Jeudi 17 octobre 2019

- Présidence de M. René Danesi, président d'âge -

La réunion est ouverte à 10 h 30.

Réunion constitutive

M. René Danesi, président. - En ma qualité de doyen d'âge, il me revient de présider la réunion constitutive de notre commission d'enquête, créée « afin d'évaluer l'intervention des services de l'État dans la gestion des conséquences environnementales, sanitaires et économiques de l'incendie de l'usine Lubrizol à Rouen, de recueillir des éléments d'information sur les conditions dans lesquelles les services de l'État contrôlent l'application des règles applicables aux installations classées et prennent en charge les accidents qui y surviennent ainsi que leurs conséquences et afin de tirer les enseignements sur la prévention des risques technologiques ». Nous aurons donc, vous le voyez, beaucoup de travail...

Mon rôle sera de courte durée, puisque je cèderai cette place au président de notre commission, sitôt celui-ci élu.

Les vingt et un membres de la commission d'enquête ont été nommés, sur proposition des groupes politiques, lors de la séance publique d'hier soir, mercredi 16 octobre 2019.

Nous devons maintenant désigner le président de la commission d'enquête.

La commission d'enquête procède à la désignation de son président, M. Hervé Maurey.

- Présidence de M. Hervé Maurey, président -

M. Hervé Maurey, président. - Je remercie le président d'âge d'avoir ouvert cette réunion constitutive, et je vous remercie, mes chers collègues, de votre confiance.

Je vous propose maintenant de procéder à la désignation du bureau de notre commission d'enquête, en commençant par les rapporteurs.

La commission procède à la désignation de ses rapporteurs, Mmes Christine Bonfanti-Dossat et Nicole Bonnefoy.

M. Hervé Maurey, président. - Nous allons maintenant désigner les vice-présidents, de manière que, président et rapporteurs compris, les deux groupes ayant les effectifs les plus importants aient chacun deux représentants au bureau et que les autres groupes y aient un représentant.

La commission procède à la désignation des autres membres de son bureau : pour le groupe Les Républicains, M. Jean-François Husson ; pour le groupe socialiste et républicain, M. Jean-Claude Tissot ; pour le groupe La République en Marche, Mme François Cartron ; pour le groupe du RDSE, M. Ronan Dantec ; pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste, Mme Céline Brulin ; et pour le groupe Les Indépendants - République et territoires, M. Jérôme Bignon.

M. Hervé Maurey, président. - Je vous rappelle que les commissions d'enquête disposent d'un temps limité et qu'elles doivent achever leurs travaux, au plus tard, à l'expiration d'un délai de six mois à compter de la date de l'adoption de la résolution qui les a créées, en l'espèce le 10 octobre dernier. Nous sommes donc tenus par la date du 9 avril 2020. Cela dit, si vous êtes d'accord, je vous propose de nous fixer une échéance plus rapprochée, sans date précise bien sûr, car il ne serait pas souhaitable de prolonger excessivement nos travaux. En particulier, les élections municipales se dérouleront les 15 et 22 mars, et il serait logique que nos conclusions puissent être rendues avant, surtout si nous décidons de consulter les élus.

Notre objectif ici est double. Il s'agit, d'une part, de faire la lumière, dans la limite des compétences d'une commission d'enquête - c'est-à-dire sans empiéter sur l'enquête judiciaire -, sur ce qu'il s'est passé à Rouen ; nous devrons déterminer si des dysfonctionnements se sont produits dans l'organisation des services de l'État, si les règlements ont été correctement appliqués, si l'alerte a été donnée dans des conditions satisfaisantes. Il faudra, d'autre part, en tirer les conséquences, pour déterminer si la réglementation applicable aux 1 300 sites Seveso - parmi lesquels sept cents présentent le même niveau de risque que l'usine de Lubrizol - est toujours adaptée. On l'a déjà vu, les systèmes d'alerte, par exemple, sont sans doute d'un autre temps.

Je tiens à dire qu'il me semble positif qu'il y ait, au sein du bureau, un nombre limité d'élus de Seine-Maritime. En effet, malgré toute mon amitié pour ce département, je pense que la commission d'enquête ne doit pas trop focaliser son attention sur Rouen. Il faut au contraire élargir la réflexion.

J'ajoute, pour ce qui concerne nos méthodes de travail, que le cadre juridique des commissions d'enquête est strict. Le principe est celui de la publicité des auditions, sauf si nous en décidons autrement. Dans ce cas, les travaux d'une commission d'enquête sont soumis à la règle du secret pour une durée maximale de trente ans. Le non-respect du secret est puni des peines prévues à l'article 226-13 du code pénal, soit un an d'emprisonnement et 15 000 euros d'amende. En outre, nous pouvons décider de l'exclusion de la personne concernée de la commission.

ÉCHANGE DE VUES

M. Hervé Maurey, président. - Le bureau se réunira à l'issue de la réunion pour déterminer l'emploi du temps de la commission, mais je me suis permis de prendre les devants et d'organiser quelques activités pour la semaine prochaine ; j'espère que vous ne m'en voudrez pas. Ainsi, mardi 22 octobre, à 15 heures 30, nous pouvons recevoir en audition le président-directeur général de l'entreprise Lubrizol, M. Eric Schnur, qui est de passage à Paris.

Le jeudi 24, nous nous rendrons à Rouen ; il me semble important de commencer par là. Nous visiterions d'abord le site, puis nous rencontrerions les représentants des services de l'État ; l'après-midi, nous aurions une rencontre avec les diverses parties prenantes
- riverains, associations, élus, chambres consulaires -, hors services de l'État.

Nous tâcherons aussi, si vous l'acceptez, de consacrer, en général, chaque jeudi matin aux travaux de notre commission, ou, par exception, le mardi après-midi.

Mme Céline Brulin. - Je pense que nous enverrions un signal positif en essayant de rencontrer également les salariés et les pompiers.

M. Hervé Maurey, président. - Oui, j'incluais les pompiers dans les services de l'État. Pour les salariés, il faut examiner les modalités d'une telle rencontre, je ne sais pas si cela peut se faire dans l'entreprise.

Mme Nicole Bonnefoy, rapporteure. - Les rencontres que nous ne pourrons pas organiser à Rouen la semaine prochaine, nous les ferons par la suite, rien n'oblige à tout concentrer à Rouen.

Mme Catherine Morin-Desailly. - Je me satisfais de la constitution de cette commission d'enquête. Le public a bien compris, je crois, qu'il s'agit d'une commission d'enquête et non d'une mission d'information ; la distinction est importante. Notre travail sera très attendu.

Je me félicite également que les rapporteurs ne soient pas des élus de Seine-Maritime, cela permettra de prendre de la hauteur par rapport aux enjeux locaux. L'Assemblée nationale a fait un choix différent, en concentrant son attention sur Rouen et en désignant beaucoup d'élus de ce département comme membres de sa mission d'information.

La désignation de deux rapporteurs me semble aussi être un élément positif.

Mme Pascale Gruny. - Je veux appeler l'attention de la commission sur les autres départements touchés, notamment l'Aisne, d'où je suis élue, et la Somme. Ces zones ont aussi souffert des retombées de cet incendie. En particulier, je souhaite que l'on tienne compte des répercussions de cet événement pour les agriculteurs, et que l'on examine les conditions de compensation du principe de précaution, si les sols se révèlent non pollués. Il serait intéressant d'entendre, à cet égard, le président de la chambre d'agriculture de ces départements ou de celle de la région Hauts-de-France.

M. Hervé Maurey, président. - Nous examinerons l'impact de l'incendie sur l'économie et sur la santé. Nous solliciterons rapidement les différents ministres concernés : agriculture, santé, environnement et économie - nous n'omettrons pas cette dimension.

M. Jean-François Husson. - En règle générale, on tâche plutôt de recevoir les ministres à la fin des travaux. La commission d'enquête sur le coût économique et financier de la pollution de l'air, que je présidais, avait d'abord balayé tous les sujets, puis avait reçu les ministres compétents. Cela dit, il ne s'agit que d'une proposition.

Je veux aborder un autre sujet important : l'aspect le plus abouti des pouvoirs de contrôle accordés à la commission d'enquête, le fait de prêter serment. La première fois que la parole d'une personne entendue en audition a été mise en cause - c'est arrivé dans le cadre de la commission d'enquête sur la pollution de l'air -, il s'est avéré qu'il y avait eu parjure. Il faudra donc inviter les personnes entendues à être très précises dans leurs réponses.

M. Hervé Maurey, président. - J'en suis d'accord. Aussi, je vous invite à préparer des questions affûtées. Je pense d'ailleurs que nos travaux seront très suivis par les médias.

M. Pascal Martin. - Le P-DG de Lubrizol a déjà pris la parole dans les médias, et il a visité l'usine de Rouen ; il s'est engagé à payer les dommages.

Je veux insister sur un point, ce dossier est extrêmement sensible localement. Il faudra donc prendre garde à notre gestion de l'information et à notre communication ; les choses vont très vite monter en puissance, au travers de l'action d'associations environnementales ou d'élus locaux.

Mme Agnès Canayer. - Lubrizol a effectivement pris un engagement financier à hauteur de 50 millions d'euros.

Pour ce qui concerne le déplacement à Rouen, il faudra être vigilant, en effet, le sujet est extrêmement sensible à l'échelon local. Faisons attention où nous mettons les pieds.

M. Hervé Maurey, président. - Vous avez tous entendu le Premier ministre, il relève de la responsabilité de l'entreprise de prendre en charge les indemnisations, et je suis d'accord avec lui, mais comment évaluer le préjudice total, notamment le préjudice indirect, par exemple la baisse de chiffre d'affaires du commerce ?

Pour ce qui concerne les élections municipales, les choses seront difficiles à maîtriser, mais nous devrons être vigilants afin de n'être pas instrumentalisés.

Par ailleurs, pour l'audition des ministres, il est vrai qu'il est intéressant de les recevoir à la fin de nos travaux, mais il peut aussi être tout aussi intéressant d'en entendre certains dès le début du processus. La commission de l'aménagement du territoire et du développement durable a ainsi reçu Mme Élisabeth Borne. Je serais également intéressé par une audition rapide de Mme Agnès Buzyn.

M. Jean-Claude Tissot. - On évoque une éventuelle ligne supplémentaire destinée à l'indemnisation des agriculteurs dans le budget pour 2020 ; il serait à tout le moins intéressant de recevoir, à cet égard, le ministre de l'agriculture pour en examiner les modalités.

M. Hervé Maurey, président. - De son côté, le conseil régional de Normandie a déjà mis en place un fonds pour faire des avances aux agriculteurs.

M. Daniel Gremillet. - J'ai bien entendu les propos du Premier ministre, mais on sous-estime largement le préjudice. Même dans l'est de la France, des produits alimentaires sont consignés et des livraisons sont annulées. Je suis d'accord, il faut écouter la population locale, mais on ne mesure pas encore les conséquences sur notre économie, et même hors de notre pays. Le principe du pollueur payeur ne se limite pas à la zone, si vaste soit-elle. Notre travail sera donc d'un intérêt stratégique pour la définition de l'économie de demain.

M. Hervé Maurey, président. - En effet, les conséquences ne sont pas seulement immédiates. Il peut y avoir des conséquences économiques et sanitaires à long terme.

Mme Nicole Bonnefoy, rapporteure. - J'ajoute qu'il faudra réfléchir à la problématique de l'urbanisme. L'écoquartier Flaubert me semble être un endroit particulier, et la question de la proximité entre de telles usines et des zones d'habitation se pose.

Autre sujet à prendre en compte : le discrédit flagrant de la parole politique.

Mme Céline Brulin. - Il n'incombe pas à notre seule commission de restaurer le crédit de la parole politique, mais nous devons avoir cela à l'esprit. C'est pourquoi je pense que, si nous recevons le P-DG de Lubrizol, il faut aussi envoyer un message aux salariés. Pour redonner un peu de crédit à la parole publique, nous devons bien calibrer nos messages, et ce dès le début de nos travaux.

M. Hervé Maurey, président. - Je ne sais pas si nous y arriverons, mais, en effet, il faudra y être très attentif. J'ai pu le constater hier, en recevant la présidente de la Commission nationale du débat public : quand cette institution organise un débat, les citoyens ont l'impression que cela ne sert à rien et que les choses sont déjà décidées.

Mme Christine Bonfanti-Dossat, rapporteur. - J'ai entendu ce matin la ministre de la santé botter en touche sur la question des risques pour la santé ; elle recommandait d'attendre le résultat des analyses de long terme avant de porter un jugement. De manière plus générale, j'ai été surprise par son détachement sur le sujet.

Mme Françoise Cartron. - Il me semblerait intéressant de recevoir peut-être deux fois les ministres ; en tout cas, certains devront au moins être reçus en amont. En effet, si le périmètre du comité interministériel de suivi est trop restreint, ce comité sera contesté.

M. Hervé Maurey, président. - On peut ne pas auditionner immédiatement certains ministres - celui qui est chargé de l'économie, par exemple -, mais il me semblerait intéressant d'entendre rapidement Mme Élisabeth Borne, Mme Agnès Buzyn et M. Didier Guillaume.

La réunion est close à 11 h 5.