voitures ou dans des usines, quand il en reste. Leur retraite à 60 ans, elles ne l'auront pas volée. On parle d'hommes et de femmes qui travaillent depuis très longtemps. D'où vient cette obstination sur ce sujet ? Je ne suis pas d'accord avec René-Paul Savary. Les rapports du COR, particulièrement riches, confirment que le nombre de bénéficiaires va diminuer. La tendance baissière est déjà entamée. Il y aura de moins en moins de personnes concernées. Dans une dizaine d'années, on n'en parlera quasiment plus. Je ne vois pas l'intérêt de se focaliser sur ce sujet.

En revanche, je partage complètement votre constat sur le régime à points. Si l'on veut que notre régime actuel ne perde pas en efficacité, il existe plusieurs pistes. De grâce, arrêtez, les uns et les autres, de parler du dispositif de carrières longues, qui a encore toute sa pertinence.

Mme Catherine Fournier. - Le nombre de personnes concernées par les carrières longues va s'amenuiser au fil des années. Il est vrai que nombre d'étudiants de cette époque étaient pions et bénéficient de ce dispositif sans avoir connu une grande pénibilité.

Vous avez dit que la masse salariale inférieure au plafond de la sécurité sociale avait diminué. La croissance économique de notre pays n'engendre pas d'augmentation de la masse salariale. En 2020, vous allez fusionner avec le RSI. Avec Frédérique Puissat, nous menons une réflexion sur les travailleurs de plateformes, qui sont des indépendants et représentent environ 1 % de l'emploi. Certes, nous sommes dans un système assurantiel, mais avec une telle mutation du travail, ne faut-il pas penser à autre chose pour les recettes ?

M. Gérard Rivière. - Si je vous ai froissés sur les carrières longues, je le regrette. Pour autant, nos points de vue ne sont pas si éloignés. Vous avez retenu ce que j'ai dit de plus choquant, mais vous n'avez pas bien écouté mes propos sur la pénibilité. Mmes Apourceau-Poly et Lubin prennent l'exemple d'emplois pénibles. Traitons de la pénibilité ! Ceux qui ont commencé à 20 ans ont fait des jobs étudiants : 200 heures de Smic, c'est un trimestre. Je ne parle pas des salariés de l'industrie ou du bâtiment qui, eux, devraient être traités par un dispositif de pénibilité, pour peut-être même partir avant 60 ans. Il faut regarder l'année de validation de quatre trimestres plutôt que l'âge de cotisation du premier trimestre pour connaître l'âge réel d'entrée dans la vie active. Si l'on prenait en compte ce paramètre, on pourrait vraisemblablement maintenir ce dispositif.

Il faut faire en sorte que les emplois de plateformes ne puissent pas être encouragés afin qu'ils ne se substituent pas aux véritables emplois salariés dotés de garanties sociales. Pour autant, il ne faut surtout pas abandonner les faux salariés, ou faux indépendants, qui sont contraints d'exercer leur activité sous ces faux statuts, et mettre en place une contribution. J'ai entendu récemment une réflexion intelligente d'un économiste primé par l'École nationale supérieure de sécurité sociale (EN3S) et la Caisse des dépôts et consignations pour son ouvrage sur une contribution sur l'intelligence artificielle ; celle-ci produit de l'activité et génère des gains considérables pour certaines entreprises, notamment multinationales.

M. Renaud Villard. - La branche retraite n'est pas compétente sur la perte d'autonomie et le financement des Ehpad. Il ne m'appartient pas de me prononcer. En revanche, elle est bien compétente sur la prévention de la perte d'autonomie. Nous intervenons pleinement sur les GIR 5 et GIR 6 sur l'humain - par exemple le portage des repas -, le collectif - par exemple les ateliers mémoire et nutrition - et le foncier - par exemple des programmes d'investissement pour la rénovation des résidences autonomie.

Oui, l'équilibre est possible en 2025, techniquement. Je ne parle pas de soutenabilité politique. Cela supposerait des mesures applicables aux générations très proches de la retraite.

Les carrières longues ont fondamentalement beaucoup changé d'objet. Il y a toujours eu une forme de dialogue entre carrières longues et pénibilité, avec l'idée que l'une se substitue à l'autre. On a connu la tentative, en 2008, de la réforme des régimes spéciaux et de l'introduction de la pénibilité - avec l'échec des négociations des partenaires sociaux sur le sujet -, puis la loi de 2014, qui a eu pour tentation d'augmenter temporairement les carrières longues en assurant que la pénibilité viendrait en soutien. Ce dialogue est sans doute encore à creuser et à approfondir. Après un pic à 180 000 personnes en 2017, nous amorçons une décroissance qui devrait mener à 120 000 en 2022. La décélération continuera, mais les effectifs sont importants.

En 2003, le dispositif de carrières longues ciblait les départs très anticipés de gens qui avaient commencé à travailler avant 16 ans. Son élargissement progressif a conduit finalement à prendre en compte des assurés au profil moins industriel. Ils reçoivent des retraites bien plus élevées que les autres carrières ; en outre, on ne constate aucune distorsion d'espérance de vie entre les carrières longues et les autres. Cela signifie que l'instrument était peut-être un peu large.

La masse salariale continue à progresser avec dynamisme, mais les prévisions ont été fortement revues à la baisse. Nous avons une sensibilité très forte à la masse salariale, qui est notre assiette. Nous estimons sa croissance entre 2,8 et 3,4 % dans les années à venir. Pour les précédents PLFSS, on était toujours au-dessus de 3 %, voire de 3,5 %. La moindre évolution de l'assiette entraîne des effets extrêmement lourds sur nos comptes. La masse salariale du secteur privé continue à augmenter de manière dynamique, mais a été revue à la baisse.

Le problème des travailleurs de plateforme se pose pour nous. Nous intégrons les travailleurs indépendants, mais aussi progressivement la Caisse interprofessionnelle de prévoyance et d'assurance vieillesse (Cipav), c'est-à-dire ceux qui sont entre le salariat et la profession libérale. Aujourd'hui, ces populations sont relativement peu couvertes sur les risques classiques des salariés, notamment les plus assurantiels d'entre eux, tels que les risques accidents du travail et maladies professionnelles (AT-MP). Ils contribuent peu au titre de la retraite, étant souvent micro-entrepreneurs. On est sans doute en train de créer des droits à la retraite modestes. Faut-il modifier l'assiette ? Cela a été fait sur la maladie. La question doit être posée puisque l'on est en train de créer des assurés à droits faibles pour l'avenir. C'est déjà le cas : par exemple, 40 % des micro-entrepreneurs sont des artisans et commerçants. Cela change la nature même du régime de ces derniers.

M. Gérard Rivière. - En 2023, il y aura 120 000 départs en retraite anticipée. Pour 2020-2023, c'est 11 milliards d'euros cumulés.

Le dispositif de pénibilité doit être rétabli et renforcé. Il faut impérativement un financement dédié assuré par les entreprises qui créent le risque parce que ce ne doit pas être au détriment de l'ensemble des salariés du régime général ni des entreprises vertueuses.

M. Gérard Dériot, président. - Je vous remercie, messieurs, de vos interventions.

Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.

La réunion est close à 12 h 30.

- Présidence de M. Alain Milon, président -

La réunion est ouverte à 16 h 35.

Audition de Mme Geneviève Chêne, en application de l'article L. 1451-1 du code de la santé publique, en vue de sa nomination aux fonctions de directrice générale de l'agence nationale de santé publique

M. Alain Milon, président. - Nous accueillons la professeure Geneviève Chêne, spécialiste de biostatistique et de santé publique, proposée aux fonctions de directrice générale de l'Agence nationale de santé publique (ANSP), plus connue sous le nom de « Santé publique France ». En application de l'article L. 1451-1 du code de la santé publique, sa nomination doit être précédée de son audition par les commissions compétentes du Parlement.

Créée par la loi « Santé » de 2016, l'ANSP a repris l'ensemble des missions de veille sanitaire exercées par l'Institut de veille sanitaire (InVS), l'Institut national de prévention et d'éducation pour la santé (INPES) et l'établissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires (Eprus).

L'article 31 du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2020 acte un transfert du financement de l'ANSP de l'État, via le programme 204 de la mission « Santé », à l'assurance maladie. Le PLFSS pour 2017 avait fait l'opération inverse. Il vous sera sans doute difficile de vous prononcer sur ce transfert.

Votre audition intervient alors que la période récente a été marquée par plusieurs crises sanitaires qui ont mobilisé l'expertise de Santé publique France : l'affaire Lactalis, l'incendie de l'usine Sanofi de Mourenx, l'agénésie transverse des membres supérieurs de plusieurs nourrissons et, tout récemment, l'incendie de l'usine Lubrizol.

Il serait intéressant que vous nous précisiez comment vous entendez renforcer les moyens et améliorer la coordination de nos centres nationaux de référence, qui sont particulièrement précieux dans le suivi épidémiologique de plusieurs pathologies.

Par ailleurs, un portail public de signalement permet désormais à tous les usagers et tous les professionnels de santé de déclarer des incidents ou des risques d'incident liés à l'utilisation de produits de santé. Face à la multiplication des incidents chimiques, ne croyez-vous pas qu'il serait utile de répliquer ce modèle pour l'alerte sur les risques d'incident chimique ?

D'une manière générale, quelles faiblesses identifiez-vous dans notre système d'alerte et de gestion des crises sanitaires ? Que préconiseriez-vous pour le renforcer ?

Mme Geneviève Chêne, candidate aux fonctions de directrice générale de l'Agence nationale de santé publique. - Merci pour votre accueil. Je suis honorée de me présenter devant vous, ma candidature étant proposée par le Gouvernement pour la direction générale de Santé publique France. Je tiens à remercier Mme la ministre pour sa confiance. Votre commission auditionne régulièrement les responsables et scientifiques de Santé publique France. Je sais moi-même la très grande qualité de ces professionnels, engagés au service de la santé des populations. En ce moment solennel d'audition devant vous, je ressens à la fois beaucoup d'enthousiasme et aussi une certaine gravité d'être proposée pour un poste de cette importance à la tête d'une agence de l'État, aux missions essentielles de service public.

Je souhaite d'abord me présenter en décrivant brièvement mon parcours, puis en vous faisant part des raisons qui me motivent pour prendre la tête de Santé publique France.

En résumé, je suis une scientifique, et je suis convaincue que les connaissances scientifiques de santé publique doivent servir les décisions en matière de politiques publiques. Ces connaissances doivent impérativement faire l'objet de transferts vers les pratiques, ce qui implique d'être attentif à la fois aux besoins des territoires et à l'affirmation d'une dimension internationale.

La santé publique, c'est l'engagement de toute ma vie professionnelle. Depuis ma formation initiale en médecine, puis en épidémiologie et en biostatistique, et en couvrant progressivement de nombreux champs de la santé publique, toute ma vie professionnelle a été consacrée à construire une approche pour résoudre des questions de santé qui se posent à l'échelon des populations et à rendre visible l'importance de cette approche.

Je souhaite insister sur cinq expériences particulières.

J'ai dirigé une équipe de recherche à l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) dans le domaine de la recherche clinique et en santé publique, sur le VIH et les maladies infectieuses. J'ai été impliquée dans la coordination de grands programmes scientifiques européens, et j'ai été incitée à transférer ces savoir-faire dans le domaine des maladies neurodégénératives et du vieillissement cérébral. Dans le domaine du VIH, et en particulier grâce à l'organisation coordonnée par l'Agence nationale de recherche sur le sida, ce n'est pas seulement l'excellence scientifique qui m'a marquée, c'est aussi une relation différente avec les malades, debout et participatifs, avec lesquels les scientifiques et les médecins ont coconstruit une réponse aussi appropriée que possible du point de vue scientifique, éthique et humain, voire citoyen.

Deuxième expérience : mon rôle d'enseignante, en particulier comme professeur des universités depuis 1999, dans tous les cycles de médecine et au niveau master de santé publique à l'Institut de santé publique, d'épidémiologie et de développement (Isped) de l'université de Bordeaux, où nous enseignons pour des étudiants en formation initiale et des professionnels, pour des étudiants français et étrangers, présents ou à distance. Ce qui m'a marquée, c'est la perception de l'attente très forte vis-à-vis de la France, au moins dans l'espace francophone, et souvent bien au-delà, pour la transmission des savoirs.

J'ai aussi une expérience managériale à l'université, comme directrice de cet Isped depuis juin 2017. L'Isped compte environ 100 personnels et plus de 60 enseignants en santé publique, une masse critique unique en France et positionnée parmi les meilleures écoles de santé publique en Europe. Je l'ai engagé dans un processus d'accréditation internationale, avec l'appui de l'IDEX - Initiative d'excellence - de l'université, et dans une action volontariste de transfert d'expertise en santé publique vers les acteurs territoriaux, et en tout premier lieu l'agence régionale de santé de Nouvelle-Aquitaine, à laquelle nous sommes liés par une convention et un programme opérationnel.

J'ai une autre expérience managériale au Centre hospitalier universitaire de Bordeaux, où j'ai dirigé le pôle de santé publique, un ensemble de services et d'unités comptant environ 350 personnels soignants et administratifs et couvrant l'ensemble des domaines de la santé publique : information en santé, analyse et gestion des risques pour les patients et les professionnels de santé. J'y ai créé début 2019 un service entièrement dédié au soutien du développement de l'offre de prévention à l'échelon de l'établissement, du groupement hospitalier de territoire (GHT), et de la région Nouvelle-Aquitaine.

Enfin, dans le domaine des politiques publiques, j'ai participé au comité des sages pour la préparation de la stratégie nationale de santé 2013-2017, puis à la direction de l'Institut de santé publique de l'Inserm et de l'Institut de recherche en santé publique (IReSP), pendant trois ans, entre 2014 et 2017, ce qui m'a forgé une solide expérience dans la conception et la mise en oeuvre d'une stratégie nationale de recherche en santé publique.

Cette expérience, je souhaite la mettre au service des missions et des activités de Santé publique France.

Santé publique France a pour mission d'améliorer et de protéger la santé des populations. Cette mission s'articule autour de trois axes majeurs : anticiper, comprendre et agir.

Anticiper consiste à mettre en oeuvre un système national de veille et de surveillance pour détecter et anticiper les risques sanitaires et apporter les éléments de décision à la puissance publique. Comprendre consiste à améliorer la connaissance sur l'état de santé de la population, sur les comportements, sur les risques pour la santé, et à concevoir les stratégies d'intervention en prévention et promotion de la santé. Agir consiste à promouvoir la santé : agir sur les environnements, expérimenter et mettre en oeuvre les programmes de prévention, et répondre aux crises sanitaires.

Santé publique France, qui a été officiellement créée en 2016, a démontré en trois ans sa capacité à bâtir l'axe populationnel du système français d'agences sanitaires, c'est-à-dire la capacité de répondre aux besoins de connaissances de l'état de santé, et aussi de protéger et préserver la santé et le bien-être de la population.

Je souhaite rendre hommage à mon prédécesseur, qui a mené une construction remarquable basée sur la fusion de trois opérateurs : l'InVS, chargé de la surveillance épidémiologique et sanitaire, l'Institut national de prévention et d'éducation pour la santé, qui fait de la promotion et de l'éducation à la santé, l'Eprus, et la structure d'écoute qu'est Adalis - Addictions drogues alcool info service. Cette fusion d'opérateurs a abouti à un maillage territorial assuré par les quinze cellules régionales (CIRE) de Santé publique France, présentes en métropole et en outre-mer.

Santé publique France est un établissement qui développe une expertise au plus haut niveau, afin d'appuyer la décision publique et d'aider au déploiement de politiques publiques au plus près des besoins des populations.

Cette expertise repose sur des principes forts de transparence et d'indépendance.

Santé publique France a pris toute sa place dans le paysage des agences sanitaires de notre pays et, au-delà, à l'échelle de l'Europe et du reste du monde. Beaucoup a été fait. Les fondations sont solides.

Après cette phase de fusion et de structuration d'un grand établissement public, on ne peut que souhaiter amplifier ses actions au service des besoins du pays en matière de santé, tout en renforçant autant que possible la cohérence avec l'ensemble des partenaires : les autres agences sanitaires nationales, les agences régionales de santé (ARS) et les acteurs de santé publique en général.

Trois défis émergent en effet : les risques liés à l'environnement sont avérés et nécessitent des observations et interventions appropriées ; la prévention et la promotion de la santé sont centrales pour améliorer la santé des populations, et restent encore insuffisamment inspirées des meilleures pratiques ; le dialogue avec l'ensemble des parties prenantes, très exigeant, doit être maintenu.

La stratégie nationale de santé publique 2018-2022 et le plan Priorité prévention fixent bien entendu un cap. Santé publique France dispose par ailleurs d'une programmation stratégique qui reprend la feuille de route du ministère de la santé.

Candidate au poste de directrice générale de Santé publique France, je propose quatre axes pour structurer une vision renouvelée.

Je suis une scientifique. Mon métier est de produire de nouvelles connaissances, ma culture est d'être jugée par mes pairs. La pérennité de l'agence repose précisément sur la qualité de la production scientifique et des données probantes. Une priorité sera donc de renforcer le dialogue dans l'espace scientifique, c'est-à-dire avec les organismes de recherche et les universités. C'est essentiel pour que l'excellente expertise de Santé publique France continue à s'appuyer sur des productions scientifiques au meilleur niveau international, et en lien avec la recherche. Pour cela, Santé publique France doit s'inscrire dans un espace d'échanges scientifiques national, européen et international. La présence internationale de Santé publique France est déjà visible comme représentant de la France au sein du Centre européen de prévention et de contrôle des maladies, et en assurant le secrétariat général de l'Association internationale des instituts nationaux de santé publique. Je souhaite capitaliser sur cette visibilité pour accroître les collaborations scientifiques et techniques internationales, au coeur du projet.

Le développement de ce premier axe ne saurait néanmoins être suffisant pour avoir un impact sur les politiques publiques et la santé. Il faut également être en capacité de mener des actions concrètes, en réponse aux besoins. C'est, par exemple, le service que rend Santé publique France en situation d'urgence. Mais, de manière continue, l'utilisation des données probantes pour appuyer la décision publique doit être systématisée. Les travaux produits par Santé publique France, les actions déployées doivent être au plus proche des besoins des citoyens, et doivent en particulier viser à réduire les inégalités sociales, environnementales et territoriales. C'est tout l'enjeu de l'investigation locale, qui est soutenue par le réseau des CIRE en lien avec les ARS. C'est aussi l'enjeu des techniques de marketing social qui visent à construire des campagnes probantes ayant un impact pour faire évoluer les comportements favorables à la santé, en se fondant sur des leviers dont l'efficacité est démontrée.

Il est également essentiel de valoriser les travaux et les actions menées, d'expliquer les enjeux mis en évidence et les solutions choisies pour y faire face. Il faut aussi débattre, voire mobiliser des outils de médiation pour l'ensemble des catégories de la population et des professionnels concernés par les thématiques et champs d'action de l'agence. Je souhaite engager une réflexion approfondie pour refonder le lien avec l'ensemble des parties prenantes et des acteurs engagés, y compris les porteurs d'intérêts, car le temps pour écouter et expliquer doit pouvoir être pris. À la condition de respecter ses principes majeurs d'indépendance scientifique et de transparence, Santé publique France sait être à l'écoute, et dans le dialogue avec l'ensemble des citoyens.

Enfin, si j'attache, comme vous l'aurez compris, une grande importance à ce que Santé publique France demeure le catalyseur de la mobilisation nationale et territoriale des acteurs de santé publique, je suis également très attentive à sa contribution au succès du virage préventif de la stratégie nationale de santé et du plan Priorités prévention. Il y a un fort soutien politique, c'est une condition incontournable pour réussir. Pour faire de ce virage préventif un succès, il faut également démontrer que les actions mobilisant de nombreux acteurs et financements sont efficaces. Le retour sur investissement des innovations technologiques et sociales pour la prévention et la promotion de la santé, et le déploiement des interventions doivent être évalués. Je souhaite donc engager Santé publique France dans l'évaluation de l'impact de ces investissements sur le système de santé et sur la santé de la population en général.

Pour cette vision renouvelée, nous avons à apprendre des exemples étrangers, sans oublier que Santé publique France est porteur d'une vision globale de la santé des populations, issu d'un modèle de système de santé que la majorité des citoyens souhaite durable et où ils se sentent protégés. Pour réussir, j'aurai besoin de l'implication de tous les agents autour d'une vision partagée du cadre d'action et des rôles et responsabilités de chacun. Cela sous-tend le renforcement d'une politique de qualité de vie au travail impliquant l'ensemble des personnels et de leurs représentants.

En conclusion, ma candidature repose sur l'exigence forte d'allier une approche de santé publique fondée sur les meilleures données scientifiques disponibles, une qualité élevée de communication envers les citoyens, la capacité à préserver la notoriété très positive de l'agence, la volonté de rétablir la crédibilité de la parole publique chaque fois que nécessaire pour maintenir la confiance, et d'apporter un appui solide à l'accomplissement des orientations gouvernementales et des politiques publiques en matière de santé.

Mme Corinne Imbert. - Je vous remercie de nous avoir rappelé votre parcours et exposé votre vision pour Santé publique France. Vous avez insisté sur la nécessaire qualité de l'information dispensée aux citoyens en matière de santé publique. Or on constate que le mouvement anti-vaccin reste puissant en France et en Europe comme en atteste la recrudescence des cas de rougeole ; selon une enquête mondiale de juin dernier, la France est l'un des pays les plus sceptiques à l'égard des vaccins et l'existence de Vaccination Info Service ne semble pas suffisante. Comment Santé publique France peut-elle être plus proactive, notamment sur les réseaux sociaux, pour lutter contre les fausses informations ?

Nos collègues Pascale Gruny et Stéphane Artano viennent de publier un rapport relatif aux services de santé au travail. Il en ressort que ces services utilisent peu l'expertise des agences sanitaires. Comment Santé publique France peut-elle améliorer la diffusion de ses recommandations auprès de ces professionnels ?

Mme Laurence Cohen. - Je vous remercie de votre présentation. Dans le cadre du PLFSS pour 2020, le Gouvernement prévoit un transfert budgétaire de Santé publique France vers la branche maladie de la sécurité sociale. Je considère que ce financement devrait relever de l'État, mais quel est votre avis ?

Lors de son audition, votre prédécesseur nous avait laissé entendre que le budget de Santé publique France, qui s'établit à 170 millions d'euros, était relativement modeste au regard des missions de l'agence. Quelle est votre appréciation, au regard des ambitions que vous venez de nous exposer ? La prévention demeure le parent pauvre de notre système de santé et nous attendons des actes au-delà des paroles.

Que pensez-vous de la réforme annoncée de l'aide médicale d'État (AME) ?

M. Bernard Jomier. - Je vous remercie pour votre exposé et les pistes de travail que vous avez dessinées. Le triptyque anticiper-comprendre-agir est juste. Nous percevons bien les enjeux propres à votre jeune agence : son déploiement n'est pas totalement achevé, mais les attentes sont fortes. La population a besoin d'une parole de santé publique reconnue et crédible, mais l'action de l'agence est encore trop fragmentaire. Par exemple, sur le vapotage, votre voix ne porte pas suffisamment.

S'agissant de la gouvernance générale de notre système de santé, considérez-vous que votre agence doit avoir un statut d'agence indépendante ou le statut actuel vous semble-t-il adapté aux enjeux ?

Mme Martine Berthet. - Je tiens à vous remercier de votre exposé très complet sur vos missions. Vous avez évoqué les principes de transparence et d'indépendance : avez-vous toute latitude pour les mettre en oeuvre ?

En matière de prévention, nous devons passer un cap afin de réaliser des économies de santé dans cinq ou dix ans : vos moyens sont-ils suffisants pour répondre à cette ambition et allez-vous demander plus de moyens ?

M. Olivier Henno. - Si nous voulons améliorer la santé des Français sans augmenter la dépense publique, la prévention est une obligation. Mais ce virage préventif est un véritable serpent de mer de nos politiques de santé ! Je crains qu'il ne dénote un problème culturel français. Souvenez-vous de Knock, le personnage de Jules Romains : « Tout bien portant est un malade qui s'ignore... » Quelle est votre vision en matière de prévention et de quels modèles étrangers pouvez-vous vous inspirer ?

M. Alain Milon, président. - Je m'inscris en faux : même si c'est moins le cas aujourd'hui, la prévention a fait partie intégrante de notre culture, notamment pour combattre certaines maladies infectieuses - polio, diphtérie, tuberculose, etc.

Mme Geneviève Chêne. - Le transfert budgétaire a été proposé par le Gouvernement, avec l'avis favorable de mon prédécesseur. Il me semble pertinent, car les maladies que l'on prévient aujourd'hui sont des maladies que nous n'aurons pas à soigner demain.

Santé publique France a perdu 20 % de ses effectifs depuis 2010 : elle a donc largement contribué à la réduction des déficits publics. Pour accomplir ses missions, Santé publique France a besoin de moyens stabilisés. Je rappelle que nous sommes une agence extrêmement productive en nombre d'enquêtes, de recommandations, etc. Dans mes futures fonctions, je m'attacherai donc à demander des moyens à la hauteur des ambitions d'une grande nation en prévention. D'autres agences européennes sont à une tout autre échelle : alors que Santé publique France compte 650 agents et un budget annuel de 175 millions d'euros, Public Health England affiche 3 500 collaborateurs et un budget de 1,5 milliard d'euros. L'agence suédoise est également dotée de 3 500 agents et d'un budget de plus de 1,5 milliard d'euros, pour une population inférieure à 10 millions.

Si vous tapez « vaccination » sur Internet, vous tombez sur la page de Vaccination Info Service : c'est un bon indicateur de la visibilité de l'information fournie par Santé publique France. Nous allons démontrer que, à la suite du renforcement de l'obligation vaccinale pour les nouveau-nés, la couverture vaccinale des enfants jusqu'à dix ans s'est également améliorée, marquant un rétablissement de la confiance et une adhésion accrue à la vaccination. Santé publique France analyse la couverture vaccinale, mais identifie aussi les leviers utiles à son amélioration : facilitation de l'accès à la vaccination, gratuité, etc.

Notre position est claire sur le vapotage : c'est un outil efficace de sevrage tabagique pour les adultes. Mais il existe des cas de pneumopathies graves aux États-Unis, après utilisation de produits spécifiques. Santé publique France est chargée de la collecte et la centralisation des éventuels cas français.

M. Alain Milon, président. - Des cas ont-ils été déclarés en Europe ?

Mme Geneviève Chêne. - Je n'en ai pas connaissance.

M. Bernard Jomier. - La société de pneumologie de langue française s'est prononcée contre le vapotage, mais je n'ai pas trouvé votre position.

Mme Geneviève Chêne. - Nous devons publier les résultats de nos enquêtes pour les rendre disponibles et accessibles à tous, y compris en veillant au langage utilisé.

L'indépendance scientifique est constitutive de notre culture : nous sommes transparents sur nos méthodes, nos résultats, y compris nos bases de données et notre interprétation des résultats. Je n'ai pas eu connaissance de cas de pressions sur l'interprétation de ces résultats.

Les centres nationaux de référence, gérés par Santé publique France, constituent un réseau important pour la surveillance de l'état de santé de la population française et ils fonctionnent bien.

Quant à l'AME, elle n'est pas vraiment dans le champ de compétences de l'agence.

Mme Laurence Cohen. - Sa réforme pourrait cependant avoir des conséquences en matière de santé publique !

Mme Geneviève Chêne. - Santé publique France mesure l'état de santé de certaines populations précaires, mais nous sommes en phase d'élaboration de ces outils de mesure et devons mieux inclure les déterminants sociaux dans nos enquêtes. Nous savons bien que les inégalités sociales impactent l'état de santé, la notion d'exposome permet de prendre en compte les déterminants sociaux de l'état de santé, mais nous ne savons pas encore très bien comment les mesurer.

Mme Élisabeth Doineau. - Je suis catastrophée par le manque de moyens humains et financiers de l'agence !

M. Alain Milon, président. - C'est pourtant nous qui votons le budget...

Mme Élisabeth Doineau. - Nous avons organisé en début d'année quatre tables rondes sur la borréliose de Lyme. La Haute Autorité de santé (HAS) a réuni les professionnels et les associations, mais la société de pathologie infectieuse de langue française (SPILF) s'est retirée des travaux. Les malades sont en errance thérapeutique. Nous interrogeons le ministère qui ne nous répond pas. Pouvez-vous nous aider à refaire le lien ?

M. Bernard Jomier. - Les collectivités territoriales sont de plus en plus impliquées sur des thématiques en lien avec la santé - sport et santé, urbanisme et santé, etc. - alors même que la santé n'est pas de leur compétence. Comment l'agence pourrait-elle travailler avec les collectivités locales ?

Mme Geneviève Chêne. - Sur la maladie de Lyme, je comprends les difficultés et les attentes des malades et de leur entourage, mais c'est plutôt le directeur général de la santé qui pourra faire le lien, car l'agence n'a pas de compétences en matière de soin.

La santé est dans toutes les politiques et je vous remercie de cette suggestion de développer les liens entre l'agence et les collectivités.

M. Alain Milon, président. - Je vous remercie d'être venue devant notre commission.

La réunion est close à 17 h 30.