Mardi 22 octobre 2019

- Présidence de Mme Corinne Féret, présidente -

La réunion est ouverte à 13 h 30.

Examen et adoption du rapport de la mission d'information

Mme Corinne Féret, présidente. - Mes chers collègues, ceci est l'ultime réunion de la mission d'information. Nous sommes en effet arrivés au terme de nos travaux, après trois mois et demi de déplacements sur le terrain et d'auditions, auxquels vous avez participé nombreux.

Comme nous l'avions indiqué lors de l'installation de la mission d'information le 9 juillet dernier, nous souhaitions à la fois être en phase avec le calendrier du prochain comité interministériel de la mer, qui doit aborder la question du sauvetage en mer, et formuler des propositions qui pourraient être examinées lors du débat budgétaire, la question du financement étant souvent revenue lors de nos rencontres.

Un projet de rapport d'information vient de vous être distribué. Nous n'avons pas mis à disposition ce document avant la réunion d'examen en raison des délais, les dernières auditions ayant eu lieu le 10 octobre dernier. Il sera rendu public demain matin, à l'occasion d'un rendez-vous avec la presse. Nous vous enverrons la liste des propositions que nous aurons adoptées et le rapport d'information sera mis en ligne à la fin de la semaine.

Les deux premières parties du rapport d'information rappellent le contexte factuel et reprennent ce que nous avons entendu lors de nos travaux. Je propose que nous nous concentrions sur les propositions, conclusions et recommandations à formuler.

M. Didier Mandelli, rapporteur. - Mes chers collègues, je vous remercie d'avoir participé aux déplacements et auditions qui ont été organisés.

Nous avons apporté la dernière main à ce rapport d'information tôt ce matin. Quelles en sont les principales thématiques ? La première partie relate ce que nous avons entendu, vu et constaté. Nous avons pu mesurer à quel point l'organisation était complexe, notamment lors du déplacement à Brest. Pour autant, tout cela fonctionne assez bien, car il n'existe qu'un seul décideur, le préfet maritime, qui assume la responsabilité des opérations, les centres régionaux opérationnels de surveillance et de sauvetage (Cross) étant chargés de l'opérationnel.

Les utilisateurs de la mer sont de plus en plus nombreux, avec des niveaux de formation variables, et le nombre d'interventions est élevé : on compte plus de 30 000 interventions par an, avec des moyens qui restent maîtrisés. Par rapport à de nombreux autres pays, le coût du sauvetage en mer en France est exemplaire : dans le rapport d'information, on parle d'un « bon rapport qualité/prix » ! Au regard des moyens engagés, des résultats obtenus et de l'euro engagé, c'est assez exceptionnel.

Les dons et surtout les legs représentent une part importante des financements mais ils sont aléatoires. Or la Société nationale de sauvetage en mer (SNSM) a des besoins importants d'investissement et vient de signer un contrat sur cinq ans pour 35 bateaux, alors que le besoin global est de 140 bateaux en renouvellement. Pour les bateaux restants, le financement manque encore aujourd'hui.

Certains financements nouveaux ont été institués récemment pour la SNSM. Ainsi, la taxe sur les éoliennes maritimes devrait rapporter à terme 2,5 millions d'euros par an, mais cela ne représente que 5 % des ressources et n'interviendra pas avant 2023.

Le rapport d'information pointe également les difficultés des collectivités territoriales, notamment les départements et les régions, pour connaître le fléchage des subventions de fonctionnement.

Les propositions contenues dans le rapport d'information portent sur trois domaines : le statut des bénévoles et leur formation, le financement, la gouvernance ou le fonctionnement de la SNSM.

Première recommandation, conforter les bénévoles dans leurs missions, par une meilleure reconnaissance de leur action, tout en exprimant la volonté de ne pas surcharger les collectivités territoriales - il n'appartient pas à ces dernières d'assurer l'ensemble des financements et des charges liés au sauvetage en mer. De nombreuses mesures sont proposées sur la formation des bénévoles, qui est payante pour les stations et dont le seul centre se trouve à Saint-Nazaire. Nous ne souhaitons pas remettre en cause le statut du bénévolat ; nous voulons au contraire l'encourager.

Deuxième recommandation, garantir le financement des investissements sur le long terme. Nous préconisons une visibilité sur dix ou quinze ans, avec des programmes prévisionnels qui soient validés par les régions et les départements qui auront à les financer. Bien sûr, l'État doit prendre toute sa part. Parmi les mesures phares, nous souhaitons que les stations n'aient plus à financer une part de 25 % des investissements. Nous considérons que cela revient à l'État, pour libérer les bénévoles de ce temps de collecte - d'aucuns ont même parlé de « quête » - ; tous ceux que nous avons rencontrés se sont exprimés en ce sens. Il faut garantir les investissements et assurer l'entretien, la maintenance régulière et le renouvellement de la flotte.

L'ensemble des usagers de la mer devraient participer au financement du sauvetage, par l'affectation du produit de taxes existantes, notamment le droit annuel de francisation et de navigation (DAFN), ou par le développement du recours à l'assurance, notamment pour l'assistance et le remorquage.

La gouvernance est, à mon sens, au coeur des problèmes que rencontre la SNSM.

Étant reconnue d'utilité publique, la SNSM doit justifier d'un nombre minimum d'adhérents et d'un budget de 46 000 euros - largement atteint. Son fonctionnement interne doit également être démocratique, ce qui, à mes yeux, n'est pas le cas. La SNSM est une association qui fonctionne sans adhérents, avec des stations locales qui n'ont aucune existence juridique, des présidents de station, des trésoriers de station et un délégué départemental désignés par le siège. Nous proposons donc qu'elle adopte un fonctionnement similaire à celui de la protection civile.

De plus, les collectivités territoriales ne sont pas associées aux prises de décision concernant les stations locales. Des assemblées générales départementales se réunissent, mais elles n'ont aucune existence juridique et elles ne présentent ni rapport moral ni rapport financier. Nous souhaitons que les bénévoles deviennent adhérents, et qu'ils puissent ainsi participer aux assemblées générales. Nous souhaitons également que les présidents de station et les délégués départementaux soient élus.

Par ailleurs, le rôle de l'État doit être clarifié. Sept représentants des ministères siègent au conseil d'administration de la SNSM - ils y sont plus nombreux que les bénévoles. Cela pose la question du rôle de l'État : la SNSM est-elle réellement une association ? Si elle assume une mission de service public, l'État doit prendre ses responsabilités.

Ce rapport est très attendu par la SNSM et le Gouvernement, qui ne pensait pas qu'il serait rendu si rapidement. Nos propositions pourront ainsi alimenter les débats lors de la table ronde qu'il organise le 7 novembre prochain, puis le Premier ministre fera ses annonces début décembre lors du Cimer.

Une augmentation du budget de la SNSM de 4,5 millions d'euros a certes été votée hier par l'Assemblée nationale, mais cette enveloppe est prélevée sur le programme n° 205, au détriment des Cross et de l'action de sécurité en mer. Ce sont des vases communicants.

Nous pensons qu'il faut explorer d'autres pistes. Les taxes sur les assurances représentent 147 millions d'euros qui vont dans le budget de l'État, et le DAFN, 38 millions d'euros qui vont au conservatoire du littoral. Les fonds versés par les plaisanciers dans ce cadre devraient être réaffectés vers le sauvetage.

Nous n'avons pas souhaité préconiser la création d'une taxe supplémentaire, mais nous émettons l'idée d'une contribution volontaire dans le cadre de l'achat de matériel comme les planches à voile ou les paddles.

Dans ce rapport, nous nous sommes efforcés de traduire tout ce que nous avons entendu lors de nos déplacements.

Mme Corinne Féret, présidente. - Je tiens à remercier ceux qui nous ont accompagnés dans les travaux de cette mission d'information pour leur disponibilité et leur efficacité.

M. Michel Canevet. - Je félicite le rapporteur pour le travail réalisé et je partage l'essentiel des orientations présentées dans ce rapport, concernant notamment la nécessité de clarifier le rôle des adhérents de la SNSM, et celle, non pas de créer une taxe supplémentaire, mais d'obliger à la souscription d'une assurance pour les propriétaires de bateaux. Cela devrait permettre de dégager des moyens pour financer la SNSM de façon plus significative.

Le rapport précise que la part du financement à la charge des stations locales doit être la plus réduite possible, mais je n'ai pas bien compris ce qu'il en était du renouvellement du matériel et du gros entretien qui sont actuellement à leur charge et qui représentent des sommes considérables.

M. Joël Guerriau. - Je m'associe aux félicitations qui ont été formulées sur ce rapport.

L'organisation de la SNSM est actuellement en forme de pyramide inversée. Une meilleure gouvernance permettrait en effet d'associer les acteurs de terrain et de créer une vraie émulation. Il me semble toutefois trop restrictif de ne mentionner que les bénévoles de terrain : il faudrait inclure l'ensemble des adhérents, qu'ils soient sur le terrain ou qu'ils apportent un soutien financier.

Par ailleurs, l'expression « désintérêt de l'État central », me semble un peu forte. Je lui préférerais celle de « manque d'engagement », qui permettrait de prendre en compte la forte représentation de l'État dans le conseil d'administration et l'intérêt que nous, parlementaires, portons à la SNSM.

M. Yannick Vaugrenard. - Je m'associe également aux remerciements qui ont été formulés pour ce rapport, réalisé avec la rapidité qui convenait.

Indépendamment de l'État, il faut insister sur la responsabilité des collectivités territoriales. À l'occasion de nos différents déplacements, nous avons pu apprécier l'humanisme des bénévoles. À ce titre, ils doivent être davantage reconnus, que ce soit en termes de retraite, de formation ou de facilitation des autorisations d'absences professionnelles.

L'assurance doit être obligatoire pour tous les plaisanciers. Si la personne n'est pas assurée, c'est la collectivité qui paie. C'est une question de justice fiscale et comportementale.

Enfin, je pense nécessaire que notre mission d'information se retrouve dans un an pour faire le point, et, le cas échéant, pour interpeller la puissance publique. Il me paraît difficile d'en rester à des préconisations.

M. Jean-Luc Fichet. - Les bénévoles sont très attachés à leur mission, mais ils ne veulent pas payer l'essence, le téléphone, etc., sur leurs propres deniers. Cela empêche des personnes qui ont des revenus très faibles de devenir bénévoles.

Concernant la retraite, l'idée de gagner un trimestre par an pourrait être attractive.

Enfin, les collectivités territoriales ont une responsabilité. J'ai rencontré hier des bénévoles de mon département qui évoquaient le cas d'un vol de moteur sur un bateau qui n'était pas assuré. La station a dû solliciter les collectivités locales pour financer l'achat d'un nouveau moteur.

Vous avez su clairement identifier les difficultés de fonctionnement de la SNSM et, en particulier, le problème lié à l'absence de personnalité juridique des stations locales.

Les bénévoles sont très contents que l'on s'occupe enfin d'eux. C'est pourquoi j'espère que nos travaux seront très rapidement suivis de solutions concrètes.

M. Didier Mandelli, rapporteur. - Michel Canevet s'inquiète du financement des équipements par les stations locales. Je précise que la proposition n° 14, qui prévoit la prise en charge par l'État du coût du renouvellement des canots et vedettes, comprend le financement des gros travaux d'entretien, de renouvellement et de changement de moteur.

Pour répondre à Joël Guerriau, les donateurs sont beaucoup plus présents dans les instances que les bénévoles. Nous proposons que la notion d'adhérent soit reconnue, ce qui permettrait à la SNSM d'avoir enfin un fonctionnement associatif digne de ce nom.

Pour ce qui concerne la place de l'État, les représentants de ministères présents au conseil d'administration de la SNSM ne participent que très rarement aux réunions. En fait, l'État est très engagé dans sa mission de sauvetage en mer, via les douanes, la protection civile et la marine. En revanche, il n'est pas réellement intéressé par la SNSM, ayant longtemps considéré que celle-ci fonctionnait bien grâce aux bénévoles, et ce à moindre coût, puisqu'il lui suffisait d'investir 2 millions d'euros par an. Je souhaite donc maintenir l'expression « désintérêt de l'État » dans notre rapport.

Yannick Vaugrenard propose la mise en place d'une assurance obligatoire pour les propriétaires de navires. Cette suggestion fait écho à la proposition n° 18, qui rend l'assistance remorquage obligatoire. Ainsi, le propriétaire d'un navire devra payer pour d'éventuelles réparations, sans pour autant qu'on l'oblige - cela me semble impossible - à souscrire une assurance. Je rappelle que les sauveteurs eux-mêmes ne veulent pas d'une assurance obligatoire, car celle-ci risquerait de faire baisser le montant des dons versés à la SNSM.

Par ailleurs, la proposition n° 19 a pour objet d'insérer dans tous les contrats d'assurance responsabilité civile une option explicite proposée aux assurés pour couvrir les dommages causés par les navires et engins nautiques.

Comme Yannick Vaugrenard et Jean-Luc Fichet, j'aimerais évidemment que la quasi-totalité de nos préconisations soit suivie d'effets. J'adhère à la proposition de nous revoir dans un an pour établir un bilan de nos travaux. Nous pourrions également nous retrouver début 2020, peu après les annonces que le Premier ministre aura faites sur le sujet.

En réponse à Jean-Luc Fichet, la proposition n° 10 tend à augmenter et harmoniser le forfait de défraiement dont bénéficient les sauveteurs. Quant à la proposition n° 7, elle vise à prendre en compte le bénévolat dans le calcul des pensions de retraite.

Mme Catherine Troendlé. - Je vous remercie pour ce travail de fond qui révèle le mode de fonctionnement pour le moins surprenant de la SNSM.

Il faut marteler que les sauveteurs sont des bénévoles. Préservons leur statut tant que la situation n'est pas clarifiée. À plus long terme, si une nouvelle directive européenne entre en vigueur, on pourra éventuellement imaginer un dispositif permettant, par exemple, de rattacher les sauveteurs en mer à la Direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises.

S'agissant des pensions de retraite, restons prudents : qui dit points de retraite dit cotisations. On risque de faire basculer les bénévoles vers un statut de travailleur.

Concernant le nouveau mode de fonctionnement de la SNSM, j'espère que vous prévoyez de doter les stations locales d'une personnalité morale, ce qui leur permettrait de mieux gérer les deniers publics.

Dernier point, dès lors qu'il existe un permis bateau, il est normal que les propriétaires de navires les assurent.

Mme Annick Billon. - L'essentiel est d'acter la volonté des bénévoles de garder leur statut. Comme Catherine Troendlé, je considère que l'attribution de points de retraite aux sauveteurs serait incompatible avec le maintien de leur statut actuel. J'estime aussi qu'il est inconcevable de ne pas obliger les usagers de la mer à assurer leurs bateaux.

Enfin, je m'interroge sur les conséquences de la hausse de la part de l'État dans le financement de la SNSM : quid de l'entretien de la flotte et de l'organisation mise en place par la SNSM ? Quid du centre de réparation ? Quid de l'autonomie de l'association : qui sera propriétaire des bateaux demain ?

M. Michel Vaspart. - Compte tenu de la structure associative de la SNSM, il faut faire attention à ne pas trop différencier le fonctionnement du siège de celui des stations locales. La SNSM a investi dans l'immeuble de son nouveau siège parisien 12,3 millions d'euros, dont 8,3 millions d'euros en provenance de son autofinancement. La SNSM finance chaque canot de sauvetage à hauteur de 25 %. Dans la mesure où les canots les plus chers, les canots tous temps valent 1,5 million d'euros, cela signifie que si le siège avait choisi de louer ses locaux, il aurait pu financer l'achat d'une vingtaine de ces canots ! Mes chers collègues, il s'agit d'argent public, nous avons donc le devoir de regarder de près le fonctionnement de cette association.

En Polynésie française, ce n'est pas la SNSM, mais une société locale qui intervient en mer. Lors de notre déplacement, nous avons été effarés de l'état des canots de sauvetage : c'est une véritable honte ! Lana Tetuanui et moi-même nous sommes battus comme des chiens auprès du Gouvernement pour obtenir le financement d'un nouveau canot de sauvetage, qui devrait être disponible fin 2020.

M. Didier Mandelli, rapporteur. - Catherine Troendlé a évoqué la gouvernance de la SNSM. Le rapport prévoit de lui donner une structure fédérale regroupant des associations départementales affiliées, à la tête desquelles serait élu un président. Sur le plan financier, il y aurait la participation de l'État, des départements et des régions aux dépenses d'investissement, d'un côté, et celle des stations, des départements, mairies et intercommunalités pour la partie fonctionnement, de l'autre.

Je rassure Annick Billon : nous ne proposons pas que l'État devienne propriétaire des bateaux. C'est la SNSM qui lancera les appels d'offres et achètera les bateaux.

Nous souhaitons mettre en oeuvre une programmation pluriannuelle des investissements. Cela étant, j'en reviens à l'engagement financier de l'État : il est insatisfaisant en matière d'investissements, il a progressé de 2 à 7 millions d'euros en matière de fonctionnement. Mais dans les comptes de la SNSM, les participations sont confondues.

Mme Annick Billon. - Quid du renouvellement de la flotte ?

M. Didier Mandelli, rapporteur. - Je vous renvoie aux propositions nos 13 et 14. 

Mme Corinne Féret, présidente. - Vous êtes plusieurs à vouloir rendre l'assurance des navires obligatoire, ce qui va plus loin que l'actuelle proposition n° 19. Voulez-vous que nous mettions aux voix cette mesure ?

M. Didier Mandelli, rapporteur. - Je précise simplement que ce dispositif ne permettra pas d'augmenter les ressources de la SNSM.

M. Jean-François Rapin. - L'autre difficulté tient au fait que l'on ne sait pas si les assureurs seront prêts à assurer tout le monde. Je pense en particulier à ce qui se passe en outre-mer.

Mme Corinne Féret, présidente. - Il existe des réserves, notamment juridiques, à cette proposition d'assurance obligatoire. C'est pourquoi je vous propose que nous demandions une étude sur la faisabilité d'un tel dispositif.

Il en est ainsi décidé.

Mme Corinne Féret, présidente. - Je vais maintenant mettre aux voix le projet de rapport.

La mission d'information adopte le rapport d'information dans la rédaction issue de ses travaux et en autorise la publication.

La réunion est close à 14 h 30.