Mardi 24 septembre 2019

- Présidence de Mme Sophie Primas, présidente -

La réunion est ouverte à 18 h 00.

Audition de MM. Jean-Dominique Senard, président du groupe Renault, et de Thierry Bolloré, directeur général du groupe Renault

Mme Sophie Primas, présidente. - Mes chers collègues, nous avons le plaisir d'accueillir aujourd'hui MM. Jean-Dominique Senard et Thierry Bolloré, président et directeur général du groupe Renault. Messieurs, je vous remercie d'avoir répondu à notre invitation pour cette audition que nous appelions de nos voeux depuis plusieurs mois. C'est là votre premier passage devant la représentation nationale depuis votre arrivée à la tête du Groupe Renault en janvier dernier. Je crois que vous serez reçus demain par l'Assemblée nationale.

Notre commission, vous le savez, fait preuve d'un intérêt tout particulier pour le secteur automobile, source d'environ 400 000 emplois directs en France, soit à lui seul 7 % des salariés de l'industrie. Le Groupe Renault, qui fête cette année ses 120 ans, est l'un de ses piliers, avec 3,88 millions de véhicules vendus l'année passée et un résultat de 3,3 milliards d'euros.

Vous êtes tous deux fins connaisseurs de ce secteur industriel : Jean-Dominique Senard, vous êtes entré en 2005 au sein du Groupe Michelin, que vous avez présidé de 2011 à 2019, avant de rejoindre la présidence de Renault en janvier dernier. Thierry Bolloré, après des débuts à Michelin, vous êtes passé par l'équipementier Faurecia, avant de rejoindre le Groupe Renault en 2012 en tant que directeur des fabrications. De directeur général adjoint en 2018, vous êtes depuis janvier dernier directeur général du Groupe.

L'année 2019 se veut celle du nouveau départ pour Renault. Elle a débuté par un changement important à la tête du groupe, avec le départ de Carlos Ghosn, qui dirigeait Renault et l'Alliance Renault-Nissan-Mitsubishi depuis 2005. Cette audition sera donc l'occasion de faire le point sur les premiers mois d'une nouvelle direction, depuis votre nomination en janvier 2019. Je pense qu'il serait utile, sans trop nous attarder sur ce point, que vous nous exposiez les mesures que vous avez prises pour assurer une pleine transparence de la gouvernance et des conditions d'exercice de l'équipe dirigeante de façon à tourner la page de cet épisode douloureux pour l'entreprise, ses salariés et ses actionnaires.

Les enjeux auxquels fait face le groupe Renault ne se limitent pas à sa gouvernance interne. Après une année de fortes tensions, les relations du groupe avec son partenaire Nissan semblent prendre une tournure plus apaisée. Cependant, de nombreuses questions restent sans réponse. Détenteur de 43,4 % du capital de Nissan, et ayant largement contribué à son redressement dans les années 2000, le groupe Renault entend-il jouer un rôle plus actif dans l'alliance Renault-Nissan-Mitsubishi, créée en 1999 ? Alors que certains appellent de leurs voeux un rééquilibrage de la gouvernance de l'alliance, et que Renault a enfin obtenu que vous-même siégiez dans divers comités chez Nissan, faut-il selon vous aller plus loin ? Je rappelle que Nissan fait face à de nombreux défis, dont le départ de son dirigeant Hiroto Saikawa pour une affaire de prime indue il y a quelques jours à peine, et ses mauvais résultats des derniers mois. L'année dernière, le bénéfice de Nissan a chuté de près de 60 %, pesant également sur le résultat de Renault, et reléguant l'Alliance à la troisième place des constructeurs. Le futur de Renault est-il toujours dans l'Alliance avec Nissan ? Comment comptez-vous améliorer sa performance? Avez-vous mis en place des garde-fous pour protéger l'Alliance de nouvelles déstabilisations ?

Malgré ces incertitudes et une année 2018 difficile, le groupe Renault est attractif. Il a vendu 3,88 millions de voitures en 2018 dans le monde entier, a lancé son premier modèle destiné au marché chinois, marché sur lequel il vient d'investir près de 130 millions d'euros dans une « joint-venture ». Renault poursuit sa croissance en Inde, malgré le ralentissement spectaculaire du marché.

Cette attractivité a fait ses preuves en juin dernier, lorsque le groupe italo-américain Fiat Chrysler a transmis à Renault une offre de fusion à 50-50. Si, dans l'enceinte de notre commission, nous soutenons la création de champions européens - comme l'ont défendu nos collègues Alain Chatillon et Martial Bourquin dans leur excellent rapport sur la désindustrialisation - nous nous interrogeons sur la pertinence du rapprochement proposé et surtout des modalités envisagées. La valorisation au rabais du groupe et la réduction du rôle de l'État, actionnaire à 15 % de Renault, nous ont semblé de mauvais signaux. Après ce « deal » qui semble enterré aussi soudainement qu'il a été envisagé, cette alliance est-elle toujours dans les tiroirs ? Quels bénéfices réels Renault peut-il en tirer ? Ces allers et retours ne mettent-ils pas en péril l'alliance avec Nissan, le japonais s'étant d'ailleurs abstenu de voter au sujet de la fusion ?

Au-delà de la pertinence stratégique d'une telle fusion et de son impact sur l'alliance avec Nissan, la commission s'interroge sur la place des sites français dans la vision à long terme du groupe Renault - et je suis particulièrement préoccupée par ce sujet. 20 % des voitures du groupe sont produites en France, mais la production française a chuté de 3,6 % entre 2017 et 2018. Avec le recentrage sur des modèles d'entrée de gamme, et le renforcement de l'internationalisation du groupe, qui mise sur un effet de taille, quel avenir voyez-vous pour les 15 sites français, qui emploient plus de 49 000 personnes ? Nous revenons d'un déplacement en Inde, où l'industrie dispose d'ingénieurs de haut niveau et d'une main-d'oeuvre dont les salaires sont extrêmement bas ; je ne vois pas bien comment nos 15 sites pourront faire face à une telle concurrence... D'autre part, alors que l'économie chinoise ralentit, votre stratégie d'investissement en Asie était-elle une erreur ?

Enfin, nous constatons tous les jours la mutation rapide du marché automobile. Une délégation de la commission s'est déplacée l'année dernière au Mondial de l'Automobile, où nous avons observé les efforts menés par Renault en matière d'électrification du parc et sur l'enjeu des véhicules autonomes. Votre plan stratégique « Drive the future 2017-2022 » prévoit 18 milliards d'euros consacrés à la R&D en cinq ans. Alors que le groupe investit fortement dans la filière électrique chinoise, maintiendrez-vous l'effort de recherche dans vos centres français ? Comment s'imposer sur les nouvelles frontières de l'automobile, notamment les nouvelles mobilités et les véhicules autonomes ?

M. Jean-Dominique Senard, président du groupe Renault. - Merci de votre accueil. Nous sommes très honorés de pouvoir vous présenter les sujets qui nous tiennent à coeur et consacrer le plus de temps possible à répondre à vos questions. Je rappelle que je m'exprime ici également en tant que vice-président du conseil d'administration de Nissan et président du conseil opérationnel de l'Alliance. Au risque d'enfoncer quelques portes ouvertes, je souligne que nous notre industrie vit un moment singulier avec des ruptures majeures et un environnement qui n'a jamais été aussi concurrentiel. Je n'ai pas connu dans le passé de période marquée par autant de secousses : partout dans le monde, des alliances et des partenariats de plus en plus forts se constituent afin de gagner en efficacité. Simultanément, nous sommes confrontés à des bouleversements technologiques considérables. Ces deux évolutions se produisent à une vitesse accélérée.

Vous le savez, l'industrie automobile doit aussi répondre à des enjeux environnementaux majeurs et il est de notre devoir de trouver des solutions pour assurer sereinement la transition énergétique. La raréfaction des ressources est également un défi majeur : l'économie circulaire est au coeur de notre action avec une accélération de nos initiatives dans ce domaine. À cela s'ajoutent bien entendu, nos préoccupations en matière de santé, en particulier dans les villes : la réduction des émissions de polluants est un élément central de notre stratégie technologique.

Parallèlement, les attentes, les comportements du consommateur et les besoins de mobilité évoluent aujourd'hui beaucoup plus rapidement que par le passé, dans un contexte d'urbanisation accentuée. Cette dernière tendance va encore s'amplifier à l'avenir : en particulier, la croissance de l'Afrique va s'accompagner de la naissance de très grandes mégalopoles et nous devons anticiper dès à présent les solutions permettant de répondre aux conditions de circulation qui s'y développeront. C'est, pour nous, un sujet majeur et au-delà de l'auto-partage ou de la voiture autonome, nous devons intégrer une nouvelle conception de la mobilité durable en considérant notre entreprise comme l'élément d'un écosystème, auquel elle doit s'adapter.

Les nouvelles générations expriment, sur ces sujets, leurs idées et leurs préoccupations. Nous devons anticiper et leur apporter des réponses pertinentes car il y va de l'image de l'entreprise.

Pour répondre à tous ces défis, nous devons instaurer les conditions d'une réussite économique et sociale durable. Le bouleversement sociétal est en cours avec la question majeure de l'impact des nouvelles technologies. Pour nous, il est fondamental que l'Homme reste placé au coeur de cette évolution numérique, aussi bien dans le concept de mobilité, que dans nos usines. Nous avons, à l'évidence, un devoir d'anticipation sur tous les plans. Ensuite, nous devons restaurer une confiance durable, ce qui implique une gouvernance forte, responsable et transparente. Nous avons une responsabilité essentielle en tant que dirigeants : assurer le rôle social de l'entreprise et garantir que nous prenons bien en compte les enjeux environnementaux. La gouvernance en est la clef et je précise que, dès mon entrée en fonction, j'ai procédé à un certain nombre de modifications avec, en particulier, la création d'une nouvelle commission de la responsabilité sociale et environnementale au sein des organes délibératifs.

J'ai évoqué un contexte de concurrence exacerbée : celui-ci ne se dément pas, il est difficile pour les entreprises, et nous devons y faire face avec toute la force de nos équipes. La passion qu'elles développent dans leur métier est, pour moi, un encouragement majeur et il nous revient d'assurer leur pérennité. Enfin, l'Alliance est un élément fondamental pour Renault. Nous ne pouvons pas aujourd'hui imaginer l'avenir de Renault sans l'Alliance. Elle a vingt ans et arrive donc à un degré de maturité qui nécessite peut-être un second souffle, que je m'efforce de promouvoir avec les équipes. Cette Alliance subit aujourd'hui un certain nombre de turbulences liées aux éléments de gouvernance des différentes entreprises, mais sa ligne directrice doit être maintenue et nous devons redoubler d'efficacité. J'estime que son potentiel est considérable ; on reste loin de l'optimum mais nous disposons de tous les éléments pour aller beaucoup plus loin et beaucoup plus fort.

M. Thierry Bolloré, directeur général du groupe Renault. - Le monde de l'automobile est indiscutablement en pleine mutation. La seule certitude c'est que tout change et, selon la formule de Churchill qui nous inspire : « Si vous ne prenez pas le changement en main, il vous prend à la gorge ».

Il m'incombe de vous exposer comment notre groupe industriel français, devenu mondial, affronte les turbulences qui ont été évoquées et se transforme pour redéfinir son rôle à l'heure où la mobilité revêt des enjeux environnementaux, technologiques et sociétaux.

Tout d'abord, s'agissant de la dimension du Groupe, ses racines restent françaises mais nous allons chercher des relais de croissance partout dans le monde. Ainsi, en 2018, plus de la moitié de nos ventes ont été réalisées en dehors de l'Union européenne : en Russie, au Brésil, en Chine en Turquie et en Inde, pour citer quelques pays figurant dans le « top 15 » de nos ventes. Pour illustrer ce dynamisme, je mentionne que nous avons créé à Shanghai un nouveau centre orienté vers le design, la recherche et le digital. À Bucarest, nous avons érigé un nouveau siège social qui fonctionne en « mode agile ». Le groupe Renault, qui est le premier constructeur en Afrique, a également lancé une unité de production au Nigeria.

Je souligne que l'internationalisation du Groupe Renault est fortement favorisée par l'Alliance et l'écume médiatique de ces derniers mois ne doit pas faire oublier ce formidable atout opérationnel. L'Alliance nous permet de mutualiser et d'abaisser les coûts, de mettre en commun nos moyens, équipes, ingénieries, moteurs, usines mais aussi des architectures complètes de nos véhicules. D'ici à 2022, 100 % des véhicules que nous allons lancer seront produits sur des plateformes communes. Il en va ainsi des modèles phares vendus partout dans le monde comme la nouvelle Clio et également de véhicules visant des zones géographiques plus ciblées comme le Triber en Inde ou les modèles lancés en Chine. Tout ceci résulte d'un effort partagé avec Nissan qui nous permet de gagner en compétitivité. Cette mise en commun concerne également toute la nouvelle génération de véhicules électriques qui sera lancée à partir de 2022 et correspond à un renouvellement complet de nos gammes. L'Alliance nous permet donc de réaliser des sauts qualitatifs pour proposer des véhicules hybrides et connectés - en route vers l'autonomie - à des tarifs accessibles à tous. Il y a là une puissance économique, mais aussi une force d'attractivité des talents et des partenaires industriels comme les géants de la Tech : nous coopérons avec la quasi-totalité d'entre eux, y compris avec Waymo qui est le leader de la conduite autonome. Nous développons également nos partenariats avec des start-up et nous investissons, sur ce segment, à un rythme soutenu et à hauteur d'un milliard de dollars d'ici à 2022.

Pour des raisons historiques et culturelles, en France, Renault dispose d'un socle industriel de 14 sites et emploie 48 000 personnes, soit plus du quart des effectifs du Groupe. Nous y avons fabriqué, en 2018, 750 000 véhicules - un cinquième de notre production mondiale - et c'est sur notre territoire que nous avons localisé le coeur et l'excellence de notre ingénierie, comme en témoigne le fait que 75 % de nos dépenses de recherche-développement y sont réalisées. La France est aussi notre principal marché puisqu'au premier semestre 2019, il représente un cinquième de nos ventes de voitures.

Dans la compétition mondiale, notre avenir se joue dans l'excellence industrielle, couplée aux effets d'échelle. Ces deux conditions sont, comme le passé, nécessaires pour réussir mais elles ne sont plus suffisantes. Pour survivre aujourd'hui, il faut y ajouter la capacité à se transformer en constructeur de véhicules électriques, hybrides ou hybrides rechargeables et en fournisseur de services. Nous devons, pour cela, nous inscrire dans un écosystème d'une complexité inédite et devenir acteur de la mobilité, parmi tous les nouveaux intervenants qui y investissent pour capturer une part de la valeur ajoutée de ce secteur. En clair, notre groupe doit aussi devenir une entreprise de software et de service de mobilité.

Ceci m'amène au second volet de mon exposé qui porte sur la mobilité de demain qui sera, selon nos anticipations, électrique, connectée, autonome, partagée et accessible à tous. Je précise que la notion de « partage » porte à la fois sur l'usage des véhicules et la responsabilité des divers acteurs : constructeurs, entreprises technologiques, fournisseurs d'énergie, autorités publiques à tous les échelons, national ou local.

La loi d'orientation des mobilités illustre la complexité du paysage actuel, dans lequel la voiture devient un prolongement des transports publics. Les collectivités territoriales que vous représentez sont les acteurs clefs de cette mobilité de demain.

Hier pionniers du véhicule 100 % électrique, nous sommes aujourd'hui, avec l'alliance, leader : 740 000 véhicules sont en circulation dont 250 000 issus du Groupe Renault. Au-delà, nous réinventons notre modèle économique en proposant des services d'auto-partage, de covoiturage et de VTC. Nous sommes ainsi le premier fournisseur de véhicules électriques partagés en Europe avec plus de 7 000 voitures en « car sharing » qui circulent dans 22 grandes villes européennes et 50 villes moyennes.

N'oublions pas que le Groupe Renault est également fournisseur de véhicules de service : avec notre filiale Karoo, qui gère une plateforme, nous sommes le premier agrégateur mondial d'offre de taxis ou de VTC, qui rassemble plus de deux millions de chauffeurs circulant sur les cinq continents en accomplissant plus de 750 000 courses par jour. Nous devenons une entreprise de « tech ». À travers cette filiale, nous avons signé en mai dernier un accord-cadre avec la SNCF pour assurer la continuité du transport des personnes là où les trains ne vont pas ou plus, ce qui améliore la desserte des territoires, notamment du monde rural.

Cette mobilité de demain nous place devant des défis immenses au plan industriel, qui ne se limitent pas à la simple réinvention d'un modèle économique : c'est l'ensemble de la capacité de production qu'il faut ajuster et transformer. Au terme de dix années d'expérience de la transition énergétique, nous mettons aujourd'hui sur le marché des véhicules performants et abordables, dont les derniers tests démontrent que l'autonomie dépasse désormais 400 km voire 500 km. Nous avons maintenu les tarifs en dépit des avancées technologiques et de l'apparition des véhicules connectés. Il a fallu, pour cela, flexibiliser nos lignes de production et nous avons annoncé un investissement d'un milliard d'euros dans quatre de nos sites industriels français, pour faire de notre pays un pôle d'excellence du véhicule électrique. En outre, la construction de véhicules connectés et autonomes nécessite des moyens colossaux en technologie : pour développer une voiture équipée d'un niveau 2 de conduite autonome, il faut compter environ cent millions de lignes de code soit quinze fois plus que pour un Airbus qui comporte pourtant quinze fois plus de pièces matérielles. L'automobile devient ainsi un véritable « software sur roue », avec une intensité numérique supérieure à celle de l'aviation.

Tous ces efforts technologiques et industriels ne sont toutefois pas suffisants pour assurer la pérennité du Groupe. Nous avons aussi besoin de vous : les élus détiennent la clef de nombreuses conditions de notre réussite.

La première condition est celle de la stabilité de la programmation réglementaire et fiscale. Je rappelle que le temps industriel est long - cinq ans sont encore aujourd'hui nécessaires pour développer un véhicule à compter du premier « coup de crayon » - même si on s'efforce de réduire les cycles de manière drastique. La multiplication des contraintes réglementaires liées aux émissions et à la sécurité du véhicule exige de très lourds investissements qui s'ajoutent à ceux que j'ai déjà mentionnés. Renault a fait le choix de la France comme coeur industriel du véhicule électrique pour l'Alliance, sur les sites de Cléon, Douai, Flins et Choisy. Ces investissements n'ont de sens que si le véhicule électrique se généralise. Il n'est pas réservé aux urbains : il est par exemple plus simple d'installer une borne de recharge dans un pavillon que dans les copropriétés. Nous avons besoin du soutien des élus pour équiper ces dernières en borne de recharge ; la loi d'orientation des mobilités comporte, à cet égard, des avancées mais il faudra aller plus loin sur ce point fondamental. Nous avons également besoin d'incitations pérennes à l'achat de véhicules électriques et de l'implication des collectivités locales dans le développement et l'entretien des bornes publiques de recharge.

Dans le domaine de l'économie circulaire, Renault est pionnier de la récupération des matières, des pièces mécaniques et des batteries. Avec le Groupe Suez, nous avons investi dans l'entreprise INDRA qui nous permet de recycler 350 000 véhicules hors d'usage par an. Il serait inopportun de modifier les règles en risquant de déstabiliser ce type de filière qui représente, en France, 6000 emplois.

Nous agissons aussi pour réduire l'empreinte carbone de nos activités, tout au long du cycle de vie des véhicules. Nos engagements portent sur la réduction de 25 % de l'empreinte carbone de l'entreprise d'ici 2022 et nous sommes sur la bonne voie avec un taux de 19 % déjà acquis en 2018. En mai 2019, Renault a été le premier constructeur mondial à obtenir la validation de sa trajectoire de dé-carbonisation jusqu'en 2030, en ligne avec les objectifs de la COP 21. Nous figurons également parmi les trois premiers constructeurs automobiles les moins consommateurs d'énergie et émetteurs de gaz à effet de serre du monde et, enfin, l'Ademe vient de nous remettre le trophée de la meilleure progression en termes de réduction des émissions de CO2 dans le transport de marchandise.

Nous faisons aussi des efforts considérables pour maintenir notre compétitivité et notre présence en France. Tel est l'objet des accords de compétitivité que nous passons avec les partenaires sociaux depuis 2013 : sur la base de notre dernier accord dit « CAP 2020 »nous avons recruté 5 500 personnes en France depuis janvier 2017, au-delà des engagements que nous avions pris antérieurement. Nous consacrons également 235 millions d'euros à la formation entre 2017 et 2020.

Je parle bien d'« effort », car les coûts de production restent élevés dans notre pays, 40 % supérieurs à ceux existant en Espagne, par exemple. Cela nous contraint à faire des choix, comme celui de localiser à Flins la production de véhicules électriques, et celle de la Clio en Turquie ainsi qu'en Slovénie.

Les coûts de recherche demeurent également élevés et je souligne l'importance du crédit impôt recherche (CIR): le coût total (dit « chargé ») de la recherche en France est le deuxième plus élevé au monde derrière celui des États-Unis. Par conséquent, le CIR est indispensable pour alléger nos dépenses de recherche qui ont dépassé 3 milliards d'euros en 2018.

Les contraintes fiscales pèsent aussi sur nos fournisseurs ainsi que sur l'ensemble de la filière automobile française. Chez Renault, nous avons fait le choix d'une intégration locale. Le montant de nos achats réalisés en France est équivalent à celui de la production réalisée dans notre pays, soit 20 à 22 % du total mondial. Tout l'enjeu est de maintenir cet équilibre malgré l'impact de la transition énergétique et le passage au véhicule électrique qui fragilisent notre secteur.

S'agissant de la décroissance de la filière diesel, qui est en très grande souffrance, le soutien de l'État est nécessaire mais, là aussi, nous aurons également besoin de l'appui des collectivités locales pour l'identification, l'accompagnement et la conversion des fournisseurs impactés par la réglementation des émissions de polluants.

Notre secteur traverse donc une phase de bouleversements sans précédent dans leur ampleur et dans leur rapidité. Alors que le rythme de la réglementation s'accélère aussi, c'est ensemble - usagers, pouvoirs publics, partenaires - que nous pourrons définir les contours des mobilités de demain plus durables et plus responsables, au service de tous.

Mme Sophie Primas, présidente. - Je donne la parole aux deux rapporteurs de la commission sur l'industrie : M. Martial Bourquin puis M. Alain Chatillon.

M. Martial Bourquin- Vous n'avez pas abordé l'accord avorté avec Fiat et Chrysler, accord essentiellement capitalistique. On savait que Renault avait beaucoup à perdre dans cet accord. Où en est-on ? L'accord ne risque-t-il pas de revenir par la fenêtre ? D'autre part, vous avez dit que l'Alliance Renault-Nissan était essentielle. Nous partageons cette analyse. Elle s'appuie sur une vraie complémentarité des marchés et des produits. Vous vous déclarez prêt à porter plus loin cette Alliance. Qu'est-ce que cela veut dire ? Enfin, en matière de batteries, le groupe Renault veut-il avoir une certaine indépendance européenne et française, allons-nous définitivement dépendre de la Chine ? Allons-nous nous doter d'un secteur de fabrication propre pour « nos » batteries ? Renault est certes un groupe global, mais c'est le groupe qui a la plus faible présence sur le sol français, son pays d'origine, avec moins de 20 % de véhicules fabriqués en France. Par comparaison, PSA se situe à 40 % et Volkswagen en Allemagne à 50 ou 55 %. Il n'y a pas que la recherche, il faut aussi de la fabrication. La Clio hybride va-t-elle être fabriquée en France pour y créer des emplois ? Les Français l'attendent d'un groupe dont l'État détient une part importante du capital.

M. Alain Chatillon. - Je partage les questions posées par mon collègue Martial Bourquin. Je voudrais vous interroger sur plusieurs points complémentaires. Quand vous évoquez 25 % des salariés de Renault en France, s'agit-il de l'entreprise Renault ou du Groupe au niveau mondial ? Ensuite, vous avez évoqué le CIR qui n'existe pas dans d'autres pays et qui représente un accompagnement significatif. Au vu des différences entre les pays, voyez-vous d'autres charges qu'il conviendrait d'alléger ? Lesquelles sont les plus néfastes pour l'emploi ? En matière d'innovation, pouvez-vous nous indiquer quand la voiture autonome entrera en service ? Enfin, concernant l'hydrogène, quel est votre intérêt pour cette énergie ? Des projets sont lancés au niveau national et international. Cela ne pourrait-il pas être une solution intelligente et anticipatrice pour un groupe comme le vôtre ?

M. Jean-Dominique Senard. - Les 25 % évoqués sont calculés par rapport à l'ensemble du groupe Renault dans le monde.

Vous avez d'abord évoqué le sujet Fiat-Renault. Il est derrière nous aujourd'hui. Mais je tiens à souligner que je ne suis pas d'accord avec une partie de vos propos, M. le rapporteur Bourquin. C'était tout l'inverse d'un projet capitalistique : il était fondamentalement industriel. Il avait comme principal mérite de mettre en avant et en valeur les technologies du groupe Renault. Les salariés du groupe auraient dû être les premiers à s'en féliciter. Il aurait permis de créer un groupe européen de première ampleur, ce qui n'est pas négligeable. Surtout, ils auraient vu leur avenir incomparablement mieux assuré, car le monde de l'automobile connaît des évolutions considérables. L'industrie chinoise que nous voyons naître maintenant va probablement devenir l'un des principaux acteurs mondiaux. Si l'on ne regarde pas les choses en face, dans cinq ans, on se reprochera de ne pas l'avoir anticipé. Il faut savoir se projeter, c'est le rôle des dirigeants. Je l'ai vu dans l'industrie des pneumatiques où, entre 2012 et 2018, la Chine est passée de 5 % à 30 % de parts de marché mondiales. Pour l'automobile, c'est maintenant ! Je tiens à vous le dire. Les voitures chinoises sont connectées, parfois mieux que les nôtres, et de qualité. On en riait encore il y a deux ans ; aujourd'hui l'on ne rit plus. Il faut se projeter dans l'avenir et anticiper via un regroupement de nos unités européennes, sinon nous n'aurons que nos yeux pour pleurer dans quelques années. L'enjeu de la valorisation capitalistique est secondaire par rapport aux enjeux industriels et en matière d'emploi.

Vous avez évoqué l'Alliance qui est indiscutablement un sujet majeur. J'ai trouvé une Alliance déprimée lorsque je suis arrivé. Il y avait eu des travaux importants qui ont permis des innovations, des regroupements et des économies. Mais je veux dire par là que les équipes de Renault et Nissan avaient des frustrations profondes par rapport au fonctionnement, aux modes de décision, à l'agilité de l'Alliance, et globalement face à des résultats inférieurs à son potentiel. Il y avait aussi des forces divergentes. Il a été de mon devoir de renouer les fils très rapidement, de maintenir la convergence et d'envoyer des signaux qui étaient des symboles, comme la réunion des trois conseils d'administration en France - ce qui ne s'était pas fait depuis vingt ans. La question de la présidence de Nissan était un point important au Japon, mais j'ai tenu à rappeler qu'elle n'était pas essentielle. Refonder et réunir tous les mois le conseil opérationnel de l'Alliance est la priorité pour faire converger les stratégies des trois entreprises. Le succès se mesurera à l'aune des progrès harmonieux des équipes sur la standardisation tout en respectant la culture et les technologies de chacun. Le conseil de l'Alliance se réunira dans quelques jours sur les sujets centraux que sont les évolutions technologiques à venir pour les cinq à dix ans. Mon sentiment, partagé avec Nissan et Mitsubishi, est que nous avons tout en main pour réussir, y compris la volonté farouche des salariés d'y arriver pour créer plus de valeur, par-delà les fiertés nationales au Japon et en France. Il y a devant nous un potentiel fabuleux que les observateurs extérieurs n'ont probablement pas suffisamment mesuré. Cette Alliance est unique. Fiat l'aurait renforcée en lui donnant un caractère mondial plus affirmé. Les Japonais l'avaient bien compris.

Mme Sophie Primas, présidente. - Ils ne l'ont pas voté.

M. Jean-Dominique Senard. - Ils se sont abstenus, mais de manière positive, et cela est normal car ils n'avaient appris le projet que quelques jours avant. Mais ils se sont abstenus pour mieux voter positivement quelques mois plus tard et permettre à ce rapprochement de se réaliser. C'était une attitude très positive que j'ai saluée.

M. Michel Raison- Est-ce que le projet pourrait renaître ?

M. Jean-Dominique Senard. - Aujourd'hui, le projet n'est pas sur la table. S'il pouvait revenir dans des conditions acceptables par tous, j'en serai ravi, mais ce n'est pas à l'ordre du jour.

M. Thierry Bolloré. - En matière de batteries, la stratégie de Renault a tout d'abord été de les fabriquer, car notre entreprise était pionnière, puis de s'allier à des partenaires expérimentés dans la chimie des matériaux dans le cadre d'accords avec des fournisseurs aujourd'hui essentiellement asiatiques. Renault reste l'intégrateur sur ses sites. Le projet européen nous intéresse. Nous avons pris des engagements à cet égard vis-à-vis des autorités, y compris en termes de volume. Je souligne que l'évolution technologique des batteries est très rapide. Nous réalisons des investissements massifs, y compris dans des start-up, pour trouver la meilleure solution. Nous sommes donc très actifs et très ouverts.

Concernant notre empreinte industrielle, on ne peut comparer un groupe qui est à 90 % européen, avec Renault qui ne l'est qu'à hauteur de 50 %. Nous nous implantons de telle sorte que nous puissions être compétitifs. Notre position est équilibrée par grande région géographique, pour la pérennité économique de l'entreprise en France comme en Europe ou ailleurs. Nous renforçons de surcroît actuellement le volet électrique en France, pour l'ensemble du marché européen.

Il en est de même en matière de charges et d'impôts. Il convient de se comparer avec nos voisins européens. Le fait est clair : les impôts sur la production ont progressé en France de 70 millions d'euros depuis 2015 pour atteindre 320 millions d'euros aujourd'hui. C'est cela l'écart compétitif majeur.

Vous m'interrogez sur la date de mise en circulation de la voiture autonome. Il convient de distinguer entre ses quatre niveaux. Le niveau 2 est déjà embarqué dans les véhicules, permettant par exemple une meilleure sécurité sur autoroute ou dans les embouteillages. Le niveau 3 est en développement interne au sein de l'Alliance. Le véhicule pourra par exemple changer de file seul, mais le conducteur gardera les mains sur le volant. Le niveau 4 sera celui d'une pleine autonomie, permettant au conducteur dans certaines circonstances d'avoir une autre activité que la conduite. Pour ce niveau 4, Renault a conclu un accord de coopération exclusive avec Waymo qui est l'entreprise la plus avancée de ce secteur et qui a réalisé plus de 16 millions de kilomètres sur route de testes. Des expérimentations de Renault sont en cours sur route ouverte comme à Rouen avec des Zoé. Nous visons 2022 pour diffuser ces véhicules dans des environnements sous contrôle avec des villes ou des régions partenaires. Les choses avancent vite et la réglementation évolue. Le niveau 5, c'est la voiture totalement automatique. C'est encore un rêve aujourd'hui.

M. Jean-Dominique Senard. - Le sujet de l'hydrogène est absolument majeur mais le secteur automobile fait face à des choix stratégiques de plus en plus complexes avec des investissements considérables à la clef. Différentes technologies sont en concurrence : l'électrique, l'hybride... Renault mènent des travaux de recherche et d'industrialisation. L'hydrogène est une voie parmi d'autres. Certains acteurs ou pays, comme la Chine, font des investissements massifs dans ce domaine. Aujourd'hui, il n'y a pas de filière ou de projet européen de l'hydrogène, je l'appelle de mes voeux. Il y a tout juste quelques projets nationaux en France et en Allemagne. Renault est déjà engagé : nous faisons rouler des véhicules à l'hydrogène et nous menons une veille technologique active pour ne pas rater le coche quand la technologie sera mûre. Elle bute pour l'instant sur la disponibilité d'hydrogène décarboné. Le coût des stations de recharge est encore trop élevé à ce stade. D'autres filières sont pour l'instant privilégiées. L'Alliance voire une Alliance élargie est la condition pour mobiliser les investissements considérables nécessaires.

M. Thierry Bolloré. - Le véhicule utilitaire Renault Kangoo est le véhicule hydrogène le plus vendu en Europe. La conversion du Master à l'hydrogène est en cours. Cela a du sens dans les flottes d'utilitaires, où la centralisation de l'approvisionnement en carburant facilite les choses, notamment pour les livraisons sur le dernier kilomètre. Nous vendons donc déjà des véhicules à hydrogène.

M. Michel Raison- Il y en a notamment à La Poste.

M. Thierry Bolloré. - La voiture à hydrogène reste un véhicule électrique. Les batteries évoluent tellement rapidement en termes de performance, que nous recherchons une combinaison entre la puissance et le coût de la batterie, et un extendeur d'autonomie fonctionnant à l'hydrogène. Cela permettra une souplesse en fonction des usages.

Mme Patricia Morhet-Richaud- Je serai brève, car la question sur la technologie hydrogène a déjà été posée et je vous remercie d'avoir détaillé votre positionnement sur le sujet.

M. Laurent Duplomb- Dans notre pays, nous avons la particularité de critiquer tout ce qui marche : agri-bashing, plastic-bashing mais également le bashing automobile. Ma question est simple : quels sont les critères de compétitivité favorables à la France aujourd'hui ? Car la critique de notre modèle est un sport national, mais la concurrence de pays comme la Chine s'accroît. Combien d'années pouvons-nous encore figurer parmi les meilleurs constructeurs automobiles du monde ? Quels sont les éléments à mettre en place rapidement afin d'éviter d'être distancés ?

Mme Denise Saint-Pé- Je ne reviendrai pas sur la question de l'hydrogène, mais je retiens le fait que vous avez besoin des collectivités territoriales pour mailler le territoire national de bornes électriques. Celles-ci sont déjà mobilisées. Dans le Grand Sud-Ouest, il y a d'ores et déjà une politique très volontariste d'implantation des bornes. Mais les territoires ont aussi besoin de vous. En particulier, les territoires ruraux misent beaucoup sur le développement du gaz naturel et de la méthanisation agricole, qui est une source d'énergie encore insuffisamment exploitée. Il y a un enjeu environnemental et économique majeur, et les territoires attendent des entreprises citoyennes pour développer cette ressource.

Mme Sylviane Noël. - Je suis sénatrice d'un département marqué par une importante concentration de PME sous-traitantes de l'automobile : l'industrie du décolletage dans la vallée de l'Arve en Haute-Savoie. Ce sont 400 entreprises, regroupant 8 000 professionnels et représentant 40 000 emplois indirects, dont 56 % du chiffre d'affaires provient de la sous-traitance dans le secteur automobile. Les mutations technologiques sont nombreuses aujourd'hui avec l'émergence du véhicule autonome, le développement du véhicule électrique et le déclin du moteur thermique. Ces défis technologiques ont conduit de nombreuses PME à investir lourdement à la demande des constructeurs. Or depuis un peu plus d'un an, ces PME subissent une baisse du chiffre d'affaires de l'ordre de 15 %, ce qui engendre une tension du point de vue de leur trésorerie. Devant cette situation, je me permets d'insister sur l'absolue nécessité pour les donneurs d'ordre de respecter les délais de paiement, car de graves dérives en la matière ont été constatées. Il serait souhaitable que les donneurs d'ordre puissent donner de la visibilité aux entreprises pour que celles-ci adaptent leur niveau d'activité. Il y a urgence à accompagner ces PME qui ont lourdement investi et se retrouvent face à des lignes de production quasiment à l'arrêt. Quelles solutions peut proposer le groupe Renault ?

M. Alain Duran. - Vous souhaitez faire de la France le pôle d'excellence électrique, et l'on ne peut que s'en féliciter. Ce passage progressif à la voiture électrique pose néanmoins question. Sur le volet social, vous avez rappelé que l'homme devait être au centre de cette évolution. La construction d'un moteur électrique mobilise une personne quand il en faut sept pour un moteur thermique, en tenant compte des emplois induits. Quel avenir pour cette filière thermique et les emplois qui vont avec, et quelle réflexion votre groupe mène-t-il ? En ce qui concerne la fabrication de batteries, je continue de penser qu'on est loin de l'écosystème durable, d'où ma question : à quand des batteries 100 % françaises ?

M. Michel Raison- Je voudrais me féliciter que la France conserve deux groupes automobiles de cette puissance et de cette qualité, nous n'avons rien à envier aux Allemands en la matière. Je rejoins l'interrogation de mon collègue : pouvez-vous nous donner un bilan écologique du véhicule électrique ? Comment imaginez-vous l'automobile dans une dizaine d'années ? L'électrique aura-t-il entièrement remplacé le thermique, et quelle sera la place du véhicule hybride ? Envisagez-vous des véhicules rechargés à l'énergie solaire ?

M. Jean-Claude Tissot-Sur quels sites français les futurs modèles Zoe et Captur pourront-ils être construits ? Un milliard d'euros a été investi sur le site de Flins, on peut donc imaginer qu'une réflexion sur le lieu de construction de ces deux voitures est en cours. À propos des batteries, avez-vous pensé à l'organisation de leur recyclage, leur destruction ou leur réutilisation ? Lorsqu'on parle de voiture française, j'ai bien compris qu'il était difficile de prétendre pouvoir construire un véhicule à nous seuls, mais à la suite de l'échec de l'accord avec Fiat-Chrysler, comment envisagez-vous cette problématique à l'avenir ?

M. Fabien Gay- Allons-nous continuer à construire des voitures françaises en France ? En 2004, 53 % de la production européenne était construite en France, quinze ans plus tard nous sommes passés à 19 %, avec une perte de 25 000 emplois dans notre pays, quand dans le même temps les filiales étrangères ont gagné 44 % d'effectifs. Vous mentionnez vouloir réduire l'empreinte carbone du groupe, mais la Clio 5 n'est aujourd'hui plus construite en France, mais directement en Turquie ou en Slovénie, pour être ensuite importée. Cela pose la question de l'avenir industriel de notre pays. Sur le sujet de la compétitivité, vous nous avez dit qu'il y avait trop d'impôts de production. Est-ce que vous souhaitez la disparition des cotisations sociales patronales, la fin des 35 heures ? Ayons un discours franc et direct : notre modèle social fait selon moi partie de notre compétitivité. Quelle est votre vision sur ce sujet ?

M. Yves Bouloux- Je souhaiterais évoquer les Fonderies du Poitou, cette usine installée dans le département de la Vienne sous l'impulsion de René Monory qui emploie près de 800 salariés, dont certains sont au chômage partiel en ce moment. Le groupe Renault n'est plus au capital des deux entités du site, pour autant vous restez pratiquement l'unique donneur d'ordre. Vous nous avez dit qu'il y avait une forte chute du diesel, ce qui est un phénomène très inquiétant pour notre département. Ma question est simple : dans quelle mesure pourriez-vous accompagner la nouvelle entité dans la nécessaire transition à mettre en place ? Le repreneur, le groupe britannique Liberty House, va sans doute déployer des efforts en ce sens, mais nous avons encore besoin de Renault un certain temps pour continuer d'aider cette industrie. Sur le sujet de l'hydrogène par ailleurs, je vous remercie pour vos réponses car il me semble que tout a été dit.

M. Daniel Gremillet- Notre pays a besoin de retrouver de la production industrielle et il faut que vous soyez plus clair sur les moyens de renforcer la compétitivité industrielle de nos territoires. Il a été question de la souffrance de la décroissance du moteur thermique : a-t-on quitté un peu trop rapidement le diesel alors qu'il était en capacité de répondre aux nouvelles exigences environnementales ? Ces orientations nouvelles sur le thermique sont-elles partagées au niveau mondial ?

M. Pierre Cuypers. - C'est vrai que l'hydrogène jouera un rôle clé dans la transition énergétique. Des taxis et des bus à Paris utilisent déjà cette source d'énergie. Au-delà de l'hydrogène, vous n'avez toutefois pas évoqué la question des énergies renouvelables à partir des biocarburants et de la biomasse. Quelle est votre position sur le sujet ?

- Présidence de M. Alain Chatillon, vice-président -

M. Henri Cabanel- Vous êtes devant le Parlement français et nous sommes bien sûr fiers d'avoir une marque automobile avec autant de succès et un développement sur plusieurs continents comme vous nous l'avez décrit. Mais ce qui nous intéresse avant tout c'est la réindustrialisation en France, qui va créer de l'emploi dans notre pays. Entre 2005 et 2015, 10 000 emplois ont disparu dans votre entreprise. J'ai entendu votre volonté de conserver 75 % d'emplois dans la recherche et le développement en France, en partie grâce aux mesures fiscales, mais jusqu'à quand ? Le 17 juillet 2019, vous avez annoncé la création d'une co-entreprise en Chine. Vous allez construire là-bas, partager votre savoir-faire et peut-être que demain, ils continueront sans vous. Quelle est votre stratégie de réindustrialisation et de création d'emplois en France ?

M. Jackie Pierre- Je trouve que le véhicule électrique ne se développe vraiment pas assez vite. Les petites collectivités qui en ont fait l'acquisition et ne parcourent que de faibles distances font le constat d'une facture pour la location de la batterie plus chère que le coût du carburant. Le prix de revient d'un déplacement étant plus élevé pour un véhicule électrique, cela n'incite donc pas à l'achat. Par ailleurs, pouvez-vous nous parler du bilan écologique comparatif entre une voiture diesel et électrique tout au long de la chaîne de production ?

M. Jean-Dominique Senard. - Je souhaite tout d'abord dire qu'il y a quand même des éléments très positifs dans notre pays : sur la question de la compétitivité, c'est évidemment dans le domaine de l'innovation que nous avons un avantage. Notre pays a cette capacité à concevoir des produits à valeur ajoutée et des technologies à jour, voire innovantes. C'est cela que nous devons préserver. Si nous avons une chance de résister face à la concurrence internationale, c'est bien parce que nous aurons réussi à maintenir dans notre pays une force d'innovation majeure. Tout ce qui peut venir de partenariats public-privé intelligents, notamment via une assistance de l'État au maintien de l'innovation en France, est absolument indispensable. Les autres éléments de compétitivité ne sont malheureusement pas en notre faveur ; soit nous résolvons les questions d'équivalence de coût rapidement - ce qui est un sujet socialement complexe -, soit nous maintenons nos capacités d'innovation ainsi que d'attractivité pour les chercheurs. Le combat va être fort et le challenge élevé, c'est pourquoi nous aurons besoin de votre soutien.

En ce qui concerne le gaz naturel et l'éthanol : la méthanisation est un sujet bien connu dans l'automobile. Dans certains pays, comme le Brésil, l'exploitation des terres agricoles est assez courante et l'emploi du bioéthanol répandu. Nous ne rejetons pas cette technologie, cela dit elle est coûteuse et complexe à mettre en oeuvre, car nous devons assurer en Europe la flexibilité de nos véhicules dans ce domaine. En raison de la complexification des chaînes de production qui en résulte, il nous faut faire des choix. Si le carburant E10 - qui contient 10 % de bioéthanol - existe bien dans notre pays, il n'est toutefois pas majoritaire.

M. Thierry Bolloré. - L'essentiel de notre production au Brésil est doté de cette technologie. Le problème est donc davantage réglementaire, les nouvelles normes européennes étant incompatibles avec l'usage de ce type de carburant. Si nous pouvons avancer graduellement avec l'ensemble des autorités réglementaires européennes dans le sens d'une augmentation de la proportion d'éthanol, cela ne nous pose pas de problème d'ordre technologique. Nous sommes ouverts à ce type d'évolution, pourvu qu'elle soit accompagnée de visibilité et d'anticipation.

M. Jean-Dominique Senard. - Si elle devait arriver, cette évolution entraînerait des investissements supplémentaires et donc nécessairement des choix. Nous ne pourrons pas tout faire.

S'agissant de la vallée de l'Arve, il y a en effet une baisse du chiffre d'affaires. Beaucoup de PME dans notre pays peuvent éventuellement faire face à des difficultés dans les années qui viennent, car nous n'avons pas encore vu toutes les conséquences des choix qui ont été opérés. C'est l'occasion pour moi d'appeler de mes voeux dans les futures évolutions réglementaires une analyse d'impact robuste avant de passer à la décision. Dans le cas du diesel, nous respectons la décision qui a été prise, bien qu'elle n'ait pas été faite avec des analyses d'impact suffisamment robustes. Le bouleversement a été rapide et nous n'avons pas vu le bout de la complexité du sujet, en particulier sur le plan social. Bien entendu, un groupe comme Renault ne se contente pas de constater une situation difficile, mais s'attelle tous les jours à y apporter des réponses. Je souhaiterais vraiment qu'on cesse de présenter les grands groupes comme des prédateurs dépourvus de sentiments. Nous faisons face aux mêmes contraintes et nous sommes les mieux placés pour comprendre ce que subissent nos fournisseurs confrontés à des changements brutaux de technologie imposés par des nouvelles réglementations. En tant que donneur d'ordre, nous sommes pleinement conscients de notre responsabilité à l'égard de l'évolution sociale de ces entreprises et avons mis en place des chartes, des suivis, des audits et des équipes incroyablement motivées sur le terrain.

M. Thierry Bolloré. - La Fonderie du Poitou illustre l'un des cas dans lesquels nous avons été absolument obligés d'intervenir. Dans de telles situations, notre Groupe est extrêmement actif avec des équipes qui agissent en lien avec les autorités gouvernementales et locales. Dans ce cas précis, le but était de retrouver un repreneur et cela a fonctionné. Nous avons consacré 8 millions d'euros pour soutenir les frais d'exploitation de Liberty et nous avons rajouté une enveloppe de 65 millions d'euros en termes d'activité.

Je précise que les situations, dans les secteurs de la fonte et de l'aluminium, sont très différentes. La visibilité sur l'aluminium est satisfaisante car ce métal correspond à des besoins courants. Il en va autrement de la fonte qui subit la baisse rapide des véhicules diesel, en raison des choix des consommateurs : ceux-ci réagissent à des réglementations incitant de facto au rejet du diesel. Cela implique donc une reconversion de l'activité fonte du groupe Liberty, et celui-ci s'y est engagé. En revanche, la remise en état industrielle n'est pas encore sur une trajectoire adéquate : la diversification de la base client est fondamentale pour assurer la pérennité de ce site. Notre carnet de commande est bien en place pour l'aluminium, mais pour la fonte le vrai sujet est celui de la reconversion. Nous nous investissons dans bien d'autres champs de bataille pour accompagner les conséquences du « diesel bashing ».

Il ne faut pas se faire d'illusions : la conjoncture automobile se dégrade dans son ensemble et nous ne retrouverons pas de sitôt la situation d'il y a dix ans. Le marché automobile mondial a baissé de 6 à 7 % entre août 2018 et août 2019 ; la baisse est de 2,4 % en Europe et de 1,5 % en France. Les marchés à l'international du groupe Renault se contractent de 10 %. Ces chiffres témoignent d'une véritable crise. Les anticipations, qui avaient été réalisées en particulier avec Bercy, des difficultés dans un certain nombre de sites se révèlent aujourd'hui trop optimistes. C'est pourquoi il nous faut travailler à une reconversion la plus précoce possible, sans quoi il faudra traiter des cas douloureux et dramatiques. On a parfois eu du mal à aider les entrepreneurs à prendre conscience des évolutions en cours et nous avons donc besoin des élus pour encourager les reconversions inéluctables.

M. Jean-Dominique Senard. -  La question importante est celle du volet social qui accompagne les transformations en cours. Le Groupe Renault met tout en oeuvre pour que nos usines soient suffisamment flexibles pour absorber l'impact de l'évolution vers l'électrique. Il est exact que la construction d'un moteur électrique nécessite moins d'effectifs que celle d'un moteur thermique et nous devons faire en sorte d'éviter que cela génère de la souffrance sociale. Nous consacrons donc des sommes considérables à la formation : c'est là le premier devoir du chef d'entreprise vis-à-vis de ses salariés, face à l'évolution des emplois. Cependant, une forme de compensation va s'opérer entre la construction des véhicules thermiques et électriques : des salariés du diesel pourront ainsi être reconvertis, mais cela prendra un certain temps et il faudra gérer la transition. Je précise que les besoins de compétence dans l'ingénierie vont s'accroître ; l'impact est également plutôt positif dans la fabrication des carrosseries et le montage. Dans le domaine mécanique, les transformations sont en cours avec un effort considérable de formation et de conversion.

M. Thierry Bolloré. -  Dans le secteur du véhicule électrique, nous avons une politique d'intégration des tâches que nous pouvons mieux assurer que nos fournisseurs : cela nous permet de maintenir l'activité, comme sur le site de Cléon.

S'agissant du bilan écologique comparé entre véhicule thermique et électrique, les nombreuses études convergent vers les mêmes ordres de grandeur : un véhicule électrique produit, sur 150 000 km - « du puits à la roue » (« from well to wheel ») -, 10 tonnes d'équivalent CO2, soit trois fois moins qu'un véhicule thermique. Plus les conditions de production de l'électricité sont favorables et plus l'écart se creuse. Dans le premier cas, l'essentiel des émissions de CO2 provient de la construction de la batterie et donc, si on ne roule que très peu, l'avantage de la batterie n'est pas utilisé.

S'agissant de notre politique de répartition de l'activité entre les sites, je précise à nouveau que le milliard d'euros que nous avons annoncé concerne les sites de Douai, Flins, Cléon et Maubeuge, où nous installons de fortes capacités de construction de véhicules électriques. Maubeuge aujourd'hui produit 80 % de thermique et 20 % de composants électriques or la proportion s'inversera dans les prochaines années via la demande de nos clients : nous adaptons les sites en conséquence.

M. Jean-Dominique Senard. -  Face aux évolutions conséquentes, notre priorité est de préserver les emplois. En ce qui concerne les coûts de production, sur lesquels on nous reproche parfois d'insister, je fais observer que les réalités sont incontournables. Il faut que la compétition soit équitable ; or, même en Europe des différences de coût de production perdurent, les nôtres étant 30 % plus élevés que chez nos voisins allemands. Évidemment qu'il faut payer des impôts, mais il faut être soumis à des conditions égales.

M. Thierry Bolloré. -  Dans les autres pays, c'est principalement la réglementation qui guide les choix du consommateur entre le véhicule électrique et le véhicule thermique. On constate qu'à l'exception de quelques pays comme la Russie où la palette de choix reste très ouverte, partout ailleurs, sur les cinq continents, l'évolution des réglementations va dans le même sens qu'en Europe, avec une montée du véhicule électrique.

M. Martial Bourquin. - Nous pensions que vous pourriez annoncer ici, au Sénat, la construction de la Clio hybride, ici en France. J'ai du mal à comprendre pourquoi Toyota parvient à fabriquer des Yaris en France tandis que les constructeurs français nous disent que la construction des petits modèles de véhicule n'est pas rentable sur notre territoire. Sur les dix voitures les plus vendues en France, seules trois y sont fabriquées : cela nous étonne tous.

M. Thierry Bolloré. -  Il est très difficile de comparer des constructeurs qui n'ont pas le même équilibre industriel et géographique. Il faudrait s'interroger sur le niveau de profitabilité de la Yaris, au regard de l'ensemble des équilibres économiques de Toyota : je ne dispose pas des chiffres. En revanche, nous savons bien que Renault s'efforce de maintenir les véhicules à haute valeur ajoutée sur le territoire français pour contrebalancer les décalages de compétitivité existants et répondre au besoin global de nos clients. Si l'on veut produire des véhicules accessibles, il nous faut faire les choix de sourcing que nous avons effectué dans le passé.

En ce qui concerne le recyclage des batteries, la réglementation impose depuis 2006, un recyclage à hauteur de 50 % ; or chez Renault nous atteignons 80 %. Peu de batteries sont recyclées, car il y a encore peu de batteries à recycler. La première vie des batteries est plus longue que prévu : elles sont très robustes. Ensuite, le second usage des batteries intéresse beaucoup les énergéticiens pour le stockage de l'électricité. Nous travaillons enfin sur les premiers recyclages de batteries et beaucoup d'acteurs dans le monde visent un recyclage total des batteries existantes. Les nouvelles générations de batteries sont construites avec des matériaux accessibles et abondants : on peut donc viser une recyclabilité à 100 %.

M. Alain Chatillon, président. - Je vous remercie de cet échange de vues sur un sujet aussi important.

Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.

La réunion est close à 19 h 55.

Jeudi 26 septembre 2019

- Présidence de Mme Sophie Primas, présidente -

La réunion est ouverte à 9 h 35.

Proposition de loi visant à encourager l'adoption de règlements locaux de publicité intercommunaux - Procédure de législation en commission - Examen du rapport et du texte de la commission

Mme Sophie Primas, présidente. - Nous examinons la proposition de loi de notre collègue Serge Babary visant à encourager l'adoption de règlements locaux de publicité intercommunaux. À cette occasion, nous allons mettre en oeuvre, pour la première fois au sein de notre commission, la procédure de législation en commission qui figure aux articles 47 ter à 47 quinquies de notre Règlement. En application de la réforme du Règlement du Sénat adoptée le 14 décembre 2017, la conférence des présidents peut mettre en oeuvre la procédure de législation en commission sur tout ou partie d'un projet de loi ou d'une proposition de loi ou d'une résolution. Le droit d'amendement des sénateurs et du Gouvernement sur les articles concernés s'exerce alors uniquement en commission, tandis que la séance plénière est réservée aux explications de vote et au vote. Le retour à la procédure normale peut être demandé, le cas échéant sur certains articles seulement du texte, par le Gouvernement, le président de la commission saisie au fond ou un président de groupe, au plus tard le vendredi précédant la semaine au cours de laquelle est examiné le texte en séance, sauf décision contraire de la conférence des présidents. Le Gouvernement et l'ensemble des sénateurs peuvent participer à la réunion, pour laquelle les règles de publicité et de débat en séance sont applicables. La proposition de loi comporte deux articles et fait l'objet intégralement d'une législation en commission.

M. Serge Babary, auteur de la proposition de loi. - Nous examinons la proposition de loi visant à encourager l'adoption de règlements locaux de publicité intercommunaux déposée par plusieurs sénateurs, dont certains membres de notre commission. Elle reprend les articles 52 et 53 de la loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique, dite ELAN, déclarés contraires à la Constitution au motif qu'ils n'avaient pas de lien, même indirect, avec les dispositions du projet de loi initial.

Le règlement local de publicité (RLP) est un outil communal et intercommunal de planification de l'affichage publicitaire destiné à réglementer la publicité, les enseignes et les pré-enseignes dans un souci de protection du cadre de vie et des paysages, tout en assurant un équilibre avec le droit à l'expression et à la diffusion d'informations et d'idées. Il permet aux acteurs locaux, en évitant l'application du règlement national de publicité, d'établir une politique publique locale de l'affichage et de définir des règles adaptées à un territoire. Les anciens RLP deviendront caducs le 14 juillet 2020, selon l'échéance fixée par la loi du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l'environnement (ENE), sans qu'il n'ait été tenu compte du transfert de la compétence en matière de plans locaux d'urbanisme (PLU) aux intercommunalités opéré par la loi du 24 mars 2014 pour l'accès au logement et un urbanisme rénové, dite ALUR.

Selon l'Union de la publicité extérieure, sur les 1 258 établissements publics de coopération intercommunale (EPCI), seuls 125 d'entre eux ont lancé une procédure et, sur les treize EPCI ayant élaboré leur nouveau RLP, cinq seulement comptent plus de 100 000 habitants. Ces chiffres montrent l'urgence de la situation ! Si aucun RLP n'est adopté avant l'échéance de juillet 2020, le règlement national de publicité s'appliquera. L'article 2 de la proposition de loi prévoit donc un délai supplémentaire de deux ans, tandis que l'article 1er sécurise les procédures en rendant applicables aux RLP les aménagements apportés à la procédure d'élaboration des PLU intercommunaux.

Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. - Le présent texte peut sembler relever de l'ajustement technique, mais il concerne, en réalité, le coeur du quotidien des élus locaux : l'élaboration des documents de planification et le poids administratif et financier que représente leur élaboration. Il porte une demande exprimée de longue date par les communes et les intercommunalités. Les mesures qu'il comprend sont issues des débats parlementaires de la loi ELAN. Malgré un consensus entre le Sénat, l'Assemblée nationale et le Gouvernement, elles ont été censurées par le Conseil constitutionnel en novembre 2018 au motif qu'elles constituaient des cavaliers législatifs.

Le sujet soulevé est plus ancien encore, car la proposition de loi vient corriger les lourdes conséquences d'une articulation manquée entre trois lois successives : la loi du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l'environnement, la loi ENE, la loi ALUR du 24 mars 2014 et la loi du 27 janvier 2017 relative à l'égalité et à la citoyenneté. Adoptées en moins de sept ans, elles témoignent de l'instabilité juridique qui touche les documents de planification locale et les compétences des collectivités territoriales. Nous l'avons tous vécu sur nos territoires : les communes et les EPCI doivent s'adapter rapidement aux évolutions successives, au prix de délais d'élaboration allongés et de dépenses budgétaires supplémentaires.

Le RLP est un document similaire au PLU visant à réglementer les affichages publicitaires des villes. Il peut, par exemple, déterminer des zones où s'applique une réglementation plus stricte ou plus souple que le droit commun national, et permet de soumettre certaines enseignes à une autorisation du maire. Depuis la création des RLP dans les années 1980, les communes étaient principalement compétentes pour les élaborer. Puis, en 2010, la loi ENE a lié la compétence en matière de RLP à celle relative au PLU. En 2014, la loi ALUR a ensuite organisé le transfert de la compétence des PLU et des RLP aux intercommunalités. Les EPCI ont dû se saisir de cette nouvelle compétence et se familiariser avec les RLP. De surcroît, la loi ENE a également rapproché le contenu des RLP de celui des PLU en changeant la structure des documents et en modifiant les règles pouvant être fixées dans le RLP.

Il existe aujourd'hui, en conséquence, non moins de quatre types de RLP : des RLP de première génération adoptés avant 2010 par les communes selon l'ancien format, des RLP transitoires adoptés entre 2010 et 2011, des RLP de seconde génération adoptés par les communes, mais conformes au modèle imposé en 2010 et des RLP intercommunaux adoptés par les EPCI depuis 2010. Sur les 1 681 RLP, seulement 82, soit 5 %, sont intercommunaux. A contrario, 1 211 RLP, soit 72 % des documents, ont été adoptés avant 2010 et ne se sont pas conformes.

Vient s'ajouter à ce paysage complexe une contrainte supplémentaire : pour inciter à l'élaboration de RLP à l'échelle intercommunale et selon le nouveau modèle, la loi ENE a organisé la caducité des RLP de première génération au 14 juillet 2020. Dans moins de dix mois, 1 211 documents locaux pourraient donc disparaître ! Imaginez l'ampleur des conséquences pour les communes concernées, dont je donnerai trois exemples : le règlement national de publicité, souvent moins protecteur, s'appliquera au risque de voir fleurir des milliers d'affichages publicitaires sauvages, sans moyen de s'y opposer ; le pouvoir de police de la publicité sera transféré du maire au préfet, ce qui constituerait un dessaisissement regrettable des communes et intercommunalités ; enfin, celles-ci perdront les recettes liées au mobilier urbain et à la publicité dans les villes. Pour la seule métropole d'Aix-Marseille-Provence, cela représenterait une perte annuelle de 11 millions d'euros.

La proposition de loi reporte donc de deux ans l'échéance de cette caducité brutale et indiscriminée lorsque l'EPCI s'est déjà engagé dans l'élaboration d'un RLP. Nous devons, en effet, encourager cette dynamique, et non pas lui mettre un coup d'arrêt brutal ou favoriser les territoires ne respectant pas la loi. Il faut, en moyenne, deux à trois ans pour élaborer un RLP intercommunal, alors que certains EPCI ont acquis cette compétence depuis à peine un an. La caducité représente alors une sanction disproportionnée.

Je vous proposerai également d'offrir une protection supplémentaire aux professionnels qui subiraient les conséquences de cette caducité. Si le RLP communal disparaît brutalement en juillet 2020, des centaines de milliers de dispositifs publicitaires pourraient devenir illégaux. Leurs propriétaires doivent bénéficier d'un délai raisonnable de deux ans leur permettant de se mettre en conformité, sans quoi ils seront exposés à des poursuites et à des coûts colossaux.

La proposition de loi harmonise, en outre, les procédures applicables aux PLU et aux RLP, dont le contenu est similaire et l'élaboration confiée au même EPCI. Par exemple, les intercommunalités de grande taille, telles que les métropoles, peuvent élaborer des PLU infra-communautaires et mener à terme les procédures de PLU engagées par les communes membres avant la création de l'EPCI. Ces possibilités ne sont pas expressément prévues dans le cas des RLP. Or, de nombreuses intercommunalités ont déjà entrepris d'élaborer ou de réviser leurs documents selon ces procédures. Cela les expose à une forte insécurité juridique, les RLP intercommunaux adoptés pouvant être annulés par le juge administratif pour vice de forme. Il convient de valider les RLP des intercommunalités qui ont fait l'effort de s'engager dans cette démarche, mais ont appliqué de bonne foi des procédures non prévues. Il faut également que la loi étende aux RLP les assouplissements valables pour les PLU.

Je vous suggérerai, à cet égard, de réparer un oubli de la proposition de loi : si elle prévoit bien ces souplesses dans le cas des EPCI à fiscalité propre, elle ne couvre pas les établissements publics territoriaux (EPT) du Grand Paris, lesquels disposent pourtant de la compétence en matière de RLP.

Par ailleurs, je vous proposerai d'opérer une coordination relative à la date d'entrée en vigueur de dispositions d'interdiction de la publicité, afin d'assurer une cohérence avec le report de l'échéance de caducité des RLP.

La présente proposition de loi, si elle peut sembler modeste, répond en réalité à l'urgence. Le droit en vigueur, en effet, met les communes et les intercommunalités dans une situation extrêmement délicate en prévoyant une caducité généralisée des RLP dans moins d'un an et en fragilisant les RLP intercommunaux déjà adoptés. Si nous ne remédions pas rapidement à cette situation en stabilisant et en articulant le droit existant, nous placerons des freins considérables à la dynamique vertueuse qui s'engage. La représentation nationale et le Gouvernement doivent se montrer à l'écoute des élus locaux et assurer le « service après-vente » des obligations législatives qu'ils mettent en place.

Madame la secrétaire d'État, il y a donc urgence, et j'espère que vous soutiendrez l'initiative du Sénat en inscrivant au plus vite cette proposition de loi à l'ordre du jour gouvernemental à l'Assemblée nationale. Il y va de l'avenir de plus de 1 200 communes et de notre cadre de vie commun. Vous y serez sûrement sensible, alors que notre hémicycle résonne des débats sur la publicité à outrance dans le cadre de l'examen de votre projet de loi relatif à l'économie circulaire.

Mme Brune Poirson, secrétaire d'État. - La proposition de loi a pour objet de sécuriser et de conforter la dynamique d'élaboration volontaire des RLP intercommunaux, afin d'adapter la réglementation nationale aux enjeux locaux. Cette nécessité a parfaitement été saisie par les assemblées parlementaires comme par le Gouvernement, puisque nous avions collectivement soutenu les articles 52 et 53 de la loi ELAN, hélas censurés par le Conseil constitutionnel au titre de cavaliers législatifs. Cette décision ne remet bien entendu en cause ni la pertinence ni l'opportunité de ces dispositions.

Il appartenait autrefois aux communes d'élaborer les RLP selon une procédure propre au code de l'environnement. La loi ENE du 12 juillet 2010 a adossé la compétence en matière de RLP à celle qui est relative au PLU et a calqué les procédures d'élaboration, de révision et de modification du RLP sur celles du code de l'urbanisme qui sont applicables au PLU. Puis, la loi ALUR du 24 mars 2014 a prévu le transfert automatique de ces compétences aux EPCI à fiscalité propre. Si, dans son principe, le dispositif apparaît pertinent pour réglementer la publicité et l'adapter aux réalités géographiques, économiques et sociales d'un territoire, il pose, en l'état, plusieurs difficultés que la présente proposition de loi entend lever.

D'abord, toute élaboration et évolution d'un RLP porté par un EPCI doit se faire sur la totalité du territoire intercommunal, sans dérogation possible, alors que, en matière de PLU, la loi du 27 janvier 2017 relative à l'égalité et à la citoyenneté autorise, dans certains cas, des documents infra-communautaires. De tels assouplissements se justifient aussi pour les RLP. De bonne foi, plusieurs EPCI ont d'ailleurs déjà engagé une procédure en ce sens, se plaçant en situation d'insécurité juridique. L'article 1er entend y remédier. Ensuite, l'article 2 reporte utilement la caducité des PLR de première génération. Je soutiens l'amendement de la rapporteure intégrant au dispositif les EPT sans fiscalité propre du Grand Paris. J'estime également intéressant d'introduire un délai de deux ans pour permettre aux professionnels, une fois les RLP de première génération devenus caducs, de mettre en conformité avec la réglementation nationale leurs publicités, enseignes et pré-enseignes. En l'état actuel du droit, elles devront être régularisées le 14 juillet 2020, jour du basculement entre les anciens RLP et l'application de la réglementation nationale.

Les mesures portées par la proposition de loi sont très attendues par les collectivités concernées et le Gouvernement partage votre souhait qu'elles puissent être adoptées dans les meilleurs délais.

M. Martial Bourquin. - Je félicite notre rapporteur pour la qualité de son exposé, ainsi que l'auteur de la proposition de loi. Dans le cadre d'un RLP communal, soit 70 % des documents actuels, les recettes publicitaires reviennent à la commune. Qu'en est-il avec un RLP intercommunal ? Une grande partie des activités de centre-ville et de centre-bourg sont financées par ces crédits. Ne faisons pas disparaître à nouveau une ressource communale !

Mme Cécile Cukierman. - Je salue l'à-propos de la présente proposition de loi qui facilitera la mise en oeuvre des RLP intercommunaux. Afin de ne pas fragiliser le dispositif et d'inciter les élus à s'y engager, il apparaît effectivement nécessaire d'accorder un délai supplémentaire de deux ans. Un cadre assoupli évitera également, dans le respect de la vie démocratique des communes et des intercommunalités, que des équipes nouvellement élues en 2020 aient à mettre en oeuvre un RLP défini par les équipes précédentes. Notre groupe ne s'opposera donc pas au texte.

Si nul n'est ici responsable, du fait de la séparation des pouvoirs, des décisions du Conseil constitutionnel, je m'interroge toutefois sur son interprétation, parfois peut-être un peu abusive, de la notion de cavalier législatif. Les deux articles qui comprenaient initialement les dispositions portées par la proposition de loi avaient été introduits en commission à l'Assemblée nationale après un vote unanime des différents groupes. En outre, la loi ELAN a, me semble-t-il, trait en partie à l'urbanisme. Le Conseil constitutionnel a censuré de nombreux cavaliers législatifs, obligeant le Parlement à travailler sur autant de propositions de loi. Le travail des parlementaires, notamment lorsqu'ils se sont montrés unanimes pour répondre aux besoins des territoires et des citoyens, devrait être davantage considéré.

Mme Annie Guillemot. - La proposition de loi reprend stricto sensu les dispositions des articles 52 et 53 de la loi ELAN, acceptés par le Gouvernement et adoptés par le Parlement, mais censurés par le Conseil constitutionnel au motif de cavalier législatif. L'article 1er rend applicables aux RLP les aménagements dont bénéficient les PLU depuis la loi relative à l'égalité et à la citoyenneté : il s'agit de déroger, dans certains cas, aux principes posés par le code de l'environnement. L'article 2 a trait aux EPCI dont les périmètres ont été modifiés au 1er janvier 2017 et qui, compte tenu de la complexité de l'élaboration d'un RLP, n'ont pas encore adopté de nouveau document. L'instauration d'un délai supplémentaire de deux ans pour transformer les RLP de première génération répond effectivement aux attentes légitimes des collectivités territoriales. La question budgétaire posée par notre collègue Martial Bourquin nous semble, en revanche, fort préoccupante.

Mme Sophie Primas, présidente. - Pour avoir élaboré un RLP communal, je puis vous confirmer la complexité de la procédure. Les possibilités de recours sont nombreuses et les expertises - coûteuses - indispensables : dans le meilleur des cas, trois années sont nécessaires pour l'élaboration du document, parfois plus dans les grandes intercommunalités dont les tâches se multiplient en matière d'urbanisme.

Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. - À titre d'illustration, l'intercommunalité de Saint-Étienne, qui a changé trois fois de statut administratif entre 2016 et 2018, n'a acquis la compétence en matière de RLP qu'en 2018. Le délai dans lequel elle doit élaborer un document apparaît donc extrêmement resserré, d'autant qu'un consensus doit être trouvé entre cinquante-trois communes ! Monsieur Bourquin, la ministre devrait pouvoir vous apporter une réponse précise, mais il me semble qu'à partir du moment où la compétence du RCP lui a été transférée l'EPCI devient bénéficiaire des recettes afférentes. Le cas devrait, à mon sens, être différent s'agissant du mobilier publicitaire, pour lequel les communes reçoivent une redevance du droit d'occupation du domaine public.

Mme Brune Poirson, secrétaire d'État. - Intuitivement, je partagerais votre analyse, madame le rapporteur, mais je vous ferai parvenir prochainement une réponse plus précise. Sachez que le Gouvernement soutient votre démarche, qui semble de bon sens.

Mme Sophie Primas, présidente. - Nous pouvons donc nous montrer optimistes quant à l'inscription de la proposition de loi à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale.

EXAMEN DES ARTICLES SELON LA PROCÉDURE DE LÉGISLATION PARTIELLE EN COMMISSION

Article 1er

L'article 1er est adopté sans modification.

Article 2

Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. - L'article 2 de la proposition de loi repousse de deux ans l'échéance de caducité des RLP pour les EPCI à fiscalité propre et pour les métropoles de Lyon et d'Aix-Marseille-Provence. Il n'inclut, en revanche, pas les EPT du Grand Paris. Mon amendement COM-1 répare cet oubli.

Mme Brune Poirson, secrétaire d'État. - L'avis du Gouvernement est favorable : les EPT du Grand Paris n'étant pas dotés de fiscalité propre, mais néanmoins chargés de l'élaboration des RCP, il convient de leur appliquer également le délai supplémentaire de deux ans.

M. Martial Bourquin. - Avec la suppression progressive de la taxe d'habitation, l'autonomie fiscale des collectivités territoriales se trouve durement mise en cause. Il me semble délicat d'ôter une nouvelle recette aux communes ! Je suis favorable à la proposition de loi, mais le sujet des finances locales ne doit pas être obéré. Dans le cadre des PLU et des schémas de cohérence territoriale (SCoT), les communes ne sont pas privées de leurs recettes. Les ressources tirées des RLP, dont 70 % sont encore communaux, permettent de financer des animations dans des centres-villes souvent en perte d'attractivité.

Mme Sophie Primas, présidente. - La question du financement et le lien entre transfert de compétences et transfert de recettes ne sont pas traités par le texte. Ils relèvent du projet de loi de finances. Vous pourrez, dans ce cadre, proposer une correction.

L'amendement COM-1 est adopté.

L'article 2 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Articles additionnels après l'article 2

Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. - La caducité des RLP adoptés avant la loi du 12 juillet 2010 est fixée au 14 juillet 2020 ; le texte repousse cette échéance au 14 juillet 2022. En l'absence d'un RLP intercommunal adopté à cette date, la réglementation nationale s'appliquera et frappera brutalement d'illégalité un grand nombre de publicités, d'enseignes et de pré-enseignes. Mon amendement COM-3 autorise leur maintien pendant un délai supplémentaire de deux ans, afin d'offrir un temps d'adaptation et une sécurité juridique aux entreprises et aux commerces concernés. Un mécanisme similaire avait par exemple été prévu lors de l'entrée en vigueur de la loi ENE qui a modifié plusieurs réglementations applicables aux publicités.

Mme Brune Poirson, secrétaire d'État. - Cet amendement instaure un délai de deux ans pour permettre aux professionnels, une fois les RLP de première génération devenus caducs, de mettre en conformité avec la réglementation nationale leurs publicités, enseignes et pré-enseignes. En l'état actuel du droit, ces dispositifs devront avoir été régularisés dès le 14 juillet 2020, le jour même du basculement entre anciens RLP devenus caducs et retour à l'application de la réglementation nationale. Un tel délai de mise en conformité existe déjà dans certains cas, notamment en cas d'élaboration d'un nouveau RLP. Il me semble pertinent et de bonne administration de l'ouvrir également en cas de caducité de RLP, laquelle implique pour les professionnels un changement de la réglementation applicable. Avis favorable, donc.

Mme Annie Guillemot. - Nous voterons tous les amendements de Mme le rapporteur.

L'amendement COM-3 est adopté et devient article additionnel.

Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. - L'amendement COM-2 opère une coordination relative à la date d'entrée en vigueur de dispositions de la loi relative à la liberté de la création, à l'architecture et au patrimoine. L'article 2 de la présente proposition de loi prévoit de repousser de deux ans l'échéance de caducité des RLP adoptés avant la publication de la loi portant engagement national pour l'environnement, lorsqu'il a été prescrit l'élaboration d'un règlement local de publicité intercommunal (RLPi) destiné à les remplacer. La loi ENE fixant cette échéance de caducité au 14 juillet 2020, elle serait ainsi repoussée au 14 juillet 2022.

Toutefois, une coordination avec les mesures adoptées ultérieurement dans la loi relative à la liberté de la création, à l'architecture et au patrimoine (CAP) apparaît nécessaire. Celle-ci, dans son article 112, avait calqué l'entrée en vigueur de nouvelles dispositions relatives à la protection des périmètres des abords des monuments historiques avec la date de caducité des RLP antérieurs à la loi ENE. Cette mesure visait à protéger les RLP en vigueur, afin qu'ils ne soient pas frappés d'illégalité immédiate dès la parution de la loi CAP, tout en assurant que toute commune tombant sous le régime du règlement national de la publicité (RNP) à la suite de la caducité de son RLP serait bien soumise à ces nouvelles dispositions en matière de protection du patrimoine.

Si l'échéance de caducité des RLP antérieurs à la loi ENE est repoussée de deux ans, il convient donc, en l'attente de l'adoption de RLPi, de décaler également l'entrée en vigueur des dispositions de l'article 112 de la loi CAP, sous peine de frapper d'illégalité et d'exposer à une grave insécurité juridique ces RLP.

Cet amendement aligne donc la date d'entrée en vigueur des dispositions de l'article 112 de la loi CAP sur la nouvelle échéance de caducité des RLP. Si une intercommunalité n'a pas engagé les démarches pour adopter un RLPi, les RLP seront caducs au 14 juillet 2020, comme le prévoit le droit en vigueur, et c'est à cette date qu'entreront en vigueur les protections du patrimoine. Si un RLPi a bien été prescrit, les RLP seront caducs au 14 juillet 2022 en application de la proposition de loi, date à laquelle entreront en vigueur les dispositions de la loi CAP.

Mme Brune Poirson, secrétaire d'État. - Cet amendement coordonne la date d'entrée en vigueur d'une mesure de la loi du 7 juillet 2016, qui s'appuie sur la date de caducité des RLP de première génération, avec le report de cette caducité. L'article 112 de la loi a en effet fixé pour les communes couvertes par un RLP de première génération l'entrée en vigueur d'une mesure relative à la protection des périmètres des abords des monuments historiques au 13 juillet 2020, par analogie avec la date de caducité de ces RLP. Il apparaît donc nécessaire de mettre en cohérence cette date d'entrée en vigueur avec la nouvelle échéance de caducité des RLP de première génération, qui est reportée au 14 juillet 2022, lorsqu'un règlement local de publicité intercommunal est prescrit, et maintenu au 14 juillet 2020 dans les autres cas. Par conséquent, avis favorable.

L'amendement COM-2 est adopté et devient article additionnel.

La réunion est suspendue à 10 h 20.

Mme Brune Poirson, secrétaire d'État, est raccompagnée à la porte de la salle et le public est invité à quitter la tribune.

La réunion est reprise à 10 h 25.

La proposition de loi est adoptée dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Les sorts de la commission sont repris dans le tableau ci-dessous :

Article 2

Auteur

Sort de l'amendement

Mme ESTROSI SASSONE, rapporteur

1

Adopté

Article(s) additionnel(s) après Article 2

Auteur

Sort de l'amendement

Mme ESTROSI SASSONE, rapporteur

3

Adopté

Mme ESTROSI SASSONE, rapporteur

2

Adopté

Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.

Projet de loi relatif à l'énergie et au climat - Examen des amendements au texte de la commission mixte paritaire

Mme Sophie Primas, présidente. - Nous examinons les six amendements déposés par le Gouvernement sur le texte issu de la commission mixte paritaire du projet de loi relatif à l'énergie et au climat. Nous devons donner un avis sur ces amendements, qui ont d'ores et déjà été adoptés par l'Assemblée nationale le 11 septembre dernier.

M. Daniel Gremillet, rapporteur. - Ces amendements sont de nature purement technique.

L'amendement n°  5 est le plus substantiel, puisqu'il harmonise les différentes dates d'entrée en vigueur du dispositif de garantie d'origine du biogaz institué par l'article 6 septies, en fixant un délai unique d'un an à compter de la promulgation de la loi.

L'amendement n°  2 remplace à l'article 1er quater - qui a trait au plan stratégique d'EDF - la notion de « secret industriel commercial » par celle de « secret des affaires », pour reprendre la nouvelle terminologie issue de la loi du 30 juillet 2018 relative à la protection du secret des affaires.

Quant aux amendements nos  1, 3, 4, et  6, ils procèdent à des ajustements de coordination, en modifiant ou en supprimant quelques références :

- à l'article 3 duodecies, qui porte sur les obligations d'information financière des entreprises ;

- à l'article 5, dont l'objet est la lutte contre la fraude aux certificats d'économie d'énergie ;

- et à l'article 6 undecies, qui concerne les réseaux de distribution de chaleur et de froid.

L'ensemble de ces amendements ne soulevant pas de difficulté de fond, je vous propose de leur donner un avis favorable.

Il en est ainsi décidé.

Les avis de la commission sur les amendements de commission sont repris dans le tableau ci-après :

Article 1er quater

Auteur

Avis de la commission

Le Gouvernement

2

Favorable

Article 3 duodecies

Auteur

Avis de la commission

Le Gouvernement

1

Favorable

Le Gouvernement

4

Favorable

Article 5

Auteur

Avis de la commission

Le Gouvernement

6

Favorable

Article 6 septies

Auteur

Avis de la commission

Le Gouvernement

5

Favorable

Article 6 undecies

Auteur

Avis de la commission

Le Gouvernement

3

Favorable

Désignation d'un rapporteur

La commission désigne Mme Élisabeth Lamure rapporteure sur la proposition de loi n° 427 (2018-2019) tendant à renforcer l'effectivité du droit au changement d'assurance emprunteur présentée par M. Martial Bourquin.

Demande de saisine pour avis et désignation d'un rapporteur pour avis

La commission demande à être saisie pour avis sur les articles 1 à 6, moins les articles 1 ter B et 3 bis, de la proposition de loi n° 645 (2018-2019), adoptée par l'Assemblée nationale, visant à lutter contre les contenus haineux sur Internet, dite « PPL Avia », et désigne M. Yves Bouloux en qualité de rapporteur pour avis.

La réunion est close à 10 h 30.