Mercredi 28 novembre 2018

- Présidence de M. Hervé Maurey, président -

La réunion est ouverte à 9 h 30.

Projet de loi de finances pour 2019 - Mesures fiscales non rattachées relatives à l'environnement et à l'énergie - Examen des amendements du rapporteur pour avis

M. Jean-François Longeot, rapporteur pour avis. - Je vous soumets plusieurs amendements portant sur les articles non rattachés de la seconde partie du projet de loi de finances. Trois concernent l'imposition forfaitaire sur les entreprises de réseau (IFER) due par les installations éoliennes.

Le premier amendement concerne la répartition du produit de l'IFER éolien entre les différents niveaux de collectivités. Actuellement, ce produit est réparti différemment selon les régimes fiscaux des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) présents sur le territoire d'implantation des éoliennes. En présence d'un EPCI à fiscalité additionnelle ou d'un EPCI à fiscalité professionnelle de zone, ce produit est réparti entre les communes, qui en perçoivent 20 %, les EPCI, qui touchent 50 %, et les départements, qui reçoivent 30 %. En revanche, en présence d'un EPCI à fiscalité éolienne unique ou à fiscalité professionnelle unique (FPU), les communes d'implantation ne perçoivent pas de fraction du produit de l'IFER éolien, qui est attribué aux départements à hauteur de 30 % et aux EPCI pour les 70 % restants.

Pourtant, ces communes sont directement impactées par la présence d'installations éoliennes sur leur territoire, et ce sont souvent elles qui ont initié ou accompagné les projets d'éoliennes. Il est donc juste qu'une partie de l'imposition sur ces installations leur revienne.

Tel est l'objet de l'article 56 sexdecies, introduit par l'Assemblée nationale, qui prévoit que les communes d'implantation puissent, quel que soit le régime fiscal de l'EPCI auxquelles elles appartiennent, percevoir 20 % du produit fiscal de l'IFER éolien. C'était une des propositions du groupe de travail sur l'éolien mis en place par le Gouvernement. Toutefois, cet article n'opère cette modification que pour les éoliennes installées après le 1er janvier 2019, ce qui ne règlera pas la situation des éoliennes actuelles. C'est pourquoi l'amendement que je vous propose prévoit que cette nouvelle répartition du produit de l'IFER éolien concerne l'ensemble des installations éoliennes.

Le deuxième amendement concerne le montant de la fraction d'IFER éolien attribué aux communes. Actuellement, comme je l'indiquais, cette part est de 20 %. Or, cette répartition ne parait ni équitable, ni incitative pour les communes. L'amendement propose donc de porter cette part communale à 50 %. Ce dispositif avait déjà été voté par le Sénat dans le cadre de l'examen du projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte en 2015, mais il n'avait pas été retenu par les députés.

Le troisième amendement permet aux communes voisines des communes d'implantation des éoliennes de bénéficier d'une partie du produit de l'IFER éolien. En effet, alors que ces communes sont parfois tout autant, voire davantage impactées par les installations éoliennes que les communes d'implantation, elles ne bénéficient pas d'une partie des retombées fiscales. Seraient concernées les communes situées dans un rayon de 500 mètres du lieu d'implantation. Comme l'amendement précédent, cet amendement avait été voté par le Sénat dans le cadre de l'examen du projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte en 2015, mais n'avait pas survécu à la navette parlementaire.

Le quatrième et dernier amendement est un amendement de conséquence suite à l'adoption, en première partie, des amendements de notre commission et de Didier Mandelli et plusieurs de ses collègues, qui prévoient d'appliquer dès 2019, et non en 2021, un taux réduit de TVA de 5,5 % sur les opérations de collecte, de tri et de valorisation des déchets.

M. Gérard Cornu. - De telles dérogations sont-elles nombreuses ? L'implantation d'une centrale nucléaire a un impact encore plus important pour une commune. Bénéficie-t-elle pour autant des retombées fiscales issues de ces centrales ? Une norme unique serait préférable à des dérogations échelonnées au fil de l'eau.

M. Claude Bérit-Débat. - Nous voterons le premier amendement. Sur le deuxième, nous aimerions des informations complémentaires. Quant au troisième, qui inclut les communes situées à moins de 500 mètres, pourquoi pas ? Dans les zones rurales, l'éolien est très mal accepté, et le Président de la République nous annonce qu'il veut le développer fortement, ainsi que le photovoltaïque... Cette mesure pourrait aider les élus à y trouver un intérêt. J'y suis donc plutôt favorable.

M. Christophe Priou. - Nous parlons bien de l'éolien terrestre ? Pour l'éolien en mer, la répartition du produit des taxes fait aussi débat.

M. Jean-François Longeot, rapporteur pour avis. - Oui, il ne s'agit que de l'éolien terrestre.

M. Jean-Michel Houllegatte. - La programmation pluriannuelle de l'énergie a été présentée hier. L'éolien terrestre devra fournir 24,6 gigawattheures (GWh) en 2023 et 34 ou 35 GWh en 2028, contre 12 GWh aujourd'hui. Cela signifie que le nombre d'éoliennes, qui est actuellement de 6 500, devra plus que doubler. Pour les autres modes de production, les collectivités territoriales bénéficient de la cotisation foncière des entreprises, mais pas pour l'éolien.

Mme Nicole Bonnefoy. - Je suis favorable à l'amendement qui attribue 20 % du produit de l'IFER à toutes les communes. J'ai alerté le Gouvernement sur le fait que beaucoup de petites communes ne s'y retrouvent pas : la hausse de leur potentiel fiscal lié à l'implantation d'éoliennes se traduit par la baisse, voire la disparition, de leur dotation de solidarité ou des aides du fonds de péréquation, alors mêmes qu'elles ne perçoivent pas les recettes de l'IFER, ce qui aboutit à ce qu'elles reçoivent moins qu'avant d'avoir implanté une éolienne !

M. Louis-Jean de Nicolaÿ. - Au risque de faire entendre un avis dissonant, je rappelle que le passage à la fiscalité professionnelle unique implique que les ressources fiscales remontent au niveau de la communauté de communes, qui est ensuite chargée de les répartir sur le territoire. Je voterai contre le dispositif de répartition qui est proposé par le rapporteur.

M. Hervé Maurey, président. - Ce dispositif a déjà été adopté par l'Assemblée nationale. Notre rapporteur le fait simplement évoluer. Suite aux propositions du groupe de travail « éolien », les députés ont décidé d'attribuer une part de l'IFER à toutes les communes d'implantation. Cela répond à une demande forte de celles-ci, car beaucoup se sont vu imposer la FPU à la faveur de fusions d'intercommunalités, et voient par conséquent l'IFER revenir entièrement à l'intercommunalité. J'ai vu récemment dans mon département un maire refuser l'implantation d'une éolienne lorsqu'il a compris que ce ne serait pas sa commune qui toucherait l'IFER. C'est pourquoi le Gouvernement a proposé que les communes d'implantation soient aussi intéressées.

M. Jérôme Bignon. - Parfois, des communes qui avaient implanté une éolienne se sont opposées à la FPU, mais celle-ci leur a été imposée par leurs voisines.

M. Hervé Maurey, président. - Surtout dans les cas de regroupements d'intercommunalités.

M. Alain Fouché. - Les éoliennes se multiplient. Les maires sont sans cesse démarchés, et les paysages sont saccagés. De plus, les entreprises, souvent allemandes, qui les implantent, se révèlent incapables à terme de les démonter. Tout cela pour des quantités de courant électrique assez faibles...

M. Rémy Pointereau. - Le doublement du nombre d'éoliennes posera un problème d'acceptation sur nos territoires. Dans certaines zones, on atteint la saturation, et il faudra revoir des implantations parfois anarchiques, qui aboutissent à ce qu'on voie des éoliennes dans toutes les directions ! Le débat sur l'IFER revient tous les ans. Le territoire le plus impacté est évidemment celui de la commune qui accepte l'implantation d'une éolienne. De ce point de vue, 20 % est un minimum. Nos amendements accroissant ce pourcentage ont toujours été rejetés. Et le département touche 30 %, ce qui est surtout un effet d'aubaine...

M. Benoît Huré. - On en viendrait à regretter les zones de développement éolien, si l'administration ne s'y était pas immiscée avec un insupportable rigorisme. Nous devons être attentifs aux problèmes posés par le démontage des éoliennes en fin de vie, qu'il s'agisse de la partie hors sol ou de celle qui est en sous-sol, car il s'agit d'énormes blocs de béton. Il est normal que les communes d'implantation, qui subissent la nuisance visuelle, reçoivent une part de la fiscalité, mais les petites communes rurales ont parfois tout transféré à la communauté de communes, et il arrive qu'elles thésaurisent pendant que celle-ci fait toutes les dépenses. Dans ma collectivité, nous laissons 30 % aux communes. Nous pourrions fixer une obligation à 20 %, et laisser la possibilité d'aller au-delà, en faisant confiance au local.

M. Guillaume Gontard. - Je suis favorable au développement éolien. Il est déjà possible de restituer 20 % de l'IFER, et même davantage, par accord au sein de l'intercommunalité. Ce type de réflexion doit se faire à l'échelle de l'intercommunalité. Déjà, les opérateurs s'adressent directement aux communes pour les appâter.

M. Jean-François Longeot, rapporteur pour avis. - Le sujet est la répartition de cette fiscalité. Les maires sont inquiets : dans mon département, quatre communes s'étaient mises d'accord pour implanter huit éoliennes et, au dernier moment, l'une est sortie du jeu. Il faut donc modifier cette répartition. Aller jusqu'à 50 % de recettes pour les communes peut se concevoir dans le cadre d'un projet de territoire, mais cela se fera au détriment des départements. En tous cas, si l'on veut développer l'éolien, il faut que les communes bénéficient de quelques retombées.

M. Gérard Cornu. - Je suis pour le développement de l'éolien, mais les dérogations me gênent. Ou alors, pourquoi ne pas en prévoir aussi pour l'installation d'entreprises, par exemple, ou pour celle de centrales nucléaires, ou de centres d'enfouissement ?

M. Jean-François Longeot, rapporteur pour avis. - Il ne s'agit pas de dérogations mais d'une modification de la répartition du produit de l'IFER.

M. Gérard Cornu. - Le fait-on en cas d'installation d'une centrale nucléaire ?

M. Ronan Dantec. - Les intercommunalités qui ont une centrale nucléaire sur leur territoire ne savent plus quoi faire de leur argent... Pour l'éolien, l'intercommunalité est assez loin - c'est une nuisance légère, n'exagérons rien : j'ai récemment inauguré dans mon département un parc éolien qui n'a fait l'objet d'aucun recours. Montrer par la répartition de l'IFER que l'éolien a un impact positif sur le niveau de prestations communales ferait un bon narratif.

Mme Christine Lanfranchi Dorgal. - Pourquoi légiférer, alors que l'intercommunalité peut très bien négocier à son niveau la répartition du produit de l'IFER ? D'ailleurs, c'est à ce niveau que l'aménagement doit être concerté.

M. Jordi Ginesta. - Faut-il vraiment dépenser autant d'argent pour inciter à l'installation d'éoliennes ? L'éolien est totalement subventionné, et sa production est aléatoire, et je ne parle pas du rapport entre son emprise foncière et la puissance qu'il fournit...

M. Hervé Maurey, président. - Cela dépasse l'objet de ces amendements.

Mme Nadia Sollogoub. - Je ne suis pas emballée non plus par l'éolien. Pour une commune, il s'écoule dix ans entre la prise de décision et le moment où l'éolienne est opérationnelle. Souvent, les règles ont changé, et les espoirs initiaux sont déçus. Maire d'une commune située à quatre kilomètres d'une centrale nucléaire, je me rappelle que c'est bien la commune qui bénéficiait des retombées financières, et non l'intercommunalité - ce qui est bien normal, car entre capsules d'iodes et dévalorisation du marché immobilier, les contraintes sont réelles.

M. Jean-Michel Houllegatte. - Les chiffres actualisés relatifs à la puissance éolienne installée sont, en fait, de 13 GWh en France en 2017, contre 61 en Allemagne, 25 au Royaume Uni et 23 en Espagne. Si l'on veut augmenter l'attractivité pour la population, on peut s'inspirer des expériences bretonnes de sociétés de participation locales.

M. Jean-François Longeot, rapporteur pour avis. - Attention, il n'est pas vrai que les intercommunalités ne touchent rien. Mais la répartition peut changer. S'il n'y a aucune incitation financière, pourquoi un maire se ferait-il kamikaze au point d'accepter un projet qui ne lui apportera que des soucis ?

M. Hervé Maurey, président. - Je le répète, cette nouvelle répartition est déjà dans le texte transmis par l'Assemblée nationale. Ceux qui s'opposent à ces mesures doivent déposer des amendements de suppression en séance.

EXAMEN DES AMENDEMENTS

Article 56 sexdecies

M. Hervé Maurey, président. - L'amendement DEVDUR.3 supprime la date du 1er janvier 2019 pour que la nouvelle répartition de l'IFER éolien concerne également les éoliennes existantes.

La commission adopté l'amendement DEVDUR.3.

Articles additionnels après l'article 56 sexdecies

M. Hervé Maurey, président. - L'amendement DEVDUR.1 porte la part d'IFER attribué aux communes à 50 %. L'intercommunalité conserverait 50 % et le département n'aurait plus rien.

M. Benoît Huré. - Et qui entretient les routes ? Inacceptable et démagogique !

La commission n'adopte pas l'amendement DEVDUR.1.

M. Hervé Maurey, président. - L'amendement DEVDUR.2 fait bénéficier d'une partie du produit de l'IFEFR les communes limitrophes, dans un périmètre de 500 mètres, ce qui se comprend.

M. Benoît Huré. - Pourquoi 500 mètres ?

M. Rémy Pointereau. - Toutes les communes ont des éoliennes...

La commission adopte l'amendement DEVDUR.2.

Article 59

M. Hervé Maurey, président. - L'amendement DEVDUR.4 est de conséquence.

La commission adopte l'amendement DEVDUR.4.

M. Jean-Pierre Corbisez. - Il y a une contradiction : si nous donnons 20 % à la commune et 80 % à l'EPCI et au département, comment faire bénéficier aussi les communes limitrophes ?

M. Hervé Maurey, président. - En partageant avec elles la part communale. Mes chers collègues, ces amendements devraient être discutés entre le 7 et le 10 décembre prochain.

Proposition de loi relative à l'obligation de déclaration d'un préavis de grève des contrôleurs aériens - Examen du rapport et du texte de la commission

M. Alain Fouché, rapporteur. - Nous examinons la proposition de loi de Joël Guerriau relative au droit de grève des contrôleurs aériens. Ce texte a un objectif simple : obliger les contrôleurs aériens, mais aussi les autres personnels des services de la navigation aérienne, à déclarer individuellement leur intention de participer à une grève au plus tard 48 heures avant son début, et à informer leur employeur s'ils renoncent à participer à cette grève ou s'ils souhaitent reprendre leur service 24 heures avant. Il s'agit de permettre aux services de la navigation aérienne d'être informés suffisamment à l'avance du nombre de personnels grévistes afin de pouvoir ajuster au mieux l'organisation du service, et donc de réduire les perturbations pour les passagers.

Une telle obligation de déclaration individuelle de participation à une grève existe actuellement dans le secteur des transports, pour les salariés des entreprises de transport terrestre, c'est-à-dire par exemple pour les salariés de la SNCF et la RATP, depuis la loi du 21 août 2007, et pour les salariés des entreprises de transport aérien depuis la loi du 19 mars 2012, dite loi Diard. La proposition de loi étend cette obligation de déclaration individuelle aux personnels de la navigation aérienne.

Ce texte part du constat que la France est, de loin, le pays en Europe qui connaît le plus grand nombre de grèves de contrôleurs aériens. Le rapport très complet de notre collègue Vincent Capo-Canellas, de juillet dernier, sur le contrôle aérien, a ainsi montré que, de 2004 à 2016, la France a enregistré 254 jours de grève des contrôleurs aériens, contre 46 pour la Grèce, 37 pour l'Italie, 10 pour le Portugal et seulement 4 pour l'Allemagne. Ainsi, 67 % des jours de grève du contrôle aérien en Europe se sont produits en France.

Or, compte tenu de la densité du trafic dans l'espace aérien français, chaque jour de grève a des conséquences importantes en termes d'annulations de vol et de retards. Entre 2005 et 2016, les grèves du contrôle aérien français ont causé plus de 160 000 annulations de vols. Ces perturbations sont source de difficultés importantes pour les compagnies aériennes et leurs passagers, tant en terme de coût, que de désagréments pour les passagers et de dégradation de l'image du secteur aérien français. À titre d'exemple, Air France estime que les grèves du contrôle aérien sur les années 2015, 2016 et 2017 ont conduit à 3 300 annulations de vols et 346 000 minutes de retard pour la compagnie, ce qui a représenté un coût de 100 millions d'euros. Une journée de grève se traduit par ailleurs par une perte de recettes pour la direction générale de l'aviation civile (DGAC), estimée entre 3 à 4,5 millions d'euros.

Si, la plupart du temps, les compagnies aériennes sont en capacité d'informer leurs passagers des annulations de vol en amont, il arrive, du fait des difficultés à anticiper le nombre de grévistes et à organiser le service en conséquence, que certains vols soient annulés à chaud, alors que les passagers sont déjà présent dans l'aéroport, voire dans l'avion, ce qui est évidemment très difficile à vivre pour eux. C'est d'ailleurs la principale raison qui motive cette proposition de loi : réduire au maximum les situations difficiles, voire parfois dramatiques dans lesquelles les passagers se retrouvent du fait de l'annulation ou du retard de leur vol.

Observons toutefois que la grève n'est pas la seule cause de retard des avions. Outre les conditions météorologiques et les difficultés de gestion qui incombent aux compagnies aériennes, les principaux retards liés au contrôle aérien résultent du manque de personnels de contrôle - en vertu d'une politique qui a commencé sous M. Sarkozy et s'est prolongée depuis - dans un contexte de très forte croissance du trafic aérien, et de la vétusté des instruments de gestion de la navigation aérienne. Je vous renvoie là-dessus au rapport de Vincent Capo-Canellas, qui présente cela de manière détaillée, et dont il ressort nettement que la France est en retard.

La proposition de loi étend l'obligation de déclaration individuelle de participation à une grève à l'ensemble des personnels des services de la navigation aérienne, et pas seulement aux contrôleurs aériens. Le personnel qui participe à l'activité de contrôle de la navigation aérienne, qui dépendent de la Direction des services de la navigation aérienne (DSNA) - faisant elle-même partie de la DGAC - sont essentiellement constitués de trois corps techniques de fonctionnaires. Il y a, tout d'abord, 4 000 ingénieurs du contrôle de la navigation aérienne, plus communément appelés les contrôleurs aériens, dont 3 500 sont directement affectés aux fonctions d'exercice du contrôle de la circulation aérienne, dans des conditions difficiles vu le manque d'effectifs. Il y a, ensuite, 1 300 ingénieurs électroniciens des systèmes de la sécurité aérienne, qui sont notamment chargés d'assurer le développement et la maintenance des instruments de la navigation aérienne. Il y a, enfin, 1 000 techniciens supérieurs des études et d'exploitation de l'aviation civile, qui exercent le contrôle de la circulation aérienne sur certains aérodromes régionaux et assurent diverses missions d'exploitation, de mise en oeuvre des moyens informatiques, d'enseignement et d'encadrement.

En tant que fonctionnaires appartenant à la fonction publique d'État, ces agents ne peuvent participer à une grève que s'ils sont couverts par un préavis émanant d'une ou plusieurs organisations syndicales représentatives transmis à l'autorité hiérarchique cinq jours francs avant le déclenchement de la grève. Ce délai de préavis est systématiquement respecté par les organisations syndicales. S'il ne l'était pas, l'administration pourrait prendre des sanctions disciplinaires à l'encontre des agents grévistes.

Par ailleurs, les agents de la DSNA sont soumis, depuis la loi du 31 décembre 1984, à une obligation de service minimum en cas de grève. Cela signifie concrètement que certains services essentiels doivent être effectués pendant les grèves, comme les services nécessaires à la continuité de l'action gouvernementale, à l'exécution des missions de la défense nationale et des missions de sauvetage des personnes et des biens, ou encore au maintien de liaisons destinées à éviter l'isolement de la Corse et des territoires d'outre-mer.

Surtout, les dispositifs relatifs au service minimum imposent que la capacité offerte pour les survols dans les espaces aériens gérés par la France soit égale à la moitié de celle qui serait normalement offerte au cours de la période concernée. Par ailleurs, il impose que certains aéroports soient ouverts, pour assurer un certain nombre d'arrivées et de départ de vols négocié au cas par cas. Afin d'assurer cette continuité du service, l'administration procède à la réquisition d'un certain nombre de personnels, qui sont tenus de demeurer en fonction pendant la grève. Ces astreintes tournent entre les personnels en fonction des plannings. Par ailleurs, certains agents qui sont affectés à des postes stratégiques sont astreints d'office, et sont donc privés du droit de grève. Il s'agit par exemple des chefs des centres en route de la navigation aérienne ou des chefs de service de la navigation aérienne.

La France n'est pas le seul pays à avoir mis en place un service minimum en matière de contrôle aérien, puisque c'est le cas également d'autres pays comme l'Espagne, le Portugal, l'Italie ou la Croatie. Le droit de grève des contrôleurs aériens est déjà relativement encadré, puisque les agents grévistes sont soumis à des obligations de service minimum. Ce qu'il manque, c'est, comme à la SNCF, l'obligation pour les agents de déclarer individuellement s'ils participent ou non à une grève. Cette absence d'obligation de déclaration fait que l'administration ne connaît pas à l'avance le nombre de grévistes, et qu'elle doit donc, par précaution, mettre en place un service minimum et demander aux compagnies de supprimer un certain nombre de vols, alors même que cela peut ne pas être nécessaire.

En effet, il arrive parfois que la grève soit peu suivie, et que le nombre de vols annulés soit trop important par rapport aux capacités de contrôle. À l'inverse, lorsqu'une grève est davantage suivie que ce qui était envisagé, cela se traduit par des retards voire des annulations de vols à chaud, car les capacités de contrôle sont saturées. Ce manque de prévisibilité est dommageable puisqu'il ne permet pas d'organiser le service au mieux et de limiter au maximum les perturbations pour les passagers.

Cette situation est particulièrement problématique s'agissant des grèves dites fonction publique. En effet, en tant que fonctionnaires d'État, les personnels de la navigation aérienne sont couverts par les préavis de grève nationaux émis par les organisations syndicales de fonctionnaires. Même si ces grèves nationales sont, au contraire des grèves corporatistes, peu suivies par les fonctionnaires de la DGAC, elles se traduisent par la mise en place de restrictions préventives du trafic aérien, ce qui conduit à des annulations de vols.

Ainsi, en 2017, la DGAC a été affectée par 14 grèves fonction publique et 30 grèves locales et, au premier semestre 2018, par trois mouvements fonction publique et dix mouvements locaux. Ces grèves de solidarité avec le reste de la fonction publique posent des problèmes majeurs pour l'organisation du service de contrôle aérien. Il est donc important, comme le prévoit cette proposition de loi, d'obliger les personnels de la navigation aérienne à informer leur hiérarchie de leur intention de participer ou non à une grève.

Cette obligation de déclaration constitue le maillon manquant du cadre actuel, qui permettra au service minimum de mieux fonctionner, d'être mieux dimensionné et donc de limiter les désagréments pour les passagers - et les coûts exorbitants pour les compagnies.

L'objectif de cette proposition de loi n'est bien évidemment pas de remettre en cause le droit de grève du personnel de la navigation aérienne. Il pourra continuer à faire grève mais devra simplement le déclarer au préalable. Il s'agit plutôt de concilier le droit de grève avec l'exigence de continuité du service public, qui a elle aussi valeur constitutionnelle.

Mme Nicole Bonnefoy. - Je comprends l'objectif de cette proposition de loi, qui est d'assurer un meilleur service, mais l'amélioration doit passer par le dialogue social ! Le personnel de la DGAC est couvert par un protocole social conclu avec sa hiérarchie, qui est revu tous les quatre ans et doit justement l'être en 2019, ce qui rend cette proposition de loi inopportune : elle risque de mettre le feu ! Mieux vaut laisser le temps au dialogue. D'ailleurs, il existe un service minimum, avec un taux de réquisition atteignant parfois les 80 %. Ce sont plutôt ses modalités de mise en oeuvre qu'il faudrait améliorer - mais par le dialogue social. Le préavis de grève existe aussi, et il est de cinq jours. Enfin, imagine-t-on chaque employé aller se déclarer gréviste auprès de son employeur ? Nous voterons contre cette proposition de loi.

M. Patrick Chaize. - Ce texte arrive au mauvais moment, alors que les élections professionnelles se profilent. De plus, il pourrait être plus complet, notamment en s'appuyant sur le rapport de M. Capo-Canellas, qui évoquait d'autres pistes, ou encore en étendant la réflexion à d'autres services publics comme la Poste, où les préavis de grève sont infinis !

Mme Marta de Cidrac. - Cette proposition de loi va dans le bon sens, mais je suis d'accord avec ce qui vient d'être dit : mieux vaudrait une approche plus globale incluant d'autres services publics - et le calendrier n'est pas bon. Quel sera le préavis pour une déclaration individuelle ?

Mme Éliane Assassi. - En 2012, mon groupe a voté contre la loi Diard, et nous avions déposé une proposition de loi supprimant toutes les atteintes au droit de grève dans le secteur des transports. C'est dire que nous voterons contre ce texte, qui apporte une mauvaise réponse à des vraies questions posées par ce secteur, dans lequel la privatisation d'ADP ne va pas arranger la situation. Notre commission des finances a rédigé un rapport pointant les maux du transport aérien et de son contrôle, qui ne se limitent pas aux problèmes posés par les grèves. Nous avons 4 000 contrôleurs aériens et leurs syndicats m'ont dit combien ils étaient sous pression en raison de la forte augmentation du trafic : en 2017, ils ont contrôlé plus de 3,1 millions de vols, soit une hausse de plus de 4 % depuis 2015. Le matériel est vétuste, et les moyens manquent. Ne soyons pas dupes : ce texte est avant tout une réponse à la demande des compagnies aériennes britanniques, hollandaises et hongroises, qui ont porté plainte contre la France auprès de l'Union européenne, l'accusant de n'avoir pas fait assez contre les grèves des contrôleurs aériens.

M. Jordi Ginesta. - Rappelons que 67 % des jours de grève dans l'espace aérien sont dus aux Français ! Il faut supprimer la « clairance », cette tolérance qui consiste à autoriser un contrôleur à quitter son poste si ses collègues estiment qu'ils sont assez nombreux pour assurer le trafic, car elle provoque des retards.

Il conviendrait d'imposer une interdiction de s'absenter pour aller chercher son enfant à l'école. La clairance n'existe que chez les contrôleurs aériens et, n'étant pas codifiée, elle n'entre pas dans le décompte des jours de grève.

M. Jean-François Longeot. - Comme mon collègue Patrick Chaize, je me demande si le moment est bien choisi pour cette proposition de loi, qui suscite beaucoup d'interrogation même au sein d'un syndicat réformiste. Je m'abstiendrai donc. Ne mettons pas le feu aux poudres... il y en a déjà assez qui traîne en ce moment ! Pourquoi imposer une telle obligation aux contrôleurs aériens, et pas dans d'autres métiers ? Évitons les polémiques inévitables que suscitera ce texte.

M. Alain Fouché, rapporteur. - Madame Bonnefoy, le dialogue social a bien lieu. Certaines organisations syndicales que nous avons entendues sont opposées à ce texte, d'autres demandent en compensation une réduction de l'obligation de service minimum - ce qui n'est, bien entendu, pas souhaitable. Je doute que les prochaines négociations sociales les fassent changer d'avis sur ce point.

L'obligation d'indiquer l'intention de participer à une grève est envisagée depuis longtemps, mais on trouve toujours une bonne raison de ne pas le faire. Or elle existe à la RATP, à la SNCF et chez Air France ! Il ne s'agit pas de faire une révolution, mais d'améliorer la situation des passagers et de leur famille.

Monsieur Chaize, vous souhaitez élargir le champ du texte, mais pour le moment il est ce qu'il est...

Madame de Cidrac, le délai minimal pour le dépôt du préavis de grève reste de cinq jours : aucun changement de ce point de vue-là ; mais la déclaration d'intention de participer à la grève devra être déposée au moins 48 heures avant.

Je suis d'accord avec vous sur un point, madame Assassi : nous manquons de personnel. Cela est d'ailleurs vrai dans d'autres secteurs : nous perdons beaucoup d'argent, chaque année, parce que nos services fiscaux n'ont pas d'effectifs suffisants pour lutter contre la fraude qui est énorme, notamment chez les compagnies étrangères. Mais la préoccupation première de l'auteur du texte, Joël Guerriau, n'est pas l'argent : ce sont les droits des passagers.

Monsieur Ginesta, le problème que vous évoquez relève de l'organisation du travail.

M. Jordi Ginesta. - Avec la clairance, les contrôleurs peuvent s'absenter sans rendre des comptes, et il arrive qu'un avion attende un quart d'heure parce que le contrôleur est allé déposer ses enfants à l'école.

M. Alain Fouché, rapporteur. - C'est une pratique qui relève de l'usage et ne figure donc pas dans la loi ; voilà le problème. Si vous le souhaitez, vous pouvez amender le texte en séance.

Monsieur Longeot, ce n'est jamais le bon moment pour examiner ce texte ! En janvier, on tirera prétexte des menaces de grève pour les vacances de février, en avril ce seront les vacances de Pâques, et ainsi de suite. Je vous propose donc de voter cet excellent texte.

EXAMEN ARTICLES

Article unique

M. Alain Fouché, rapporteur. - L'obligation de déclaration individuelle de participation ne doit concerner que le personnel de navigation qui concourt directement au transport. La rédaction initiale est trop large. Dans sa décision du 16 août 2007 relative à la loi sur le dialogue social et la continuité du service public dans les transports terrestres réguliers de voyageurs de 2007, qui instaurait une telle obligation de déclaration préalable pour les salariés des entreprises de transport terrestre de voyageurs, le Conseil constitutionnel avait estimé que cette obligation « ne saurait être étendue à l'ensemble des salariés » et qu'elle « n'est opposable qu'aux seuls salariés dont la présence détermine directement l'offre de services ». Mon amendement COM-1 modifie la rédaction de l'article pour en tenir compte.

L'amendement COM-1 est adopté.

M. Alain Fouché, rapporteur. - L'amendement COM-2 rend l'obligation de déclaration individuelle de participation à une grève applicable lors du lancement de la grève et pendant toute la durée du mouvement. Les agents qui rejoignent la grève en cours seront ainsi soumis à l'obligation.

L'amendement COM-2  est adopté.

M. Alain Fouché, rapporteur. - Mon amendement COM-3 oblige les agents qui décident de participer à une grève à en informer soit leur chef de service, soit la personne chargée par lui de l'organisation du service.

L'amendement COM-3 est adopté.

M. Alain Fouché, rapporteur. - L'amendement COM-4 est rédactionnel.

L'amendement COM-4 est adopté.

M. Alain Fouché, rapporteur. - Mon amendement COM-5 protège les informations issues des déclarations individuelles de participation à une grève en punissant d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende le fait de les utiliser à d'autres fins que l'organisation du service pendant la grève ou de les communiquer à des tiers.

L'amendement COM-5 est adopté.

M. Alain Fouché, rapporteur. - Mon amendement COM-6 supprime le renvoi à un décret d'application. Les dispositions de la proposition de loi se suffisent à elles-mêmes.

L'amendement COM-6 est adopté.

Intitulé de la proposition de loi

M. Alain Fouché, rapporteur. - En tant que fonctionnaires d'État, les agents des services de la navigation aérienne sont déjà tenus par l'obligation de dépôt d'un préavis cinq jours francs avant le déclenchement de la grève. Il convient donc de modifier l'intitulé de ce texte, dont l'objet est d'obliger ces agents à informer individuellement leur hiérarchie de leur intention de participer à une grève, et non à déposer un préavis. C'est l'objet de l'amendement  COM-7.

L'amendement COM-7 est adopté. L'article unique est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

La proposition de loi est adoptée dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Projet de loi de finances pour 2019 - Mission « Cohésion des territoires » - Examen du rapport pour avis

M. Louis-Jean de Nicolaÿ, rapporteur pour avis. - Ce rapport pour avis comprend les crédits des programmes 162 et 112 de la mission « Cohésion des territoires » et du compte d'affectation spéciale (CAS) dédié au financement des aides à l'électrification rurale (FACÉ).

Le projet de budget pour 2019 ne tient pas compte de la création prochaine de l'Agence nationale de la cohésion des territoires, prévue par la proposition de loi portant création de cette agence, adoptée par le Sénat, sur mon rapport, le 8 novembre dernier.

Les crédits qui font l'objet de mon rapport pour avis représentent une partie des 8 milliards d'euros consacrés à l'aménagement du territoire, répartis dans 29 programmes et 12 missions différentes.

Les financements alloués au programme 112 « Impulsion et coordination de la politique d'aménagement du territoire » sont presque stables : les autorisations d'engagement demandées pour 2019 s'élèvent à 202 millions d'euros, en hausse de 4 % par rapport à 2018. Les crédits de paiement demandés s'établissent à 243 millions d'euros, en baisse de 4 % par rapport à 2018.

Ces crédits sont mobilisés principalement dans le cadre du Fonds national d'aménagement et de développement du territoire (FNADT), outil transversal de la politique d'aménagement du territoire, et dans le cadre des contrats de plan État-région (CPER). Les CPER, qui représentent 62 % des autorisations d'engagement du programme 112 et 47 % de ses crédits de paiement, financent notamment la redynamisation des territoires touchés par la fermeture de sites militaires, la revitalisation des centres-villes ainsi que le soutien aux maisons de services au public (MSAP).

Les autorisations d'engagement du programme 162 « Interventions territoriales de l'État » sont en hausse de 5,3 % par rapport à 2018, à 35,7 millions d'euros et les crédits de paiement demandés s'élèvent à 25,8 millions d'euros, soit une baisse de 5,5 % par rapport à 2018.

Ces crédits sont mobilisés en complémentarité avec d'autres instruments financiers de l'État, tels que la dotation de soutien à l'investissement public local (DSIL) et la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR), financées par le programme 119 « Concours financiers aux collectivités territoriales et à leurs groupements ».

Pour rappel, les contrats de ruralité sont désormais financés par le programme 119 au sein de l'enveloppe consacrée à la DSIL. Il n'y a donc plus de fléchage clair vers ce dispositif, comme c'était le cas auparavant au sein du programme 112. Par conséquent, le programme 112 ne comporte plus que des crédits de paiement pour les contrats de ruralité engagés avant ce transfert.

Enfin, le CAS FACÉ est doté de 360 millions comme en 2018. Depuis plusieurs années, le Sénat recommande d'en faire évoluer le dimensionnement et la gestion pour l'adapter aux enjeux de la transition énergétique ; il serait opportun que le Gouvernement se mobilise sur ce sujet car les communes rurales ont besoin de soutien en matière environnementale.

Les crédits des programmes 112 et 162 appellent quatre remarques. D'abord, depuis 2017, les autorisations d'engagement demandées au titre du programme 112 sont en baisse globale de 50 %. Ensuite, j'avais déjà attiré l'attention de notre commission sur l'érosion continue de la prime d'aménagement du territoire (PAT), elle aussi financée par le même programme 112, qui, malgré sa modeste envergure - près de 20 millions d'euros - exerce un effet de levier financier très important pour soutenir le développement des territoires : à chaque tranche de 100 000 euros de PAT engagée correspondent 26 emplois maintenus ou créés dans les territoires. C'est pourquoi je regrette que les montants alloués à la PAT aient été divisés par quatre depuis 2013, avec des autorisations d'engagement en forte réduction, à 10 millions d'euros, pour 2019 alors que les besoins de financement sont restés stables. Sur ce point, je salue le travail du rapporteur spécial Bernard Delcros, qui devrait proposer une augmentation du montant alloué à la PAT.

La troisième remarque porte sur le programme 162, qui constitue une enveloppe à la main des préfets, pour conduire des programmes territorialisés. Le plan exceptionnel de soutien à l'investissement en Corse, qui correspond à l'action n° 4, représente désormais plus de 70 % des crédits de ce programme.

La fin de l'action de l'État portée par le programme 162 dans le Marais poitevin est prévue pour 2019 ; elle se poursuivra après cette date dans le cadre des crédits de droit commun, c'est-à-dire la DETR et la DSIL. Nous pouvons nous féliciter du bon état restauré des prairies et des écosystèmes du Marais, zone humide d'intérêt international puisque située sur la route des migrations de nombreux oiseaux entre l'Arctique et l'Afrique tropicale.

Le plan Littoral 21, qui vise à redynamiser le littoral occitan en modernisant ses infrastructures, monte en puissance : les crédits consacrés à cette action augmentent de 300 % et s'établissent à près de 4 millions d'euros en autorisations d'engagement et 2,5 millions d'euros en crédits de paiement. Ils serviront à financer un ensemble de projets détaillés dans mon rapport.

Enfin, le programme 162 contient les crédits du plan Chlordécone. Cet insecticide, utilisé depuis les années soixante-dix, principalement dans la production bananière en Martinique et en Guadeloupe, a eu de graves conséquences en matière de santé publique et de pollution des sols. Les mots courageux prononcés par le Président de la République aux Antilles en septembre dernier l'honorent, mais l'obligent aussi. Alors que l'on constate une corrélation forte entre la présence de chlordécone dans le corps humain, la survenue de naissances prématurées et de retards de développement cérébral, le Président de la République, disposé à « regarder les choses en face » sur ce désastre, a annoncé que 3 millions d'euros seraient mobilisés pour le plan Chlordécone sur deux ans. Pourtant, seuls 2 millions d'euros sont inscrits dans le projet de budget pour 2019 au titre du programme 162 ; je m'étonne de ce décalage.

Au-delà des questions de santé publique et d'environnement, l'enjeu consiste aussi à tendre vers la souveraineté alimentaire des Antilles françaises.

Pour votre parfaite information, l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) et l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) devraient rendre un rapport sur la question des maladies professionnelles liées au chlordécone avant mars 2019.

Les contours budgétaires et financiers de l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) demeurent flous, et l'on ne sait pas dans quelle mesure les programmes 112 et 147 l'alimenteront, le programme 147 concernant la politique de la ville. Si ce dernier est mis à contribution, le risque de voir la vocation urbaine de l'agence l'emporter sur sa vocation rurale est réel. J'y serai attentif au cours de mes échanges avec la rapporteure de l'Assemblée nationale, Mme Yolaine de Courson.

Enfin, le contrat de cohésion territoriale évoqué par le rapport de préfiguration du préfet Serge Morvan devrait contribuer à la rationalisation, que j'appelle de mes voeux, des quelque 1 235 instruments de contractualisation existant actuellement entre l'État et les collectivités territoriales. Il serait donc opportun que le financement de ces contrats, qui pourraient avoir vocation à intégrer les contrats de ruralité, revienne dans le champ du programme 112.

Dans ce contexte de forte incertitude, l'évolution des fonds alloués à ces programmes ne répond pas à la nécessité de replacer l'aménagement du territoire au coeur des politiques publiques. L'ambition affichée par le Gouvernement de renouer avec les territoires, à dix-huit mois des élections municipales, ne se traduit pas par des moyens à la hauteur. Je vous propose par conséquent d'émettre un avis défavorable à l'adoption de ces crédits.

M. Hervé Maurey, président. - Je vous remercie, monsieur le rapporteur, de la qualité de votre travail. Ce budget suscite nombre d'inquiétudes : la loi de programmation des finances publiques prévoit, sur la durée du quinquennat, une baisse des crédits de trois milliards d'euros. De plus, la seule augmentation prévue dans le budget de cette mission va à la politique de la ville.

M. Christophe Priou. - Le rapporteur a salué l'augmentation de 1 à 4 millions d'euros des autorisations d'engagement au titre du plan Littoral 21, lancé par la région Occitanie pour la prévention de la submersion marine, de l'érosion et de la protection des personnes et des biens, dont le budget devrait atteindre près de 900 millions d'euros d'ici à 2025. Il faudra cependant déterminer, dans le cadre du plan de prévention des risques naturels, qui est le maître d'ouvrage de l'opération : la Région ou l'État ? Hier, le conseil d'administration du Conservatoire du littoral, auquel Jérôme Bignon et moi-même avons assisté, a appelé l'attention des élus sur les risques de submersion des littoraux français. Cette ligne de crédit est bienvenue, mais il conviendra de la répliquer pour d'autres régions.

M. Éric Gold. - L'installation de l'ANCT n'a pas été entièrement anticipée dans ce projet de loi de finances : la diminution des crédits du programme 112, la suppression de postes prévue au sein du Commissariat général à l'égalité des territoires (CGET) ne risquent-elles de mettre à mal les débuts de cette agence ?

M. Guillaume Chevrollier. - Je vous remercie de l'attention que vous portez à l'équilibre entre les fonds affectés aux territoires urbains et ruraux. Le plan « Action coeur de ville » suscite beaucoup d'intérêt des collectivités territoriales ; mais le besoin d'investissement dans les petites communes et les petits villages est tout aussi important. J'ai ainsi été interpellé par une commune qui souhaitait actionner le fonds de compensation de la TVA pour investir dans un petit commerce ; comme les conditions n'étaient pas réunies, elle a dû y renoncer. Il convient de donner aux communes la possibilité d'investir, notamment dans un patrimoine appartenant à des tiers.

M. Claude Bérit-Débat. - Le groupe socialiste et républicain s'abstiendra, notamment en raison de ses interrogations sur l'ANCT, et présentera en séance des amendements explicitant ses positions. Ces interrogations portent notamment sur le programme 162 et la baisse substantielle de la prime d'aménagement du territoire dans le cadre du programme 112.

M. Didier Mandelli. - Certes, les autorisations d'engagements au titre du plan Littoral 21 sont portées de 1 à 4 millions d'euros, et les crédits de paiement de 500 000 à 2,5 millions d'euros. Néanmoins, dans le cadre du PLF 2018, le fonds de prévention des risques naturels majeurs, dit fonds Barnier, a été plafonné par le Gouvernement à 139 millions d'euros, alors que les fonds collectés auprès des assurés - entreprises, collectivités et particuliers - atteignaient 210 millions d'euros. En d'autres termes, 71 millions ont été ponctionnés par l'État, après 55 millions l'année précédente. Les besoins liés à la prévention des risques sur le littoral sont immenses. Il faut donc mettre en regard cette multiplication par quatre de l'aide de l'État avec les 71 millions d'euros manquants dans le budget de l'année dernière.

M. Louis-Jean de Nicolaÿ, rapporteur pour avis. - Le plan Littoral 21 a été décidé parce que le développement rapide du littoral méditerranéen - à la Grande Motte par exemple - s'est fait à une époque où les risques de submersion marine étaient peu pris en compte. C'est un programme lancé par la Région et accompagné par l'État, à un niveau certes relativement modeste. La maîtrise d'ouvrage a vocation à être décidée au cas par cas, en fonction des projets entre l'État et la région. Nous verrons dans quelques années si ce plan produit des résultats, avant d'envisager son extension dans d'autres régions comme les Pays-de-la-Loire ou la Bretagne.

La ponction que vous évoquez, monsieur Mandelli, a en effet alimenté le budget de l'État et non celui des territoires.

Monsieur Gold, en évoquant l'inaction du Gouvernement vis-à-vis de la création de l'ANCT, je faisais référence aux contrats de ruralité et à la baisse du nombre de postes au CGET - de 281 à 265 ETP. Cela augure mal de la volonté de l'État sur ce sujet, malgré l'intention annoncée de donner la priorité à la ruralité.

Monsieur Bérit-Débat, je comprends le scepticisme de votre groupe, qui est partagé, sur l'ANCT. J'espère qu'elle sera vraiment utile aux territoires ruraux. Je souhaite, moi aussi, que les crédits de la PAT remontent à 15 millions d'euros. À Amiens, elle a permis la reprise d'une entreprise. Sans prime d'aménagement du territoire pour attirer les grandes entreprises, il y a peu de chance qu'elles viennent. Elles s'installeront aux portes des grandes villes.

La commission émet un avis défavorable à l'adoption des crédits de la mission « Cohésion des territoires ».

La réunion est close à 11 h 20.